CONSEIL D' É TAT SECTION DU CONTENTIEUX ... - Blog Avocats

caractère autre qu'industriel ou commercial, dont : a) Soit l'activité est financée ... Le Conseil national des barreaux établit son budget de fonctionnement.
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PATRICE SPINOSI Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation 27 boulevard Raspail 75007 PARIS

C O N S E I L D’ É T A T

SECTION DU CONTENTIEUX

MEMOIRE EN REPLIQUE

POUR :

L’ordre des avocats du barreau de Marseille Monsieur Jacques Jansolin Monsieur Christian Baillon Passe Monsieur Bernard Kuchukian Monsieur Jean de Valon Madame Catherine Pontier de Valon Madame Nathalie Kerdrebez Gambuli ayant pour avocat Maître Patrice SPINOSI, Avocat au Conseil d’Etat

CONTRE :

Le Conseil national des barreaux Le ministère de la justice et des libertés

Observations à l’appui de la requête n°343.367

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Les observations en défense du Garde des Sceaux et du Conseil national des barreaux appellent, de la part des exposants, les mises au point suivantes.

SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE I. Le Garde des Sceaux soutient tout d’abord que la requête en annulation (et par conséquent la requête en référé suspension) serait irrecevable dans la mesure où les requérants seraient parties à la convention du 16 juin 2010, celle-ci ayant été conclue par le CNB, dans l’exercice de sa mission de représentation de la profession d’avocat auprès des pouvoirs publics, prévue à l’article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971. Ces dispositions confèreraient au CNB un mandat légal pour représenter les barreaux et les avocats auprès des pouvoirs publics. Cette argumentation est manifestement inexacte.

1. En premier lieu, ainsi que le rappelle le CNB dans son mémoire en défense, la représentation, au sens du mandat, est le fait de remplacer « une personne » dans l’exercice de ses droits (mémoire en défense du CNB, p. 15, al 10). Selon la définition usuelle la représentation est en effet l’« action consistant pour une personne investie à cet effet d’un pouvoir légal, judiciaire ou conventionnel (le représentant) d’accomplir au nom et pour le compte d’une autre – incapable ou empêchée (le représenté – un acte juridique dont les effets se produisent directement sur la tête du représenté » (G. Cornu, Vocabulaire juridique, P.U.F., 2001, p. 758). Or aux termes de l’article 21-1, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1971 : « Le Conseil national des barreaux, établissement d’utilité publique doté de la personnalité morale, est chargé de

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représenter la profession d’avocat notamment auprès des pouvoirs publics. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le Conseil national des barreaux unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d’avocat. »

L’article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 précise donc expressément qu’il s’agit de la représentation « de la profession », et non pas de la représentation des barreaux ou des avocats. Or, contrairement aux barreaux, qui sont dotés de la personnalité civile (L. 31 décembre 1971, art. 21), et aux avocats, la profession d’avocat n’est pas une personne. L’article 21-1 ne peut donc avoir pour effet de conférer au CNB le pouvoir d’accomplir un acte juridique, au nom et pour le compte des barreaux ou des avocats. 2. En deuxième lieu, les dispositions de l’article 21-1, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1971 ne sauraient conférer un mandat légal au CNB pour représenter l’ensemble des barreaux de France et l’ensemble des avocats de France, ceux-ci ayant la possibilité d’exprimer eux-mêmes leur volonté. On rappellera que la représentation légale est une représentation nécessaire. L’incapable, mineur ou majeur, ne peut ni vouloir ni agir par lui-même. La personne morale n’a pas de volonté propre qui lui permettre de consentir par elle-même aux actes qui l’intéressent. Dans ces situations, le recours à la représentation est une nécessité pratique et fonde l’existence d’une représentation légale (N. Mathey, Rép. Civ. Dalloz, avril 2007, n°10). 3. En troisième lieu, les dispositions de l’article 21-1, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1971 ne donnent pas au CNB le pouvoir de représenter les avocats et les barreaux. Elles ne lui donnent que le pouvoir de défendre les intérêts de la profession d’avocat. La représentation des intérêts est en effet distincte de la représentation de la volonté. Par exemple, la représentativité, en droit du travail, est

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distinguée de la représentation du droit civil car il s’agit d’une représentation d’intérêts et non de personnes (N. Mathey, Rép. Civ. Dalloz, avril 2007, n°28). Au cas présent, la représentation visée par les dispositions de l’article 21-1, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1971 n’est pas la représentation de la volonté des barreaux et des avocats mais la représentation des intérêts de la profession. Ce type de disposition est d’ailleurs habituel. Par exemple, le conseil national de l’ordre des architectes a lui aussi pour mission de représenter la profession auprès des pouvoirs publics. Cela ne signifie pas qu’il ait mandat pour engager les architectes mais qu’il est « consulté par les pouvoirs publics sur toutes les questions intéressant la profession, notamment l’organisation de l’enseignement de l’architecture » (loi n°77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, art. 25). De même, la chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires représente l’ensemble de la profession auprès des pouvoirs publics (ordonnance n°45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs judiciaires, art. 9), cela ne signifie pas qu’elle puisse conclure des contrats au nom et pour le compte des commissaires-priseurs. 4. En quatrième lieu, les dispositions de l’article 21-1, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1971 ne sauraient être interprétées comme donnant pouvoir au CNB de représenter les avocats et les barreaux, sans priver de sens les dispositions de l’article 21 de la loi du 31 décembre 1971 qui prévoient que le bâtonnier représente le barreau.

