PAYS EMERGENTS - Etudes économiques du Crédit Agricole

8 sept. 2017 - ... européens pour contenir l'élan nationaliste et faire reculer les dérives anti-démocratiques du ... est une éventuelle orientation vers une « Europe à deux vitesses ». ... électrique avec le Kirghizstan (or la question de.
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Hebdomadaire – N°17/223 – 8 septembre 2017

PAYS EMERGENTS – L'actualité de la semaine Éditorial – Quelle mouche a piqué la Pologne ? L’été n’a pas calmé le ton du gouvernement polonais bien au contraire. Les tensions entre la Pologne et l’UE ne cessent de s’accentuer depuis l’arrivée au pouvoir en 2015 du parti PiS (Droit et Justice). Les réformes menées par le gouvernement polonais menacent l’État de Droit en Pologne, l’indépendance et la liberté de la presse ainsi que des principales institutions. Le système judiciaire a été profondément reformé pour être mis sous les rênes du ministère de la Justice, perdant ainsi son indépendance, essentielle pour assurer son rôle de contrepouvoir. Les juges ont en grande partie été remplacés par des professionnels proches du pouvoir. Toutes ces mesures remettent profondément en cause le principe de séparation des pouvoirs au cœur du socle démocratique des États membres. Dans ce climat de régression démocratique une nouvelle source de tensions avec l’Allemagne est apparue : le gouvernement polonais exige une indemnisation financière pour les réparations des dégâts de la Seconde Guerre mondiale par son voisin allemand. Le sujet n’est pas nouveau, la Grèce l’avait déjà tenté, mais cette fois-ci Angela Merkel a ouvertement exprimé son agacement vis-à-vis de la Pologne. Le président français avait fait de même quelques semaines auparavant en comparant l’attitude du gouvernement polonais face à l’UE à celle des courses dans un supermarché. Les déclarations allemandes et françaises sont un signal fort venant en appui aux nombreuses tentatives déjà réalisées par les commissaires européens pour contenir l’élan nationaliste et faire reculer les dérives anti-démocratiques du gouvernement polonais dont les principes vont à l’encontre des valeurs communes de l’Union européenne. Mais qu’est ce qui peut réellement faire reculer le gouvernement polonais dans cette démarche conservatrice ? Visiblement pas les menaces des institutions européennes depuis longtemps mobilisées sur le sujet. Les batailles juridiques entamées sur le sujet du refus des quotas des migrants et l’affaiblissement de l’État de droit n’ont absolument pas fait bouger Varsovie. Afin de ne pas faire de compromis sur sa politique intérieure, la Pologne brandit presque systématiquement son rôle d’État tampon et de fer de lance de la défense des valeurs de l’UE face à la menace Russe. Elle agit de Les faits marquants de la semaine même avec les États-Unis dans ses tentatives de rapprochement Dévaluation ouzbèke et risque de gloutonnerie des diplomatique et commercial.

marchés en Asie centrale. Moody’s et Fitch abaissent

La seule question qui fait actuellement réagir les dirigeants polonais le rating de cinq pays en un mois au Moyen-Orient et est une éventuelle orientation vers une « Europe à deux vitesses ». en Afrique du Nord. Le climat des affaires en Afrique du Sud se détériore malgré la reprise. La croissance Ce changement de cap dans la construction européenne impliquerait en Inde ne cesse de ralentir depuis le début de l'année une autre répartition des ressources communes dont la Pologne est 2016. Au Brésil, bien mieux mais pour de mauvaises actuellement le plus gros bénéficiaire net à plus de 2% du PIB chaque raisons. année. Alors que le Brexit va sensiblement réduire les ressources communes, l’impact financier d’une réorientation des soutiens au détriment de la Pologne pourrait être sensible et accentuer les déséquilibres économiques dans le pays. Les Polonais qui ont massivement voté pour les conservateurs en 2015, connaissent une dynamique économique assez favorable depuis quelques années. Les taux de croissance entre 3% et 4% et le faible niveau de chômage (5%) crée un climat de confiance qui de plus s’accompagne d’une hausse des revenus et donc de la consommation des ménages. Les politiques sociales du gouvernement contribuent également à cet élan d’optimisme qui rassure l’électorat. Mais cet équilibre économique et social repose en grande partie sur les subventions européennes qui sont un maillon essentiel pour les investissements polonais. Ils contribuent pour au moins 1% dans la croissance du PIB. Le tarissement de cette ressource pourrait affaiblir cet équilibre et réduire le niveau de vie de l’électorat du PiS. Par ailleurs, la population polonaise reste très attachée à l’appartenance à l’UE et a montré tout au long de la crise de l’État de droit qu’elle était capable de se mobiliser pour se faire entendre. Un renversement de l’opinion publique et de l’électorat conservateur pourrait être « le » facteur primordial qui ferait reculer le gouvernement dans son processus de réformes antidémocratiques. Bien que cette politique soit en train de provoquer l’isolement de la Pologne au sein de l’UE, il est difficilement envisageable un changement de cap politique uniquement sous la pression des menaces juridiques de l’UE sauf si le PiS sent qu’il obère ses capacités de réélection en 2019.

Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com

Pays émergents : L'actualité de la semaine

Europe centrale et orientale, Asie centrale

 Asie centrale – Dévaluation ouzbèke et risque de gloutonnerie des marchés C’est sans surprise, le président Ouzbek l’avait annoncé, le taux de change de la devise a été libéré afin de faire converger les niveaux du marché noir et du taux officiel. La devise s’est dépréciée de presque 50%. A priori, c’est une bonne nouvelle car il fallait mettre de la vérité monétaire dans un pays gelé par les vingt ans de régime autoritaire post-soviétique d’I. Karimov. C’est aussi la confirmation que le nouveau président S. Mirziyoyev, en poste depuis décembre dernier, est en train d’essayer de moderniser son pays. Cette volonté réformatrice (dans le domaine économique surtout) soulève l’intérêt des investisseurs, car l’Ouzbékistan possède des ressources et va bénéficier du programme chinois de nouvelle route de la soie – Pékin étant le premier partenaire commercial avec respectivement 18% et 20% des exportations et importations. Cette tentative de « renaissance » ouzbèque s’accompagne aussi d’une reconstruction de liens avec les autres pays d’Asie centrale, ce qui peut avoir un effet positif pour la zone. On notera des accords commerciaux avec le Kazakhstan, la réouverture de lignes aériennes avec le Tadjikistan et, surtout, la signature d’un accord sur l’énergie hydroélectrique avec le Kirghizstan (or la question de la « guerre de l’eau » est importante pour

l’Ouzbékistan qui doit gérer le problème écologique et social de la vallée de la Ferghana). Quels vont être les effets de cette dévaluation ? Difficile à dire car la visibilité statistique est faible. Selon Moody’s, le secteur bancaire devrait absorber le choc car la dollarisation est moins élevée qu’ailleurs (23% et 27% des prêts et dépôts), la part de l’État dans le secteur est importante et le niveau des créances douteuses assez bas. Par ailleurs, les banques ne représentent que 40% du PIB donc cela limite le risque systémique. En ce qui concerne la liquidité externe, le FMI parle de deux ans de réserves, mais attention, cela inclut l’or, qui ne devrait pourtant pas être comptabilisé dans ces ratios de liquidité. En réalité, on a peu d’informations sur la solvabilité de ce pays et il faut donc attendre pour mesurer les effets réels du décrochage monétaire. Rappelons également que l’Ouzbékistan est très pauvre (un PIB par habitant de 6 000 USD), avec un taux de chômage réel élevé, et 30% de sa population à moins de 15 ans. Il va donc aussi falloir que la population absorbe un choc inflationniste important.

