Franc-Vert vol. 15 no. 3 (juin-juillet 1998)

Vice-président(e)s: Michel Bélanger (Affaires juridiques), Jean-François Bergeron (Concours photo), Robert. Charpentier (Financement), André Desrochers ...... forêts. Gratuit sur demande à RNC, 580. Booth, Ottawa, KlA OE4, (613) 947-9097.
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Sommaire

Vol. 15, n ° 3 - juin-jui1let 1998

ARTICLES 16 Photo de la page couverture: Suzanne Hardy Le hêtre champion du Québec ... Depuis, il a été amputé de 40% de ses branches.

Une randonnée sous le signe d'Arachnée Un arachnologue amateur part, à travers champs et bois, à la découverte d'un petit monde bien fascinant .

Par Luc Bea11doin

20 Estrie et Montérégie:

CHRONIQUES

À la découverte des arbres exceptionnels

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Partez à la découverte des arbres exceptionnels du sud du Québec !

Éditorial La culture du décret Par Harvey Mead et Michel Bélanger

Par Stizanne Hardy, Enracinart

8 Dans ma cour Moto marine, machine infernale? Des poissons-lunes dans l'estuaire Recyclage chez les crevettes Une nouvelle fourmi au Québec

15 Être aux oiseaux Omelette dans les herbes

28 Penser globalement Dernier recours au Lac Heney

30 Agir localement Derrière les barreaux : des écolos! Le retour du lièvre aux îles

33 Zoom sur les parcs Les merveilles éphémères

Papier Lithofect recyclé à 50 %, dont au moins 20 % de fibres post-consommation. Ce magazine est entièrement recyclable.

FRANC-VERT • Juin - juillet 1998

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Harvey Mead

membre du Cercle des phénix ! arvey Mead, le président-fondateur de l'Union québécoise pour la conservation de la nature, a récemment été reçu membre du Cercle des phénix. Ce cercle prestigieux regroupe des personnalités québécoises qui ont apporté une contribution personnelle remarquable à la cause environnementale. Le Cercle des phénix constitue l'un des volets du concours des Phénix de l'environnement, qui attribue les principaux prix décernés chaque année au Québec dans di-

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vers domaines de la conservation des ressources et du développement durable. Président de l'UQCN de 1981 à 1989 et de 1993 jusqu'à ce jour, président du Comité consultatif Saint-Laurent Vision 2000 depuis 1996, pendant un temps sous-ministre adjoint au Développement durable, du ministère de !'Environnement et de la Faune du Québec, et impliqué dans une foule d'autres activités écologiques depuis plusieurs années, Harvey Mead a démontré de façon constante son engagement envers la protection de l'environnement. L'équipe de l'UQCN et du magazine Franc-Vert, les administrateurs et tous les bénévoles de l'organisme félicitent Harvey et sont particulièrement fiers de collaborer avec lui à l'avancement de la cause environnementale.

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xprimez vos condoléances et votre sympathie par un don à la nature et à l'environnement!

Vous trouverez, dans cet exemplaire de Franc-Vert, une carte ln Memoriam que nous vous invitons à utiliser en mémoire d'un parent ou d'un ami. Tout en offrant un message réconfortant à la famille éprouvée, vous aiderez l'Vnion québécoise pour la conservation de la nature (VQCNJ à poursuivre son action. Vous pouvez commander des cartes supplémentaires en téléphonant au 1 800 332-7473.

TERRE COMPRISE

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erre èomprise, c'est d'abord une invitation au voyage. Un voyage qui nous convie à mieux comprendre d'où nous venons, où nous sommes et surtout ce que nous devons faire pour contrôler notre destinée. Terre comprise, c'est aussi une trousse de sensibilisation et de vulgarisation scientifique et sociale. Terre comprise, c'est enfin un puissant véhicule d'éducation relative à l'environnement. Terre comprise est signée par Marcel Lafleur et Jean Robitaille, coéditée par RECYC QUÉBEC/CEQ. Terre comprise compte cinq principales sections étroitement interreliées : •

Présentation et mode d' utilisation



I.:Odyssée planétaire Du big bang à !'Homo sapiens.

Un plaidoyer en faveur de la survie de la planète et de l'humanité.



À l'aube de l'an 2000



Dix défis prioritaires sous forme de fiches thématiques

Une synthèse de Terre comprise présentée avec un jeu de



Vers un avenir viable

fiches à reproduire sous forme de transparents en acétate.

Disponible au coût de 39,95 $ (plus frais de livraison) au Centre de documentation de la CEQ-Québec, 1170, boui. Lebourgneuf, bureau 300, Québec, QUÉBEC G2K 2Gl. Téléphone : 418/ 627-8888. Télécopieur: 418/627-9999.

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Juin - juillet 1998 • FRANC-VERT

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Oui, je m'a!Po~ et; det1J1ieh9 ' me~edel'UQeN Cochez:

1 an

o Abonnement* + adhésion ; 28 $ o Abonnement* seulement; 23 $ o Adhésion seu lement; 5$

2 ans O Abonnement*+ adhésion; 49,11 $ o Abonnement* seulement; 39,11 $ o Adhésion seulement; 1O$

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o Je désire un abon nem ent• fidélité (Cochez votre choix auparavant) O Chèque inclus

OVisa

o Master

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e nouveau cette année, la Société des établissements de plein air du Québec s'associe à l'UQCN pour vous offrir deux fotfaits de votre choix au Gîte du Mont-Albert, dans le parc de la Gaspésie. Vous n'avez qu'à vous abonner, vous réabonner ou abonner un ami au magazine Franc-Veit. Vous coutTez la chance de gagner un forfait «découverte nature» ou «mer et montagne». À votre goût! D'une valeur de 450 $, chaque forfait pour deux personnes dans cet établissement hôtelier de la Sépaq comprend, par personne, deux nuitées au Gîte, deux soupers table d'hôte, deux petits-déjeuners ainsi qu'un menu particulier lors d'une randonnée guidée au mont Jacques-Cartier. De plus, selon le fotfait, est prévue une visite au Centre Explorama de Sainte-Anne-des-Monts, une demijoumée de kayak en mer au Carrefour Aventure de Mont-Saint-PietTe ou une visite au Centre d'interprétation du cuivre de Murdochville. Ces forfaits sont valides du 13 juillet 1998 au 31 mai 1999, selon les disponibilités et la saison. Pour profiter de cette offre, retournez le coupon (photocopie ou facsimilé) ainsi que votre paiement. Chaque coupon reçu avant le vendredi 10 juillet à 16 h donnera droit à une participation au tirage. Le nom des gagnants paraîtra dans un des prochains numéros de Franc-Vert. Chaque année d'abonnement donne droit à une chance.

Code postal: _ _ _ _ __

Tél.bur.: _ __ __ _ __

*Six numéros par année; taxes incluses; cette offre expire le 1Ojuillet1998 à 16 h #TPS: R 119275816 # TVQ: 1006361354

•: Désormais vous recevrez une facture à la date d'éc héance de votre abonnement; finis les avis et les pochettes de plastique. Envoyez votre paiement à: UQCN-Franc-Vert 690, Grande-Allée Est Québec (Québec) G1 R 2K5

LA SOCl~T~ DES ~TABLISSEMENTS

OEPLE!NAJRDUQUÏ:BEC

Pour information et réservation: 1 800 665 6527

Les règlements du concours sont disponibles au bureau de l'U QCN-Franc-Vert. Ce concours répond aux exigences de la Régie des loteries du Québec. Un litige quant à la conduite et à l'attribution d'un prix de ce concours peut être soum is à la Régie des loteries du Québec. Comme le demande la Régie , le (la) gagnant(e) devra, pour se procurer son prix, répondre correctement à une question mathématique que vous trouvez dans le coupon d'abonnement.

Union 11uébécoise pour la conservation ùe la nature

«Penser globalement, agir localement» 690, Grande-Allée Est, Québec (Québec) GIR 2K5 Tél. : (418) 648-2104, téléc.: (418) 648-0991 Courrier élec.: [email protected] Site Internet: http ://uqcn.qc.ca Organisme national sans but lucratif, l'Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN) regroupe des individus ainsi que des sociétés œuvrant dans le domaine des sciences naturelles et de l'environnement. L'UQCN favorise la conservation et l'utilisation durable des ressources. Elle fonde son action sur les trois objectifs de la Stratégie mondiale de la conservation: le maintien des processus écologiques essentiels, la préservation de la diversité génétique et l'utilisation durable des espèces et des écosystèmes. Conseil d'administration de l'UQCN Président: Harvey Mead Premier vice-président: Jean Boutel Vice-président(e)s: Michel Bélanger (Affaires juridiques), Jean-François Bergeron (Concours photo) , Robert Charpentier (Financement) , André Desrochers (Biodiversité), Daniel Fortin, Louise Gratton (Biodiversité), Jean Hamann (Franc-Vert) , François Hulbert (Urbanisme) , Robe11 Joly (Stratégies Saint-Laurent) , Lise Parent, Desneige Perreault et Linda St-Michel. Ambassadeurs de l'UQCN: Frédéric Back, Jacques Dufresne, Pierre Gosselin, Peter Jacobs, Pierre-Marc Johnson et Estelle Lacoursière. Directrice administrative: Diane Pagé Directeur environnement: Denis Bergeron Administration: Monique Arteau Secrétariat: Marthe Saint-Hilaire, Andréanne Hamel et Carl Leduc ÉcoRoute: Denis Savard, Martin Savard et Véronique Rivard Chargé de projet: Serge Harvey Organismes affiliés: Ami(e)s de la terre de !'Île d'Orléans; Ami(e)s de la terre de Québec; Ami(e) s de la vallée du Saint-Laurent; Ami(e)s du Jardin botanique de Montréal; APEL du lac Saint-Charles; Association de protection de l'envirmmement du lac Témiscouata; Association pour la conse1vation du boisé Papineau; Association pour la conservation du mont Pinacle; Association pour la protection de l'environnement de Rigaud; Association pour la protection du lac Mégantic; Association québécoise des groupes d'ornithologues; Association québécoise d'interprétation du patrimoine; Association québécoise pour la promotion de l'éducation relative à l'environnement; Attention Frag'Îles; Bloc vert; Centre de conse1vation de la nature du mont Saint-Hilaire; Centre de développement d'agrobiologie; Centre de la montagne; CellU'e d'études et de recherche interdisciplinaires sur les communications, la législation et l'éducation environnementales; Centre d'intendance écologique Latreille; Centre d'interprétation de la nature du lac Boivin; Centre écologique de Po11-au-Saumon; Centre québécois du droit de l'environnement; Comité de santé publique et d'environnement; Comité des priorités environnementales de la MRC de Bellechasse; Club de marche de Québec; Club des ornithologues de Brome-Missiquoi; Club des ornithologues de !'Outaouais; Club des ornithologues des Hautes-Laurentides; Club des ornithologues de Québec; Club d'observateurs d'oiseaux de Laval; Club d'ornithologie de la région des Moulins; Comité d'environnement de Chicoutimi; Comité d'environnement de Dolbeau-Mistassini; Comité des citoyens de Pointe-Fortune; Comité de recherche et d'inte1vention environnementales du Grand-Portage; Conseil régional de l'environnement de la Montérégie; Conseil régional de l'environnement de la région de Québec; Conseil régional de l'environnement du BasSaint-Laurent; Conseil régional de l'environnement du Saguenay-Lac-Saint-Jean; Conse1vation de la baie Missisquoi; Conseivation faune aquatique Québec; Corporation d'amélioration et de protection de l'environnement de Baie-Corneau; Corporation de gestion CHARMES; Corporation de gestion des rivières des Bois-Francs; Corporation de gestion du petit marais de Saint-Gédéon; Corporation de l'aménagement de la rivière !'Assomption; Corporation de protection de l'environnement de Sept-Iles; Corporation du Parc régional de Pointe-aux-Outardes; Éco-musée de la Haute-Beauce; Éco-nature de Laval; Entomofaune du Québec; Environnement Vert-Plus; Fédération québécoise du canot-camping; Fiducie foncière du marais Alderbrooke; Fondation les oiseleurs du Québec; Fondation pour la sauvegarde des espèces menacées; Fondation québécoise pour la protection du patrimoine naturel; Fondation Québec-Labrador; Fiducie foncière du mont Pinacle; Groupe de recherche appliquée en macro-écologie; Groupe de recherche et d'éducation en milieu marin; Groupe d'initiatives et de recherches appliquées au milieu; Groupe Fleurbec; Groupe nature et patrimoine; Halte écologique des battures de Kamouraska; Inter-Paysages; La Bande à Bonn'Eau; Laboratoire de géographie de l'UQAC; Mouvement écologiste et alternatif de l'Université du Québec à Montréal; Musée du Séminaire de Sherbrooke; NatureAction; Parc Ami Chic-Chocs; Parc d'environnement naturel de Sutton; Programme semencier du patrimoine; RecyCan1pus; Recyclage Vallier; Région laboratoire du développement durable; Regroupement pour la préservation de l'île et du marais de Katevale; Rivière vivante; Société d'aménagement de la rivière Madawaska et du lac Témiscouata; Société d'aménagement récréatif pour la sauvegarde du Lac-S:tint-Pierre; Société de biologie de Montréal; Société d'écologie de Papineau; Société de conse1vation, d'interprétation et de recherche de Berthier et ses îles; Société de conservation et d'aménagement du bassin de la rivière Châteauguay; Société de conservation et de mise en valeur de la Grande Plée Bleue; Société d'entomologie du Québec; Société de protection foncière de Sainte-Adèle; Société des amis du Jardin Van-den-Hende; Société d'histoire naturelle de la vallée du Saint-Laurent; Société d'ho11iculture et d'écologie des Cantons-Unis; Société d'obse1vation de la faune ailée; Société d'ornithologie de Lanaudière; Société du loisir ornithologique de !'Estrie; Société linnéenne du Québec; Société ornithologique du Centre du Québec; Société pour la protection des parcs et sites naturels du Canada; Société Provancher d'histoire naturelle; Société québécoise de spéléologie; Société québécoise pour la protection des oiseaux; Société zoologique de Granby; Société zoologique de Québec; Union pour le développement durable; Union québécoise de réhabilitation des oiseaux de proie; Univert Laval; Via Agro-écologie; Vivre en ville-Regroupement pour le développement urbain, rural et villageois viable. L'Union québécoise pour la conservation de la nature est affiliée à l'Union mondiale pour la nature (UICN), à la Fédération canadienne de la nature, au Fonds mondial pour la nature (Canada), au Forest Stewardship Council (FSC) ainsi qu'à Great Lakes United.

