Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité 84

Príncipe, le Sénégal, les Seychelles, la Sierra Leone, la Somalie, le Soudan, le Swaziland, le Togo et la Zambie. Il est toutefois important de noter qu'un.
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NUMÉRO 84 | SEPTEMBRE 2016

Dans ce numéro ■

À l’ordre du jour Le conseiller juridique de l’UA expose au CPS la complexité du processus à venir dans le cas où le Maroc souhaiterait devenir membre de l’UA.



Analyse de situation Depuis un certain temps, des plans d’action plus offensifs ont été mis en place contre les groupes djihadistes armés. Sont-ils en mesure d’atteindre leurs objectifs ? L’UA prévoit de retirer ses troupes déployées en Somalie, laissant certaines questions sans réponse.



Vues d’Addis Le CPS s’inquiète de la crise postélectorale qui secoue le Gabon.



Entretien avec le CPS

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité

Le Secrétaire exécutif de l’IGAD Mahboub Maalim discute avec le Rapport sur le CPS des projets de déploiement d’une force de protection au Soudan du Sud.

“ L’UA n’a pas

“ Une force

de disposition prévoyant l’expulsion de l’un de ses États membres

d’intervention régionale pour le Mali n’est pas une idée nouvelle

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Page 7

“ Le Gabon a fait

l’objet de rapports d’alerte précoce au sein de l’UA Page 15

RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

À l’ordre du jour Le projet d’adhésion du Maroc à l’UA : un imbroglio juridique Lors d’une réunion qui s’est tenue le 12 août 2016, le conseiller juridique de la Commission de l’Union africaine (CUA) a présenté au CPS les modalités devant permettre au Maroc de se joindre à l’UA. Cette réunion faisait suite à un appel en ce sens du Maroc. Comparé à la manière dont le Soudan du Sud, le plus jeune État d’Afrique, est devenu membre de l’UA en 2011, le cas du Maroc comporte de nombreuses difficultés juridiques et politiques. Par ailleurs, l’expulsion de la République arabe sahraouie (RASD), demandée par certains membres de l’UA, représente également un processus complexe. L’éventuelle adhésion du Maroc à l’UA pourrait devenir un point de discorde de premier ordre au sein de l’organisation, en raison des revendications territoriales de Rabat sur la RASD, aussi connue sous le nom de Sahara occidental. Il n’est donc pas surprenant que cette première réunion officielle sur la question se soit avérée très tendue. Certains membres du CPS ont même remis en cause la raison d’être de l’exposé du conseiller juridique de l’UA sur le processus d’adhésion d’un État à l’UA.

Président actuel du CPS S.E.M. Abou Bakr Hefny Ambassadeur d’Égypte en Éthiopie et Représentant permanent auprès de l’UA

L’éventuelle adhésion du Maroc à l’UA pourrait devenir un point de discorde de premier ordre au sein de l’organisation, en raison des revendications territoriales de Rabat sur le Sahara occidental Cette réunion faisait suite à plusieurs rapports selon lesquels le Maroc voulait rejoindre la seule organisation continentale de l’Afrique. Dans une lettre remise à Idriss Déby, l’actuel président en exercice de l’UA, le roi Mohammed VI du Maroc avait d’ailleurs, avant le 27e sommet de l’UA qui s’est tenu à Kigali, exprimé ce désir. Le Maroc avait quitté l’Organisation

Les membres actuels du CPS sont : l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Botswana, le Burundi, l’Égypte, le Kenya, le Niger, le Nigeria, l’Ouganda, la République du Congo, le Rwanda, la Sierra Leone, le Tchad, le Togo et la Zambie.

de l’unité africaine (OUA) en 1984 suite à l’adhésion de la RASD qui était représentée par le Front Polisario, lequel lutte pour l’indépendance du Sahara occidental.

Le cas du Maroc n’a pas été discuté au sommet de Kigali Dans un communiqué de presse publié après le sommet, la CUA a précisé que l’Assemblée de l’UA n’a pas abordé la question de l’admission du Maroc. Cependant, même si la question n’a pas été débattue, la CUA a cependant

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jugé nécessaire d’expliquer dans son communiqué le processus d’admission d’un nouveau membre. À cet égard, le document rappelle les dispositions de l’article 29 de l’Acte constitutif de l’UA relatif à l’admission des membres. Selon cet article, cité dans le communiqué de presse, tout État peut « notifier au Président de la Commission son intention d’adhérer au présent Acte et d’être admis comme membre de l’Union ». Le communiqué de presse ajoute que « l’admission est décidée à la majorité simple des États membres ». À la lecture de ce communiqué, il semble que tout État peut adhérer à l’UA si une majorité simple des États membres vote en ce sens. Toutefois, le conseiller juridique de la CUA, le professeur Vincent Nmehielle, a exposé un processus plus nuancé et plus complexe qui inclut un vote à la majorité des deux tiers de l’Assemblée de l’UA pour qu’un État devienne membre de l’organisation.

Le conseiller juridique a exposé un processus plus nuancé et plus complexe qui inclut un vote à la majorité des deux tiers de l’Assemblée de l’UA Les divergences d’interprétation face au processus Le communiqué du CPS, publié après la réunion du 12 août, souligne la nécessité pour tout État désireux d’adhérer à l’UA de non seulement respecter le processus décrit à l’article 29, mais aussi de s’engager à se conformer aux principes fondamentaux de l’Acte constitutif. Ce communiqué fait ainsi écho au contenu de l’exposé du conseiller juridique. Dans sa présentation, celui-ci a en effet souligné que les articles 27 et 9 (c) étaient également cruciaux à cet égard. Il est ressorti de cette séance d’information qu’un vote à la majorité simple ne peut que permettre à ce qu’une demande d’adhésion d’un membre aspirant soit soumise à l’Assemblée de l’UA. Conformément à l’article 9 (c) de l’Acte constitutif, la décision finale doit être prise par cet organe par consensus ou à la majorité des deux tiers. Le Maroc aurait donc besoin du soutien de 36 États membres pour se joindre à l’UA, et non de 28.

