CanLII - Article 15(1)

d'imposer une différence de traitement entre le demandeur et d'autres personnes? ..... une société possède la qualité requise pour invoquer l'article 15 de la ...
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Recueil de décisions relatives à la Charte canadienne des droits et libertés Table des matières | Interprétation | Renonciation | Code Criminel | Lois | Décisions

ARTICLE 15(1) 15.(1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. Dernière mise à jour : avril 2005

SURVOL En termes généraux, l’objet du par. 15(1) est d’empêcher qu’il y ait atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles au moyen de l’imposition de désavantages, de stéréotypes ou de préjugés politiques ou sociaux, et de promouvoir une société dans laquelle tous sont également reconnus dans la loi en tant qu’êtres humains ou que membres de la société canadienne, tous aussi capables, et méritant le même intérêt, le même respect et la même considération : Law c. Canada (M.E.I.), 1999 IIJCan 675 (C.S.C.), [1999] 1 R.C.S. 497. L'analyse relative au par. 15(1) comporte trois étapes et une grande attention est accordée au contexte. À la première étape, le demandeur doit démontrer que la loi, le programme ou l'activité a pour effet d'imposer une différence de traitement entre lui et d'autres personnes par rapport auxquelles il peut à juste titre prétendre à l'égalité. À la deuxième étape, le demandeur doit établir que cette différence de traitement est fondée sur un ou plusieurs motifs énumérés ou motifs analogues. À la troisième étape, le demandeur doit prouver que la distinction équivaut à une forme de discrimination ayant pour effet de porter atteinte à sa dignité humaine. L'aspect «dignité» du critère vise à écarter les plaintes futiles ou autres qui ne mettent pas en cause l'objet de la disposition relative à l'égalité: Law c. Canada (M.E.I.), précité; Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Ministre de la Justice), 2000 CSC 69 (IIJCan), [2000] 2 R.C.S. 1120, 2000 CSC 69. La personne qui demande à bénéficier d'un traitement égal doit le faire en prenant comme référence d'autres personnes avec qui elle peut légitimement être comparée. La pertinence d'une allégation de discrimination fondée sur le par. 15(1) ne peut être examinée que par comparaison avec la situation des autres dans le contexte socio-politique où la question est soulevée. Une allégation fondée sur le par. 15(1) sera vraisemblablement rejetée s'il ne peut être démontré que la comparaison recherchée est faite avec un " groupe de comparaison " dont le demandeur partage les caractéristiques pertinentes -- sauf la caractéristique personnelle invoquée comme motif de discrimination illicite -- pour ce qui est de l'admissibilité à l'avantage ou de l'imposition de l'obligation en question : Hodge c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2004 CSC 65 (IIJCan), [2004] 3 R.C.S. 357, 2004 CSC 65. Les motifs énumérés ne constitutent que des indicateurs de l’existence de motifs de distinction suspects. Il s’ensuit que les décisions fondées sur ces motifs ne sont pas toujours discriminatoires.

La même observation s’applique à l’égard des

motifs qui ont été reconnus par notre Cour comme «analogues» à ceux énumérés à l’art. 15. Affirmer qu’un motif de distinction est un motif analogue ne fait qu’indiquer qu’un certain processus décisionnel est suspect parce qu’il aboutit souvent à la discrimination et au déni du droit à l’égalité réelle : Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 1999 IIJCan 687 (C.S.C.), [1999] 2 R.C.S. 203; Gosselin c. Québec (Procureur générale), http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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2002 CSC 84 (IIJCan), [2002] 4 R.C.S. 429, 2002 CSC 84.

DÉCISIONS RELATIVES À LA CHARTE Rubriques utilisées : [1] Étendue de la garantie/Critère de violation. 2 [2] "Tous" ("Every individual") [3] Égalité de Sa Majesté et des autres personnes [4] Similarité de situation [5] Motifs de discrimination mentionnés dans la Charte [6] "Discrimination" [7] Déficiences mentales ou physiques [8] État civil et orientation sexuelle [9] Égalité dans le sens général [10] Différences selon les endroits et les administrations [11] "Loi" [12] Jurisprudence sur l'usage des langues [13] "Discrimination par suite d'un effet préjudiciable"

[1] Étendue de la garantie/Critère de violation Il est inapproprié de tenter de restreindre l’analyse relative au par. 15(1) à une fomule figée et limitée. Une démarche fondée sur l’objet et sur le contexte doit plutôt être utilisée en vue de l’analyse relative à la discrimination pour permettre la réalisation de l’important objet réparateur qu’est la garantie d’égalité et pour éviter les pièges d’une démarche formaliste ou automatique.

La démarche que notre Cour a adoptée et qu’elle applique régulièrement relativement à

l’interprétation du par. 15(1) repose sur trois questions primordiales:

(A)

La loi a-t-elle pour objet ou pour effet

d’imposer une différence de traitement entre le demandeur et d’autres personnes? (B) La difference de traitement estelle fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues? (C) La loi en question a-t-elle un objet ou un effet discriminatoires au sens de la garantie d’égalité? La première question vise à déterminer si la loi entraîne une différence de traitement.

Les deuxième et troisième visent à déterminer si la différence de traitment constitue de la

discrimination réelle au sens du par. 15(1). Le tribunal ayant à se prononcer sur une allégation de discrimination fondée sur le par. 15(1) doit se poser trois grandes questions: A. La loi contestée: a) établit-elle une distinction formelle entre le demandeur et d’autres personnes en raison d’une ou de plusieurs caractéristiques personnelles, ou b)

omet-elle de

tenir compte de la situation défavorisée dans laquelle le demandeur se trouve déjà dans la société canadienne, créant ainsi une différence de traitement réelle entre celui-ci et d’autres personnes en raison d’une ou de plusieurs caractéristiques personnelles? B. Le demandeur fait-il l’objet d’une différence de traitement fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues?

C.

La différence de traitement est-elle discriminatoire en ce qu’elle

impose un fardeau au demandeur ou le prive d’un avantage d’une manière qui dénote une application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe ou qui a par ailleurs pour effet de perpétuer ou de promouvoir l’opinion que l’individu touché est moins capable ou est moins digne d’être reconnu ou valorisé en tant qu’être humain ou que membre de la société canadienne, qui mérite le même intérêt, le même respect et la même considération? En termes généraux, l’objet du par. 15(1) est d’empêcher qu’il y ait atteinte à la dignité et à la liberté humaines essentielles au moyen de l’imposition de désavantages, de stéréotypes ou de préjugés politiques ou sociaux, et de promouvoir une société dans laquelle tous sont également reconnus dans la loi en tant qu’êtres humains ou que membres de la société canadienne, tous aussi capables, et méritant le même intérêt, le même respect et la même considération.

Il doit

absolument y avoir un conflit entre l’objet ou les effets de la loi contestée et l’objet du par. 15(1) pour fonder une allégation de discrimination. L’existence d’un tel conflit doit être établie au moyen de l’analyse de l’ensemble du contexte entourant l’allégation et le demandeur.

La garantie d’égalité est un concept relatif qui, en dernière analyse, oblige le

tribunal à cerner un ou plusieurs éléments de comparaison pertinents. C’est généralement le demandeur qui choisit la personne, le groupe ou les groupes avec lesquels il désire être comparé aux fins de l’analyse relative à la discrimination. Cependant, lorsque la qualification de la comparaison par le demandeur n’est pas suffisante, le tribunal peut, dans le http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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cadre du ou des motifs invoqués, approfondir la compariason soumise par le demandeur lorsqu’il estime justifié de le faire. Pour déterminer quel est le groupe de comparaison pertinent, il faut examiner l’objet et les effets des dispositions législatives et tenir compte du contexte dans son ensemble. Les factuers contextuels qui déterminent si les dispositions législatives ont pour effet de porter atteinte à la dignité du demandeur doivent être interprétés et analysés dans la perspective de ce dernier.

Le point central de l’analyse est à la fois subjectif et objectif. Le point de vue approprié est

celui de la personne raisonnable qui se trouve dans une situation semblable à celle du demandeur et qui tient compte des facteurs contextuels pertinents.

La personne qui invoque le par. 15(1) peut s'appuyer sur une série de facteurs pour

démontrer que les dispositions législatives portent atteinte à sa dignité. La liste de ces facteurs n’est pas restrictive. On peut trouver des indications sur la nature de ces facteurs dans la jurisprudence de notre Cour et en faisant une analogie avec des facteurs reconnus.

Voici certains des facteurs contextuels servant à déterminer s’il y a eu atteinte au par.

15(1): (A) La préexistence d’un désavantage, de stéréotypes, de préjugés ou de vulnérabilité subis par la personne ou le groupe en cause.

Bien que l’appartenance du demandeur à un ou plusiers groupes historiquement favorisés ou

défavorisés ne signifie pas, en soi, qu’il y a ait eu atteinte à un droit, la présence de ces facteurs préexistants portera à conclure qu’il y a eu violation du par. 15(1). (B) La correspondance, ou l’absence de correspondance, entre le ou les motifs sur lesquels l’allegation est fondée et les besoins, les capacités ou la situation propres au demandeur ou à d’autres persones. Bien que le simple fait que les dispositions législatives contestées tiennent compte des caractéristiques et de la situation personnelles du demandeur ne suffira pas nécessairement pour faire rejeter une allégation fondée sur le par. 15(1), il sera généralement plus difficile de démontrer l’existence de discrimination lorsque la loi prend en considération la situation véritable du demandeur d’une manière qui respecte sa valeur en tant qu’être humain ou que membre de la société canadienne, et il sera moins difficile de le faire lorsque la loi fait abstraction de la situation véritable du demandeur. (C) L’objet ou l’effet d’amélioration de la loi contestée eu égard à une personne ou un groupe défavorisés dans la société.

Un objet ou un effet d’amélioration conforme à l’objet du par. 15(1) de la Charte ne portera

vraisemblablement pas atteinte à la dignité humaine de personnes favorisées lorsque l’exclusion de ces dernières correspond en grande partie aux besoins plus grands ou à la situation différente propres au groupe défavorisé visé par les dispositions législatives. Ce facteur a une plus grande pertinence lorsque l’allégation fondée sur le par. 15(1) est faite par un membre favorisé de la société. (D) La nature et l’étendue du droit touché par la loi contestée. Plus les effets des dispositions législatives sont graves et localisés pour le groupe touché, plus il est probable que la différence de traitement à la source de ces effets soit discriminatoire. Bien qu’il incombe à la personne qui invoque le par. 15(1) de démontrer, en fonction de l’objet visé, qu’il y a eu atteinte à ses droits à l’égalité à la lumière d’un ou de plusieurs facteurs contextuels, le demandeur n’est pas nécessairement tenu de produire des éléments de preuve pour démontrer l’existence d’une atteinte à la dignité ou à la liberté humaines. Souvent, le simple fait que la différence de traitement soit fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues sera suffisant pour établir qu’il y a eu violation du par. 15(1), puisqu’il sera évident au vu de la connaissance d’office et du raisonnement logique que la distinction est discriminatoire au sens de ce paragraphe: Law c. Canada (M.E.I.), 1999 IIJCan 675 (C.S.C.), [1999] 1 R.C.S. 497; Granovsky c. Canada (M.E.I.), 2000 CSC 28 (IIJCan), [2000] 1 R.C.S. 703; Lovelace c. Ontario, 2000 CSC 37 (IIJCan), [2000] 1 R.C.S. 950, 2000 CSC 37; Nouvelle-Écosse (Procureur général) c. Walsh, 2002 CSC 83 (IIJCan), [2002] 4 R.C.S. 325, 2002 CSC 83. La personne qui demande à bénéficier d'un traitement égal doit le faire en prenant comme référence d'autres personnes avec qui elle peut légitimement être comparée. La pertinence d'une allégation de discrimination fondée sur le par. 15(1) ne peut être examinée que " par comparaison avec la situation des autres dans le contexte socio-politique où la question est soulevée " : Andrews c. Law Society of British Columbia. Une allégation fondée sur le par. 15(1) sera vraisemblablement rejetée s'il ne peut être démontré que la comparaison recherchée est faite avec un " groupe de comparaison " dont le demandeur partage les caractéristiques pertinentes -- sauf la caractéristique personnelle invoquée comme motif de discrimination illicite -- pour ce qui est de l'admissibilité à l'avantage ou de l'imposition de l'obligation en question. Le choix du groupe de comparaison ne constitue pas une question préliminaire qui, une fois tranchée, peut être écartée. Au contraire, à chaque étape de l'analyse fondée sur le par. 15(1), il y a comparaison. Il ne faut pas que le résultat d'une allégation fondée sur le par. 15(1) soit faussé du fait que le demandeur tente de s'associer à un groupe dont les caractéristiques pertinentes ne reflètent pas sa situation réelle ou cherche à bénéficier des avantages d'un groupe

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dont les caractéristiques pertinentes ne peuvent se comparer aux siennes. Bien qu'il soit loisible au demandeur de procéder à un premier choix de la personne, du groupe ou des groupes avec lesquels il désire être comparé, la justesse de ce choix est une question de droit qu'il appartient à la cour de trancher. Par conséquent, lorsque la différence de traitement ne s'effectue pas entre les groupes cernés par le demandeur, mais plutôt entre d'autres groupes, il est du devoir du tribunal d'intervenir et d'apprécier, dans son juste contexte et selon la norme appropriée, la demande fondée sur le droit à l'égalité. Le groupe de comparaison approprié est celui qui reflète les caractéristiques du demandeur (ou du groupe demandeur) qui sont pertinentes quant au bénéfice ou à l'avantage recherché, sauf que la définition dans la loi prévoit une caractéristique personnelle qui contrevient à la Charte ou omet une caractéristique personnelle d'une manière qui

contrevient

à

la

Charte

:

Hodge

c.