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690, Grande-Allée Est, Québec QC GIR 2K5 Tél.: (418) 648-2104 Courrier élec.: [email protected] Directrice et rédactrice en chef Louise Desautels Traitement de texte et secrétariat Marthe Saint-Hilaire Graphisme Greco communication design Coordonnatrice-publicité et marketing Hélène Savard Administration et abonnement Monique Arteau Comité scientifique Colette Ansseau, George Arsenault, Pierre Asselin, Cyrille Barrette, Yves Bédard, Jean-François Bergeron, Francine Bigras, Jean Boulva, Anne Charpentier, Johanne Delisle, Luc Gagnon, Léopold Gaudreau, Gilles Gauthier, Yves Guérard, Marianne Kugler, Manon Lacharité, Estelle Lacoursière, Monique Laforge, Hélène Lair, René Moisan, Serge Payette, Jacques Prescott, Austin Reed, Camille Rousseau , Christian Roy, Angèle Saint-Yves et Jean-Guy Vaillancourt. Éditeur délégué Jean Hamann Révision des textes Cyrille Barrette, Serge Beaucher et Camille Rousseau Conseiller à la photographie Jean-François Bergeron Numérisation et pelliculage Graphiscan Impression Imprimerie Canada Préparation postale Postecnik Distribution Les Messageries de Presse Internationale Média d'information sur la nature et les questions environnementales, Franc-Vert publie six numéros réguliers par année. En 1998, l'abonnement d'un an est de 20 $ et l'adhésion individuelle à l'UQCN, de 5 $. La cotisation des organi smes affiliés est de 40 $, inclu ant un abonn emen t de 20 $. Taxes en sus. Copyright 1997- FRANC-VERT. Le contenu du magazine ne peut être reproduit ni traduit sans l'autorisation de la direction. La direction laisse aux auteurs l'entière responsabilité de leurs textes. La présence de publicité dans Franc-Vert ne constitue d'aucune manière une accréditation du message publicitaire, ni de l'organisme qui l'émet. Les relations entre l'UQCN et les publicitaires, tout comme entre l'UQCN et les commanditaires du concours photo ou d'autres activités, sont strictement d'ordre contractuel. Nous remercions le Collège Champlain - St. Lawrence de sa précieuse collaboration. Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec et Bibliothèque nationale du Canada, premier trimestre 1984, ISSN-0822-7284. Franc- Vert est indexé dans Repères et dans Canadian Periodical Index. Le contenu de ce magazine est produit sur serveur vocal par l'audiothèque pour personnes handicapées de l'imprimé du Québec, (418) 627-8882; (514) 393-0103 Courrier de ze classe, N° 6284. Port payé à Québec.

La nature du @ébec en images Concours annuel de photographie nature - Président: Jean-François Bergeron - Coordonnatrice: Hélène Savard - Secrétaire: Andréanne Hamel - Conseillers : Yves Bédard, Christian Bibeau , Gaétane Boisseau , Edmond Duret, Jean-Marc Francoeur et Camille Rousseau.

Juin - juillet 1998 • FRANC- VERT

La culture du décret epuis quelque temps, des promoteurs font preuve d'une ingéniosité peu commune pour se soustraire à leurs obligations environnementales. Cette façon d'agir détourne non seulement les intentions originales du législateur, mais aussi l'expertise solide de consultation par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement(BAPE), qui repose sur une expérience reconnue depuis plusieurs années. Parmi les pires parrains ou complices de ce jeu, se trouvent le gouvernement lui-même et ses ministères. Il y a d'abord les projets qui répondent à des caractéristiques juste en deçà des seuils établis par règlement pour les assujettir à la procédure d'évaluation environnementale. Aidé d'une interprétation restrictive de ces normes, dénoncé par la commission Doyon, le ministère de !'Environnement et de la Faune (MEF) a autorisé une série de mini-centrales hydroélectriques sur un même cours d'eau. Chacune avait une capacité de moins de dix mégawatts, qui est le seuil d'assujettissement, mais l'ensemble des constructions dépassaient largement ce seuil et entraînaient des impacts environnementaux importants. Ce geste de l'État a clairement violé l'esprit du législateur. Dans le même ordre d'idée, le MEF a autorisé l'implantation, en Mauricie, d'une porcherie totalisant plus de 1 000 unités animales, soit au-delà du seuil d'assujettissement à la procédure, mais en répartissant ce nombre dans trois établissements voisins, en fonction du stade de développement des animaux. C'est également par le biais d'une interprétation tordue du Règlement sur les déchets solides que de nombreux lieux d'enfouissement ont augmenté leur capacité autorisée, jusqu'à 163 % dans ce1iains cas, sans être assujettis à la procédure d'évaluation environnementale, simplement en ajoutant un «chapeau» de surélévation pour assurer la fermeture du lieu. Le plus récent exemple est le projet de construction d'une nouvelle route sur la côte des Éboulements. Il s'agit d'un projet d'envergure qui provoque des impacts importants. Pour éviter une étude d'impacts et une audience publique, le ministre des Transports, luimême ex-ministre de !'Environnement et de la Faune, a décidé d'interpréter le règlement de telle façon que paver un petit chemin de village constitue maintenant un travail de «Construction, de reconstruction ou d'élargissement» d'une route! L'UQCN a demandé une interven-

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tion du ministre de !'Environnement et de la Faune, pour qu'il rejette cette tentative de sabotage de sa propre législation environnementale. Mais la démonstration la plus flagrante de cette «culture du décret» est la réponse politique aux dégâts causés par la tempête de verglas de l'hiver dernier: les trois décrets du 14 janvier. Le cynisme était non seulement évident dans le geste posé, mais a été ouvertement confirmé par le premier ministre, lui aussi ex-ministre de !'Environnement. Tout le monde reconnaît l'importance pour la population de remettre en état un service public essentiel, c'était l'objet d'un premier décret du 14 janvier. Le deuxième décret de cette journée, fatidique pour la crédibilité environnementale du gouvernement actuel, autorisait plusieurs projets importants de construction de lignes, que le président-directeur général d'Hydro-Québec appelait la «consolidation» du réseau; cette consolidation comportait, par coïncidence, la préparation de meilleurs accès au réseau américain. Cette «Coïncidence» était de bon augure pour le Plan stratégique d'Hydro-Québec des cinq prochaines années, qui était justement comble du cynisme - l'objet du troisième décret; le Plan vise à augmenter les exportations d'énergie vers les États-Unis, à pat1ir de nouvelles constructions.

Ce sera également le cas pour ce qui a été autorisé pat· les décrets du 14 janvier: une sétie de travaux se poursuivant pour au moins trois ans, et laissant à Hydro-Québec le soin de décider ce qui est «bon» pour les différentes régions en cause (et pour le développement du Plan stratégique d'Hydro-Québec lui-même) . Cela sera fait en substituant le processus de consultation publique prévu par la loi, par un processus tronqué, sans véritable garantie de réelle consultation des populations concernées.

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Une déréglementation dangereuse Ces manoeuvres sont profondément inacceptables. Le fait d'avoir mandaté le Comité conseil du Secrétariat à la déréglementation, présidé par Bernard Lemaire de Cascades, pour réévaluer la procédure d'évaluation environnementale, malgré les nombreux rapports (notamment le rapport Lacoste en 1989 et celui de la Commission parlementaire de 1993) et consultations menés depuis dix ans, confirme nos appréhensions. Nous craignons que la grille d'analyse qui sera imposée par la réforme réglementaire, visant avant tout à garantir la compétitivité des entreprises à l'échelle nationale et internationale, ne reconnaisse aucune vertu à la démocratisation des processus décisionnels en environnement. Pourtant, cette démocratisation justifie le maintien de la procédure d'évaluation environnementale. De toute évidence, le «gouvernement par décret» vise à s'offrir en cadeau un cadre où les décrets et les autres contournements d'une approche environnementale et sociale appropriée ne seront plus nécessaires, tout simplement...

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La politique du fait accompli Ces décrets soustrayant ce11ains projets de la procédure sous prétexte d'urgence démontrent un sens de !' «urgence» facile, qui justifie un ensemble de travaux indéfinis, contrairement à ce que prévoit la Loi sur la qualité de l'envi1·onnement. Ainsi a-t-on autorisé tous les travaux requis pour réparer ou prévenir des dommages causés pat· la crue des eaux au Saguenay en juillet 1996, et ce, sans limite dans le temps. Presque deux ans plus tard, ces travaux continuent, sans avoir été l'objet d'études d'impacts.

FRANC-VERT • Juin - juillet 1998

Harvey Mead,

président de l'UQCN Michel Bélanger,

avocat et vice-président de l'UQCN 7

~Dans

ma cour POLLUTION

La motomarine, une machine infernale? a motomarine fait les délices des jeunes en mal de vitesse. Elle a pris d'asL saut nos cours d'eau sans qu'aucune restriction n'en régisse l'utilisation, ni pour la conduire, ni pour en limiter la vitesse, ni pour répondre à des no1mes environnementales minimales. Au Québec, on compte près de 20 000 de ces engins. Bruyante et énergivore, la motomarine participe à l'érosion des berges ainsi qu'à la pollution de l'air et de l'eau. Est-ce une machine infernale? Plusieurs le croient!

