CanLII - 2005 CF 1571 (CanLII)

21 nov. 2005 - Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 1999 CanLII 699. (CSC). Hawthorne c. ..... LE 15 NOVEMBRE 2005. MOTIFS DE ...
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Malekzai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1571 (CanLII) Date :

2005-11-21

Dossier :

IMM-1131-05

URL :

http://canlii.ca/t/1nk2d

Référence : Malekzai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1571 (CanLII), consulté le 2013-10-29 Suivi

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Législation citée (disponible sur CanLII) Immigration et la protection des réfugiés, Règlement sur l', DORS/2002-227 — 15 Immigration et la protection des réfugiés, Loi sur l', LC 2001, c 27 — 35(1); 112; 113

Décisions citées Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC) Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 475 (CanLII) Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 125 (CanLII) Malekzai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1099 (CanLII)

Date : 20051121 Dossier : IMM-1131-05 Référence : 2005 CF 1571 ENTRE : SULTAN MOHAMED MALEKZAI

demandeur et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION défendeur MOTIFS DE L'ORDONNANCE LE JUGE HUGHES [1] La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 2 février 2005 par laquelle un agent de Citoyenneté et Immigration Canada a estimé qu'il n'y avait pas suffisamment de motifs d'ordre humanitaire pour justifier l'examen de la demande de résidence permanente au Canada présentée pour le compte du demandeur, Ahmad Sharif Malekzai. [2] Le demandeur affirme être citoyen de l'Afghanistan. Il est entré au Canada en 1995 après avoir séjourné en Allemagne et dans l'ex-Union Soviétique. Il affirme être originaire de Kaboul, en Afghanistan. À son arrivée au Canada, il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Par une décision datée du 17 décembre 1996, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a refusé la revendication présentée par le demandeur. La Commission a estimé qu'elle ne disposait d'aucun élément de preuve digne de foi permettant de conclure que le demandeur était effectivement originaire de l'Afghanistan. La Commission a ajouté que, même si le demandeur était originaire de l'Afghanistan, il avait adhéré au KHAD alors qu'il travaillait dans l'unité des parachutistes de l'armée où son père était un officier haut gradé. Il a été établi en preuve que le KHAD était une organisation qui visait principalement des fins limitées et brutales. Le demandeur n'a vraisemblablement jamais essayé de quitter le KHAD pendant toute l'existence de cette organisation. [3] Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des raisons d'ordre humanitaire alors qu'il se trouvait au Canada. Il avait épousé une citoyenne canadienne et ils avaient un enfant né au Canada. Le demandeur affirme avoir lancé au Canada une petite entreprise prospère. Cette demande a été rejetée pour insuffisance des motifs dans une décision rendue par une agente d'immigration le 23 avril 2003. Le demandeur a saisi la Cour fédérale d'une demande de contrôle judiciaire de cette décision. La Cour fédérale lui a donné raison dans une décision rendue le 10 août 2005, dans le dossier IMM-3400-03. Le juge O'Keefe s'est dit convaincu, dans cette décision, que l'agente d'immigration n'avait pas pris en compte la possibilité que le demandeur soit interdit de territoire lorsqu'elle avait examiné l'intérêt supérieur de l'enfant né au Canada, et il a estimé qu'une appréciation valable des difficultés que pouvait subir l'enfant ne pouvait exclure la durée de la séparation de l'enfant et de ses parents, en particulier compte tenu de la situation du pays en Afghanistan, où il était déraisonnable de penser que sa femme et sa fille pourraient lui rendre visite. [4] Le dossier du demandeur a été déféré à un autre agent qui, dans une décision er datée du 1 février 2005, a lui aussi rejeté la demande au motif qu'il n'y avait pas suffisamment de motifs justifiant une exception à l'application, au demandeur, de l'obligation de présenter sa demande de résidence permanente fondée sur des raisons

