Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité 112

2 avr. 2019 - populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), deux des ... gouvernement en place jouisse de la prérogative de nommer ses ...
603KB taille 2 téléchargements 61 vues
INSTITUT D’ÉTUDES DE SÉCURITÉ

NUMÉRO 112 | AVRIL 2019

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité

L’UA sauve in extremis l’accord de paix en RCA, mais doit toutefois redoubler d’efforts La manipulation des constitutions nationales constitue une menace pour la stabilité en Afrique Le CPS devrait aborder la question de la situation au Cameroun L’accord de paix au Soudan du Sud tient-il toujours ? Les désaccords en Afrique sur la situation au Sahara occidental pourraient avoir une incidence sur le CPS Entretien avec le Rapport sur le CPS : les incertitudes de la transition au Soudan

L’UA sauve in extremis l’accord de paix en RCA, mais doit toutefois redoubler d’efforts L’Union africaine (UA) a réagi rapidement contre les menaces qui pèsent sur l’accord de paix conclu en février en République centrafricaine (RCA). Elle a convoqué une rencontre du 18 au 20 mars 2019 à Addis Abeba à laquelle ont participé le gouvernement de la RCA et les 14 groupes armés reconnus dans le pays. L’objectif de la réunion était de surmonter les divergences autour de la nomination des membres du gouvernement par le président Faustin-Archange Touadera. Certains rebelles estimaient en effet que le nouveau gouvernement n’était pas assez inclusif. Dans le cadre du compromis trouvé à Addis Abeba, trois chefs rebelles ont été nommés conseillers du premier ministre. Ils ont par ailleurs hérité du commandement des nouvelles unités mixtes de sécurité dans les zones qu’ils contrôlent déjà. Toutefois, plusieurs questions subsistent quant à la pérennité de cette mesure. Par ailleurs, l’UA et les Nations unies ont récemment nommé de nouveaux représentants spéciaux en RCA, ce qui pourrait donner un nouvel élan au processus de paix. L’UA est garante de l’accord du 6 février signé à Khartoum, au Soudan, après des mois de négociations. Les groupes armés contrôlent encore environ 80 % du territoire centrafricain.

Les bases d’une paix durable ?

Président actuel du CPS Son Excellence Monsieur Bankole Adeoye, ambassadeur du Nigeria en Ethiopie et représentant permanent auprès de l’UA.

Les membres actuels du CPS sont l’Algérie, l’Angola, le Burundi, Djibouti, le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Kenya, le Lesotho, le Liberia, le Maroc, le Nigeria, le Rwanda, la Sierra Leone, le Togo et le Zimbabwe

2

L’accord de Khartoum a jeté les bases du rétablissement d’une paix durable. La première étape de la mise en œuvre de l’accord a été la nomination d’un gouvernement inclusif au titre du partage du pouvoir. La nomination de Firmin Ngrebada, négociateur en chef du gouvernement à Khartoum, au poste de premier ministre, a dans un premier temps été saluée par les différents groupes armés. Cependant, la désignation ultérieure des membres du gouvernement par MM. Ngrebada et Touadera au début du mois de mars a mis en péril l’accord de paix. Certains groupes armés ont estimé qu’elles n’étaient pas conformes à l’esprit inclusif de l’accord. Cela tient notamment au fait que certains dirigeants de premier plan comme Ali Darassa n’ont pas obtenu de fonctions ministérielles, alors que 10 des 14 groupes armés qui ont pris part aux pourparlers étaient représentés dans le nouveau gouvernement (contre seulement six auparavant). La répartition des portefeuilles ministériels clés a aussi apporté son lot de controverses. Initialement, et sur une base historique, les groupes armés considéraient le poste de premier ministre comme la pierre angulaire de tout accord de partage du pouvoir. Toutefois, l’accord de Khartoum ne contient aucune disposition concernant la répartition des ministères. Non seulement les groupes armés n’ont pas obtenu la primature, mais les ministères de l’Économie, des Finances et du Budget, de la Défense, des Affaires étrangères,

RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

de la Justice et de l’Intérieur, considérés comme les portefeuilles clés, ont tous été conservés par le gouvernement. Cela a conduit certains groupes armés à rejeter l’accord de paix, notamment le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) et le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), deux des principaux groupes armés du pays.

même si sa démission avait été demandée par les groupes armés. Selon certains rapports, les groupes belligérants éprouveraient par ailleurs de la lassitude face à la poursuite des combats, ce qui, si ceci était avéré, constituerait une bonne nouvelle en vue de l’instauration d’une paix durable. Les prochaines étapes fixées par les garants de l’accord seront donc cruciales.

Le compromis trouvé à Addis Abeba pourra-t-il durer ?

Le rôle de l’UA et des partenaires

Lors de la réunion d’Addis Abeba, l’UA est parvenue à sauver l’accord de Khartoum. Cependant, ce sauvetage a un coût et seul le temps dira si le compromis trouvé pourra durer. Conséquence directe de la rencontre d’Addis Abeba, trois des principaux chefs rebelles — Darassa, Mahamat Al Katim et Bi Sidi Souleymane — ont rejoint le bureau du premier ministre à titre de conseillers chargés des unités spéciales mixtes de sécurité dans les régions sous leur contrôle respectif. Il est important de noter que l’accord de Khartoum ne portait pas explicitement sur la répartition qualitative ou quantitative des postes ministériels. Bien qu’un gouvernement en place jouisse de la prérogative de nommer ses membres, l’UA aurait pu rester impliquée dans la mesure où cette approche risquait de faire échouer d’entrée les discussions.

Les chefs rebelles gèrent désormais des zones qu’ils contrôlent déjà Il était donc évident que les consultations d’Addis Abeba au sujet du caractère inclusif du gouvernement étaient la prochaine étape à franchir pour résoudre les désaccords quant à l’application de l’accord. Par ailleurs, la nomination de certains chefs rebelles à la tête des unités spéciales mixtes de sécurité dans les régions déjà sous leur contrôle soulève de nombreuses questions. Les groupes armés assurent désormais la sécurité dans leurs secteurs avec la légitimité et les moyens de l’État. Il reste à voir comment ces unités mixtes de sécurité seront mises en place et comment elles fonctionneront. L’objectif principal est de rétablir et de maintenir la paix civile. Cette paix ne sera garantie que par le retour de l’état de droit, que ce soit par le biais d’un gouvernement centralisé ou décentralisé, ou d’un État unitaire ou fédéral. À l’heure actuelle, la RCA est un État unitaire, mais doté d’un réel plan de décentralisation. Le compromis d’Addis Abeba a permis à la fois la sauvegarde de l’accord et le maintien de Ngrebada au poste de premier ministre,

