Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité 98

29 janv. 2018 - Conseil de paix et de sécurité. Numéro 98 | Décembre 2017/JaNvier 2018. “Les États de petite taille constitueront‑ils le moteur de l'intégration africaine ? Page 5 .... telles que le commerce et les migrations, seront vouées à devenir des ..... Ce dernier a précisé, dans un entretien accordé à Radio France.
682KB taille 3 téléchargements 222 vues


Numéro 98  |  Décembre 2017/Janvier 2018

Dans ce numéro ■

À l’ordre du jour Le 30e sommet de l’UA représente une bonne occasion pour commencer à réformer l’organisation Dix nouveaux membres du CPS seront élus à l’occasion du prochain sommet La clarification des relations entre l’UA et les communautés économiques régionales est l’une des priorités du programme de réformes de l’UA

■ Analyse

de situation

Des élections législatives devraient être organisées en Guinée-Bissau en 2018 ■ Vues

d’Addis

L’analyse des travaux du CPS montre qu’un nombre plus important de réunions ont été consacrées à des questions thématiques qu’à des situations de crise En 2018, les observateurs électoraux devront redoubler d’efforts pour conserver leur pertinence

Rapport

sur le Conseil de paix et de sécurité

Au cours de l’année écoulée, l’UA a adopté des mesures afin d’atteindre son objectif de faire taire les armes ■ Entretien

avec le Rapport sur le CPS

Le Rapport sur le CPS s’entretient avec le responsable de la Division prévention des conflits et alerte rapide de l’UA

“ Les États de petite

taille constitueront‑ils le moteur de l’intégration africaine ?

Page 5

“ En 2017, le CPS

s’est réuni plus souvent que l’année précédente Page 15

“ Paul Kagame

s’est avéré être un défenseur du panafricanisme Page 19

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité

À l’ordre du jour 30e sommet de l’UA : il est temps de mettre en œuvre les premières réformes de l’UA Le 30e sommet de l’Union africaine se tiendra les 29 et 30 janvier 2018 à Addis Abeba. Un an après l’élection d’une nouvelle commission présidée par l’ancien ministre tchadien des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahamat, les enjeux de ce sommet sont importants. Parmi les questions abordées, deux en particulier auront un impact déterminant sur la pertinence de l’UA en tant que mécanisme régional. La première concerne la poursuite des réformes proposées par le chef d’État rwandais Paul Kagame, qui assurera la présidence tournante de l’organisation en 2018. La deuxième a pour objet l’adoption d’un protocole de libre circulation qui favorisera l’intégration du continent. Un an après l’entérinement du rapport Kagame par la Conférence de l’UA, le sommet doit aborder les prochaines étapes de mise en œuvre du plan de réformes. La Commission de l’UA a, jusqu’ici, mis sur pied l’Unité de mise en œuvre de la réforme (UMOR), présidée par l’ancien ministre camerounais des Affaires étrangères Pierre Moukoko Mbonjo et localisée au sein du bureau du président de la Commission. L’UMOR est appelée à jouer le rôle d’organe de coordination dans l’application des réformes.

Président actuel du CPS S.E.M. Lazare Makayat Safouesse Ambassadeur de la République du Congo en Éthiopie et représentant permanent auprès de l’UA et de l’UNECA

2

Le défi consiste à mettre en place un organe qui veillera au respect par les États membres de leurs engagements juridiques Selon la matrice de l’échéancier fourni par Paul Kagame, quatre recommandations doivent être mises en œuvre en janvier 2018 : • L’adoption d’un mécanisme chargé de veiller à l’application des décisions

Les membres actuels du CPS sont

juridiquement contraignantes : cette mesure touche à la nature même

l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Botswana, le Burundi, l’Égypte, le Kenya, le Niger, le Nigeria, l’Ouganda, la République du Congo, le Rwanda, la Sierra Leone, le Tchad, le Togo et la Zambie.

prétextant souvent leur propre souveraineté pour ne pas suivre les

de l’UA en tant qu’organisation intergouvernementale, les États membres décisions continentales. Le défi consiste à instituer un organe qui veillera à ce que les pays membres respectent leurs engagements juridiques tout en tenant compte de l’opposition historique des chefs d’État et de gouvernement africains à toute forme de supranationalité au niveau panafricain.

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

• La mise en œuvre d’un mécanisme de sanctions : cette mesure mettra à l’épreuve la capacité des États membres de l’UA à limiter leur souveraineté pour renforcer l’impact institutionnel des organes panafricains. • La finalisation de l’audit d’identification des inefficacités bureaucratiques : il est probable que cet audit soit le point de départ d’une réflexion interne sur les responsabilités du président, la répartition des tâches entre le président et son vice-président, la structure de la Commission et le statut des agences de l’UA telles que le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD). • L’adoption de quotas pour améliorer la représentation des femmes et des jeunes au sein du personnel de l’UA et l’instauration de mesures visant à assurer la participation du secteur privé : une question importante concerne ici la définition de  « jeune », celle-ci variant d’un pays à l’autre. Trois recommandations concernant le processus de mise en œuvre devraient faire l’objet d’un rapport d’étape en janvier 2018 : La clarification de la division des tâches entre l’UA, les communautés économiques régionales (CER) et d’autres institutions telles que le NEPAD. L’examen des mandats et le renforcement des organes clés : une attention toute particulière sera probablement portée au rôle du Comité des représentants permanents (CRP), composé des ambassadeurs en poste à Addis Abeba. Le rôle du CRP fait l’objet de désaccords et d’incohérences entre les États membres et les régions. Le rapport Kagame a souligné que le CRP ne devrait pas être un organe de contrôle de la Commission de l’UA, mais plutôt jouer le rôle d’intermédiaire entre les capitales et Addis Abeba. Certaines régions insistent pourtant sur l’importance du CRP et de ses échanges quotidiens avec la Commission de l’UA. L’Acte constitutif est flou sur le sujet puisque selon le document, le CRP a  « la responsabilité de préparer les travaux du Conseil exécutif et d’agir selon ses instructions ».

Une attention toute particulière sera probablement portée sur le rôle du Comité des représentants permanents composé des ambassadeurs en poste à Addis Abeba L’identification et la fourniture de biens et de services publics à l’échelle du continent, afin de rapprocher l’UA des citoyens : le panel doit encore préciser ce que l’on entend par  « biens et services publics ». Cette recommandation implique un débat sur le positionnement global de l’UA : l’organisation doitelle se cantonner à un rôle d’élaboration et de coordination des politiques ou bien doit-elle avoir un rôle de mise en œuvre de celles-ci ? Trois recommandations devraient être mises en œuvre en janvier 2018 : • L’examen du cadre régissant l’organisation des sommets de partenariat

Janvier 2018 DATE LIMITE POUR METTRE EN PLACE UN MECANISME DE SANCTIONS

pour que l’UA soit représentée par la troïka et le président de la CUA lors

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

3

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité de rencontres avec des partenaires externes tels que l’Union européenne, la Chine, le Japon et les États-Unis : le principal défi reste la capacité des chefs d’État et de gouvernement de l’UA à surmonter leurs divisions et à accepter une telle délégation de pouvoirs dans un continent marqué par le manque de reconnaissance des pouvoirs supranationaux aux niveaux national et régional. Les conséquences opérationnelles d’un nouveau cadre demeurent inconnues dans un contexte où le bilatéralisme reste la norme, entre autres en matière d’aide au développement. • La mise en place d’un sommet annuel de coordination UA-CER au mois de juillet, en remplacement du deuxième sommet de l’UA : cette initiative dépendra de la clarification de la division des responsabilités entre les niveaux régional et continental. Si le projet va de l’avant, certaines questions, telles que le commerce et les migrations, seront vouées à devenir des enjeux cruciaux après l’adoption de la zone de libre-échange commune et du protocole sur la libre circulation des personnes, dans l’optique d’assurer l’harmonisation et la coordination entre les régimes régionaux et continental. • La création d’une troïka composée du président en exercice de la Conférence de l’UA, de son successeur et de son prédécesseur : la troïka actuelle qui supervise la réforme (composée d’Idriss Déby, d’Alpha Condé et de Paul Kagame) est critiquée pour son manque de représentativité, notamment des régions de l’Afrique du Nord et de l’Afrique australe. La création de cette troïka nécessitera quelques modifications à l’Acte constitutif et au règlement intérieur de la Conférence de l’UA. La tradition du consensus qui a préséance sur ces questions au sein de l’UA suppose qu’un compromis devra être trouvé. Pour l’heure, le président de l’UA est élu avec un bureau composé de trois vice-présidents (qui sont actuellement Yoweri Museveni, Abdelaziz Bouteflika et le roi Mswati III) et d’un rapporteur (actuellement Idriss Déby). Les rôles du bureau et du président doivent être clarifiés. De nombreux États membres craignent que la mise en place de la troïka ne renforce le rôle du président aux dépens de celui de la Conférence de

MM. Déby, Condé, Kagame Membres actuels de la troïka de l’UA

l’UA, malgré le fait que les fonctions qui lui incombent soient essentiellement d’ordre procédural. Bien que les États membres soient sans doute en mesure de s’accorder sur le choix du président de l’UA pour l’année suivante, les États membres ayant des réserves sur d’autres aspects des réformes saisiront probablement cette opportunité pour les exprimer.