Canada

(Ministre

du

Développement

des

ressources

humaines),

2004 CSC 65 (IIJCan), [2004] 3 R.C.S. 357, 2004 CSC 65; Auton (Tutrice à l'instance de) c. Colombie-Britannique (Procureur-général), 2004 CSC 78 (IIJCan), [2004] 3 R.C.S. 657, 2004 SCC 78. La principale leçon à tirer de l'arrêt Law est qu'il faut procéder à un examen contextuel afin d'établir si une distinction entre en conflit avec l'objet du par. 15(1). Dans le cadre de cette évaluation, il faut examiner à la fois l'objet du régime et son effet. En application de l'arrêt Law, le contexte d'un régime législatif donné inclut également son objet. Dans le contexte de l'ensemble du régime législatif, l'objet de la distinction constitue un facteur dont une personne raisonnable placée dans la situation de la demanderesse tiendrait compte pour déterminer si le législateur la traite comme une personne de moindre valeur ou moins digne d'intérêt, de respect et de considération que d'autres. Il est possible de conclure qu'une disposition contestée ne viole pas le par. 15(1) de la Charte même en l'absence de correspondance parfaite entre un régime de prestations et les besoins ou la situation du groupe demandeur. On peut éprouver de la sympathie pour les personnes qui, pour une raison ou une autre, n'ont peut-être pas pu participer aux programmes. Cependant, le fait qu'un programme social donné ne réponde pas aux besoins de tous, sans exception, ne nous permet pas de conclure que ce programme ne correspond pas aux besoins et à la situation véritables du groupe concerné. En plus, le simple fait que le gouvernement n'ait pas prouvé l'exactitude des hypothèses sur lesquelles il s'est fondé ne permet pas d'inférer qu'il y a disparité entre, d'une part, l'objet et l'effet du régime et, d'autre part, la situation des personnes touchées. Le législateur peut légitimement s'appuyer sur des hypothèses générales documentées sans contrevenir à l'art. 15 à la condition que ces hypothèses ne soient pas fondées sur des stéréotypes arbitraires et dégradants: Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84 (IIJCan), [2002] 4 R.C.S. 429, 2002 CSC 84. Il faut considérer la réalité de la situation pour déterminer si les demandeurs se sont vu refuser un avantage prévu par le régime législatif autre que celui qu'ils ont invoqué. Comme notre Cour l'a signalé dans l'arrêt Hodge, précité : ". . . la définition législative, objet de la contestation fondée sur le droit à l'égalité, n'est pas décisive. Sinon, on pourrait plaider en faveur d'une pension de survivant destinée uniquement aux hommes protestants de race blanche en affirmant que tous les hommes protestants de race blanche survivants ont été traités de la même manière. " Il faut chercher ce qui se cache derrière les mots et se demander si la définition légale ne perpétue pas en soi une inégalité au lieu d'y remédier. Le paragraphe 15(1) n'exige pas simplement l'égalité formelle, mais l'égalité réelle. Il n'est pas loisible au Parlement ou à une législature d'adopter une loi dont les objectifs de politique générale et les dispositions imposent à un groupe défavorisé un traitement moins favorable. Par contre, la décision du législateur de ne pas accorder un avantage en particulier, lorsque l'existence d'un objectif, d'une politique ou d'un effet discriminatoire n'est pas établie, ne contrevient pas à ce principe ni ne justifie un examen fondé sur le par. 15(1). Notre Cour a conclu à maintes reprises que le législateur n'a pas l'obligation de créer un avantage en particulier, qu'il peut financer les programmes sociaux de son choix pour des raisons de politique générale, à condition que l'avantage offert ne soit pas lui-même conféré d'une manière discriminatoire : Auton (Tutrice à l'instance de) c. Colombie-Britannique (Procureur général), 2004 CSC 78 (IIJCan), [2004] R.C.S. 657, 2004 CSC 78. L’application de l’analyse relative à l’égalité réelle ne peut être réduite à de simples formules analytiques. Car, quoiqu’il soit souvent vrai que des distinction peuvent être source de discrimination, il y a de nombreuses autres situation où l’égalité réelle exige que des distinctions soient faites pour tenir compte de la situation concrète d’individus vivant dans des conditions sociales, politiques et économiques différentes. Voilà pourquoi notre Cour reconnaît depuis longtemps que http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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le par. 15(1) a non seulement pour objet d’empêcher la discrimination mais aussi d’améliorer la situation des personnes défavorisées. En conséquence, on reconnaît également depuis longtemps qu’une loi, un programme ou une activité ayant un objectif améliorateur mais un champ d’application trop limitatif peut porter atteinte au droit constitutionnel à l’égalité. Jusqu’à tout récemment, toutefois, notre Cour a limité son examen de la question du champ d’application trop limitatif au contrôle de régimes d’avantages universels ou généralement accessibles. Le présent pourvoi donne donc à notre Cour l’occasion de confirmer que l’examen fondé sur le par. 15(1) s’applique avec autant de vigueur aux programmes améliorateurs ciblés. Le présent pourvoi soulève une situation où tant le demandeur que le groupe autochtone ciblé sont également défavorisés, et quoique ce scénario n’ait pas été évoqué dans Law, j’estime qu’il est approprié d’étendre l’analyse basée sur l’objet améliorateur aux situation où le désavantage, les stéréotypes, les préjugés ou la vulnérabilité caractérisent le groupe ou l’individu exclu. L’application d’une telle démarche fait en sorte que l’analyse s’attache à la question de savoir si l’exclusion est incompatible avec l’objet du par. 15(1), et elle nous empêche de réduire l’analyse relative à l’égalité à une évaluation ou mise en balance simpliste du désavantage relatif. En l’espèce, l’aspect central de l’analyse n’est pas le fait que les groupes appelants et intimés sont également défavorisés, mais que le programme en question vise à améliorer la situation d’un groupe défavorisés précis plutôt qu’à remédier à un désavantage dont pourrait souffrir tout membre de la société.

En d’autres mots, nous sommes en présence d’un programme améliorateur ciblé

auquel on reproche d’avoir un caractère trp limitatif, et non d’un programme améliorateur plus complet auquel on reproche d’avoir un caractère trop limitatif. Cela dit, il faut reconnaître qu’il faut reconnaître qu’il est peu probable que le fait d’exclure un groupe d’un programme ciblé ou établi en partenariat ait pour effet d’associer à ce groupe des stéréotypes ou des stigmates ou encore de communiquer le message qu’il est moins digne e reconnaissance et d’intégration an sein de la société dans son ensemble : Lovelace c. Ontario, 2000 CSC 37 (IIJCan), [2000] 1 R.C.S. 950, 2000 CSC 37. Bien que notre Cour ait décidé dans l'arrêt Law que le désavantage historique est « le facteur qui sera probablement le plus concluant pour démontrer qu'une différence de traitement imposée par une disposition législative est vraiment discriminatoire », il n'en résulte pas que l'absence de désavantage historique ne permet pas de conclure que des dispositions sont discriminatoires. De plus, il est bien établi que ni la présence ni l'absence d'un des facteurs contextuels énoncés dans l'arrêt Law ne permet de trancher une demande fondée sur le par.15(1). Il en est ainsi parce qu'aucun facteur ne permet, à lui seul, de déterminer, en toutes circonstances, si un demandeur raisonnable estimerait qu'une distinction

contestée

porte

atteinte

à

sa

dignité

:

Trociuk

c.

Colombie-Britannique

(Procureur

général),

2003 CSC 34 (IIJCan), [2003] 1 R.C.S. 835, 2003 CSC 34. En l’espèce, les dispositions contestées excluent totalement la douleur chronique du champ d’application des dispositions générales de la Loi relative à l’indemnisation. L’intimé fait valoir que, étant donné que les personnes souffrant de douleur chronique et les travailleurs qui ne souffrent pas de douleur chronique et qui sont admissibles à une indemnité pour une lésion professionnelle sont tous atteints d’une déficience physique, le traitment différent que le régime d’indemnisation des accidentés du travail réserve aux personnes souffrant de douleur chronique n’est pas fondé sur la déficience physique. Notre Cour reconnaît depuis longtemps qu'une différence de traitement peut reposer sur un motif énuméré même lorsque les membres du groupe pertinent ne sont pas tous également maltraités. Par exemple, il n'y aurait pas de doute qu'une distinction du législateur qui favoriserait les personnes d'origine asiatique par rapport aux personnes d'origine africaine serait « fondée sur » la race, l'origine ethnique ou la couleur, ou qu'une loi défavorisant les bouddhistes par rapport aux musulmans établirait une distinction « fondée sur » la religion. Il ne suffirait pas que le législateur réponde qu'il n'y a pas de discrimination vu que les personnes nées en Asie et celles nées en Afrique ont, dans les deux cas, une origine nationale non canadienne, ou encore que les musulmans, à l'instar des bouddhistes, appartiennent à une minorité religieuse au Canada. De la même façon, il ne suffit pas de répondre, en l'espèce, que les travailleurs assujettis au régime souffrent tous d'une incapacité. Le deuxième volet du critère établi dans l'arrêt Law ne consiste pas à se demander si les membres du groupe de comparaison et le demandeur ont en commun une certaine caractéristique. Il s'agit plutôt de savoir si la différence de traitement contestée repose sur un motif énuméré ou analogue. La distinction entre les demandeurs et les membres du groupe de comparaison était fondée sur une incapacité, à savoir l'incapacité des demandeurs due à la douleur chronique. Le fait que les accidentés du travail qui ne souffrent pas de douleur chronique souffrent eux aussi http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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d'une incapacité n'est pas pertinent: Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, 2003 CSC 54 (IIJCan), [2003] 2 R.C.S. 504, 2003 CSC 54 Les dispositions contestées de la Loi sur la citoyenneté de 1977 établissent expressément une distinction entre les enfants nés à l'étranger, avant 1977, d'une mère canadienne et ceux nés à l'étranger, avant 1977, d'un père canadien. L'intimé soutient que toute discrimination qu'imposerait la Loi est en réalité imposée à la mère de l'appelant et non à ce dernier. Il semble maintenant bien établi en droit qu'une partie ne peut généralement pas invoquer la violation des droits garantis à un tiers par la Charte. Les dispositions contestées de la Loi sur la citoyenneté ne visent pas les parents des demandeurs, mais les demandeurs eux-mêmes. Elles ne déterminent pas les droits à la citoyenneté de la mère de l'appelant, mais uniquement ceux de l'appelant lui-même. La mère de l'appelant n'est concernée que parce que l'étendue des droits de celui-ci est tributaire du sexe de celui de ses parents qui est canadien. Il existe un lien entre les droits de l'appelant et la différenciation faite entre les hommes et les femmes par les dispositions législatives contestées. Celles-ci font nettement dépendre les droits de M. Benner en matière de citoyenneté de la question de savoir si celui de ses parents qui est canadien est un homme ou une femme. Dans les circonstances, je ne crois pas que le fait de permettre l'examen, en regard de l'art. 15, de la façon dont l'intimé traite la demande de citoyenneté de l'appelant équivaut à autoriser ce dernier à invoquer la violation des droits garantis à une autre personne par la Charte. Cette mesure permet plutôt d'étendre la protection contre la discrimination qui est garantie à l'appelant par l'art. 15 à la pratique discriminatoire dans son ensemble. Il s'agit précisément de l'interprétation «fondée sur l'objet» des droits garantis par la Charte qu'a prescrite notre Cour dans bon nombre d'arrêts antérieurs. Je m'empresse d'ajouter que je n'entends pas, par les présents motifs, créer un principe général de «discrimination par association».

Le lien entre un enfant et son père ou sa mére a un

caractère particulièrement unique et intime. L'enfant ne choisit pas ses parents. Leur nationalité, leur couleur ou leur race sont des caractéristiques tout aussi personnelles et immuables pour l'enfant que si elles étaient les siennes propres. Dans Miron, le juge McLachlin a écrit que la question fondamentale qu'il faut se poser pour identifier les motifs analogues visés par l'art. 15 est celle de savoir:

«...si cette caractéristique peut servir de motif non pertinent d'exclusion et de

négation de la dignité humaine essentielle dans la tradition des droits de la personne.

En d'autres termes, cette

caractéristique peut-elle servir de base à un traitement inégal fondé sur des caractéristiques stéréotypées attribuées au groupe concerné, plutôt que sur les véritables mérites et capacités de la personne ou sur les circonstances qui lui sont propres?»