Une technologie archaïque Malgré son design high tech, la motomarine est propulsée par une vieille technologie, très salissante: un moteur à deux temps avec carburateur, le même que dans une motoneige. Dans ce moteur, la combustion est tellement partielle que plus du quart de l'essence et de l'huile consommées par la machine est rejeté sans être brûlé. Ce n'est pas seulement très polluant, c'est aussi un éno1me gaspillage. Les moteurs à deux temps ainsi que les moteurs à quatre temps des tondeuses et des sou.fileuses, dont la technologie est également vétuste, sont actuellement soumis à une batterie de tests. Technologue à Environnement Canada,MichelSoulignyexpliquecommentla motomarine et le moteur hors-bord polluent l'air et l'eau. «Les rejets d'hydrocarbures, de monoxyde de carbone, d'oxydes d'azote et de composés organiques volatils remontent à la surface de l'eau et produisent de l'ozone à basse altitude, le fameux smog, qui est un initant des voies respiratoires. Quant à l'huile à moteur, elle fo1me des dépôts difficiles à éliminer et contamine le milieu aquatique.» Les accélérations et la vitesse auxquelles les amateurs soumettent l'engin déterminent le degré de pollution. Un chauffeur «pépère» utilisera environ 7 $ d'essence et d'huile à l'heure, tandis que le «cow-boy» en consommera le double. Une fin de semaine de motomarine peut coûter entre 60 $ et 120 $ en essence! Cela représente de trois à cinq fois ce qu'un automobiliste investit par semaine. Le Earth Island Institute, de San Francisco aux États-Unis, estime que ces engins polluent autant, sinon plus, que l'ensemble du parc automobile. D'ici un an, les normes américaines et canadiennes limiteront les rejets de mo-

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noxyde de carbone. La motomarine devra subir des modifications techniques pour y répondre. Actuellement, l'achat d'une telle machine coûte plus de 10 000 $, accessoires compris. En modifiant la technologie, on occasionnera des frais supplémentaires vaiiant entre 500 $ et 1 000 $. Deux technologies sont à l'étude: le moteur à deux temps amélioré (déjà en service sur ce11ains modèles), qui pollue 40 % moins que le moteur actuel, et le moteur à quatre temps, 97 % moins polluant. Le moteur à deux temps amélioré coûte moins cher à produire, et quasiment n'importe qui peut s'improviser mécanicien en cas de bris. Le moteur à quatre temps est plus complexe et exige la compétence d'un spécialiste pour le réparer. Deux temps ou quatre temps? Le résultat sera, une fois de plus, le fruit d'une négociation entre économie et environnement. Pour ce qui est du bruit, il n'existe pas d'études connues sur les décibels qu'émettent les motomarines. Mais la grogne des riverains monte et les manufacturiers travaillent à réduire le niveau sonore.

Attention ! Berges fragiles La vitesse excessive de plusieurs utilisateurs produit des vagues qui frappent les berges. Cela accélère le processus d'érosion et met en pé1il l'écosystème riverain. En 1997, le conseil municipal de Saint-Didace et les Amis de l'environnement de Brandon, dans Lanaudière, ont créé le Comité conjoint des

En plus de troubler les habitants des lacs, les motomarines polluent l'air et l'eau avec leur très archaïque moteur à deux temps. Photo Christian Autotte

eaux de la rivière Maskinongé, pour mener une étude concernant l'utilisation des embarcations sur cette rivière. L'étude a relevé des signes d'érosion variant de 1,5 cm à 7 cm dans les zones les plus fragiles, pouvant éventuellement mener à l'effondrement des lives, puisque le minage se fait par en-dessous. «Outre cette menace à l'environnement, explique Benoît Bégin du Comité, la sécmité sur l'eau était menacée par des "chauffards" de motomarine qui conduisaient sans aucun respect des règles élémentaires de prudence, risquant à tout moment de provoquer des accidents.» La vitesse maximum, sur la tivière, a donc été fixée à 25 km/h. L'exemple de Saint-Didace peut être suivi. En effet, même si le Québec n'impose pas de restriction «universelle», une municipalité peut, en vertu du règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux, imposer une limite de vitesse dans une bande dont elle détermine la largeur sur le pourtour du plan d'eau. Dans le cas des lacs où les propriétés riveraines sont privées, l'association des propriétaires peut interdire la motomarine ou en limiter le nombre, et imposer des limites de vitesse.

Juin - juillet 1998 • FRANC-VERT

Clôde de G11ise

FAU N E

Des poissons-lunes dans l'estuaire a mer rejette quelquefois de drôles d'animaux, peu connus dans un secteur donné. C'est ce qui s'est passé le 18 septembre dernier sur la rive sud de l'estuaire du Saint-Laurent. Les habitants de Pointeau-Père, dans le Bas-Saint-Laurent, ont découvert d'étranges poissons dépourvus de queue: deux poissons-lunes échoués à quelques heures d'intervalle sur cette plage, tout près de Rimouski. Le premier, qui mesurait 1,15 met pesait 72 kg, a été trouvé mort; le second, un peu plus petit, était toujours vivant lorsque découve11. «Nous l'avons remis à l'eau et le poisson nageait difficilement; comme il était condamné à mourir de toute façon , nous l'avons récupéré», raconte Dominique Gascon, biologiste à l'Institut Maurice-Lamontagne (IML) de Mont-Joli, qui avait été dépêché sur les lieux pour identifier les étranges bêtes. Un des spécimens a été expédié au Biodôme de Montréal et l'autre a été naturalisé pour les collections de l'Institut. Les biologistes s'interrogent toujours sur la présence de ce poisson dans un environnement à l'opposé de son habitat. Le poisson-lune est une espèce pélagique qu'on trouve dans les eaux côtières du golfe du Maine, le long de la Nouvelle-Écosse, dans le golfe du Saint-Laurent et sur les bancs de Terre-Neuve. À tous les deux ou trois ans, des spécimens s'échouent dans la baie des Chaleurs; mais leur présence dans l'estuaire constitue un événement rare. Selon les biologistes de l'IML, le poisson-lune n'a été mentionné que deux fois dans le Saint-Laurent: un individu en 1987 sur la Côte-Nord, et deux autres échoués à SainteLuce (près de Pointe-au-Père) , quelques années plus tôt.

L

olive ou presque noire, avec des reflets ai·gentés. En anglais, le poisson-lune devient un poisson-soleil (Ocean sun fish). Muni d'une petite gueule, il mange à peu près tous les composants du macroplancton : ptéropodes, seiches, crustacés, méduses et bon nombre de poissons qui vivent dans les abysses. On a souvent trouvé dans son estomac des quantités importantes de larves d'anguilles. Le poisson-lune mesure généralement entre 0,91 et 1,50 m de long, pour une hauteur d'environ 2 m et un poids de 80 à 220 kg. Des spécimens gigantesques ont toutefois été capturés: en 1908, des Australiens en ont plis un de 3,10 m, pesant plus de 900 kg!

Pas par hasard La biologiste Élaine Albert, de l'IML, a prélevé de nombreux parasites sur la peau des deux poissons de Pointe-au-Père. Cette peau est coliace, épaisse et rugueuse, en raison de nombreuses petites épines. Mais cela n'évite pas au poisson d'être énormément parasité

par des crustacés. Les trois espèces prélevées pai· Mme Albe11 sont d'ailleurs spécifiques au poisson-lune. «Nous avons également trouvé des nématodes, dans le foie», raconte la biologiste. Comme tous les poissons-lunes sont généralement très parasités, la présence de parasites sur les spécimens de l'estuaire ne semble pas être la cause de leur échouage. Pour les biologistes de l'IML, le rejet de ces deux poissons sur une même plage, à quelques heures d'intervalle, n'est tout de même pas l'effet du hasard! «Y avait-il un banc de poissons-lunes dans l'estuaire? se demande Dominique Gascon. Poursuivaient-ils des méduses, ou bien ont-ils été entraînés là pai· un courant?» Cette dernière hypothèse est très plausible, cai· des recherches confirment, selon M. Gascon, que ces drôles de poissons se laissent souvent flotter au gré des courants matins. Ils le font généralement plutôt en solitaires, mais ils peuvent aussi se rencontrer en groupes d'une douzaine d'individus ou

Le poisson -lune est un rare visiteur du Saint-Laurent. Devant le biologiste Dominique Gascon, en voici un de petite taille, trouvé près de Rimouski. Photos Jean-Pierre Sylvestre

Une étrange créature Ce poisson est l'une des plus étranges créatures matines. On ne connaît d'ailleurs que très peu de choses à son sujet. Son nom scientifique, Mala mata, fait référence à son corps discoïde et aplati, en fo1me de meule de moulin. L'animal ressemble à une grosse tête circulaire, montée sur une bande ondulée, en guise de queue. Sur le ventre et sur le dos, il porte deux lobes triangulaires élevés tenant lieu de nageoires. Les pectorales se situent en arrière des branchies. Son nom commun lui vient de sa silhouette et de la couleur de sa peau, grise, brun FRANC- VERT • Juin - juillet 1998

plus, estime un grand spécialiste de l'espèce, Osame Tabeta de l'Université des Pêches à Nagasaki, au Japon. Soit dit en passant, c'est dans le pays de ce spécialiste, bien davantage que dans le golfe du Saint-Laurent, qu'on a le plus de chances de voir à quoi ressemble le poisson-lune. Animal fétiche au Japon, il s'y rencontre en effet pai1out. .. dans les aquaiiums. jean-Pierre Sylvestre

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Recyclage chez les crevettes P

lus d'un million de kilos de résidus de crevettes aboutissent chaque année au dépotoir de Rivière-au-Renard, en Gaspésie, là où l'on trouve le plus important port de pêche au Québec. Mais la situation change. Cette année, on valorisera une partie de ces déchets en extrayant la chitine que contiennent les carapaces de crustacés comme la crevette. On utilise cette substance en alimentation, en pharmacologie, en médecine et dans plusieurs autres domaines. L'extraction de la chitine est une façon de maximiser l'utilisation de la ressource. Et c'est la voie choisie par Les Pêcheries Marina.rd, la plus importante usine de transformation de crevette au Québec, sise à Rivière-au-Renard. «La moitié de nos résidus était destinée au compostage et le reste, au dépotoir, ce qui représentait des coûts énormes pour l'entreprise, explique Clermont Beaulieu, le directeur de recherche sur ce projet. Nous nous sommes rendu compte qu'une fois extraite, la chitine possède une valeur. Même si ce n'est pas rentable au début, même si ça ne paie que les salaires, au moins, ça ne s'en va pas au dépotoir à 30 $, 100 $ ou 200 $ la tonne. De l'argent jeté par les fenêtres, un gaspillage de ressources.» Avant, l'entreprise parlait de pertes; maintenant, elle parle de valeur ajoutée.

Une invention japonaise C'est vers 1830 que des chercheurs français ont découvert la chitine contenue dans la carapace des arthropodes (crustacés et insectes) . On a même trouvé une substance apparentée dans certains champignons. Mais le développement le plus important pour la clùtine est venu du pays du soleil levant. «Ce sont les Japonais qui, dans les années 1960, ont entrep1is plusieurs recherches fondamentales sur les composantes des produits marins», raconte Clermont Beaulieu. C'est ainsi qu'ils ont découve1t les possibilités incroyables de la clùtine et ont mis au point diverses applications industlielles. La recherche est encore aujourd'hui une étape indispensable à la transformation de la clùtine. Depuis 1996, le centre de recherche des Pêcheries Maiinard est en mai·ch e. Avec un investissement de 2,5M$, l'équipe, composée d' une douzaine de chercheurs, a étudié toute la documentation scientifique sur la chitine, refait des protocoles de recherche et développé un procédé unique d'extraction à paitir de la crevette. «Ici, à l'usine, 150 travailleurs transforment de cinq à six millions de kilos de crevettes chaque année, évalue Clermont

Beaulieu. Quand on pense qu'il y a 30 % de chair dans une crevette et que le reste, c'est de l'eau, de la carapace, des oeufs et le système digestif, on comprend qu'il y a beaucoup de perte. Au moins, maintenant, nous récupérons les carapaces.» La chitine en est extraite par divers procédés mécaniques et clùmiques. En fait, ce sont les protéines et les minéraux qu'on extrait. Ce qui reste, c'est la clùtine, qui est ensuite séchée et purifiée à 99,5 %. Le produit se présente sous deux formes: en flocons ou en farine. Les utilisations de la chitine sont multiples. En Amérique du Nord, on l'emploie principalement pour le traitement des eaux usées, à cause de sa très grande capacité d'absorption. Pas étonnant que nos voisins du sud en consomment aussi en produits amaigrissants. La clùtine retient les gras et réduit le cholestérol. Dans certains pays asiatiques, elle est incorporée à des croustilles et à des craquelins.

