Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité 83

été mentionnée comme une avenue possible pour .... Le score relativement faible de Venson-Moitoi peut également être expliqué ...... Tel: +221 33 860 3304/42.
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NUMÉRO 83 | AOÛT 2016

Dans ce numéro ■

Coup de projecteur sur le 27e Sommet de l’UA à Kigali Les dirigeants africains tentent de trouver une solution au conflit sud-soudanais Trente États s’abstiennent au dernier tour de scrutin lors de l’élection du nouveau président de la Commission de l’Union africaine (CUA), causant un blocage. Les chefs d’État et de gouvernement africains adoptent à l’unanimité une nouvelle proposition devant permettre à l’UA de s’autofinancer. Les dirigeants des pays membres de l’UA demandent une nouvelle fois à la Cour pénale internationale de retirer ses accusations contre le président du Soudan Omar el-Béchir.



Analyse de situation L’UA est de plus en plus préoccupée par la situation

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité

en Libye et veut instaurer un dialogue national pour promouvoir la réconciliation. ■

Entretien avec le CPS Le facilitateur de l’UA en RDC, Edem Kodjo, indique au Rapport sur le CPS que tout est désormais en place pour le lancement dans un futur proche d’un dialogue national.

“ Le président

sud-soudanais a refusé le déploiement d’une telle brigade Page 3

“ Chaque région

a voté pour son candidat ou s’est abstenue Page 9

“ Le dialogue

principal doit rassembler les « poids lourds » politiques Page 20

RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

À l’ordre du jour : En quête d’incitatifs pour pacifier le Soudan du Sud La reprise des combats au Soudan du Sud figurait en tête de l’ordre du jour des chefs d’État lors du 27e Sommet de l’UA à Kigali. Le sommet a approuvé la décision de renforcer la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) pour accroître son efficacité face aux nouvelles réalités sur le terrain. La possibilité de mettre en place une brigade d’intervention semblable à celle déployée au sein de la Mission de stabilisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (RDC) a également été évoquée lors du sommet, mais le gouvernement du Soudan du Sud a rejeté une telle option. À peine trois mois après que le gouvernement d’union nationale de transition sud-soudanais est entré en fonction suite à l’accord de paix signé en août 2015, des combats ont éclaté le 7 juillet dernier entre le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) et le SPLM-IO (SPLM dans l’opposition) dans la capitale sud-soudanaise Juba. Après des jours de combats, lors desquels plusieurs centaines de personnes sont mortes, la plupart des troupes du SPLM-IO ont quitté Juba. Selon certains rapports, le leader du SPLM-IO, Riek Machar, serait caché dans un lieu inconnu en dehors de la capitale. Il est possible qu’il n’accepte de rentrer à Juba que si une force internationale est déployée pour le protéger, lui et ses troupes.

Président actuel du CPS S.E.M. Lazare Makayat Safouesse Ambassadeur de la République du Congo en Éthiopie et Représentant permanent auprès de l’UA et de l’UNECA

Les membres actuels du CPS sont : l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Botswana, le Burundi, l’Égypte, le Kenya, le Niger, le Nigeria, l’Ouganda, la République du Congo, le Rwanda, la Sierra Leone, le Tchad, le Togo et la Zambie.

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La reprise des combats survient alors que des désaccords récurrents déchirent le gouvernement de transition Cette option a toutefois été rejetée par le président Salva Kiir. Kiir a nommé le ministre des Mines, Taban Deng, au poste de vice-président en l’absence de Machar, lequel se voit ainsi encore une fois dépouillé de ce titre. Machar avait déjà été limogé de la vice-présidence en 2013, ce qui avait contribué au déclenchement de la guerre au Soudan du Sud. La reprise des combats, laquelle sonne le glas d’un fragile cessez-le-feu, survient alors que des désaccords récurrents déchirent le gouvernement de transition sur de nombreuses questions, y compris sur la décision contestée du gouvernement de Kiir de diviser le pays en 28 nouveaux États.

Appel en faveur du déploiement d’une brigade sous conduite africaine pour protéger les civils Dans le sillage de cette dernière flambée de violence, le Conseil des ministres de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) a convoqué

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une réunion extraordinaire le 11 juillet dernier. Dans son communiqué, l’organe appelle à « un cessez-le-feu immédiat ; à la réouverture de l’aéroport international de Juba [qui doit être] protégé par la MINUSS ; au retour immédiat de toutes les forces armées et de leur armement dans leurs casernes ; à l’ouverture d’un couloir humanitaire ; à une révision urgente du mandat de la MINUSS, en vue d’établir une brigade d’intervention et d’augmenter le nombre de troupes issues de la région pour, entre autres, protéger Juba ; à l’imputabilité des personnes responsables de la détérioration générale de l’ordre public ; [et] à la mise en place immédiate de mesures de sécurité tel que prévu dans l’ARCSS [l’Accord sur la résolution du conflit en République du Soudan du Sud].

Le communiqué de l’IGAD-Plus ne comporte aucune mention d’une brigade qui serait dirigée par des Africains Lors de cette même journée, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) a approuvé cette décision, y compris la recommandation de réviser le mandat de la MINUSS. Cependant, cette approbation n’est pas totale puisque l’UA appelle plutôt à « la mise sur pied d’une brigade d’intervention dirigée par l’Afrique et [à l’accroissement du] nombre de troupes pour, entre autres, fournir la protection aux civils, la sécurité à Juba et dans l’ensemble du pays ». À la veille de l’Assemblée de l’UA à Kigali, l’IGAD a convoqué une rencontre qui réunissait ses États membres ainsi que le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, le président tchadien et l’actuel président en exercice de l’UA Idriss Déby, le vice-président nigérian Osinbajo Gcon, le président rwandais Paul Kagamé, le président sud-africain Jacob Zuma, la présidente de la Commission de l’UA Nkosazana Dlamini-Zuma, le haut-représentant de l’UA pour le Soudan du Sud Alpha Oumar Konaré et le président de la Commission conjointe de suivi et d’évaluation pour le Soudan du Sud Festus Mogae. Suite à cette réunion, un communiqué conjoint de ce groupe d’acteurs, appelé l’IGAD-Plus, a été publié. Le document appelle « le Conseil de sécurité de l’ONU à prolonger le mandat de la MINUSS avec un mandat révisé afin, entre autres, de servir de force de protection

pour séparer les parties belligérantes, pour protéger les principales infrastructures, pour assurer la sécurité de la population civile et pour pacifier Juba ». La différence entre la décision de l’IGAD-Plus et celle du Conseil des ministres de l’IGAD du 11 juillet réside dans le fait que la première prend en compte l’opposition de Kiir au déploiement d’une brigade d’intervention. En effet, le communiqué de l’IGAD-Plus ne comporte aucune mention d’une brigade qui serait dirigée par des Africains. Pour compliquer les choses, le commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’UA, Smaïl Chergui, a déclaré lors d’une conférence de presse après le sommet de Kigali que l’UA entendait déployer au Soudan du Sud une brigade d’intervention similaire à celle déployée en 2013 par des pays africains en RDC. Au moment d’écrire ces lignes, le président sud-soudanais refuse toujours le déploiement d’une telle force malgré les appels en ce sens de son allié le plus proche dans la région, le président ougandais Yoweri Museveni. Bien que les différents communiqués concernant le Soudan du Sud semblent converger, certaines différences transparaissent pourtant clairement concernant tant la question du déploiement d’une brigade dirigée par des Africains que celle du renforcement de la MINUSS. Des points de divergence existent également entre le CPS et l’IGAD-Plus sur la question de l’imputabilité.