d'ordre humanitaire de l'intérieur du Canada, et l'a obligé à suivre la procédure habituelle. [5] Le cas du demandeur est unique. La Section du statut de réfugié a refusé, dans sa décision du 17 décembre 1996, de lui reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention. Or, il semble que cette décision repose sur des motifs subsidiaires. La Commission a d'abord invoqué le fait qu'elle ne disposait d'aucun élément de preuve digne de foi permettant de conclure que le demandeur était effectivement originaire de l'Afghanistan. La Commission a ajouté, à titre subsidiaire, que le demandeur était membre du KHAD, une organisation qui visait principalement des fins limitées et brutales. Voici ce que la Commission déclare, aux pages 5 et 6 de ses motifs : Ainsi, le tribunal ne dispose d'aucun élément de preuve digne de foi permettant de conclure que le demandeur est effectivement originaire de l'Afghanistan. Subsidiairement, même si le tribunal croit que le demandeur est digne de foi et qu'il est originaire de l'Afghanistan, il a reconnu lors de l'audience qu'il a reçu le statut de membre du KHAD alors qu'il travaillait dans l'unité des parachutistes de l'armée où son père était un officier haut gradé. Son poste relève du KHAD et en fait partie. À ce titre, il pourrait bien craindre d'être persécuté s'il retournait en Afghanistan aujourd'hui. Cependant, même s'il a nié avoir participé aux activités cruelles et infâmes de torture et aux activités répressives menées par le KHAD, dont il était au courant, sa seule appartenance à un tel groupe, qui a été jugé se consacrer principalement à des fins « inhumaines, cruelles » , pourrait suffire pour que l'exclusion soit applicable à son cas. Il avait été membre du KHAD depuis 1987 et il s'y était joint volontairement. Le demandeur n'a jamais tenté de quitter le KHAD tout au long de son existence. En fait, il a admis que son emploi au service du KHAD était une forme de protection sous le régime antérieur. Il aurait pu quitter le KHAD mais il y est resté par intérêt personnel. Le tribunal a respectueusement suivi la décision de la Cour fédérale dans Zadeh c. M.C.I. et a adopté la jurisprudence dans les décisions antérieures CRDD T93-04927 et T93-10912. Dans Zadeh, la cour a confirmé la décision dans CRDD T93-04927 selon laquelle le KHAD « visait principalement des fins limitées et brutales » et une personne qui avait une participation minimale dans le KHAD (un préposé à l'entretien ménager / réceptionniste, plus tard promu au rang de chauffeur et garde du corps à temps partiel qui n'avait jamais pris part aux actes brutaux de l'organisation) et en était simplement membre, ayant eu connaissance des actes de cruauté du KHAD et n'ayant pas tenté de quitter plus tôt lorsqu'elle en avait la chance, a été jugée susceptible d'exclusion en vertu de l'alinéa a) de la section F de l'article premier. En conséquence, le demandeur est exclu en conformité avec l'alinéa a) de la section F de l'article premier. [6] Le demandeur nie maintenant avoir été membre du KHAD et affirme qu'il poursuivait des études en Russie au moment des faits. Cette question ne m'a toutefois pas été soumise. [7] En janvier 1998, le demandeur a épousé une citoyenne canadienne et, en mars 1998, il a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Cette demande a été refusée et le contrôle judiciaire a été rejeté. [8] En octobre 2000, le demandeur a déposé une autre demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire depuis le Canada. Au moment de l'examen de cette demande, le demandeur et sa femme avaient un enfant né au Canada. Cette demande a été rejetée en avril 2003. La Cour fédérale a été saisie d'une demande de contrôle judiciaire qu'elle a accueillie le 11 août 2004. La Cour a renvoyé l'affaire à la Commission pour qu'elle rende