Je suis d'accord avec le juge McLachlin que la nature personnelle et immuable d'une caractéristique peut

indiquer qu'elle appartient à cette catégorie. Bien que la présente affaire ne porte pas, à strictement parler, sur les motifs analogues, mais plutôt sur l'extension à certaines personnes de la qualité requise pour se plaindre de discrimination fondée sur un motif énuméré, je crois que des considérations similaires peuvent néanmoins être appliquées, en conformité avec ce que le juge McLachlin a dans Miron, appelé «l'objectif général» du droit à l'égalité garanti par l'art. 15. Toutefois, nous examinerons à une autre occasion la question de savoir si cette analyse devrait s'étendre aux situations dans lesquelles, par exemple, l'association d'une personne à un groupe est volontaire plutôt qu'involontaire, ou dans lesquelles la caractéristique appartenant au père ou à la mère et sur laquelle est fondé le traitement différent n'est pas un motif énuméré au analogue: Benner c. Canada (Secrétaire d'État), 1997 IIJCan 376 (C.S.C.), [1997] 1 R.C.S. 358. La simple reconnaissance du droit à l'égalité d'un groupe ne peut, en soi, porter atteinte aux droits d'un autre groupe. L'avancement des droits et valeurs consacrés par la Charte profite à l'ensemble de la société et l'affirmation de ces droits ne peut à elle seule aller à l'encontre des principes mêmes que la Charte est censée promouvoir : Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, 2004 CSC 79 (IIJCan), [2004] 3 R.C.S. 698, 2004 CSC 79. Comme notre Cour l'a affirmé à de nombreuses occasions, il n'existe aucune hiérarchie des dispositions constitutionnelles, et les garanties d'égalité ne peuvent donc pas servir à invalider d'autres droits conférés expressément par la Constitution. Toutes les parties de la Constitution doivent être interprétées globalement. En l'espèce, on ne saurait donc affirmer que, par la mise en oeuvre de l'art. 23 de la Charte, le législateur québécois a violé le par. 15(1) : Gosselin (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 15 (IIJCan), 2005 CSC 15. La demande présentée en vertu de la Charte doit se limiter à l’action du gouvernement par opposition à son inaction. La

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discrimination à cet égard est systémique et pratiquée par l’ensemble de la société. L’inégalité qu’elle engendre n’est donc pas le fait du gouvernement. C’est un problème de société sur lequel le gouvernement peut agir, mais sur lequel il n’a aucune obligation d’agir en vertu de la Charte.

Comme le faisait remarquer le juge Iacobucci dans l’affaire Symes c.

Canada : «Nous devons prendre soin d’établir une distinction entre les effets qui sont causés en totalité ou en partie par une disposition contestée et les circonstances sociales qui existent indépendamment de la disposition en question». Dans l’affaire Andrews, le juge McIntyre pose le problème de cette façon : «D’abord, la discrimination dont il est question au par. 15(1) est restreinte à celle qui découle de l’application de la loi ...». La Cour suprême des États-Unis a adopté la même approche en déclarant : «.[Traduction] ... le défaut d’une législature d’édicter une loi particulière ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire.» (Board of Education of Kiryas Joel Village School c. Grunet (1994), 124 S. Ct. 2481). Il n’existe donc aucune obligation de légiférer en vertu de la Charte qui vienne amoindrir la suprématie du législateur. Rien dans l’art. 15, implicitement ou explicitement, ou dans d’autres dispositions de la Charte ne peut être invoqué à l’appui d’une telle obligation : Ferrell c. Ontario (Attorney General)

reflex, (1997), 149 D.L.R. (4th) 335 (Div. gén. Ont.);

pourvoi rejeté 1998 CanLII 6274 (ON C.A.), (1998), 42 O.R. (3d) 97 (C.A. Ont.). [Note: De même, dans l'affaire Rogers c. Faught 2002 CanLII 19268 (ON C.A.), (2002), 212 D.L.R.(4th) 366, 93 C.R.R.(2d) 329 (C.A. Ont.), la Cour a statué que la Charte s'applique aux actions du gouvernement et non à son inaction, et que l'art. 7 n'oblige pas les organismes professionnels à agir et à établir des programmes et des normes de pratique relativement à des problèmes médicaux particuliers.]

[2] "Tous" ("Every individual") Les sociétés ne sont pas susceptibles d'être visées par la protection du par. 15(1) puisque celui-ci ne s'applique qu'à "every individual" : Smith, Kline & French Laboratories Ltd. et autres c. P.G. du Canada, 1re inst.); appel rejeté pour d'autres motifs,

reflex, [1986] 1 C.F. 274 (C.F.

reflex, [1987] 2 C.F. 359 (C.A.F.); autorisation de pourvoi refusée

(C.S.C., 9 avril 1987); Parkdale Hotel Limited c. P.G. du Canada et autres

reflex, (1986), 27 D.L.R. (4th) 19 (C.F. 1re

inst.); Mund c. Medicine Hat (1985), 67 A.R. 11 (B.R. Alb.); Aluminium Company of Canada Limited c. The Queen reflex, (1986), 29 D.L.R. (4th) 583 (C. Div. Ont.); K Mart Canada Ltd. c. Millmink Developments Ltd. 31 D.L.R. (4th) 135 (C.S. Ont.); Stoddart c. R. Ltd. c. O.L.R.B.

reflex, (1986),

reflex, (1987), 37 C.C.C. (3d) 351 (C.A. Ont.); Shaw Almex Industries

reflex, (1988), 28 O.A.C. 71 (C. Div. Ont.); P.G. du Canada c. National Anti-Poverty Organization,

reflex, [1989] 3 C.F. 684 (C.F.A.); autorisation de pourvoi refusée (C.S.C., 23 novembre 1989). Lorsque, comme dans l'affaire Big M Drug Mart, c'est la nature de la loi et non la qualité du requérant qui est en cause, une société possède la qualité requise pour invoquer l'article 15 de la Charte : Cabre Exploration Ltd. c. Arndt, [1986] 4 W.W.R. 261 (B.R. Alb.), appel rejeté Construction Ltd. c. Dywidag Systems

reflex, (1987), 35 D.L.R. (4th) 433 (C.A. N.-É.); pourvoi accordé

1990 IIJCan 140 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 705; Municipal Contracting Ltd. c. I.U.O.E. 410 (C.A. N.-É.), pourvoi accordé

reflex,

reflex, (1988), 51 D.L.R. (4th) 451 (C.A. Alb.); Zutphen Bros. reflex, (1988), 85 N.S.R. (2d)

reflex, (1989), 60 D.L.R. (4th) 323 (C.A.N.-E.); autorisation de pourvoi refusée

(C.S.C., 16 novembre 1989). Malgré l'avis exprimé dans l'affaire Cabre Exploration Ltd., précitée, on ne peut établir de parallèle entre une personne qui conteste une accusation criminelle et une société étrangère qui s'oppose à une demande de cautionnement pour les frais. Le mot "personne" à l'art. 15 ne vise pas les sociétés commerciales : Nissho Corporation c. Bank of British Columbia et al. (1987), 39 D.L.R. (4th) 453 (B.R. Alb.). Par l'art. 15, on n'a pas visé à protéger le droit du foetus à la vie : Borowski c. A.G. Canada reflex, (1987), 33 C.C.C. (3d) 402 (C.A. Sask.); appel rejeté pour d'autres motifs 1989 IIJCan 123 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 342. Les dispositions de l'art. 15 relatives à l'égalité se limitent aux personnes. L'article s'applique seulement aux personnes physiques, sauf lorsqu'une société invoque l'article comme moyen de défense contre une responsabilité civile ou pénale : NKH Ltd. c. Township of Verulam

reflex, (1987), 40 D.L.R. (4th) 306 (C.S. Ont.).

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Il importe, pour l'application de l'art. 15, qu'une société commerciale ne jouit pas de la dignité ou de valeur de personne humaine susceptible d'abus de la part de l'État. Bien que le juge en chef Dickson dise dans l'arrêt Big M Drug Mart, précité, que "la question de savoir si une personne morale peut jouir de la liberté de religion est ... sans importance", cette affirmation dépendait de la nature générale des libertés protégées par l'art. 2. Il semble qu'il ait considéré cette question pouvait être importante "si l'al. 2a) était interprété comme ne protégeant que les personnes qui peuvent démontrer qu'elles ont véritablement des croyances religieuses". Une telle restriction serait semblable à la restriction inhérente de l'art. 15 qui exige une différence de traitement entre les personnes ou groupes de personnes. En conséquence, le mot "personne" ne vise pas les personnes morales demanderesses en l'espèce : Institute of Edible Oil Foods c. Ontario

reflex, (1987), 47 D.L.R. (4th) 368 (C.S. Ont.); appel rejeté

reflex, (1989), 64 D.L.R. (4th) 380

(C.A. Ont.); autorisation de pourvoi refusée (C.S.C., 6 septembre 1990); R. c. Magder Furs Ltd.

reflex, (1989), 49

C.C.C. (3d) 267 (C.A. Ont.); autorisation d'interjeter appel refusée (C.S.C., 9 novembre 1989).

[3] Égalité de Sa Majesté et des autres personnes Il doit être clair que la Couronne ne peut être comparée à une personne. La Couronne représente l'État. Elle est le moyen par lequel se manifeste la dimension fédérale de notre société canadienne. Elle doit représenter les intérêts de tous les membres de la société canadienne dans les recours en justice exercés contre la Couronne du chef du Canada. Les droits et obligations de la Couronne sont très différents de ceux des particuliers qui intentent des actions contre le gouvernement fédéral. On pourrait cependant concevoir des cas où les activités de la Couronne ne pourraient être distinguées de celles d'une autre partie se livrant à des activités commerciales. Il se pourrait que, dans ces circonstances, une comparaison en vertu du par. 15(1) soit juste et appropriée, mais il conviendra de s'y arrêter à un autre moment : Rudolph Wolff & Co. c. Canada, 1990 IIJCan 139 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 695. Le par. 15(1) ne s'applique pas et ne rend pas inopérante l'obligation faite par la loi de donner avis d'une réclamation découlant de l'absence de réparation d'une route parce que le ministre défendeur n'est pas "une personne". Puisque le défendeur est un ministre du gouvernement, c'est, en réalité, la couronne qui a été poursuivie. La couronne n'est pas sur le même pied que les autres personnes. En vertu de la common law, la couronne n'était pas susceptible de poursuite en responsabilité et elle ne l'est que pour autant que les textes de lois le permettent : Kurolak et al. c. Minister of Highways reflex, (1986), 28 D.L.R. (4th) 273 (B.R. Sask.); Sebastian c. Government of Saskatchewan

reflex, (1987), 31

C.R.R. 350 (B.R. Sask.). L'art. 15 vise à assurer que la loi traite ceux qui sont dans une même situation de façon égale. Dans les procédures de perception de l'impôt, Sa Majesté représente tous les contribuables et même tous les citoyens qui profitent des dépenses payées à même ces recettes fiscales. Sa Majesté, à titre de débitrice n'est pas dans la même situation qu'un particulier. La créance privilégiée de Sa Majesté en l'espèce n'est ni une distinction ni une inégalité à laquelle on a voulu que l'art. 15 s'applique. La situation pourrait être différente si Sa Majesté exploitait un commerce et avait contracté des dettes au même titre qu'un particulier. Cependant, dans la perception des impôts, Sa Majesté n'agit pas à titre de simple particulier, elle remplit sa fonction de gouvernement : Lennox Industries (Canada) Ltd. c. La Reine 297 (C.F. 1re inst.); Montreal Trust Co. c. Tottrup

reflex, (1987), 34 D.L.R. (4th)

reflex, (1990), 82 Alta. L.R. (2d) 340 (B.R. Alb.).

Manifestement, la conclusion à l'existence d'une inégalité dans l'affaire Zutphen Bros. Construction Ltd.,

reflex, (1987)

35 D.L.R. (4th) 433, découle de la prémisse qu'on peut établir un parallèle entre une personne privée et la poursuite. Le seul motif d'établir ce parallèle tient à l'avis exprimé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Big M Drug Mart selon lequel "tout accusé, que ce soit une personne morale ou une personne physique, peut contester une accusation criminelle en faisant valoir que la loi en vertu de laquelle l'accusation est portée est inconstitutionnelle". Mais, ce n'est pas le critère qui permet de déterminer s'il est possible d'établir un parallèle entre une personne physique et la poursuite en vertu du par. 15(1). Ainsi, le substitut du procureur général n'agit pas dans une poursuite criminelle à titre de personne privée. Il agit au nom de la poursuite, qui à son tour représente l'État, c'est-à-dire la société. Le Oxford English Dictionary définit "individual" comme [Traduction] "une personne physique déterminée" par opposition à "la société". En conséquence, on

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ne saurait comparer, pour les fins du par. 15(1), l'accusé, à titre de personne privée et le substitut du procureur général, qui agit pour la société. D'autre part, en raison de la différence de leur rôle, la poursuite et l'accusé ne se trouvent pas dans des situations semblables pour les fins du droit : Stoddart c. R.

reflex, (1987), 37 C.C.C. (3d) 351 (C.A. Ont.);

Rudolph Wolff & Co. c. Canada, 1990 IIJCan 139 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 695. La prérogative en vertu de laquelle la Couronne est exempte de l'application de la Limitation of Actions Act de l'Alberta ne contrevient pas à l'article 15 de la Charte au motif qu'elle serait discriminatoire à l'endroit des plaideurs qui sont des personnes physiques. La Couronne ne peut être assimilée à une personne physique, sauf dans les cas où ses activités ne peuvent être différenciées de celles de tout autre plaideur participant à une activité commerciale. Dans le présent cas, toutefois, le créancier hypothécaire était, de par la loi, mandataire de la Couronne, et il accordait des hypothèques et recevait des garanties dans le but de promouvoir les objectifs sociaux établis par le gouvernement dans le cadre de programmes tel celui en vertu duquel les débiteurs hypothécaires ont contracté leur emprunt. Les actes accomplis par le créancier hypothécaire lorsqu'il a conclu les ententes hypothécaires étaient les actes de la Couronne, agissant en qualité de gouvernement de l'Alberta : Alberta Home Mortgage Corp. c. Castleridge Apartments Ltd., 125 (B.R. Alb.); pourvoi rejeté

reflex, [1991] 5 W.W.R.

reflex, [1994] 7 W.W.R. 240 (C.A. Alb.); autorisation de pourvoi refusée (C.S.C., 3

novembre 1994).