Le cas du Soudan du Sud : un processus beaucoup plus facile L’explication du conseiller juridique concernant le processus d’admission du Maroc à l’UA contraste avec celui qui a mené à l’admission du Soudan du Sud au sein de l’organisation continentale en 2011. Le communiqué de presse de l’UA portant sur l’adhésion du Soudan du Sud ne faisait référence

1984 LE MAROC QUITTE L’OUA

qu’à l’article 29 de l’Acte constitutif et à la nécessité d’obtenir une majorité

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ simple. Il ne mentionnait aucun examen de la question par l’Assemblée de l’UA, mais précisait que la CUA avait reçu une confirmation écrite de la part de 33 États, dont le Soudan, c’est-à-dire « plus que la majorité simple requise des États membres ». Lequel de ces deux processus est le plus solide juridiquement parlant ? Selon l’Acte constitutif de l’UA, une « Cour de justice de l’Union » est censée se prononcer sur les questions interprétatives telles que celle-ci. Cependant, cette cour n’existe pas encore. En attendant sa création, l’Assemblée devra donc prendre une décision. Cela laisse l’UA face à un dilemme juridique. L’interprétation du conseiller juridique et du CPS est-elle la bonne ? Si oui, cela signifie que le processus suivi dans le cas du Soudan du Sud était erroné, car le pays a été admis au sein de l’UA par une majorité simple de l’Assemblée et non par une majorité des deux tiers.

L’admission de la RASD à l’OUA en tant que membre à part entière est la principale pomme de discorde sur cette question Le Sahara occidental peut-il être expulsé ? Avant le 27e sommet de l’UA, 28 États issus de toutes les régions géographiques et de tous les blocs linguistiques du continent ont signé une pétition en faveur de la suspension de la RASD des activités de l’organisation africaine. Les États signataires sont les suivants : le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cap-Vert, les Comores, la République du Congo, la Côte d’Ivoire, Djibouti, l’Érythrée, le Gabon, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée équatoriale, le Libéria, la Libye, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, São Tomé et Príncipe, le Sénégal, les Seychelles, la Sierra Leone, la Somalie, le Soudan, le Swaziland, le Togo et la Zambie. Il est toutefois important de noter qu’un certain nombre d’États ne reconnaissant pas la RASD, comme l’Égypte, la Tunisie et le Kenya, n’ont pas signé cette pétition. L’admission de la RASD à l’OUA en tant que membre à part entière est la principale pomme de discorde sur cette question et demeure la raison pour laquelle le Maroc a refusé de rejoindre l’OUA puis l’UA durant plus de trois

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NOMBRE D’ÉTATS SOUHAITANT QUE LA RASD SOIT EXPULSÉE DE L’UA

décennies. L’UA n’a pas de disposition prévoyant l’expulsion de l’un de ses États membres. Ceux-ci ne peuvent qu’être suspendus de l’organisation et de ses activités en cas de changement inconstitutionnel de gouvernement. Certaines organisations internationales telles que les Nations Unies prévoient l’expulsion d’un de leurs États membres en cas de violation continue des principes de l’organisation. Par le passé, il est également arrivé qu’un État se voit retirer de facto son adhésion à une organisation en cas de dissolution de

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celui-ci, comme la Yougoslavie qui a cessé d’être membre de l’ONU après son implosion. Mais l’UA n’a pas prévu de telles dispositions.

La suspension ou l’expulsion d’un pays devant être dûment motivée d’un point de vue juridique Le défi pour le Maroc serait de convaincre les deux tiers des États membres de l’UA de la nécessité de modifier l’Acte constitutif afin d’y inclure une disposition permettant la résiliation de l’adhésion de la RASD. Une modification en ce sens de l’Acte constitutif semble toutefois complexe, la suspension ou l’expulsion d’un pays devant être dûment motivée d’un point de vue juridique, sans quoi une telle décision serait considérée comme un processus arbitraire. Une éventuelle expulsion de la RASD ne peut pas non plus reposer sur une évaluation des attributs de celle-ci en tant qu’État, étant donné que les dispositions légales en vigueur de l’UA ne permettent pas ce type de raisonnement. Sur le plan politique, ce dossier sera très délicat à gérer pour l’organisation. Idéalement, une éventuelle expulsion de la RASD requerrait un consensus. L’adoption d’une disposition si controversée par le biais d’un vote pourrait exacerber les divisions sur une question qui découle traditionnellement d’une vision partagée.

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

Analyse de situation Une nouvelle force africaine pour le Mali ? En juillet 2016, le CPS et l’ONU ont dépêché une équipe technique au Mali et au Sahel afin d’y évaluer la situation. Cette décision faisait suite à l’instabilité persistante qui fragilise le Mali, en dépit des efforts déployés par les forces maliennes et internationales. Depuis un certain temps, des plans d’action plus offensifs ont été mis en place contre les groupes djihadistes armés. Sont-ils en mesure d’atteindre leurs objectifs ? Lors du 27e Sommet de l’UA qui s’est tenu à Kigali, le commissaire de l’UA à la Paix et à la Sécurité, Smaïl Chergui, a annoncé que l’organisation continentale avait déployé une autre équipe technique au Mali, en collaboration avec l’ONU et l’ensemble des onze membres du Processus de Nouakchott. L’objectif était d’étudier la possibilité « de déployer une force africaine [dans le cadre de] l’ONU dans le nord du Mali pour préserver l’accord de paix », a-t-il précisé. Après avoir été chassés du nord du Mali en 2013 par les forces françaises et par la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA), des groupes extrémistes ont profité de la faiblesse de la présence gouvernementale dans la région pour lancer des attaques au Mali et dans les pays voisins. Cette menace terroriste a compliqué les efforts de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé le 20 juin 2015.