une nouvelle décision 2004 CF 1099 (CanLII), (2004 CF 1099). Voici les propos qu'a tenus le juge O'Keefe, de notre Cour, aux paragraphes 60 à 65 de cette décision : [60] Je suis convaincu que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire n'a pas pris en compte la possibilité que le demandeur soit interdit de territoire lorsqu'elle a examiné l'intérêt supérieur de son enfant née au Canada. Je souhaite établir clairement que je ne dis pas que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire aurait dû rendre une décision à l'égard de la question de l'interdiction de territoire du demandeur au Canada étant donné qu'il n'appartient pas aux agents chargés d'examiner des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire de rendre une décision à cet égard. L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire aurait dû cependant prendre en compte, à titre de facteur, la possibilité que le demandeur soit interdit de territoire lorsqu'elle a examiné l'intérêt supérieur de l'enfant, en particulier étant donné que l'article 15 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, prévoit que les conclusions de fait tirées par la Commission à l'égard des crimes de guerre sont probantes à l'égard des décisions subséquentes touchant l'interdiction de territoire. [61] La directive de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Hawthorne, précité, est qu'un agent chargé d'examiner une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire est tenu de décider « du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d'un parent exposera l'enfant » et de pondérer ce degré par rapport aux autres facteurs. Bien que je partage l'opinion selon laquelle l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire n'est pas tenue de rendre une décision à l'égard de la question de l'interdiction de territoire, ou qu'elle n'a pas le pouvoir de le faire, le fait qu'elle n'a pas pris en compte le régime législatif de la LIPR a entraîné une appréciation totalement artificielle du degré de difficultés que subira l'enfant du demandeur. Une appréciation valable des difficultés ne pouvait pas omettre de prendre en compte la durée de la séparation de l'enfant et de son parent, en particulier compte tenu de la situation du pays en Afghanistan. [62] Le raisonnement effectué par l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire mentionnait en outre que l'épouse et la fille du demandeur pourraient lui rendre visite en Afghanistan ou l'y rejoindre. Toutefois, la documentation sur la situation dans le pays dont disposait l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire mentionnait une situation extrêmement dangereuse dans ce pays et, en fait, le gouvernement canadien a émis un avis aux voyageurs énonçant que les Canadiens ne devraient pas se rendre en Afghanistan. Il était, par conséquent, déraisonnable pour l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire d'affirmer que l'épouse et la fille du demandeur pourraient lui rendre visite en Afghanistan. [63] Si une partie du raisonnement effectué par l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire pour arriver à conclure qu'il n'y avait pas suffisamment de motifs d'ordre humanitaire pour justifier que soit accordée au demandeur une dispense dépendait d'une conclusion selon laquelle sa famille pourrait lui rendre visite en Afghanistan ou d'une conclusion selon laquelle sa famille pourrait s'y installer, il est nécessaire que ces conclusions soient d'une certaine façon fondées sur la preuve. L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, lors du contre-interrogatoire, a reconnu que l'Afghanistan ne serait pas un endroit sécuritaire pour un enfant. Je ne vois, dans la décision écrite de cette agente, aucun examen explicite à l'égard des conditions dans le pays même si elle disposait de beaucoup

de documentation sur cette question. [64] Mon raisonnement sur cette question ne va pas aussi loin que l'imposition aux agents chargés d'examiner des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire d'une obligation générale d'analyser les conditions du pays même lorsque les risques n'ont pas été invoqués par un demandeur. Cependant, lorsque le motif énoncé par l'agent pour avoir refusé une demande est fondé sur la possibilité que surviennent certains événements, ces événements ne doivent pas être qu'illusoires. Lorsque les conditions du pays sont comme elles le sont en Afghanistan, il est déraisonnable pour l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire d'appuyer sa décision sur le fait que la famille sera capable de se réunir dans ce pays s'il n'est pas sécuritaire de le faire. [65] Je suis d'avis que la décision de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire était déraisonnable étant donné qu'elle n'était pas réceptive, attentive et sensible à l'intérêt supérieur de l'enfant du demandeur née au Canada. Je n'ai pas de façon de savoir ce qu'aurait pu être la décision de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire si elle avait pris en compte ce que provoquerait une séparation si le demandeur devait être déclaré interdit de territoire au Canada. [9] :