Un renforcement de la MINUSS ne requiert pas le consentement explicite du gouvernement sud-soudanais Plus de troupes offensives permettrait d’améliorer la protection des civils L’option de prédilection de l’IGAD-Plus, laquelle a été endossée par l’Assemblée de l’UA lors du sommet de Kigali, prévoit le renforcement de la MINUSS et la prorogation de son mandat. Une telle démarche présente l’avantage de ne pas nécessiter le consentement explicite du gouvernement du Soudan du Sud, se concentrant plutôt sur l’adaptation de la mission actuelle à la détérioration de la situation. L’option d’une brigade d’intervention – privilégiée par l’IGAD dans son premier communiqué du 11 juillet

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ et endossée par l’UA notamment par l’intermédiaire de Chergui suite au sommet de Kigali – est susceptible de retarder la protection des civils en raison de l’opposition du gouvernement à un tel déploiement. Il est également peu probable que le CPS permette un tel déploiement sans le consentement de l’État concerné, tel que cela a pu être constaté au Burundi au début de l’année. En outre, au vu de la situation actuelle, il est possible de s’interroger sur la pertinence du déploiement d’une force d’intervention basée sur le modèle de la brigade œuvrant en RDC. La Brigade d’intervention de la MONUSCO, composée de troupes provenant d’Afrique du Sud, de Tanzanie et du Malawi, a « pour responsabilité de neutraliser les groupes armés, […] et pour objectif de contribuer à réduire la menace que représentent les groupes armés pour l’autorité de l’État et la sécurité des civils dans l’est de la République démocratique du Congo et de préparer le terrain pour les activités de stabilisation ».

Il est possible de s’interroger sur la pertinence du déploiement d’une force d’intervention basée sur le modèle de la brigade œuvrant en RDC Pour mener à bien ce mandat, la brigade jouit de l’appui du gouvernement hôte et de celui des pays voisins. Au Soudan du Sud, une brigade d’intervention serait confrontée à une situation très différente, caractérisée par une fracture entre les parties belligérantes, incluant les forces armées de l’État hôte. Dans cette configuration, le principal défi serait de constituer une zone tampon sans se retrouver en guerre avec les deux parties au conflit. Dans les deux cas, la difficulté consiste à attribuer des capacités adéquates à un mandat déjà robuste. L’une des faiblesses de la MINUSS est la réticence de nombreux pays fournissant des contingents à permettre à leurs troupes de prendre part à des opérations offensives liées à la protection des civils. L’envoi de troupes supplémentaires provenant d’États africains désireux de participer activement à ce type d’opérations permettrait d’améliorer la capacité de la MINUSS à protéger les civils. Un surplus de troupes permettrait en effet à la MINUSS non seulement d’assurer la sécurité des sites dédiés à la protection des civils, mais aussi d’étendre cette protection en dehors de ces sites.

Août 2015 SIGNATURE DE L’ACCORD SUR LA RÉSOLUTION DU CONFLIT EN RÉPUBLIQUE DU SOUDAN DU SUD

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En même temps, les limitations souvent imposées par le gouvernement sudsoudanais à la mobilité du personnel de la MINUSS devront être abordées.

La souveraineté ou la responsabilité de protéger ? Malgré leurs différences, les deux options décrites ci-dessus seraient confrontées aux mêmes défis concernant la protection des civils. Ce point constitue déjà une partie importante du mandat actuel de la MINUSS qui ne dispose toutefois pas des ressources nécessaires à sa mise en

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œuvre. La mission onusienne fait face à un manque cruel d’hélicoptères. De plus, ses troupes ne sont pas disposées à se livrer à des activités à haut risque et des désaccords internes subsistent concernant l’interprétation du mandat. Le principal défi consiste à trouver une manière de protéger les civils lorsque tant le gouvernement que l’opposition constituent une menace à leur bien-être. Les tensions entre le respect du principe de la souveraineté et la mise en œuvre de la responsabilité de protéger sont ici flagrantes. Compte tenu de la fracture actuelle sur cette question au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU), un éventuel renforcement du mandat de la MINUSS basé sur la protection des civils et axé sur l’imposition de la paix semble incertain sans le consentement du pays hôte. En outre, l’accent mis par l’IGAD sur la « protection des principales infrastructures », sur la « sécurisation » ou la « pacification » de Juba et sur la protection des civils pourrait donner l’impression que la communauté internationale a l’intention de prendre en charge le maintien de l’ordre au Soudan du Sud. Un tel choix nécessiterait une forte cohésion entre les États membres du CPS ainsi qu’une volonté exemplaire pour surmonter les divisions potentielles au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU).

Comment protéger les civils lorsque tant le gouvernement que l’opposition constituent une menace à leur bien-être ? L’appel de l’IGAD en faveur de la pacification de Juba soulève de nombreuses questions concernant sa mise

public. Cependant, les attaques contre les civils et la détérioration de l’ordre public sont les conséquences de l’absence d’engagement de la part des deux parties envers un processus de paix. Par conséquent, bien que la protection des civils et le retour de l’ordre public soient des aspects cruciaux de la situation actuelle, ces questions détournent l’attention du processus politique, lequel vise à traiter les causes profondes du conflit et à développer une nouvelle approche militaire.

À quels incitatifs la communauté internationale peut-elle recourir pour que les parties consentent à mettre en œuvre l’accord de paix ? La question demeure : à quels incitatifs la communauté internationale (l’UA, l’IGAD et l’ONU) peut-elle recourir pour que les parties consentent à mettre en œuvre l’accord de paix ? La mise en place d’un embargo sur les armes a souvent été mentionnée comme une avenue possible pour réduire l’intensité du conflit dans le pays. Cependant, cette option a été écartée par certains membres permanents du CSNU et par des acteurs régionaux. Au cours de sa conférence de presse à Kigali, Chergui a également exclu l’imposition de sanctions et le recours à un embargo contre les belligérants, en déclarant : « nous espérons toujours ne pas avoir à en arriver là. Nous espérons encore que le cessez-le-feu tiendra ». Jusqu’à présent, le CPS n’a pas envisagé l’adoption de sanctions contre le Soudan du Sud vu la réticence qui prévaut entre les États membres face à l’imposition de mesures punitives.

en œuvre. Pour que Kiir accepte un tel projet, il faudrait qu’une importante influence politique soit exercée. L’on peut aussi se demander si l’éventuel retrait de Juba des combattants des deux parties belligérantes n’aurait pas pour conséquence de tout simplement exporter la violence dans d’autres parties du pays sans régler les causes profondes du contexte actuel.

Un manque d’incitatifs à faire la paix Les réactions face à la reprise des combats au Soudan du Sud ont jusqu’ici principalement porté sur la protection des civils et le retour de l’ordre

Un manque criant de mesures pour assurer la reddition de comptes Le premier communiqué de l’IGAD suite à sa réunion du 11 juillet appelle à « la reddition de comptes de la part des personnes responsables de la détérioration générale de l’ordre public ». Ce communiqué a été approuvé à Kigali par les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’IGAD-Plus, lesquels appellent à la mise sur pied immédiate d’« une enquête sur les récentes violences à Juba et ailleurs au Soudan du Sud en vue d’assurer la reddition de comptes des personnes

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ responsables de l’effondrement de l’ordre public ». Cependant, aucune mention n’est faite du cadre dans lequel devrait s’inscrire une telle enquête. En outre, aucun des communiqués ne fait référence à l’appel, enchâssé dans l’accord de paix d’août 2015, en faveur de la mise en place d’un tribunal hybride visant à juger les personnes accusées de s’être rendues coupables de violations du droit international humanitaire. Même l’UA – qui est pourtant censée aider le Soudan du Sud dans la création de ce tribunal hybride – a omis d’en faire mention, y compris dans le communiqué publié par le CPS le 11 juillet dernier. La question de la reddition de comptes n’est abordée nulle part. Ce silence entourant la mise en place de ce tribunal fait suite à un appel conjoint lancé par Kiir et Machar demandant l’établissement, en lieu et place du tribunal, d’une commission de vérité et de réconciliation.