Une intervention décisive est essentielle pour permettre au Mali de mettre en œuvre l’accord de paix La nécessité d’une action décisive contre les groupes armés Une intervention décisive contre les insurgés dans le nord du Mali est essentielle pour permettre au Mali de mettre en œuvre l’accord de paix. Une telle intervention est également cruciale pour faire face aux menaces terroristes dans la région du Sahel. Un certain nombre d’États de la région, et notamment le Burkina Faso, le Tchad et le Niger, ont été victimes d’attaques par des groupes djihadistes venus du Mali comme al-Qaïda au Maghreb

20 juin 2015

islamique (AQMI), Ansar Dine et al-Mourabitoun (également connu comme

LA SIGNATURE DE L’ACCORD DE PAIX AU MALI

C’est en raison du caractère régional de cette menace que l’UA a lancé le

al-Qaïda en Afrique de l’Ouest).

Processus de Nouakchott sur le renforcement de la coopération en matière de sécurité et sur l’opérationnalisation de l’Architecture africaine de paix et

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de sécurité (APSA) dans la région sahélo-saharienne

dire pas de paix à maintenir. Par exemple, la Mission de

lors d’une réunion qui s’est tenue en Mauritanie en

l’UA en Somalie (AMISOM), conçue à l’origine comme

2013. Onze pays — l’Algérie, le Burkina Faso, la Côte

une opération de maintien de la paix, s’est graduellement

d’Ivoire, la Guinée, la Libye, le Mali, la Mauritanie, le

transformée en une force antiterroriste contre al-

Niger, le Nigeria, le Sénégal et le Tchad — font partie du

Shabaab. La proposition de déployer une force régionale

Processus de Nouakchott.

au Mali met un peu plus en évidence la priorisation de la

Une force d’intervention régionale pour le Mali dirigée par

paix et de la sécurité sur le continent.

l’UA n’est pas une idée nouvelle. Elle a d’abord émergé lors du 24e sommet de l’UA en janvier 2015, en accord avec une décision prise par les membres du Processus de Nouakchott le 18 décembre 2014. Lors d’un entretien accordé l’an dernier au Rapport sur le CPS, l’ancien président burundais et actuel haut représentant de l’UA pour le Mali et le Sahel (MISAHEL), Pierre Buyoya,

La présence limitée de l’administration malienne dans le Nord génère un ensemble de défis pour une telle force régionale

déclarait : « Tout le monde s’accorde pour dire qu’il faut

Les défis et les perspectives de la force régionale

renforcer les capacités de la MINUSMA, et la création de

Aucun document officiel n’a rendu compte des

la force d’intervention est une façon de le faire. D’autant

conclusions de la mission technique dépêchée au Mali.

plus que le mandat de la MINUSMA, axé sur le maintien

Certaines sources au sein du département Paix et

de la paix classique à l’instar de celui de la MONUSCO en RDC avant l’arrivée de la Brigade d’intervention, ne semble pas lui permettre de s’engager dans des opérations antiterroristes de nature offensive. »

Un sentiment d’urgence pour faire taire les armes L’idée de déployer une force régionale au Mali reflète la volonté croissante de l’UA d’autoriser des missions d’imposition de la paix. Il existe clairement un sentiment d’urgence en ce sens, « Faire taire les armes d’ici 2020 » étant l’une des aspirations inscrites au programme de l’Agenda 2063 de l’UA. L’UA a déjà mis en place une Force régionale d’intervention (FRI) dans le cadre de l’Initiative de coopération régionale pour l’élimination de l’Armée de résistance du Seigneur (ICR-LRA). Elle a également récemment approuvé le déploiement d’une force régionale de protection pour imposer la paix au Soudan du Sud. En Afrique de l’Ouest, l’UA a autorisé la mise en place d’une Force spéciale multinationale mixte (MNJTF) afin de lutter contre Boko Haram dans la région du bassin du lac Tchad. En outre, l’UA a surtout autorisé le

Sécurité de l’UA indiquent que la mise en place de la force régionale exige une planification minutieuse étant donné qu’elle sera déployée dans le nord du Mali, un environnement de travail particulièrement difficile. Le climat, extrêmement chaud et sec, et l’épaisse poussière qui recouvre la région représentent d’importantes difficultés puisque la brigade d’intervention aurait à passer énormément de temps sur le terrain pour lutter contre les insurgés. La présence limitée de l’administration malienne dans le Nord génère également un ensemble de défis pour une telle force régionale, laquelle devra établir son quartier général en terrain inconnu. Bien que la force régionale ait pour objectif de lutter contre les groupes terroristes, tous les groupes armés de la région ne tombent pas dans cette catégorie. L’identification des « vrais » groupes terroristes pose ainsi un défi opérationnel. D’autres défis, d’ordre politique et juridique, restent en outre à considérer avant l’établissement d’une telle mission. Parmi ces défis, l’on peut mentionner l’identification des cibles à neutraliser et la capacité de la force régionale à opérer de façon transfrontalière.

déploiement d’opérations de soutien à la paix dans des

Par ailleurs, l’UA est critiquée pour sa lenteur à

zones de conflit à haute intensité où il n’y a pour ainsi

opérationnaliser les documents-cadres dont elle s’est

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ dotée dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Cette lenteur est principalement due à la mauvaise volonté et au manque de coordination des États de la région, ainsi qu’à l’incertitude entourant le financement d’opérations robustes et regroupant plusieurs parties prenantes. La MINUSMA fait déjà face à des contraintes en termes de ressources et de financement qui l’empêchent de remplir son mandat de maintien de la paix. Au fil des ans, les terroristes opérant dans la région du Sahel ont profité de ces faiblesses dans la stratégie de lutte antiterroriste de l’UA. Cependant, suite à la récente vague d’attaques meurtrières qui a touché le Sahel, l’on a pu constater une plus grande coopération bilatérale et multilatérale entre les États de la région. Les attentats au Mali et au Burkina Faso ont incité ces pays à coopérer de manière plus étroite, notamment dans les domaines du partage de l’information et de l’organisation de patrouilles conjointes. Le Bénin, le Cameroun, le Tchad, le Niger et le Nigeria se sont ainsi entendus pour mettre sur pied la MNJTF en 2015. Par ailleurs, la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Tchad et le Burkina Faso ont formé en février 2014 le G5 Sahel dont le but est de renforcer la coopération dans la région en ce qui a trait au développement et à la sécurité.