L’UA, dont le rôle est clairement défini dans l’accord du 6 février, fait partie des garants du texte et est chargée, à ce titre, du suivi et de l’évaluation de sa mise en œuvre. C’est dans cette optique que l’organisation a convoqué la réunion d’Addis Abeba qui s’est tenue fin mars. Conformément à l’article 29 de l’accord de Khartoum, un mécanisme de mise en œuvre et de suivi doit être établi. L’UA est censée coprésider ce comité exécutif avec le gouvernement centrafricain. Les signataires et les autres parties prenantes doivent également y siéger. Ce comité exécutif est en voie d’être constitué. Sa composition et ses modalités de fonctionnement seront déterminantes. En outre, l’installation efficace et opportune du comité national et des comités préfectoraux de mise en œuvre sera cruciale pour garantir la pérennité de l’accord. Dans cette démarche, les individus sont tout aussi importants que le dispositif. L’UA a récemment nommé Matias Bertino Matondo, un diplomate chevronné, au poste de représentant spécial et chef du bureau de l’UA en RCA. Il succède à Bedializoun Nebié Moussa. Matondo devra rapidement endosser ses nouvelles fonctions afin notamment d’assurer la direction du comité exécutif depuis Bangui. Il devra également travailler en étroite collaboration avec Mankeur Ndiaye, le représentant spécial et chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA). Un autre élément important de cette équation sera Adolphe Nahayo, le très expérimenté représentant spécial du secrétaire général de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et chef du bureau de l’organisation régionale à Bangui. En poste depuis 2014, son expérience sur le terrain sera bénéfique pour ses deux homologues nouvellement arrivés. La mise en place urgente des mécanismes et organes de suivi et d’évaluation, l’instauration de la confiance entre les différentes parties et l’imposition d’un coût prohibitif à toute violation de l’accord sont essentielles à son application et à sa pérennisation.

NUMÉRO 112 | AVRIL 2019

3

La manipulation des constitutions nationales constitue une menace pour la stabilité en Afrique L’Afrique connaît un regain d’occurrences d’amendements constitutionnels permettant aux dirigeants en place de prolonger leur mandat et de centraliser le pouvoir politique. Le cas le plus récent est celui des Comores, où le président Azali Assoumani a été élu le mois dernier pour un mandat supplémentaire à la suite de modifications controversées de la Constitution en juillet dernier. Grâce à ces amendements, Assoumani pourrait éventuellement rester au pouvoir jusqu’en 2029. En Égypte, le Parlement a récemment adopté des amendements qui permettraient au président Abdel Fattah al-Sissi de rester à la tête du pays jusqu’en 2030. Ces cas s’inscrivent dans le sillage d’une vague précédente d’amendements relatifs aux mandats présidentiels adoptés au Rwanda, au Burundi, en République du Congo et au Tchad. Ces changements ont été validés par des référendums controversés au cours desquels les partis au pouvoir et les dirigeants ont été accusés d’avoir manipulé les résultats.

L’absence de réponse ferme à de telles pratiques équivaut à cautionner l’autoritarisme Depuis 2015, l’Algérie, le Burundi, les Comores, le Gabon, l’Ouganda, la République du Congo, le Rwanda, le Tchad et le Togo ont amendé leur Constitution au profit des dirigeants en place, soit pour permettre une plus grande centralisation du pouvoir, soit pour lever les limites de mandat. Ces manipulations ont été réalisées en dépit de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui stipule que « l’utilisation [de moyens illégaux] pour accéder ou se maintenir au pouvoir constitue un changement anticonstitutionnel de gouvernement et est passible de sanctions appropriées de la part de l’Union ». Ces moyens illégaux incluent notamment « tout amendement ou

4

RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

toute révision des Constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique ». La charte a été signée par la majorité des États africains, dont le Burundi, les Comores, le Tchad, la République du Congo, le Gabon, le Togo et l’Ouganda. Le caractère anticonstitutionnel de ces révisions a été réaffirmé par le CPS dans les décisions adoptées lors de sa retraite de 2009. Bien que la question ait été débattue à différents niveaux, aucun consensus ne s’est encore dégagé au sein de l’Union africaine (UA) pour définir à quel moment un amendement devient un « changement anticonstitutionnel de gouvernement » au sens de la Charte et si ce type de mesure devrait être sanctionné. Actuellement, seuls les coups d’État militaires font l’objet de sanctions conformément aux dispositions de la Charte et de la Déclaration de Lomé. Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) en a longuement débattu au fil des ans et a chargé la Commission de l’UA de concevoir un cadre global des diverses dispositions juridiques en vigueur visant à prévenir les changements anticonstitutionnels de gouvernement. Cependant, de nombreux États membres de l’UA continuent d’adopter ces amendements qui, à terme, portent atteinte aux principes démocratiques et conduisent à l’instabilité et à l’autoritarisme. Afin d’éviter cela, le CPS devrait veiller à ce que les États membres adoptent et adaptent leurs cadres juridiques et respectent les normes démocratiques lorsqu’ils effectuent une révision de leur constitution.

Approuver l’autoritarisme La plupart des amendements constitutionnels sont apportés en amont des élections et visent généralement à saper les principes démocratiques établis – si imparfaits soient-ils –, la participation

politique, la séparation des pouvoirs et l’alternance du pouvoir. Ceci se vérifie particulièrement pour les amendements dont l’objectif est de désavantager les opposants politiques et de prolonger le mandat des dirigeants tout en minant la séparation des pouvoirs ou en renforçant le contrôle exécutif du pouvoir. Dans le contexte de la Charte, l’absence de réponse ferme à de telles pratiques équivaut à cautionner l’autoritarisme.

Un défi pour la paix et la sécurité Les tentatives de révision des constitutions par les dirigeants en place alimentent l’insécurité, l’instabilité et les violences dans certaines régions d’Afrique. On a pu notamment le constater au Burkina Faso (2014), en République démocratique du Congo (2015–2018), au Burundi (2015), au Togo (2017–2019) et au Soudan (2018–2019). Jusqu’à présent, l’UA a plutôt fait preuve de réactivité que de proactivité lorsque confrontée à ce genre de situations.

Une pente très glissante Dans certains cas, l’incapacité d’un régime à anticiper sa propre fin (en raison de son perpétuel maintien au pouvoir grâce à des amendements constitutionnels) conduit la population à recourir à la violence, à la dissidence armée ou à soutenir un coup d’État militaire. Ce fut le cas lors du printemps arabe de 2011, des manifestations de 2019 en Algérie et du récent mouvement de contestation populaire qui a conduit au renversement du président Omar el-Béchir au Soudan, pays dont la Constitution ne prévoit aucune limite au nombre de mandats présidentiels. Finalement, Omar el-Béchir et Abdelaziz Bouteflika ont été renversés en avril 2019 par des manifestations populaires qui ont été qualifiées de « coups d’État militaires assistés ». Pour l’heure, l’armée a pris le pouvoir au Soudan tandis qu’en Algérie, l’ancien président du Sénat assure l’intérim à la tête du pays jusqu’aux prochaines élections. Les manifestants doutent néanmoins de la capacité de ces nouveaux dirigeants à garantir la tenue d’élections équitables. La Commission de l’UA a qualifié la situation au Soudan de changement anticonstitutionnel de gouvernement et, le 15 avril, le CPS a donné aux dirigeants militaires du pays un délai de deux semaines pour transférer le pouvoir à un gouvernement civil. L’articulation des cadres juridiques de l’UA a pour conséquence que toute tentative de destitution d’un dirigeant d’un pays par la population sans utiliser les moyens énoncés dans la Constitution peut être considérée comme « anticonstitutionnelle ». Dans le même temps, les agissements de nombreux gouvernements échappent à l’attention de l’UA.