Au Japon, on en trouve dans les pansements internes et dans les fils chirurgicaux. Raison : la chitine est biodégradable et naturelle. L'automne dernier, les dirigeants et les chercheurs de Pêcheries Marinard se sont justement rendus au Japon pour explorer le marché potentiel de la «Chitine gaspésienne». Un voyage payant! Des 55 tonnes de chitine produites cette année à Rivière-au-Renard, la moitié sera achetée par un groupe japonais. Le reste est destiné à un acheteur canadien. Et ce n'est qu'un début, le produit miracle risque de se retrouver dans le milieu agricole. Clermont Beaulieu et son équipe font présentement des essais en culture biologique avec un producteur de tomates et de concombres de la région. Bien que préliminaires, les résultats sont prometteurs. Comme quoi les produits de la mer n'ont pas fini de donner. jean G11énette

AGRICULTURE

La Terre fait une overdose (ASP) - Notre petite planète est en train de faire une surdose d'azote. Dès les années 1960, des chercheurs avaient découve1t que ceitains lacs et iivières étaient surchai·gés de fe1tilisants à base d'azote et de rejets industliels. Mais aujourd'hui, disent les écologistes, les excès d'azote menacent des écosystèmes entiers. D'après une étude parne dans

FRANC-VERT • Juin - juillet 1998

Science, un nombre inquiétant de tetTes ne poutTont pas absorber davantage d'azote, de so1te que des quantités de plus en plus grandes se trouveront dans les lacs, les livières et, de là, dans les océans. Les surplus, d'ores et déjà, affecteraient des créatures grandes producttices d'oxygène, telles que des algues, en plus de nuire aux activités de pêche.

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FAU N E

Une nouvelle fourmi au Ouébec? uc Jobin et Jean-Matie Perron ont bien

retourner à la Grande Plée LBleue,hâteunedetourbière de la région de Québec. lis espèrent y localiser d'autres nids de Dolichoderus mariae. Cette fourmi n'avait, semble-t-il, jamais été signalée au Canada, avant que les deux entomologistes la découvrent, il y a moins de deux ans. Au Québec, elle venait s'ajouter aux 96 espèces répe1101iées. Dolichoderus mariae appa1tient à un genre qui ne compte que quatre espèces en Amé1ique du Nord. li s'agit d'une très petite fourmi d'environ 3 mm de long. Elle se distingue aisément des autres espèces de son ge1u-e par sa coloration: à pait son abdomen noir métallique très brillant, elle est toute rouge. D'après des observations réalisées au Michigan, l'espèce affectionne paiticulièrement les La découverte de Dolichoderus mariae porte à 97 le nombre d'espèces de fourmis répertoriées au Québec. Photo André Francœur, UQAC

milieux humides: marais, marécages et tourbières. «Du moins, c'est toujours là que je l'ai trouvée» , constate Paul B. Kannowski, myrmécologue de l'Université de Dakota du Nord. D'ailleurs, selon lui, c'est probablement ce qui explique pourquoi on vient tout juste de la repérer au Québec. «L'espèce a peut-être toujours été là, avance-t-il, mais comme les habitats où elle s'installe ne sont pas courants, on ne pense pas à y aller voir.»

Un

i~loo

collectif

A en croire Luc Jobin, le nid de la fourmi vaut pourtant le détour! Celui que l'entomologiste a découvert mesurait environ 15 cm de largeur pour une hauteur à peu près équivalente. n avait la forme d'un igloo et se trouvait sous un jeune mélèze. Sa base était constituée d'un amas d'aiguilles de mélèze et de fragments de feuilles de divers végétaux. Sa partie supérieure comportait, elle aussi, des aiguilles de mélèze retenues serrées, mais elle présentait davantage l'aspect et la texture du papier mâché. Curieux de voir quels habitants pouvaient loger dans un nid pareil, le scientifique a pratiqué une petite ouverture au sommet. La réaction des centaines de four-

mis qui s'y trouvaient a été aussi immédiate que percutante. «L'odeur de l'acide formique a été si forte que j'ai dû reculer; ça me chauffait les yeux et le nez», se souvient M. Jobin. L'émission d'acide est un mécanisme répulsif assez courant chez les fourmis . Comparée à d'autres espèces, considère Paul B. Kannowski, Dolichoderus mariae demeure somme toute une fourmi docile. Au besoin, elle quittera même son nid pour se réinstaller un peu plus loin. Pourvu qu'elle trouve, à proximité, des plantes sur lesquelles elle puisse cultiver sa nourriture préférée : des pucerons. Ceci dit, un nid peut rester actif plusieurs années. Selon l'exposition de la fourmilière au soleil, le couvain émerge plus ou moins tôt durant l'été. Conséquemment, les vols nuptiaux des différentes colonies ne débutent pas tous au même moment. Dans le sud-est du Michigan, la saison nuptiale, qui amène la dispersion de l'espèce, s'échelonne de la mi-août à la mi-septembre. Qu'en est-il à la Grande Plée Bleue? C'est ce qu'apprendront peut-être M. Jobin et son collègue, cet été. Lyne Lauzon

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Nombreuses illustrations-couleurs. Publié Fleurs sauvages du Québec par les Éditions Multimondes. Disponible Des fleurs de tous les milieux, racontées par Estelle Lacoursière et Julie Then-ien, et pho- en librairie. tographiées par Michel Sokolyk. Publié aux Pollution atmosphérique et Éditions de l'homme. Disponible en libraitie. champs électromagnétiques Synthèse de la documentation scientifique sur L'état des forêts au Canada les effets possibles de ces deux phénomènes 1996 - 1997 sur la santé humaine. Sous la direction de PaSeptième rappo1i présenté par le ministère trick Levallois et Pierre Lajoie. Presses de des Ressources naturelles du Canada (RNC). l'Université Laval. Disponible en librailie. Participation du public, rôle des autochtones et moyens de mesurer la durabilité des Papillons et chenilles du forêts. Gratuit sur demande à RNC , 580 Québec et de l'est du Canada Booth, Ottawa, KlA OE4, (613) 947-9097. Près de 300 pages pour connaître, en couleurs, les lépidoptères de notre coin de La voie du développement pays. Par l'entomologiste Jean-Paul Laplandurable des transports te. Publié aux Éditions de l'homme. Dispoau Canada Rapport préparé pour la Table ronde na- nible en librairie. tionale sur l'environnement et l'économie La passion du Saint-Laurent (TRNEE) , publié dans la série «L'état du débat». Renseignements: (613) 745-2665. Petites histoires d'amour pour le Saint-Laurent, par des personnes connues et moins connues, dans un album plein de photos. Les baleines de l'Atlantique Un ouvrage de Danielle Ouellet et René Vénord - Biologie et écologie Deuxième version d'un premier ouvrage zina. Éditions MultiMondes. Disponible en écrit en 1988 par Pierre-Henry Fontaine. librairie.

Les conifères possèdent des fleurs mâles et femelles. Communément appelés "cocottes", les cônes femelles, souvent de couleurs vives au printemps, contiennent les graines. Les cônes mâles, beaucoup plus petits et éphémères, libèrent chaque année plusieurs tonnes de pollen destinées à la pollinisation des cônes femelles. Ce cédérom permet de découvrir comment les principaux conifères indigènes se reprodu isent au Québec. Muni d'un glossaire donnant accès à la définition des termes techniques et d'un jeu-questionnaire permettant d'évaluer ses connaissances, ce document pédagogique illustre de façon vivante et colorée un phénomène naturel encore mal connu mais fascinant. Les conifères en fleurs Ministère des Ressources naturelles 1998, Cédérom 2-551-17889-4 Configuration minimale (Quickl ime est inclus dans les deux versions de ce cédérom) Macintosh Windows PC - Processeur. 68020 (68030 recommandé) . - Processeur. 386SX (486 recommandé) - 8 Mo de memo1re vive (16 Mo recommande) - 8 Mo de memoire vive (16 Mo recommandé) - Moniteur 13 pouces (256 couleurs) - Moniteu r 13 pouces (256 couleurs) - Systeme 7.1 ou plus récent - Windows 3.1 ou plus récent - Lecteur de disque opti que compact 2X - Lecteur de disque optique compact 2X - Quickl ime 2.0 ou plus récent - Quicklime (16 bits) - Carte de son (facultative)

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Être aux oiseaux

Par Serge Beaucher

1\ vez-vous remarqué tous ces champs anill més? De drôles d'oiseaux noirs aux allures de mouffettes, avec leur nuque beige et leurs grosses bandes blanches sur le dos, se dépensent sans compter au-dessus des champs de foin . Vols en tandem le long d'une ligne virtuelle qui délimite deux territoires, sur-place en battements d'ailes frenétiques à un mètre d'altitude, atterissages en trempoline sur des

brins de foin qui oscillent sans fin et, à travers tout ça, une effervescence musicale continue, des bouillonnements de gazouillis qui mettent l'humeur en gaieté. Ce sont les goglus des prés qui se livrent à leur impétuosité de mâles. Beaucoup moins visibles dans leur tenue de camouflage, les femelles sont déjà en train de couver ou de nourrir leurs jeunes sous l'intimité du couvert des graminées ... à moins qu'elles se soient fait couper l'herbe sous les pieds. littéralement.

Les foins en juin

Entre 1970 et 1990, la population de goglus a chuté de façon draconienne au Québec. Photo Christian Autotte

Voilà une trentaine d'années à peine, rappelle Jacques Larivée, ornithologue bien connu et professeur au Cégep de Rimouski, la récolte des foin s se faisait vers la mi-juillet. Avec des variétés de graminées de plus en plus hâtives, on est passé à deux, puis à trois récoltes au cours de l'été. «Même chez nou s, dans le Bas Saint-Laurent, témoigne M. Larivée, on fauche maintenant au début de juin. » En pleine période de reproduction du goglu! Vous voyez l'omelette, lorsqu'une faucheuse s'amène dans un champ où les goglus ont élu domicile? Entre 1970 et 1990, la population de goglus a chuté de façon draconienne, au Québec, selon les données du fi.chier ÉPOQ (Études des populations d'oiseaux du Québec - une compilation

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effectuée par M. Larivée à partir de troi s millions d'observations rapportées depuis 50 ans par les membres des clubs d'ornithologues du Québec). Cette baisse est confirmée par une autre banque de données, le BBS (Breeding Bird Survey) qui couvre l'Amérique du Nord. Depuis 1990, les effectifs auraient commencé à remonter, mais ils sont encore «à un niveau historiquement bas», selon M. Larivée. L'espèce aurait en fait diminué de moitié en 20 ans.

