Les stars de l'économie du partage

wiki » du bricolage, un forum enrichi par les contri- butions des visiteurs. Total a déjà signé un partenariat avec Blablacar, le leader français du covoiturage, en.
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AU CŒUR DE L’EMPLOI

ÉCONOMIE

L’hôtellerie et la restauration restent une mine de postes Pages 20 et 21

6 PAGES D’OFFRES D’EMPLOI Pages 22 à 27

LUNDI 21 SEPTEMBRE 2015

INVITÉ DE LA SEMAINE

Les stars de l’économie du partage (LP/Olivier Arandel.)

JEAN-DOMINIQUE SENARD

Présidentde M ichelin

Page 4 FACE À FACE

Les centres d’appel Webhelp / Acticall

Page 8 et 9

ÇA COÛTE OU ÇA RAPPORTE

Une assurance chômage pour les dirigeants

Page 12

MARKETING

Faire le buzz de sa marque

Page 16

RÈGLEMENTATION

Déposer un agenda d’accessibilité programmée

Page 17

ARGENT

Emprunter passé 50 ans

COMMISSION PARITAIRE N° 0120 C 85979 NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT milibris_before_rename

(LP/Philippe Lavieille.)

Page 18 et 19

A l’image de Paulin Dementhon, fondateur de Drivy.com, un service de location de voitures entre particuliers, les entrepreneurs français excellent dans l’économie collaborative. Pages 2 et 3.

02

L’éditorial New Deal

pour la conso

Economie et partage... Depuis quand ces deux mots font-ils bon ménage ? Tout simplement depuis que, grâce à Internet, les consommateurs ont le sentiment d’avoir repris le pouvoir. En quelques années, notre envie de posséder a réduit son emprise, partiellement vidée de sa substance par la révolution digitale et ses nouveaux usages. Numérisé, le bon vieux troc gagne ses lettres de noblesse. Tout ou presque, désormais, s’échange, se loue ou s’achète à moindre coût sur la toile. En France, une nouvelle génération d’entrepreneurs s’est emparée de cette tendance avec succès, et certains, à l’instar de BlaBlaCar et de ses vingt millions d’usagers européens, ont déjà franchi les frontières. Dans leur sillage, des dizaines de start up façonnent un New Deal de la consommation et du commerce où les rôles d’acheteur ou de vendeur ne sont plus figés mais deviennent interchangeables, et où le client, cette fois vraiment roi, récupère une partie de la valeur générée par ces échanges.

ÉCONOMIE

Economie collaborative : les stars françaises

" BÉNÉDICTE ALANIOU

De gauche à droite, Michael Zribi, Arnaud Katz et Kevin Dreno, les fondateurs de Bird Office. (LP/Philippe Lavieille.)

Plus de la moitié de Français consomment de l’économie de partage, parfois même sans le savoir. Et dans ce secteur en plein boom, les entrepreneurs français sont en pointe…

REPÈRES

268,5 milliards d’euros

C’est ce que pèsera l’économie du partage dans le monde en 2025, contre 12 à 20 milliards d’euros en 2014 (étudePwC). ! 55 % des Français ont négocié directement auprès d’un particulier en 2015, contre 35 % en 2009 (étudeSociovision). ! 49 % des Français ont vendu sur une plateforme en 2015 (contre 29 % en 2009). ! 20 millions d’inscrits sur le site BlaBlaCar. ! 380 € : c’est la somme que les adeptes estiment économiser à l’année. ! 78% des français pensent que l’économie collaborative contribue au développement de l’économie locale. LE PARISIEN ÉCONOMIE I LUNDI 21 SEPTEMBRE 2015 milibris_before_rename

l était une fois l’économie collaborative… à l’époque du « 3615 ». « Bien avant l’arrivée de Airbnb, des Français avaient déjà eu l’idée d’ouvrir leurs portes à des inconnus, rappelle Anne-Catherine Péchinot, directrice générale de Gîtes de France. On l’oublie souvent, mais le premier réseau d’hébergements chez l’habitant en Europe est né en France en 1957. Il a été précurseur en 1987 en proposant ses adresses sur le minitel ! » Près de 60 ans après sa création, le réseau, plus collaboratif que jamais, affiche 67 000 hébergements sur son site Internet et dispose même d’une application mobile. L’engouement pour cette économie du partage est plus que jamais d’actualité : selon un récent sondage Sociovision, près de un Français sur deux est aujourd’hui adepte de la consommation dite « collaborative ». Revente d’objets, covoitu-

I

rage, autopartage ou troc divers : les consommateurs ont l’embarras du choix. C’est en France qu’a été créé PriceMinister, en 2000, avant d’être acheté par le numéro un du commerce électronique japonais Rakuten. Et plus récemment, lancé en 2008, le site de covoiturage BlaBlaCar affiche une insolente croissance de 200 % par an. « Pourtant, les débuts ont été difficiles, se souvient son fondateur, Frédéric Mazzella. On a commis l’erreur de proposer d’abord nos services aux entreprises alors que le concept intéressait surtout le grand public. » Bien vu : la plateforme compte aujourd’hui 20 millions de membres dans 19 pays. « Ce sont de bonnes idées qui ont décollé au bon moment, analyse Rémy Oudghiri, directeur général ad-

se sont détournés des solutions institutionnelles pour privilégier les circuits courts. Et on constate que tous les domaines de la vie quotidienne sont potentiellement concernés. »