L’on a pu constater une plus grande coopération bilatérale et multilatérale entre les États de la région Parmi ses autres priorités, le G5 entend également créer une force conjointe du G5 Sahel pour faire face aux menaces sécuritaires dans la région. Cette force conjointe a pour but de couper les liens pouvant exister entre les groupes djihadistes sévissant au Sahel et Boko Haram qui œuvre dans le bassin du lac Tchad. Toutefois, les synergies et les modalités de coopération entre une possible force régionale appuyée par l’UA dans le nord du Mali et une éventuelle force opérationnelle interarmées souhaitée par le G5 Sahel restent floues. Bien que les conclusions de la mission technique de l’UA au Mali n’aient pas encore été révélées, l’UA pourrait refuser d’autoriser une telle mission ou retarder sa décision de le faire étant donné les défis qu’impliquerait le déploiement d’une force régionale au Mali et au Sahel. Afin de faire face aux causes profondes du terrorisme et des conflits dans la région, il est nécessaire de mettre l’accent de manière structurelle sur les besoins en développement des communautés et sur la nécessité d’une plus grande coopération entre les partenaires.

Une nécessité : prioriser le développement dans la région Le Processus de Nouakchott impulsé par l’UA et la stratégie de l’organisation pour le Sahel ont été conçus pour renforcer les liens entre développement et sécurité. Il devient de plus en plus évident qu’une réponse strictement

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militaire n’est pas en mesure de répondre aux multiples défis auxquels font face le nord du Mali et la région du Sahel. Cependant, la mise en œuvre des stratégies de développement et de stabilité reste jusqu’ici déficiente. Au Mali, le nombre de groupes armés a augmenté sur une base régulière depuis l’éclatement de la crise dans la région en 2012. Cela est dû à la mauvaise actualisation des besoins en développement des communautés et des groupes locaux.

Une partie importante de la population se sent exclue de l’accord de paix en raison de sa non mise en œuvre L’accord de paix au Mali a notamment apporté au nord du pays une autonomie partielle et une stratégie globale de développement. Pourtant, en dépit de la signature de l’accord, une partie importante de la population se sent exclue de l’accord de paix en raison de sa non mise en œuvre, ce qui a généré un certain nombre de manifestations. Cela met en évidence la nécessité de mettre rapidement en œuvre l’accord et d’aborder les questions qui favorisent tant la persistance des rébellions armées que l’éclosion du terrorisme dans le nord du Mali et dans la région du Sahel. Lors du 26e sommet de l’UA en janvier 2016, l’Assemblée de l’UA a demandé à la Commission de l’UA de mener des consultations en vue de la tenue d’une conférence internationale sur la paix et le développement au Sahel. En juillet 2016, lors de son 27e sommet, l’UA a également décidé de créer un fonds spécial pour la prévention et la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. La conférence envisagée et le fonds spécial à venir devraient donner à l’UA et à ses partenaires la possibilité de réaliser leurs objectifs de développement dans la région du Sahel. La MISAHEL et le Centre africain d’étude et de recherche sur le terrorisme (CAERT), un organe de l’UA, devront jouer un rôle majeur dans la promotion de l’opérationnalisation des décisions et dans la définition d’objectifs au Mali et dans la région du Sahel.

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

Analyse de situation L’AMISOM est-elle en mesure de quitter la Somalie de manière responsable d’ici 2020 ? Le CPS a annoncé le retrait progressif de la Mission africaine en Somalie (AMISOM) entre octobre 2018 et décembre 2020. Cependant, le projet de construction de l’État somalien est loin d’être terminé. Al-Shabaab demeure également une grave menace pour la stabilité du pays et de la région. Lors du 27e sommet de l’UA en juillet 2016, le commissaire de l’UA à la Paix et à la Sécurité, Smaïl Chergui, a déclaré : « nous allons commencer le retrait des forces de l’UA en Somalie [en octobre 2018]. En attendant, nous allons mener une offensive robuste et collective dans la vallée de la Jubba afin d’affaiblir al-Shabaab. » Depuis les offensives menées contre al-Shabaab par l’AMISOM et l’armée nationale somalienne (ANS) en 2014 et 2015, la plupart des forces d’al-Shabaab sont concentrées dans la vallée de la Jubba, dans le sud de la Somalie. L’offensive prévue contre le groupe extrémiste dans cette partie du pays est donc très importante. Chergui a ajouté que l’UA consacrerait également beaucoup d’énergie à la formation des forces somaliennes « afin de les préparer à prendre en charge la responsabilité de la sécurité dans leur pays ».

L’UA consacrera également beaucoup d’énergie à la formation des forces somaliennes pour les préparer à prendre en charge la responsabilité de la sécurité dans leur pays Le plan de retrait fait suite au départ, prévu pour décembre 2017, des troupes ougandaises de l’AMISOM faute d’un soutien logistique et financier suffisant. Selon certains témoignages, les soldats de l’AMISOM sont récemment restés six mois sans percevoir de solde. Bien que le CPS ait renouvelé le mandat de l’AMISOM jusqu’au 30 mai 2017, l’UA est confrontée à un manque de plus

20 % RÉDUCTION DE L’ALLOCATION DES TROUPES DE L’AMISOM

en plus criant de ressources. Ces carences compliquent la tâche des soldats de la paix, lesquels, dans leurs efforts pour étendre l’autorité de l’État en Somalie, sont chargés de prendre et de maintenir le contrôle sur les zones récupérées des mains d’al-Shabaab. L’Union européenne (UE), le principal partenaire financier de l’UA pour l’AMISOM, a réduit de 20 % l’allocation versée aux troupes. Il ne fait aucun doute que la stratégie de retrait d’ici 2020 du CPS est motivée par les

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problèmes de ressources auxquels fait face la mission

menacer la sécurité en Somalie. L’AMISOM a été créée en

et par la nécessité de voir le gouvernement somalien

2007 afin de protéger les responsables gouvernementaux

prendre le contrôle des services publics dans le pays.