5. En outre, et à titre subsidiaire, le représentant ne peut agir que dans les limites des pouvoirs qu’il tient de la loi, du juge ou de la convention. En cas de d’absence ou de dépassement de pouvoir, les actes qu’il a accomplis n’engagent pas le représenté (F. Terré et a., Les obligations, 2009, Dalloz, p. 184).

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Or en l’espèce, il est manifeste que si l’on admet, pour les seuls besoins de la discussion, que le CNB aurait eu le pouvoir de représenter les barreaux et les avocats, force est de constater qu’il ne pouvait les représenter pour signer une convention dont le champ d’application dépasse l’étendue de ses compétences (cf. infra, point IV).

6. Enfin, on ne saurait déduire de la jurisprudence Cayzeele que le recours pour excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat serait fermé aux parties au contrat. En effet, les clauses réglementaires étant « par nature divisibles de l’ensemble du contrat» (CE 8 avril 2009, Alcaly, req. n°290604), les parties au contrat sont recevables à les attaquer par la voie de l’excès de pouvoir.

A tous égards, la requête est donc recevable.

SUR L’URGENCE

II- Le Garde des Sceaux et le CNB soutiennent qu’il y aurait urgence à exécuter les stipulations de la convention dont la suspension est demandée.

1. Le Garde des Sceaux se prévaut plus particulièrement de la décision du Conseil d’Etat du 1er avril 2010, Chambre Nationale des avoués et autres (req. n° 337224). Cette jurisprudence (inédite) ne permet toutefois pas d’affirmer qu’il y aurait urgence à exécuter la convention du 16 juin 2010. Dans cette affaire du 1er avril 2010 en effet, la Chambre nationale des avoués demandait au juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 14 décembre 2009 du ministre de la justice et des libertés relatif à la communication par voie électronique dans les

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procédures sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, en tant, d'une part, que les avoués près les cours d'appel étaient exclus du dispositif qu'il organisait et, d'autre part, en tant qu'il donnait l'exclusivité de cette communication électronique aux instruments et plate-forme de transmission des données mises au point par le CNB. Or le juge des référés a relevé, en premier lieu, que l'arrêté contesté avait un caractère expérimental, seuls les greffes de sept cours d'appel étant équipés ; qu'ainsi, à la date de l’ordonnance, l'arrêté ne pouvait recevoir qu'une application limitée. Dans la présente espèce, au contraire, la convention du 16 juin 2010 doit recevoir une application immédiate et généralisée à l’ensemble des barreaux et avocats de France (à l’exception du barreau de Paris). Le juge des référés a également relevé que, dans les procédures avec représentation obligatoire, les avoués avaient déjà la possibilité d'utiliser un système de communication électronique. Dans la présente espèce, au contraire, les avocats qui ne se conformeront pas aux stipulations de la convention du 16 juin 2010 ne pourront pas communiquer par voie électronique avec les juridictions de l’ordre judiciaire. Enfin, le juge des référés a relevé que « l'intérêt public de mener à bien la réforme de la représentation en appel justifie la poursuite de l'application de l'arrêté dès lors que le bilan de cette application servira à élaborer les dispositions concernant la communication électronique dans les procédures devant les cours d'appel avec représentation obligatoire ». Il ressort des termes mêmes de l’ordonnance que l’intérêt public identifié est celui de « mener à bien la réforme de la représentation en appel ». On ne peut donc déduire de cette décision du Conseil d’Etat du 1er avril 2010 que, dans tous les cas et à n’importe quelles conditions la mise en œuvre de la dématérialisation des procédures revêtirait un caractère d’urgence.

2. Le Garde des Sceaux et le CNB se prévalent également du bon fonctionnement du service public de la justice et de la continuité de ce service, dans la mesure où la dématérialisation des procédures devant les cours d’appel sera effective à compter du 1er janvier 2011 et que la