Aucun des communiqués ne fait référence à la mise en place d’un tribunal hybride visant à juger les personnes accusées de violations du droit international humanitaire La question reste entière à savoir comment prévenir d’autres atrocités en assurant la responsabilité de ceux ayant perpétré des abus alors même que l’incertitude persiste quant aux mécanismes destinés à mettre en œuvre cette reddition de comptes. Il semble que les parties prenantes aient pris le parti d’aborder de manière systématique la question de la reddition de comptes sans toutefois rien mettre en place pour en faire une réalité. En conclusion, bien que l’UA, l’IGAD et l’ONU soient en mesure d’aider les civils en améliorant leur sécurité, l’approche actuelle de la communauté internationale manque d’incitatifs pour remédier aux causes politiques de la crise au Soudan du Sud.

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À l’ordre du jour Élection du nouveau président de la Commission de l’UA : entre abstentions et divisions régionales L’élection de la nouvelle Commission de l’UA (CUA) par l’Assemblée et le Conseil exécutif de l’UA représentait le point le plus important de l’ordre du jour du 27e sommet de l’UA qui s’est tenu à Kigali. Cependant, aucun des candidats à la présidence de la CUA n’a réussi à obtenir la majorité aux deux tiers requise, repoussant le scrutin à janvier 2017. Il était clair que l’élection du nouveau président serait compliquée. Avant même le jour du scrutin, la rumeur selon laquelle les chefs d’État n’étaient pas satisfaits des candidats pour le poste et qu’ils envisageaient un report du scrutin afin de rouvrir le processus de candidature circulait. Au début du sommet, seuls trois individus avaient déposé leur candidature pour le poste : Specioza Wandira Kazibwe, ancienne vice-présidente de l’Ouganda, Agapito Mba Mokuy, ministre des Affaires étrangères de la Guinée équatoriale, et Pelonomi Venson-Moitoi, ministre des Affaires étrangères du Botswana.

La rumeur selon laquelle les chefs d’État n’étaient pas satisfaits des candidats pour le poste circulait La CÉDEAO demande un report du vote Au premier jour du sommet, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CÉDEAO) a soumis une requête en faveur d’un report du scrutin afin de permettre à de nouveaux candidats de se lancer dans la course. Le Sénégal a annoncé son intention de soumettre la candidature d’Abdoulaye Bathily, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique centrale. Toutefois, la requête de la CÉDEAO a été rejetée à la fois lors de la réunion du Comité des représentants permanents et durant la rencontre des chefs d’État et de gouvernement, faute d’assise juridique. Le scrutin a finalement eu lieu le 18 juillet. Il a toutefois été suspendu après sept tours. Kazibwe a été éliminé après trois tours, ayant obtenu le moins de voix (11), juste derrière Mokuy (12) et Venson-Moitoi (16). Le candidat de la Guinée équatoriale a ensuite été éliminé à l’issue des trois tours suivants, obtenant 16 voix contre 17 pour la candidate du Botswana. Lors du dernier tour, Venson-Moitoi n’a pu récolter que 23 voix, échouant ainsi à s’attirer le soutien des deux tiers requis des 53 pays membres présents de l’organisation continentale pour devenir présidente de la CUA. Le seul pays à ne pas avoir voté est le Burundi qui a quitté le sommet la veille du vote afin, selon les rumeurs, de protester contre le manque de progrès face au problème des réfugiés burundais au Rwanda.

Janvier 2017 NOUVELLES ÉLECTIONS POUR LA COMMISSION DE L’UA

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ Une course marquée par les abstentions Lors du 7e et dernier tour de scrutin, 30 États se sont abstenus. Il s’agit d’un record dans l’histoire électorale de la CUA. Au cours des trois premiers tours, on a compté quinze abstentions ; lors des trois tours suivants il y en a eu vingt. À titre de comparaison, en juillet 2012, après l’élimination de Jean Ping et en dépit des tensions qui régnaient, seuls 17 pays avaient préféré s’abstenir du scrutin, laissant le champ libre à l’élection de Nkosazana Dlamini-Zuma au poste de présidente de la CUA.

De nombreux États se sont opposés à la candidature d’un ressortissant du Botswana L’on peut se demander pourquoi tant de pays se sont cette fois-ci abstenus. Premièrement, le calibre des candidats à la présidence de la CUA était clairement un motif d’insatisfaction. Une fois rejetée la requête de la CÉDEAO pour un report des élections, la plupart des pays ouest-africains se sont abstenus lors des premiers tours de scrutin et ont maintenu cette ligne de conduite tout au long du processus. Leur objectif était de parvenir à un report des élections de manière à permettre à d’autres candidats plus expérimentés de déposer leur candidature.

Des divisions politiques

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NOMBRE D’ABSENTIONS AU DERNIER TOUR DE SCRUTIN DES ÉLECTIONS

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NOMBRE D’ÉTATS AYANT VOTÉ LORS DES ÉLECTIONS

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Une autre raison derrière le nombre élevé d’abstentions –surtout après l’élimination de Kazibwe – est liée aux divisions politiques qui persistent sur le continent. De nombreux États étaient en effet opposés à la candidature d’un ressortissant du Botswana en raison de l’indifférence des autorités de ce pays face aux appels de l’UA à ne pas prendre en compte les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI). Par conséquent, l’élimination de la candidate ougandaise a provoqué à la fois un report de votes pour Mokuy et un accroissement des abstentions. De son côté, Venson-Moitoi n’a gagné que quelques voix entre les trois premiers tours et le septième et dernier tour.

Une polarisation régionale Une autre caractéristique notable de l’élection est que la polarisation régionale a eu préséance sur le fossé linguistique, lequel représente le marqueur traditionnel des élections de l’UA. Les scores respectifs des candidats, ainsi que le nombre d’abstentions, reflètent plus ou moins le nombre d’États dans chaque région. Lors du premier tour, il y a eu 16 abstentions, tandis que l’Afrique de l’Ouest compte 15 États. Le bloc de l’Afrique australe est composé de dix États et Venson-Moitoi a obtenu 16 voix. L’Afrique de l’Est compte 14 membres et Kazibwe a remporté onze voix. De son côté, Mokuy a obtenu douze voix alors que l’Afrique centrale compte neuf États. De ce point de vue, aucun candidat n’a été en mesure d’élargir suffisamment ses appuis en dehors de sa région d’origine. Après l’élimination du candidat

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d’une région, la plupart des États du bloc régional en question se sont abstenus au lieu de soutenir l’un des candidats encore en lice. Une comparaison avec les scores obtenus par les deux candidats en 2012 met en évidence l’intensité de la solidarité régionale en 2016. En janvier 2012, le président sortant de la CUA, Jean Ping, a obtenu 28 voix au premier tour, grâce aux votes de l’Afrique de l’Ouest et de nombreuses puissances régionales. En 2016, le candidat de l’Afrique centrale a souffert des abstentions des pays d’Afrique de l’Ouest. Le score relativement faible de Venson-Moitoi peut également être expliqué par la présence d’un candidat de l’Afrique de l’Est. Les résultats combinés de Kazibwe (10) et de Venson-Moitoi (16) correspondent à peu près à ceux de Dlamini-Zuma en 2012, laquelle avait obtenu 23 voix lors du premier tour. Cela signifie que le bloc de pays qui a élu Dlamini-Zuma, composé principalement des États d’Afrique australe et de l’Est, ne s’est pas reconstitué lors l’élection de 2012. Chaque région a voté pour son candidat ou s’est abstenue.

