La pérennité du système de santé : un enjeu de finances ... - Cirano

particuliers, au Québec, sont soumis à des taux d'imposition non concurrentiels. (La fiscalité des entreprises y est plus élevée que la moyenne de celle des pays ...
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La pérennité du système de santé : un enjeu de finances publiques Rencontre CIRANO Le 28 avril 2006 Les conférenciers Claude Montmarquette Fellow CIRANO et Université de Montréal Santé : avons-nous les moyens de nos ambitions ? Claude Forget Ex-ministre des Affaires sociales On parle français à Calgary : l’impossible équation des finances québécoises Joanne Castonguay Directrice de projet, CIRANO Les inefficacités du modèle de financement du système de santé : un constat Jacques Ménard Président, BMO Groupe financier et président du Comité de travail sur la pérennité du système de santé et des services sociaux du Québec La proposition de la commission Ménard (La présentation a été faite par Michel Clair) Claude Castonguay Ex-ministre des Affaires sociales et dirigeant d’entreprise, fellow invité au CIRANO Les options de financement

Les panélistes Michel Clair Président, Groupe Sedna, ex-président du Conseil du trésor du Québec et ex-ministre Joseph Facal Professeur invité, HEC Montréal, ex-président du Conseil du trésor du Québec

Le modérateur Michel Patry Pdg CIRANO, HEC Montréal

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Compte rendu

Le 28 avril dernier, à l’invitation du CIRANO, des leaders québécois du domaine des affaires et de la santé se réunissaient pour débattre de la pérennité du financement de notre système de santé. Le CIRANO souhaitait, par cette initiative, discuter des propositions élaborées par trois de 1

ses membres dans le cadre d’un mémoire présenté à la Commission des affaires sociales, qui étudie actuellement les questions de l’accès aux services de santé et de leur financement. Le compte rendu qui suit fait état des enjeux, des options proposées et des principaux points sur lesquels un consensus s’est rapidement dégagé parmi les personnes présentes. Les enjeux Est-il possible d’améliorer la problématique de l’accès aux services de santé, de développer davantage l’offre publique de services et d’augmenter leur financement sans détériorer davantage nos finances publiques ? Depuis plus de 25 ans, les dépenses publiques en santé augmentent plus rapidement que la richesse collective et accaparent une part de plus en plus importante des budgets publics. Au Québec, elles représentent 43 % du budget gouvernemental, et l’impact de leur accroissement sur les autres missions de l’État, déjà considérable, s’accroît d’année en année. Le problème n’est pas nouveau et plusieurs commissions publiques, canadiennes et provinciales, ont proposé un nombre impressionnant de recommandations visant à corriger la situation. Il s’ensuivit de nombreuses réformes dans l’organisation des services de santé. Mais, la tendance dans l’évolution des coûts de santé, elle, s’est maintenue et l’accès aux services de santé devient de plus en plus difficile. Or, le contexte économique et démographique au Québec limite de façon importante les options pour financer cette croissance des dépenses en santé. Nous nous devons de développer de nouvelles sources de financement, tout en évitant d’augmenter la fiscalité, de diminuer la capacité concurrentielle du Québec, d’aggraver l’iniquité intergénérationnelle ou de réduire le financement des autres missions de l’État. De l’avis des auteurs du mémoire, ces problèmes persistent parce que les réformes proposées portent essentiellement sur l’offre, alors que les pressions exercées sur le système de santé viennent de la demande (pressions dues à l’évolution de la courbe démographique, à l’enrichissement de la population et au développement des nouvelles technologies). Dans un 1

Deux chercheurs, Claude Montmarquette de l’Université de Montréal et vice-président Politiques publiques du CIRANO et Joanne Castonguay, directrice de projet, et un fellow associé du CIRANO, Claude Castonguay.

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système où la variable prix ne joue pas, aucun mécanisme ne vient signaler aux demandeurs la rareté des ressources. Parce qu’il ne paie pas, l’usager a le sentiment que sa consommation n’affecte pas celle des autres; il est déresponsabilisé quant à l’impact de ses décisions de consommation. Dans ce contexte, difficile de limiter la demande aux soins nécessaires. La situation invite clairement au gaspillage des ressources, et il s’ensuit nécessairement un rationnement des services. Or, sans une modification du modèle de financement de la santé, la demande sera toujours excédentaire, voire quasi illimitée. Trois options ont été abordées : 1) créer une assurance contre la perte d’autonomie; 2) légaliser le recours à l’assurance privée pour des services de santé et 3) réclamer une contribution minimale aux usagers en mesure de la défrayer. Créer une assurance contre la perte d’autonomie Les signataires du mémoire rejettent la première proposition. Énoncée dans le cadre de la commission Ménard, elle-même soumise à la contrainte de ne pas sortir du cadre de la Loi canadienne en santé, la proposition de créer une assurance contre la perte d’autonomie institue, en vue de développer une caisse partiellement capitalisée et administrée par la RRQ, une nouvelle contribution obligatoire et universelle, selon l’âge et la capacité de payer des contribuables. La cotisation, évaluée en moyenne à 400 $ par année par contribuable, ne couvrirait qu’une infime partie des soins requis par cette catégorie de clientèle, soit 8000 $ par année pour une personne en perte d’autonomie, alors que les besoins pourraient être évalués à plus de 38 000 $ par personne, par année2. Les instigateurs de cette proposition estiment que la différence sera fournie par le secteur privé et que se développera ainsi une concurrence dans le système. Les auteurs du mémoire sont d’avis qu’en plus de miser sur une éventualité plus qu’incertaine, cette option accroît le fardeau fiscal déjà lourd des Québécois; de plus il aggrave l’inéquité intergénérationnelle, en faisant reposer sur les seules épaules des jeunes générations le financement de soins onéreux dont bénéficieront les plus âgés qui, eux, n’auront que peu ou pas du tout contribué à cette caisse. Seules les deux autres options permettraient d’atteindre l’ensemble des objectifs de notre société sans alourdir la problématique structurelle des finances publiques dans laquelle nous nous trouvons. Permettre le développement d’assurances privées L’ouverture au développement d’assurances privées, par rapport au développement des assurances publiques ou des assurances mixtes, a pour principal avantage de ne pas aggraver les problématiques 1) de charges fiscales (ou autres contributions obligatoires) aux particuliers et aux entreprises et 2) de croissance des coûts publics de santé.

