Penser globalement, agir localement Lettre d'opinion

16 avr. 2003 - contradiction avec d'autres engagements du gouvernement sortant. Déjà le Mont Orford constitue un parc national – la nouvelle appellation ...
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Penser globalement, agir localement

Lettre d’opinion adressée au journal Le Devoir

16 avril 2003

LE GOUVERNEMENT DOIT TRANCHER SUR LE PARC ORFORD : INTÉGRITÉ ÉCOLOGIQUE ET ÉCOTOURISME OU DÉVELOPPEMENT URBAIN Le Parc national du Mont Orford – un territoire de conservation Le centre de ski au parc national du Mont-Orford cause des ennuis à son propriétaire depuis plusieurs années. Plus récemment, la société Intermont a proposé un développement domiciliaire et commercial de $260 M, histoire de rendre le centre plus attrayant, et plus rentable. Le malheur est que la proposition vise l’orée du parc et même certaines parties du parc lui- même. Ce faisant, Intermont va à l’encontre des tendances de fond en matière de conservation, en voulant urbaniser un territoire voué à la conservation, plutôt que de prendre le train de l’écotourisme. Ce sera un enjeu pour le prochain gouvernement en matière d’aménagement du territoire. Face à l’initiative de son détenteur de bail, la Société de la Faune et des Parcs (FAPAQ) semble hésitante, mais demande quand même à Intermont un plan d’affaires et un plan de financement, ainsi que des assurances quant à la protection du patrimoine naturel associé au parc, cela en relation avec son projet pour la région du parc national du Mont-Orford. Devant l’idée d’un nombre important de condominiums, un deuxième golf dans le parc et même un restaurant sur le sommet de cette montagne déjà défigurée par les pentes, il y a du chemin à faire pour éviter la contradiction avec d’autres engagements du gouvernement sortant. Déjà le Mont Orford constitue un parc national – la nouvelle appellation des parcs du Québec de petite taille, par rapport aux normes internationales reconnues et d’ailleurs l’un des seuls parcs de conservation de la grande région de l’Estrie. À cet égard, il est pertinent de rappeler l’effort collectif qui a permis la création de ce territoire en 1938 à titre de parc national, avec une partie vouée à la récréation, puis plus récemment à titre de territoire de conservation, protégé dans le but de maintenir la biodiversité de la région. Nous reconnaissons donc que la volonté régionale à l’époque incluait. la création d’un centre de ski régional à même ce territoire, forme d’activité considérée aujourd’hui comme non conforme dans un territoire voué à la conservation . La problématique de l’échange de terrains et du développement prévu L’idée de procéder maintenant, des décennies plus tard, à un développement immobilier important sur des terrains ayant une grande valeur économique (précisément parce que le parc existe) est encore moins conforme. Le promoteur tente de justifier son projet car la rentabilité des installations existantes serait défaillante pour plusieurs raisons telles que la concurrence, les coûts d’opérations plus élevés, etc. Intermont propose, et considère comme nécessaire, un échange de

Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN) 1085, ave de Salaberry, bur. 300, Québec Qc G1R 2V7 Tél. : (418) 648-2 1 0 4 F a x : ( 4 1 8 ) 6 4 8 -0991 Site Internet : h t t p : / / u q c n . q c . c a - C o u r r i e r é l e c t r o n i q u e : [email protected]