La libre circulation en vue Dix-sept ans après la création de l’UA, l’adoption d’un protocole sur la libre circulation des personnes devant favoriser l’intégration du continent est encore en suspens. Des progrès significatifs ont été enregistrés dans ce dossier en 2017,

4

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

plusieurs cycles de négociations s’étant déroulés à Accra, Kigali et l’île Maurice qui ont abouti à un consensus sur l’instauration progressive du droit d’entrée d’ici 2023. Lors du sommet de janvier, la Conférence de l’UA devrait se prononcer sur la mise en place des droits d’entrée, de résidence et d’établissement en s’inspirant du modèle de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui a entrepris un processus progressif similaire. Malgré ces avancées significatives, deux problèmes critiques devront être résolus au cours du sommet : premièrement, l’entrée en vigueur du protocole et, deuxièmement, le caractère contraignant du plan de mise en œuvre. En ce qui concerne le premier point, certains États membres sont favorables à l’adoption du protocole une fois que le quota minimum de ratifications (15) aura été atteint. D’autres États membres, ainsi que certains membres de la Commission de l’UA, sont favorables à une entrée en vigueur immédiatement après l’adoption du protocole par la Conférence de l’UA. Outre ces questions d’ordre juridique, la difficulté à convaincre les puissances régionales de ratifier le protocole représente un autre problème critique. Jusqu’à présent, ce sont des pays de petite et de moyenne dimension (Ghana, Rwanda, île Maurice et Kenya) qui ont œuvré en faveur de la libre circulation. Les modalités d’adoption du protocole seront donc révélatrices des dynamiques existantes autour de l’intégration du continent. Les États de petite et de moyenne taille constitueront-ils le moteur de l’intégration africaine alors que les puissances régionales en seront le frein ? Deuxièmement, le caractère contraignant du programme de mise en œuvre accompagnant le protocole soulève également son lot de questions. Ce document constitue une condition préalable posée par certaines puissances régionales afin de s’assurer que certaines étapes soient suivies et que les critères soient respectés avant de garantir le plein droit d’entrée à l’horizon 2023. Ces puissances régionales tiennent à ce que le programme de mise en œuvre soit inclus dans le protocole, le rendant ainsi contraignant pour tous les États membres de l’UA. Certains États membres préféreraient toutefois que le programme de mise en œuvre soit annexé au protocole, ce qui garantirait une plus grande souplesse. Toutefois, il n’est pas certain que les puissances régionales apportent leur appui à une option qui annulerait le caractère contraignant de certaines de leurs exigences, par exemple en ce qui concerne la modernisation des registres civils ou les contrôles aux frontières. Sur le plan politique, l’adoption du protocole sur la libre circulation exigera de l’UA qu’elle rassure les États et les citoyens concernés sur le fait que cette évolution n’est pas synonyme de disparition des contrôles aux frontières, mais qu’elle constitue plutôt un passage obligé vers une gestion renforcée et

2023 Date limite pour la mise en place du droit d’entrée

coordonnée de la circulation des personnes.

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

5

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité

À l’ordre du jour De nouvelles candidatures pour le CPS En janvier 2018, lors du prochain sommet de l’UA, l’organisation panafricaine procèdera à l’élection de dix nouveaux Etats membres du CPS, qui en compte 15. Treize pays candidats se disputeront les dix sièges disponibles. Alors que certaines régions ont déjà choisi leur(s) candidat(s), la course se poursuit en Afrique du Nord et en Afrique de l’Est. Le CPS demeure une plate-forme essentielle pour les Etats membres de l’UA désireux de promouvoir leur politique étrangère dans le domaine de la paix et de la sécurité. Conformément au mécanisme établi par le Protocole sur le CPS, l’organe exécutif de l’UA se compose de 15 Etats membres, à savoir dix pays élus pour un mandat de deux ans et cinq autres élus pour un mandat de trois ans, ceci afin d’assurer une continuité dans les activités du CPS. Le 31 mars 2018 les mandats de l’Algérie, du Botswana, du Burundi, du Niger, de l’Ouganda, du Tchad, du Rwanda, de la Sierra Leone, de l’Afrique du Sud, du Togo et de l’Ouganda, tous membres du CPS pour un mandat de deux ans, arriveront à échéance. Ces pays sont toutefois autorisés à présenter de nouveau leur candidature. La République du Congo, l’Égypte, le Kenya, le Nigéria et la Zambie, qui assument des mandats d’une durée de trois ans, resteront quant à eux membres du CPS jusqu’au 31 mars 2019. Les membres du CPS sont élus sur la base d’une représentation régionale équitable, tel que détaillé dans le tableau ci-dessous, qui présente le nombre de sièges disponibles ainsi que les nouveaux candidats région par région. La liste des pays candidats peut encore changer d’ici les élections, car certains peuvent choisir de se retirer de la course et d’autres de s’y lancer.

10

Nombre d’Etats membres devant être élus au CPS

6

Régions

Sièges attribués

Sièges à pourvoir

Liste provisoire des candidatures

Afrique du Nord

2

1

Maroc, Tunisie et Algérie

Afrique centrale

3

2

Guinée équatoriale et Gabon

Afrique de l’Ouest

4

3

Togo, Liberia et Sierra Leone

Afrique de l’Est

3

2

Rwanda, Ethiopie et Djibouti

Afrique australe

3

2

Zimbabwe et Angola

Total

15

10

13 candidatures

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

Les arrangements régionaux concernant la représentation au sein du CPS

les questions plus larges de paix et de sécurité, en

Tel qu’indiqué dans le tableau, les pays d’Afrique

qui lui a été confié lors de son adhésion à l’UA.

centrale, d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique australe ont soumis le même nombre de candidatures que de sièges à pourvoir pour leur région respective. Sauf changement de dernière minute, les pays candidats de

particulier dans le domaine des migrations, un dossier

Le Maroc n’a rejoint l’UA que récemment, mais souhaite prendre une part active dans les structures de l’UA

ces trois régions sont donc susceptibles d’obtenir les sièges convoités. L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique australe soumettent généralement autant de candidatures que de sièges leur revenant. Cet état de fait repose sur des arrangements conclus au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

L’Algérie est membre du CPS depuis 2004 (avec un court hiatus entre 2010 et 2012) et continue de jouer un rôle actif dans les initiatives de paix de l’UA, notamment en ce qui concerne la lutte contre l’extrémisme violent. Elle détient également le poste de commissaire à la paix et à la sécurité depuis la création de l’UA en 2002.

Le déroulement du scrutin Les pays candidats doivent obtenir l’appui des deux

C’est grâce à ce type d’ententes que le Nigéria siège au

tiers des membres du Conseil exécutif de l’UA,

CPS depuis 2004, année de création de l’organe, alors

composé des ministres des affaires étrangères des Etats

même que la configuration du CPS ne prévoit ni siège

membres. La liste des pays élus est ensuite entérinée

permanent ni droit de veto.

par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA.

Le Nigéria siège au CPS depuis 2004, année de création de l’organe Forte concurrence au sein des régions d’Afrique du Nord et d’Afrique de l’Est

Les membres du CPS sont censés satisfaire aux exigences énoncées à l’article 5 (2) du Protocole relatif au CPS, y compris en termes de respect de la gouvernance constitutionnelle, de la primauté du droit et des droits de l’homme. Cependant, les élections passées montrent

La compétition débutera vraiment avec l’élection des

que ces critères sont facilement laissés de côté et qu’ils

candidats de l’Afrique du Nord et de l’Afrique de l’Est,

ne sont pas vraiment pris en compte dans le processus

régions pour lesquelles le nombre de candidatures

électoral.

est supérieur au nombre de sièges à pourvoir. L’élection du candidat d’Afrique du Nord s’annonce particulièrement difficile. Le Maroc, la Tunisie et l’Algérie sont en lice pour obtenir

Néanmoins, une fois élus, les nouveaux membres du CPS seront appelés à jouer un rôle essentiel dans l’atteinte de l’objectif de l’UA de faire taire les armes en Afrique d’ici 2020.

ce siège, et l’on s’attend à des élections très disputées entre l’Algérie et le Maroc, deux rivaux de longue date. Le Maroc, lequel n’a rejoint l’UA qu’en janvier 2017 à l’occasion du 28e sommet de l’organisation, souhaite prendre une part active dans les structures de l’UA. Obtenir un siège au CPS revêt une grande importance pour le Maroc, qui s’efforce d’influencer les débats au sein de l’UA sur la question du Sahara occidental. Rabat est également désireux d’avoir un impact sur

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

7

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité

À l’ordre du jour Réforme de l’UA : la difficile clarification des rôles de l’UA et des CER L’une des principales priorités de la réforme institutionnelle de l’UA conduite par le président rwandais Paul Kagame est de veiller à la mise en place d’une répartition efficace des responsabilités entre l’UA et les communautés économiques régionales (CER). À cet égard, il est prévu que deux recommandations capitales soient mises en œuvre au cours de l’année 2018 : les chefs d’État de l’UA devraient clarifier les relations entre l’UA et les CER, et un sommet de coordination UA-CER devrait remplacer le deuxième sommet annuel de l’UA qui se déroule chaque année en juillet. Diverses options peuvent être envisagées, mais il importe que la décision soit basée sur l’impact attendu et que l’UA soit autorisée à prendre le relais d’une CER lorsque celle-ci ne parvient pas à progresser effectivement dans le domaine de la paix et de la sécurité. Les relations entre l’UA et les CER soulèvent plusieurs questions importantes concernant la pertinence du régionalisme en Afrique et la souveraineté des États membres. Ces relations ont un impact concret sur le travail de l’UA, puisqu’elles déterminent là où l’organisation devrait ou non intervenir. Cette question représente aussi souvent un point d’achoppement lors d’initiatives visant à résoudre des conflits sur le continent. Dans de nombreux cas, les régions invoquent le principe de subsidiarité et l’UA doit alors laisser la CER concernée prendre les rênes, comme cela a toujours été le cas au Zimbabwe. Dans d’autres exemples, comme en République centrafricaine (RCA), la conduite de certaines opérations régionales de soutien à la paix a été reprise par l’UA.