Les élections ont été reportées au prochain sommet de l’UA qui aura lieu à Addis-Abeba en janvier 2017 Pas de consensus pour un second mandat de la SADC Malgré l’absence du président du Botswana Ian Khama dans cette élection marquée par un fort lobbysme des chefs d’État, Venson-Moitoi a su mener la course et s’assurer le plein appui des pays de sa région. Pourtant, il n’existait pas à l’échelle de l’UA de consensus en faveur d’un nouveau mandat pour un ressortissant de la SADC. Il est vrai qu’en 2012 il était peut-être plus facile pour l’Afrique du Sud de convaincre les États de ne pas voter en fonction de cette solidarité régionale. Cependant, en 2016, les candidats étaient tous originaires de petits pays et ils ont principalement compté sur le soutien de leur région respective.

Trois scénarios désormais possibles Devant l’impasse du scrutin, les élections ont été reportées au prochain sommet de l’UA qui aura lieu à Addis-Abeba en janvier 2017. Le mandat de la Commission a également été prorogé. En outre, les chefs d’État et de gouvernement ont convenu de rouvrir le processus pour permettre à de nouveaux candidats de postuler. Le défi pour l’UA est maintenant de s’entendre sur de nouvelles candidatures qui pourront gommer les divisions régionales. Au vu du nombre élevé d’abstentions, parvenir à un compromis entre les États membres sera difficile. Les États ayant soutenu la candidature de Venson-Moitoi peuvent se sentir frustrés envers ceux qui se sont abstenus, et qui ont ainsi provoqué ce report. Ces États seront-ils ouverts à un compromis en janvier 2017 ? Cela est loin d’être certain. Les trois scénarios qui se dessinent pour les prochaines élections sont les suivants : • La continuité : les candidats malheureux à l’élection de juillet tentent à nouveau leur chance, avec un nouveau candidat de l’Afrique de l’Ouest. Le risque est qu’une fois de plus, aucun des candidats ne parvienne à surmonter les divisions régionales, conduisant à une nouvelle impasse. En conséquence, les chefs d’État et de gouvernement pourraient convenir de permettre à la présidente en exercice d’effectuer un autre mandat, tout en lui garantissant le droit de démissionner avant la fin de celui-ci. • L’option technocratique : les trois candidats au scrutin de juillet se retirent de la course. Un candidat ayant un parcours de technocrate doublé d’une solide expérience internationale et d’une identité régionale moins affirmée est élu pour surmonter la fracture politique actuelle. • La rotation régionale : l’Afrique du Nord, laquelle n’a jamais occupé la présidence de la CUA, présente un candidat qui est élu en raison du consensus autour d’une candidature de cette région.

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À l’ordre du jour : Vers un sommet fermé pour faire avancer les choses à l’UA ? Lors du sommet de l’UA, les chefs d’État et de gouvernement ont également abordé un certain nombre de questions cruciales pour le continent. Bien qu’ils ne soient pas parvenus à élire un nouveau président de la CUA, les dirigeants africains se sont entendus à l’unanimité sur une nouvelle proposition devant permettre à l’UA de s’autofinancer. Le sommet de l’UA à Kigali différait des précédents sommets en ce sens que les représentants des organisations de la société civile n’ont pas été autorisés à assister aux séances publiques du sommet. Selon la Commission, les membres observateurs de l’organisation qui tiennent des réunions parallèles avec les délégués africains sont source de distraction. Paul Kagamé, le président du pays-hôte du sommet, le Rwanda, a déclaré que l‘exclusion des organisations de la société civile ne voulait pas dire que l’information ne serait pas partagée lorsque nécessaire. « Je suis d’avis que nos sommets devraient continuer à servir à identifier les bonnes priorités et les bons résultats et à décider de la meilleure façon de les atteindre […]. Nous pourrions ensuite partager les perspectives de l’organisation dans un autre forum approprié auquel seraient conviés, sur une base régulière, nos partenaires stratégiques […] pour rencontrer l’Afrique dans son ensemble et pour approfondir notre coopération », a-t-il indiqué. L’UA tenant deux sommets biannuels, le sommet qui se tiendra en janvier 2017 à Addis-Abeba devrait servir à traiter avec les partenaires du continent, tandis que le second, lequel est prévu en juillet 2017, leur sera fermé.

Les représentants des organisations de la société civile n’ont pas été autorisés à assister aux séances publiques du sommet Une décision « historique » concernant le financement de l’UA

0.2% TAXE DEVANT ÊTRE IMPOSÉE À TOUTES LES IMPORTATIONS DE MANIÈRE À FINANCER L’UA

L’une des décisions les plus importantes du sommet a porté sur l’engagement de l’UA en faveur de son autofinancement qui représente un objectif à long terme de l’organisation et de sa présidente sortante, Nkosazana Dlamini-Zuma. L’ancien chef de la Banque africaine de développement, Donald Kaberuka, a présenté un projet d’imposition d’une nouvelle taxe de 0,2 % sur toutes les importations. Ce projet a été accepté à l’unanimité par les chefs d’État. Il est prévu que ces recettes additionnelles de quelque 1,2 milliard de dollars permettront de financer 100 % des activités

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de l’UA, 75 % de ses programmes et 25 % de ses opérations de maintien de la paix. Un doute persiste toutefois quant à savoir si ce projet d’autofinancement se concrétisera d’ici 2017, tel qu’indiqué par les chefs d’État. Cependant, si à terme l’UA parvenait à être autosuffisante sur le plan financier, cela aurait un impact important à plusieurs niveaux. Tout d’abord, l’impact immédiat le plus important porterait sur les capacités de l’UA en termes de maintien de la paix. Selon le projet de Kaberuka, 65 millions de dollars seront demandés à chaque région, un montant qui proviendra également de la taxe sur les importations. Cette somme doit à terme être portée à 80 millions de dollars. Si ce projet venait à se concrétiser et si les sommes récoltées devaient se monter à 25 % du budget des opérations de maintien de la paix conduites par l’UA, l’organisation africaine serait alors en bonne position pour que l’Organisation des Nations Unies (ONU) paie les 75 % restants à même ses cotisations statutaires, dans le cadre de ce que l’on appelle l’Initiative Obama. Bien que l’ONU ait la primauté en matière de paix et de sécurité internationales, il apparaît de plus en plus clairement au sein de l’ONU que l’UA est désormais son principal interlocuteur en matière de maintien de la paix en Afrique. Si le projet s’avère être un succès, l’UA sera dotée d’un financement prévisible pour ses opérations de paix telles que celle déployée en Somalie (AMISOM), laquelle fait face à une diminution du soutien financier de l’Union européenne (UE). Lors du sommet de l’UA, un plan de retrait de l’AMISOM a d’ailleurs été annoncé avec 2018 comme date butoir.

Si le projet s’avère être un succès, l’UA sera dotée d’un financement prévisible pour ses opérations de paix comme l’AMISOM Le deuxième impact de la réussite de ce projet porterait sur les relations avec les donateurs de l’UA. Si l’organisation ne dépendait plus du financement de ses principaux donateurs, cela changerait radicalement la relation qu’elle entretient avec ceux-ci, notamment l’UE, les pays européens à titre bilatéral, les États-Unis, la Banque mondiale et la Chine. Au lieu d’être obligée de consulter ses bailleurs de fonds concernant ses décisions les plus importantes et de les inviter à ses réunions, l’UA serait en mesure de mettre en place un vrai « partenariat » avec les pays tiers et les organisations régionales. Les chefs d’État et le président de la CUA attendent depuis longtemps une plus grande indépendance dans la prise de décision. Enfin, un financement prévisible et adéquat pour l’UA aurait un impact sur la Commission elle-même. Au cours des derniers mois, la CUA a éprouvé des difficultés pour verser le salaire de ses employés et pour payer d’autres dépenses en raison de la diminution des cotisations des États membres. Une augmentation des fonds devrait permettre, en plus de redonner le moral

65 millions de dollars MONTANT DE LA CONTRIBUTION DE CHAQUE RÉGION AUX OPÉRATIONS DE PAIX DE L’UA

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ au personnel, d’embaucher l’expertise nécessaire pour améliorer l’efficacité de la CUA. La Commission sera également plus à même d’investir dans des projets cruciaux tels que son Académie de Leadership, laquelle pourrait avec le temps garantir à la Commission du personnel de grande qualité. Lors du sommet, Kagamé a également annoncé avoir été chargé d’étudier la possibilité d’une importante restructuration de l’UA, y compris des méthodes de travail et de la structure de la CUA.