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préparation de la dématérialisation devant les tribunaux de grande instance est en cours d’accélération. Cette argumentation est sans portée dans la mesure où les exposants admettent comme nécessaire l'existence d'un Réseau Privé des Avocats (RPVA) qui, seul, communiquera avec le Réseau Virtuel de la Justice (RPVJ) par le moyen d'un accès unique tel que décrit dans la convention litigieuse. Les exposants critiquent en revanche la solution technologique choisie pour permettre à l'avocat de se connecter au RPVA. La solution technologique retenue par le CNB et rendue obligatoire pour les avocats aux termes des stipulations de la convention attaquées, n’est pas la seule à permettre la mise en place de la dématérialisation des procédures au 1er janvier 2011. La communication électronique peut parfaitement être réalisée par la solution technique retenue par le barreau de Marseille ou par le barreau de Paris, dont le Garde des Sceaux relève d’ailleurs qu’elle est « fiable » et concerne 41 % des avocats de France (mémoire en défense du Garde des Sceaux, p. 12, avant-dernier paragraphe). Les solutions retenues par les barreaux de Paris et de Marseille sont déjà prêtes et rapides à mettre en œuvre. En cas de suspension il demeurera possible d’effectuer une dématérialisation des procédures au 1er janvier 2011. La suspension permettrait, au contraire, de préserver le bon fonctionnement du service public de la justice eu égard aux conclusions du rapport Hattab qui révèle que Navista ne justifie pas de la sécurité de son système (v. infra, point VI.1). En outre, la solution Navista n’a pas été aujourd’hui retenue par les avocats (qui, dans leur grande majorité, n’ont pas encore souscrit d’abonnement, seuls 3.616 boitiers ont été loués) sa mise en œuvre devra donc se faire dans les mêmes délais ; elle n’est pas plus avancée que les solutions alternatives proposées par les exposants.

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3. Par ailleurs, le Garde des Sceaux est co-auteur des stipulations attaquées et co-auteur du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile. Le Garde des Sceaux ne saurait donc se prévaloir d’une situation d’urgence qu’il a lui-même créée pour prétendre qu’il y aurait urgence à exécuter la convention. Ce serait mettre le juge devant le fait accompli. De la même façon que le juge des référés apprécie l’urgence compte tenu de la diligence du requérant à le saisir (CE 26 mars 2001, Association Radio 2 couleurs, rec. T. p.1134), le juge doit s’assurer que le défendeur n’a pas créé artificiellement une situation d’urgence à exécuter la décision attaquée. Il ne peut donc être sérieusement soutenu qu’il y aurait un intérêt public à exécuter immédiatement la convention du 16 juin 2010.

4. Enfin, il y a urgence à suspendre les dispositions réglementaires de la convention du 16 juin 2010, en ce qu’elles font immédiatement obstacle à la communication électronique avec les tribunaux de grande instance, mise en place par le barreau de Marseille, et dont bénéficiaient déjà plus de 500 cabinets d’avocats. Le bâtonnier du barreau de Marseille a ainsi été contraint d’écrire au président du tribunal de grande instance pour l’alerter de l’arrêt des communications électroniques (imposé par la société Navista avec l'accord du CNB) et lui demander, en raison des difficultés techniques existantes, de suspendre tous les échanges électroniques entre l'ensemble des avocats du barreau de Marseille et le tribunal de grande instance de Marseille (lettre du 14 septembre 2010, prod.1). A ce jour, l'obligation d'utiliser le boîtier Navista comme méthode de connexion au RPVA résulte uniquement de la convention du 16 juin 2010 puisqu'en imposant le déplacement physique des avocats dans les bâtiments de l'Ordre (en cas de mutualisation des moyens de connexion), c'est l'architecture Navista qui est alors, indirectement imposée.

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Or, elle n'est pas sécurisée, pas adaptée à la structure des cabinets provinciaux, ni mobile et plus chère de plusieurs ordres de grandeur que celles de Paris ou de Marseille (cf. rapport Hattab). Loin de créer un dysfonctionnement du service public de la justice, la suspension des clauses réglementaires de la convention litigieuse permettra de recouvrer la liberté de connexion antérieure et ainsi favoriser la mise en place de la communication électronique tant devant les tribunaux de grande instance que devant les cours d'appel.

SUR L’EXISTENCE DE MOYENS PROPRES A CREER UN DOUTE SERIEUX QUANT A LA LEGALITE DE LA DECISION ATTAQUEE

III. A titre liminaire il convient de relever qu’il est acquis au débat que les stipulations de la convention du 16 juin 2010 dont la suspension est demandée ont un caractère réglementaire. Le Garde des Sceaux considère en effet qu’en signant cette convention le CNB a unifié les règles de la profession d’avocat (il a donc édicté des règles ; v. mémoire en défense du Garde des Sceaux, p. 8, al. 8, point 2.a). De même le CNB se prévaut, pour justifier sa compétence, de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui lui a reconnu un pouvoir règlementaire (mémoire en défense du CNB, p. 11, in fine).

IV. Sur l’incompétence du CNB pour édicter les clauses réglementaires attaquées

1. Le Garde des Sceaux et le CNB soutiennent que la définition du cadre de la communication électronique entre les avocats et les juridictions participerait à l’unification des règles de la profession d’avocat au sens de l’article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971.

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Selon le Garde des Sceaux, aux termes de l’article 17 de cette loi, les compétences dévolues aux conseils de l’ordre s’exerceraient sans préjudice des compétences du CNB. La compétence des conseils de l’ordre serait donc résiduelle par rapport à celle du CNB. En outre les conseils de l’ordre seraient compétents en matière informatique mais pas en matière de communication électronique avec les juridictions. Il n’en est rien. En premier lieu, la précision textuelle selon laquelle les compétences dévolues aux conseils de l’ordre s’exerceraient sans préjudice des compétences du CNB ne figure qu’à l’article 17. Le législateur qui n’a pas repris cette précision à l’article 18 a donc considéré que les compétences listées à l’article 18 étaient exercées exclusivement par les conseils de l’ordre. En deuxième lieu, l’informatique inclut nécessairement communication électronique, dont elle est une application.