et les locaux de l’administration. La mission a toutefois

Cependant, compte tenu de la difficulté de consolider

progressivement revu ses priorités stratégiques et a

le soutien de la population vis-à-vis du gouvernement

désormais pour objectif de prendre le contrôle des

somalien, l’UA peut-elle assurer un retrait responsable

régions contrôlées par al-Shabaab de manière à étendre

des troupes de l’AMISOM d’ici 2020 ? Il ne s’agit pas

l’autorité de l’État. L’UA a fait des progrès remarquables

simplement ici de faire face à l’insurrection d’al-Shabaab

en Somalie, notamment en chassant al-Shabaab de

ou de pallier l’incapacité des forces gouvernementales à

zones cruciales de Mogadiscio et en soutenant en 2012

assurer la stabilité dans le pays. Un aperçu de la situation

la mise en place d’un gouvernement fédéral, en vertu de

en Somalie montre que la légitimité du projet étatique

la nouvelle constitution du pays.

en Somalie dépend en grande partie du soutien de la communauté internationale. Le soutien des populations

Un contexte sécuritaire instable

locales envers le gouvernement somalien est encore loin

Cependant, comme rapporté par la Commission de

d’être acquis.

l’UA, la situation sécuritaire en Somalie reste instable. « Une partie importante de la Somalie reste sous le

Le soutien des populations locales envers le gouvernement somalien est encore loin d’être acquis L’AMISOM, une mission établie pour protéger le gouvernement de transition Depuis l’effondrement des institutions étatiques en Somalie en 1991, la communauté internationale a joué un rôle de premier plan dans le rétablissement d’une autorité politique internationalement reconnue dans le pays. Il a fallu plus d’une décennie (1992–2004) pour que le Gouvernement fédéral de transition (GFT) soit mis en place en 2004, après plus de 14 conférences de paix. À l’origine, le GFT ne pouvait opérer qu’à partir du Kenya parce qu’il n’avait pas assez de soutiens locaux pour

contrôle d’al-Shabaab et la reconquête de l’ensemble du territoire du pays nécessite encore des efforts importants et soutenus. » Bien que l’AMISOM ait fait des progrès dans la capture de zones contrôlées par al-Shabaab, le gouvernement somalien a jusqu’à présent été incapable de bâtir sur ces gains en assurant la sécurité dans ces zones et en y dispensant des services de base. Cela a conduit à de nombreuses attaques contre les troupes de l’AMISOM et à un retour d’al-Shabaab dans certaines zones récupérées.

Le gouvernement somalien a été incapable d’asseoir sa légitimité dans les zones reconquises en assurant la sécurité et des services de base

s’installer en Somalie. Si le gouvernement a finalement déplacé son siège à Jowhar en Somalie, c’est parce qu’il

Plusieurs analystes soutiennent que la communauté

était sous la protection d’un chef de guerre local. À la

internationale a imposé à la population locale sa

mi-2005, c’est cette fois sous la protection des forces

vision de ce que doit être un État et que ce manque

éthiopiennes, elles-mêmes soutenues par les États-Unis,

d’appropriation locale du projet de l’État en Somalie

que le GFT a déménagé à Baidoa.

continue de favoriser l’allégeance locale à des groupes

L’Union des tribunaux islamiques (UTI), laquelle contrôlait

militants tels qu’al-Shabaab. Bronwyn Bruton E. et Paul

la capitale Mogadiscio au début des années 2000, a été

D. Williams, des experts américains dans le domaine,

évincée par ces forces éthiopiennes en décembre 2006.

arguent qu’« al-Shabaab n’était pas un groupe insurgé.

Le GFT a alors été en mesure de s’installer à Mogadiscio.

Il contrôlait plus de 90 % du sud de la Somalie, assurait

Toutefois, la défaite de l’UTI a conduit à la naissance d’al-

certains services sociaux de base et la sécurité,

Shabaab qui continue de défier l’autorité de l’État et de

percevait l’impôt, et était toléré par la population, bien

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ souvent parce que la collaboration était perçue comme

possible, soutient-il, c’est parce que la communauté

la moins mauvaise des options [...]. La mission de

internationale a fait de la consolidation de l’État une

l’AMISOM était dans les faits de mettre en place un

entreprise lucrative pour les élites en faisant de celles-ci

gouvernement non élu qui ne contrôlait aucun territoire

les principaux artisans de cette entreprise. Le Groupe

du pays, n’assurait aucun service de base, ne fournissait

indépendant de haut niveau sur les opérations de paix

aucune sécurité à la population, et était largement perçu

de l’ONU, mis sur pied en 2015, déplore également le

par ses propres citoyens comme illégitime. »

fait que « les processus de paix et les efforts d’édification

Bien que l’UA « priorise la reconquête de territoires et

de l’État tendent à se concentrer sur la capitale et sur

la consolidation de son contrôle sur ces zones » d’ici

une faible élite constituée de dirigeants politiques et

2020, l’AMISOM et ses partenaires internationaux ne

de fonctionnaires ».

seront en mesure de se retirer de la Somalie de manière responsable que s’il y a une appropriation locale du projet étatique dans le pays.

La communauté internationale doit aider et inciter le gouvernement somalien à devenir responsable et efficace

L’État somalien a-t-il donné suffisamment de raisons aux Somaliens pour qu’ils lui prêtent allégeance ?

Comment consolider le soutien local en faveur de l’État ?

Depuis l’indépendance de la Somalie en 1960, les

Pour que la population locale appuie le projet

gouvernements successifs ont été incapables de gagner

étatique somalien, la communauté internationale doit

durablement la confiance de la population locale. En

aider et inciter le gouvernement somalien à devenir

Somalie, la corruption, le népotisme et l’oppression

responsable et efficace, non seulement pour le bien

politique caractérisent depuis longtemps le leadership,

des donateurs, mais aussi pour celui de la population

du pouvoir civil des années 1960 jusqu’à l’ère du GFT, en

locale dont il cherche la reconnaissance. Cela passe

passant par le régime du général Siad Barre. Les craintes

par la professionnalisation des fonctionnaires et par la

concernant le retour à une structure étatique oppressive

priorisation du développement local par opposition à une

et dysfonctionnelle figurent a priori parmi les principales

trop grande dépendance vis-à-vis de l’aide étrangère.

explications du caractère prolongé de l’effondrement de l’État en Somalie. Avec le nouveau gouvernement, les questions de leadership restent une préoccupation majeure étant donné les luttes intestines et la persistance de la corruption parmi les responsables politiques.