Pas de retrait de la CPI Au cours du sommet, la proposition d’imposer un retrait collectif de la Cour pénale internationale (CPI) à tous les pays membres de l’UA a été examinée par le Conseil exécutif de l’UA. Cependant, cette proposition, laquelle avait déjà été évoquée lors du sommet de janvier 2016 à Addis-Abeba et fait suite à des années de tensions entre l’UA et la CPI, n’a pas été soumise à discussion aux chefs d’État. Au sein du Conseil exécutif de l’UA, la question a toutefois été longuement discutée, certains pays comme le Sénégal et le Nigeria faisant valoir que la vingtaine de pays qui ne sont pas membres de la CPI ne peuvent pas imposer un retrait à ceux qui le sont. En outre, l’UA n’est pas légalement autorisée à imposer un tel retrait.

Des rumeurs concernant un éventuel retour du Maroc L’un des sujets les plus débattus en marge du sommet a été le possible retour du Maroc dans le giron de l’UA. Le Maroc a quitté l’organisation en 1984 pour protester contre la reconnaissance de la toute jeune République arabe sahraouie démocratique (RASD) en tant que membre à part entière de l’organisation africaine. Des rumeurs ont fait état de la possible présence du Roi Mohammed VI lors du sommet pour demander la réadmission du Maroc. Une lettre du roi avait également été remise au président en exercice de l’UA, le président tchadien Idriss Déby.

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Cependant, la question n’a pas été présentée lors de l’Assemblée des chefs d’État. De plus, une visite du roi à Kigali semblait très peu probable sans au préalable une décision officielle de l’UA réadmettant le pays. Les médias marocains et les médias francophones africains ont largement couvert la demande du Maroc. Certains ont même fait état d’une proposition de 28 pays africains demandant l’expulsion de la RASD de l’UA au motif que l’organisation ne représente pas un véritable État et qu’elle n’est pas reconnue par d’autres organisations intergouvernementales comme l’ONU. Selon certaines rumeurs, le président sénégalais Macky Sall serait à l’origine de cette initiative. Le Maroc est un investisseur important en Afrique de l’Ouest et a tissé des liens politiques et religieux forts avec cette partie du continent.

L’un des sujets les plus débattus en marge du sommet a été le possible retour du Maroc Cependant, de nombreux obstacles demeurent avant l’éventuelle expulsion de la RASD. D’une part, les statuts de l’UA ne prévoient pas l’expulsion de l’un de ses membres. D’autre part, il n’est pas acquis que certains membres puissants de l’UA tels que l’Algérie acceptent la réintégration du Maroc tant que le différend sur le Sahara occidental ne sera pas résolu. Au vu des appels du pied faits par le roi et ses envoyés spéciaux, lesquels étaient présents dans les coulisses à Kigali, la réintégration du Maroc sans aucune condition préalable – la RASD restant membre de l’UA – semble être une possibilité. Si tel est le cas, la plupart des États de l’UA sont susceptibles de voter en faveur du retour du Maroc, lequel est le seul pays africain à ne pas faire partie de l’UA. Une majorité simple des votes serait nécessaire pour admettre tout pays désireux d’adhérer à l’Acte constitutif de l’UA.

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À l’ordre du jour : Pas d’apaisement en vue concernant les tensions entre l’UA et la CPI Les décisions prises lors du sommet de Kigali mettent une fois de plus en évidence le fossé entre l’organisation continentale et la Cour pénale internationale (CPI). Cependant, aucune décision n’a été prise par les chefs d’État de l’UA quant à un retrait en bloc des États membres africains de la CPI. Au lieu de cela, cette proposition a été renvoyée au comité ministériel chargé d’étudier les liens entre l’UA et la CPI. Comme prévu, les chefs d’État ont également rejeté le projet prévoyant l’utilisation de Casques bleus pour arrêter les individus recherchés par la CPI. Tel que recommandé par le CPS lors de sa 606e réunion qui s’est tenue le 20 juin dernier, les dirigeants de l’UA ont appelé les États africains signataires du Statut de Rome de la CPI à rejeter le projet de Plan d’action de la CPI relatif aux stratégies d’arrestation. Ce plan d’action prévoit le possible recours à des forces de maintien de la paix des Nations Unies pour exécuter les mandats d’arrestation de la CPI.

Le CPS fait valoir que l’utilisation éventuelle de Casques bleus pour faire respecter les mandats d’arrêt de la CPI va à l’encontre des principes d’impartialité et de neutralité qui guident les opérations de paix Ce projet de Plan d’action a été élaboré pour pallier le manque de coopération de certains États, comme l’Afrique du Sud qui n’a pas remis le président soudanais Omar el-Béchir à la CPI lors de sa visite en sol sudafricain en 2015. Avant le sommet de l’UA, le CPS avait appelé les dirigeants africains à rejeter le projet de Plan d’action de la CPI. Le CPS fait valoir que l’utilisation éventuelle de Casques bleus pour faire respecter les mandats d’arrêt de la CPI va à l’encontre des principes d’impartialité et de neutralité qui guident les opérations de paix. L’UA a demandé à son Comité ministériel plénier sur la CPI, lequel a commencé ses travaux en juin 2015, d’élaborer une stratégie globale sur un retrait en bloc de la CPI. Cette proposition avait déjà été présentée lors du sommet de janvier 2016. Lors du sommet de Kigali, il est cependant apparu que de nombreux États membres de l’UA n’étaient pas en faveur d’un tel retrait. Au cours du sommet, les dirigeants africains ont une nouvelle fois appelé à l’arrêt des procédures contre Omar el-Béchir, tout en se félicitant de la décision de la CPI prise en avril 2016 de mettre fin aux procédures

20 juin 2016 LE CPS RECOMMANDE LE REJET DU NOUVEAU PLAN D’ACTION DE LA CPI

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ engagées contre le vice-président kenyan William Ruto. En décembre 2014, la Cour avait déjà retiré les accusations qui pesaient contre le président du Kenya, Uhuru Kenyatta. Ces décisions de l’UA mettent en évidence le fait que les relations entre l’UA et la CPI sont de plus en plus marquées par des considérations politiques, au détriment de la question de la justice envers les victimes de génocides, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. La nouvelle CUA qui sera constituée après les élections prévues en janvier 2017 sera-t-elle en mesure d’aider au recadrage des relations entre la CPI et l’UA ?

Les dirigeants de l’UA ont joué un rôle décisif dans la condamnation du ciblage apparent des États africains par la CPI Des inquiétudes sur le ciblage des États africains Les dirigeants de l’UA ont joué un rôle décisif dans la condamnation du ciblage apparent des États africains par la CPI. Ils ont mis de l’avant le fait que sur les dix situations actuellement à l’étude par la CPI, neuf sont en Afrique. Les actions de la CPI en Afrique sont perçues comme s’inscrivant dans un contexte marqué par des accusations de néocolonialisme et d’impérialisme à l’encontre de certaines puissances, lesquelles peuvent donner l’impression qu’elles utilisent les structures internationales afin de dominer des États plus faibles comme les pays africains. Beaucoup se demandent si des dirigeants d’autres régions ne commettent pas aussi des crimes de guerre dignes d’attirer l’attention de la CPI. Certains observateurs notent que des accusations accablantes portées contre des individus issus de pays occidentaux – comme la participation de Tony Blair dans la guerre en Irak tel que l’a révélé le rapport Chilcot – ont tendance à être écartées pour des motifs juridiques. Ces préoccupations ont conduit Tedros Adhanom Ghebreyesus, le ministre éthiopien des Affaires étrangères et président du Comité ministériel plénier de l’UA sur la CPI, à affirmer que la CPI était désormais devenue une Cour non pas pour tout le monde, mais juste pour l’Afrique.