 Commentaire – Au final, cette mesure est donc plutôt favorable pour l’appréciation du risque sur ce pays mais il faut attendre pour en mesurer les impacts en termes de liquidité et d’évolutions socio-économiques. Et ne pas oublier que la route reste très longue avant de pouvoir parler de vrais changements structurels. Cela fait écho à l’intérêt que les investisseurs financiers, à la recherche de rendements élevés, porteraient aux émissions obligataires de nouveaux pays, comme le Kirghizstan. Cet intérêt nous semble dangereux, pour les investisseurs comme pour le pays. Ce dernier reste en effet très sous-développé, essentiellement agricole (43% de la main-d’œuvre) et totalement dépendant des travailleurs en Russie, dont les revenus représenteraient pas loin de la moitié du PIB ! Enfin, la situation géopolitique est menaçante, le Tadjikistan voisin étant l’un des pays concernés par le retour de combattants aux cotés de Daech. L’appétit des marchés pour les pays émergents devrait donc, sans doute, être un peu plus raisonnable…

Hongrie – Sous perspective positive. L’agence de notation S&P a confirmé la notation BBB- de la Hongrie tout en l’assortissant d’une perspective positive fondée sur les améliorations du secteur bancaire. Si elles se poursuivent, elles pourraient améliorer le marché du crédit et mieux permettre la diffusion de la politique monétaire de la Banque centrale.  Commentaire – Les critères macroéconomiques sont globalement favorables à cette tendance positive. Les comptes

externes ainsi que les comptes publics se stabilisent. En revanche, les tensions de la Hongrie avec l’UE sur la question de l’accueil des migrants et sur l’État de droit pourraient être de nature à mettre en cause les conditions d’octroi des fonds structurels européens. Ces derniers représentent en grande partie les investissements publics et donnent en quelque sorte au gouvernement les moyens de sa politique interne tout en contribuant à la stabilité économique et politique du pays.

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Pays émergents : L'actualité de la semaine

Afrique du Nord, Moyen-Orient

 Moyen-Orient – Afrique du Nord– Cinq nouvelles dégradations de rating par Moody’s et Fitch en un mois L’agence de notation Moody’s a abaissé le rating souverain (note à long terme en devises étrangères) de Bahreïn, d’Oman, du Liban et de la Tunisie compte tenu de la poursuite des difficultés économiques de ces quatre pays et de très modestes réformes engagées pour combattre les déficits budgétaires et courants. Effectivement, les deux pays du Golfe ne parviennent pas à consolider leurs finances publiques et à redresser leurs déséquilibres externes issus de la baisse des prix du pétrole et de la chute des recettes pétrolières. Au total, Bahreïn a été dégradé de 9 crans depuis 2010 et Oman de 4 crans depuis 2015. Le Liban est dégradé à B3 en raison de l’augmentation de sa dette publique et d’une faible croissance du PIB. Cette baisse met désormais la note de Moody’s au même niveau que celle des deux autres agences. La Tunisie, malgré l’aide du FMI, est, elle, entrée dans une spirale d’endettement (public et externe) et également de croissance faible, croissance qui repose trop sur la consommation de biens importés et creuse le déficit du solde courant. Une hypertrophie des services publics et une lutte trop modeste contre l’économie informelle et les trafics dans le sud du pays

pèsent sur les finances publiques et privent le secteur privé de ressources d’investissement alors que l’épargne des ménages a, de son côté, beaucoup chuté depuis la crise de 2011. Enfin, le Qatar est un cas particulier puisque les dégradations d’un cran par les trois agences depuis juin dernier sont dues aux tensions diplomatiques entre ce pays et les autres pays du CCG et de son impact sur la croissance et le coût public du soutien à l’économie. MO-AN : Ratings Moody's et Fitch 21

Aa1 20 Aa2 19 Aa3 18 A1 17 A2 16 A3 15 Baa114 Baa213 Baa312 Ba1 11 Ba2 10 Ba3 9 B1 8 B2 7 B3 6 Caa1 5

Rating devises long terme

1999

2002

Sources : Moody's, Fitch, Crédit Agricole SA

2005

2008

2011

Bahrein Tunisie Invmt Grade

2014

2017

Oman Liban Qatar

 Commentaire – On peut certes analyser ces réajustements de notes à la baisse comme une convergence de vue entre les agences : effectivement, Moody’s était un peu plus « généreux » dans sa notation sur la région que les deux autres agences, S&P et Fitch. Cette dernière agence converge également sur le Qatar en s’ajustant au même niveau que ses deux homologues. Mais ces baisses de rating illustrent aussi plus profondément la poursuite des difficultés économiques et politiques d’une région en mal de rebond de croissance et de réformes structurelles. Ce qui est en cause dans cette perception moins favorable est surtout une forme d’immobilisme constatée dans la région, tant d’un point de vue des réformes économiques que de l’évolution politique.