Un semblant de légalité En février, le parlement égyptien a approuvé une motion visant à amender la Constitution. Si elle venait à être adoptée et validée par référendum,

2 avril 2019 RENVERSEMENT DE BOUTEFLIKA EN ALGÉRIE

NUMÉRO 112 | AVRIL 2019

5

al-Sissi pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2030. Les critiques estiment en outre que cette révision aura pour effet d’élargir les pouvoirs du président et de l’armée et de fragiliser l’indépendance du pouvoir judiciaire. La plupart des changements constitutionnels dont il est ici question sont adoptés au terme d’un processus démocratique apparent qui semble susciter un consensus national, le plus souvent par le biais d’un référendum, mais qui favorise de fait certains dirigeants et leurs partis. En août 2018, le CPS a demandé à la Commission de l’UA d’effectuer la compilation des constitutions des États membres de l’organisation africaine à des fins de référence. Cependant, cet outil n’a pas encore été transformé en un mécanisme efficace de surveillance des amendements constitutionnels. Bien que la Commission ait également été chargée de définir des critères pour permettre de veiller au respect des normes énoncées dans les cadres juridiques de l’UA, elle ne dispose jusqu’ici d’aucun mécanisme pour déterminer si les États membres s’y conforment. Ainsi, si l’UA dispose bien des cadres juridiques adéquats pour répondre aux amendements constitutionnels antidémocratiques, force est de constater que les retards pris dans l’articulation d’un plan de mise en œuvre clair et le flou entourant la délégation des responsabilités en matière de contrôle du respect de ces normes l’empêchent actuellement de réagir.

Définir ce qui constitue un amendement inconstitutionnel Vu le danger croissant que représentent les révisions constitutionnelles, le CPS devrait en faire une priorité et veiller au respect des cadres juridiques afférents. La première étape pour le CPS consisterait à déterminer quelles sont les révisions constitutionnelles devant être considérées comme des changements anticonstitutionnels de gouvernement. Dans le même ordre d’idées, l’organe devrait faire un suivi de sa demande à la Commission de l’UA d’élaborer des directives concernant la révision des constitutions nationales. Les mesures à adopter lorsque les processus de révision constitutionnelle sont jugés anticonstitutionnels

6

RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

devraient également être précisées, afin d’assurer la cohérence et la prévisibilité de la réponse de l’UA. Jusqu’à présent, les cadres juridiques de l’organisation n’envisagent que des mesures punitives lorsqu’un changement anticonstitutionnel de gouvernement a déjà été opéré.

Le CPS devrait faire des révisions constitutionnelles l’une de ses priorités À cet égard, le CPS devrait encore une fois faire le suivi de sa décision de charger la Commission de l’UA de rédiger des lignes directrices concernant les amendements constitutionnels. Plutôt que d’adopter des mesures punitives, le CPS pourrait confier à un sous-comité dédié la responsabilité de suivre de près les modifications constitutionnelles. Ce nouvel organe aurait pour tâche de soutenir les États membres dans leurs démarches et d’entreprendre des missions d’observation et de conseil pour s’assurer que les processus de révisions respectent l’esprit de la constitution, qu’ils sont transparents et reflètent la volonté du peuple.

Veiller à la conformité Le CPS veillerait en outre au respect des dispositions de l’UA en demandant aux États membres d’informer officiellement l’organisation de tout changement constitutionnel afin de lui permettre de déployer des missions d’observation ou de conseil et de les assister dans leur démarche. Tel que souhaité par le CPS depuis 2014, les diverses dispositions juridiques visant à prévenir les changements anticonstitutionnels de gouvernement devraient également être consolidées dans un seul et même cadre juridique exhaustif. Un tel document aiderait les organes techniques mis en place à assurer le suivi des projets d’amendement constitutionnel de manière à guider l’intervention rapide du CPS Enfin, le CPS devrait enjoindre les États membres qui n’ont pas signé ou ratifié les cadres juridiques pertinents de l’UA de le faire pour soutenir les efforts continentaux visant à promouvoir la bonne gouvernance et la démocratie.

L’accord de paix au Soudan du Sud tient-il toujours ? En septembre 2018, les parties sud-soudanaises ont signé un nouvel accord de paix pour tenter de redonner vie à l’accord de 2015. La nouvelle entente, fruit de plusieurs mois de négociations menées par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), a obtenu l’adhésion de la plupart des parties au conflit. Malgré un contexte difficile et un certain scepticisme quant à la viabilité de l’accord, des avancées notables ont depuis été constatées dans un certain nombre de domaines clés. Tout d’abord, la majeure partie des dirigeants de l’opposition sont rentrés d’exil dans le cadre de l’accord. Selon les médiateurs, le fait qu’un grand nombre de dirigeants politiques se trouvent à Juba facilite le processus de consultation. Entre le retour à Juba de la plupart des opposants et le 1er mars dernier, la mission des Nations unies (ONU) au Soudan du Sud a organisé environ 70 réunions de ce type dans le pays. Le retour des chefs de l’opposition a été rendu possible par une nette diminution des combats dans l’ensemble du pays. Cette baisse s’explique en partie par le respect des dispositions du cessez-le-feu permanent. L’amélioration de la sécurité a également permis le retour d’un certain nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Selon le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour le Soudan du Sud, David Shearer, environ 135 000 personnes ont regagné leur foyer. Au cours du premier trimestre de 2019, quelque 12 000 personnes déplacées ont quitté les camps pour rentrer chez elles. Enfin, ces changements ont suscité un regain d’optimisme parmi les citoyens quant aux perspectives de paix. Cet optimisme est essentiel pour garantir l’adhésion de la population à l’accord de paix et ainsi assurer l’ancrage d’une paix durable.

Certaines questions cruciales demeurent en suspens Les développements ci-dessus sont remarquables au vu de la situation humanitaire catastrophique qui caractérise le conflit depuis 2013. Toutefois, ces progrès ne peuvent être attribués à une quelconque résolution des problèmes criants qui sont au cœur de la crise actuelle.

Ils sont plutôt à mettre sur le compte de la lassitude généralisée à l’égard de la guerre dans tout le pays, de l’affaiblissement de l’opposition, des pressions régionales et des choix intéressés de certains politiciens qui cherchent à obtenir de nouveaux postes lucratifs. Les véritables problèmes à l’origine de la crise actuelle ne sont malheureusement toujours pas résolus. Dans la période ayant précédé la rupture de l’accord de 2015, les tensions politiques entre le président Salva Kiir et son ancien adjoint Riek Machar se sont accrues et les divergences d’interprétation de certaines des dispositions de l’accord ont suscité de vifs désaccords, le tout dans un climat de profonde méfiance entre les deux dirigeants.