La perceuse du voisin Alexandre Woog a eu la même intuition. En 2009, ce jeune entrepreneur a cofondé le site e-loue qui met en relation propriétaires et locataires d’objets. « On est tout simplement partis de besoins simples comme celui d’une perceuse pour un petit bricolage, se souvient-il. On s’est dit que le plus simple était de s’adresser à un voisin et qu’il y avait sans doute quelque chose à creuser au niveau de la mise en relation entre particuliers. » Bonne pioche : six ans plus tard, le modèle a amélioré sa prestation en proposant de vrais

« En 2015, un Français

sur deux vendra un objet ou une prestation sur une plateforme collaborative » joint de l’observatoire Sociovision. Avec le ralentissement de l’économie en 2008-2009 et les Français se sont tournés naturellement vers les pratiques collaboratives. » Mais la crise n’explique pas tout. «Grâce à la technologie, les consommateurs

systèmes de caution et d’assurance et affiche un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros. Plusieurs grands groupes lui ont d’ailleurs emboîté le pas. « On s’aperçoit que l’on était précurseurs. Aujourd’hui, nous avons des partenariats avec des en-

À LA UNE

ÉCONOMIE

03

# TÉMOINS

« Le bouche-à-oreille est notre meilleur outil marketing »

Le business collaboratif séduit aussi les groupes Preuve que l’économie collaborative est devenue incontournable : même les grands groupes s’y intéressent. Ikea a ainsi lancé en Suède en 2010 un site dédié aux meubles Ikea deuxième main. En France, lors de la « Ouishare Fest » en 2014, Castorama a annoncé la mise en place d’un « wiki » du bricolage, un forum enrichi par les contributions des visiteurs. Total a déjà signé un partenariat avec Blablacar, le leader français du covoiturage, en offrant 20 euros aux conducteurs pour leur premier trajet en covoiturage. Ou encore La Poste est partenaire, via la Banque Postale, de KissKissBankBank, une plateforme de financement entre particuliers.

seignes comme Leroy Merlin ou Go Sport qui, moyennant un abonnement, proposent eux aussi de la location sur notre plateforme. » Rien ne se perd, tout se partage… même le savoir. Laetitia Alcover confirme. En 2012, cette entrepreneure a participé au lancement de Kang, une plateforme lancée avec le soutien de Xavier Niel. « Notre idée

EN SAVOIR PLUS A CONSULTER " La dernière étude de observatoire Sociovision : www.sociovision.com " « L’économie collaborative séduit les groupes industriels » : www.bpifrance.fr

A LIRE " « Effectuation : Les principes de l’entrepreneuriat pour tous », de Philippe Silberzahn, éditions Pearson, 2014, 174 pages. 25 €. " « La vie share : mode d’emploi, consommation, partage et modes de vie collaboratifs », de Anne-Sophie Novel, éditions Alternatives, 2013, 128 pages. 12 €. " « Uberisation = Économie déchirée ? », de Bruno Teboul et Thierry Picard, éditions Kawa, 2015, 84 pages. 23,95 €. milibris_before_rename

a été de permettre à des professionnels et des particuliers de partager leur expertise de chez eux et uniquement par téléphone, explique la cofondatrice de la start up. Nous avons par exemple une pharmacienne qui donne des conseils de nutrition et de detox le soir. Un avocat peut donner des conseils juridiques comme une mère de famille peut partager ses trucs. Techniquement, le consommateur achète juste des crédits qui correspondent à un nombre de minutes au téléphone.» Trois ans après sa création, l’entreprise affiche 30 000 consultations mensuelles d’un montant moyen de 30 €. Quant aux 2 500 experts, ils gagneraient en moyenne 850 € par mois. En 2015, près d’un Français sur deux vendra un objet ou une prestation sur une plateforme collaborative selon Rémy Oudghiri. « On est tous en train de devenir potentiellement des vendeurs, analyse l’expert. L’économie collaborative favorise l’esprit d’entreprise. Car à partir du moment où vous mettez un produit en avant, vous vous posez les mêmes questions que tous les commerçants. » De quoi générer de nouvelles créations d’entreprise. ! CÉLINE CHAUDEAU

(DR.)