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Dans ce contexte, la proposition d’utiliser les opérations de paix de l’ONU pour faire exécuter les arrestations de la CPI a soulevé certaines préoccupations, y compris celle que les États puissants pourraient miner la souveraineté étatique en « éliminant » les dirigeants avec lesquels ils sont en désaccord. La question plus large posée par les observateurs est la suivante : quid de la justice en Afrique ? La relation entre la CPI et l’UA peut-elle être réparée étant donnée la nécessité de justice sur le continent et l’absence d’une Cour africaine de justice sur les droits de l’homme et des peuples fonctionnelle ? La mise en place progressive de la Cour africaine démontre que l’UA, tout comme la CPI, s’intéresse aux crimes internationaux et souhaite voir leurs auteurs condamnés. Si l’UA tient à combattre l’impunité et à rendre justice aux citoyens de l’Afrique, beaucoup pensent qu’il est nécessaire de réévaluer et de reformuler le récit dominant de la relation entre la CPI et l’Afrique.

Retour sur les arguments expliquant la position de l’UA sur la CPI Pour commencer cette analyse du récit dominant concernant le rôle de la CPI en Afrique, il est utile de se demander si l’Afrique reçoit bel et bien une attention plus grande de la part de la CPI, laquelle a pour rôle de se pencher sur les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Bien que des crimes internationaux soient commis dans d’autres régions du monde, les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont une réalité en Afrique. Un second enjeu majeur pour l’UA réside dans le fait que la CPI étend son action aux chefs d’État et de gouvernement africains en exercice, ceux-là mêmes qui étaient présents à Kigali lors du sommet de l’UA. La relation entre la CPI et l’UA, laquelle avait donné une certaine impulsion à la Cour internationale lors de sa mise en place, a tourné au vinaigre en 2009 lorsque la CPI a émis un mandat d’arrêt contre el-Béchir. Face à l’insistance de l’UA, les accusations portées contre Kenyatta ont été retirées en décembre 2014 et Ruto a bénéficié d’un non-lieu en avril 2016. Si les préoccupations de l’UA portent sur le traitement injuste de l’Afrique, quelle est la position de l’UA concernant les accusations dont font l’objet d’anciens dirigeants africains ?

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Les effets néfastes des appels en faveur de l’immunité L’UA soutient que les chefs d’État et de gouvernement en exercice devraient bénéficier d’une immunité au vu de la nécessité de respecter la souveraineté des États et d’éviter de compromettre la légitimité des gouvernements et la stabilité des États. Cependant, l’immunité proposée pour les chefs d’État et les hauts fonctionnaires ne constitue pas une réponse adéquate aux préoccupations des populations concernant un certain nombre de chefs d’État africains qui se cramponnent au pouvoir tout en étant soupçonnés de violations flagrantes des droits de l’homme. La position de l’UA face à l’immunité pourrait aussi, par exemple, avoir un effet sur les dirigeants des factions belligérantes au Soudan du Sud, lesquels se sont rendus coupables, entre 2013 et 2016, de crimes odieux aux relents d’impunité.

La position de l’UA face à l’immunité pourrait avoir un effet sur les dirigeants des factions belligérantes au Soudan du Sud En outre, si les acteurs politiques sont les critiques les plus virulents concernant le pouvoir de la CPI de poursuivre en justice des chefs d’État en exercice, les préoccupations des organisations de la société civile portent plutôt sur l’impunité. Celles-ci préféreraient en effet voir inculpés les coupables présumés de crimes internationaux, y compris s’il s’agit de chefs d’État en exercice. Ces deux positions contradictoires démontrent le fossé qui existe entre les dirigeants politiques africains et la société civile sur les questions de reddition de comptes. Il est à noter que l’UA a été créée en 2002 pour servir non pas comme une union des gouvernements africains, mais comme une union des peuples africains, soulignant ainsi la primauté des peuples sur les dirigeants.

La Cour africaine de justice : bientôt une réalité ? La condamnation de l’ancien président tchadien Hissène Habré par un tribunal mandaté par l’UA au Sénégal a créé une nouvelle dynamique autour de la

juridiction pénale de la Cour africaine. Mais la Cour africaine sera-t-elle plus efficace que la CPI dans sa quête de justice ? L’incapacité de l’UA à financer ses activités soulève des questions autour du financement de la Cour africaine, en particulier dans le contexte de diminution du financement des donateurs aux opérations de paix de l’UA. Il reste à déterminer si les pays donateurs financeront une Cour africaine alors qu’une organisation similaire comme la CPI est déjà en place. En outre, un certain nombre de défis autres que financiers doivent être surmontés avant qu’une Cour africaine fonctionnelle puisse commencer ses activités. Comment une Cour africaine pourrait-elle répondre aux préoccupations de l’UA concernant l’impérialisme si elle n’est pas autofinancée ? Il est clair que l’inégalité des capacités entre pays africains demeure un facteur qui aura inévitablement un impact sur le fonctionnement de la Cour africaine. Certains redoutent déjà la domination de l’Afrique du Sud en Afrique australe et du Nigeria en Afrique de l’Ouest, ainsi que le rôle de pays comme l’Ouganda au Soudan du Sud, et l’Éthiopie et le Kenya en Somalie. Dans quelle mesure les dirigeants de l’Afrique permettront-ils le fonctionnement d’une Cour africaine indépendante ? L’article 46A bis du Protocole portant amendements au Protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme prévoit que la Cour africaine ne pourra pas juger les chefs d’État et de gouvernement africains en exercice ainsi que les hauts fonctionnaires gouvernementaux. En tant que tel, le tribunal pourrait se transformer en un outil permettant aux dirigeants africains de rester au pouvoir tout en cherchant à faire condamner les opposants contestant leur leadership. Le fonctionnement de la Cour africaine dépendrait de la bonne volonté des chefs d’État et de leur propension à permettre que certains de leurs homologues et alliés soient traînés en justice. Habré a pu être jugé en grande partie parce qu’il ne jouissait plus de soutien politique. Il s’est exilé au Sénégal en 1990 après avoir été renversé par un ancien allié, le général Idriss Déby Itno, lequel dirige encore le Tchad. Quelle image l’UA donnera-t-elle aux citoyens ordinaires si certains de ses membres sont soupçonnés de crimes

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ contre l’humanité sans être menacés par la justice ? L’article 4 (h) de l’Acte constitutif de l’UA consacre le principe de non-indifférence de l’organisation face aux violations des droits de l’homme dans ses États membres.

Quelle image l’UA donnera-t-elle aux citoyens ordinaires si certains de ses membres sont soupçonnés d’atrocités ? Quelle meilleure option pour l’Afrique ? La 3e aspiration de l’Agenda 2063 prévoit que la population du continent « jouira d’un accès abordable et rapide à des tribunaux et un système judiciaire indépendants qui dispenseront et rendront la justice sans crainte ni traitement de faveur ». Compte tenu des faiblesses de l’Afrique à l’heure de juger ses dirigeants, la meilleure option pour que justice soit rendue aux victimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre en Afrique demeure la CPI, et ce jusqu’au moment où le pouvoir des dirigeants africains sera soumis à la reddition de comptes envers leurs électeurs. Le prochain président de la CUA, en collaboration avec le département des Affaires juridiques de l’UA, pourrait jouer un rôle crucial dans l’amélioration des relations entre l’UA et la CPI. Une telle amélioration pourra devenir réalité si la discussion autour de l’immunité des chefs d’État en exercice cède le pas à un débat sur le besoin criant de justice en Afrique, associé à la nécessité d’une stratégie visant à étendre la portée de la CPI à travers le monde.