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En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, les dispositions attaquées ne concernent que la manière de se connecter au RPVA, en aucun cas le RPVA lui-même, ni la plateforme "e-barreau", ni le point d'accès unique entre le RPVJ et le RPVA, a fortiori ni le RPVJ Il s’agit donc bien, au sens de l’article 18 de la loi du 31 décembre 1971, d’un problème d’intérêt commun aux avocats et à eux seuls. En quatrième lieu, il ressort des termes mêmes de l’article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 que le pouvoir réglementaire du CNB est limité à l’unification des « règles et usages de la profession d’avocat ». En d’autres termes, il ne peut s’agir que de normes relatives aux "us et coutumes" propres à la profession d’avocat. Le CNB est ainsi compétent pour édicter une règle selon laquelle l'avocat ne peut porter d'enchères pour des personnes qui sont en conflit d'intérêts, ou une règle permettant à l’avocat collaborateur de

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développer sa clientèle personnelle (CE 5 octobre 2007, Ordre des avocats du barreau d’Evreux, req. n° 282321, rec. p. 411). Il s’agit là de normes spécifiques à l’exercice de la profession d’avocat, profession par nature libérale, qui doit s’exercer dans le respect des intérêts éventuellement conflictuels des clients. Mais le choix d’une solution technologique en matière de communication électronique ne saurait être qualifié de « règle ou usage de la profession », ce choix n’étant pas inhérent à la profession d’avocat.

En outre, il ressort de la jurisprudence du Conseil d’Etat (v. par ex. CE 17 novembre 2004, Société d'exercice libéral Landwell et associés, req. n° 268075, rec. p 427) que le CNB ne peut fixer des règles : - qui n’ont aucun fondement dans les règles législatives ou dans celles fixées par les décrets en Conseil d'Etat prévus par l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 ; or en l’espèce le Garde des Sceaux souligne lui-même qu’il n’existe pas de standard normatif en matière de sécurité des communications, v. mémoire du Garde des Sceaux, p. 10, al. 7 et suivants) ; - qui ne seraient pas une conséquence nécessaire d'une règle figurant au nombre des traditions de la profession. Or force est de constater qu’aucune tradition de la profession d’avocat ne saurait avoir pour conséquence nécessaire de contraindre les avocats à communiquer avec les juridictions en ayant recours à un algorithme de type AES 256 bits et en souscrivant un abonnement pour la location d’un boîtier VPN.

Par ailleurs, dans son récent rapport d’étape sur la gouvernance, le CNB réclame l’attribution d’une compétence qui lui permettrait de « déterminer les choix technologiques de la profession » (v. extraits du rapport d’étape du groupe de travail « gouvernance » du 18 juin 2010, p. 28, prod. 2). Le CNB a donc lui-même admis qu’en l’état des textes il ne disposait pas d’une telle compétence.

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2. Enfin, selon le Garde de Sceaux, les ordres ne pourraient critiquer la présente convention alors que les deux précédentes, très semblables, n’auraient fait l’objet d’aucun recours. Ces deux premières conventions ne comportaient toutefois aucune des restrictions et anomalies qui figurent dans la convention du 16 juin 2010 (la mise en place d’une solution technologique contraignante et inadaptée, rendue obligatoire pour les avocats et les barreaux ; l’obligation de se déplacer physiquement à l'Ordre ; un régime dérogatoire au bénéfice du barreau de Paris). Ces restrictions nouvelles sont apparues le 16 juin 2010 et justifient pleinement la requête des exposants. En d’autres termes, ce n'est pas la convention dans son ensemble qui est critiquée, mais uniquement les dispositions nouvelles et discriminatoires apparues le 16 juin 2010.

V. Sur la méconnaissance par le CNB des clauses de son règlement intérieur.

1. Le Garde des Sceaux soutient qu’il n’était pas tenu de vérifier que le Président du CNB avait rempli les obligations de son règlement intérieur. L’argument est sans portée dans la mesure où il n’est pas reproché au Garde des Sceaux de ne pas avoir effectué des vérifications, il est simplement constaté que l’un des co-signataires n’étant pas habilité et que la convention n’a donc pas été valablement signée.

2. Le Garde des Sceaux soutient encore que les exposants ne sauraient se prévaloir du règlement intérieur d’une personne privée dont ils ne sont pas membres. Mais ce document est plus qu’un simple document purement interne dans la mesure où l’article 38 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat prévoit expressément que « les modalités de fonctionnement du Conseil national des barreaux sont

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fixées par un règlement intérieur arrêté en assemblée générale et communiqué au garde des sceaux, ministre de la justice ».

3. Le CNB soutient quant à lui que les dispositions de l’article 7.4 de son règlement intérieur ne seraient pas applicables à une convention, mais uniquement les décisions unilatérales à caractère normatif. Cette objection est purement formelle. En effet dans la mesure où une décision de nature réglementaire est édictée par le CNB, elle est régie par les dispositions de l’article 7.4 de son règlement intérieur, celui-ci ne distinguant pas selon l’origine contractuelle ou unilatérale de la décision.