terrains qui ferait en sorte que les nouvelles constructions ne se trouveraient pas à l’intérieur du parc, mais juste à l’extérieur, en soustrayant le territoire nécessaire. Cette initiative est inacceptable par rapport aux connaissances acquises en matière de conservation depuis environ vingt ans. Non seulement les développements proposés ne devraient-ils pas se faire à l’intérieur d’un parc, mais il est également important de les restreindre ou de les empêcher dans les territoires adjacents. Entre autres, le rapport de la Commission sur l’intégrité écologique des parcs nationaux du Canada ( 2000) a souligné les atteintes aux écosystèmes protégés que constituent des interventions structurantes dans ces zones périphériques qui sont, dans le cas actuel, très sensibles. Au lieu de promouvoir le développement d’activités non conformes, les gestionnaires de ce patrimoine naturel devraient orienter leurs efforts vers l’intégration régionale du parc à son grand écosystème régional en favorisant le développement de corridors de conservation, voire même en recherchant à agrandir le parc à des fins de conservation. Dans le cas présent, e promoteur Intermont propose plutôt un échange de terrains qui résulterait dans la disparition de dizaines hectares d’écosystèmes encore intacts, dans une région où les territoires voués à la conservation sont déjà sous-représentés. La différence entre la valeur des terrains visés par Intermont, et la valeur des terrains qui seraient ajoutés au parc, «en échange», est apparemment importante. Le développement portera néanmoins atteinte à la protection des écosystèmes du parc qui dépendent des liens qui les unissent à leur grand écosystème régional . Il le ferait par le simple effet de lisière, qui peut se répercuter sur la flore sur une distance de 50 à 150 m et jusqu’à trois fois plus sur la faune. Pire encore, le développement projeté détruirait plusieurs dizaines d’hectares de nature à peu près intacts alors que les espaces naturels de la région pouvant faire l’objet de corridors de conservation sont peu nombreux . Un plan d’affaires qui tiendrait compte de la protection du patrimoine naturel du parc et de la région Le propriétaire du centre de ski prétend que la situation actuelle ne lui permet pas de réaliser des bénéfices satisfaisants; d’autres gestionnaires ont d’ailleurs déjà failli à la tâche pour cette station de ski et il semble que de manière générale ce soit le cas pour de no mbreuses stations de ski au Québec. Intermont propose le développement immobilier du secteur, en faisant valoir l’argument que ce type de développement offre de meilleurs bénéfices et peut donc permettre de rentabiliser ou compenser les pertes associées au centre de ski lui- même. La FAPAQ cherche les façons de respecter l’objectif du promoteur de rentabiliser le territoire actuellement sous bail, et, dans ce contexte, l’UQCN reconnaît le bien-fondé de la demande de la FAPAQ pour un plan d’affaires; l’UQCN insiste en même temps sur la nécessité d’une étude d’impacts environnementaux du projet du promoteur. Le principe de base, en ce qui a trait au plan d’affaires en question, découlede décennies où les bilans économiques et comptables ne tiennent pas compte de ce que les spécialistes appellent des externalités. Ce n’est que depuis quelques années qu’une telle prise en compte est reconnue comme essentielle.

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L’UQCN insiste pour que l’analyse du projet de développement soit faite dans une telle approche. Dès le départ, donc, il faudrait que le constat du promoteur concernant la nonrentabilité du centre de ski soit validé en fonction d’attentes de rentabilité tenant compte des impacts environnementaux des activités du centre. Il ne faudrait pas que les bénéfices escomptés par le projet de développement soient réalisés en éliminant des coûts actuels qui réduisent les bénéfices nets du centre, ou en créant d’autres externalités au dépens du public (par exemple, par la réduction du territoire intact via l’échange de terrains, par les impacts cumulatifs sur les écosystèmes, par la fragmentation accrue des habitats, par les impacts sur les sources d’approvisionnement en eau, autres). À ce titre, l’UQCN croit que toutes les infrastructures associées à la prise d’eau, l’impact écologique fondamental associé à cette prise d’eau à même une «infrastructure écologique» du parc (l’étang aux Cerises), toutes les infrastructures associées aux égouts et autres systèmes de traitement des eaux usées et des eaux de ruissellement du développement projeté, etc. doivent être comptabilisées, et ces coûts soustraits du bilan des bénéfices prévus pour le projet. Il faut reconnaître que les outils pour comptabiliser certains de ces éléments font défaut actuellement. C’est pour cela que l’UQCN juge tout simplement inacceptable la soustraction d’une partie intacte du parc pour faire place au développement, la construction (et même le maintien) d’un golf dans le parc, et la construction d’un restaurant dans le parc, au sommet; il ne sera pas possible d’évaluer le vrai coût/valeur de leurs impacts. Pour une raison tout à fait analogue, l’UQCN est intervenue depuis deux ans, avec d’autres, pour «faire barrage aux barrages» proposés dans le cadre du programme des petites centrales. Les promoteurs en cause parlaient de bénéfices intéressants, mais n’avaient aucun moyen de comptabiliser les pertes, ou n’étaient pas intéressés à le faire. Et c’est également pour cette raison que l’UQCN intervient dans l’effort de relocaliser les quelques sentiers de motoneiges qui existent actuellement dans les parcs nationaux, en contradiction avec la Politique des activités et des services de la FAPAQ. Le développement régional Il est impératif que tout développement à venir constitue un modèle de développement écotouristique. L’UQCN est parmi les promoteurs d’un réseau de territoires voués à la conservation. Elle travaille avec des partenaires, dont plusieurs en région, dans le but d’identifier et de promouvoir un développement associé au réseau d’aires protégées qui sera compatible avec leur maintien et qui confirmera le bénéfice pour ces régions des nouvelles aires protégées annoncées dans le cadre de la Stratégie québécoise sur les aires protégées (SQAP). Or, le projet d’Intermont ne peut répondre aux critères de développement écotouristique, et à plus forte raison, à la vocation de conservation attribuée au parc.