Des pâturages rétrécis Mais il n'y a pas que le fauchage hâtif en cause. S'il aime particulièrement nicher dans les champs de foin et d'autres cultures, le goglu apprécie également les prés où vont paître les animaux. Or, ces pâturages ont rétréci de 50 % dans le sud du Québec, au cours des dernières décennies. Ils ont fait place aux grandes monocultures, dont s'accommode mal le goglu, et en particulier au maïs, où l'oiseau ne niche pas du tout. Plus au nord, dans le Bas Saint-Laurent notamment, beaucoup de pâturages abandonnés sont retournés à la friche ou ont été plantés d'épinettes. Ce qui n'aide pas tellement le goglu non plus, ce sont les tonnes de pesticides épandues dans les cultures chaque année, au Québec (herbicides surtout) comme sur ses terrains d'hiver, la vaste pampa argentine (beaucoup d'insecticides). Le goglu n'est pas la seule espèce touchée par les pratiques agricoles de cette fin de siècle. D'autres oiseaux qui nichent au sol dans les milieux ouverts de nos campagnes ont aussi connu des déclins significatifs de population. Le bruant vespéral, le bruant des prés et la craintive stumelle des prés, avec son ventre jaune vif à plastron noir, pour n'en nommer que trois. Mais si les goglus venaient à disparaître du décor rural, leur absence passerait sûrement moins inaperçue que celle des autres. Déjà, à la fin de juillet, quand ils commencent à se rassembler pour le grand voyage qui les mènera 17 000 km plus au sud - la plus longue migration chez les oiseaux chanteurs d'Amérique du Nord - , déjà lorsque leur joyeux babillage s'éteint au-dessus des champs en plein milieu de l'été ... déjà, il fait horriblement silence. 15

Un arachnologue amateur part, à travers champs et bois, à la découverte d'un petit monde bien fascinant.

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hicorée sauvage, rudbeckie hérissée, impatiente du Cap ... des fleurs sauvages qui attirent le regard. Pourquoi les gens ne s 'émerveillent-ils pas autant devant les araignées? Cette interrogati,on m'invite à chercher ces arthropodes mal connus et mal aimés que sont les araneae et à découvrir la beauté inusitée de ce monde singulier. En bon arachnologue amateur, j'ai commencé par consulter des volumes de référence. La recherche s'est avérée plus difficile que prévu, car les publications accessibles sur le sujet ne pullulent pas. Appareil photo en main, outillé de renseignements livresques relativement ténus, je me suis donc aventuré sur le terrain afin d 'en savoir davantage.

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Araignées-caméléons Dès ma première sortie, à l'entrée d'un champ en friche, j'observe des araignées aux pattes antérieures beaucoup plus longues que les postérieures. Cette disproportion caractérise les araignées appartenant à la famille des araignées-crabes, ou thomisidés . Ces dernières ne tissent pas de toile et sont capables de prendre la coloration de la fleur sur laquelle elles attendent leurs proies pour leur sauter dessus. Lors de ma randonnée, l'une d'elles fait toutefois mentir cette règle: d'un jaune soutenu, elle est installée sur une chicorée bleue! D'autres, toutes blanches, sont dissimulées sur des marguerites et des matricaires. Lorsqu'elles repèrent ma présence, elles deviennent difficiles à photographier. À chaque mouvement de l'appareil

photo, elles se déplacent et se confondent avec la fleur. Un peu plus loin, mon regard se fixe sur une toile singulière, parcourue de haut en bas par un fil tissé en zigzag. Ce motif particulier, élaboré par une argiope, porte le nom de stabilimentum. Les experts expliquent que cet élément pourrait jouer différents rôles : camoufler l'araignée, stabiliser la toile ou recueillir les grosses gouttes de rosée dont l'animal s'abreuve. L'araignée qui habite là présente un céphalothorax Oa partie avant du corps) gris et poilu et un abdomen noir et jaune. Comme toujours, elle se tient au centre de sa toile. Quelle n 'est pas ma surprise lorsque, touchant son abdomen, je la vois, prise de spasmes, se mettre à faire rapidement vi-

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brer cette toile. Brillante astuce: dans bien des cas, le prédateur, incapable de discerner nettement sa proie, l'abandonne tout simplement. Continuant mon investigation sur les mœurs de cette créan1re, j'ai le bonheur d'assister à la préparation de son festin. En effet, un moustique vient heurter la toile. L'argiope se précipite. S'emparant de l'insecte, elle le fait rapidement tourner à l'aide de ses pédipalpes (appendices situés à l'avant du corps) et l'enveloppe complètement de son fil de soie. Puis, elle insère ses chélicères (sorte de crocs externes) dans sa victime pour lui inoculer le venin. De son rostre, l'araignée éperonne ensuite sa proie pour y injecter des sucs digestifs très puissants qui liquéfient les tissus internes, qu'il ne reste plus qu'à aspirer comme avec une paille. Le spectacle est à couper le souffle. Dire que cette araignée offre un espoir aux victimes de la maladie d 'Al-

zheimer ! En effet, j'ai appris récemment que des chercheurs viennent de trouver, dans son venin, une substance qui pourrait être utilisée dans le traitement des personnes dont le système nerveux est atteint, par exemple par la maladie d 'Alzheimer.

Soyeuse soie La randonnée continue. Au bout d'un sentier bordé de grands chênes, j'aperçois une épeire, à l'abdomen globuleux, en train de détruire sa vieille toile. Bizarrement, elle en fait une boulette et la mange. Puis, elle se met en frais d'en construire une nouvelle, à la géométrie concentrique tout aussi parfaite que la première. La soie fine et solide produite p ar les glandes séricigènes s'échappe des filières , localisées à l'extrémité de l'abdomen. On dit de cette soie qu'elle est plus soyeuse que celle du bombyx du mûrier, le fameux ver à soie. Lorsque l'ouvrage

L'araignée-crabe ne tisse pas de toile. Elle s'immobilise sur une fleur pour attendre sa proie. Photo Luc Beaudoin

Considérée comme l'une des plus belles araignées du Québec, l'argiope est aussi une grande mangeuse de moustiques. On reconnaît facilement sa toile à la section tissée en zigzag qu'elle comporte. Photos Luc Beaudoin

est terminé, plusieurs minutes p lus tard, je reprends mon excursion. Quelques papillons m'accompagnent dans une forêt de feuillus. En examinant le tronc pourri d 'un gros érable, je découvre un macrocosme étrange. Quelques araignées cachées sous l'écorce attirent mon attention. Je devine qu'il s'agit de saltici-

dés, ces araignées qui font des bonds impressionnants. Je décide d'en capturer une pour l'examiner de plus près. Avec une loupe, j'aperçois facilement deux grands yeux frontaux qui dominent nettement les six autres, tous bien alignés à l'horizontal. Avec ces deux yeux dominants , les araignées sauteuses sont dotées d'une vue excel-

Pour en savoir davantage eu de livres ou d'articles traitent des araignées. Néanmoins vous pouvez écrire au Centre de ressources du Musée canadien de la nature pour obtenir un exemplaire gratuit de Les araignées, le n° 33 de la série Neotoma. De même, l'article Des bibites plutôt fileuses, paru dans la revue Forêt & Conservation de juin 1987, devrait vous intéresser. Si vous voulez avoir accès aux clés d'identification, je vous recommande fortement de vous abonner à la revue de l'Association des arachnologues du Québec, qui a pour nom Pirata: C.P. 1463, Maria (Québec), GOG lYO

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lente; les spécialistes affirment que leur résolution optique n'est que six fois inférieure à celle de l'humain. Puis, je retourne mon spécimen pour en observer le dessous de l'abdomen. Cette femelle me laisse entrevoir son épigyne, qui est la marque de commerce des salticidés. Je peux y distinguer l'orifice de fécondation et l'orifice de ponte. Durant l'accouplement, le mâle introduit la pointe de ses pédipalpes à l'intérieur de l'épigyne. Malheureusement, les mâles étant morts à cette période-ci de l'année (mi-août), je ne peux assister à ce rite insolite. À l'an prochain, peut-être. Puis je rends sa liberté à ma petite beauté. Le faucheur et la grenouille Sortant du boisé, je longe un fossé colonisé par des salicaires. Leurs inflorescences d'un mauve vif accrochent mon regard. Dans un champ, un peu plus loin, je m'accroupis pour essayer en vain de trouver une araignéeloup. Comme les araignées-crabes, les loups ne tissent pas de toile, mais plutôt que d'attendre leurs proies, camouflées dans la corolle d'une fleur, elles leur courent après sur le sol.

Avec ses deux yeux prédominants, l'araignée sauteuse a une résolution optique qui se rapproche de celle des humains. Photo Christian Autotte

Pas d 'araignée-loup, donc, mais au ras du sol j'aperçois ce qui semble être un faucheur. Arachnide aux pattes extrêmement longues et fines, ce dernier n'est qu 'un cousin des araignées. En effet, sa tête n'est pas bien différenciée de l'abdomen, comme chez les araignées. Pas de chance! Son passage sur terre sera écourté par une grenouille léopard qui , en un éclair, déploie sa langue et avale prestement cette proie sans défense. Rempli de belles images, je décide de réintégrer l'univers des humains. Mais bientôt, je regagnerai à nouveau champs et forêts à la recherche d'autres spécimens parmi les 545 espèces qui vivent au Québec et j'essaierai de mieux comprendre ce monde mal aimé des arachnides. Observer la nature qui nous entoure, c'est devenir témoin de la plus grande aventure qui soit, la plus envoûtante, celle qui nous rapproche un peu plus chaque jour du grand secret de la vie. +

Juin - juillet 1998 • FRANC-VERT

,_ es plus beaux ai:bres ·de 1 Mo11térégie et des ê antons de l'Est ont-ils survécu a: verglas de l'hiver dernier? Plusieurs d 'entre eux, emi. Si les dommages naturels et les coupes trop sévères effectuées ensuite ont affecté beaucoup de spécimens, d 'autres témoins de notre histoire se dressent toujours, intacts, à la portée du promeneur.

Voici donc us _f)r©posons une tournée sous le signe de la vie et de l'espoir, une balade qui vous donnera sans doute envie de partir en quête d 'autres représentants de notre patrimoine végétal, partout au Québec; et, qui sait, peut-être de collaborer à la mise à jour de l'inventaire provincial des arbres exceptionnels que dresse Enracinart. del't~s, qu~

Un noble pousse-partout Notre itinéraire débute à Stanbridge East (voir la carte), où nous attend un mastodon-

Chêne à gros fruits (station #1) ~

Photo Suzanne Hardy

Devant le 8, rue Tannery, restons à distance pour observer ce superbe chêne à gros fruits qui nous révèle ses branches quasiment horizontales dans la portion inférieure de l'arbre et ascendantes, dans sa portion supérieure. Il appartient à la «tribu» des chênes blancs, dont les énorme troncs sont habillés d'une écorce écailleuse e t dont les feuilles sont découpées de profonds lobes arrondis. Avec cette imposante silhouette, pas étonnant que le chêne à gros fruits, au feuillage brillant sous le soleil, fasse partie des feuillus nobles du Québec. On vante beaucoup sa grande valeur commerciale et son bois durable, à usages multiples. Un feuillu noble, c'est aussi un arbre qui peut revaloriser certaines terres agricoles abandonnées. La grande polyvalence du chêne à gros fruits pourrait avantageusement être mise à profit à cette fin. Car cet arbre croît tout aussi bien en sol riche humide, comme ici, au détour de la rivière aux Brochets, qu'en terrain sec découvert. Il doit cette qualité à son système racinaire qui s'étale largement autour d'un pivot central, profondément ancré dans le sol. Un peu à l'image de la tradition bien incrustée au coeur du village de Stanbridge East ...