4. Le CNB soutient également que son président aurait pu valablement signer la convention du 16 juin 2010, sur le fondement des pouvoirs qu’il tire de l’article 8.2 du règlement intérieur qui prévoit que le président a qualité pour agir au nom du CNB dans tous les actes de la vie civile et pour représenter le CNB auprès des pouvoirs publics. Contrairement à ce que soutient le CNB, l’article 8.2 du règlement intérieur n’est pas un fondement suffisant dans la mesure où la convention du 16 juin 2010 n’est pas acte de la vie civile du CNB (puisqu’elle contient des normes générales applicables à tous les avocats de France, à l’exception de ceux du barreau de Paris). Par ailleurs les dispositions de l’article 8.2. du règlement intérieur ne peuvent être interprétés comme autorisant le président à signer toute convention avec les pouvoirs publics dans le cadre de pouvoirs de représentation du CNB devant les pouvoirs publics. Une telle lecture du règlement intérieur priverait les quatre-vingt un autres membres du CNB de tout pouvoir, en méconnaissance des dispositions du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.

VI. Sur l’erreur manifeste d’appréciation. 1. Le Garde des Sceaux soutient qu’aucune norme générale ne saurait être opposée aux mesures de sécurité retenues ; que les requérants ne

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sauraient reprocher un niveau trop élevé de sécurité dans les communications électroniques avec les juridictions ; et qu’au demeurant, la critique serait inopérante dans la mesure où les requérants ne soutiennent pas que la sécurité des communications ne serait pas assurée par le dispositif choisi par le CNB. Contrairement à ce que soutient le Garde des Sceaux, l’erreur manifeste d’appréciation peut résider dans un excès de sécurité, dans la mesure où elle entraîne un coût excessif pour les usagers et une restriction non justifiée de la concurrence. En outre et surtout, les exposants ont d’ores et déjà fait valoir que la sécurité du dispositif retenu par le CNB n’était pas assurée. Il suffit à cet égard de se reporter aux pages 60 et 61 du rapport Hattab qui relève notamment que la société Navista n’apporte aucune démonstration sur le protocole utilisé et sa mise en œuvre ; qu’il n’y a aucun élément établi par un tiers indépendant qui justifie de la qualité du boîtier, notamment sur ses performances en termes de sécurité ; qu’il conviendrait au minimum que Navista présente un Certificat de sécurité de premier niveau (CSPN) ; et que Navista ne dispose pas d’un grand retour d’expérience qui permettrait d’apprécier et d’améliorer sa sécurité.  

2. Le Garde des Sceaux soutient également que compte tenu du niveau moyen de la rémunération des avocats, de 60.900 euros, le surcoût imposé ne serait entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation. Mais le revenu moyen des avocats n’est pas pertinent dans la mesure où il ne reflète pas la réalité des cabinets d’avocats concernés par les stipulations attaquées. En effet, les cabinets parisiens, qui ne sont pas concernés par la convention, concentrent les plus hauts revenus. En 2006, le revenu moyen à Paris s’est ainsi établi à 98.071 euro, il est ainsi environ 60 % supérieur au revenu moyen constaté en province (v. extraits du rapport de l’Observatoire du Conseil national des barreaux, pour l’année 2008, p. 42, prod.3).

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3. Le CNB se prévaut quant à lui du système « Aramis » mis en place au Conseil d’Etat. La comparaison est précisément édifiante dans la mesure où le Conseil d’Etat lui-même n’a pas estimé utile - semble-t-il - de mettre en place des tunnels VPN et un cryptage utilisant un algorithme de type AES 256 bits entre les ordinateurs portables des magistrats et la plate-forme informatique du Conseil d’Etat.

VII. Sur l’atteinte au droit de la concurrence 1. Le Garde des Sceaux soutient que les stipulations litigieuses n’auraient aucun effet sur la concurrence dans la mesure où le choix de la société Navista aurait précédé la conclusion de la convention du 16 juin 2010. Le CNB fait également valoir que le contentieux engagé à l’encontre de la convention du 16 juin 2010 ne permettrait pas de contester le contrat conclu le 10 octobre 2007 entre l’association CNB. Com et Navista. En outre, selon le Garde des Sceaux, le surcoût imposé ne serait pas d’un ordre de grandeur suffisant pour fausser la concurrence.

2. En premier lieu, l’ordre de grandeur est de nature à fausser la concurrence : les avocats parisiens supporteront en effet 0.38 € par mois (et leurs revenus sont plus élevés qu'en province) tandis que les provinciaux supporteront 32 € / mois (auxquels il faut ajouter 69 € de mise en service et entre 169 et 200 € pour le paramétrage).

3. Par ailleurs, la circonstance que le choix de la société Navista ait pu précéder la conclusion de la convention du 16 juin 2010 est indifférente dans la mesure où la convention ne désigne nulle part expressément la société Navista. Le CNB pourrait donc, en application de ces stipulations, recourir à un autre prestataire que la société Navista.

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4. A titre subsidiaire, si le Conseil d’Etat considère que la société Navista est désignée par la Convention, les exposants excipent de l’illégalité des dispositions réglementaires de cette convention du 10 octobre 2007.