Dans de nombreux cas, les régions invoquent le principe de subsidiarité et l’UA doit alors laisser la CER concernée prendre les rênes

8

Nombre de CER reconnues par l’UA

Le rapport Kagame reconnaît cette ambiguïté–présente tant dans la pratique que dans les textes–et souligne à cet égard l’importance d’une division claire des responsabilités.

La reconnaissance par l’UA d’organisations régionales dont les frontières géographiques se recoupent L’UA est officiellement divisée en cinq régions : l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.

8

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

L’organisation reconnaît néanmoins huit CER et mécanismes régionaux qui ne coïncident pas avec cette division : l’Union du Maghreb arabe (UMA), le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD), la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Toutefois, elle ne reconnaît comme CER aucune union monétaire telles que la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), ou encore l’Union douanière d’Afrique australe qui est pourtant la plus ancienne union douanière du monde. Ceci, malgré le fait qu’elles reflètent un état d’intégration en phase avec les objectifs du Plan d’action de Lagos et de l’Agenda 2063.

Un cadre juridique ambivalent Les relations entre l’UA et les CER se caractérisent par une ambivalence que l’on retrouve dans leurs cadres juridiques respectifs. Le cadre continental – à savoir l’Acte constitutif de l’UA et le Protocole sur la paix et la sécurité – confère aux parties prenantes de l’UA un rôle de premier plan dans la coordination et l’harmonisation des politiques avec les CER afin d’assurer la cohérence avec l’Union.

Les relations entre l’UA et les CER se caractérisent par une ambivalence que l’on retrouve dans leurs cadres juridiques respectifs Le protocole prévoit également que le président de la Commission de l’UA convoque une réunion annuelle avec les dirigeants des CER ou les responsables des structures dédiées à la paix et à la sécurité, afin d’assurer une harmonisation et une coordination étroite et de faciliter l’échange régulier d’informations (à cet égard, le rapport Kagame ne présente aucune innovation, mais étend plutôt à tous les secteurs un cadre qui se limitait jusqu’ici au domaine de la paix et de la sécurité). Le mémorandum d’accord de 2009 entre l’UA et les CER sur la coopération dans le domaine de la paix et de la sécurité souligne « l’adhésion aux principes de subsidiarité, de complémentarité et des avantages comparatifs ». L’inclusion du concept de « subsidiarité »–absent du Protocole relatif au CPS– vient atténuer la responsabilité première de l’UA, car elle sous-entend que l’échelon inférieur est le niveau d’intervention le plus approprié. Il est intéressant de noter qu’aucun des documents clés des CER ne

2009 Signature d’un mémorandum d’accord entre l’UA et les CER

reconnaît la primauté de l’UA, ou de celle qui l’a précédée, l’Organisation

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

9

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité de l’unité africaine, dans les domaines de la paix et de

La montée de l’extrémisme violent dans la Corne de

la sécurité.

l’Afrique, le Sahel et le bassin du lac Tchad a entretenu

Cet état de fait ouvre une faille juridique et politique qui permet la reconnaissance de la primauté de l’UA au niveau continental, mais pas régional où le respect du principe de subsidiarité est devenu la norme. Par conséquent, les relations entre l’UA et les CER sont bien plus souvent définies par les circonstances que par des directives politiques. Plus important encore, le manque de cohérence des chefs d’État–qui s’accordent sur la primauté de l’UA lorsqu’ils se retrouvent à Addis Abeba tout en prônant la subsidiarité quand ils sont dans leurs CER respectives–a influé sur les dynamiques entre les deux niveaux d’intervention.

Les relations entre l’UA et les CER sont bien plus souvent définies par les circonstances que par des directives politiques Quelles incidences sur la paix et la sécurité ? En 2018, l’accent sera mis sur la nécessité de mieux définir les relations entre l’UA et les CER dans les domaines de la paix et de la sécurité. À l’heure actuelle, l’UA n’est à la tête d’aucune tentative de résolution de crise à travers le continent. Bien que l’harmonisation, la constance et la cohérence requièrent un cadre juridique et politique clair,

nouvelle doctrine du maintien de la paix, le lancement de la Force multinationale mixte et de la Force conjointe du G5 Sahel est le résultat d’un processus d’adaptation des États membres de l’UA face à une nouvelle menace. Les risques posés par la lutte contre l’extrémisme violent dans les régions éloignées des pays sahéliens ont réduit le caractère consensuel du maintien de la paix traditionnel, c’est-à-dire l’interposition et le suivi de la mise en œuvre d’un accord de paix. Les exigences complexes de ce type de missions (notamment une bonne connaissance de la région et une expérience des combats en zones désertiques) ont ouvert la porte à des coalitions sous-régionales de pays volontaires qui transcendent les divisions régionales de l’UA. Les dangers et les sacrifices associés à de telles opérations anti-insurrectionnelles font que, bien souvent, seuls les pays directement menacés sont disposés à y participer. D’une certaine manière, l’émergence d’une architecture de sécurité basée sur les organisations régionales est le reflet de la régression d’une vision continentale de la sécurité collective en faveur d’une conception cloisonnée et fragmentée de la sécurité qui exclut les acteurs non régionaux.

force est de constater que la répartition des responsabilités

Néanmoins, les divers efforts régionaux de médiation

entre l’UA et les CER est définie par les circonstances.

n’ont connu que des succès inégaux, les intérêts

Le principe de subsidiarité est devenu une norme dans l’architecture africaine de paix et de sécurité. L’UA et le CPS voient leurs responsabilités réduites à de simples formalités d’ordre légal ou à des démarches politiques visant à obtenir un financement extérieur. Loin de constituer un lieu d’échanges autour de solutions régionales, les communiqués du CPS sur certaines crises se contentent de reprendre ceux émis par les organisations régionales sur le sujet. Cette configuration génère également des doublons : le Soudan du Sud compte à la fois un envoyé spécial déployé par l’UA et un autre nommé par l’IGAD. Dans la région des Grands lacs, la SADC a demandé la

10

cette tendance à la subsidiarité. Loin de représenter une

nationaux ayant tendance à s’immiscer dans ces initiatives. La proximité géographique, loin d’être un atout, est plutôt devenue un problème, car de nombreux médiateurs/facilitateurs sont accusés de parti pris en faveur des gouvernements en place, ce qui restreint leur impact dans les efforts de résolution des crises. Bien que l’UA ne doive pas ignorer les points de vue des acteurs régionaux, dont la connaissance approfondie de la région est essentielle, une plus grande implication de l’organisation continentale pourrait permettre de limiter les accusations de partialité qui entachent les efforts de paix des acteurs régionaux.

nomination d’un envoyé spécial malgré la présence sur le

Afin de trouver un juste équilibre dans les relations entre

terrain d’un envoyé spécial dépêché par l’UA.

l’UA et les CER, il est nécessaire d’établir un cadre qui

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

permette à l’UA de prendre le relais des CER dans la

De nombreuses options peuvent être envisagées : une

gestion des crises lorsqu’elles ne parviennent pas à

coordination plutôt verticale, l’UA siégeant au sommet

obtenir des résultats probants. Il reste à voir si les chefs

de cette architecture et jouant un rôle de coordination et

d’État et de gouvernement permettront l’adoption d’un tel

d’harmonisation ; ou une coordination plutôt horizontale

mécanisme. À cet égard, la clarification des relations entre

qui octroierait la primauté aux CER dans la plupart des

l’UA et les CER devrait se fonder sur l’impact attendu, afin

domaines, l’UA jouant un rôle plus stratégique, par

de renforcer l’organisation continentale dans son rôle de

exemple en suivi de la cohérence et en évaluation.

mécanisme ultime en matière de sécurité collective.

Les options à étudier La pertinence d’un sommet de coordination entre l’UA et les CER, une initiative recommandée dans le rapport Kagame, dépend de l’adoption d’une définition optimale de leurs rôles respectifs. L’idée d’un tel sommet se fonde sur la logique selon laquelle le secrétariat et la commission des CER et de l’UA jouissent d’un niveau de compétence similaire. Seule une délégation uniforme des pouvoirs à tous les échelons de l’UA et des CER donnera toute sa pertinence à un sommet de coordination, puisque qu’elles disposeront alors de la même marge de manœuvre, tant sur le plan financier que politique. Si cette délégation de pouvoirs est inégale, l’impact de ce nouveau sommet sera limité. Il est possible que l’établissement de ces sommets de coordination constitue une incitation à une plus grande délégation de pouvoir des États aux CER et à l’UA. Toutefois, un tel processus requiert un consensus continental.

Il est nécessaire que les chefs d’État et de gouvernement soient disposés à restreindre cette prérogative souveraine fondamentale Une autre option serait de renforcer la dépendance institutionnelle et bureaucratique entre l’UA et les CER. À cette fin, deux instruments pourraient être examinés : • Une vision commune à même de garantir harmonisation et cohérence : il est essentiel qu’une telle vision porte à la fois sur les volets stratégique et opérationnel et mette de l’avant des priorités claires, tout en évitant de succomber à la tentation des ambitions excessives, à la manière des plans précédents de l’OUA et de l’UA. Cependant, une vision commune ne sera en mesure de renforcer l’interdépendance entre les deux niveaux que si un mécanisme contraignant est mis en place pour veiller à la mise en œuvre du document par les différentes

Une distinction efficace et cohérente des responsabilités

parties prenantes. Tant l’Agenda 2063 que la Feuille de

entre l’UA et les CER exige des chefs d’État une

route pour faire taire les armes constituent des cadres

décision quant aux avantages comparatifs de ceux-

adéquats pour assurer l’harmonisation et la cohérence.

ci et à la configuration qu’ils jugeront optimale. Elle requiert également des États membres qu’ils abordent

• Un mécanisme commun de financement : l’instauration d’une dépendance financière pourrait

la question des doubles–voire triples–adhésions aux

également faciliter le renforcement de la coordination,

différentes CER. Si l’appartenance à une organisation

l’harmonisation et la cohérence. De nombreux

internationale est une prérogative étatique, l’on peut se

domaines de compétence pourraient être financés

demander si la multiplicité des adhésions a influé sur

par un même instrument, administré par un organe

l’efficacité des efforts d’intégration africaine dans un

composé de représentants de l’UA, des CER, des

contexte marqué par le manque de ressources et la

États membres et de la société civile, sur le modèle du

dépendance vis-à-vis des donateurs extérieurs. Pour

conseil d’administration du Fonds pour la paix.

qu’une telle discussion puisse avoir lieu à Addis Abeba, il est nécessaire que les chefs d’État et de gouvernement soient disposés à restreindre cette prérogative souveraine fondamentale.