Arabie saoudite – Le plan « Vision 2030 » assoupli dans un contexte de récession. Selon la presse internationale, l’ambitieux plan de réformes « Vision 2030 » va être amendé afin de rendre ses objectifs plus réalistes et son impact moins brutal sur la société saoudienne. L’objectif poursuivi serait de limiter et de repousser les réformes à caractère trop récessif afin de ne pas compromettre la croissance du PIB.

 Commentaire – Une légère récession est de plus en plus probable en 2017 compte tenu du marché du pétrole et de l’environnement géopolitique régional. Pays du Golfe – La crise du Qatar s’enlise. L’embargo décidé par l’Arabie saoudite, les Emirats et l’Egypte donne de plus en plus de

signes de son inefficacité et le petit émirat trouve des solutions de contournement prouvant sa volonté de ne pas céder aux pressions. Quatre événements l’illustrent à leur façon : 1. le pays a commencé à mobiliser la liquidité de son fonds souverain (le QIA) pour soutenir le système bancaire, 2. l’augmentation de la production de gaz est enclenchée (champ gazier Pars), 3. Le soutien militaire de la Turquie est effectif depuis juillet par l’envoi de troupes de renfort, et 4. l’inauguration du port de Hamad, près de Doha, permet de contrecarrer l’embargo aérien et terrestre et de désenclaver le pays.

 Commentaire – Cette crise semble s’enliser dans les sables du désert… Elle s’annonce de longue durée compte tenu des moyens dont dispose le Qatar.

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Pays émergents : L'actualité de la semaine

Afrique sub-saharienne

 Afrique du Sud – Le climat des affaires se détériore malgré la reprise Les industriels sud-africains ne croient plus en leur gouvernement. C’est ce que met en évidence une étude du Bureau for Economic Research qui montre qu’au deuxième trimestre 2017, près de 87% des entreprises industrielles voient le climat politique (pour ne pas dire l’instabilité) comme une contrainte pour la production. L’économie sud-africaine est sortie de la récession en enregistrant une croissance de près de 2,5% du PIB (par rapport au premier trimestre). Cette émergence s’explique principalement par la bonne performance de l’agriculture et la pêche (34%) et celle du secteur minier (3,9%).

0

Afrique du Sud : perception du climat politique

20 40 60 80 100

% des entreprises industrielles qui voient le climat politique comme une contrainte pour la production Source : Bureau for Economic Research, Credit Agricole.S.A

 Commentaire – La première statistique est riche de sens : elle traduit tout d’abord, la profonde (et durable) perte de confiance des investisseurs dans un pays où il est difficile d’avoir de la visibilité concernant la stratégie économique à moyen terme du gouvernement. Certainement une résultante de l’incertitude politique qui règne au sein de l’ANC (African National Congres), le parti au pouvoir. Ce dernier semble être constamment nourri de faits divers en tout genre : limogeage du ministre des Finances en mars dernier ou encore une motion de défiance à l’encontre du président Zuma cet été. Autant d’événements qui ne cessent de peser sur un rand déjà fragilisé. L’économie sud-africaine a renoué avec la croissance au deuxième trimestre. La banque centrale a donc revu ses prévisions de croissance pour l’année à 0,5% du PIB. Quoi qu’il en soit, bien que les chiffres nous suggèrent que l’économie regagne peu à peu en force, la croissance semble encore bien insuffisante pour palier tous les problèmes sociaux que rencontre l’Afrique du Sud actuellement (chômage à 27,7%, par exemple).

Kenya – Nouvelle élection en vue. La Cour suprême kenyane a invalidé le résultat des élections présidentielles du 8 août dernier, remportées par le président sortant Uhuru Kenyatta. En cause, certaines irrégularités commises dans la transmission des résultats. La commission électorale (IEBC) a annoncé qu’une nouvelle élection présidentielle sera organisée le 17 octobre prochain.