La majeure partie des dirigeants de l’opposition sont rentrés d’exil dans le cadre de l’accord L’intégration des factions armées contrôlées par les deux dirigeants a également connu de nombreux retards, la transition du champ de bataille à la salle de négociations s’étant révélée difficile tant pour Kiir que pour Machar. À cela s’ajoutait le manque flagrant de volonté politique de la part de Kiir pour mettre en œuvre l’accord. Toutes les conditions étaient donc réunies pour une reprise des hostilités. À l’époque, le processus de paix n’est pas parvenu à contrer ces problèmes sous-jacents, d’où l’échec de l’accord de paix en 2016.

Un chantier inachevé Actuellement, malgré une amélioration générale du contexte, l’on constate toujours la persistance d’une profonde méfiance, d’un manque patent de volonté politique à l’heure d’appliquer pleinement l’accord de paix et de retards dans l’unification de l’armée. Les

NUMÉRO 112 | AVRIL 2019

7

progrès réalisés au Soudan du Sud devraient donc être mesurés à l’aune de la capacité des initiatives existantes à résoudre ces problèmes. Selon le mécanisme régional de suivi mis en place par l’IGAD, la Commission mixte de suivi et d’évaluation reconstituée (R-JMEC), seulement 44 % de tous les objectifs prévus au cours de la période de pré-transition ont été atteints depuis la signature de l’accord de paix. La majorité d’entre eux concernent la mise en place d’institutions et de mécanismes plutôt que la résolution des questions centrales qui suscitent la controverse. Ainsi, environ 56 % des jalons clés n’ont toujours pas été atteints, notamment ceux portant sur les points les plus litigieux et les plus essentiels comme l’unification de l’armée, la redéfinition des frontières des États et la révision constitutionnelle.

Machar n’est toujours pas autorisé à voyager dans la région depuis son arrivée à Khartoum en juin 2018 Ces questions en suspens demeurent les plus difficiles à appréhender et peuvent générer de nouvelles tensions. Certains députés de l’opposition soutiennent que ne pas s’attaquer aux questions fondamentales est révélateur de la volonté du gouvernement d’appliquer seulement certains points de l’accord de paix. Tout le travail requis pour pérenniser les avancées réalisées reste donc à faire.

Un manque de financement En raison du scepticisme ambiant, de la lassitude des donateurs et de l’absence de plus en plus criante de bonne volonté des acteurs, l’accord de paix n’est pas non plus parvenu à attirer suffisamment de fonds de la communauté internationale pour sa mise en œuvre. L’on se demande donc pourquoi les sommes provenant de l’augmentation des revenus du pétrole ne sont pas affectées à la mise en œuvre de l’accord de paix. En février 2019, par exemple, le gouvernement ne s’est engagé à verser que 10 millions de dollars au Comité national de pré-transition (NPTC) alors que le budget de 285 millions de dollars US du comité n’est pas encore entièrement constitué. L’accord prévoit que les jalons de pré-transition doivent être atteints le mois prochain et il est peu probable que

8

RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

cette échéance soit respectée. Ce retard est dû, en partie, à un manque de financement, à l’incapacité du gouvernement sud-soudanais à engager des fonds supplémentaires pour l’application de l’accord, ainsi qu’aux accusations de mauvaise gestion des maigres ressources disponibles pesant sur les membres du NPTC. Ce dernier point soulève également des questions quant à l’appropriation locale. Mais le plus gros obstacle est sans doute le sort réservé à Machar. En dépit des déclarations de l’IGAD affirmant le contraire, Machar n’est toujours pas autorisé à voyager dans la région depuis son arrivée à Khartoum en juin 2018. Un haut responsable du SPLA-IO s’interroge : « Si tout va bien, pourquoi notre président est-il toujours dans l’impossibilité de se rendre dans la région ? ». Le refus des États membres de l’IGAD d’autoriser Machar à voyager librement témoigne du manque persistant de neutralité des pays voisins dont pâtissent les groupes d’opposition.

Le besoin d’une pression accrue La gravité des enjeux en suspens incite à un optimisme prudent. La période de pré-transition définie par l’accord revitalisé prenant fin en mai 2019, les chances de trouver une solution à tous ces problèmes cruciaux sont ténues. Il est fort probable qu’une demande de prolongation de la période de pré-transition soit formulée. Une telle demande favoriserait néanmoins le président sortant et non l’opposition, le gouvernement ayant l’ascendant dans de nombreux aspects de l’actuel processus de mise en œuvre. Un deuxième scénario qui consisterait à entrer dans la phase de transition sans avoir traité toutes les questions essentielles ne ferait que répéter les erreurs du passé en recréant les conditions d’une reprise des combats, comme cela s’est produit en 2016. Les structures de mise en œuvre de l’IGAD et les mécanismes continentaux chargés de faire face à ces situations doivent donc faire pression sur les parties pour qu’elles règlent toutes les questions clés d’ici la fin de la période de pré-transition. Il s’agit-là du seul moyen de pérenniser les progrès réalisés et d’accomplir les avancées nécessaires afin de parvenir à la paix au Soudan du Sud.

Les désaccords en Afrique sur la situation au Sahara occidental pourraient avoir une incidence sur le CPS Les États membres de l’Union africaine (UA) sont plus divisés que jamais au sujet du conflit sans fin au Sahara occidental. Ces divisions sont apparues évidentes lors des deux conférences concomitantes organisées par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et le Maroc sur cette question en mars 2019. La question du Sahara occidental constituera incontestablement un défi majeur pour le Conseil de paix et de sécurité (CPS) au cours des prochains mois. Plusieurs membres du Conseil soutiennent le Sahara occidental, tandis que d’autres se rangent du côté du Maroc, qui siège désormais au Conseil. Si l’UA souhaite conserver sa pertinence, il est crucial que le CPS se réunisse au niveau des chefs d’État pour discuter du Sahara occidental. Cette démarche s’inscrirait dans le prolongement de la décision prise l’année dernière à Nouakchott par la Conférence de l’UA selon laquelle la question sahraouie ne serait débattue que par le CPS au plus haut niveau et par la troïka de l’UA.