Le nouvel agent chargé de réexaminer la demande a donc reçu pour directives

- de tenir compte de la possibilité que le demandeur soit interdit de territoire au Canada lors de l'évaluation de l'intérêt supérieur de l'enfant; - de ne pas omettre de prendre en compte la durée de la séparation de l'enfant et de ses parents, en particulier compte tenu de la situation du pays en Afghanistan; - de considérer qu'il était déraisonnable d'affirmer que l'épouse et la fille du demandeur pourraient rendre visite à ce dernier en Afghanistan; - de tenir compte de la situation du pays en Afghanistan; - de considérer qu'il est déraisonnable, lorsque les conditions du pays sont comme elles le sont en Afghanistan, d'appuyer sa décision sur le fait que la famille sera capable de se réunir dans ce pays s'il n'est pas sécuritaire de le faire; - de tenir compte des effets d'une séparation si le demandeur devait être déclaré interdit de territoire au Canada. [10] Au moment où le juge O'Keefe a rendu sa décision, le demandeur était interdit de territoire en vertu de l'alinéa 35(1)a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), L.C. 2001, ch. C-27, et de l'article 15 du règlement d'application de la Loi, parce qu'il avait été conclu qu'il faisait partie du KHAD. Bien qu'il soit quand même loisible au ministre d'admettre certaines personnes au Canada en vertu des articles 112 et 113 de la LIPR, ces dispositions ne s'appliquent pas à une personne dont il a été constaté qu'elle fait partie d'une organisation comme le KHAD. [11]

S'il est expulsé du Canada, le demandeur ne peut donc pas y revenir.

[12]

Dans l'intervalle, un examen des risques avant le renvoi (ERAR) a été entrepris

relativement à son retour possible en Afghanistan. Le 20 juillet 2004, il a été jugé que le demandeur serait exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s'il devait retourner en Afghanistan. [13] En somme, si le demandeur est renvoyé en Afghanistan, il ne peut rentrer au Canada et, s'il est renvoyé en Afghanistan, il risque d'y être tué ou torturé. [14] Entretemps, le demandeur et sa femme ont eu un second enfant en août 2005. L'épouse du demandeur a une certaine formation en comptabilité ou en tenue de livres, mais dans le passé, elle n'avait pas de revenus suffisants pour subvenir aux besoins de deux enfants en bas âge. La preuve ne permet pas de penser que le demandeur et sa femme peuvent compter sur l'aide de leur famille ou de leurs amis. [15] La décision à l'examen est celle qu'a rendue un agent de Citoyenneté et Immigration Canada le 2 février 2005. L'avocat du demandeur formule quatre questions au sujet de cette décision : 1. L'agent a-t-il ignoré ou méconnu le fait que, s'il était renvoyé du Canada, le demandeur ne pourrait pas y revenir ? 2. L'agent a-t-il appliqué une méthode véritablement équilibrée en examinant l'intérêt supérieur des enfants ? 3. L'agent a-t-il ignoré le fait que le demandeur possédait une petite entreprise prospère au Canada ? L'avocat du demandeur n'a pas insisté davantage sur ce point. 4. Existe-t-il une crainte véritable de partialité en raison du fait que l'agent relevait de la Direction générale des crimes de guerre de l'Agence des services frontaliers du Canada ? [16]

Ces questions seront examinées à tour de rôle.

QUESTION 1- L'agent a-t-il ignoré ou méconnu le fait que, s'il était renvoyé du Canada, le demandeur ne pourrait pas y revenir ? [17] Il ressort à l'évidence de sa décision que l'agent croyait que le demandeur pourrait, non sans peine toutefois, revenir au Canada. Voici ce qu'il dit, à la page 6 du dossier du Tribunal : [TRADUCTION] Dans ses observations, l'avocat aborde les facteurs relatifs au retour de M. Malekzai au Canada et des obstacles qu'il pourrait avoir à franchir dans ses démarches en vue de revenir au Canada. Pour le moment, hormis le fait qu'il est exclu conformément à l'alinéa a) de la section F de l'article premier de la Convention, aucun élément de preuve ne démontre qu'il pourrait revenir au Canada grâce au parrainage de sa femme. Les délais peuvent s'avérer plus longs que les délais habituels, sans être toutefois totalement excessifs. [18] À la page 9, l'agent examine l'hypothèse d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire présentée à l'étranger qui pourrait donner lieu au retour du demandeur au Canada : [TRADUCTION] Il n'y a pas suffisamment de motifs justifiant une exception à