 Commentaire – Retour à la case départ donc pour Raila Odinga et Uhuru Kenyatta qui repartent en campagne suite à la décision de la Cour suprême. Décision qui, bien qu’elle fut acclamée par de nombreux pays africains et internationaux, commence à inquiéter la sphère économique du pays. Le climat politique commence à impacter négativement la confiance des industriels et des consommateurs. Moody’s s’est d’ailleurs exprimé à ce sujet cette semaine en avertissant du fait que l’incertitude politique qui règne actuellement pourrait plomber l’activité du pays.

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Pays émergents : L'actualité de la semaine

Asie

 Inde –

Repli

Il s’agit de la croissance. Elle s’est établie à 5,7% en variation sur un an au deuxième trimestre, contre une performance à 6,1% au premier et à 7% au cours des trois derniers mois de 2016. En fait, elle n’a de cesse de ralentir depuis le début de l’année dernière, lorsqu’elle s’était dressée à 9,2%. Et à ce niveau, 5,7%, elle atteint un plus bas depuis un peu plus de trois ans. Derrière, c’est la quasi-totalité des composantes de la demande qui a marqué le pas. La consommation des ménages a ainsi progressé de 6,7%, toujours en variation sur un an, au cours du printemps, comparé à une hausse de 7,3% au trimestre précédent. Celle de l’État de 17,2% au lieu de 31,9%. Quant aux exportations, elles ont crû de 1,2% au deuxième trimestre, soit presque dix fois moins vite qu’au premier. Seul l’investissement a fait mieux, en affichant une croissance de 1,6%, certes

toujours modeste, mais plus satisfaisante que la contraction de 2,1% au cours des trois premiers mois de 2017. Inde : variables monétaires 14

12 10 8

6 4 2

0 sept-14 mars-15 sept-15 mars-16 sept-16 mars-17 sept-17 taux d'intérêt prix à la consommation (a/a, %) source : MOSPI,RBI crédit (a/a, %)

 Commentaire – La décélération de l’activité économique initiée début 2016 trouvait en partie explication dans l’état de santé des banques, confrontées à la détérioration de leur portefeuille de crédit et, plus généralement, de leurs ratios financiers. En difficulté pour accompagner la croissance, les banques faisaient aussi face à une demande de crédit en perte de vitesse (en tendance), due notamment à l'endettement souvent lourd des grandes entreprises indiennes, mais aussi à la hausse des taux d'intérêt réels (sur fond de recul de l'inflation et de baisse non proportionnelle des taux d'intérêt nominaux). Ces éléments ont continué à jouer ces derniers mois, mais s'y est ajouté le retrait soudain de la circulation des billets de 500 et 1 000 roupies, c'est-à-dire d’environ 85% de la monnaie fiduciaire alors utilisée dans une économie où près de quatre cinquièmes des transactions se payaient en liquide. C'était en novembre dernier, et les contreperformances du premier et du deuxième trimestres (2017) s'expliquent largement par cet événement. Qu'attendre, à présent, d'ici la fin de l'année fiscale 2017/2018 (avril à mars) ? La Banque centrale vient de réduire son taux d’intérêt directeur de 25 pdb, à 6%, et pourrait consentir une nouvelle baisse d’ici à décembre. De plus, si l’inflation demeure historiquement basse, elle est repartie à la hausse en juillet et pourrait poursuivre dans cette direction à court terme, les pluies durant la mousson d’été ayant été inférieures à la moyenne historique, laissant par là même craindre des récoltes décevantes et des tensions à venir sur les prix des produits alimentaires. De sorte que les taux d’intérêt réels diminueraient. Néanmoins, ceux-là resteraient le plus probablement assez élevés. Par ailleurs, en dépit de quelques avancées au cours des derniers mois pour assainir les bilans bancaires et réformer le secteur, les banques demeurent fragiles pour accompagner le rebond de l'activité. Quant aux effets délétères du retrait des billets de 500 et de 1 000, s'ils sont en train de s'estomper nettement, les ingrédients nécessaires à l'essor de la monnaie scripturale, et pour que celle-ci prenne pleinement le relais (de la monnaie fiduciaire), ne sont pas encore réunis, et cela pourrait prendre du temps avant qu’ils ne le soient. Puis il y a encore l'introduction en juillet dernier du système unifié de taxe sur les biens et les services (GST). Probablement bénéfique pour l'économie indienne à terme, il pourrait peser quelque peu sur l'activité à court terme. Bref, dans ce contexte, si la croissance pourrait accélérer d’ici mars prochain, c’est le plus probablement modérément (voire très). A noter, aussi, que ce contexte ne fait pas le jeu de Modi dans la course au prochain scrutin général de 2019. D’ici là, le Premier ministre pourrait ainsi être tenté de lever le pied sur les réformes économiques de fond, se contentant d’initiatives visant à améliorer le fonctionnement de l’administration et à simplifier le cadre des affaires (néanmoins profitables à l’économie), et de prendre des mesures plus populistes, tout en jouant la carte politique du nationalisme hindou. Autrement dit, vers une possible baisse de qualité de la politique économique. A suivre...