4.1. En effet les clauses du contrat de prestation de service de liaison sécurisée et de télémaintenance conclu le 10 octobre 2007 qui sont opposées aux exposants présentent un caractère réglementaire. Cet accord a pour objet de définir et de prévoir les modalités techniques de mise en place d'un système de communication ayant vocation à concerner tous les avocats de France, et qui s’imposent à eux en leur qualité d’ « abonnés », pour leur permettre d’accéder au RPVA. Ces stipulations engagent l’ensemble de la profession quant au choix des moyens et de la technique utilisée pour accéder aux informations relatives aux procédures judiciaires en cours, et imposent des sujétions aux avocats. Ont à cet égard un caractère réglementaire, les dispositions suivantes : - l’article 1, en ce qu’il définit : l’ « abonné » comme étant « l’avocat personne morale ou physique qui souscrit un abonnement auprès de l’association CNB.COM pour accéder au service RPVA » ; le « service » comme étant le « service fourni par l’association CNB.COM comprenant une liaison sécurisée chiffrée de type VPN et l’accès au RPVA ainsi que la fourniture de prestations associées » ; la « liaison sécurisée » comme étant le «mode d’acheminement via internet des flux d’information entre les cabinets et la plateforme RPVA utilisant un algorithme de chiffrement des données fourni par la société Navista sous forme de logiciels et de matériels communicants connectés d’une part au routeur internet des cabinets et d’autre part au routeur du réseau informatique de type Ethernet, auquel la

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plateforme RPVA est connectée », et renvoie à l’annexe 2 (indiquée par erreur comme étant l’annexe 3) pour la description. - l’article 2, en ce qu’il définit l’objet du contrat, à savoir la fixation des « règles applicables à la fourniture des prestations de services par la société Navista aux abonnés » ; - l’article 3, en ce qu’il attribue l’exclusivité de la fourniture du service à la société Navista ; - l’article 4, en ce qu’il fixe la durée du contrat à 5 ans ; - l’article 7, en ce qu’il est relatif au paramétrage et à l’installation des équipements dans les cabinets d’avocats ; - l’article 8, en ce qu’il est relatif à l’administration et à la maintenance du service après vente ; - l’article 15, en ce qu’il est relatif au service de télé-assistance et de support technique ; - l’annexe 2, en ce qu’il décrit le système de liaison sécurisé.

Ces stipulations ont un caractère réglementaire.

4.2. Les clauses réglementaires de la convention du 10 octobre 2007, bien que conclue par l’association CNB.com, ont en outre été édictées par le CNB. Une association, personne morale de droit privé, lorsqu’elle ne constitue qu’un « faux-nez » d’une autre personne morale doit être, en effet, considérée comme une association transparente. Le Conseil d’Etat considère en ce sens, s’agissant des associations para-administratives que « lorsqu'une personne privée est créée à l'initiative d'une personne publique qui en contrôle l'organisation et le fonctionnement et qui lui procure l'essentiel de ses ressources, cette personne privée doit être regardée comme transparente et les contrats qu'elle conclut pour l'exécution de la mission de service public qui lui

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est confiée sont des contrats administratifs » (CE 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt, req. n°281796, rec. p.130) . Une personne publique ne peut ainsi échapper aux règles de la commande publique en créant une association « écran ». Dans l’affaire précitée, le Conseil d’Etat a considéré « que dès lors que la cour a jugé que l'association pour la gestion de la patinoire et de la piscine de Boulogne-Billancourt devait être regardée comme un service de la Commune de Boulogne-Billancourt, elle n'a pas commis d'erreur de droit en qualifiant le contrat conclu avec la société Mayday Sécurité, eu égard à son objet, de marché public de services » (CE 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt, préc.). Cette jurisprudence doit être étendue aux personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public. Le Conseil d’Etat a en effet déjà appliqué au CNB sa jurisprudence Alitalia (CE 5 octobre 2007, Ordre des avocats du barreau d’Evreux, req. n° 282321, rec. p. 411).

En l’espèce, les critères de l’association transparente sont remplis :

a) l’association CNB.com a été créée à l’initiative du CNB ; L’objet de l’association CNB.com est d’ailleurs essentiellement de « mener toutes activités susceptibles de favoriser le développement et le rayonnement du Conseil National des Barreaux » (statuts de l’association CNB.com, art. 2, prod.4).

b) le CNB contrôle l’organisation et le fonctionnement de l’association CNB.com ; En effet aux termes de l’article 5 des statuts : « L’association est dirigée par trois membres, un président, un trésorier et un secrétaire.