[4] Similarité de situation Le critère de "l'identité de situation" comporte un grave défaut en ce qu'il exclut toute considération de la nature de la loi. Appliqué au pied de la lettre, il pourrait servir à justifier les lois de Nuremberg d'Adolf Hitler. Un traitement identique était prévu pour tous les Juifs. Le critère de la situation identique aurait justifié le principe formaliste de "séparé mais équivalent" de l'arrêt Plessy c. Ferguson, 163 U.S. 537 (1896). La simple égalité d'application de la loi à des groupes ou à des individus qui se trouvent dans une situation identique ne peut constituer un critère réaliste en ce qui concerne la violation des droits à l'égalité. Une mauvaise loi ne peut être sauvegardée pour la simple raison qu'elle s'applique également à tous ceux qu'elle vise. Pas plus qu'une loi ne sera nécessairement mauvaise parce qu'elle établit des distinctions. Le critère ne peut être accepté comme règle ou formule figée applicable en vue de trancher les questions d'égalité soulevées en vertu de la Charte. Il faut tenir compte du contenu de la loi, de son objet et de son effet sur ceux qu'elle vise, de même que sur ceux qu'elle exclut de son champ d'application. Les questions qui seront soulevées d'un cas à l'autre sont telles que ce serait une erreur que de tenter de restreindre ces considérations à une formule limitée et figée : Law Society of British Columbia c. Andrews, 1989 IIJCan 2 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 143. Le critère voulant que les personnes qui se trouvent dans une situation analogue soient traitées de façon analogue ne peut être appliqué que machinalement et n'a pas été utilisé depuis la décision rendue par cette cour dans l'affaire Andrews, précitée : McKinney c. Université de Guelph, 1990 IIJCan 60 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 229. Dans ses motifs en l’espèce, le juge Cory (les juges Iacobucci, McLachlin et Sopinka étant d’accord avec ses motifs et la juge L’Heureux-Dubé avec le résultat) dit que il est vrai que, dans ce même arrêt, ce qu’on appelle le «critère de la situation analogue» a été écarté pour le motif que son raisonnement était indûment formaliste et circulaire: il admettait sans discernement la distinction établie par la loi en cause et se fondait ensuite sur cette même catégorisation pour justifier la distinction établie. Quoi qu’il en soit, toute analyse portant sur l’égalité ou la discrimination suppose un élément de comparaison. Cela ne signifie toutefois pas que les tribunaux reviendront au critère de la situation analogue, comme le prétend l’intimée. Au contraire, effectuer une analyse comparative, c’est reconnaître qu’une discrimination ne peut être établie dans l’abstrait: Egan c. Canada, 1995 IIJCan 98 (C.S.C.), [1995] 2 R.C.S. 513.

[5] Motifs de discrimination mentionnés dans la Charte Les motifs énumérés sont des indicateurs législatifs de l’existence de motifs suspects, associés à des processus décisionnels discriminatoires et fondés sur de stéréotypes.

Ils sont l’expression, dans la loi, d’une caractéristique

générale, et non une conclusion, fondée sur le contexte et les faits pertinents, relativement à l’existence ou à l’absence de discrimination dans une affaire donnée. En tant que tels, les motifs énumérés doivent être distingués d’une conclusion portant qu’il y a discrimination dans une affaire donnée. Puisque les motifs énumérés ne constitutent que des indicateurs http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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de l’existence de motifs de distinction suspects, il s’ensuit que les décisions fondées sur ces motifs ne sont pas toujours discriminatoires.

La même observation s’applique à l’égard des motifs qui ont été reconnus par notre Cour comme

«analogues» à ceux énumérés à l’art. 15. Affirmer qu’un motif de distinction est un motif analogue ne fait qu’indiquer qu’un certain processus décisionnel est suspect parce qu’il aboutit souvent à la discrimination et au déni du droit à l’égalité réelle.

Tout comme les distinctions fondées sur des motifs énumérés, celles qui reposent sur des motifs analogues

peuvent fort bien ne pas être discriminatoires. Toutefois, cela ne veut pas dire pour autant que ces motifs ne sont pas analogues ou qu’ils ne le sont que dans certaines circonstances. Les motifs énumérés et les motifs analogues constituent des indicateurs permanents de l’existence d’un processus décisionnel suspect ou de discrimination potentielle. La variable est la réponse à la question de savoir s’ils sont source de discrimination dans les circonstances particulières d’une affaire donnée.

En conséquence, quels sont les critères qui permettent de qualifier d’analogue un motif de distinction?

La

réponse est évidente, il s’agit de chercher des motifs de distinction analogues ou semblables aux motifs énumérés à l’art. 15. Le point commun entre ces motifs est le fait qu’ils sont souvent à la base de décisions stéréotypées, fondées non pas sur le mérite de l’individu mais plutôt sur une caractéristique personnelle qui est soit immuable, soit modifiable uniquement à un prix inacceptable du point de vue de l’identité personnelle.

Ce fait tend à indiquer que l’objet de

l’identification de motifs analogues à la deuxième étape de l’analyse établie dans Law est de découvrir des motifs fondés sur des caractéristiques qu’il nous est impossible de changer ou que le gouvernement ne peut légitimement s’attendre que nous changions pour avoir droit à l’égalité de traitement garantie par la loi. Autrement dit, l’art. 15 vise le déni du droit à l’égalité de traitement pour des motifs qui sont immuables dans les faits, par exemple la race, ou qui sont considérés immuables, par exemple la religion.

D’autres facteurs, que la jurisprudence a rattachés aux motifs énumérés et

analogues, tel le fait que la décision produise des effets préjudiciables à une minorité discrète et isolée ou à un groupe qui a historiquement fait l’objet de discrimination, peuvent être considérés comme émanant du concept central que sont les caractéistiques personnelles immuables ou considérées immuables, caractéristiques qui ont trop souvent servi d’ersatz illégitimes et avilissants de décisions fondées sur le mérite des individus. En l’espèce, le motif analogue que constitue la qualité de membre hors réserve ou l’autochtonité-lieu de résidence ne s’applique qu’à un groupe au sein de la population canadienne, tandis que l’art. 15 vise l’ensemble de la population. Nous sommes toutefois d’avis que cela n’empêche pas ce motif d’être considéré comme un motif analogue à ceux énumérés à l’art. 15.

Le fait que ce motif soit limité

démographiquement n’est pas différent, par exemple, des distinctions qui sont motivées par la grossesse et qui, bien qu’elles constituent une forme différente de discrimination fondée sur le sexe, sont néanmoins fondamentalement liées à ce motif. Il peut se révéler nécessaire de reconnaître des motifs analogues «inclus» afin de pouvoir examiner utilement la discrimination à l’intérieur d’un même groupe: Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 1999 IIJCan 687 (C.S.C.), [1999] 2 R.C.S. 203; Gosselin c. Québec (Procureur générale), 2002 CSC 84 (IIJCan), [2002] 4 R.C.S. 429, 2002 CSC 84. En l’espéce, la position de l’appelant est que l’exclusion expresse des membres de la GRC du régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, en l’absence de tout autre régime syndical applicable, est discriminatoire et qu’elle le prive du bénéfice de la loi. L’appelant n’a pas établi que le statut professionel ou l’emploi des membres de la GRC sont des motifs analogues. Il ne s’agit pas de caractéristiques fonctionnellement immuables dans un contexte de fluidité du marché du travail. La distinction fondée sur l’emploi n’indique pas, ici, «qu’un certain processus décisionnel est suspect parce qu’il aboutit souvent à la discrimination et au déni du droit à l’égalité réelle» (Corbière, au par. 8), compte tenu

notamment

du

statut

de

policier

dans

la

société:

Delisle

c.

Canada

(Sous-procureur

général),

1999 IIJCan 649 (C.S.C.), [1999] 2 R.C.S. 989. Il existe des différences importantes entre la discrimination fondée sur l'âge et certains autres motifs mentionnés au par. 15(1). D'abord, il n'y a rien d'inhérent dans la plupart des motifs de discrimination énumérés qui justifie une corrélation générale entre ces caractéristiques et la capacité, sauf en ce qui concerne l'âge.

Il y a un rapport général entre le

vieillissement et la capacité. Cela ne signifie guère qu'il ne faut pas regarder d'un oeil suspect les interdictions générales fondées sur l'âge, car nous vieillissons à des rythmes différents et ce qui peut sembler vieux à une personne ne l'est pas nécessairement pour une autre. Pour déterminer l'importance à accorder à ce facteur, nous devrions avoir à l'esprit que les autres motifs énumérés sont généralement motivés par des facteurs différents. La discrimination raciale et religieuse http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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et les autres types de discrimination du même genre sont généralement fondés sur des sentiments d'hostilité ou d'intolérance. D'autre part, comme le professeur Ely l'a souligné, «le fait que nous ayons tous été jeunes à un moment donné, et que la plupart d'entre nous espérons atteindre un âge assez avancé, devrait neutraliser la méfiance que nous pourrions autrement avoir à l'égard de la multitude de lois... qui confèrent comparativement plus d'avantages à ceux qui sont âgés entre, disons, 21 et 65 ans qu'à ceux qui sont plus jeunes ou plus vieux». La vérité est que, bien qu'il faille se méfier des lois qui ont des effets préjudiciables inutiles sur les personnes âgées en raison de suppositions inexactes quant aux effets de l'âge sur les capacités, il y a souvent des motifs sérieux de conférer des avantages à un groupe d'âge plutôt qu'à un autre dans la mise sur pied de grands régimes sociaux et dans la répartition des bénéfices : McKinney c. Université de Guelph, 1990 IIJCan 60 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 229; Gosselin c. Québec (Procureur générale), 2002 CSC 84 (IIJCan), [2002] 4 R.C.S. 429, 2002 CSC 84. L'appelant ne peut pas dire, dans le contexte de sa contestation du système des cours martiales générales, qu'il fait partie d'une "minorité discrète et isolée" de manière à être visée par le par. 15(1). Aux fins du présent pourvoi, l'on ne saurait affirmer que l'appelant appartient à une catégorie de personnes visée par le par. 15(1), ou à une catégorie analogue. Cependant, cette conclusion ne vaut que pour le contexte du présent pourvoi. La Cour ne veut pas dire que les militaires ne peuvent jamais être désavantagés ou victimes de traitement discriminatoire de manière à tomber sous la portée de l'art. 15 de la Charte. Il est certain, par exemple, qu'après une démobilisation générale à la cessation d'hostilités, les militaires qui reviennent de la guerre peuvent bien être victimes de désavantages et de traitements discriminatoires propres à leur statut, et cette Cour n'exclut pas qu'en pareil cas des membres des Forces armées puissent former une catégorie de personnes analogues à celles énumérées au par. 15(1).

Toutefois, ce n'est pas le cas en l'espèce et

l'appelant n'a rien à gagner en invoquant l'art. 15 de la Charte : R. c. Généreux, 1992 IIJCan 117 (C.S.C.), [1992] 1 R.C.S. 259. La méthode des «motifs analogues» utilisée pour aborder l’art. 15 de la Charte est semblable à celle que la Cour d’appel fédérale, dans les arrêts qu’elle a rendus récemment, et l’Immigration Board of Appeals américain ont employée pour définir l’expression «groupe social» [au par. 2(1) de la Loi sur l’immigration], lorsqu’il s’est agi de dégager le point que les motifs énumérés ont en commun et d’extrapoler à partir de ce point commun.

Le sens donné à l’expression «groupe

social» dans la Loi devrait tenir compte des thèmes sous-jacents généraux de la défense des droits de la personne et de la lutte contre la discrimination qui viennent justifier l’initiative internationale de protection des réfugiés.

Les critères

proposés dans la jurisprudence permettent d’établir une bonne règle pratique en vue d’atteindre ce résultat.

Trois

catégories possibles sont identifiées: (1) les groupes définis par une caractéristique innée ou immuable; (2) les groupes dont les membres s’associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu’ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association; et (3) les groups associés par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique. La première catégorie comprendrait les personnes qui craignent d’être persécutées pour des motifs comme le sexe, les antécédents linguistiques et l’orientation sexuelle, alors que la deuxième comprendrait, par exemple, les défenseurs des droits de la personne.

La troisième catégorie est incluse davantage à

cause d’intentions historiques, quoiqu’elle se rattache également aux influences anti-discriminatoires, en ce sens que le passé

d’une

personne

constitue

une

partie

immuable

de

sa

vie:

Canada

(Procureur

général)

c.