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Analyse de situation : L’UA prépare la tenue d’un dialogue national en Libye L’UA envisage d’engager un dialogue national en Libye pour promouvoir la réconciliation entre les parties prenantes libyennes. L’objectif est de tenter de résoudre la crise sécuritaire qui déchire le pays depuis 2011. Cette initiative a été annoncée lors du récent sommet de l’UA à Kigali, au Rwanda. Cependant, il est encore difficile de savoir comment ce dialogue sera mis en place. Lors du récent sommet de l’UA, le commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’organisation, Smaïl Chergui, a déclaré que le président en exercice de l’UA avait décidé d’organiser une réunion sur le dialogue et la réconciliation nationale en Libye. « Nous espérons qu’à ce stade-ci, il s’agit d’une chose dont le peuple libyen a besoin pour se rapprocher, de manière à faciliter la réconciliation et aussi de manière à voir comment nous pouvons vraiment contribuer aux efforts de résolution de cette crise », a-t-il déclaré.

Il s’agit de l’une des premières mesures concrètes prises par l’UA pour remédier directement aux défis de la Libye post-Kadhafi Cette initiative de réconciliation fait suite à la signature, le 17 décembre 2015, de l’Accord politique libyen par la majorité des délégués et des représentants libyens lors d’une rencontre facilitée par l’ONU ayant eu lieu au Maroc. Cet accord a ouvert la voie à la formation d’un gouvernement d’entente nationale (GEN), composé d’un Conseil de la présidence, d’un Cabinet de la présidence, d’une Chambre des représentants et d’un Conseil d’État. Le 9 juin 2016, le CPS a salué les efforts déployés par l’actuel président en exercice de l’UA, Idriss Déby, pour inciter les parties libyennes à aborder le sujet de la réconciliation. Si le dialogue national prévu par l’UA sur ce thème va de l’avant, il s’agira de l’une des premières mesures concrètes prises par l’UA pour remédier directement aux défis de la Libye post-Kadhafi. Bien que la plupart des nouvelles portant sur les efforts internationaux de médiation en Libye se concentrent sur les initiatives de l’ONU, de l’UE, de la France, des États-Unis et des pays voisins, l’UA est impliquée en coulisses pour tenter de trouver une solution politique à la crise libyenne depuis le renversement de Kadhafi. La mise à l’écart de l’UA en 2011 au cours de la campagne de changement de régime dirigée par l’OTAN a renforcé l’impression que l’organisation continentale n’avait qu’un rôle minime à jouer dans la gestion des défis de la Libye post-Kadhafi.

17 décembre 2015 SIGNATURE DE L’ACCORD POLITIQUE LIBYEN

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ L’UA préoccupée par les répercussions des violences en Libye Depuis 2011, la situation humanitaire et sécuritaire qui prévaut en Libye est un sujet de préoccupation pour l’UA. Comme le souligne le rapport de la CUA de 2014, « [l] e sort du peuple libyen est indissociable de celui du reste de ses sœurs et frères africains, avec lesquels il a en partage des liens historiques. Une Libye démocratique et stable représentera un formidable atout pour le continent. Inversement, une Libye instable affectera d’abord et avant tout son voisinage africain et au-delà ». À cet égard, l’UA a toujours assuré les Libyens de son soutien durant le processus de transition. Après le soulèvement de 2011, le président de la CUA de l’époque, Jean Ping, a visité la Libye le 16 janvier 2012 pour assurer le Conseil national de transition (CNT) de la volonté de l’organisation continentale à contribuer à la stabilisation de la région, en collaboration avec les partenaires régionaux et internationaux. Les dirigeants du CNT, lequel a été établi le 27 février 2011, avaient également souligné leur engagement visà-vis de l’UA. Le CNT avait ainsi assisté au sommet de l’UA à Addis-Abeba en janvier 2012.

L’UA a toujours assuré les Libyens de son soutien durant le processus de transition Cependant, l’incapacité des gouvernements successifs en Libye à unifier le pays a favorisé la prolifération de milices rivales et la propagation de réseaux criminels et terroristes tels que le groupe État islamique en Irak et au Levant (ÉIIL). L’émergence de deux parlements rivaux à Tripoli et à Tobrouk entre 2014 et 2015 a compliqué encore davantage la crise libyenne et les réponses à y apporter.

L’UA en soutien à l’ONU en Libye En réponse aux défis auxquels fait face la Libye, la CUA a nommé le 11 juin 2014 Dileita Mohamed Dileita, l’ancien Premier ministre de Djibouti et ancien membre du Groupe de haut niveau de l’UA pour l’Égypte, au poste d’envoyé spécial de l’organisation pour la Libye. Dileita a tenu un certain nombre de consultations de haut niveau avec les parties prenantes libyennes, les pays voisins et les acteurs internationaux présents dans le pays, y compris la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Le 23 septembre 2014, lors de sa 459e réunion ministérielle, le CPS a créé le Groupe international de contact pour la Libye (GIC-L). Le GIC-L inclut les pays voisins de la Libye (l’Algérie, le Tchad, l’Égypte, le Niger, le Soudan et la Tunisie), ainsi que les principaux partenaires bilatéraux et multilatéraux du pays, y compris les autres États membres de l’UA, le Conseil de sécurité de l’ONU, la Ligue des États arabes, la Communauté des États Sahélo-Sahariens et l’UE. Le GIC-L, lequel a tenu cinq réunions à ce jour, a été mandaté pour faciliter la coordination internationale et une approche harmonisée en Libye.

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Compte tenu de l’ingérence extérieure à laquelle fait face la Libye, l’UA a toujours souligné « l’importance de l’unité, de la souveraineté, de la sécurité et de l’intégrité territoriale » du pays dans tous ses communiqués. L’UA insiste sur le fait qu’« il ne peut y avoir de solution militaire à la crise actuelle en Libye », estimant qu’une telle option « ne ferait qu’exacerber et polariser davantage la situation, la rendant ainsi plus difficile encore à résoudre politiquement et de manière pacifique, avec la pleine appropriation par les parties prenantes libyennes ». La réponse de l’UA dans le dossier libyen met donc l’accent sur l’importance d’une solution politique. Dans ce contexte, les puissances extérieures qui continuent de fournir un soutien militaire aux différentes factions de la région restent le centre d’attention. L’UA appuie pleinement le dialogue politique facilité par l’ONU qui a débuté en janvier 2015. En dépit des difficultés initiales, le dialogue politique a conduit à la signature de l’accord en décembre 2015. Le Conseil de la présidence du GEN, composé de neuf membres, est dirigé par le Premier ministre désigné Fayez alSarraj. Le 30 mars 2016, des membres clés du Conseil de la présidence du GEN se sont installés à Tripoli. D’importantes divisions entre les parties occidentale et orientale de la Libye persistent malgré tout, minant les gains politiques. À cet égard, l’accord qui a abouti à la formation d’un gouvernement d’union nationale fournit des avenues pour la communauté internationale dans ses efforts de consolidation de l’unification de la Libye.

La pertinence d’un dialogue national sur la réconciliation Le projet de l’UA de convoquer un dialogue pour la réconciliation nationale en Libye souligne le souci de l’organisation africaine d’assurer un retour à la stabilité dans le pays. Le dialogue vise à réunir des représentants de toutes les parties prenantes libyennes pour aborder la question de la réconciliation nationale

afin de lutter contre les divisions qui déchirent le pays. Il est à espérer que cette initiative africaine de dialogue pour la réconciliation nationale aidera les Libyens à unir davantage leurs efforts dans la lutte contre les fauteurs de troubles. En tête de ces efforts figure la lutte contre l’ÉIIL engagée depuis mai 2016 par les forces progouvernementales et leurs alliés. L’UA pourrait également profiter de l’occasion pour mettre de l’avant la nécessité d’une réforme du secteur de la sécurité dans la région afin de parvenir à l’unification de toutes les milices sous l’égide du gouvernement. Toutefois, l’UA doit veiller à ce que son projet de dialogue national soit suivi d’actions concrètes et à ce que suffisamment de ressources soient mobilisées pour permettre la mise en œuvre de l’initiative.