l'application, au demandeur, de l'obligation de présenter sa demande de résidence permanente fondée sur des raisons d'ordre humanitaire de l'intérieur du Canada, et il devrait donc suivre la procédure habituelle. [19] Dans la décision par laquelle il renvoie l'affaire à la Commission pour qu'elle la réexamine, le juge O'Keefe précise bien, au paragraphe 60 de ses motifs, que les conclusions tirées par la Commission sont probantes pour ce qui est de l'interdiction de territoire du demandeur : [60] Je suis convaincu que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire n'a pas pris en compte la possibilité que le demandeur soit interdit de territoire lorsqu'elle a examiné l'intérêt supérieur de son enfant née au Canada. Je souhaite établir clairement que je ne dis pas que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire aurait dû rendre une décision à l'égard de la question de l'interdiction de territoire du demandeur au Canada étant donné qu'il n'appartient pas aux agents chargés d'examiner des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire de rendre une décision à cet égard. L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire aurait dû cependant prendre en compte, à titre de facteur, la possibilité que le demandeur soit interdit de territoire lorsqu'elle a examiné l'intérêt supérieur de l'enfant, en particulier étant donné que l'article 15 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, prévoit que les conclusions de fait tirées par la Commission à l'égard des crimes de guerre sont probantes à l'égard des décisions subséquentes touchant l'interdiction de territoire. [20] Il semble que l'agent n'ait pas tenu compte de cette consigne ou qu'il ait commis une erreur en estimant que le demandeur pouvait rentrer au Canada. Il s'agit là d'une erreur fondamentale. QUESTION 2- L'agent a-t-il appliqué une méthode véritablement équilibrée en examinant l'intérêt supérieur des enfants ? [21] Dans l'arrêt Baker c. Canada (MCI), 1999 CanLII 699 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 817, puis dans les arrêts Legault c. Canada (MCI) 2002 FCA 125 (CanLII), (2002), 212 D.L.R. (4th) 139 (C.A.F.) et Hawthorne c. Canada (MCI), 2002 CAF 475 (CanLII), [2003] 2 C.F. 555 (C.A.F.), les tribunaux ont expliqué que l'examen de l' « intérêt supérieur de l'enfant » constitue un facteur important mais pas nécessairement déterminant lors de l'examen d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. L'agent doit déterminer l'ampleur des difficultés auxquelles l'intéressé risque d'être exposé et soupeser ces difficultés avec les autres facteurs qui militent en faveur ou à l'encontre du renvoi du père ou de la mère. [22] La Cour peut soumettre la décision de l'agent à un « examen assez poussé » en fonction de la norme de la décision raisonnable simpliciter (arrêt Hawthorne, précité, au paragraphe 34, arrêt Baker, précité, au paragraphe 60). [23] Baker :

Voici les directives que la Cour donne à l'agent, au paragraphe 75 de l'arrêt

[Il] devrait considérer l'intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt.

[24] page 6 du dossier du Tribunal :