Le gouvernement devrait tenir la société civile informée des événements et créer des plates-formes par le biais desquelles les acteurs locaux pourraient critiquer et influencer les activités du gouvernement. Ces actions amélioreraient les relations entre l’État et la

En Somalie, la corruption, le népotisme et l’oppression politique caractérisent depuis longtemps le leadership

population somalienne. En vue des élections d’octobre, la Somalie a besoin de politiciens et de politiciennes qui soient en mesure de renverser l’image négative que la population locale a de la

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Certains analystes tels que Dereje Seyoum, basé à

gouvernance étatique. Le gouvernement doit également

Addis-Abeba, soutiennent que les faiblesses de l’État

améliorer les institutions sociopolitiques et économiques

somalien reflètent la réticence de certaines élites

afin d’unir les Somaliens et de mériter leur loyauté.

somaliennes à travailler avec diligence pour la stabilité

Plusieurs autres questions doivent également être

et le développement de l’État, car ils tirent profit de

abordées en Somalie. Celles-ci incluent la nature des

l’économie politique qui découle de la fragilité étatique

relations entre le gouvernement central et les régions

et de l’instabilité en Somalie. Si cet état de fait est

autonomes autoproclamées telles que le Somaliland

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et le Jubbaland. En outre, il est dans l’intérêt des États de la région qu’un compromis soit trouvé entre acteurs somaliens et régionaux afin de passer outre les querelles passées. Lors de l’élaboration de leur stratégie de sortie, l’AMISOM et ses partenaires internationaux auraient avantage à garder en mémoire les mots prononcés en juin dernier par le ministre ougandais des Affaires étrangères, Henry Okello Oryem, lors de l’annonce du retrait des troupes de son pays. « Nous nous sommes engagés là-bas avec pour objectif de débarrasser la Somalie du terrorisme. Nous ne nous sommes pas engagés là-bas pour être des Somaliens. Nous devrions réexaminer la mission et revoir son objectif », avaitil alors déclaré.

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

Vues d’Addis La crise gabonaise met à jour certaines faiblesses dans les stratégies de prévention des conflits de l’UA La publication, le 31 août dernier, des résultats contestés des élections gabonaises a débouché sur un conflit ouvert entre les deux candidats, qui ont tous deux revendiqué la victoire. Dans un rapport préliminaire, une mission d’observation dépêchée par l’Union africaine (UA) a souligné l’existence de failles dans le système électoral. D’importantes leçons pourraient être tirées concernant les stratégies de l’UA dans le domaine de la prévention et de la gestion des violences postélectorales. Les élections présidentielles ont eu lieu au Gabon le 27 août dernier. Le président sortant, Ali Bongo, faisait face à 13 candidats de l’opposition, dont Jean Ping, ancien président de la Commission de l’UA (CUA) et ex-ministre des Affaires étrangères.

Jean Ping a revendiqué la victoire avant même l’annonce des résultats Le mercredi 31 août, la Commission électorale nationale permanente (CENAP) annonce la réélection de Bongo avec 49,8 % des voix, Ping n’ayant obtenu que 48,23 % des suffrages. La CENAP annonce aussi que le taux de participation s’élève à 59,46 %.

49.8 % POURCENTAGE DES VOIX RÉCOLTÉES PAR ALI BONGO

Ping, qui a revendiqué la victoire avant même l’annonce des résultats, conteste les résultats annoncés par la CENAP. Ses partisans dénoncent le score obtenu par Bongo dans son fief du Haut-Ogooué, criant à la fraude. Le taux de participation officiel dans le Haut-Ogooué est de 99,4 %, desquels Bongo a raflé 95,46 % des voix. L’ancien président de la CUA demande un recomptage. Suite à l’annonce des résultats, des violences éclatent dans le pays, entraînant l’incendie du bâtiment du Parlement à Libreville et la mort de dizaines de manifestants. Environ 1 000 personnes sont arrêtées.

48.23 % POURCENTAGE DES VOIX RÉCOLTÉES PAR JEAN PING

La France, les États-Unis et l’Union européenne appellent à la publication détaillée des résultats par bureaux de vote.

Le président de l’UA Idriss Déby prend les devants Plus tôt dans l’année, l’UA est restée muette lors de situations similaires en République du Congo et au Tchad, où les résultats des élections ont été

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fortement contestés. Dans le cas de la République du

à régler leurs divergences par des moyens pacifiques ».

Congo, certains leaders de l’opposition sont encore en

Dans un autre communiqué publié le 5 septembre, Déby

prison. Toutefois, l’organisation continentale a publié

déclare qu’« une délégation de haut niveau composée

plusieurs déclarations au sujet de la situation au Gabon.

de chefs d’État africains, accompagnés de hauts

Leur examen attentif révèle qu’elles ne reflètent pas

responsables de la Commission de l’Union africaine et

toutes la même approche face à la crise.

des Nations Unies, est prête à se rendre à Libreville dès

Le 1er septembre, la présidente de la CUA, Nkosazana

que les conditions d’une telle visite seront réunies ».

Dlamini Zuma, prend note des résultats et exprime sa

Le résultat de cette tentative de médiation n’est pas

préoccupation face à la flambée des violences. Elle

encore connu à l’heure où ces lignes sont écrites.

appelle les parties prenantes gabonaises à utiliser les perspective, la crise est considérée seulement comme

Les défis de l’UA dans la prévention des crises postélectorales

un contentieux électoral ayant conduit à des violences.

La flambée de violences au Gabon soulève des

Ceci explique l’importance accordée par la présidente

questions sur l’efficacité des efforts de l’UA dans la

à la nécessité de suivre les voies légales pour résoudre

prévention de crises politiques. Quelques mois avant les

le différend.