Ward,

1993 IIJCan 105 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 689. Les appelants font valoir que le lieu de résidence d'une personne peut constituer une caractéristique personnelle analogue aux motifs prohibés énumérés au par. 15(1). circonstances n'existent pas en l'espèce.

Il peut bien en être ainsi dans certaines circonstances, mais ces

Ce serait fantaisiste au plus haut degré de conclure que les personnes qui

déménagent au Québec moins de six mois avant la date d'un référendum sont assimilables aux victimes d'une discrimination fondée sur la race, la religion ou le sexe. Les personnes qui s'installent au Québec moins de six mois avant la date d'un référendum ne souffrent ni de stéréotypage ni de préjugés sociaux. Quoique ses membres n'aient pu voter au référendum québécois, le groupe en question n'est pas de ceux qui ont subi des désavantages historiques ou des préjugés politiques. Il ne semble pas s'agir non plus d'un groupe «distinct et séparé». Sa composition est hautement changeante: des gens s'y ajoutent constamment puis cessent d'en faire partie dès qu'ils satisfont aux exigences posées http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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par le Québec en matière de résidence. Puisqu'ils ne manifestent aucun des signes traditionnels de discrimination je ne puis conclure que les nouveaux résidents d'une province forment un groupe pour lequel il convient de créer une nouvelle catégorie relevant du par. 15(1): Haig c. Canada, 1993 IIJCan 58 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 995; Siemens c. Manitoba (Procureur général), 2003 CSC 3 (IIJCan), [2003] 1 R.C.S. 6, 2003 CSC 3. Un demandeur peut rattacher son allégation de discrimination à plus d’un motif énuméré ou d’un motif analogue. Cette façon d’aborder les motifs de discrimination est compatible avec la nature de l’analyse relative à l’égalité fondée sur le par. 15(1), essentiellement fondée sur l’objet et le contexte. Lorsqu’une partie allègue la discrimination en se fondant sur ce qu’elle présente comme un nouveau motif analogue ou sur une combinaison de divers motifs, cette étape de l’examine visant à déterminer s’il y a discrimination doit être axée sur la question de savoir si un motif, ou une combinaison de motifs, est analogue à ceux énumérés au par. 15(1) et pour quelle raison. Cette détermination se fonde sur une analyse exhaustive de l’objet du par. 15(1), de la nature et de la situation de la personne ou du groupe en cause et des antécédents sociaux, politiques et juridiques du traitement réservé à ce groupe dans la société canadienne.

Un ou

plusieurs motifs ne seront pas jugés analogues en vertu du par. 15(1) à moins qu’il ne puisse être démontré que la différence de traitement découlant de ce ou ces motifs est susceptible d’avoir une incidence sur la dignité humaine. Si la cour considère que reconnaître le motif, ou la combinaison de motifs, comme analogue irait dans le sens de la réalisation de l’objet fondamental du par. 15(1), le motif, ou la combinaison de motifs, sera alors reconnu. Il n’y a donc aucune raison de principe pour laquelle une allégation de discrimination reposant sur une combinaison de motifs ne peut pas être considérée comme étant fondée sur un motif analogue ou sur une synthèse des motifs énumérés au par. 15(1): Law c. Canada (M.E.I.), 1999 IIJCan 675 (C.S.C.), [1999] 1 R.C.S. 497. Le goût pour la marihuana ne constitue pas une « caractéristique personnelle » emportant l’application de la garantie prévue à l’art. 15. Comme le dit par ailleurs M. Malmo-Levine lui-même, il s’agit d’un choix de mode de view. Il n’y a pas d’analogie aves les caractéristiques personnelles énumérées à l’art. 15.

Ce serait banaliser cette énumération que de

considérer que la consommation de cannabis est analogue au sexe ou à la religion en ce qu’elle constituerait une « caractéristique profondément personnelle qui est soit immuable, soit susceptible de n’être modifiée qu’à un prix personnel inacceptable » Egan c. Canada. L’argument de M. Malmo-Levine fondé sur le droit à l’égalité ne satisfait pas à la première des exigences énoncées dans Law c. Canada. L’objet véritable de l’art. 15 est de « corriger ou empêcher la discrimination contre des groupes victimes de stéréptypes, de désavantages historiques ou de préjugés politiques ou sociaux dans la société canadienne »: Swain et Rodriguez. Accueillir l’argument de M. Malmo-Levine et étendre la protection de l’art. 15 de la charte à une activité récréative (ou à un mode de vie) équivaudrait tout bonnement à dénaturer ce noble objectif: R. c. Malmo-Levine; R. c. Caine, 2003 CSC 74 (IIJCan), [2003] 3 R.C.S. 571, 2003 CSC 74.

[6] "Discrimination" La discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs aux caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société. Les distinctions fondées sur des caractéristiques personnelles attribuées à un seul individu en raison de son association avec un groupe sont presque toujours taxées de discriminatoires, alors que celles fondées sur les mérites et capacités d'un individu le sont rarement. Pour vérifier s'il y a eu atteinte aux droits que le par. 15(1) reconnaît au plaignant, il ne suffit pas de se concentrer uniquement sur le motif allégué de discrimination et de décider s'il s'agit d'un motif énuméré ou analogue. L'examen doit porter également sur l'effet de la distinction ou de la classification attaquée sur le plaignant. Dès qu'on accepte que ce ne sont pas toutes les distinctions et différenciations créées par la loi qui sont discriminatoires, on doit attribuer au par. 15(1) un rôle qui va au-delà de la simple reconnaissance d'une distinction légale. Un plaignant en vertu du par. 15(1) doit démontrer non seulement qu'il ne bénéficie pas d'un traitement égal devant la loi et dans l'application de la loi, ou encore que la loi a un effet particulier sur lui en ce qui concerne la protection ou le bénéfice qu'elle offre, mais encore que la loi a un effet discriminatoire sur le plan législatif. Lorsqu'il y a discrimination, il y a violation du par. 15(1) et, lorsque le par. http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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15(2) ne s'applique pas, tout justification, tout examen des facteurs qui pourraient justifier la discrimination et appuyer la constitutionnalité de la mesure législative attaquée devraient se faire en vertu de l'article premier de la Charte : Law Society

of

British

Columbia

c.

Andrews,

1989

IIJCan

2

(C.S.C.),

[1989]

1

R.C.S.

143;

R.

c.

Turpin,

1989 IIJCan 98 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 1296; McKinney c. University of Guelph, 1990 IIJCan 60 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 229; Symes

c.

Canada,

1993

IIJCan

55

(C.S.C.),

[1993]

4

R.C.S.

695;

Law

c.

Canada

(M.E.I.),

1999 IIJCan 675 (C.S.C.), [1999] 1 R.C.S. 497; Granovsky c. Canada (M.E.I.), 2000 CSC 28 (IIJCan), [2000] 1 R.C.S. 703. Pour déterminer s'il y a discrimination pour des motifs liés à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, il importe d'examiner non seulement la disposition législative contestée qui établit une distinction contraire au droit à l'égalité, mais aussi d'examiner l'ensemble des contextes social, politique et juridique. Comme le juge McIntyre l'a souligné dans l'arrêt Andrews, précité, "une mauvaise loi ne peut être sauvegardée pour la simple raison qu'elle s'applique également à ceux qu'elle vise. Pas plus qu'une loi sera nécessairement mauvaise parce qu'elle établit des distinctions". Ce n'est qu'en examinant le contexte général qu'une cour de justice peut déterminer si la différence de traitement engendre une inégalité ou si, au contraire, l'identité de traitement engendre, à cause du contexte particulier, une inégalité ou présente un désavantage. La constatation d'une discrimination nécessitera le plus souvent, mais peut-être pas toujours, de rechercher le désavantage qui existe indépendamment de la distinction juridique précise contestée. En l'espèce, les appelants soutiennent qu'ils sont victimes de discrimination parce qu'ils sont accusés d'un des actes criminels énumérés à l'art. 427 du Code criminel et qu'ils n'ont pas la possibilité, comme les personnes accusées de la même infraction en Alberta, de subir un procès devant un juge seul. Cependant, ce serait tomber dans la fantaisie de qualifier de "minorité discrète et isolée" les personnes qui, dans toutes les provinces sauf l'Alberta, sont accusées de l'un des crimes énumérés à l'art. 427 du Code criminel. Cette caractérisation est non pas une fin en soi, mais un moyen analytique de déterminer si un droit qu'un requérant particulier fait valoir est un droit du genre de ceux que l'art. 15 de la Charte est destiné à protéger. Établir une distinction, pour les fins du mode de procès, dans ces circonstances, ne favoriserait pas les objets de l'art. 15 en remédiant à la discrimination dont sont victimes les groupes de personnes défavorisées sur les plans social, politique ou juridique dans notre société ou en les protégeant contre toute forme de discrimination. Il serait inutile de chercher des signes de discrimination tels que des stéréotypes, des désavantages historiques ou de la vulnérabilité à des préjugés politiques ou sociaux en l'espèce parce que ce qui est comparé c'est la situation de personnes qui sont accusées, ailleurs au Canada, d'une des infractions énumérées à l'art. 427, avec celle des personnes ainsi accusées en Alberta. Faire droit aux demandes des appelants en vertu de l'art. 15 de la Charte serait "aller au delà de l'objet véritable du droit ou de la liberté en question" : R. c. Turpin, 1989 IIJCan 98 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 1296. Il ne faut pas présumer que pour la simple raison qu'une disposition vise un groupe identifié par une caractéristique énumérée au par. 15(1) nous nous retrouvons automatiquement en face d'une violation du par. 15(1). Il doit également y avoir négation du droit à l'égalité qui engendre la discrimination.

Dans ces pourvois, on demande à la Cour de

déterminer quand une distinction fondée sur le sexe peut être légitimement faite et quand elle ne le peut pas. Dans le contexte du droit criminel, la réponse à cette question dépend de la nature de l'infraction en cause.

Si la disposition

contestée crée une infraction qui peut réellement être commise tant par une personne d'un sexe que par une personne de l'autre sexe, mais précise qu'il ne s'agit d'une infraction que si elle commise par une personne d'un sexe seulement, il se peut fort bien qu'il y ait violation du par. 15(1). Mais si la disposition contestée crée une infraction qui comporte des actes qui ne peuvent

réellement être commis que par une personne d'un sexe seulement, il n'est pas alors évident que le

paragraphe 15(1) est violé. Dans un tel cas, il peut fort bien y avoir une raison liée au sexe pour créer une infraction qui ne peut être commise que par une personne d'un sexe seulement. On ne peut ignorer certaines réalités biologiques qui peuvent légitimement influer sur la définition d'infractions particulières. Par exemple, peu de personnes oseraient qualifier de discriminatoire une disposition qui interdit de provoquer son propre avortement parce qu'elle ne s'applique pas aux hommes. Le par. 15(1) n'interdit pas de créer une infraction qui, en raison d'une réalité biologique, ne peut être commise que par une personne d'un sexe seulement en raison de la nature unique des actes interdits.

Il faut donc être

extrêmement prudent pour éviter de faire des comparaisons trop simplistes avec les hommes qui sont accusés en vertu du par. 146(1) du Code criminel et les femmes qui ont moins de quatorze ans et qui ont des rapports sexuels avec des http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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hommes qui ne sont pas leur mari.

Si l'on accepte qu'une femme ne commet pas un acte physique qui peut être

facilement assimilé à celui qu'un homme commet en vertu du par. 146(1), il est préférable de laisser au législateur le soin de décider si une femme devrait ou non être punie pour un acte qu'elle peut commettre et qu'elle commet. Il n'appartient pas à la Cour en vertu du par. 15(1) de décider si une femme qui choisit d'avoir des rapports sexuels avec un jeune garçon de moins de quatorze ans mérite la même désapprobation sociale qu'un homme qui a des rapports sexuels avec une jeune fille de moins de quatorze ans. Ces questions concernent directement le code de moralité sexuelle de la société et elles relèvent du Parlement : R. c. Hess, 1990 IIJCan 89 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 906. On allègue que l'expression «indépendamment de toute discrimination» à l'art. 15 exige non seulement une constatation de distinction défavorable, mais encore la preuve d'une absurdité, de suppositions et de préjugés stéréotypés, car autrement, des distinctions juridiques universellement acceptées et manifestement souhaitables seraient considérées comme des violations de l'art. 15 et exigeraient une justification en vertu de l'article premier de la Charte. On prétend, sans grande conviction, qu'une politique de retraite obligatoire n'est pas fondée sur des différences personnelles non pertinentes ou des suppositions stéréotypées, mais résulte plutôt de considérations «administratives, institutionnelles et socio-économiques». Rien de tout cela n'est pertinent, car il ressort clairement de l'arrêt Andrews que non seulement la Charte confère une protection contre une discrimination directe ou intentionnelle, mais encore qu'elle confère une protection contre la discrimination par suite d'un effet préjudiciable, comme c'est le cas en l'espèce : McKinney c. Université de Guelph, 1990 IIJCan 60 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 229; Tétreault-Gadoury c. Canada (C.E.I.C.), 1991 IIJCan 12 (C.S.C.), [1991] 2 R.C.S. 22. La nouvelle règle de common law formulée dans la présente affaire par la Cour suprême du Canada fait une distinction entre les individus, fondée sur la caractéristique personnelle qu'est la déficience mentale. Si le ministère public estime que l'accusé était aliéné au moment de l'infraction, l'accusé ne sera pas reconnu coupable et il devra plutôt subir un procès sur la question de l'aliénation mentale (au cours duquel le ministère public pourra produire sa preuve d'aliénation mentale contre le gré de l'accusé).