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

11

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité

Analyse de situation Sortir de l’impasse politique en Guinée-Bissau La tenue des élections législatives prévues en 2018 sans un dénouement préalable de la crise risque de diviser davantage la scène politique et de créer les conditions d’une contestation des résultats. Des consultations de suivi des pourparlers de Conakry devraient être organisées afin de mettre en œuvre les réformes prioritaires et convenir d’un calendrier électoral. En août 2015, le président José Mário Vaz limogeait le Premier ministre Domingos Simões Pereira, par ailleurs président du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC). Cette situation a plongé la Guinée-Bissau dans un nouvel épisode d’instabilité politique, alors même qu’une élection porteuse d’espoir avait permis de remettre le pays sur les rails en avril 2014, rappelant que la tenue d’élections crédibles ne suffit pas à garantir une stabilité post électorale La médiation conduite par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) aboutit à la signature de l’Accord de Conakry, en octobre 2016, par les principaux acteurs politiques. Cependant cet accord peine à être mis en œuvre, malgré les menaces de sanctions individuelles et de retrait de la force militaire de la CEDEAO (ECOMIB) formulées lors du sommet de Monrovia en juin 2017. Alors que l’impasse persiste et que l’échéance électorale des législatives attendues en 2018 approche, il apparait urgent de mettre les acteurs responsables du blocage devant leurs responsabilités, de poursuivre le cycle de consultations entamé à Bissau puis à Conakry et de trouver une solution de sortie de crise consensuelle permettant la mise en œuvre des réformes prioritaires dont la Guinée-Bissau a besoin. L’organisation d’élections ne représente pas une

Octobre

2016 Signature de l’Accord de Conakry

solution durable à cette crise qui doit être analysée dans le contexte des crises politiques récurrentes que connaît ce pays depuis des décennies.

Il apparait urgent de mettre les acteurs responsables du blocage devant leurs responsabilités Persistance du blocage Si l’Accord de Conakry n’a pas été appliqué jusqu’à présent, c’est à cause d’un désaccord profond sur l’identité du Premier ministre choisi lors des discussions de Conakry conduites par le médiateur de la CEDEAO, le président guinéen Alpha Condé. Ce dernier a précisé, dans un entretien accordé à Radio France internationale le 16 novembre 2017, qu’un consensus avait été trouvé sur

12

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

l’une des trois personnalités proposées – João Mamado Aladje Fadiá, Umaro Sissoco Embaló et Augusto Olivais – par le président Vaz. La nomination d’Umaro Sissoco Embaló – et non d’Augusto Olivais comme convenu lors des discussions – par le président, en novembre 2016, soutenu par le Parti de la rénovation sociale (PRS) et le groupe des 15 députés dissidents du PAIGC, n’était donc pas conforme à l’Accord de Conakry. Le PAIGC, le Parti de la convergence démocratique et l’Union pour le changement ainsi que des représentants de la société civile ont contesté sa nomination et refusé de participer à son gouvernement. Tout comme Carlos Correia et Baçiro Djà qui l’ont précédé à cette fonction, Sissoco n’est pour l’instant pas parvenu à faire voter son programme de gouvernement en raison du blocage des travaux de l’Assemblée nationale populaire (ANP) par le PAIGC. Le maintien du gouvernement de Sissoco, malgré l’expiration du délai constitutionnel prévu pour l’adoption de son programme par les députés et les appels de la communauté internationale pour l’application de l’Accord de Conakry, ont accentué les tensions politiques.

Les élections législatives : remède ou poison ? Le mandat de l’ANP prend fin en mai 2018 et des élections législatives doivent être organisées au courant de la même année. En théorie, ces élections législatives pourraient clarifier le jeu politique en favorisant la constitution d’une majorité parlementaire et la formation d’un gouvernement légitime. Elles permettraient aussi d’éviter que le mandat de l’ANP n’expire et que le président Vaz ne se présente comme le seul acteur doté d’une légitimité démocratique, son mandat prenant fin en 2019. Dans la pratique, une élection organisée sans un dénouement préalable de la crise risque surtout de diviser encore davantage une scène politique déjà fortement polarisée et de créer les conditions d’une contestation des résultats. Le Collectif des partis démocratiques de l’opposition, qui organise depuis des mois des marches pour demander l’application de l’Accord de Conakry, a en effet précisé qu’aucune élection ne serait organisée par le gouvernement de Sissoco, qu’il juge illégitime. Ce refus s’explique aussi par le rôle que joue le ministère de l’Administration territoriale dans le processus électoral à travers le Bureau technique d’appui au processus électoral (GTAPE). Cet organe est chargé du recensement des électeurs et de la constitution du fichier électoral, d’où la méfiance de l’opposition. Par ailleurs, le blocage de l’ANP pourrait porter atteinte au fonctionnement normal de la Commission nationale des élections (CNE). Institution clé chargée de l’organisation et de la supervision des processus électoraux en Guinée-Bissau, la CNE dépend de l’ANP en ce qui concerne la gestion de

2019 Fin du mandat de Vaz

son budget ainsi que la nomination de son président et des membres du

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

13

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité secrétariat exécutif. Le déblocage du parlement semble

et ferme. La persistance de la crise, malgré les efforts

donc déterminant pour la tenue des élections.

d’acteurs nationaux et internationaux, montre clairement

Même dans un scénario optimiste qui verrait les élections législatives se dérouler sans dénouement de

le peu d’intérêt qu’accordent certains acteurs clés à la stabilisation du pays.

la crise institutionnelle et aboutir à une clarification du

Les autorités n’ont, en effet, pas été capables, malgré

jeu politique, le risque que le pays se retrouve dans une

les trois mois accordés par la CEDEAO et les menaces

situation de crise resterait élevé dans la mesure où les

de sanctions individuelles, de trouver une solution

faiblesses et insuffisances majeures de l’architecture

consensuelle. Il ne faut donc pas fonder beaucoup

institutionnelle n’auront pas été corrigées.

d’espoir dans la bonne volonté et la capacité de

Si la crise actuelle a pu impacter à ce point le

dépassement des acteurs politiques de leurs propres

fonctionnement normal des institutions de la république,

intérêts à court terme. L’absence de réaction de la

c’est en partie en raison des insuffisances des dispositions

CEDEAO après l’expiration des délais annoncés pour

constitutionnelles qui régissent le fonctionnement du

l’application de l’Accord n’est pas non plus de nature à

système semi-présidentiel de la Guinée-Bissau. Elle

encourager les acteurs à respecter leurs engagements.

renseigne donc sur la nécessité de mettre en œuvre des

Le sommet de la CEDEAO qui aura lieu le 16 décembre

réformes envisagées depuis plusieurs années, dont la

à Abuja constitue à cet effet une occasion pour le

révision de la Constitution et du cadre électoral.

leadership de l’organisation régionale de raffermir sa

Il existe un large consensus sur la nécessité d’apporter

position. Il en va de sa crédibilité.

des clarifications sur des aspects importants de la

Cette consultation de suivi – qui ne placerait pas le

Constitution portant notamment sur l’organisation, le

président au-dessus des autres parties prenantes dans

fonctionnement du pouvoir politique et les relations entre

la mesure où il est un protagoniste de la crise – devrait

les différents pouvoirs. Nombreux sont aussi les acteurs

aboutir à la mise en place d’un gouvernement de mission

au sein de la classe politique et de la société civile qui

qui aurait le soutien des principales forces politiques du

préconisent des changements dans les lois électorales

pays et qui ferait une large place à des technocrates peu

suivant les prescriptions du rapport de la CNE rédigé à l’issue des élections générales de 2014.

politisés et compétents. Ce processus donnerait la possibilité, enfin, de définir,

Nécessité de poursuivre les consultations

sur la base d’un consensus, un calendrier électoral

Pour trouver une solution à cette impasse, il est

permettant l’adoption des réformes prioritaires avant

nécessaire d’ouvrir un cycle de consultations de suivi des

les législatives. Le couplage des législatives et de la

pourparlers de 2016. Celui-ci devra s’inscrire dans l’esprit

présidentielle en 2019, une option qui donnerait plus de

qui a guidé le processus de Conakry, c’est-à-dire être

temps pour opérer les réformes nécessaires, devrait être

inclusif et consensuel et mettre de l’avant l’importance

envisagé.

de mettre en œuvre les réformes majeures dont le pays

En définitive, un tel processus devrait être guidé non

a besoin.

seulement par l’urgence de mettre fin à la crise politique

Dans la conduite de cette consultation, la CEDEAO,

actuelle, mais aussi par la volonté de créer les conditions

soutenue par les autres membres du groupe des

politiques économiques et sociales à même d’apporter

cinq organisations internationales impliquées dans

des réponses structurelles durables à l’instabilité

le processus de consolidation de la paix en Guinée

chronique qui caractérise la Guinée-Bissau depuis son

Bissau (Union africaine, Organisation des Nations unies,

indépendance.