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L’association CNB.COM étant étroitement liée au Conseil National des Barreaux : - le président de l’association CNB.COM est le président du Conseil National des Barreaux en exercice, - le secrétaire de l’association CNB.COM est le secrétaire du Conseil National des Barreaux en exercice, - le trésorier de l’association CNB.COM est le trésorier du Conseil National des Barreaux en exercice. »

c) Le CNB procure à l’association CNB.com l’essentiel de ses ressources. Les statuts ne précisent pas quelles sont les ressources de l’association. Il est toutefois clair que ces ressources proviennent du CNB dès lors que l’association est « hébergée » au CNB (art. 3 des statuts, prod.4 ; cette même adresse est rappelée en première page du contrat conclu le 10 octobre 2007 entre l’association et la société Navista). En outre, l’existence de la convention de porte fort conclue le 10 octobre 2007 et à laquelle est annexée la convention conclue le 10 octobre 2007 entre l’association CNB.com et Navista confirme, s’il en était besoin que l’association CNB.com n’a d’autres ressources que celles qui lui sont fournies par le CNB. La convention conclue le 10 octobre 2007 entre l’association CNB.com, association transparente, et la société Navista doit donc être regardée comme ayant été conclue entre le CNB et la société Navista.

En outre, et en tout état de cause, le contrat de prestation de service de liaison sécurisée et de télémaintenance conclu le 10 octobre 2007 a été signé par l’association CNB.com en qualité de mandataire du CNB. La convention de porte-fort conclue le 10 octobre 2007 par le CNB avec la société Navista du CNB, et à laquelle est annexée la convention conclue le 10 octobre 2007 entre l’association CNB.com et

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la société Navista, donne en effet la définition suivante de l’association CNB.com : « association loi 1901 dont le siège social est 22 rue de Londres à Paris (75009) mandatée par le Conseil National des Barreaux pour la mise en œuvre auprès des cabinets d’avocats du déploiement de l’accès réseau notamment par la centralisation des commandes d’abonnement » (convention de porte-fort conclue le 10 octobre 2, art. 1, p. 2, prod. 5).

A tous égards, le contrat de prestation de service de liaison sécurisée et de télémaintenance conclu le 10 octobre 2007 entre l’association CNB.com et la société Navista doit donc être regardé comme conclu entre le CNB et la société Navista.

4.3. Les clauses réglementaires de la convention du 10 octobre 2007 sont illégales au même titre que les clauses réglementaires de la convention du 16 juin 2010 : le CNB était incompétent pour les édicter ; il a méconnu les dispositions de son règlement intérieur relatives à l’adoption des décisions à caractère normatif ; et ces clauses sont entachées d’erreur manifeste d’appréciation, les modalités techniques d’accès au système de communication mettant en lien les avocats et les juridictions étant disproportionnées aux besoins des juridictions et des avocats.

4.4. En outre, les clauses réglementaires de la convention du 10 octobre 2007 sont illégales, faute de mise en concurrence préalable, en méconnaissance des dispositions de l’ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics et de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

Certaines personnes publiques ou privées, bien que non assujetties au code des marchés publics, sont en effet soumises à des obligations de

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mise en concurrence imposées par le droit communautaire. Ces organismes relèvent du régime de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics et de ses décrets d’application. Aux termes de l’article 1er de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 : « Sont soumis aux dispositions de la présente ordonnance les marchés et les accords-cadres définis ci-après. Les marchés sont les contrats conclus à titre onéreux avec des opérateurs économiques publics ou privés par les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 3 ou les entités adjudicatrices définies à l'article 4, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services.(…) »

Aux termes de l’article 3 de cette même ordonnance : I. - Les pouvoirs adjudicateurs soumis à la présente ordonnance sont: 1° Les organismes de droit privé ou les organismes de droit public autres que ceux soumis au code des marchés publics dotés de la personnalité juridique et qui ont été créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, dont : a) Soit l'activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ; b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ; c) Soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur soumis au code des marchés publics ou à la présente ordonnance ;

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Ces dispositions sont la transposition du point 9 de l’article 1er de la Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services. La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE, anc. CJCE), a tout d’abord rappelé que la liste de pouvoirs adjudicateurs énumérés en annexe de la directive, n’était pas limitative (CJCE, Hans & Christophorus Oymanns GbR, Orthopädie Schuhtechnik, contre AOK Rheinland/Hamburg, n° C-300/07, paragraphe 45). La Cour s’est ensuite prononcée à deux reprises au moins sur l’interprétation qu’il convenait de donner au c) du 9, relatif au critère du financement. Au paragraphe n°51 de la décision précitée, la Cour, appliquant des critères dégagés par une décision précédente, rappelle que la directive : n’exige pas que l’activité des organismes considérés soit financée directement par l’État ou par une autre entité publique afin que la condition en question soit remplie. Un mode de financement indirect est donc suffisant à cet égard (voir, précédemment en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a., C-337/06, Rec. p. I-11173, points 34 et 49). De la combinaison de ces deux décisions, il ressort que la Cour applique le faisceau d’indices suivant pour identifier un pouvoir adjudicateur : -

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des ressources assurées par des cotisations à caractère obligatoire pour les assujettis ; l’absence de contrepartie directe à ces ressources, ce qui fait que les cotisations ne peuvent être requalifiées en prix, c'est-àdire en la contrepartie d’une prestation de services ; un taux de cotisations fixé par l’organisme à qualifier, avec la réserve que cet organisme ne saurait fixer ce taux à un seuil inférieur ou supérieur à ce qui lui est nécessaire pour équilibrer son budget, s’agissant d’organismes à but non lucratif ; une autorisation du pouvoir de tutelle pour fixer le taux des cotisations ;

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un mode de recouvrement faisant intervenir des prérogatives de puissance publique.