Cet aspect de la nouvelle règle de common law n'impose pas le fardeau ou le

désavantage que représenterait une intervention dans la conduite de la défense de l'accusé (contrairement à l'ancienne règle qui permettait au ministère de soulever la question de l'aliénation mentale, contre le gré de l'accusé, avant qu'il n'y ait eu déclaration de culpabilité).

Elle fait plutôt une distinction entre les accusés en ce que certains accusés sont

soustraits au processus de déclaration de culpabilité et de détermination de la peine; ils sont plutôt soumis à un examen de la question de l'aliénation mentale afin de déterminer s'ils devraient être reconnus coupables eux aussi ou s'ils devraient être assujettis au système de mandats du lieutenant-gouverneur.

Toute autre différence de traitement (i.e.

entre les personnes acquittées pour cause d'aliénation mentale et les autres personnes acquittées) tient aux dispositions du Code prévoyant ce système, et non à la nouvelle règle de common law. On ne saurait considérer une règle permettant au ministère public de faire passer un individu de la catégorie de personnes qui seront certainement déclarées coupables et se verront infliger une peine, au groupe de personnes qui seront peut-être acquittées, quoique pour cause d'aliénation mentale, comme imposant un fardeau ou un désavantage à cet individu.

Bien qu'un aspect de la nouvelle règle de

common law donne lieu à un traitement différent dans la loi, fondé sur une caractéristique personnelle, elle n'entraîne pas une «discrimination» : R. c. Swain, 1991 IIJCan 104 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 933.

[7] Déficiences mentales ou physiques Les principes voulant que toute distinction fondée sur un motif illicite ne constitue pas une discrimination et que les distinctions fondées sure des caractéristiques plutôt présumées que réelles soient en général les signes révélateurs de la discrimination ont une importance particulière lorsqu'ils sont appliqués à une déficience physique ou à une déficience mentale.

Pour éviter la discrimination fondée sur ce motif, il faudra souvent établir des distinctions en fonction des

caractéristiques personnelles de chaque personne handicapée. Dans Andrews c. Law Society of British Columbia le juge McIntyre a dit que «le respect des différences [...] est l'essence d'une véritable égalité». Cela fait ressortir que le par. 15(1) de la Charte a non seulement pour objet d'empêcher la discrimination par l'attribution de caractéristiques stéréotypées à des particuliers, mais également d'améliorer la position de groupes qui, dans la société canadienne, ont http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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subi un désavantage en étant exclus de l'ensemble de la société ordinaire comme ce fut le cas pour les personnes handicapées.

Certains des motifs illicites visent principalement à éliminer la discrimination par l'attribution de

caractéristiques fausses fondées sur des attitudes stéréotypées se rapportant à des conditions immuables comme la race ou le sexe.

Dans le cas d'une déficience, c'est l'un des objectifs.

L'autre objectif, tout aussi important, vise à tenir

compte des véritables caractéristiques de ce groupe qui l'empêchent de jouir des avantages de la société, et à les accommoder en conséquence. L'exclusion de l'ensemble de la société découle d'une interprétation de la société fondée seulement sur les attributs «de l'ensemble» auxquels les personnes handicapées ne pourront jamais avoir accès. Qu'il s'agisse de l'impossibilité pour une personne aveugle de réussir un examen écrit ou du besoin d'une rampe pour avoir accès à une bibliothèque, la discrimination ne consiste pas dans l'attribution de caractéristiques fausses à la personne handicapée. C'est plutôt l'omission de fournir des moyens raisonnables et d'apporter à la société les modifications qui feront en sorte que ses structures et les actions prises n'entraînent pas la relégation et la non-participation des personnes handicapées qui engendre une discrimination à leur égard. L'enquête sur la discrimination qui recourt au raisonnement fondé sur «l'attribution de caractéristiques stéréotypées», dans son acception courante, est tout simplement inappropriée dans le cas présent. Elle peut être considérée plutôt comme un cas d'inversion d'un stéréotype qui, en ne tenant pas compte de la condition d'une personne handicapée, fait abstraction de sa déficience et la force à se tirer d'affaire toute seule dans l'environnement de l'ensemble de la société.

C'est la reconnaissance des caractéristiques réelles, et

l'adaptation raisonnable à celles-ci, qui consitue l'objectif principal du par. 15(1) en ce qui a trait à la déficience.

Il

s'ensuit que la déficience, en tant que motif illicite, diffère des autres motifs énumérés tels que la race ou le sexe parce que ces motifs ne comportent aucune différence sur le plan individuel. Par contre, quand il s'agit de déficience, il existe des différences énormes selon l'individu et le contexte. Cela engendre, entre autres, [TRADUCTION] «le dilemme de la différence» dont parlent les intervenants et selon lequel la ségrégation peut à la fois protéger l'égalité et y porter atteinte selon la personne concernée et le degré de sa déficience:

Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant,

1997 IIJCan 366 (C.S.C.), [1997] 1 R.C.S. 241. L'analyse de la déficience, fondée sur le par. 15(1), porte véritablement non pas sur les affections en tant que telles, ni même sur des limitations fonctionnelles connexes, mais plutôt sue la réaction problématique de L'État face à l'une ou l'autre de ces situations, ou aux deux à la fois. C'est l'action étatique qui stigmatise les affections ou qui attribue une importance erronée ou exagérée aux limitations fonctionnelles (s'il en est), ou encore qui ne tient pas compte de l'«aspect réparateur important» ou de l'«objet d'amélioration» du par. 15(1) qui ajoute la dimension, pertinente sur le plan juridique, des droits de la personne à ce qui pourrait n'être autrement qu'une simple condition biomédicale.

Certains

motifs énumérés à l'art. 15 nettement immuables, comme l'origine ethnique. Une déficience peut être, mais n'est pas nécessairement, immuable dans le sens de ne pas être susceptible de changement. Comme le montre la présente affaire, une déficience peut être acquise au cors de l'existence d'une personne et s'aggraver ou s'atténuer avec le temps. Comme l'a dit le juge Sopinka dans l'arrêt Eaton, lorsqu'il s'agit de déficience, «il existe des différences énormes selon l'individu et le contexte». Le paragraphe 15(1) garantit que les gouvernement no puissent pas, intentionnellement ou en omettant de prendre les mesures d'accommodement appropriées, stigmatiser l'affection physique ou mentale sous-jacente ou attribuer à une personne des limitations fonctionnelles que cette affection physique ou mentale sous-jacente n'entraîne pas, ou encore omettre de reconnaître les difficultés supplémentaires que les personne atteintes d'une déficience peuvent éprouver à s'epanouir dans une société implacablement conçue pour répondre aux besoins des personnnes physiquement aptes. Il est donc utile de maintenir une distinction entre, d'une part, la composante de la déficience qui, peut-on dire, se retrouve chez la personne elle-même, à savoir les facettes de l'affection physique ou mentale et de la limitation fonctionnelle, et d'autre part, l'autre composante qui est celle du handicap ou désavantage qui résulte d'une construction sociale et qui ne se retrouve nullement chez la personne elle-même, mais résulte plutôt de la société dans laquelle cette personne doit effectuer ses tâches quotidiennnes. Ce ne sont pas toutes les affections physique ou mentales (la première facette) qui engendrent des limitations fonctionnelle (la deuxième facette). Lorsque des limitations fonctionnelles existent vraiment, elles peuvent être mineures au point de n'avoir aucune importance. Par exemple, it se peut qu'une personne légèrement daltonienne n'éprouve aucune limitation fonctionnelle dans la mesure où elle ne choisit pas un emploi pour lequel l'aptitude à distinguer exactement les couleurs est importante, comme celui de décorateur d'intérieur ou de pilote

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Dans d'autres cas comme celui des personnes myopes qui portent des verres correcteurs, la

techonologie a supprimé toute limitation fonctionnelle qui existerait par ailleurs. Une personne dont l'affection physique persiste mais dont les limitations fonctionnelles sont été éliminées continue-t-elle d'être une personne atteinte d'un déficience? La Cour suprême des Etats-Unis est d'avis que ces personnes cessent d'être atteintes d'une déficience au sens de l'Americans with Disabilities Act; voir Sutton c. United Airlines, Inc., 119 S.Ct. 2139 (1999). Notre jurisprudence ne permettrait pas nécessairement d'arriver au même résultat. De même, la troisième facette (le handicap ou désavantage résultant d'une construction sociale) peut attribuer à tort des conséquences exagérées ou injustifées à toute limitation fonctionnelle réelle. Le fait qu'un gouvernement soit enclin à exclure des personnes en raison de l'affection dont elles souffrent justifie un examem même dans le cas où cette affection entraîne une limitation fonctionnelle bien réelle. Les conséquences que le gouvernement associe à une telle limitation fonctionnelle peuvent être exagérées (ou encore sousestimées).

Il y a le cas tout aussi problématique où la société passe directement de la première facette (l'affection

physique ou mentale) à la troisième (l'imposition d'un désavantage ou d'un handicap) sans prendre le temps d'évaluer la véritable limitation fonctionnelle, s'il en est.

En résumé, bien que les notions d'affection et de limitation fonctionnelle

(réelle or perçue) soient des facteurs importants dans l'analyse de la déficience, l'accent est mis avant tout sur la réaction législative ou administrative inadéquate ou l'absence de réaction) de l'Ètat. Le paragraphe 15(a) porte en fin de compte sur les droits de la personne et le traitement discriminatoire, et non pas sur des conditions biomédicales : Granovsky c. Canada (M.E.I.), 2000 CSC 28 (IIJCan), [2000] 1 R.C.S. 703, 2000 CSC 28. Il ya une caractéristique fondamentale et typique des déficiences, que ne possèdent pas les autres motifs de discrimination énumérés : leur diversité quasi infinie, y compris les caractéristiques, les situations et les besoins très différents des personnes qui en sont atteintes. Pour qu'il y ait égalité véritable des personnes atteintes de déficiences, il faut bien tenir compte de ces différences. Dans bien des cas, tracer une seule ligne de démarcation entre les personnes atteintes d'une déficience et les autres personnes est pour ainsi dire inutile, vu qu'aucune mesure d'adaptation ne permet à elle seule de répondre aux besoins de tous.

Les personnes atteintes d'une déficience sont plutôt assujetties à des

limites supplémentaires lorsqu'elles sont aux prises avec des régimes ou des situations sociales qui présument ou exigent qu'elles possèdent un ensemble de capacités différent de celui qu'elles possèdent. Pour garantir la participation égale des personnes atteintes d'une déficience, il faudra changer ces situations de bien des manières, selon les capacités de la personne en question. Dans chaque cas, la question sera non pas de savoir si l'État a exclu toutes les personnes atteintes d'une déficience ou s'il a omis de répondre à leurs besoins en général, mais plutôt de savoir s'il a suffisamment tenu compte des besoins et de la situation de chacune d'elles. Il va sans dire que les avantages ou les services qu'offre le gouvernement ne peuvent pas être entièrement sur mesure. En pratique, il est souvent nécessaire d'adopter des solutions générales qui sont inévitablement susceptibles de ne pas répondre parfaitement aux besoins de chacun, spécialement dans le contexte d'un régime général d'indemnisation comme celui des accidentés du travail examiné en l'espèce. Il est souvent nécessaire, dans ces régimes, de classer diverses lésions et maladies en fonction des données médicales disponibles et d'utiliser les catégories ainsi créées pour traiter les demandes des bénéficiaires.

Une telle approche

s'impose tant pour des raisons d'efficacité administrative que pour assurer le traitement équitable d'un grand nombre de demandes. L'État doit donc disposer d'une certaine latitude à cet égard, mais il ne peut pas échapper aux exigences du par. 15(1) de la Charte. La distinction établie ne peut pas être maintenue lorsque, peu importe que ce soit voulu ou non, elle porte atteinte à la dignité essentielle des personnes touchées et est, de ce fait, discriminatoire:

Nouvelle-Écosse

(Workers’ Compensation Board) c. Martin, 2003 CSC 54 (IIJCan), [2003] 2 R.C.S. 504, 2003 CSC 54

[8] État civil et orientation sexuelle Dans ses motifs en l’espèce, la juge McLachlin (les juges Sopinka, Cory et Iacobucci étant d’accord avec ses motifs et la juge L’Heureux-Dubé avec le résultat) dit que le fait de ne pas être marié -- ou de ne pas s’être marié d’une façon reconnue par L’État -- constitue un motif de discrimination au sens du par. 15(1). Premièrement, la discrimination fondée sur l’état matrimonial touche la dignité et le mérite essentiels de la personne de la même façon que d’autres motifs de discrimination reconnus vont à l’encontre de normes fondamentales en matière de droits de la personne.