Union européenne et Communauté des pays de langue portugaise), devrait adopter une position plus directive

14

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

Vues d’Addis Le CPS en 2017 : moins de discussions sur les crises africaines En 2017, le CPS s’est réuni plus souvent que l’année précédente : sur la base des programmes provisoires de l’organe, de 111 en 2016, le nombre de réunions est passé à 146 en 2017. Pourtant, l’analyse des travaux du CPS montre qu’il n’y a pas eu plus de décisions prises cette année et qu’un nombre plus important de ces rencontres ont été consacrées à des questions thématiques plutôt qu’aux situations de crise.

Moins de réunions concernant des situations de crise Cette augmentation du nombre de réunions correspond à une période d’évolution majeure du fonctionnement du CPS. Si les situations de crise occupent encore une partie substantielle de ses réunions, leur part est passée de 40 % en 2016 à 27 % en 2017. En 2017, le CPS a consacré plus de temps à discuter des missions de terrain et à préparer ses rencontres avec ses partenaires qu’en  2016. Si l’on inclut les missions de terrain et les discussions préparatoires, le pourcentage des réunions consacrées aux crises est passé de 43 % à 35 % du fait de l’augmentation du nombre de réunions préparatoires en 2017. Graphique 1: Réunions du CPS en 2017 18 16

16

14

Nombre de réunions

14 12

12

12

13

13

11 10

10 8

14

13

8

6 4 2 0 Sierra Leone

Rwanda

Afrique du Sud

Togo

Ouganda

Zambie

Nigeria

Algérie

Botswana

Burundi

Tchad

Janvier

Février

Mars

Avril

Mai

Juin

Juillet

Août

Septembre

Octobre

Novembre

Présidence/Mois

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

15

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité Graphique 2: A l'ordre du jour du CPS en 2017

qu’en 2016. En revanche, le nombre de réunions dédiées au Burundi a fortement diminué, avec seulement deux

Autres 8%

Retraites 2%

Organes de l'UA 2%

rencontres en 2017. Les dynamiques de la crise n’y ont

Situations de crise 27%

Rapports 8% Elections 2% Terrorisme 4%

pas été abordées.

Le principe de subsidiarité prévaut toujours Malgré une hausse générale du nombre de réunions, le CPS n’a pas vu sa position évoluer face à certaines crises. Outre la Somalie, le CPS ne joue pas un rôle de

Séances publiques 9%

AAPS 11%

premier plan dans la gestion de la plupart des crises sur le continent. À cet égard, l’année 2017 a confirmé la tendance à une gestion régionale des crises dans

Missions de terrain 8% Partenariats 14%

Faire taire les armes 5%

lesquelles le CPS se cantonne à apporter son soutien et à épouser les lignes des diverses initiatives, que ce soit dans le cadre d’opérations de soutien à la paix (Force conjointe du G5 Sahel) ou d’efforts de médiation

Persistance de la domination de l’Afrique de l’Est et de la Corne de l’Afrique

(initiatives de la Communauté d’Afrique de l’Est [CEA]

La situation en Somalie et les conflits au Darfour et au

développement [IGAD] au Soudan du Sud).

Soudan du Sud demeurent en bonne place à l’ordre du jour du CPS, qui y a dédié 47 % de ses réunions concernant les crises. En 2017, le CPS a également accordé plus d’attention à l’instabilité au Sahel (17 %), avec un nombre accru de réunions sur le bassin du lac Tchad et surtout le Mali, qui avait été plutôt négligé en 2016.

On peut citer pour exemple sa décision du 23 août 2017 sur la situation en RDC qui reprend le communiqué du 37e sommet des chefs d’État et de gouvernement de la SADC, adopté trois jours plus tôt. Non seulement le communiqué du CPS utilise les mêmes termes pour évoquer les sanctions imposées par certains acteurs non

La situation politique en République démocratique du

africains, mais il réitère également l’appel de la SADC

Congo (RDC) a été abordée plus souvent cette année

en faveur de la nomination d’un envoyé spécial régional.

Graphique 3: S  ituations à l'ordre du jour du CPS en 2017

Graphique 4: Les « décisions » prises par le CPS en 2017

RCI-LRA 4% Lac Tchad 7%

Soudan/ Darfour 11%

RDC/Région des Grands lacs 21%

16

au Burundi et de l’Autorité intergouvernementale pour le

Mali 4%

RCA Burundi 4% 4%

Gambie 7%

Missions de terrain 20%

Orientation politique 27%

Somalie 14%

GuinéeBissau 7%

Soudan du Sud 14% Sahara occidental 3%

Fonctionnement de l'AAPS 33%

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

Renouvellement/ prorogation du mandat des OSP 20%

Cela, malgré la présence d’un envoyé spécial de l’Union

sur 14 concernaient les crises en Gambie, en Guinée-

africaine (UA) sur le terrain et les risques de doublons

Bissau, au Darfour, en Somalie, au Sahara occidental

dans les fonctions des deux émissaires.

et au Soudan du Sud, ainsi que celle liée à l’Armée de

Cette subsidiarité fait que le CPS n’a qu’une influence

résistance du Seigneur.

limitée sur les initiatives régionales. Au Burundi, en dépit

Au mois de mars, le CPS a également décidé de

de nombreux appels lancés en ce sens en 2016, le CPS

réactiver tous ses organes subsidiaires.

n’a toujours pas été informé de l’évolution des efforts

Une autre décision majeure a été l’appel au Groupe des

de médiation de la CAE menés par l’ancien président

sages de tenir des réunions d’information trimestrielles

tanzanien Benjamin Mkapa. Au Soudan du Sud, l’IGAD

à l’intention du CPS afin d’améliorer la prévention des

a nommé un envoyé spécial malgré la présence d’un

conflits et les capacités d’alerte précoce, l’organe

émissaire de l’UA en la personne de l’ancien président de

exécutif ne traitant que très rarement des crises avant

la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré.

qu’elles ne s’aggravent.

En outre, les crises politiques au Cameroun, au Togo et

Au cours de l’année écoulée, seulement 20 % des

au Zimbabwe n’ont pas été abordées par le CPS.

décisions ont concerné le renouvellement ou la

Davantage de préoccupations d’ordre politique à l’ordre du jour En 2017, le CPS s’est davantage intéressé à des questions d’ordre politique. De nombreuses réunions

prorogation de mandats d’opérations de soutien à la paix (OSP), contre 38 % l’année précédente. Un tiers des décisions ont porté sur les orientations politiques au Soudan du Sud, au Sahara occidental, en Somalie et en Gambie, tandis que le fonctionnement de l’AAPS a fait

de suivi ont été organisés concernant : la Feuille de

l’objet de cinq décisions : les organes subsidiaires du

route principale pour faire taire les armes d’ici 2020 ;

CPS, le Groupe des Sages et l’alerte précoce. Le CPS a

le fonctionnement de certains piliers de l’Architecture

également décidé d’effectuer trois missions de terrain, en

africaine de paix et de sécurité (AAPS) tels que le Groupe

Guinée-Bissau, au Sahara occidental et au Darfour, mais

des Sages, les organes subsidiaires du CPS et la Force

seule cette dernière s’est concrétisée.

africaine en attente ; et le terrorisme. Cette tendance s’est illustrée par le fait qu’un plus grand nombre de réunions thématiques ont été suivies de communiqués– qui sont des documents contraignants–et de moins de communiqués de presse. De fait, les réunions thématiques ont fait l’objet de plus de communiqués (23) que les réunions d’information portant sur des crises (11). Pour la plupart, ces communiqués thématiques demandaient à la Commission de l’UA de prendre de nouvelles mesures, et ne représentaient pas en soi des décisions concrètes.

Aucune augmentation du nombre de décisions Le nombre de décisions adoptées par le CPS est resté relativement stable, avec 14 décisions prises en 2017 contre 13 en 2016. Malgré une diminution du nombre de réunions portant sur les crises, ces dernières demeurent le principal objet de décisions concrètes. Neuf décisions

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

17

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité

Vues d’Addis Un besoin impérieux d’observateurs électoraux crédibles Les élections africaines de 2017 ont montré que les observateurs électoraux internationaux doivent redoubler d’efforts pour rester pertinents afin d’améliorer la qualité des élections et de renforcer la confiance des populations dans les processus électoraux. En 2018, pas moins de neuf élections présidentielles pourraient avoir lieu en Afrique – en Sierra Leone, en Égypte, à Madagascar, au Mali, au Zimbabwe, au Soudan du Sud, au Cameroun, en République démocratique du Congo (RDC) ainsi qu’un second tour au Liberia. Ces scrutins sont autant d’événements sensibles sur le plan politique qui mettront à l’épreuve tant les institutions que la résilience démocratique des États concernés. L’UA, de même que d’autres acteurs internationaux, est susceptible de dépêcher des observateurs électoraux pour chacune de ces élections.

Ces votes représentent autant d’événements sensibles sur le plan politique qui mettront à l’épreuve les institutions démocratiques des pays concernés Au cours de l’année 2017, cinq élections présidentielles se sont déroulées au Kenya, au Liberia, au Rwanda, en Somalie et dans le Somaliland, territoire qui a proclamé son indépendance. Bien que ces scrutins n’aient pas connu les perturbations de ceux de 2016, ils ont confirmé, en particulier au Kenya et au Liberia, les résultats du sondage 2016 de l’Afrobaromètre qui montrent que les citoyens africains se méfient de leurs commissions électorales et de la qualité de leurs élections. L’annulation des élections kényanes au mois d’août dernier, ainsi que la

9

Nombre d’élections présidentielles prévues en Afrique en 2018

suspension du second tour au Liberia par les tribunaux, mettent en lumière ces inquiétudes récurrentes à l’égard des processus électoraux. Pourtant, ces procédures judiciaires sont aussi parfois à l’origine de la méfiance du public. L’année dernière, les tribunaux gabonais et zambiens ont été accusés de partialité en se prononçant en faveur des candidats sortants après examen des résultats. Plus inquiétant encore, la piètre qualité des conclusions des missions internationales d’observation électorale renforce la frustration de populations avides d’élections libres, justes et transparentes.