La conférence de solidarité de la SADC La SADC a organisé une « conférence de solidarité » avec le peuple sahraoui les 24 et 25 mars 2019. Plus de 20 pays africains y ont participé, ainsi que divers partis politiques et organisations de la société civile. Les chefs d’État du Lesotho, de la Namibie, de l’Afrique du Sud, du Zimbabwe et de l’Ouganda ont assisté à la rencontre, tandis que les présidents de certains autres pays se sont fait représenter. La déclaration finale de la conférence a soulevé un certain nombre de questions importantes. À l’instar de certains documents antérieurs de l’UA, elle décrit le Sahara occidental comme « le seul territoire d’Afrique sous domination coloniale, [exprime] son soutien à l’autodétermination et à la décolonisation de la région et exhorte le Maroc à respecter les frontières coloniales telles qu’elles étaient au moment de l’indépendance, comme le stipule l’Acte constitutif de l’UA ». Au cours de cette réunion, le rôle central de l’UA dans la résolution du conflit a été souligné et le droit des États membres à participer aux efforts de négociation de l’UA concernant le Sahara occidental a été réaffirmé. La déclaration a également mentionné le soutien de la SADC

aux efforts menés par l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, ainsi qu’aux efforts de l’UA, conformément à la décision AU/Dec.693 (XXXI) de juillet 2018, soulignant la nécessité d’un règlement politique mutuellement acceptable.

Organisation d’une conférence ministérielle concomitante à Marrakech Alors même que la SADC se réunissait à Pretoria, le Maroc organisait de son côté à Marrakech sa propre conférence intitulée « Conférence ministérielle africaine sur l’appui de l’UA au processus politique de l’ONU sur le différend régional au sujet du Sahara ». Cette rencontre a attiré des représentants de 36 pays africains, dont le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Libéria, le Nigeria, le Rwanda, la Tunisie et la Zambie. À l’instar de la rencontre organisée par la SADC, la conférence a adopté une déclaration exprimant son soutien à la mise en œuvre de la décision AU/ Dec.693 (XXXI) de juillet 2018. Le document réaffirme également « l’exclusivité des Nations unies en tant que cadre de recherche d’une solution politique, mutuellement acceptable, réaliste, pragmatique et durable » à la question du Sahara occidental. Contrairement à la déclaration de la SADC, la conférence de Marrakech prône l’exclusion des organes de l’UA des négociations, à l’exception de la troïka de l’UA composée du président en exercice de l’Union (l’Égyptien Abdel Fattah al-Sissi), de son prédécesseur (le Rwandais Paul Kagame) et de son successeur (le Sud-Africain Cyril Ramaphosa), avec le soutien du président de la Commission de l’UA. La troïka se voit ainsi donner pour mission d’« accompagner » le processus des Nations unies pour le Sahara occidental. Son rôle exact dans cette mission n’est toutefois pas clairement défini.

NUMÉRO 112 | AVRIL 2019

9

Deux blocs aux vues divergentes Aucune de ces deux déclarations n’a d’incidence juridique sur les décisions et les actions de l’UA. Elles soulignent néanmoins les profondes divisions qui existent quant au rôle de l’UA dans le conflit. En effet, la conférence de la SADC assigne à l’UA un rôle central dans le processus devant aboutir à l’organisation d’un référendum sur l’autodétermination du Sahara occidental, alors que celle de Marrakech limite l’implication de l’UA à la seule troïka, laquelle se voit cantonnée à un simple rôle de soutien au processus des Nations unies. Des pourparlers sont en cours sous la médiation de l’envoyé spécial de l’ONU Horst Koehler, mais les deux groupes campent toujours sur leurs positions : les partisans du Sahara occidental réclament l’indépendance du territoire sahraoui, alors que le Maroc a présenté un plan qui prévoit l’autonomie politique de la région, sous la souveraineté de Rabat. Le Maroc accuse l’UA et ses États membres de prendre fait et cause pour le Sahara occidental depuis la reconnaissance, en 1984, par l’Organisation de l’unité africaine (OUA) de la République démocratique arabe sahraouie comme l’un de ses États membres. Le Maroc s’est par la suite retiré de l’organisation et a refusé de prendre part à tout effort de médiation de l’OUA. La réintégration du Maroc au sein de l’UA en 2017 a toutefois soulevé des interrogations sur le traitement que l’organisation continentale réserverait au conflit sahraoui. Les États membres en faveur d’un référendum d’autodétermination du Sahara occidental, tels que l’Afrique du Sud, ont appelé l’UA à appliquer les principes normatifs et juridiques énoncés dans l’Acte constitutif de l’UA. Il s’agit notamment des principes de souveraineté et d’égalité des États membres et du respect des frontières existant au moment de l’accession à l’indépendance Certains États membres de l’UA, en particulier l’Algérie, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, insistent sur l’implication de l’UA sur la question du Sahara occidental, doutant de la capacité de l’ONU à trouver par elle-même une solution au conflit, alors que les efforts onusiens en ce sens ont tous échoué depuis 50 ans.

Une SADC divisée Des États membres de l’UA, tels que l’Angola, le Burundi, le Burkina Faso, la RDC, l’Eswatini, le Malawi, la Tanzanie, la République centrafricaine, le Ghana et le Nigeria ont participé aux deux conférences.

10

RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

Par ailleurs, certains États membres de la SADC tels que les Comores et Madagascar n’ont dépêché des représentants qu’à la conférence de Marrakech. Cette situation a suscité de vives critiques de la part des autres membres de la SADC, notamment du président namibien et actuel président en exercice de l’organisation régionale, Hage Geingob, qui y a vu une menace à l’unité de la SADC. Les dissensions au sein de l’UA sur cette question devraient également se refléter au sein de la troïka. Si Paul Kagame est perçu comme un allié du Maroc, l’Afrique du Sud et l’Égypte ont exprimé leur soutien à l’autodétermination du Sahara occidental.

Le rôle du CPS Les points de vue divergents exprimés lors des conférences de la SADC et de Marrakech pourraient avoir un effet néfaste sur les travaux du CPS en 2019. En effet, des partisans inconditionnels et historiques du Sahara occidental tels que l’Algérie, le Zimbabwe, le Kenya, le Lesotho et le Nigeria siègent actuellement au CPS, aux côtés du Maroc. Si les États membres de l’UA, en particulier ceux élus au CPS, décident de maintenir leurs positions, le conflit sahraoui pourrait rester dans l’impasse pendant de nombreuses années. Cependant, s’ils se concentrent sur certains éléments de convergence, comme leur soutien au processus de l’ONU, qui transparaît également dans la déclaration de la SADC, des avancées pourraient être réalisées dans la résolution du conflit. Le CPS ne pouvant s’impliquer dans la question du Sahara occidental qu’au niveau des chefs d’État et de gouvernement, il est crucial que l’organe se réunisse à ce niveau plus d’une fois par an, comme le veut actuellement la pratique. Le fait que la plupart des membres actuels du CPS sont investis dans la résolution du conflit rend la chose possible. Outre les pays siégeant au CPS, les membres de la troïka de l’UA sont également désireux de voir se régler le conflit du Sahara occidental. Ramaphosa s’est exprimé à diverses occasions sur le sujet. Cela devrait faciliter la mise en place de réunions régulières du CPS au niveau des chefs d’État et de gouvernement afin de suivre les progrès réalisés par la troïka et la présidence de l’UA. Toutefois, une volonté politique forte sera nécessaire pour que ce différend de longue date puisse être dénoué avec succès.