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Par ailleurs, l’UQCN voudrait souligner, en soutien à ce constat, que la récréation intensive (ski alpin, motoneige, golf, autres) est incompatible avec les concepts d’écotourisme et de conservation, et par le fait même, avec les objectifs de protection de la biodiversité régionale et nationale. Ainsi, l’implantation d’infrastructures hautement urbaines dans le milieu naturel ne correspond pas non plus à l’objectif de mettre le touriste en relation plus étroite avec son environnement. Le dossier du Parc national du Mont-Orford sera un point tournant dans la prise en compte des mesures mentionnées ici et constituera un modèle ou un précédent pour la «mise en valeur» de l’ensemble du réseau d’aires protégées au Québec, en croissance importante dans le cadre de la Stratégie québécoise sur les aires protégées. Désirons-nous vraiment satisfaire aux exigences internationales en matière de conservation? Vo ilà la question de fond, alors qu’Intermont, la FAPAQ et la Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ), gestionnaire des parcs, se mobilisent pour une clientèle internationale. Par ailleurs, il sera important que le promoteur Intermont fasse une étude du marché dans le cadre de ses démarches visant à répondre aux conditions imposées par la FAPAQ, et auxquelles l’UQCN ajoute l’étude des impacts environnementaux. Il est connu que les centres de ski de la province sont en difficulté et doivent composer avec une baisse importante de clientèle prévue pour les prochaines années. Ce serait donc important d’éviter que l’effort de rentabiliser le centre de ski du Mont-Orford – en ajoutant des activités autres – ne se fasse au détriment de la rentabilité des autres centres de la région, ou qu’au moins cet impact économique soit pris en compte. Il sera également important de tenir compte de l’impact de la création d’un nouveau centre commercial sur les commerces qui existent déjà dans les villes environnantes. Et les zones périphériques L’UQCN est donc d’avis que le développement, s’il se réalise, devra se faire en dehors des limites actuellement sous bail, et à une distance et sous des conditions qui éliminent ou minimisent significativement les impacts sur le parc lui- même et qui tiendront compte des externalités en cause dans la justification de ses bénéfices. Il restera à évaluer également l’impact sur le territoire périphérique du parc. Comme mentionné plus haut, ces territoires périphériques aux aires protégées contribuent à la conservation de façon complémentaire à celle des aires protégées elles-mêmes. L’environnement naturel de l’Estrie, la région du Parc national du Mont-Orford, est extrêmement morcelé et a été soumis à un développement intensif depuis des décennies. De plus, il s’agit d’une partie du Québec où les aires protégées sont rares, et où la possibilité d’en créer de nouvelles est restreinte. Cela constitue d’autant plus de raison pour insister sur une démarche tout à fait exemplaire, tenant compte non seulement du parc lui- même mais également des territoires périphériques au parc. Cette situation est à la base de la conviction de l’UQCN que le développement projeté ne pourra pas s’harmoniser avec le parc national du Mont-Orford et ses environs, dans un esprit de conservation et possiblement même de développement régional.