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Pays émergents : L'actualité de la semaine

Amérique latine

 Brésil – Bien mieux mais pour de mauvaises raisons Le Brésil est officiellement sorti de récession au deuxième trimestre. La croissance y a atteint 0,2% en variation trimestrielle (soit un piètre 0,3% en glissement annuel). Une sortie de crise d’une forme extrêmement classique. Elle est en effet tirée par un secteur primaire très vigoureux (+15% en glissement annuel) alors que la construction, l’industrie et les services continuent de voir leur activité se contracter (de, respectivement, -7%, -2,1%, -0,3%). Une économie convalescente dans laquelle les exportations se tiennent bien (+2,5%), la consommation des ménages frémit seulement (+0,7%), l’investissement continue de souffrir (-6,5%) et les importations naturellement se contractent (-3,3%). Les résultats du commerce extérieur sont très satisfaisants. En août (valeur, données douanes), les exportations et les importations progressent sur 12 mois de, respectivement,

15% et 8%. L’excédent commercial atteint ainsi un niveau record (5,6 Mds USD) permettant de porter l’excédent cumulé sur 8 mois à 48 Mds USD et d’espérer qu’il atteigne près de 60 Mds USD sur l’année 2017 après une année 2016 déjà extrêmement « réconfortante » (48 Mds USD). Enfin, l’inflation continue de se replier : elle s’assagit au point d’atteindre en août un peu moins de 2,5%, un glissement annuel qui n’avait pas été enregistré depuis… février 1999. 1999 : la fin du Plan Real introduit en 1994, le flottement (contraint) de la devise et l’introduction de l’inflation targeting. A cet égard, dernier succès pour cette semaine, le repli très sensible de l’inflation (désormais très inférieure à la cible de 4,5%) permet à la Banque centrale de baisser son taux directeur (SELIC : -100pb à 8,25%).

 Commentaire – Le chiffre de croissance s’est révélé légèrement supérieur aux anticipations et continue de suggérer une reprise extrêmement modérée en 2017 : une croissance proche de 1% sur la totalité de l’année n’est désormais pas un objectif hors d’atteinte. Une faible consolation au regard de la contraction cumulée de 7% du PIB en volume sur trois ans (20142016). Et de celle de l’investissement productif qui se repliait de 26% au cours de la même période. Demande mondiale en accélération, demande intérieure atone : présenter des comptes extérieurs solides n’est pas malaisé (non que leur fragilité ait été une source majeure d’inquiétudes). Mais ils le sont pour de mauvaises raisons. Tout comme l’inflation, historiquement faible. Au contraire des taux d’intérêt réels qui continuent d’atteindre des niveaux punitifs !

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Pays émergents : L'actualité de la semaine

Tendances à suivre Spreads sur les émissions souveraines

Devises émergentes 120

550 500

pdb

450

/USD

110

400 350

100

300 250

90

200 150 100 sept.-16 déc.-16 Afrique Asie Moyen-Orient

mars-17

juin-17 sept.-17 Amérique latine Europe centrale Source : JP Morgan

début de période = 100

80 sept.-16

déc.-16 mars-17 Real brésilien Roupie indienne Rand sud-africain Source : WM/Reuters