élections, le Gabon avait fait l’objet de rapports de la part

voies légales pour résoudre leurs différends. Dans cette

des instruments d’alerte rapide de l’UA. Ces rapports

La présidente de la CUA, Nkosazana Dlamini Zuma, prend note des résultats et exprime sa préoccupation face à la flambée des violences

soulignaient les risques posés par une situation politique tendue et un processus électoral défectueux. En outre, l’UA et la CEEAC ont déployé une mission d’observation électorale conjointe composée de 75 personnes, dont 12 observateurs de long terme

Dans sa déclaration du 2 septembre, le CPS souligne

dépêchés trois semaines avant le vote. Ces observateurs

la nécessité de remédier à la situation au Gabon sur la

ont visité 321 des 2 580 bureaux de vote.

base d’« un consensus entre tous les acteurs concernés, conformément aux instruments pertinents de l’UA ». Cet appel au consensus et cette référence aux instruments de l’UA sont indicatifs du fait que le CPS considère que

La mission d’observation a identifié plusieurs failles dans le processus électoral

la situation au Gabon est une crise politique issue d’une élection contestée et qu’elle doit être traitée en tant

Dans son rapport postélectoral, la mission d’observation

que telle.

a identifié plusieurs failles dans le processus électoral,

Le président en exercice de l’UA, le président tchadien Idriss Déby, publie le 3 septembre un communiqué dans lequel il appelle à la fois Bongo et Ping à faire preuve de retenue et à choisir le dialogue et la concertation pour résoudre le contentieux électoral. Contrairement au CPS et à la CUA, lesquels ne proposent aucun plan d’action, Déby fait allusion à une possible médiation conjointe de l’organisation régionale, à savoir la Communauté

notamment la restriction des libertés civiles, la domination du gouvernement sur la commission électorale, le manque d’équilibre dans la couverture de certains candidats par les médias publics et le fait que « ses observateurs n’[o]nt pas été admis dans les centres de compilations ouverts pour centraliser les résultats des bureaux de votes […]. Une telle pratique contrevient aux standards internationaux et aux bonnes pratiques en la matière ».

économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), dont

La mission électorale a préconisé des changements, y

le Tchad est un pays membre, et de l’UA. Il « réitère

compris « la mise en place d’une institution électorale

l’engagement et la disponibilité de l’UA, ainsi que des pays

indépendante ayant la charge principale et exclusive de

de la région, à aider les parties prenantes gabonaises

toutes les phases du processus électoral ».

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ À la lumière de la violente contestation des résultats au Gabon, la mission électorale ne semble pas avoir contribué à améliorer la transparence et l’équité du scrutin. L’on peut se demander si le déploiement de missions électorales trois semaines seulement avant le jour du scrutin est bien suffisant pour préconiser des changements structurels dans l’organisation des élections. Une autre question sous-jacente porte sur la capacité de la CUA à plaider en faveur de réformes politiques dans les États membres de l’UA. Actuellement, l’UA n’est pas dotée d’un cadre formel de dialogue politique avec ses États membres afin de s’assurer de la mise en place de réformes politiques pour éviter les crises. Bien qu’il existe des consultations informelles entre les responsables de l’UA et les parties prenantes nationales avant les élections, les engagements pris au cours de ces réunions ne sont pas contraignants. Si elle venait à être dépêchée, la délégation de haut niveau pour le Gabon dont la mise en place a été proposée par le président en exercice de l’UA dans sa déclaration du 5 septembre ne serait qu’un arrangement ad hoc et non le fruit d’une structure ou d’un mécanisme d’intervention permanent de l’UA.

La mission électorale ne semble pas avoir contribué à améliorer la transparence et l’équité du scrutin Le principal obstacle à la création d’un tel mécanisme réside dans le principe de souveraineté, selon lequel toute intervention de l’UA pourrait être considérée comme une ingérence dans les affaires intérieures d’un État membre. La CUA souffre d’un manque d’options lorsqu’un membre refuse de changer ses politiques en fonction des recommandations de l’UA. De plus, le CPS est réticent à inscrire à son ordre du jour des États n’étant pas en crise ouverte. Par conséquent, la responsabilité de prévenir une crise postélectorale comme celle au Gabon incombe aux parties prenantes nationales, car l’impact des efforts continentaux est limité.

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Entretien avec le CPS « La Force de protection pour le Soudan du Sud doit être déployée avec le consentement du gouvernement » Suite à la recrudescence des violences début juillet 2016 entre les partisans du président sud-soudanais Salva Kiir et ceux de son rival, Riek Machar, les chefs d’État de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) se sont réunis le 16 juillet et le 5 août derniers. Ils ont proposé le déploiement d’une force régionale dotée d’un mandat robuste pour protéger les civils. Suite à cette décision, le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) a adopté le 12 août dernier une résolution demandant le déploiement d’une force de protection régionale de 4 000 soldats dans le cadre de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS). En dépit de ses réserves initiales, le gouvernement du Soudan du Sud a annoncé le 5 septembre qu’il permettrait le déploiement de cette force dans le pays. Cette annonce s’est faite lors d’une visite à Juba des membres du Conseil de sécurité.

Le Soudan du Sud a annoncé le 5 septembre qu’il permettrait le déploiement de cette force dans le pays Le mandat de cette force, laquelle doit être dirigée par les États membres de l’IGAD, est de « favoriser […] la libre circulation, à l’intérieur, en dehors et autour de Juba […], protéger l’aéroport pour le maintenir en service ainsi que les installations clés à Juba, essentielles au bien-être de sa population […] et combattre rapidement et efficacement tout acteur qui, selon des informations crédibles, prépare ou mène des attaques contre des agents des Nations Unies qui assurent la protection des sites civils, d’autres locaux des Nations Unies, du personnel des Nations Unies, des intervenants humanitaires internationaux et nationaux, ou des civils. » Des consultations ont lieu actuellement entre la région et le Soudan du Sud sur les modalités de ce déploiement. Le Rapport sur le CPS s’entretient avec l’Ambassadeur Mahboub Maalim, le secrétaire exécutif de l’IGAD, au sujet des difficultés rencontrées par cette force de protection régionale et par le processus de paix au Soudan

4 000 NOMBRE DE TROUPES SUPPLÉMENTAIRES POUR LE SOUDAN DU SUD

du Sud.