18

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

Une trop grande importance accordée au jour du scrutin ? Les conclusions des missions d’observation se concentrent la plupart du temps sur le déroulement même du scrutin et peu d’efforts sont généralement accordés à l’évaluation de l’ensemble du processus électoral.

Les conclusions des missions d’observation se concentrent souvent sur le déroulement même des élections Au Rwanda, par exemple, la mission d’observation de l’UA a conclu que le scrutin s’était déroulé « d’une manière pacifique, ordonnée et transparente ». Bien que la mission de l’UA ait identifié des lacunes et formulé des recommandations techniques pour améliorer les élections, elle n’a fourni aucune évaluation finale de l’ensemble du processus électoral. Ces élections ont vu le président Paul Kagame obtenir un troisième mandat le 4 août 2017 avec près de 99 % des suffrages exprimés. L’Union européenne (UE) avait probablement anticipé cette victoire sans surprise pour M. Kagame et n’avait pas dépêché de mission d’observation dans le pays. Il en avait été de même en 2010, lorsque Bruxelles avait évoqué la nécessité de donner la priorité à d’autres régions au vu de ses ressources limitées. Ce geste a en partie dispensé l’UE de formuler des conclusions sur la qualité du scrutin qui ne constituait qu’une petite composante de l’ensemble d’un processus électoral entaché par l’intimidation politique systématique à laquelle les opposants à M. Kagame ont été soumis. Diane Rwigara, candidate potentielle à la présidence dont la candidature a finalement été rejetée, est toujours emprisonnée–en compagnie de sa sœur et de sa mère–suite à son inculpation pour incitation à l’insurrection. Les analystes affirment qu’au cours des deux dernières décennies, l’attention de la communauté internationale s’est concentrée sur le développement économique du Rwanda, occultant ainsi le besoin de démocratie participative et les violations des droits de l’homme dans le pays. Paul Kagame s’est également avéré être un défenseur du panafricanisme en déployant des efforts pour mener la réforme de l’UA et en acceptant récemment, par le biais de son gouvernement, d’accueillir des milliers de migrants détenus en Libye. Toutefois, l’amendement constitutionnel de 2015 pourrait le voir demeurer au pouvoir jusqu’en 2034, ce qui soulève des questions quant à l’avenir du Rwanda si le pays mise sur un « homme fort » plutôt que sur l’édification d’institutions solides et d’une démocratie compétitive plus à même de voir éclore de futurs dirigeants compétents. Les missions d’observation internationales pourraient davantage clarifier les

99%

Pourcentage des voix obtenues par Paul Kagame lors des élections présidentielles

étapes et les aspects des processus électoraux qu’elles entendent observer.

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

19

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité Cela contribuerait à limiter les attentes des populations et fournirait une base pour l’évaluation des missions d’observation.

Recevabilité des conclusions des observateurs internationaux devant les tribunaux Au Kenya, plusieurs missions internationales d’observation électorale–y compris celles déployées par l’UA, l’UE et le Centre Carter (cette dernière était dirigée par l’ancien secrétaire d’État John Kerry)–ont estimé que les élections s’étaient déroulées de manière libre et transparente. Les tribunaux ont néanmoins annulé le scrutin au motif que celui-ci avait été entaché d’irrégularités.

Au Kenya, plusieurs missions internationales d’observation électorale ont estimé que les élections s’étaient déroulées de manière libre et transparente Bien que les missions d’observation ne s’apparentent pas à des procédures judiciaires et qu’elles ne soient donc pas menées avec autant de rigueur, leurs appréciations contribuent néanmoins à renforcer la confiance. Fonteh Akum, chercheur principal à l’Institut d’études de sécurité, affirme que certains partis politiques ont élaboré des stratégies pour se jouer des missions d’observation internationales en ne leur laissant voir que ce qu’ils étaient prêts à montrer et en les utilisant comme des ornements destinés à légitimer des élections entachées de graves irrégularités. C’est ainsi que le parti Jubilee du président Uhuru Kenyatta a cité, au cours des procédures judiciaires, les déclarations des missions d’observation comme preuves du caractère libre et équitable des élections. Cela démontre que les conclusions de ces missions sont plus que de simples déclarations, puisqu’elles représentent des éléments recevables devant les tribunaux. Le 26 octobre dernier, de nouvelles élections ont été organisées au Kenya et les tribunaux ont confirmé la victoire d‘Uhuru Kenyatta. Les critiques émises à l’encontre des missions d’observation électorale déployées au Kenya marquent un tournant dans l’histoire de l’observation

26 octobre

2017

Reprise des élections au Kenya

électorale. Outre une meilleure définition des paramètres à observer, les nouvelles exigences en matière de crédibilité devraient inciter les missions internationales d’observation à s’adapter aux dynamiques actuelles et à collaborer avec leurs homologues locaux qui surveillent l’ensemble du cycle électoral et réalisent des progrès considérables en matière d’observation et de suivi des élections. Akum estime que « les missions internationales d’observation doivent institutionnaliser des partenariats à long terme avec les initiatives locales de la société civile en matière d’analyse électorale afin de leur permettre de tirer les conclusions les plus justes et les plus complètes possible ».

20

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

Des élections en perspective dans des États fragiles

engagés par l’Église catholique, il avait été décidé que les

Lors des prochaines élections qui se dérouleront au

temps, des discussions menées par l’UA avaient fixé

Soudan du Sud, au Zimbabwe, au Mali, au Cameroun et

à avril 2018 la date butoir de ce rendez-vous électoral.

surtout en RDC, les observateurs internationaux auront

La communauté internationale doit faire pression pour

la lourde responsabilité de parvenir à des conclusions

que les élections aient lieu à la fin de l’année 2018 et se

qui favoriseront les pratiques démocratiques, ce qui est

tenir prête à restaurer la confiance du public dans les

essentiel pour répondre aux doléances des populations

processus électoraux dans ce pays en crise.

concernant l’exclusion, les injustices et les prises de

Au Cameroun, le président Paul Biya, au pouvoir

pouvoir.

depuis 35 ans, présente une nouvelle fois sa candidature

Ainsi, les élections au Soudan du Sud, pays déchiré

alors même que les aspirations sécessionnistes gagnent

par la guerre, constitueront un véritable test pour les progrès réalisés grâce aux efforts déployés par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) en vue de redynamiser l’accord de paix de 2015, actuellement dans l’impasse. La perspective d’élections fait craindre une aggravation de la crise dans ce pays profondément divisé où les dirigeants de nombreuses factions belligérantes se disputent le pouvoir politique. Il est peu probable que le président Salva Kiir facilite la mise en place d’un processus électoral inclusif et

élections se tiendraient en 2017, puis, dans un second

en popularité dans la partie anglophone du pays. La période électorale risque d’être marquée par des manifestations et la répression.

Le président Paul Biya présente une nouvelle fois sa candidature aux élections alors que les aspirations sécessionnistes gagnent en popularité dans la partie anglophone du pays

transparent susceptible de le faire perdre. Ce scrutin, qui

Les observateurs internationaux déployés dans ces

devrait avoir lieu en 2018, constituera la première élection

pays devraient aspirer à être davantage que de simples

générale de la période post-indépendance. Le vote,

spectateurs le jour du scrutin. Leur impact dépendra de

initialement prévu pour le 9 juillet 2015, avait été reporté

leur capacité à repenser les objectifs, les stratégies et

en raison de la guerre civile.

les effets de leur pratique afin de contribuer efficacement

Au Zimbabwe, l’enthousiasme suscité par la fin du

à la consolidation de la démocratie et de la bonne

régime autocratique de l’ancien président Robert

gouvernance, deux éléments clés d’une paix durable.

Mugabe devra être entretenu par des efforts aux niveaux local et international dont l’objectif sera de promouvoir

Élections présidentielles prévues en 2018

la tenue d’élections libres, justes et transparentes. Le

Pays

Dates

scrutin doit avoir lieu d’ici août 2018.

Sierra Leone

Le 7 mars

En RDC, la communauté internationale doit faire pression

Égypte

Entre février et mai

Madagascar

Entre mai et décembre

Mali

Entre juillet et décembre

scrutin à cette date sont une nouvelle fois mises à mal

Zimbabwe

Entre juillet et décembre

à la suite de récentes déclarations de la commission

Soudan du Sud

Entre juillet et décembre

Cameroun

Entre octobre et décembre

RDC

Le 23 décembre

Liberia

Second tour, date à confirmer

sur le gouvernement pour qu’il respecte l’échéance électorale du 23 décembre 2018 fixée par la commission électorale. En effet, les perspectives de voir se tenir un

électorale selon lesquelles la date des élections dépendrait des financements obtenus. Le choix de cette nouvelle date fait déjà suite à deux reports : dans un premier temps, après des pourparlers

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

21

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité

Vues d’Addis L’Afrique parviendra-t-elle à faire taire les armes d’ici 2020 ? Il ne reste plus que deux ans à l’Union africaine avant la date limite que se sont fixés en mai 2013 les dirigeants africains pour atteindre l’objectif de faire taire les armes. En novembre 2016, l’UA a élaboré une feuille de route pratique pour intensifier les efforts en vue de parvenir à un continent sans violence. Toutefois, réaliser cet objectif–ou même s’en rapprocher–dépendra d’un certain nombre de facteurs, notamment la volonté politique des États membres de mettre en œuvre les décisions de l’UA. En octobre 2017, le président de la Commission de l’UA a nommé l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, au poste de haut représentant de l’organisation pour le programme Faire taire les armes en Afrique. Médiateur expérimenté ayant occupé de 2008 à 2013 les fonctions de commissaire de l’UA pour la paix et la sécurité, M. Lamamra pourrait jouer un rôle important dans la promotion de la mise en œuvre d’initiatives en faveur de la paix et de la stabilité sur le continent. Cependant, l’application de cette feuille de route est complexifiée par un certain nombre de paramètres interdépendants, notamment des facteurs nationaux tels que les contraintes financières et la volonté politique à tous les niveaux.