Voici, en l'espèce, ce que l'agent explique, à la

[TRADUCTION] Après avoir examiné et soupesé l'ensemble des renseignements et des faits de la présente affaire, j'admets que M. Malekzai risque d'éprouver des difficultés d'ordre émotif lorsqu'il quittera le Canada et rentrera en Afghanistan. Je reconnais également que sa femme et son enfant auront peut-être du mal à s'adapter à son absence du Canada. Après avoir soupesé tous les éléments de preuve présentés en l'espèce, je conclus que l'exclusion prévue à l'alinéa a) de la section F de l'article premier de la Convention est une mesure très grave qui constitue un facteur qui l'emporte sur tous les autres facteurs en cause. Dans le cas de Sultan Mohamad Malekzai, alias Khesrow Malekzai, rien ne permet de conclure que le demandeur serait exposé à des difficultés inusitées, excessives ou non méritées s'il devait retourner en Afghanistan. (Non souligné dans l'original.) À la page 7 : [TRADUCTION] Après avoir examiné tous les facteurs relatifs au mariage et à l'établissement de M. Malekzai, je conclus que son mariage semble avoir été contracté de bonne foi et être fondé sur d'authentiques rapports amoureux. J'accepte le fait que Mme (sic) Malekzai est chargée de subvenir aux besoins de sa famille et que c'est lui qui répond à tous les besoins des membres de sa famille. J'accepte aussi le fait que M. Malekzai a des liens solides avec ses enfants et que, s'il était séparé de sa femme et de son enfant, tous les membres de la famille auraient à se réajuster. Malgré tous ces éléments, M. Malekzai était conscient de sa situation sur le plan de l'immigration lorsqu'il s'est marié et a fondé une famille. Il savait que le statut de réfugié au sens de la Convention lui avait été refusé et que son appel de cette décision avait été rejeté, et qu'il s'exposait donc à devoir retourner en Afghanistan. (Non souligné dans l'original.) Enfin, à la page 8 : [TRADUCTION] Après avoir examiné tous les facteurs relatifs au mariage, je suis convaincu que M. Malekzai et sa femme sont unis par des liens authentiques fondés sur l'amour. Ils se connaissent depuis 1997 et se sont épousés cinq mois plus tard, en janvier 1998. Lorsque M. Malekzai a décidé de s'engager envers sa conjointe et de l'épouser, il savait que sa demande de reconnaissance du statut de réfugié avait été refusée et qu'il était sous le coup d'une mesure de renvoi exécutoire. Il a assumé les responsabilités découlant du mariage sachant qu'il se pouvait qu'il doive se séparer de sa femme. Il a également accepté les mêmes risques en ce qui concerne sa fille et l'enfant qui devait bientôt naître lorsqu'il a décidé de fonder une famille au Canada. Dans ses observations, l'avocat affirme que l'agent chargé d'examiner les raisons d'ordre humanitaire doit tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. Il soutient que, comme l'enfant est âgé de quatre ans, une séparation d'avec son père aurait des incidences négatives profondes sur son bien-être psychologique et émotif. Il ajoute qu'un citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada et que l'intérêt supérieur de l'enfant en question doit être apprécié de ce point de vue. Après avoir examiné les observations de l'avocat ainsi que l'intérêt supérieur de l'enfant et bien que je sois conscient de la situation dans laquelle les enfants de M. Malekzai pourraient se retrouver si leur père était obligé de quitter le Canada, je ne puis formuler d'observations sur les conséquences psychologiques ou émotionnelles auxquelles elles pourraient être exposées. Seul un membre du corps médical serait en mesure de se prononcer sur cette question, à mon avis. Il ne s'agit toutefois pas d'une situation inusitée pour bon nombre de familles monoparentales au Canada. Compte tenu de l'arrêt Baker de la Cour suprême du

Canada, de l'intérêt supérieur de l'enfant de même que de la situation qui existe présentement en Afghanistan, l'affirmation de Mme Malekzai suivant laquelle elle ne compromettra pas sa sécurité ou celle de ses enfants en se rendant en Afghanistan, il va sans dire que l'intérêt supérieur des enfants en question commande qu'ils demeurent au Canada avec leur mère. Au Canada, les enfants bénéficieront de l'appui de leur mère et d'autres membres de la famille qui pourront contribuer à leur éducation et en prendre soin. En tant que citoyennes du Canada, elles jouiront des mêmes avantages que les autres citoyens canadiens. Tant qu'elles seront jeunes, c'est à leur mère qu'il incombera de s'en occuper, mais lorsqu'elles seront plus vieillies, les deux filles pourront faire des choix et décider par elles-mêmes du genre de rapports qu'elles souhaitent entretenir avec leur père. Dans son plaidoyer, l'avocat a parlé de la situation financière de la famille et a souligné que M. Malekzai est la personne qui subvient au premier chef aux besoins du ménage et que les membres de sa famille ne seraient pas en mesure de payer le prêt hypothécaire. Lorsque la seconde demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire a été présentée, Mme Malekzai a fourni des renseignements suivant lesquels elle avait travaillé à temps plein entre 1994 et 1998 et avait obtenu un diplôme en comptabilité de la Toronto School of Business. Elle a soumis une lettre de Smartech Limited confirmant qu'elle avait exercé un emploi à temps plein de 1999 à 2001. Après examen de ces renseignements, je suis convaincu que Mme Malekzai possède des compétences professionnelles en comptabilité, qu'elle pourrait se trouver du travail au besoin et qu'elle serait donc en mesure de subvenir aux besoins de ses enfants. Abstraction faite des affirmations que l'on trouve dans la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire et dans les observations de l'avocat, la preuve est insuffisante pour me permettre de conclure que le demandeur ou les enfants subiraient un préjudice disproportionné en cas de séparation. (Non souligné dans l'original.) [25] Il n'y a aucun doute que l'agent cherchait à être « réceptif et attentif » à l'intérêt des enfants, mais il semble qu'il n'y ait pas été sensible. Il a expressément refusé de tenir compte de « facteurs psychologiques et émotifs » . En réalité, il ignorait ce qui pouvait effectivement arriver. Le père serait renvoyé du Canada, où il ne pourrait jamais revenir et il serait probablement tué ou du moins torturé. La mère se retrouvait avec des moyens limités. Est-il vraiment nécessaire de susciter de nouveaux prestataires de l'aide sociale et de briser une autre famille ? [26] L'avocat du défendeur a cité à la Cour le jugement Sumaida c. Canada (MCI) 2004 C.F. 1533 dans lequel une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire et sur l' « intérêt supérieur de l'enfant » a été rejetée au motif que le demandeur avait travaillé comme informateur pour la police secrète irakienne, le « Mukhabarat » , qui était soupçonné de se livrer à de la torture et à des activités analogues. J'ai examiné les mémoires déposés dans cette affaire ainsi que les propos tenus par le juge Campbell au paragraphe 2 de cette décision. Dans cette affaire, le demandeur avait, selon la preuve, participé personnellement à des activités brutales, notamment en agissant comme « taupe » en livrant des personnes qui avaient par la suite été torturées et en facilitant la vente d'armes. Le demandeur pouvait être renvoyé en Irak ou en Tunisie. On peut constater que, dans ces conditions et tout bien pesé, la demande risquait d'être rejetée. [27] En l'espèce, rien ne permet de penser que le demandeur a participé personnellement à des activités liées au KHAD, et le seul pays où il sera renvoyé est l'Afghanistan, où il sera probablement tué ou du moins torturé.