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Les propositions finales de la FAPAQ doivent intégrer une analyse des paramètres liés à l'état actuel des milieux naturels de la région, et dans ce contexte présenter une analyse de la fréquentation actuelle et potentielle en fonction de la capacité d’accueil du parc et le maintien de son intégrité écologique. Elles devraient être présentées dans le cadre d’une nouvelle audience. L’UQCN croit que le plan directeur final qui y serait présenté devrait également inclure une prise en compte de la zone périphérique autour du parc, incluant les travaux du Corridor appalachien (ACA) et des autres groupes locaux oeuvrant en conservation, pour bien asseoir les impacts du développement éventuel proposé par Intermont en retour des bénéfices économiques escomptés. L’UQCN reconnaît que la FAPAQ, tel que montré par ses documents d’orientations, a pris le «virage» de la conservation. Or, ces orientations louables doivent se transposer dans la prise de décision. Les territoires sous bail à Mont-Tremblant et au Mont-Orford, au même titre que ceux des îles de Boucherville, d’Oka et du Mont Saint-Bruno, constituent des cas d’exception, des dérogations. Les infrastructures en cause dans ces parcs remontent au moment de leur création ou peu après, alors que la Loi sur les parcs permettait la création de parcs de récréation. Cette période est maintenant révolue. L’UQCN recommande à ce sujet de retenir la proposition des Amis du parc national du Mont-Saint-Bruno d’identifier ces activités comme dérogatoires, plutôt que de chercher des façons de les encadrer par la Politique des parcs. Il sera important d’éviter tout précédent au Mont-Orford allant à l’encontre des orientations de conservation qui doivent demeurer prioritaires pour la FAPAQ et la SÉPAQ. Pour ce faire, et parce que les enjeux du débat actuel tournent, non pas autour d’un échange de terrains (qui est inacceptable), mais autour d’un investissement dans le développement «touristique» d’environ 260M$, l’UQCN propose des audiences qui tenues sous les auspices du BAPE, si jamais le promoteur décide de soumettre son projet selon les conditions établies par la FAPAQ. L’UQCN reconnaît la pertinence de rendre le ministre de la Faune et des Parcs légalement responsable de la gestion des parcs. Le cas présent dépasse ce mandat; il s’agit d’une question fondamentale d’aménagement du territoire et de la mise en place d’infrastructures carrément urbaines. En faisant cette recommandation, l’UQCN reconnaît le bien- fondé de la récente intervention du Conseil régional de l’environnement des Laurentides relative au Parc national du MontTremblant : «le Conseil régional de l’environnement des Laurentides (CRELA ) vous demande [au ministre de l’Environnement] de vous prévaloir des pouvoirs qui vous sont dévolus en vertu de l’article 6.3 de la Loi sur la qualité de l’environnement (Q-2) afin de confier au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) un mandat d’enquête et d’audiences publiques sur l’ampleur, la nature et les conséquences régionales à la fois physiques, humaines, sociales, économiques et environnementales de ce développement déclenché en particulier par la corporation immobilière Intrawest, principalement dans la Ville de Mont-Tremblant. Deux mandats donnés par le prochain gouvernement portant sur des questions majeures d’aménagement du territoire pourraient constituent un avancement important dans les efforts des dernières années à mieux structurer le positionnement du Québec alors qu’il fait partie maintenant des sociétés urbanisées. De telles audiences pourraient lui permettre de profiter de

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nombreuses expériences ailleurs alors qu’il cherche à articuler son développement régional dans le cadre, entre autres, du mouvement contemporain de développement écotouristique. Dans ce contexte, la conservation du paysage naturel prend toute son importance. Dans le cadre de la Convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel des Nations Unies, il y a un effort contemporain visant à inclure dans la conservation des milieux naturels la conservation de la beauté naturelle des paysages, entre autres comme gage de son intégrité écologique. Le parc du Mont-Orford est un très bon exemple d’un paysage naturel à conserver, dans une région qui n’en compte pas un grand nombre.

Harvey Mead Président, UQCN et Responsable, commission Aires protégées de l’UQCN

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