Le CPS devrait aborder la question de la situation au Cameroun Le Cameroun est actuellement aux prises avec diverses menaces. À l’extrême nord, le pays est touché par les attaques de Boko Haram depuis 2014, tandis que les régions dites anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont confrontées depuis deux ans à une crise dont l’ampleur ne cesse de croître. Cette situation pèse lourdement sur la paix et la stabilité au Cameroun et a de graves implications pour toute la sous-région. S’y ajoute un contexte politique fortement polarisé, comme en témoigne le scrutin présidentiel contesté d’octobre 2018. Paul Biya, âgé de 86 ans, au pouvoir depuis 1982, a été réélu avec 71 % des voix. Compte tenu de son âge avancé et du fait qu’il s’agit probablement de son dernier mandat présidentiel, la question de sa succession est une importante source de préoccupation. Au vu des défis actuels auxquels le pays est confronté, une éventuelle lutte pour la succession de Biya risque d’affecter encore davantage l’avenir du Cameroun. Pourtant, malgré ces signes alarmants, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) ne s’est pas encore saisi de la question de la situation camerounaise. Ceci indépendamment du fait que le CPS doit, comme stipulé dans le protocole qui l’a créé, agir en tant que « système de sécurité collective et d’alerte rapide », afin de « permettre une réaction rapide et efficace aux situations de conflit et de crise en Afrique ».

Malgré ces signes alarmants, le CPS ne s’est pas encore saisi de la question de la situation camerounaise Compte tenu du mutisme de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), le CPS devrait intervenir pour éviter que l’escalade ne se poursuive et que l’instabilité croissante ne se propage dans la région.

Combattre sur deux fronts La menace terroriste au Cameroun n’est pas vraiment un phénomène récent, même si Boko Haram s’avère être une menace d’un type nouveau et particulièrement résilient. De même, la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest du Cameroun a des fondements historiques clairs.

Bien que les attaques de Boko Haram au Cameroun aient été enrayées, le groupe terroriste dispose toujours d’une capacité de frappe, contrairement à ce que les gouvernements camerounais et nigérian prétendent. De nature transnationale, le problème Boko Haram ne sera éradiqué au Cameroun que s’il l’est également dans ses autres bastions, en particulier au Nigeria voisin. La Force multinationale conjointe (FMM) — constituée par des troupes du Bénin, du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Nigeria — a tenté d’éliminer le groupe extrémiste au-delà des frontières des pays touchés. Cependant, selon Akinola Olojo, chercheur principal à l’Institut d’études de sécurité, « il est tout aussi important de s’attaquer à la propagande qui alimente l’extrémisme qu’à ses moteurs socioéconomiques et politiques ».

Deux régions profondément déstabilisées La crise dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest est encore plus alarmante pour le gouvernement camerounais. Elle a déstabilisé les deux régions et affecté la vie de milliers de personnes. Les différentes parties prenantes s’opposent dans des récits concurrents et se livrent une véritable guerre des chiffres – en particulier le gouvernement, les différents groupes d’opposition, les organisations internationales et la société civile. Fin 2016, la première réaction du gouvernement aux grèves des avocats et des enseignants a été de nier l’existence du problème, puis de déployer l’armée pour réprimer les manifestations. La riposte du gouvernement a eu pour conséquence d’aggraver la situation en cristallisant les positions des habitants du Sud-Ouest et du Nord-Ouest entre partisans du fédéralisme et partisans du séparatisme qui incluent les combattants désignés désormais comme les « Amba boys ». Ces troubles civils provoqués par un sentiment de marginalisation se sont ainsi transformés en une insurrection armée qui a complètement déstabilisé

NUMÉRO 112 | AVRIL 2019

11

ces deux régions. Certains rapports suggèrent que les séparatistes et les forces gouvernementales ont commis des violations des droits de l’homme, notamment des incendies d’écoles et d’hôpitaux, des exécutions sommaires, des enlèvements contre rançons et des arrestations arbitraires. L’insécurité a gravement affecté le scrutin présidentiel d’octobre 2018 dans les régions anglophones, avec un taux de participation très faible, la population craignant pour sa vie. La crise a eu un impact considérable sur la vie quotidienne des Camerounais. Les enfants de ces régions ne vont plus à l’école depuis des mois. L’on recense 437 513 personnes déplacées dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, et pas moins de 32 601 réfugiés camerounais sont enregistrés au Nigeria, dont la moitié a moins de 18 ans. De nombreux réfugiés ne se faisant pas recenser, leur nombre réel est très certainement plus élevé.

L’impact économique de la crise Le coût économique de la crise est de plus en plus évident. Une étude du Groupement inter-patronal du Cameroun, une fédération de chefs d’entreprise camerounais, fait état de pertes de 56 milliards de francs CFA (96,5 millions de dollars US) dans les filières café et cacao sur l’année budgétaire 2017–2018, soit 20 % de leur chiffre d’affaires. Le Sud-Ouest du pays produit en effet près de 45 % du cacao camerounais. La production de café dans le Nord-Ouest a également été durement affectée par la crise. La région concentre environ 70 % de la production nationale de café arabica. La Société camerounaise de développement agricole, premier employeur privé du pays, est également touchée par l’insécurité. L’entreprise a subi des pertes matérielles de plus d’un milliard de francs CFA et un déficit de 12 milliards de francs CFA sur la période 2017–2018. En donnant priorité à la sécurité du régime face à la sécurité et la stabilité nationales, le gouvernement camerounais a provoqué l’aggravation d’une « crise anglophone ». L’incarcération du dirigeant séparatiste Sisiku Julius Ayuk Tabe et de ses camarades empêche toute possibilité de dialogue. Pour l’heure, le gouvernement prétend qu’aucun porte-parole crédible n’émerge du camp séparatiste, et que celui-ci n’est constitué que de bandits et de pillards. Outre la menace de Boko Haram et l’insurrection désormais armée dans les régions anglophones, le pays

12

RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

est plongé dans un climat de morosité généralisée sur le plan politique. Maurice Kamto, qui est officiellement arrivé en deuxième position lors des élections présidentielles d’octobre 2018, et 145 autres membres de son parti sont détenus à la prison de Kondengui depuis janvier 2019. Ils sont notamment accusés de « rébellion, insurrection et hostilité contre la patrie », un crime passible de la peine de mort. De plus, des élections législatives sont prévues pour novembre 2019. Toutes ces considérations ont des implications évidentes pour la stabilité nationale et régionale.