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Plantés pour y rester

Ostryer de Virginie (station #2) ..... Photo Suzanne Hardy

Le parfait contorsionniste Tout près d'ici, une tradition d'un autre type se perpétue, cette fois parmi la troupe des botanistes et naturalistes québécois : un pèlerinage annuel vers les collines de Saint-Armand et de Frelighsburg, dans Missisquoi. Suivons-les dans cette région la plus chaude du Québec, où l'on trouve des plantes d'affinité méridionale et, bien entendu, des arbres qui atteignent d'impressionnantes dimensions, parfois originaires de climats plus cléments. Depuis Saint-Armand-Ouest en empruntant le chemin du même nom vers Pigeon Hill, nous faisons la connaissance, au numéro civique 1887, avec un curieux arbre, pas très grand celui-là, surnommé «bois de fer>>. C'est l'ostryer de Virginie (Ostrya virginiana (Mill) K.Koch), compagnon idéal de l'érable à sucre et du hêtre à grandes feuilles, car il pousse à l'ombre. Arbre à petit développement, d'une douzaine de mètres de hauteur, notre spécimen est néanmoins coiffé du titre de champion québécois de son espèce. Il le mérite bien avec les 2,26 m de circonférence de son tronc, alors que les ostryers atteignent rarement 1,85 m. Il doit sans doute sa performance au sol alcalin de la région, où il vivra peut-être jusqu'à 150 ans. Invulnérable, ne se connaissant pas d'ennemis parmi les insectes, les maladies ou

les accidents météorologiques, l'espèce a été épargnée de l'exploitation commerciale en raison de sa présence disséminée sur le territoire québécois. Son tronc au bois très lourd, le plus dense de toutes les essences forestières du pays, est enrobé d'une jolie écorce filandreuse. Celle-ci se brise en d'étroites lanières longitudinales non attachées, ni à l'une ni à l'autre extrémité. L'ostryer n 'en finira jamais de nous étonner avec ses branches et son tronc tordus, ornés de prot:ubéranc es indiquant les positions où s'enchevêtrent les veines de son bois particulier. Curieusement, ses feuilles vivent deux changements annuels de coloration, passant du marron au vert pomme à l'été puis au jaune or pâle, à l'automne. En matière de transition de coloris , l'érable à sucre est sans doute l'essence la plus connue. Chemin faisant, en bordure du chemin de Saint-Armand-Ouest, ne manquons pas d 'observer, en allées simples ou doubles, de nombreux spécimens fort développés du Acer saccharum. Ces érables, couronnés d 'opaques cimes globulaires, dissimulent les maisons en retrait.

FRANC-VERT • Juin - juillet 1998

Nous atteignons ainsi le hameau voisin, Pigeon Hill, colonisé à partir de la fin du XVIIIe siècle par des vagues successives d'Américains. Une partie des arbres qui y ont pris racine sont eux aussi d'origine américaine. C'est le cas des robiniers faux-acacia (Robinia pseudoacacia 1.), dont les branches ascendantes, accrochées à des troncs très droits, sont orientées vers le ciel. Aux abords de l'église anglicane St. James the Less, érigée en 1859, on trouve une petite poptùation «organisée» de ces arbres élancés et très étroits. La croissance rapide du robinier, appelé simplement acacia par les gens du coin, s'évalue à 60 ou 90 cm par an. En contrepartie, son espérance de vie, réduite, laisse croire que la «famille» qui environne l'église constitue la deuxième ou la troisième génération. Pas étonnant: cette espèce se Robinier faux-acacia (station #3) Photo Suzanne Hardy

Épicéa commun (station #4)

..... Photo Suzanne Hardy

reproduit avec une grande efficacité, tantôt par graines, tantôt de façon végétative. La disposition de ces spécimens révèle l 'intervention de l'humain, qui a sélectionné les rejetons alignés les plus sains. Dans la région, les acacias représentent un exceptionnel patrimoine vivant. Les très nombreuses tourtes (Passenger Pigeon) en l'honneur desquelles le hameau aurait été baptisé, se nourrissaient de leurs graines, vénéneuses pour la plupart des autres êtres vivants! Paradoxalement, même si les branches de ces arbres se brisent facilement dans la tempête, le bois dur de leur tronc résiste longtemps au contact du sol et de l'eau. D'ailleurs, les piliers du quai de Venise-en-Québec seraient en bois d'acacia!

Dans ce village, poussent ça et là des épicéas communs (Picea abies (L) Karst). Comme les autres conifères, l ' espèce n ' a subi que des transformations mineures depuis son apparition, il y a 300 millions d'années! Ses graines nues ne sont pas enfermées dans des fruits , mais reposent plutôt sur les écailles de leurs cônes, comme chez ses proches parents, les épinettes indigènes. Originaire d'Europe et d 'Asie , l'épicéa commun se cultive chez nous depuis longtemps. Grâce à sa croissance rapide , cette espèce convient bien au reboisement et à la formation d'écrans brise-vent. Sa propension à adopter une grande variété de formes dans son habitat naturel a permis de développer de nombreux cultivars d 'ornement.

En nous baladant dans le village, examinons de plus près ces géants. Leurs branches primaires poussent de façon ascendante dans la portion supérieure de la couronne et à l'horizontale, ailleurs. Chez les vieux sujets, les branches inférieures sont souvent descendantes. Les branches secondaires et les rameaux qu'elles supportent sont tous nettement retombants. Au 132-142 Lakeside, un superbe spécimen pousse près de l'édifice qui abritait jadis l'académie Paul-Rolland, du nom du fondateur de Lac-Brome. Il faut voir aussi ceux de la rue Victoria, où se succèdent depuis 130 ans les villas et les domaines de riches marchands de Montréal. Aux numéros civiques 112, 122 et 132, plusieurs vieux spécimens croissent en solitaires ou forment écran.

Charme discret de la bourgeoisie Autre haut-lieu de la bourgeoisie, le campus de l'Université Bishop de Lennoxville, près de Sherbrooke, s'est développé depuis 1853 sur une vaste propriété sillonnée par la rivière SaintFrançois. Ce territoire abrite deux écosystèmes forestiers exceptionnels, soit un groupement de noyers cendrés et une communauté se trouvant au nord de son domaine habituel. Cette dernière, une érablière à tilleul et à caryer ovale, fait de l'ombre à de petits charmes de Caroline (Carpinus caroliniana Walter), dont un spécimen pique Charme de Caroline (station #5)

Polyglotte et polymorphe Quelque 80 km plus à l'est, plusieurs arbres de LacBrome témoignent eux aussi de l'histoire de la colonisation, mais également du développement de la villégiature. Depuis plus d'un siècle, beautés naturelles et bilinguisme y attirent les Montréalais.

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Photo Suzanne Hardy

notre curiosité. Éloigné de ses frères, il se dresse à l'est du pavillon McKinnon. Ce précieux petit charme semble plutôt bien se comporter parmi les intellos, les terres-pleins compactés et le macadam. Il partage plusieurs points avec l'ostryer de Virginie de Pigeon Hill : arbre indigène à petit développement, membre de la famille des bouleaux, qui s'intègre très bien dans nos aménagements paysagers. Nos deux cousins doivent à leur bois lourd et très dur leur surnom de «bois de fer». Les courts troncs tordus, revêtus d'une mince écorce lisse, supportent la couronne très étalée du curieux charme de Bishop. Touchons ses tiges cannelées, dont l'épiderme gris-bleu est marqué de crêtes longitudinales saillantes. Ne s'en dégage-t-il pas une impression de puissance? Sa croissance très lente explique la grande densité de son bois et l'étonnante espérance de vie de ce si petit arbre: 150 ans! À chaque printemps, au moment de l'émergence des feuilles, des groupes séparés de discrètes fleurs mâles et femelles s'épanouissent, sur ses fins rameaux de l'an dernier (pour les mâles) et à l'extrémité des nouvelles tiges feuillées (pour les femelles). Après la fécondation des fleurs femelles , vont se développer les décoratives grappes de fruits. Cette saison de croissance se termine en apothéose lorsque le feuillage de notre charme tourne du vert glauque au rouge, puis au jaune.

Le célibataire endurci Depuis Lennoxville via la route 147 sud, en direction de Compton, ral-

Noyer noir (station #6)

Photo Suzanne Hardy

lions le chemin de la Côte Ives. Après le «charme» de l ' un de nos plus petits arbres, allons apprécier la prestance d'un géant : le noyer noir d ' ives Hill. Après avoir croisé le chemin Côté, il n'y a plus qu'à rouler 500 m en direction sud-est avant de nous arrêter non loin d'un immense végétal solitaire. Un colosse plus large que haut , une masse dont les grosses branches éparses sont peu feuillées . Hum ! Solide tout ça ? Probablement. Ce noyer noir (juglans nigra L.) a été planté vers 1815 par le loyaliste Cornelius Ives, premier pionnier installé dans ce coin de pays, auquel il a donné son nom. Depuis le sud, Cornelius a dû faire une longue route avec des noix dans son baluchon en rêvant à la terre promise. Les semences de cette espèce n'existaient pas ici à l'époque de son voyage. Mais depuis ce temps, de nombreux et féconds noyers noirs ont été plantés.

Leurs fruits servent aujourd'hui à produire en pépinière des plants destinés à regarnir les boisés de ferme . Le superbe bois luisant du noyer, brun chocolat, «de droit fil» et au grain magnifique, se travaille facilement. Cela explique sa grande valeur commerciale. Mais attention ! Qui dit noble dit aussi capricieux. Parmi les 12 essences feuillues qui offrent le meilleur potentiel de reboisement au Québec, le noyer noir est le plus exigeant, écolo-

La route des arbres exceptionnels - Estrie et Montérégie

10

St-Pauld'Abbotsford St-Césaire

Roxton Pond Corner .

112

112

Granby

Cookshire

Sherbrooke : 108

Lennoxville : Ste-Brigided'lberville

Earlstown Eastman

Birchton

Johnville

l

112

Martinville Magog

Bedford

Ste-Catherinede-Hatley

Stanbridge • East Dunham 108 :

Moes River

numéro de rou te

:station St-Armand

FRANC- VERT • Juin - juillet 1998

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Chêne rouge (station #7) Photo Suzanne Hardy

giquement. En milieu naturel, dans de très fertiles habitats humides, il ne forme jamais de peuplement pur, pousse en solitaire ou se trouve avec des compagnons choisis. En fait , tel un grincheur célibataire, «il ne s'endure pas lui-même». Ses racines et ses feuilles tombées au sol sécrètent une substance toxique, la juglone, qui empêche la croissance de plusieurs plantes à ses côtés, et même de sa propre progéniture! De plus, ce snob tolère mal l'ombrage, de sorte que chaque noyer noir nécessite beaucoup d 'espace. Face au cimetière où repose Cornelius, notre noyer s'accapare une vaste portion du terrain, à l'entrée de la ferme Benjamin. Son propriétaire, Eugène Côté, connaît bien cet arbre. Il ne l'élague jamais en période de forte montée de sève, car les blessures font pleurer son noyer. Il s'émerveille devant son tendre colosse qui, malgré un âge avancé, persiste à produire de nombreuses noix, globulaires et parfumées. En 1996, la récolte a été faramineuse ! Logiquement, il devrait y avoir quelques autres «bonnes années» au début du prochain millénaire, car l'espérance de vie du noyer noir est de 250 ans.

Les racines du canton Au coeur de la municipalité de Cookshire, voici que d'imposants chênes rouges (Quercus rubra L.), typiques de la région, entremêlent leurs racines au vécu des Cookshirois. Ceux-ci

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ont su conserver ces arbres aux troncs sombres, dont le bois fort et résistant est très recherché en ébénisterie. Ces chênes appartiennent à un genre qui englobe des espèces aux caractéristiques précises: écorce non écailleuse, feuilles dont les profonds lobes se terminent par des pointes aiguës, fmits amers qui mûrissent en deux ans . Ces glands, source de nourriture pour une cinquantaine d'espèces d'oiseaux et de mammifères, s'avèrent fort précieux lors des périodes de disette, comme en fin d'hiver. Il est alors amusant de voir s'animer les feuilles décolorées, demeurées suspendues à leurs rameaux : écureuils, geais bleus et compagnie y cherchent des glands non tombés. Sur l'avenue Pope, baptisée en l'honneur d'un ancien maire, le spécimen qui croît aux abords de la Résidence Camélia adopte une silhouette elliptique peu habituelle, dessinée par ses grosses branches ascendantes torsées. Dans les environs, d'autres chênes rouges au tronc massif dévelop-

pent de façon symétrique un houppier globulaire. Lorsque le vent agite leurs luisants rameaux brun rouge, le feuillage s'offre en deux tons, le revers de chaque feuille étant beaucoup plus pâle que la surface. Avant de nous diriger vers Sherbrooke, poussons une pointe en direction de Bury, sur la route 108. Nous ne pouvons rater un énorme chêne rouge qui a sans cesse gagné des centimètres de tour de taille tandis que grandissaient, dans une toute petite maison, les 13 enfants de la famille Laliberté. Il s'agit du champion de son espèce, tel qu 'établi par !'Association forestière québécoise, en 1994.