M. Lamamra pourrait jouer un rôle important dans la promotion de la mise en œuvre d’initiatives en faveur de la paix et de la stabilité sur le continent Mettre en œuvre les mécanismes de paix en suspens Au cours de l’année 2017, diverses initiatives ont été entreprises pour réaliser

Novembre

2016

Adoption de la feuille de route

différents aspects de la feuille de route. Quelques-unes d’entre-elles sont néanmoins antérieures au document qui date de 2016. L’un des principaux obstacles est la finalisation de la mise en place de structures de paix et de sécurité telles que la Force africaine en attente (FAA) qui est tant espérée. La FAA fait actuellement l’objet d’un examen afin de permettre son éventuel déploiement. Outre l’exercice d’entraînement Amani Africa II qui s’est déroulé en 2015 et une série d’exercices concernant les postes de commandement effectués en 2016, les forces régionales en attente suivent depuis le début de l’année 2017 de nouvelles formations tout en étant soumises à une évaluation de leurs capacités. Le Conseil de paix et

22

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

de sécurité (CPS) a également entamé des discussions

dans la mise en œuvre de la feuille de route. Lors du

sur la mise en adéquation de la FAA avec la récente

sommet de juillet 2017, l’UA a déclaré que, jusqu’à 2020,

vague de mécanismes sous-régionaux ad hoc tels que la

septembre serait le « mois de l’amnistie africaine » pour la

Force multinationale mixte et la Force du G5 Sahel.

remise et la collecte d’armes illicites. Cette initiative n’en

Outre l’opérationnalisation de la FAA, l’UA a entrepris diverses initiatives pour renforcer la prévention des conflits. Le lancement au Ghana cette année de la première évaluation de la vulnérabilité structurelle et de la résilience (CSVRA) d’un pays en constitue l’un des jalons. La CSVRA est une composante du Cadre structurel continental de prévention des conflits de l’UA dont le rôle est d’identifier et de combattre rapidement les causes structurelles des conflits dans les États membres. Il est à espérer que la CSVRA au Ghana incitera les autres États membres de l’UA à demander à être évalués, comme l’exige le cadre de prévention de l’UA. Néanmoins, la difficulté est que ce sont surtout les États stables comme le Ghana qui sollicitent de telles évaluations et non ceux qui sont en situation de crise potentielle, ce qui constitue un obstacle aux efforts de l’UA dans le domaine de la prévention des conflits.

Ce sont surtout les États stables comme le Ghana qui sollicitent de telles évaluations et non ceux qui sont en situation de crise potentielle

est qu’à ses débuts, mais force est de constater que les États membres de l’UA, auxquels il incombe de collecter les armes en question, n’ont guère fourni d’efforts jusqu’ici pour promouvoir l’application de cette décision au niveau national.

L’UA a déclaré que, jusqu’à 2020, septembre serait le « mois de l’amnistie africaine » Le Département paix et sécurité de l’UA étudie les moyens de renforcer la capacité des États membres à mettre en œuvre les dispositions de l’amnistie. Il s’agit notamment d’inciter davantage les individus et les groupes à rendre leurs armes, de prévenir le détournement d’armes licites vers les marchés illicites et de renforcer la capacité de détection et de récupération des armes illicites.

Quelle solution pour mettre fin aux conflits durables ? Pendant ce temps, la feuille de route a beaucoup de chemin à parcourir avant d’aborder des questions encore plus complexes telles que la mauvaise gouvernance,

Ce problème est amplifié par l’insistance de certains

les inégalités, les difficultés économiques, les violations

pays à mettre de l’avant le principe de non-ingérence

des droits de l’homme et d’autres injustices sociales

dans leurs affaires intérieures, tout en réfutant toute

susceptibles d’inciter des individus à prendre les armes.

situation de crise potentielle. L’UA n’est toujours pas en

Au moins huit pays africains sont actuellement en proie

mesure de tirer parti de l’influence que lui confère son

à des conflits violents : le Soudan du Sud, la Somalie,

statut d’organe intergouvernemental pour amener les

le Soudan, la République démocratique du Congo, la

États membres à s’attaquer aux causes structurelles

République centrafricaine (RCA), le Burundi, le Mali et la

des conflits ou, le cas échéant, pour les sanctionner s’ils

Libye. D’autres situations de crise existent dans diverses

refusent de le faire. Dans le cas du Burundi, par exemple,

régions du continent.

le gouvernement de Bujumbura a littéralement empêché l’UA et les Nations unies de prendre de nouvelles mesures pour lutter contre les violations des droits de l’homme et les atteintes à la démocratie.

L’UA et les organisations sous-régionales jouent un rôle prépondérant dans la plupart des initiatives de médiation en cours dans ces zones de crise, mais les conflits ont tendance à se prolonger lorsque les parties belligérantes

Lutter contre la prolifération des armes

bafouent les accords de paix qu’elles ont signés.

Depuis le début de l’année, la lutte contre la prolifération

Au Soudan du Sud, par exemple, l’UA et l’Autorité

des armes illicites constitue une initiative importante

intergouvernementale pour le développement (IGAD)

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

23

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité tentent de relancer l’accord de paix de 2015 qui est dans l’impasse depuis la résurgence des violences en juillet 2016. Cette initiative se heurte néanmoins à un certain nombre de défis, y compris un manque de clarté concernant les aspects de l’accord de paix devant être relancés et la difficulté de promouvoir une solution négociée face à des parties désireuses de gagner la guerre. Le sort de la force régionale de protection, qui a été chargée en août 2016 de protéger les civils, reste incertain. Seuls quelques soldats rwandais ont été déployés dans la région et le gouvernement souhaite contrôler les opérations de cette force. L’UA a révélé, pendant l’été 2017, l’existence d’une initiative africaine visant à obtenir la signature d’un accord de paix entre quelque 14 groupes armés et le gouvernement centrafricain. Ces efforts n’ont pas encore produit les résultats escomptés sur le terrain, alors que les groupes armés contrôlent toujours environ 70 % du territoire et que les ressources naturelles du pays sont situées dans ces régions.

Des menaces terroristes qui perdurent Par ailleurs, la présence d’éléments extrémistes dans le Sahel, le bassin du lac Tchad et la Corne de l’Afrique vient aggraver certains conflits. Alors que l’UA semble faire des progrès dans la lutte contre Boko Haram dans le bassin du lac Tchad et contre Al-Shabaab en Somalie, ces groupes extrémistes continuent de mener des attaques meurtrières qui ne laissent aucun doute quant à leur détermination. Dans le cas de la Somalie, un manque de financement contraint la mission de l’UA en Somalie (AMISOM) à réduire ses effectifs d’ici à 2018, en vue d’un éventuel retrait à l’horizon 2021. Pourtant, beaucoup reste à accomplir, non seulement pour éradiquer Al-Shabaab et professionnaliser le secteur somalien de la sécurité afin qu’il puisse relayer l’AMISOM, mais aussi pour consolider les liens qui unissent les différentes régions qui composent la Somalie. Le manque de fonds prévisibles et durables reste donc un obstacle au lancement et à la réalisation des actions définies par l’UA. Les nouvelles situations de conflit, telles que celles résultant des appels à la sécession au Cameroun et au Nigeria et de l’actuelle instabilité politique en Guinée-Bissau, au Togo et au Lesotho, sont autant de motifs d’inquiétude

14

Nombre de groupes armés en RCA

puisqu’elles vont à l’encontre des aspirations de l’UA de débarrasser l’Afrique du fléau de la violence d’ici 2020. De nombreux responsables de l’UA reconnaissent que, de par son caractère très ambitieux, l’échéance de 2020 incite l’organisation à œuvrer sans délai en faveur de la paix en Afrique. Par le biais des efforts de coordination de M. Lamamra, l’UA doit renforcer sa détermination à prévenir les conflits et à trouver des moyens d’amener les États en crise à mettre en œuvre les accords de paix qu’ils ont signés.

24

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

Entretien avec le Rapport sur le CPS Faire des frontières de l’Afrique des passerelles et non des obstacles À la suite des discussions sur la nouvelle stratégie de gouvernance des frontières de l’UA, le Rapport sur le CPS s’est entretenu avec l’ambassadeur Frédéric Ngoga Gateretse, chef de la Division prévention des conflits et alerte rapide du Département paix et sécurité de l’UA.

Le mois dernier, l’UA a organisé une conférence sur sa stratégie de gouvernance des frontières. De quoi s’agit-il plus précisément ? Quels sont les progrès réalisés jusqu’ici dans la mise en œuvre de ce cadre ? Je vous remercie vivement de me donner l’occasion de vous exposer le projet de Stratégie de gouvernance des frontières de l’UA. Cette rencontre, qui s’est tenue à Addis Abeba du 6 au 8 novembre dernier, a réuni des experts nationaux pour réviser et valider le projet de stratégie que nous avons soumis plus tôt cette année à nos États membres. Le document repose sur cinq piliers : le développement des capacités pour la gouvernance des frontières ; la prévention des conflits, la sécurité frontalière et les menaces transnationales ; la mobilité, les migrations et la facilitation du commerce ; la gestion coopérative des frontières ; et le développement des régions frontalières et l’engagement communautaire. Il est également conforme à la priorité du président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, de « promouvoir l’intégration économique du continent et de contribuer à accélérer son développement, en mettant tout particulièrement l’accent sur l’accroissement du commerce intraafricain et la libre circulation des personnes, de sorte que les Africains cessent finalement d’être des étrangers sur leur propre continent ».