Coût du fret

juin-17 sept.-17 Rouble russe Yuan chinois Peso mexicain

Pétrole

1 400

USD/baril

USD/pts 55 1 200 50 1 000

45

800

600 sept.-16

déc.-16

mars-17

juin-17

sept.-17

Baltic dry index

Source : Baltic Exchange

40 sept.-16

déc.-16

Sources : ICIS Pricing, Thomson Reuters

Baltic dry index : indice de référence pour le prix du transport maritime en vrac de matières sèches.

sept.-17 Brent WTI

Agriculture 7000

6,0

USD/M t 5,5

90

juin-17

Brent : pétrole de Mer du Nord, et qualité de référence pour fixer le cours du brut. WTI - West Texas Intermediate : (autre) qualité de référence pour fixer le prix du pétrole brut.

Métaux 100 USD/M t

mars-17

380

USD/ bushel

370

6500 5,0

80

6000

360

4,5 350 4,0

70

5500

340

3,5

60

50 sept.-16

5000

4500 déc.-16 mars-17 juin-17 sept.-17 Minerai de fer Sources : Steel Home, LME Cuivre (dr.) Minerai de fer : Brésil et Inde = 2e et 3e exportateurs mondiaux, et un indicateur pertinent pour suivre la demande (et la production) chinoise d'acier. Cuivre : métal de référence.

330

3,0 2,5 sept.-16

USD/pts

déc.-16

Sources : USDA, CRB

mars-17

320 juin-17 sept.-17 SRW CRB foodstuffs index (dr.)

SRW : Soft Red Winter Wheat de Kansas City, qualité de référence pour fixer le prix du blé. CRB foodstuffs index : indice synthétique de l'évolution des cours de dix produits alimentaires calculé par le Commodity Research Bureau.

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Pays émergents : L'actualité de la semaine

Scénario économique du Groupe Crédit Agricole S.A. PIB (a/a, %)

Inflation (a/a, %)

Balance courante (% du PIB)