Le CPS devrait se pencher sur la situation au Cameroun En dépit de l’impact de ces problèmes sur sa stabilité, voire celle de la région, le Cameroun n’a toujours pas fait l’objet de discussions au CPS. La complexité croissante de ces enjeux justifie que le CPS considère le Cameroun comme un sujet de préoccupation. Il en va de sa responsabilité à titre d’organe principal chargé de garantir une « réaction rapide pour maîtriser les situations de crise avant qu’elles ne se transforment en conflits ouverts ». Cependant, l’inscription d’un pays particulier à l’ordre du jour du CPS est soumise à des considérations politiques qui empêchent le Cameroun d’y figurer pour l’instant. Le fossé pouvant exister entre l’alerte précoce et l’action rapide du CPS est sujet à débats. Le cas du Cameroun en est un bon exemple. Le pays s’enfonce progressivement dans une instabilité mal gérée par le gouvernement. Souvent, l’Union africaine (UA) ou le CPS peinent à déterminer le moment adéquat pour intervenir ; la question est de savoir jusqu’où l’on peut laisser une situation s’envenimer avant de réagir. En effet, tout porte à croire que la situation au Cameroun continue à se dégrader. Au niveau régional, la CEEAC, dont fait partie le Cameroun, se prononce rarement sur la situation interne de ses États membres. Il incombe donc au CPS d’intervenir. Comme l’a fait remarquer le haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, dans un discours prononcé en 2017 devant l’ONU : « Les crises locales que l’on néglige s’amplifient et deviennent transnationales avec des répercussions plus larges ». La situation au Cameroun entre dans cette catégorie. Si elle n’est pas endiguée, elle pourrait dégénérer en une nouvelle crise que le continent affrontera avec difficulté dans une région déjà aux prises avec l’instabilité.

Entretien avec le Rapport sur le CPS : Les incertitudes de la transition au Soudan Au terme de quatre mois de manifestations non violentes dans les rues du Soudan, le président Omar el-Béchir a été renversé le 11 avril 2019 après 30 ans passés au pouvoir. L’Union africaine a qualifié cette évolution de « coup d’État militaire ». L’incertitude plane sur l’avenir du Soudan et sur les conséquences pour ses voisins. Atta El-Battahani de l’université de Khartoum analyse la situation pour le Rapport sur le CPS.

Quelles sont les principales raisons des manifestations qui ont conduit à la chute d’Omar el-Béchir ? En bref, elles sont de deux ordres : il y a les raisons structurelles et les raisons immédiates. Les causes structurelles découlent de 30 ans d’autocratie islamique au cours desquels la Charia a été imposée de manière stricte, les droits civils et politiques ont été supprimés, les femmes et les jeunes ont souffert d’un code éthique archaïque et le mode de vie du commun des Soudanais a été altéré. Le régime a également transformé la guerre civile en guerre sainte et en djihad, ce qui a mené à la sécession du Soudan du Sud en 2011. Il a par ailleurs mis en place des mesures agressives d’ajustement structurel qui ont fait le jeu des hauts responsables du parti au pouvoir et ont alimenté le favoritisme. Enfin, il a entraîné le pays dans diverses péripéties dans le domaine de la politique étrangère.

L’économie soudanaise a connu des périodes difficiles, notamment à cause de l’inflation qui a atteint des sommets l’an dernier avec un taux proche de 70 % L’élément déclencheur des manifestations de décembre 2018 a été la décision du gouvernement de mettre fin aux subventions sur le blé et l’électricité. L’économie soudanaise a connu des périodes difficiles au cours des dix dernières années, notamment à cause de l’inflation qui a atteint des sommets l’an dernier avec un taux proche de 70 %. Les mesures d’austérité adoptées par le gouvernement s’inscrivent dans le cadre de réformes économiques plus vastes proposées par le Fonds monétaire international. Le prix du pain a doublé, ce qui a entraîné des pénuries de liquidités et le nonpaiement des salaires. Partout dans le pays, les gens passent des heures à faire la queue dans les stations-service, les boulangeries et les banques. Cette fois-ci, contrairement aux manifestations antigouvernementales habituelles, les manifestations ont débuté en province. Les manifestants ont commencé par scander des slogans qui exprimaient leur mécontentement face à la situation économique. Puis, ces revendications économiques ont

2011

SÉCESSION DU SOUDAN DU SUD

NUMÉRO 112 | AVRIL 2019

13

rapidement cédé le pas à des exigences politiques de changement de régime. Les protestations ont ensuite pris de l’ampleur lorsque l’Association des professionnels soudanais a aidé les jeunes et les femmes à se structurer en mouvements contre el-Béchir, qui est âgé de 75 ans, et son régime. 

Comment les autorités de transition peuvent-elles répondre aux revendications à l’origine des protestations ? Elles devront dans un premier temps adopter des mesures crédibles pour faire face à la détérioration de la situation économique, notamment en se détournant des intérêts spéculatifs et d’une économie basée sur la rente pour privilégier les secteurs productifs. Cela implique nécessairement des mesures drastiques contre la corruption, le favoritisme et les rivalités formelles ou informelles entre chefs de guerre cherchant à maximiser leurs rentes. Deuxièmement, les nouvelles autorités devront céder le pouvoir à un gouvernement mixte composé de civils et de militaires qui assurera une période de transition, laquelle débouchera sur des élections générales. Enfin, des mesures visant à garantir la justice transitionnelle et la réconciliation nationale devront être prises. Il s’agit d’un élément essentiel si les membres actuels du Conseil militaire veulent prouver qu’ils ne sont pas qu’une nouvelle incarnation du régime d’el-Béchir. Compte tenu de la volatilité de la situation politique, chacune de ces étapes constitue un défi colossal. Tout dépendra de la capacité des autorités de transition à gérer la complexité de l’ère post-el-Béchir, laquelle se caractérise par la présence de diverses coalitions concurrentes.

Quelles sont les répercussions potentielles de la chute d’el-Béchir pour la Corne de l’Afrique et le Soudan du Sud, pays lui-même confronté à ses propres défis ? Le gouvernement déchu de Khartoum a récemment joué un rôle de premier plan, conjointement avec l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’Union africaine (UA), dans les efforts de stabilisation du Soudan du Sud et de la République centrafricaine. Il a également collaboré avec l’Union européenne pour réguler la migration

14

RAPPORT SUR LE CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

des personnes projetant de traverser la Méditerranée, et avec les États-Unis, notamment en mettant à jour et en combattant divers réseaux terroristes et en déployant des soldats soudanais au Yémen. Le Soudan constitue donc le maillon faible d’une géographie régionale de la violence dans une zone (la partie centrale de l’Afrique de l’Est) dont l’effondrement menacerait la stabilité d’une région déjà fragile sur le plan sécuritaire. Certains articles de presse ont laissé entendre que la chute d’el-Béchir constituait un défi pour le Soudan du Sud, Khartoum étant l’un des principaux garants de l’accord de paix signé en 2018 par les belligérants sud-soudanais.

Quel rôle l’UA et l’IGAD pourraient-elles jouer pour aider le Soudan en cette période de transition ? Faisant preuve d’une résilience remarquable, les Soudanais ont manifesté pacifiquement pendant environ quatre mois, ce qui a conduit à un changement de régime. Il s’agit d’un test pour l’UA et l’IGAD qui ont l’occasion, en relevant ce défi, de démontrer la capacité d’action de l’Afrique, d’accompagner le peuple soudanais dans ses efforts pour surmonter le double problème de la stagnation et de la crise et d’apporter le soutien nécessaire pour asseoir une paix et des réformes démocratiques durables.