D’importantes divisions entre les parties occidentale et orientale de la Libye persistent malgré tout, minant les gains politiques Lors de son sommet de janvier 2016, l’UA a créé le Comité de haut niveau des chefs d’État et de gouvernement, tel que convenu par le CPS le 23 septembre 2014. Ce comité a pour objectif d’améliorer l’efficacité des efforts de l’UA dans les domaines de la paix et de la reconstruction en Libye. Toutefois, ce comité n’a pas encore effectué de visite en Libye. Il n’a pas non plus été impliqué dans les efforts de médiation menés par l’ONU. Il se compose du représentant de haut niveau de l’UA pour la Libye – un poste actuellement occupé par Jakaya Kikwete, l’ancien président de la Tanzanie —, des présidents de l’Afrique du Sud, de la Mauritanie, du Gabon et du Niger, ainsi du Premier ministre de l’Éthiopie. Ce comité devra jouer un rôle clé dans la facilitation du dialogue national sur la réconciliation et dans l’approfondissement de l’engagement de l’UA en Libye.

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Entretien avec le CPS Kodjo : « Il sera très difficile de tenir des élections en novembre en RDC » Lors du 27e sommet de l’UA qui a eu lieu le mois dernier à Kigali, le Rapport sur le CPS s’est entretenu avec Edem Kodjo, l’envoyé spécial de l’UA chargé de faciliter la tenue d’un dialogue national en République démocratique du Congo (RDC). Ce dialogue vise à sortir de l’impasse politique dans laquelle se trouve le processus électoral. Il est prévu que les élections aient lieu avant le 19 décembre prochain, date de fin du deuxième et dernier mandat du président Joseph Kabila.

Que pouvez-vous nous dire à propos du dialogue national en RDC que vous êtes chargé d’organiser à titre d’envoyé spécial de l’UA dans le pays ? Nous sommes effectivement occupés à tenter de mettre en place ce dialogue et à ce stade, je ne vois pas d’obstacles majeurs à son organisation. Nous avons réussi à établir des contacts, à discuter avec les parties qui, jusqu’à présent, n’étaient pas très ouvertes, et nous avons réussi à obtenir leur accord. Tout est en place pour le lancement prochain de ce dialogue. À mon avis, il devrait bientôt commencer.

Est-ce une question de semaines ou de mois ? Une question de semaines.

À votre avis, tous les leaders de l’opposition y compris Moïse Katumbi [l’ancien gouverneur du Katanga, actuellement hors du pays] seront-ils présents lors de ce dialogue ? À ce stade-ci, je ne connais pas la composition des délégations qui participeront au dialogue. Nous commencerons par un comité préparatoire, c’est-à-dire un groupe restreint qui tentera de préparer les négociations. Le dialogue principal doit rassembler les « poids lourds » politiques. Toutes les personnalités politiques devraient avoir leur place autour de la table. Donc à l’heure qu’il est je peux dire que M. Katumbi participera au dialogue, si son parti en décide ainsi et si ses partisans en décident ainsi.

Êtes-vous le principal médiateur dans ce dialogue ? Nous avons vu que des déclarations conjointes avaient été faites, par l’ONU et d’autres acteurs. Je suis le facilitateur. Nous ne sommes pas plusieurs : je suis le seul. Mais le facilitateur a la chance d’être aidé par ce que nous appelons un groupe de soutien, qui est composé d’abord et avant tout par du personnel de l’ONU et de l’UA, mais aussi de l’Union européenne, de la Francophonie, de

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la CIRGL [Conférence internationale de la région des Grands Lacs] et de la SADC. Dans cette configuration, le groupe de soutien contribue de manière importante au dialogue en permettant au facilitateur de faire son travail beaucoup plus facilement que s’il avait été tout seul.

Où ce dialogue aura-t-il lieu ? À Addis-Abeba ou à Kinshasa ? De préférence à Kinshasa. Le comité préparatoire que je convoquerai se réunira à Kinshasa.

Pensez-vous que les élections pourront avoir lieu avant la fin de l’année, tel que l’exige la constitution ? Je ne sais vraiment pas. Comme vous le savez, nous avons effectué de larges consultations sur cette question auprès des organisations internationales les plus expérimentées et les plus reconnues dans le domaine. À l’ONU, il y a une commission composée de dix personnes [qui traite de cela]. Il y a aussi la commission électorale indépendante et la Francophonie. Mais à mon avis, étant donné où nous en sommes actuellement... Tout le monde sait très bien, même ceux qui ne veulent pas le dire, qu’il sera très difficile de tenir des élections en novembre alors que nous sommes déjà en juillet et que nous ne disposons même pas des informations pour que les listes électorales soient prêtes.

Tout le monde sait très bien qu’il sera très difficile de tenir des élections en novembre Ne craignez-vous pas que la société civile organise de grandes manifestations si les élections n’ont pas lieu ? Ce n’est pas le genre de question auxquelles je réponds. Je ne suis pas là pour ça. J’ai un travail à faire et je ne suis pas impliqué dans ces considérations. Il s’agit d’une question que vous devriez poser aux politiciens.

Ici, à Kigali, l’élection d’un nouveau président de la Commission de l’UA a été reportée. Craignez-vous que l’organisation soit en suspens pendant plusieurs mois, puisque même les commissaires devront attendre jusqu’en janvier 2017 pour être élus ? Il est trop tôt pour le dire. Je ne sais pas ce que les chefs d’État ont prévu parce que personne n’a été élu. Nous ne savons pas encore si Madame [Nkosazana Dlamini] Zuma va continuer jusqu’à ce que les élections aient lieu ou si une solution provisoire sera trouvée. C’est aux chefs d’État de décider.

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À propos de l’ISS

ISS Pretoria

L’Institut d’Études de Sécurité est une organisation africaine œuvrant au renforcement de la sécurité humaine sur le continent. Elle effectue de la recherche indépendante et reconnue, fournit des analyses et conseils sur les politiques provenant d’experts, tout en menant des formations pratiques et de l’assistance technique.

Block C, Brooklyn Court 361 Veale Street New Muckleneuk Pretoria, South Africa Tel: +27 12 346 9500 Fax: +27 12 460 0998

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Les personnes qui ont contribué à ce numéro Yann Bedzigui, Chercheur, ISS Addis-Abeba Liesl Louw-Vaudran, Consultante

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Ndubuisi Christian Ani, Chercheur, ISS Addis-Abeba Damien Larramendy, Traducteur Anne-Claire Gayet, Réviseure

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ISS Dakar 4th Floor, Immeuble Atryum Route de Ouakam Dakar, Senegal Tel: +221 33 860 3304/42 Fax: +221 33 860 3343

Liesl Louw-Vaudran

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Les bailleurs de fonds

Ce rapport est publié grâce au soutien du Hanns Seidel Stiftung et du gouvernement des Pays-Bas. L’ ISS souhaite également remercier pour leur appui les membres suivants de son Forum des partenaires: les gouvernements de l’Australie, du Canada, du Danemark, des États-Unis, de la Finlande, du Japon, de la Norvège, des Pays-Bas et de la Suède.

© 2016, Institut d’Études de Sécurité L’ISS dispose des droits d’auteur pour l’intégralité de ce volume et aucune partie ne peut être reproduite, en totalité ou en partie, sans l’autorisation explicite, par écrit, de l’Institut. Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles de l’Institut, de ses fiduciaires, des membres du Conseil consultatif ou des donateurs.

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