[28] Ce que l'agent dit en réalité, dans le cas qui nous occupe, c'est qu'à elle seule, l'appartenance présumée du demandeur au KHAD à un moment précis l'emporte sur l'intérêt de sa femme et de ses enfants, et ce, peu importe les conséquences qui peuvent en découler pour eux. Aucune véritable pondération n'a été effectuée. L'affaire doit donc être renvoyée à la Commission pour être jugée de nouveau par un autre agent. QUESTION 3- L'agent a-t-il ignoré le fait que le demandeur possédait une petite entreprise prospère au Canada ? [29] L'avocat n'a pas insisté sur cette question; il n'est donc pas nécessaire de l'aborder. QUESTION 4- Existe-t-il une crainte véritable de partialité en raison du fait que l'agent relevait de la Direction générale des crimes de guerre de l'Agence des services frontaliers du Canada ? [30] Cette question a été tranchée à l'encontre des intérêts d'une personne se trouvant dans une situation analogue dans l'affaire Say c. Canada, 2005 C.F. 739. Cette décision, portée en appel, devrait être entendue en décembre 2005. À la lumière des conclusions tirées au sujet des questions nos 1 et 2, il n'est pas nécessaire d'examiner plus à fond cette question. DISPOSITIF [31] En conclusion, l'agent a commis une erreur de droit en considérant que le demandeur pouvait revenir au Canada s'il était renvoyé en Afghanistan. Par ailleurs, la décision de l'agent ne résiste pas à un examen assez poussé de la pondération de l'ensemble des facteurs applicables, y compris l'intérêt supérieur des enfants. [32] Les réponses aux questions en litige dans la présente affaire dépendent dans une large mesure des faits de l'espèce. Il n'y a donc pas lieu de certifier de question. [33]

Aucuns dépens ne sont adjugés. « Roger T. Hughes » Juge

Toronto (Ontario) Le 21 novembre 2005 ` Traduction certifiée conforme Michèle Ali

COUR FÉDÉRALE AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER DOSSIER :

IMM-1131-05

INTITULÉ :

SULTAN MOHAMED MALEKZAI

demandeur et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION défendeur LIEU DE L'AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 15 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE HUGHES DATE DES MOTIFS :

LE 21 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS: Lorne Waldman

POUR LE DEMANDEUR

John Loncar

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER: Waldman & Associates Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Portée des collections

par

pour la

POUR LE DÉFENDEUR

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