Le financement trouve sa genèse dans des actes de l’Etat, en tant qu’il est prévu par la loi. Il est garanti par les pouvoirs publics en tant que la loi prévoit que ces cotisations sont obligatoires, et le mode de recouvrement relève de dispositions de droit public en tant que l’organisme créancier n’a pas à recourir au juge, pour contraindre le débiteur à s’acquitter de sa dette. La CJUE précise dans son arrêt du 13 décembre 2007 qu’est obligatoire, la cotisation qui n’est pas « le fruit d’une relation contractuelle » entre le créancier et le débiteur. Elle y précise également ce qu’il faut exactement entendre par « mode de recouvrement relevant du droit public ». Dès lors que l’organisme, pour assurer le recouvrement de ses cotisations, dispose d’un privilège du préalable, donc de prérogatives de puissance publique et n’est pas tenu de s’adresser au juge pour constituer débiteur l’assujetti, alors le mode de recouvrement relève du droit public.

Les critères dégagés par la Cour s’appliquent parfaitement au CNB.

L’article 37 Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat dispose en effet que : « Le Conseil national des barreaux établit son budget de fonctionnement. Ses ressources sont constituées notamment par une cotisation annuelle à la charge des avocats inscrits à un tableau. Le Conseil national des barreaux fixe chaque année le montant des cotisations et leurs modalités de paiement. » Le principe des cotisations et de leur caractère obligatoire se trouve donc directement inscrits dans la loi. Le CNB a reçu le pouvoir de fixer non seulement le taux mais également l’assiette des cotisations.

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L’article 12.2. du règlement intérieur du CNB prévoit que : « L'assemblée générale fixe, lors de l'adoption du budget prévisionnel, le montant de la cotisation annuelle incombant, au 1er janvier de ladite année civile, à chaque avocat inscrit à un tableau ou sur la liste du stage. Le montant de la cotisation est fixé par avocat. Le montant de la cotisation annuelle et les modalités de paiement au Conseil national sont notifiés aux barreaux. La matière est régie par les dispositions de l'article 17.10 de la loi et des articles 37 et 105 du décret. » A aucun moment il n’est prévu que les cotisations sont fixées au regard des prestations fournies à chaque avocat. Elles sont dues, du seul fait de l’inscription au tableau et non du fait de la consommation d’un quelconque service, et leur montant dépend en réalité de l’ancienneté de l’avocat. Enfin, le 10 de l’article 17 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que : « Le conseil de l'ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits. Sans préjudice des dispositions de l'article 21-1, il a pour tâches, notamment : 10° D'assurer dans son ressort l'exécution des décisions prises par le Conseil national des barreaux ; » Comme l’indique l’article 12.2. précité du règlement du CNB luimême, cette disposition législative s’applique aux décisions du CNB en matière de cotisations. A cet égard, l’Ordre peut, à titre de sanction, omettre du tableau l’avocat qui n’acquitte pas les cotisations du CNB (art . 105 de décret du 27 novembre 1991).

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On voit donc que peut, sans l’intervention préalable d’un juge, être omis du tableau, l’avocat qui inscrit à ce tableau n’a pas déféré aux décisions du CNB en matière de cotisations. La possibilité de sanctions prononcée par l’Ordre, au nom et pour le compte en quelque sorte du CNB, puisque l’ordre, ce faisant, assure l’exécution des décisions du CNB, doit être regardée comme investissant le CNB de prérogatives de puissance publique en matière de recouvrement de ses cotisations. On en déduit que le CNB est bien un pouvoir adjudicateur au sens de la directive et de l’ordonnance du 6 juin 2005. Il était donc soumis, pour la passation du contrat avec Navista, au respect des dispositions des dispositions de l’ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics et du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 relatif aux pouvoirs adjudicateurs.

VIII. Sur la rupture d’égalité entre les avocats du barreau de Paris et les avocats du reste de la France Le Garde des Sceaux soutient que le barreau de Paris ne serait pas dans la même situation que les autres dans la mesure où il avait d’ores et déjà développé une solution « fiable » qui concerne 41 % des avocats de France. Cette ancienneté n’est toutefois pas de nature à justifier une différence de traitement dans la mesure où la situation des avocats doit s’apprécier à la date du 1er janvier 2011, à laquelle les tribunaux de grande instance commenceront à rendre obligatoire la communication électronique.

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PAR CES MOTIFS, et tous autres à produire, déduire ou suppléer au besoin même d’office, les exposants persistent dans les précédents conclusions.

Patrice SPINOSI Avocat au Conseil d’Etat

Productions :

1. lettre du bâtonnier du barreau de Marseille du 14 septembre 2010 ; 2. extraits du rapport d’étape du « gouvernance » du 18 juin 2010 ;

groupe

de

travail

3. extraits du rapport de l’Observatoire du Conseil national des barreaux, pour l’année 2008 ; 4. statuts de l’association CNB.com ; 5. convention de porte-fort conclue le 10 octobre 2007 entre le CNB et la société Navista.