Deux tordus! En fin de voyage, notre dernier arbre vedette n'est pas seul.. . Ici, à Sherbrooke, de part et d'autre d'un petit trottoir, tels le yin et le yang, se distinguent et se complètent deux imposants végétaux américains: le catalpa remarquable (Catalpa speciosa Warder) et le catalpa de la Caroline (Catalpa bignonoides Walt). Sans animosité, ils croissent sur un terrain exigu et dissimulent une somptueuse résidence construite au 285 , rue Williams, en

Hêtre et ne pins hêtre ... 'il pouvait se confier, le hêtre à grandes feuilles (Pagus grandifolia Ehrh - station A) qui exhibe son tronc en page couverture nous crierait: pourquoi moi? Au lendemain du célèbre verglas de janvier dernier, sans doute aurait-il préféré qu'on l'oublie, le temps de panser ses plaies. Mais voilà que cet arbre imposant, qui règne au cimetière de Sainte-Angèle-de-Monnoir depuis 200 ans, doit affronter le plus grand défi de son existence : se rétablir du traitement-choc que lui a fait subir l'humain. Celuici, sans soute dépassé par l'ampleur des dommages qui défigu raient notre arbre champion, lui a infligé une coupe sans appel, nommée rabattage. L'arbre a été amputé d'au moins 40 % de ses branches et de ses rameaux, porteurs d'innombrables bourgeons de feuilles. Le géant aurait pourtant eu besoin de ce feuillage, cette année, pour se fabriquer de la nourriture et se refaire une santé ... Qui remplacera ce vieil amputé au palmarès québécois des plus gros hêtres à grandes feuilles? Peut-être le spécimen qui se dresse à Roxton Pond, tout près du parc de la Yamaska, au carrefour des chemins Maxime et Carey (station B- photo ci-contre). Comme celui de Sainte-Angèle-de-Monnoir, il présente

S

un court tronc sinueux et déploie sa cime très évasée, caractéristique des hêtres qui croissent en milieu ouvert et qu'on surnomme «hêtres de champ». De grâce, ne nous en approchons pas; respectons la propriété privée, héritée des premiers colons du secteur qui l'ont vu naître et grandir, il y a plus de 130 ans! De toute façon, même à distance, nous repérons facilement les caractéristiques de cette espèce autochtone, favorite des aménagistes : écorce lisse, tout au plus gravée de faux plis d'un gris bleuté; pittoresque ramure échafaudée par des branches principales horizontales qui balaient presque le sol, des rameaux ondulés retombants et de fines ramilles zigzaguantes, de couleurs gris argent. En été, cette structure densément couverte de feuillage laisse très peu filtrer la lumière.

Juin - juillet 1998 • FRANC-VERT

Catalpa remarquable (station #8)

Photo Suzanne Hardy

1873 . L'ancien juge Georges-Étienne Rioux y avait élu domicile en 1897, à deux pas du palais de justice. On ignore à quelle époque ces deux catalpas ont été plantés mais ,

chose certaine , ils ont entamé leur vie côte à côte. Tous deux appartiennent à la famille des bignoniacées (voisine de la famille des violettes africaines), dont la majorité des espèces sont tropicales. Leur feuillage d'allure exotique , qui apparaît tard au printemps, trahit cette parenté. Mais ici s'at.Tête la comparaison car nos deux spécimens sont fort rustiques, en plus d'être tolérants aux terres compactées infertiles et à la pollution atmosphérique. Même au coeur de quartiers industriels, comme on les rencontre aux États-Unis, ils forment de pittoresques sculptures vivantes, animées par leurs feuilles énormes, en forme de coeur, clairsemées sur leurs branches noueuses. Plus nordique et plus hâtif que son cousin, le catalpa remarquable adopte une forme conique élancée, déploie son feuillage vert clair, avant que ne s'épanouissent, à la toute fin de juin, ses grosses fleurs qui évoquent des orchidées. Chez le catalpa de la Caroline, dont la silhouette globulai-

re est moins régulière, la feuillaison et la floraison seront plus tardives. Même à l'automne, le décalage persiste et, tandis que se couvre d'or le catalpa remarquable, il s'obstine, lui, à conserver le plus longtemps possible son feuillage sombre. Souvent, nos deux tordus vont perdre tout leur feuillage en une seule nuit et dévoiler leur squelette entortillé. Durant tout l'hiver, demeureront attachées à leurs rameaux les longues capsules, tantôt larges, tantôt étroites, qui abritent les semences des générations virtuelles des deux catalpas.

Devenez chercheurs d'arbres! Au cours de notre courte vie d 'humains, jamais nous ne pourrons à la fois assister à la naissance, observer la croissance et jouir de la maturité d 'un arbre devenu aussi âgé que n 'importe quel des patriarches rencontrés dans notre tournée. Nos vieux arbres sont précieux. Nous devons les repérer au plus vite , veiller à leur protection et assurer la reproduction de leur patrimoine génétique. Si vous connaissez des arbres qui ont une histoire à raconter, contactez Enracinart sans frais, avant qu'ils ne s'envolent ... en fumée ou en papier. Enracinart: 1 888 664-2698 +

Dans le cadre de la

Journée de l'eau, tenue le

Prix Biosphère 1998

6 mai 1998, La Communauté urbaine de Montréal et la Biosphère se sont associées pour créer le Prix Biosphère. Ce prix sera désormais remis annuelleme nt aux entreprises et institutions de l'ile de Montréal qui se seront distinguées par leur excellence en matière d'économie de l'eau .

Catégorie industrie/le

Levure Fleischmann Ltée CAE Électronique Ltée Catégorie institutionnelle

Hôpital Sainte-Anne Catégorie reconnaissance

ALSCO, division de Western Linen Supply Co. Merck Frosst Canada lnc.

Mme Hélène Deschamps, Merck Frosst Canada /ne. , M. Robert Cadieux, CAE Électronique, Mme Pascale Lambert, CAE Électronique, M. Daniel Boisvert, Hôpital Sainte-Anne, Anciens combattants Canada, M. André Tremblay, Levure Fleischmann, M. Daniel Rousseau , ALSCO.

Pour

l'amour

FRANC-VERT • Juin - juillet 1998

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l'eau 25

Publi-reportage

Le Centre de foresterie des Laurentides : des experts qui travaillent pour vous Le Centre de foresterie des Laurentides (CFL) est situé à Sainte-Foy. Il s'agit de l'un des cinq centres du Service canadien des forêts (SCF) au Canada. Sa principale mission: acquérir de nouvelles connaissances et améliorer les technologies pour que les ressources forestières continuent à fournir des avantages économiques, environnementaux et sociaux à l'ensemble de la collectivité, tant au Québec qu'au Canada. «Le Centre de foresterie des Laurentides possède l'une des plus importantes capacités de recherche sur la ressource forestière au Québec», signale Normand Lafrenière, directeur général du Service canadien des forêts au Québec. En fait, plus de 100 personnes y travaillent, sans compter la trentaine d'étudiants diplômés et de stagiaires qui y séjournent chaque année.

Une longue tradition L'expertise scientifique dont jouit le CFL repose sur une longue tradition. Le SCF, qui est maintenant rattaché au ministère des Ressources naturelles du Canada, célébrera en effet ses 1OO ans d'existence l'an prochain. Dans les années 30, une première station de recherche du SCF voyait le jour dans la région de Valcartier, au nord de Québec, et les installations permanentes ont été érigées à Sainte-Foy, en 1960. Au fil des ans, maintes applications sont nées des connaissances acquises par les chercheurs du CFL. Par exemple, l'utilisation du B. t. pour la lutte biologique contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette. Mentionnons également la mise au point de pièges à phéromones pour la détection de populations d'insec-

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Ressources naturelles Canada Service canadien des forêts

tes ravageurs ou, encore, l'élaboration d'un modèle de simulations maintenant utilisé par la Société de protection des forêts contre les insectes et les maladies (SOPFIM) pour prévoir les niveaux de populations d'insectes.

La recherche se poursuit

«Ces réseaux de recherche nous permettent, d'une part, de bien communiquer à nos collèges des autres centres les besoins du Québec et , d'autre part, de rendre disponible l'information scientifique générale par l'ensemble du SCF», explique Ariane Plourde, directrice de recherche sur la biologie forestière au CFL.

Aujourd'hui, le Centre de foresterie des Laurentides assume, pour le Canada, la coordination générale d'un réseau de recherche sur la biotechnologie des arbres et la génétique de pointe et il partage, avec le Centre de foresterie des Grands Lacs de Sault Ste. Marie (Ontario), la coordination du réseau de recherche sur les processus des écosystèmes forestiers. C'est à travers un ensemble de dix réseaux nationaux créés en 1996 que le CFL continue à travailler pour faire progresser les connaissances.

Quelque 70 projets de recherche sont présentement en cours au CFL. Ils portent sur les processus des écosystèmes forestiers, la biodiversité, la santé des forêts, les incidences des pratiques forestières, le changement climatique, la dimension socio-économique de la forêt et l'utilisation des technologies de pointe dans l'amélioration des arbres, les méthodes de lutte contre les ravageurs, la gestion des feux et l'aménagement des paysages. «Ici, souligne Denis Ouellet, directeur de recherche sur les écosystèmes forestiers, les travaux sont

Natural Resources Canada Canadian Forest Service

orientés vers la mise au point de solutions pour des problèmes à court, moyen et long termes.» «Pour définir nos priorités en matière de recherche et éviter les chevauchements , précise Normand Lafrenière, nous nous appuyons notamment sur les recommandations du Conseil de la recherche forestière du Québec , et sur celles émanant du Conseil canadien des ministres des forêts et de comités consultatifs. » Le CFL favorise le partenariat, que ce soit avec le gouvernement provincial , l'industrie, les universités, les autochtones, les groupes de travailleurs, les propriétaires de boisés privés , les groupes de défense de l'environnement et de protection de la nature ou les groupes d'intérêts spéciau x. Ce partenariat favorise un transfert technologique efficace sur le terrain .

Des réponses aux attentes Étant donné la diversité des utilisateurs de la forêt, les défis que doivent relever les chercheurs du Centre de foresterie des Laurentides sont multiples. De plus en plus de gens veulent profiter de la forêt. Il nous faut donc mettre au point des pratiques saines pour atteindre les différents objectifs du développement durable et pour assurer la compétitivité du secteur forestier. La complexité du milieu forestier am ène d'aille urs les che rch eurs du CFL à travailler davantage en équipes multidiscipli naires. Parm i les avenues explorées par ces groupes de travai l figure la génétique forestière. En sélectionnant certains arbres résistants et à forte croissance, par exemple , puis en favorisant leur multiplication sur des surfaces choisies, les scienti-

tiques tentent de répondre à la demande croissante en fibres tout en préservant de plus vastes territoires forestiers en vue d'autres usages.

Pour le développement durable La recherche ne constitue toutefois pas la seule activité au Centre de foresterie des Laurentides . Pou r accélérer la mise en oeuvre du développement durable dans le secteur forestier, et en particulier d'une meilleure gestion intégrée des ressources , le CFL participe à la gestion des deux projets fédéraux de forêts modèles instaurés au Québec : la forêt modèle du Bas-Saint-Laurent et celle des Cris de Waswanipi. «Le projet de forêt modèle du Bas-Saint-Laurent existe depuis 1993, rappelle Augustin Lebeau , directeur du groupe de Politique et liaison du CFL . Ce projet se déroule essentiellement en forêt privée . Celui de Waswanipi a démarré en 1997 et se situe dans la forêt boréale , à plus de 600 km au nord-ouest de Québec . Jusqu 'à présent, c'est le seul projet de forêt modèle autochtone au Canada. » Ces forêts modèles représentent toutes deux des laboratoires d'essais en matière d'aménagement forestier. Comme les neuf autres forêts modèles canadiennes , elles misent sur un partenariat entre des particuliers et des organisations favorisant divers usages de la forêt. Outre les forêts modè les, le CFL gère aussi , au Québec , le Programme forestier des Prem ières natio ns, en collab oration avec le mi ni stère des Affaire s indiennes et du Nord du Canada.