Paulin DEMENTHON fondateur de Drivy.com

Cinq ans après sa création, il revendique 1% du marché de la location automobile, soit 700 000 membres et 37 000 voitures à louer. Mais Paulin Dementhon se souvient avoir souvent calé au démarrage. « J’ai mis dix mois à trouver un assureur, se

souvient le fondateur de Drivy.com, premier service de location de voitures entre particuliers. Une bonne dizaine m’a dit non et j’ai failli renoncer. En même temps, je savais qu’il y avait un potentiel, et le sujet ne laissait personne indifférent. » Or, le calcul de l’entrepreneur est simple. « On n’avait pas besoin d’une offre massive de véhicules pour que cela fonctionne parce qu’on savait que les convaincus loueraient leur voiture souvent. » Très vite, le nombre de locations double de mois en mois. « Le bouche-à-oreille est notre meilleur outil marketing. » De part et d’autre, le principal argument est économique. « Un propriétaire de voiture gagne en moyenne 1 500 € par an à Paris et les usagers payent 30 % moins cher

que chez un professionnel. » Mais il y en a d’autres. « On vient pour le prix mais aussi pour la proximité. Grâce à notre application mobile, on trouve des voitures à distance de marche de chez soi et on crée du lien social. Et c’est écologique car il est peut-être plus facile de louer que d’acheter une voiture encombrante. » Drivy.com n’a pas fini de grandir. L’entreprise a levé 8 millions d’euros au mois d’avril et a annoncé l’acquisition de deux sociétés françaises, BuzzCar et Livop. Mais surtout, Paulin Dementhon a traversé le Rhin grâce au rachat de son concurrent allemand Autonetzer. « A la fin de l’année, nous dépasserons le millions de journées de location entre particuliers. »

« Nous permettons aux entreprises de partager leurs mètres carrés »

(DR.)

Arnaud KATZ cofondateur de Bird Office

« On va dépasser le million d’euros de chiffre d’affaires cette année, contre 70 000 € l’année dernière. » Exponentiel. « À la base, on était plutôt des fans d’immobilier, explique Arnaud Katz, cofondateur de la prometteuse

start up Bird Office, avec Michael Zribi et Kévin Dréno. On s’est demandé comment optimiser tous les mètres carrés disponibles dans les entreprises. » De là est née la première plateforme communautaire permettant de réserver en ligne des espaces de travail au sein des entreprises avec le soutien d’acteurs-clé du digital comme Xavier Niel, Marc Simoncini et Jacques-Antoine Granjon. Créée en décembre 2013, Bird Office permet ainsi de réserver en ligne un poste de travail ou une salle de réunion ou de séminaire. « Nous avons tous types d’entreprises comme clients, poursuit Arnaud Katz. Pour une TPE, c’est le moyen d’amortir le coût d’un espace souvent vide. Mais on a

aussi des groupes du CAC 40 comme Sodexho ou Saint-Gobain pour qui c’est une occasion de faire du networking ou, de façon plus écologique, de ne pas gaspiller un espace qui consomme de l’énergie. » Et côté client, l’avantage est réel. « Nos tarifs commencent à 3,50 € l’heure pour un espace de travail et notre idée séduit naturellement des indépendants comme des consultants ou des coachs. Des formateurs apprécient de trouver des salles de réunion variées. Des professionnels louent une belle salle pour signer un contrat important... » Déjà présent en France, en Belgique et au Luxembourg, Bird Office rêve de connaître le même succès que BlaBlaCar.

L’AVIS DE...

« L’uberisation de l’économie est partie pour durer » Philippe SILBERZAHN (DR.)

professeur à l’EMLYON Business School

$ A quoi est dû le succès de l’économie collaborative en France ? Que l’on parle de Airbnb au niveau mondial ou de Drivy en France, la technologie permet une offre de masse et innovante. Grâce à BlaBlaCar, un automobiliste, plutôt que de prendre un inconnu en stop, peut désormais ouvrir sa voiture à des milliers de passagers potentiels et facilement partager les frais. Internet permet désormais des offres de services infinies, qui génèrent en outre une vraie plus-value. $ La crise a-t-elle favorisé ces réussites ? Le ralentissement économique, en France, a généré de nouveaux besoins. Dans le contexte actuel, il paraît en effet difficile de négliger la motivation financière chez ces différents utilisateurs. Dans un climat général de

crise, tous ces revenus complémentaires sont souvent les bienvenus. En même temps, les clients de ces sites ne sont pas non plus des consommateurs comme les autres. Quelqu’un qui loue la voiture d’un particulier n’aurait peut-être pas eu l’envie ni les moyens de s’adresser à un professionnel. C’est l’une des clés du succès : Internet génère de nouveaux consommateurs. $ Y a-t-il de la place pour d’autres réussites ? L’ « uberisation » de l’économie, comme on dit parfois, en référence à la plateforme Uber qui déstabilise le secteur des taxis, est là pour durer. Cette révolution s’inscrit dans une logique de « destruction créatrice ». Plus de transparence, plus de rapidité et moins de frais : les utilisateurs plébiscitent des circuits courts. De nouvelles façons de travailler ont toujours bousculé des modèles plus anciens. Et la motivation n’est pas toujours uniquement pécuniaire. Au niveau de l’offre, comme de la demande, le facteur humain reste lui aussi non négligeable. Ces échanges créent aussi un lien social dont les gens ont besoin.

LE PARISIEN ÉCONOMIE I LUNDI 21 SEPTEMBRE 2015