2016

2017

2018

2016

2017

2018

2016

2017

2018

Etats-Unis

1,5

2,2

2,3

1,3

2,2

2,4

-2,4

-2,6

-2,7

Japon

1,0

1,3

1,3

-0,3

0,4

0,7

3,8

4,0

4,1

Zone euro

1,7

2,0

1,8

0,2

1,5

1,2

3,1

3,6

3,5

Asie

6,2

6,1

5,8

2,6

2,3

2,4

2,2

1,3

1,0

Chine

6,7

6,8

6,6

2,0

1,3

1,7

1,8

0,8

0,5

Inde

8,0

7,1

6,2

4,9

4,5

3,6

-1,0

-1,4

-1,5

Corée du Sud

2,8

2,7

3,0

1,0

1,8

2,0

7,0

6,0

5,5

Indonésie

5,0

5,2

5,2

3,5

4,0

4,2

-2,2

-2,4

-2,2

Taiwan

1,5

2,0

2,0

1,4

0,8

1,5

13,6

13,0

12,0

Thaïlande

3,2

3,5

3,2

0,2

1,2

1,4

11,3

8,0

7,0

Malaisie

4,2

5,0

4,7

2,1

3,6

2,5

2,2

2,5

2,6

Singapour

2,0

2,7

2,0

-0,5

0,9

1,0

20,0

18,0

18,0

Hong Kong

2,0

3,0

2,5

2,4

1,6

2,5

4,6

3,0

3,0

Philippines

6,9

6,6

6,5

1,8

3,0

3,5

0,2

-0,1

0,0

Vietnam

6,2

5,8

6,0

2,7

4,0

3,8

4,7

0,5

0,5

-1,0

1,4

2,4

10,7

5,7

4,5

-2,1

-1,8

-2,3

-3,5

0,4

2,2

8,8

3,5

4,0

-1,3

-0,8

-1,7

Mexique

1,9

1,8

2,0

2,8

4,9

3,4

-2,9

-2,6

-2,9

Argentine

-1,5

3,5

3,5

40,0

18,0

10,0

-2,1

-2,5

-2,5

Colombie

1,9

2,2

3,0

7,5

3,3

3,3

-4,5

-3,7

-3,3

Amérique latine Brésil

Europe émergente

1,3

2,6

2,4

6,1

5,4

4,8

-0,2

0,2

0,0

Russie

-0,2

1,5

1,5

7,1

4,4

4,0

1,7

2,2

2,0

Turquie

3,0

4,0

2,8

7,8

10,5

9,0

-3,8

-4,0

-4,0

Pologne

2,7

4,0

3,7

-0,6

2,0

1,4

-0,3

-0,5

-1,0

Rép. Tchèque

2,3

3,9

3,0

0,7

2,4

2,2

1,1

0,6

0,9

Roumanie

4,8

4,1

3,5

-1,5

1,2

3,0

-2,4

-2,5

-2,6

Hongrie

2,0

3,5

3,5

0,4

2,4

2,6

4,9

4,5

4,1

Ukraine

2,3

1,5

3,0

12,4

9,5

8,5

-4,1

-4,8

-4,1

Afrique, Moyen-Orient

2,7

2,3

2,9

6,3

7,9

6,2

-2,9

-1,6

-0,9

Arabie Saoudite

1,4

0,5

2,0

3,5

2,5

3,4

-3,9

-1,9

-0,5

Emirats Arabes Unis

2,1

2,6

3,0

2,5

2,9

3,0

1,4

3,1

4,2

Afrique du Sud

0,3

0,6

1,5

6,3

5,6

5,4

-3,3

-4,0

-4,0

Egypte

3,1

3,4

3,5

13,0

24,0

13,0

-5,5

-5,1

-4,5

Algérie

3,5

2,5

2,6

6,4

6,5

5,3

-17,0

-14,0

-12,0

Qatar

2,2

2,5

3,7

2,7

3,0

3,0

-5,5

0,5

1,0

Koweit

2,4

1,6

2,7

3,2

3,3

3,5

1,3

8,0

8,5

Maroc

1,0

3,9

4,0

1,6

2,0

2,2

-3,0

-2,5

-2,6

Tunisie

1,0

2,2

2,8

3,8

4,2

4,2

-8,9

-8,5

-7,3

Total

3,0

3,4

3,4

2,9

3,0

2,8

0,4

0,4

0,3

Pays industrialisés

1,6

2,0

2,0

0,7

1,8

1,8

0,2

0,4

0,3

Pays émergents

4,1

4,5

4,5

4,6

3,9

3,5

0,6

0,3

0,2

MAJ le 07/09/2017

Vous pouvez consulter nos prévisions économiques et financières sur notre site Internet.

Achevé de rédiger le 8 septembre 2017

N°17/223 – 8 septembre 2017

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Pays émergents : L'actualité de la semaine

Études Économiques Groupe – Crédit Agricole S.A. 12, place des États-Unis – 92127 Montrouge Cedex Directeur de la publication : Isabelle JOB-BAZILLE Rédacteur en chef : Armelle SARDA Europe centrale et orientale, Asie centrale : Tania SOLLOGOUB – Ada ZAN Afrique du Nord, Moyen-Orient : Olivier LE CABELLEC Asie : Sylvain LACLIAS Afrique : Nicolas SOLARI Amérique latine : Catherine LEBOUGRE Pétrole et gaz : Stéphane FERDRIN Agriculture & agro-business : Benoit BOUSQUET, Noël ISORNI, Frédéric TESSIER Documentation : Elisabeth SERREAU – Delphine EUPHRASIE Réalisation et Secrétariat de rédaction : Véronique CHAMPION Contact : [email protected] Consultez les Études Économiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com iPad : application Etudes ECO disponible sur App store Android : application Etudes ECO disponible sur Google Play Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. Ni l’information contenue, ni les analyses qui y sont exprimées ne constituent en aucune façon une offre de vente ou une sollicitation commerciale et ne sauraient engager la responsabilité du Crédit Agricole S.A. ou de l’une de ses filiales ou d’une Caisse Régionale. Crédit Agricole S.A. ne garantit ni l’exactitude, ni l’exhaustivité de ces opinions comme des sources d’informations à partir desquelles elles ont été obtenues, bien que ces sources d’informations soient réputées fiables. Ni Crédit Agricole S.A., ni une de ses filiales ou une Caisse Régionale, ne sauraient donc engager sa responsabilité au titre de la divulgation ou de l’utilisation des informations contenues dans cette publication.

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