En offrant aux collectivités intéressées un financement d'appoint qui les aide à lancer divers projets, le programme permet aux collectivités autochtones de tirer davantage profit de leur capital forestier, tout en respectant les principes du développement durable. Toujours dans l'optique d'une utilisation intégrée des ressources , le CFL participe depuis sept ans à la mise en valeur des terres fédérales des bases militaires de Valcartier et de Bagotville, et ce, en vertu d'ententes de collaboration conclues avec le ministère de la Défense nationale. Prochainement, la base militaire de Farnham bénéficiera elle aussi de cette expertise. «Depuis près de 40 ans, remarque Normand Lafrenière, le Centre de foresterie des Laurentides est un partenaire important sur la scène forestière québécoise. Il entend d'ailleurs accentuer ses partenariats et ses alliances stratégiques avec les décideurs du monde forestier au Québec pour les appuyer dans la promotion du développement durable.» Si vous désirez obtenir plus d'information sur les divers programmes ou travau x du Centre de foresterie des Laurentides, vous pouvez consulter le site Web du CFL, à l'adresse suivante :

http://www.cfl.forestry.ca. Il vous est aussi possible de communiquer avec le personnel du CFL, dont voici les coordonnées : Ressou rces naturelles Canada Service canad ien des forêts Centre de foresterie des Laurentides 1055, rue du P.E.P.S., C.P. 3800 Sainte-Foy (Québec) G1V 4C7 Tél.: (418) 648-3335

Canada

r

Penser globalement

Mort d'un lac

Dernier recours? Par Clôde de Guise n bijou de lac de 12 kmZ, situé dans la vallée de la Gatineau, faisait les délices de plus de 300 propriétaires riverains. Mais le lac Beney est aujourd'hui dans une situation on ne peut plus précaire. L'établissement, en 1993, d'une pisciculture commerciale juste en bordure l'a détérioré d'une façon rapide et alarmante. L'Association pour la protection du lac Beney a tout essayé en vain pour faire changer les choses. Quelle possibilité lui reste-t-il? Le recours collectif, un outil de dernière instance auquel les défenseurs de l'environnement ont de plus en plus ... recours. Remarquable pour sa limpidité et reconnu pour la pêche à la truite, le lac Beney a, depuis quelques années, changé du tout au tout. L'eau se brouille; des quantités importantes de cyanobactéries - algues bleu-vert de souches toxiques dénotant un surplus de phosphore envahissent les baies. L'eau n'est plus potable, la pêche est en voie de disparition et la baignade est interdite lorsqu'il y a présence d'algues. Le rêve des 300 propriétaires et de cinq pourvoyeurs vire au cauchemar.

U

Une première sonnette d'alarme L'Association pour la protection du lac Beney, créée en 1980, a tout mis en œuvre pour sauver le plan d'eau. Depuis le début, elle collabore avec le ministère de !'Environnement et de la Faune (MEF) et les municipalités de North.field et Lac-Sainte-Matie pour en évaluer les problèmes particuliers afin d'apporter des correctifs. Dès 1983, une première sonnette d'alarme résonne. Le rappo1i SOMER, résultat d'une étude environnementale menée par plusieurs ministères, indique que le lac ne pourrait plus suppo1ier une augmentation du nombre de riverains sans qu'il y ait détérioration de !' écosystème. Le MEF et les municipalités font fi de cet avertissement. Un permis d'expansion est accordé à une scierie riveraine, de nouvelles résidences sont construites et, en 1991, une station d'alevinage s'établit en bordure du lac; deux ans plus tard, cette station sera convertie en une pisciculture commerciale de 28 bassins produisant 100 tonnes de truites par année. «Tout ce développement s'est fait sans étude d'impact environnemental et, bien sûr, sans consultation publique», précise Jennifer

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Stewati, présidente par intétim de !'Association pour la protection du lac. La production de poissons est reconnue comme l'une des activités agricoles les plus polluantes, même plus que la production porcine! En 1995, sur recommandation du MEF, un nouveau comité voit le jour, celui de la relance du lac Beney, qui regroupe !'Association, les municipalités de Northfield et Lac-Sainte-Matie, la MRC de la Vallée de la Gatineau, des pourvoyeurs et le proptiétaire de la pisciculture, Gestion Serge Lafrenière inc. Le Comité s'est fixé quatre objectifs: redonner à l'eau une transparence de quatre mètres comme jadis, éliminer les algues à la sutface, réduire le nombre de macrophytes qui envaltissent !'eau profonde, et réhabiliter l'habitat du touladi (ttuite gtise).

Phosphore dévastateur En 1996, une étude environnementale, menée par l'Université du Québec à Montréal (UQAM), et subventionnée à parts égales par le MEF et les riverains, démontre que !'état alarmant du lac est le résultat d'un apport excessif en phosphore, dont la principale source est la pisciculture. Rappelons que le phosphore favorise la croissance des algues et des plantes aquatiques. La preuve de l'effet dévastateur de la pisciculture a été faite en comparant les relevés de phosphore de 1994 (11 microgrammes par litre d'eau) et ceux de 1997 (23 microgrammes par litre). Le rapport indique que la capacité maximale d'absorption en phosphore de ce lac est de 231 kg/an. Or, l'appoti actuel est d'environ 1 400 kg/an, dont 200 proviennent des villégiateurs et des résidants permanents. Les chercheurs de l'UQAM préviennent donc que les eaux profondes du lac Beney seront, sous peu, totalement dépourvues d'oxygène et que la libération du phosphore lié aux sédiments augmentera, pour éventuellement signer l'arrêt de mort du plan d'eau, si des mesures d'urgence ne sont pas prises très rapidement. En mars 1996, sans attendre la remise du rapp01i final de l'UQAM, le MEF octroie un permis autotisant le proptiétaire de la pisciculture à ttipler sa production, pour atteindre une capacité de 87 bassins totalisant 250 tonnes de ttuites

Le lac Heney redeviendra-t-il le petit bijou qu'il était avant 1993? Photo Jennifer Stewart

par année! Le permis est assotii de conditions relatives au contrôle du phosphore: on permet des rejets de 890 kg la première année, lesquels devront être réduits à 400 kg au cours des cinq années suivantes. Selon le rapport de l'UQAM, cela sera probablement fatal au lac. Pour les tiverains, la dégradation rapide du lac signifie la petie de jouissance d'un bien, entraînant notamment une impotiante dévaluation foncière; en outre, des pourvoyeurs tisquent de faire faillite. Les proptiétaires n'ont donc pas attendu les premiers signes de dépétissement, ni même l'établissement de la pisciculture, avant de mettre en place une sétie de mesures préventives pour freiner la dégradation de leur lac. Ils ont amélioré leurs installations septiques, font vidanger les fosses une ou deux fois par année et n'utilisent plus de détergents contenant du phosphate. Ils réclament en outt·e que le MEF et le MAPAQ (ministère de l'Agticulture, des Pêcheties et de !'Alimentation) prennent action pour diminuer les autres sources de phosphore (scietie, fermes, pourvoities) et pour que la pisciculture réduise ses rejets de phosphore à zéro.

Juin - juillet 1998 • FRANC-VERT

L'ultime recours «Après avoir épuisé toutes les avenues de la négociation et les règles de bon voisinage, !'Association en a eu assez, et un comité s'est penché sur tous les recours juridiques possibles», raconte Jennifer Stewart. La solution qui est apparue la meilleure a été celle du recours collectif. L'Association a donc amorcé une poursuite en recours collectif contre le proptiétaire de la pisciculture, responsable de la pollution, et contre le ministère de !'Environnement et de la Faune, qui l'a autorisée.

recours collectif est de placer les parties sur un pied d'égalité, en termes de ressources. De plus, une poursuite devant les tribunaux indique la détermination des plaignants à obtenir gain de cause, lorsque les autres moyens ont échoué. «Cela donne aux victimes la possibilité de faire valoir leurs prétentions», souligne M. Bélanger. Le processus est toutefois un peu long, car une autorisation de la Cour supérieure du Québec est nécessaire pour démontrer la légitimité du recours. Or, il faut compter plus d'un an pour obtenir cette autorisation. L'objectif du recours est de retirer une somme d'argent pour compenser les dommages subis, sans exclure la possibilité d'intenter une injonction pour faire interdire une activité polluante. Ainsi, la poursuite de !'Association pour la protection du lac Heney se chiffre à 13 millions$, ce qui représente 50 % de la va-

leur des propriétés de villégiature et 30 % de la valeur des résidences permanentes. Le simple fait de demander l'autotisation du recours collectif suffit bien souvent, selon l'avocat, à provoquer des règlements hors cour. Si un tel règlement se produit dans le cas du lac Heney, il reste à espérer, comme Mme Stewart, qu 'il ne surviendra pas après la mort du lac. Au Québec, depuis le début des années 1990, on a compté près de 25 causes en recours collectif liées à l'environnement. Avec le retrait du MEF du contrôle des activités polluantes, il ne restera bientôt plus que le recours civil, pris directement par les victimes, pour faire valoir ses droits, estime M. Bélanger. «Ce n'est rien pour préserver l'environnement, admet-il, mais espérons que l'accès à la justice, favorisé par le recours collectif, incitera les pollueurs éventuels à plus de prudence.»

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Victoire de dernière heure ? L'avocat Michel Bélanger, spécialisé en environnement et en recours collectif, explique que même si cette formule n'est pas une panacée, elle est celle qui donne le meilleur accès aux services jmidiques, dans les cas qui s'y prêtent, évitant aux plaignants des frais de poursuite parfois exorbitants. Généralement, précise-t-il, les plaignants ont accès à un fonds d'aide gouvernemental couvrant une partie des frais et des honoraires. Le principal atout du

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au moment où nous allions mettre Jet deuste sous presse, le ministre de !'Environnement Faune du Québec, Paul Bégin, émettait la

un avis préalable à la révocation du permis d'exploitation de la pisciculture, «attendu que l'élimination des rejets (en phosphore) de la pisciculture permet d'arrêter la dégradation du lac Heney». Le ministre accordait 30 jours à l'entreprise pour contester son avis, faute de quoi elle devrait fermer ses portes. Pour !'Association pour la protection du lac Heney, cela ressemblait à une victoi-

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re, mais le groupe a décidé de maintenir sa requête en recours collectif. «Nous ne savons pas encore si le propriétaire de la pisciculture contestera l'avis du MEF ni s'il fera appel de la décision du Ministère, explique Jennifer Stewart de !'Association. S'il faisait appel, il pourrait, en principe, poursuivre son exploitation tant que la cour n'aurait pas statué.» Pour ceux qui ont mené la bataille, un espoir est en vue, mais tout n'est pas encore gagné. Le lac demeure dans un état d'extrême fragilité.

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FRANC-VERT • Juin - juillet 1998

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Agir localement

Derrière les barreaux: des écolos! uand on entre dans la cour du pénitencier de Drnmmondville, pavillons bétonnés, immenses grillages électriques et haute tour de guêt ont de quoi impressionner. Mais un peu plus loin, vers l'arrière, c'est bien autre chose qui impressionne : des dizaines de plates-bandes gorgées de tournesols, de légumes biologiques et de fines herbes verdoyantes. «Récupérer le futur» est la devise du Service correctionnel du Canada. À !'Établissement Drummond, on a compris que ce futur passe par un environnement en santé. Avec ses 320 détenus et ses 222 employés, cette institution a décidé de mettre la main à la pâte pour aider à réduire les matières destinées à l'enfouissement dans la région. Comment? En compostant les matières organiques engendrées par ses activités.

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Un départ vert Le Comité environnement du pénitencier de Drummondville a été fo1mé en 1992, sous l'égide de quelques employés convaincus. Pour réaliser son objectif de réduire les déchets, le Comité a reçu la collaboration