Les interventions de l’UA et de l’IGAD au Soudan devront avoir des conséquences profondes Après avoir gagné la confiance de l’opposition et des acteurs du changement que sont les jeunes et les femmes et proposé une solution au dilemme soudanais, il est à espérer que les interventions de l’UA et de l’IGAD au Soudan auront des conséquences profondes et enverront des signaux positifs quant aux capacités des institutions africaines à contrer l’édification des États autoritaires. Avant les événements actuels au Soudan, l’UA a joué un rôle de médiateur entre le gouvernement de Khartoum, les groupes rebelles et l’opposition civile, dans le cadre de ce que l’on a appelé la « feuille de route » pour la paix, avec pour objectif de « faire taire les armes et de maintenir une paix durable ». Cependant, les négociations

ont été interrompues en raison des accusations des groupes rebelles et des organisations civiles selon lesquelles l’UA n’était pas un médiateur impartial. L’organisation africaine était en effet perçue comme prenant le parti du gouvernement soudanais.

Quelles sont les perspectives d’avenir du Soudan ? Il est pour l’heure difficile de répondre à cette question. Cela dépendra surtout de la façon dont le Conseil militaire qui a renversé el-Béchir traitera avec les quatre principales coalitions. La première de ces coalitions est composée des groupes armés, y compris les Forces armées soudanaises (FAS), les Forces d’appui rapide (FAR), le Service national de renseignement et d’information, les Forces de défense populaires et les autres milices qui ont soutenu le parti au pouvoir. Bien sûr, il y a aussi les groupes rebelles qui luttent contre le gouvernement — le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord et les rebelles du Darfour —, l’Armée de libération du Soudan (Abdelwahid), l’Armée de libération du Soudan (Mini-Minawi) et le Mouvement pour la justice et l’égalité (Jibril Ibrahim). Si les FAS et les FAR sont à la tête de l’autorité de transition, la position des autres groupes reste floue. La deuxième coalition regroupe les forces politiques civiles, au premier rang desquelles l’on retrouve l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), menée par l’Association des professionnels soudanais et qui comprend plusieurs autres partis et associations d’opposition. Si l’ALC semble jouir du soutien de la rue, sa domination sur la coalition semble de plus en plus contestée par d’autres organisations civiles et politiques, dont certaines n’ont que tout récemment rompu avec le gouvernement el-Béchir et parlent désormais de la nécessité d’un changement. Troisièmement, le Parti du Congrès national (PCN), l’ancien parti au pouvoir, contrôle toujours certaines institutions économiques et financières ainsi que le pouvoir judiciaire, les universités, la fonction publique, etc. Que l’on appelle ces structures des « réseaux clientélistes » ou encore l’« État profond » (« deep state »), force est de constater que les cadres du

PCN ne resteront pas inactifs et feront leur possible pour entraver toute transition pacifique. Enfin, un nombre important d’acteurs régionaux et internationaux ayant des intérêts au Soudan considèrent la paix et la stabilité, et non la transition démocratique, comme leur priorité absolue. Chacune de ces quatre grandes coalitions est traversée par des lignes de fracture, et il sera difficile de parvenir à un consensus acceptable pour tous.

Les autorités militaires peuvent recourir à la force armée, tandis que l’opposition civile contrôle la rue Chacune de ces coalitions a un ou plusieurs atouts à faire valoir dans le processus de négociation politique. Les autorités militaires peuvent recourir à la force armée, tandis que l’opposition civile contrôle la rue, que l’ancien régime dispose de cellules dormantes et de responsables disséminés dans l’appareil étatique, et que les acteurs régionaux et internationaux peuvent soutenir et défendre leurs protégés respectifs. Je pense qu’en l’état actuel des choses, les actions et les choix des acteurs extérieurs sont susceptibles de peser grandement sur les calculs faits à Khartoum. À ce stade-ci, des négociations et des efforts de médiation sont conduits tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, mais si aucune solution à l’amiable n’est trouvée, c’est la loi du plus fort qui prévaudra. Dans son ouvrage The wealth and poverty of nations, David Landes affirme que dans les situations de conflit, les trois facteurs suivants ne peuvent coexister : des niveaux de puissance fortement disparates, l’accès d’un groupe aux instruments du pouvoir et l’égalité entre les différents groupes ou pays en présence. Cela signifie que si un groupe dispose des moyens de la puissance et qu’il est en mesure de frapper un coup décisif pour faire pencher en sa faveur le rapport de force, alors les chances sont très élevées pour qu’il le fasse. Bien que le règne d’el-Béchir soit terminé, l’impasse politique qui prévaut au Soudan présente toutes les caractéristiques d’une transition incertaine.

NUMÉRO 112 | AVRIL 2019

15

INSTITUT D’ÉTUDES DE SÉCURITÉ

À propos du Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  Le Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité analyse les évolutions et les décisions du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine. Cette publication mensuelle est la seule à offrir une analyse sur l’actualité des travaux du CPS. Le rapport est rédigé par une équipe d’analystes de l’ISS basée à Addis Abeba.

À propos de l’ISS L’Institut d’études de sécurité (ISS) établit des partenariats pour consolider les savoirs et les compétences en vue d’un meilleur futur pour l’Afrique. L’ISS est une organisation africaine nonlucrative dont les bureaux sont situés en Afrique du Sud, au Kenya, en Éthiopie et au Sénégal. Grâce à ses réseaux et à son influence, l’ISS propose aux gouvernements et à la société civile des analyses pertinentes et fiables, ainsi que des formations pratiques et une assistance technique.

Les personnes qui ont contribué à ce numéro Mohamed Diatta, chercheur, ISS Addis Abeba Liesl Louw-Vaudran, consultante principale de recherche, ISS Andrews Attah-Asamoah, attaché principal de recherche, ISS Shewit Woldemichael, chercheuse, ISS Addis Abeba Damien Larramendy, traducteur Anne-Claire Gayet, réviseure

Contact Liesl Louw-Vaudran Consultante pour le Rapport sur le CPS ISS Pretoria Courriel: [email protected]

Les bailleurs de fonds

Ce rapport est publié grâce au soutien de la Fondation Hanns Seidel et des gouvernements des Pays-Bas et du Danemark. L’ISS souhaite également remercier les membres suivants de son Forum des partenaires pour leur appui : l’Union européenne, la Fondation Hanns Seidel et les gouvernements de l’Australie, du Canada, du Danemark, de la Finlande, de l’Irlande, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Suède et des États-Unis.

© 2019, Institut d’études de sécurité Les droits des auteurs de l’ensemble de ce volume appartiennent à l’Institut d’études de sécurité et à ses auteurs, et aucune partie ne peut être reproduite, en tout ou en partie, sans l’autorisation expresse, par écrit, des auteurs et des éditeurs. Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles de l’Institut, de ses fiduciaires, des membres du Conseil consultatif ou des donateurs. Les auteurs contribuent aux publications de l’ISS à titre personnel.