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ Le gouvernement du Soudan du Sud a dans un premier temps refusé le déploiement de la force de protection. L’IGAD a-t-elle désormais le plein consentement de Juba ? Le gouvernement de transition d’unité nationale a accepté, sur le principe, le déploiement d’une force de protection régionale. Il collabore actuellement avec les pays de la région sur les détails relatifs à la force de protection. Cette force sera donc déployée, avec le consentement du gouvernement de transition.

Quels sont les défis auxquels la région fait face dans le déploiement de cette force ? Aucun défi majeur n’est à prévoir. Cependant, comme toutes les opérations de maintien de la paix, la fixation des détails logistiques prendra du temps. Entre temps, la situation sur le terrain pourrait se détériorer et compliquer le déploiement de la force. Les États membres de l’IGAD sont politiquement engagés et prêts à relever les défis et à envoyer leurs troupes au Soudan du Sud sous le commandement de la MINUSS.

Comme toutes les opérations de maintien de la paix, la fixation des détails logistiques prendra du temps Quelle est la position de l’IGAD concernant l’imposition de sanctions ou d’un embargo sur les armes ? Les sanctions ne peuvent être initiées et mises en œuvre que par le Conseil de sécurité et nous savons qu’un projet de résolution en ce sens a déjà été diffusé. Cependant, nous pensons que ces sanctions ne seront invoquées que si les parties au conflit ne parviennent pas à se conformer à la décision du CSNU.

Pensez-vous que l’Accord sur la résolution du conflit au Soudan du Sud, signé en août 2015, demeure le cadre approprié pour la paix au Soudan du Sud ? Oui, je le pense.

Quelle division du travail envisagez-vous entre l’UA et l’IGAD face à la crise sud-soudanaise ? En tant qu’organisation régionale, l’IGAD a toujours été à l’avant-plan pour résoudre les problèmes dans la région. L’IGAD a demandé et reçu le plein appui et la pleine collaboration de la CUA dans la recherche d’une solution à la crise au Soudan du Sud. Par conséquent, le mécanisme « IGAD-Plus » a été créé. [Outre les pays membres de l’IGAD, le Rwanda, l’Algérie, le Nigeria, l’Afrique du Sud et le Tchad font partie de l’IGAD-Plus.] Ce mécanisme novateur entre la CUA et une communauté économique régionale, dans ce cas-ci l’IGAD, a bien fonctionné. Deux réunions extraordinaires des

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

chefs d’État et de gouvernement de l’IGAD-Plus ont eu lieu en à peine trois semaines. Une première réunion s’est tenue le 16 juillet à Kigali, et une seconde le 5 août à Addis-Abeba. C’est sur la base des décisions prises lors de ces réunions que le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2304 [2016] visant à renforcer la MINUSS et à déployer une force de protection régionale au Soudan du Sud.

Les modalités concernant la façon de traduire les criminels en justice feront l’objet de consultations Tous les communiqués de l’IGAD appellent à une reddition de comptes au Soudan du Sud. La région demande-t-elle la mise en place d’un processus accéléré pour la création d’une cour hybride ? Sinon, quel cadre la région proposet-elle afin que les auteurs des violences répondent de leurs actes ? Le deuxième communiqué de l’IGAD-Plus appelle l’UA et l’ONU à entreprendre rapidement des enquêtes et à traduire en justice les auteurs des violences qui ont provoqué la mort de membres du personnel de la MINUSS, le meurtre de civils et de travailleurs humanitaires et une vague de violences sexuelles. Les modalités concernant la façon de traduire ces criminels en justice feront l’objet de consultations à différents niveaux au sein de l’IGAD, de l’UA et de l’ONU.

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RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

À propos de l’ISS L’Institut d’Études de Sécurité est une organisation africaine œuvrant au renforcement de la sécurité humaine sur le continent. Elle effectue de la recherche indépendante et reconnue, fournit des analyses et conseils sur les politiques provenant d’experts, tout en menant des formations pratiques et de l’assistance technique.

ISS Pretoria Block C, Brooklyn Court 361 Veale Street New Muckleneuk Pretoria, South Africa Tel: +27 12 346 9500 Fax: +27 12 460 0998

ISS Addis Abéba

Les personnes qui ont contribué à ce numéro Yann Bedzigui, Chercheur, ISS Addis-Abeba Liesl Louw-Vaudran, Consultante Ndubuisi Christian Ani, Chercheur, ISS Addis-Abeba Damien Larramendy, Traducteur Anne-Claire Gayet, Réviseure

Contact

5th Floor, Get House Building, Africa Avenue Addis Ababa, Ethiopia Tel: +251 11 515 6320 Fax: +251 11 515 6449

ISS Dakar 4ème étage, Immeuble Atryum Route de Ouakam Dakar, Senegal Tel: +221 33 860 3304/42 Fax: +221 33 860 3343

Liesl Louw-Vaudran Consultante ISS Pretoria Email: [email protected]

ISS Nairobi Braeside Gardens off Muthangari Road Lavington, Nairobi, Kenya Tel: +254 72 860 7642 Fax: +254 73 565 0300

Les bailleurs de fonds

Ce rapport est publié grâce au soutien du Hanns Seidel Stiftung et du gouvernement des Pays-Bas. L’ ISS souhaite également remercier pour leur appui les membres suivants de son Forum des partenaires: les gouvernements de l’Australie, du Canada, du Danemark, des États-Unis, de la Finlande, du Japon, de la Norvège, des Pays-Bas et de la Suède. © 2016, Institut d’Études de Sécurité L’ISS dispose des droits d’auteur pour l’intégralité de ce volume et aucune partie ne peut être reproduite, en totalité ou en partie, sans l’autorisation explicite, par écrit, de l’Institut. Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles de l’Institut, de ses fiduciaires, des membres du Conseil consultatif ou des donateurs.

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