Cette stratégie est conforme à la priorité du président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, de promouvoir l’intégration économique Le 7 juin dernier, à l’occasion de la Journée africaine des frontières, le commissaire à la paix et à la sécurité, l’ambassadeur Smail Chergui, a indiqué : « nous œuvrons résolument à transformer les frontières interétatiques africaines en espaces propices à l’intégration régionale

7 juin Journée des frontières africaines

et continentale ». C’est donc cette vision que nous mettons en œuvre.

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

25

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité Maintenant que les experts de nos États membres

recommandations qui, si elles sont correctement mises

ont validé le projet de Stratégie de gouvernance des

en œuvre, permettront la sécurisation des frontières

frontières de l’UA, le document sera soumis aux

et faciliteront la libre circulation des personnes et des

décideurs de l’UA pour validation et adoption.

marchandises, ce qui est déjà une réalité dans certains

À quel stade en est-on dans la démarcation des frontières africaines ?

accord entre les deux parties pour la mise en place

Les deux dernières années ont été émaillées par de multiples incidents entre États membres de l’UA liés avec leurs frontières. L’UA a-t-elle une réponse face à de tels incidents ?

d’une commission mixte bilatérale. Cet accord est

Il y a effectivement un certain nombre de différends

généralement suivi d’une série de réunions dont le but

frontaliers sur le continent. Certains sont actifs, d’autres

est de décider quels documents juridiques, historiques et

sont en latence, mais comme je l’ai mentionné, plusieurs

géographiques seront utilisés. Des missions techniques

d’entre eux sont en voie d’être résolus. Par le biais du

sont également dépêchées sur le terrain pour évaluer

PFUA, l’UA a facilité, en cette seule année, le dialogue

l’état des bornes et déterminer les coordonnées

dans pas moins de 23 situations. En fait, le PFUA a

géographiques. Ensuite, les deux parties conçoivent

précisément été établi pour prévenir les différends

et signent un traité de démarcation et mènent des

frontaliers entre les États membres et pour favoriser la

opérations d’implantations des bornes frontières. À

voie du dialogue lorsqu’un problème surgit.

l’heure actuelle, et dans le cadre du Programme frontières

Trois principes clés guident nos actions à cet égard.

de l’UA [PFUA], plus de 20 États membres sont engagés

Le premier est celui du respect des frontières établies

dans un processus de délimitation et de démarcation de

au moment de l’indépendance nationale. Ce principe

leurs frontières communes, plus de 3 000 km ont déjà été

est conforme à la Charte de l’Organisation de l’unité

délimités et six traités de démarcation des frontières ont

africaine (OUA) sur les différends frontaliers entre États

été signés. Nous continuons donc à avancer, malgré les

africains, adoptée au Caire en juillet 1964, lors de la

défis, mais comme on dit : « les routes difficiles mènent

première session ordinaire de la Conférence des chefs

souvent à de belles destinations ».

d’État et de gouvernement de l’OUA. Ce principe a par

Le processus de délimitation et de démarcation d’une frontière est long et coûteux. Il commence par un

Plus de 20 États membres sont engagés dans un processus de délimitation et de démarcation de leurs frontières communes

26

endroits d’Afrique.

ailleurs été repris dans l’Acte constitutif de l’UA. Le deuxième est celui du règlement négocié des différends frontaliers. Il est repris dans une résolution adoptée à l’occasion de la 44e session ordinaire du Conseil des ministres de l’OUA, à Addis Abeba en juillet 1986, ainsi que dans les dispositions pertinentes du

L’année prochaine, l’UA doit adopter un protocole sur la libre circulation des personnes. Étant donné que de nombreuses zones frontalières en Afrique sont des espaces non gouvernés, quelles mesures l’UA prendrat-elle pour atténuer les impacts négatifs de la libre circulation sur la paix et la sécurité ?

protocole relatif à la création du Conseil de paix et de

La nécessité de trouver un équilibre entre la libre

développement et la coopération en Afrique, adopté par

circulation et la sécurité frontalière est abordée dans

la Conférence des chefs d’État et de gouvernement qui

certains piliers de la stratégie. Le document contient des

s’est réunie à Durban en juillet 2002.

sécurité de l’UA. Le troisième principe est l’engagement commun à faire des efforts de délimitation et de démarcation des frontières des vecteurs de paix, de sécurité et de développement économique. Ce principe figure dans le Mémorandum d’accord sur la sécurité, la stabilité, le

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité  •  WWW.ISSAFRICA.ORG/PSCREPORT

Les instruments existent donc et ont été adoptés par nos États membres, mais il arrive qu’un différend frontalier reflète d’autres problèmes qui doivent être abordés en même temps que le désaccord en question. Si la confiance règne entre les parties, il est alors très facile de résoudre un problème frontalier.

Si la confiance règne entre les parties, il est alors très facile de résoudre un problème frontalier La fréquence des différends concernant des frontières maritimes, en particulier lorsque des ressources naturelles sont en jeu, constitue un autre dossier épineux. En quoi la stratégie de gouvernance frontalière y répond-elle ? Quels sont les liens entre la stratégie et la Charte africaine sur la sécurité et la sûreté maritimes en Afrique ? Les principes que je viens de présenter s’appliquent aux différends frontaliers maritimes. Ils sont d’ailleurs mis en exergue dans la Stratégie maritime intégrée de l’Afrique et dans l’Article 13 de la Charte africaine sur la sécurité, la sûreté et le développement maritimes en Afrique, dite « Charte de Lomé ». Les liens entre sécurité et sûreté maritimes et développement en Afrique sont évidents. Permettez-moi de vous donner quelques chiffres pour illustrer ce point. Sur les 55 États membres de l’UA, 38 sont côtiers. L’ancien secrétaire exécutif de l’UNECA [Commission économique des Nations unies pour l’Afrique], Carlos Lopes, a écrit en 2016 que « 70 % du PIB du continent provient de l’économie maritime africaine, qui génère environ les trois quarts des recettes fiscales des gouvernements ». Au moins 90 % des importations et exportations africaines sont effectuées par voie maritime. Selon l’ONG Maritime Security Review, la quasi-totalité des échanges maritimes entre l’Europe et l’Asie, soit environ 700 milliards de dollars US par an, transitent par la mer Rouge. Ce montant est de loin supérieur au PIB combiné des pays de l’IGAD, qui est d’environ 255 milliards de dollars US. La sécurité maritime est cruciale pour le développement du continent. Selon l’ONG Oceans Beyond Piracy, en 2016, le coût de la piraterie était de 1,7 milliard de dollars US au large des côtes somaliennes contre environ 793,7 milliards en Afrique de l’Ouest. Le lien entre sécurité maritime et développement en Afrique est donc évident.

$1,7 milliard Coût de la piraterie au large de la Somalie

Numéro 98 • Décembre 2017/Janvier 2018

27

Rapport sur le Conseil de paix et de sécurité À propos de l’ISS

ISS Pretoria

L’Institut d’études de sécurité établit des partenariats pour consolider les savoirs et les compétences en vue d’un meilleur futur pour l’Afrique. Notre objectif est de renforcer la sécurité humaine en tant qu’outil pour parvenir à une paix et à une prospérité durables. Le travail de l’ISS couvre un large éventail de thématiques, dont la criminalité transnationale, les migrations, le maintien de la paix, la prévention de la criminalité et la justice pénale, la consolidation de la paix et l’analyse des conflits et de la gouvernance.

Block C, Brooklyn Court 361 Veale Street New Muckleneuk Pretoria, South Africa Tel: +27 12 346 9500

L’ISS fait usage de ses réseaux et de son influence pour proposer aux gouvernements et à la société civile des analyses pertinentes et fiables, ainsi que des formations pratiques et une assistance technique. Ces initiatives agissent de manière positive sur le renforcement des politiques et des pratiques, car grâce à elles, les dirigeants sont plus à même de prendre des décisions éclairées sur les questions de sécurité humaine en Afrique.

Les personnes qui ont contribué à ce numéro Yann Bedzigui, chercheur, ISS Addis Abeba Liesl Louw-Vaudran, consultante principale de recherche, ISS Ndubuisi Christian Ani, chercheur, ISS Addis Abeba Paulin Maurice Toupane, chercheur, ISS Dakar Adja Khadidiatou Faye, stagiaire, ISS Dakar

ISS Addis Abéba 5th Floor, Get House Building, Africa Avenue Addis Ababa, Ethiopia Tel: +251 11 515 6320

ISS Dakar 4ème étage, Immeuble Atryum Route de Ouakam Dakar, Sénégal Tel: +221 33 860 3304/42

ISS Nairobi The Pavilion, 5th Floor Mwanzi Rd, off Lower Kabete Rd Westlands, Nairobi Tel: +254 20 237 84 75/79

Damien Larramendy, traducteur Anne-Claire Gayet, réviseure

Contact Liesl Louw-Vaudran Consultante ISS Pretoria Courriel: [email protected]

Les bailleurs de fonds

Ce rapport est publié grâce au soutien du Hanns Seidel Stiftung et du gouvernement de la Nouvelle-Zélande. L’ ISS souhaite également remercier pour leur appui les membres suivants de son Forum des partenaires: Hanns Seidel Stiftung, l'Union européenne, les gouvernements de l’Australie, du Canada, du Danemark, de la Finlande, de l'Irlande, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Suède et des États-Unis. © 2018, Institut d’Études de Sécurité L’ISS dispose des droits d’auteur pour l’intégralité de ce volume et aucune partie ne peut être reproduite, en totalité ou en partie, sans l’autorisation explicite, par écrit, de l’Institut. Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles de l’Institut, de ses fiduciaires, des membres du Conseil consultatif ou des donateurs.

www.issafrica.org