Plus

particulièrement, ce motif touche la liberté d’une personne de vivre avec le partenaire de son choix, comme elle l’entend. http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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Il s’agit là d’une question d’importance déterminante pour les personnes. Deuxièmement, l’état matrimonial possède des caractéristiques souvent associées aux motifs de discrimination reconnus au par. 15(1) de la Charte. Les personnes qui vivent en union de fait constituent un groupe historiquement désavantagé. Une troisième caractéristique parfois associée à des motifs analogues -- les distinctions fondées sur des caractéristiques personnelles immuables -- existe aussi, mais sous une forme atténuée. En théorie, la personne est libre de choisir de se marier ou non. Cependant, en pratique, la réalité pourrait bien être tout autre. Il n’est pas toujours possible d’obtenir la sanction de l’union par l’État par un mariage civil. La loi, l’hésitation à se marier de l’un des partenaires, les contraintes financières, religieuses ou sociales sont autant de facteurs qui empêchent habituellement des partenaires, qui par ailleurs fonctionnent comme une unité familiale, de se marier officiellement.

Bref, l’état matrimonial échappe souvent au contrôle de la personne.

À ce point de vue, l’état

matrimonial n’est pas différent de la citoyenneté, qui a été reconnue comme un motif analogue dans l’arrêt Andrews; la personne exerce un contrôle limité, mais non exclusif sur son état matrimonial. Cependant, il reste à examiner le thème qui sous-tend l’ensemble des moyens de l’intimé -- le fait que le mariage est un état juste et honorable et qu’il ne peut en conséquence servir de motif de discrimination. En termes simples, son argumentation est la suivante: le mariage est bon; les motifs de discrimination sont mauvais; en conséquence, le mariage ne peut constituer un motif de discrimination. Cet argument a ceci de faux qu’il présuppose que les motifs de discrimination sont mauvais. Le mal ne repose pas sur le motif de discrimination, mais plutôt sur son utilisation non appropriée

pour priver des personnes

appartenant à certains groups de la même protection ou du même bénéfice de la loi, non pas pour un motif fondé sur leurs véritables capacités ou circonstances, mais en raison du groupe auquel elles appartiennent. On ne saurait admettre l’argument que l’état matrimonial ne peut constituer un motif analogue parce qu’il est une bonne chose. La question n’est pas de savoir si le mariage est bon, mais bien s’il peut être utilisé pour priver une personne de l’égalité de traitement pour des motifs qui n’ont rien à voir avec les véritables mérites ou droits de cette personnes dans les circonstances: Miron c. Trudel, 1995 IIJCan 97 (C.S.C.), [1995] 2 R.C.S. 418. La Cour a reconnu le désavantage historique subi par les couples non mariés, ainsi que l'acceptation sociale récente de ce type de famille. Depuis l'arrêt Miron, précité, on a apporté d'importantes modifications à la législation fédérale et provinciale. De nombreuses lois accordant des bénéfices aux personnes mariées ont été modifiées de façon à inclure dans leur champ d'application les personnes vivant en union libre. Néanmoins, les préjugés sociaux envers les partenaires non mariés peuvent encore subsister en dépit de ces importantes réformes. Lorsque la loi modifie radicalement les obligations juridiques des partenaires l'un envers l'autre, la liberté de choix doit être considérée primordiale. La décision de se marier ou de ne pas se marier est de nature très personnelle et fait interagir, chez chaque personne, un ensemble complexe de considérations sociales, politiques, religieuses et financières. S'il est vrai que les conjoints non mariés ont été désavantagés historiquement et lésés par l'application de stéréotypes, on ne peut nier pour autant que de nombreuses personnes se trouvant dans une situation semblable à celle des parties, c'est-à-dire des personnes de sexe opposé vivant dans une union conjugale d'une certaine permanence, ont choisi de se soustraire à l'institution du mariage et aux conséquences juridiques qui en découlent. En l’espèce, la Matrimonial Property Act de la Nouvelle-Écosse crée un régime de partage des biens conçu pour les personnes qui ont pris, mutuellement, une mesure concrète pour s'en prévaloir. À l'inverse, la loi exclut de son champ d'application les personnes qui n'ont pris aucune mesure en ce sens. En exigeant qu'il existe un consensus, exprimé par le mariage ou par l'enregistrement d'une union civile, on ne respecte pas moins, mais davantage l'autonomie et l'autodétermination des couples vivant en union libre, de même que leur faculté de vivre dans une forme d'union qu'ils ont eux-mêmes façonnée. Dans Law, le juge Iacobucci a affirmé que « [l]a loi ne fonctionne pas au moyen de stéréotypes mais au moyen de distinctions qui correspondent à la situation véritable des personnes qu'elle vise » : Nouvelle-Écosse (Procureur général) c. Walsh, 2002 CSC 83 (IIJCan), [2002] 4 R.C.S. 325, 2002 CSC 83. En l’espèce, tous les neuf juges de la Cour suprême du Canada sont d’accord pour dire que l’orientation sexuelle est une caractéristique profondément personnelle qui est soit immuable, soit susceptible de n’être modifiée qu’à un prix personnel inacceptable et qui, partant, entre dans le champ de protection de l’art. 15 parce qu’elle est analogue aux motifs énumérés. La Cour statue, à la majorité, que la définition de «conjoint» comme «personne de sexe opposé» à l’art. 2 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse contrevient au par. 15(1).

Dans ses motifs le juge Cory (les juges Iacobucci,

McLachlin et Sopinka étant d’accord avec ses motifs, la juge L’Heureux-Dubé avec le résultat) dit que si le désavantage http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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historique ou la situation d’un groupe en tant que minorité discrète et isolée peuvent servir d’indices de l’existence d’un motif analogue, ils ne sont toutefois pas des conditions préalables à une conclusion à cet effet. Ils peuvent simplement se révéler utiles pour déterminer si le droit que fait valoir le plaignant est de ceux que le par. 15(1) a été conçu pour protéger. Le désavantage historique dont ont souffert les homosexuels est largement reconnu et abondamment étayé. Les homosexuels, en couples ou individuellement, ont grandement souffert de discrimination. L'orientation sexuelle est davantage que le simple «statut» d’un individu.

C’est quelque chose qui se manifeste dans le comportement d’une

personne par le choix de son partenaire. La Charte protège les croyances et les pratiques religieuses en tant qu’aspects de la liberté de religion. On devrait reconnaître également que l’orientation sexuelle réunit des aspects du «statut» et du «comportement», et que tous deux devraient être protégés. L’orientation sexuelle se manifeste par le choix du partenaire de vie, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel. devrait elle aussi être protégée.

Il s’ensuit donc qu’une union légitime qui naît de l’orientation sexuelle

Ce n’est pas le simple fait qu’une distinction soit fondée sur un motif énuméré ou

analogue qui entraîne la discrimination.

L’existence d’une discrimination est plutôt établie par l’appréciation de l'effet

préjudiciable de la distinction par rapport à l’objectif fondamental du par. 15(1), qui est d’empêcher toute atteinte à la dignité humaine essentielle.

Le fait que le législateur ait fondé son raisonnement sur des stéréotypes peut fort bien

constituer un facteur extrêmement important pour déterminer s’il y a distinction. En l’espèce, si on examine la Loi du point de vue des appelants, on s’aperçoit qu’elle nie aux couples homosexuels le droit au même bénéfice de la loi. La Loi ne fonde pas ce refus sur les mérites ou les besoins des personnes concernées, mais uniquement sur leur orientation sexuelle. La définition de «conjoint» comme étant une personne de sexe opposé renforce le stéréotype selon lequel les homosexuels ne peuvent entretenir et, effectivement, n’entretiennent pas de relations durables où l’affection, le soutien et l’interdépendance financière se manifestent de la même façon que chez les couples hétérosexuels. L’effet de la disposition contestée est manifestement contraire au but de l’art. 15 de protéger la dignité humaine et, par conséquent, la distinction équivaut à une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle:

Egan

c. Canada, 1995 IIJCan 98 (C.S.C.), [1995] 2

R.C.S. 513; Vriend c. Alberta, 1998 IIJCan 816 (C.S.C.), [1998] 1 R.C.S. 493; M. c. H., 1999 IIJCan 686 (C.S.C.), [1999] 2 R.C.S. 3. La simple reconnaissance législative du droit des couples du même sexe de contracter mariage ne pourrait pas être perçue comme établissant une distinction visée par l'art. 15 : elle n'empêche l'accès à aucun avantage, ni n'impose aucun fardeau sur le fondement d'une différence. Elle ne remplit donc pas la condition préliminaire pour que le par. 15(1) trouve application selon les critères établis dans Law c. Canada. La simple reconnaissance du droit à l'égalité d'un groupe ne peut, en soi, porter atteinte aux droits d'un autre groupe. L'avancement des droits et valeurs consacrés par la Charte profite à l'ensemble de la société et l'affirmation de ces droits ne peut à elle seule aller à l'encontre des principes mêmes que la Charte est censée promouvoir : Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, 2004 CSC 79 (IIJCan), [2004] 3 R.C.S. 698, 2004 CSC 79. Le texte législatif qui interdit aux couples de même sexe de se marier n'est pas compatible avec leurs besoins, leurs capacités, et leur situation. S'il est vrai que, eu égard aux réalités biologiques, seuls les couples hétérosexuels peuvent procréer de manière " naturelle ", les couples de même sexe peuvent choisir d'avoir des enfants autrement. Il est important de signaler que, dans cette affaire, aucune des parties ne prétend que procréer et élever des enfants constituent les seules fins du mariage, ou les seules raisons poussant les couples à se marier. L'intimité, l'affection mutuelle, la reconnaissance sociale, les avantages économiques, la fusion des deux familles, pour n'en mentionner que quelques-unes, sont d'autres raisons pour lesquelles les couples choisissent de se marier. Comme cela a été reconnu dans l'affaire M. c. H., les couples de même sexe sont capables de former des " unions durables, aimantes et intimes ". En refusant aux couples de même sexe le droit de se marier, on perpétue l'idée contraire, c'est-à-dire que les couples de même sexe ne sont pas capables de former des unions durables et aimantes, et donc que les relations entre personnes de même sexe ne méritent pas le même respect et la même reconnaissance que les relations hétérosexuelles. On ne peut ignorer l'importance sociale du mariage, et les avantages dont seules bénéficient les personnes mariées. En effet, toutes les parties conviennent que le mariage constitue une institution importante et fondamentale de la société canadienne. C'est pour cette raison que les demandeurs veulent y avoir accès. Leur exclusion perpétue l'idée que les relations des couples de même sexe sont moins dignes de reconnaissance que les relations hétérosexuelles : Halpern c. Canada http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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(Attorney General) 2002 CanLII 42749 (ON S.C.D.C.), (2003), 215 D.L.R.(4th) 223, 65 O.R.(3d) 161 (C.A. Ont.); demande d'autorisation de pourvoi rejetée (C.S.C, le 9 octobre 2003); EGALE Canada Inc. c. Canada (Attorney General) 2003 BCCA 251 (CanLII), (2003), 225 D.L.R.(4th) 472 (C.A. C.-B.). Il ne semble pas à cette cour que toute situation se rapportant d'une manière ou d'une autre à l'état matrimonial devrait être jugée admissible à la protection de l'art. 15 de la Charte par extension du champ d'application de cette disposition. L'état matrimonial ne fait pas partie des motifs expressément énoncés à l'art. 15, bien qu'il ait été spécifiquement intégré à diverses lois sur les droits de la personne.

En l'espèce, on a prétendu qu'une conjointe de fait n'était pas habile à

témoigner contre son conjoint ni contraignable pour le ministère public, étant donné que les époux légalement mariés ne le sont pas. Il semble qu'il faut se demander si, en ce qui concerne la question de la contraignabilité, la requérante a fait l'objet de discrimination fondée sur son état matrimonial. Elle n'a pas été traitée de la même manière qu'elle l'aurait été si elle avait été mariée à l'accusé. Toutefois, ce ne sont pas seulement les personnes qui vivent dans des rapports quasi maritaux qui sont contraignables. En effet, une fille peut être contrainte à témoigner contre sa mère, un père contre son fils et une belle-mère contre son gendre, que ces personnes vivent ou non ensemble sous le même toit. Le véritable groupe dont fait partie la requérante, dans le présent cas, est constitué de personnes qui ne sont pas des conjoints et qui sont, par conséquent, contraignables. En ce sens, la requérante n'appartient pas à une "minorité discrète et isolée". Elle fait partie d'un groupe qui n'est lié par aucune caractérisque personnelle à une telle minorité, ni en tant qu'individus ni an tant que membres d'un groupe. Elle est contraignable au même titre que le seraient, disons, les enfants ou les parents d'un accusé : R. c. Duvivier

reflex, (1990), 60 C.C.C. (3d) 353 (C.S. Ont.); pourvoi rejeté

reflex, (1991), 64 C.C.C.

(3d) 20 (C.A. Ont.). L'État n'est pas tenu de remédier à tous les aspects, ou encore à quelque aspect que ce soit d'une source de préjudice donnée. Dans le cours de la réglementation de l'économie et de la taxation de ses citoyens, l'État est libre de remédier à certains aspects d'une source de préjudice ou de maux et de s'attaquer au problème là où il estime que la situation est la plus urgente. Cependant, il ne s'ensuit pas que le fardeau imposé à un particulier du seul fait de son orientation sexuelle soit autorisé par la Constitution.

Lorsqu'une règle de droit produit des effets discriminatoires, il importe peu que la

discrimination soit intentionnelle ou une conséquence nécessaire de la règle de droit en question.