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La Presse, sections Affaires, p. 3, le dimanche 12 mars 2006.

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Permettre le développement des assurances privées pour les soins primaires aurait pour effet de débloquer les investissements privés dans le financement des services de santé. Le développement des cliniques pourrait alors être financé par des fonds privés et davantage de fonds publics pourraient être affectés aux autres besoins pressants, tels les services aux personnes en perte d’autonomie. Enfin, du point de vue de l’équité intergénérationnelle, cette option a l’avantage de ne pas alourdir les coûts de santé des aînés assumés par les générations montantes et futures. De plus, en permettant aux médecins de pratiquer au-delà du cadre rigide actuel et des limites, ou plafonds, auxquels ils sont présentement assujettis, on encouragerait les cliniques médicales à augmenter leur offre globale de soins, soit le principal objectif visé. Ces mesures inciteraient fort probablement aussi des médecins et des infirmières qui ont quitté le Québec à y revenir. Bref, accorder la possibilité aux médecins de développer une pratique parallèle en santé aurait un impact important sur la problématique d’accès, sans pour autant alourdir les dépenses publiques. Instaurer une contribution individuelle de 25 $ Instaurer une contribution minimale pour les usagers en mesure de la défrayer aurait pour effet de faire participer l’individu au financement des services de santé, selon son besoin, sans compromettre la réalisation de l’objectif social, soit offrir à l’ensemble de la population le meilleur accès possible aux services publics. La contribution individuelle est un incitatif, pour l’usager, à limiter sa surutilisation de certains services et, pour le fournisseur de services, à améliorer son offre pour attirer la clientèle. Elle est perçue à la fois comme une façon efficace de rationnaliser la demande de soins et d’accroître les ressources financières du système, deux façons de répondre de façon durable à la problématique de l’écart croissant entre les coûts du système et la capacité du gouvernement de les payer. Un consensus se dégage rapidement sur plusieurs points Le financement exclusivement public du système de santé n’est pas soutenable. Sur ce point, les personnes présentes à la Rencontre CIRANO sont toutes du même avis. Déjà, entreprises et particuliers, au Québec, sont soumis à des taux d’imposition non concurrentiels. (La fiscalité des entreprises y est plus élevée que la moyenne de celle des pays du G7. Quant à la fiscalité des particuliers, elle se situe parmi les plus élevées en Amérique du nord.) L’endettement du Québec est parmi les plus élevés au monde. Enfin, le taux de productivité des Québécois est comparativement faible. Il semble donc évident à tous qu’il faille éviter toute surcharge fiscale, tant aux particuliers qu’aux entreprises, et aller chercher ailleurs le financement à l’accroissement inévitable des coûts de santé. Des changements s’imposent et il sera difficile de faire plaisir à tout le monde. Actuellement, le système de santé est perçu comme la cristallisation de nos valeurs collectives et jouit d’une forte

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légitimité populaire; vouloir le changer est perçu comme une attaque à nos valeurs. Toute proposition qui remet en question la Loi canadienne sur la santé nous engage dans des débats idéologiques et des procès d’intentions. Or, la Loi canadienne sur la santé n’est pas immuable. D’autres provinces canadiennes réclament des assouplissements à son application, et le jugement Chaouli remet directement en question les dispositions législatives québécoises interdisant le recours aux assurances privées. La législation, c’est souvent le cas, est à la traîne de la réalité. Il ne faut surtout pas mettre de côté les options prometteuses sous prétexte qu’elles ne tiennent pas compte de la Loi canadienne sur la santé. Le problème du financement de la santé en est un extrêmement complexe auquel il n’y aura pas de solution unique. Là encore, conférenciers et panélistes sont d’accord. Toutefois, les éléments de solution suivants ont été identifiés comme étant indispensables : améliorer la croissance économique du Québec; réduire le fardeau de la dette et rééquilibrer les finances publiques; introduire des mécanismes de concurrence dans l’offre de services de santé. Et, enfin, passer de la théorie à la pratique. Une question de leadership politique, s’est-on accordé à dire. Les citoyens accorderont crédibilité à celui ou celle qui saura canaliser le potentiel de changement dans la population. Il y a péril en la demeure et si nous attendons la crise pour agir, alors le Québec n’aura plus le contrôle sur le choix des solutions.

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