Normalement, on

considère que l'État ne peut à bon droit établir des distinctions entre les particuliers que sur le fondement de leurs aptitudes ou de leurs besoins. Dans le présent cas, la définition du terme "spouse" (conjoint) dans le Medical Service Act Regulations de la C.-B. a une portée trop restrictive, puisqu'il ne s'applique pas aux partenaires du même sexe et, comme la restriction du champ d'application de la disposition est fondée sur l'orientation sexuelle, motif de discrimination, une telle restriction est interdite par la Charte : Knodel c. La Reine,

reflex, [1991] 6 W.W.R. 728 (C.S. C.-B.).

Une comparaison des motifs illicites de discrimination du par. 3 (1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de ceux énumérés au par. 15 (1) de la Charte montre que tout justiciable qui veut porter plainte pour cause de discrimination sur le fondement du par. 15 (1) de la Charte peut profiter de la procédure plus avantageuse de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Les homosexuels, qui tombent dans une catégorie analogue à la catégorie "sexe",

constitutionnellement protégée, en sont cependant exclus.

En raison de cette omission dans ses motifs illicites de

discrimination, la Loi canadienne sur les droits de la personne prive des avantages dont jouissent d'autres justiciables lorsqu'ils concluent à discrimination sur les fondements énumérés des individus qui font, et - d'après les preuves rapportées - ont historiquement fait, l'objet d'une discrimination sur des fondements analogues. Cette distinction, créée par la seule législation, toutefois, ne saurait justifier de conclure à une discrimination aux termes du par. 15 (1). Il faut aussi tenir compte du contexte global: social, politique et juridique. Il n'est pas besoin d'aller au-delà des preuves dont le tribunal est saisi pour constater l'existence d'une situation désavantageuse indépendamment de la distinction juridique créée par l'omission de l'orientation sexuelle dans l'énumération des motifs illicites de discrimination au par. 3 (1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et sans s'y arrêter. Le cadre social dont il faut tenir compte inclut la douleur et l'humiliation qu'éprouvent les homosexuels face aux préjugés dont il sont l'objet.

Il inclut également une évolution

éclairée des droits sociaux de la personne et de l'orientation adoptée par la législation au Canada depuis la fin de la seconde guerre mondiale, tant d'ordre fédéral que d'ordre provincial. L'absence de voie de recours en cas de traitement http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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préjudiciable de ces membres de la société qui sont homosexuels, et la possibilité de déduire de l'omission qu'un tel traitement est acceptable, créent l'effet discriminatoire qui enfreint le par. 15 (1) de la Charte: Haig c. la Reine

reflex,

(1992), 94 D.L.R. (4th) 1 (C.A. Ont.). Dans cette affaire, on a soutenu que l'art. 810.1 du Code criminel, qui permet d'ordonner aux personnes susceptibles de commettre l'une des infractions énumérées contre un enfant de moins de quatorze ans de contracter un engagement à garder la paix, est discriminatoire à l'égard des pédophiles. On a allégué que les pédophiles sont des personnes souffrant d'une déficience mentale, et elles sont donc protégées explicitement par l'art. 15 de la Charte.

Étant donné que la

déficience mentale est un motif énuméré à l'art. 15, il conviendrait d'examiner les désavantages historiquement subis par les pédophiles, non pour déterminer s'ils sont visés par l'art. 15, mais pour évaluer si les répercussions différentes de la disposition sont effectivement discriminatoires.

Dans la mesure où les pédophiles souffrent de troubles mentaux, on

pourrait soutenir qu'ils sont eux assi désavantagés. Toutefois, lorsqu'un pédophile risque d'approcher les enfants d'un point de vue sexuel, il n'est pas placé par la société dans une position de subordination. Au contraire, en cherchant à avoir des contacts sexuels avec un enfant vulnérable, le pédophile pose un geste de domination. Il n'est pas alors victime de l'oppression sociale. Dans le contexte de l'art. 810.1, lorsque les pédophiles sont pris à partie uniquement dans la mesure où ils sont susceptibles de commettre un infraction à l'égard d'un mineur, on ne peut dire qu'ils constituent une minorité sujette à un désavantage historique:

R. c. Budreo, [1996] O.J. No. 3 (C. Ont. div. gén.); pourvoi rejeté

2000 CanLII 5628 (ON C.A.), (2000), 142 C.C.C.(3d) 225 (Ont. C.A.); permission d’en appeler refusée (C.S.C., 3 mai 2001).

[9] Égalité dans le sens général Notre Cour a statué que, si les demandeurs établissent une atteinte aux droits à l'égalité des membres du groupe auquel ils appartiennent, ils n'ont pas à prouver l'atteinte à leurs droits individuels: Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), 1997 IIJCan 327 (C.S.C.), [1997] 3 R.C.S. 624. Dans ses motifs en l’espèce, le juge Cory (les juges Iacobucci, McLachlin et Sopinka étant d’accord avec ses motifs, la juge L’Heureux-Dubé avec le résultat) dit que pour tenter de déterminer s’il y a eu négation du même bénéfice de la loi, il va sans dire qu’il y a lieu de considérer dans son ensemble la loi mise en cause. Bien entendu, il peut être suppléé à un avantage refusé dans une partie de la Loi par une compensation prévue dans une autre partie de la même loi. Il peut aussi être approprié, voire nécessaire, de prendre en compte d’autres lois du même palier de gouvernement pour trancher la question. Il est évident qu’un avantage nié dans une loi fédérale peut être compensé par un avantage accordé par une autre loi fédérale. Par contre, il ne convient pas d’examiner les lois provinciales pour corriger ou pallier l’avantage refusé dans une loi fédérale. Les législatures provinciales ont le contrôle exclusif des affaires qui relèvent de leur compétence. D’où la forte possibilité que les avantages accordés par ces législatures varient d’une province à l’autre. Il ne serait donc approprié de considérer la loi provinciale que si la loi fédérale concernée précisait clairement que la loi provinciale fait partie intégrante de ses dispositions ou que les avantages conférés dans les lois fédérale et provinciale doivent être coordonnés. Qui plus est, on ne devrait pas s’intéresser à la question de l’interaction des lois fédérales et provinciales dans le cadre d’une analyse fondée sur le par. 15(1). Cette question concerne la justification possible d’une loi, et ne peut être examinée que sous l’angle de l’article premier de la Charte. Il est donc judicieux de retarder cet examen jusqu’à l’analyse fondée sur l’article premier puisque, si un plaignant établit que la loi contestée a porté atteinte à son droit au même bénéfice de la loi, alors le gouvernement doit, en application de l’article premier de la Charte, démontrer que cette atteinte a été compensée et justifiée par des avantages conférés par une autre loi provinciale:

Egan c. Canada,

1995 IIJCan 98 (C.S.C.), [1995] 2 R.C.S. 513. Le groupe des parents seuls qui ont la garde d’enfants et reçoivent des prestations alimentaires pour ces derniers n’est pas assujetti à un fardeau par le régime d’inclusion/déduction créé par les als. 56(1)b) et 60b) de la Loi de l’impôt sur le revenue. Quoiqu’il puisse très bien y avoir des cas où les calculs de majoration peuvent transférer au conjoint bénéficiaire une partie de la charge fiscale du payeur, on ne peut en déduire que cela a créé nécessairement un «fardeau», du moins

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aux fins de l’art. 15. Les tribunaux devraient être sensibles au fait qu’il est inhérent à la politique fiscale d’établir des distinctions qui ont pour effet d’engendrer des revenus fiscaux tout en conciliant équitablement des intérêts souvent divergents, sinon opposés. Comme toute autre loi, la Loi de l’impôt sur le revenu est soumise à l’examen de la Charte. La portée du droit prévu à l’art. 15 ne dépend pas de la nature de la loi qui est contestée.

Dans le présent pourvoi,

toutefois, pour déterminer si la distinction a pour effet de créer un fardeau, il faut examiner l’interaction existant entre les als. 56(1)b) et 60b) de la Loi de l’impôt sur le revenue et le régime du droit de la famille. Contrairement aux cas qui se présentaient dans Symes et dans Egan, les dispositions contestées dans le présent pourvoi incorporent expressément des mesures législatives tant fédérales que provinciales et en sont tributaires mais ne constituent pas en soi un code complet. Il faut donc examiner les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu conjointement avec les lois fédérales et les lois provinciales en vertu desquelles sont rendues les ordonnances alimentaires pour les enfants afin d’évaluer leur effet sur le requérant.

S’il y a un transfert disproportionné de l’impôt à payer

entre les anciens conjoints, la responsabilité n’en

incombe pas à la Loi de l’impôt sur le revenu, mais au régime du droit de la famille et aux procédures dont résultent les ordonnances alimentaires. Ce régime prévoit des moyens de réexaminer les ordonnances alimentaires qui, par erreur, n'ont pas tenu compte des conséquences fiscales des versements de pension. Étant donné l’interaction entre la Loi de l’impôt sur le revenu et les lois relatives au droit de la famille, on ne peut donc pas dire qui l’al. 56(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu impose à l’intimée un fardeau au sens de la jurisprudence relative à l’art. 15. En somme, il ne s’agit pas d’un cas où la Cour est appelée à déterminer si la distinction établie est vraiment discriminatoire. Il n’existe tout simplement pas de fardeau:

Thibaudeau c. Canada, 1995 IIJCan 99 (C.S.C.), [1995] 2 R.C.S. 627.

Aucune partie de la Constitution n'a, en vertu de l'art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, préséance sur les autres. La Constitution, dont la Charte fait maintenant partie, a toujours reconnu des droits collectifs aux arts. 93 et 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Les droits collectifs, tels que ceux concernant la langue ou encore les écoles confessionnelles ou séparées, sont revendiqués par des individus ou des groupes d'individus en raison de leur appartenance au groupe bénéficiant de la protection en cause. Pour leur part, les droits individuels sont revendiqués également par toute personne en dépit de leur appartenance à certains groupes identifiables. Les droits collectifs protègent certains groupes mais non les autres. Dans cette mesure, ils font exception aux droits à l'égalité dont tous bénéficient également. Par conséquent, un tribunal ne peut se fonder sur l'art. 15 pour invalider une disposition concernant l'utilisation du français ou de l'anglais, et ayant été établie conformément aux arts. 16 à 23 de la Charte, au motif que cette disposition n'accorde pas la même protection ou le même bénéfice à une autre langue : Reference Re Full Funding for Roman Catholic Separate High Schools reflex, (1986), 25 D.L.R. (4th) 1 (C.A. Ont.); pourvoi rejeté 1987 IIJCan 65 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 1148; Adler c. Ontario, 1996 IIJCan 148 (C.S.C.), [1996] 3 R.C.S. 609. L'art. 15 ne s'applique pas aux actes des particuliers dans une province. Ainsi que le professeur Tarnopolsky l'a indiqué, même si une loi de lutte à la discrimination doit elle-même respecter l'art. 15 de la Charte, c'est cette loi et non l'art. 15 qui est directement applicable aux actes discriminatoires des particuliers : Blainey c. Ontario Hockey Association et al. reflex, (1986), 26 D.L.R. (4th) 728 (C.A. Ont.); autorisation de pourvoi rejetée (C.S.C., 26 juin 1986); Law Society of British Columbia c. Andrews, 1989 IIJCan 2 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 143. La cour ne tiendra pas compte l'inégalité d'application de la loi à l'occasion de la contestation de dispositions législatives, si la loi elle-même ne comporte pas de discrimination. Même s'il se peut que, dans un cas particulier, la preuve d'inégalité de traitement ou de discrimination soit suffisante pour rendre la disposition inopérante, l'art. 15 ne permet ni n'oblige les tribunaux d'administrer une loi : Swain c. R.

reflex, (1986), 24 C.C.C. (3d) 385 (C.A. Ont.); appel accueilli pour

d'autres motifs 1991 CanLII 104 (S.C.C.), [1991] 1 S.C.R. 933; R. c. Brooks

reflex, (1989), 47 C.C.C. (3d) 276 (C.A.

Alb.). On a soutenu en l'espèce que l'accusé ne jouirait pas de l'égalité devant l'al. 11d) de la Charte à l'occasion de son procès pénal s'il était forcé de témoigner dans une action civile. Cependant, la violation d'une autre disposition de la Charte confère un droit d'action distinct et indépendant, qui ne dépend nullement des garanties de bénéfice et de protection égales de la loi du par. 15(1). Si l'accusé peut prouver une violation d'un droit quelconque garanti par la Charte il en

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découle pour lui un droit d'action et un droit à une réparation; s'il ne peut prouver aucune de ces violations, il ne peut alors utilser l'allégation de telle violation pour invoquer le par. 15(1) : Seaway Trust Company et al. c. Kilderkin Investments Ltd. et al.

reflex, (1986), 29 D.L.R. (4th) 456 (C.S. Ont.).

L'art. 15 constitue un mauvais moyen de défense à une première poursuite à moins de pouvoir démontrer que l'accusé a été choisi comme seule cible de poursuite malgré l'existence de motifs raisonnables de poursuivre aussi d'autres accusés. Même dans ce cas, il faudrait intervenir avec prudence dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire de poursuivre. Un conducteur ne peut soumettre comme moyen de défense à une poursuite pour excès de vitesse que les policiers n'ont pas intenté de poursuite contre tous les conducteurs qui ont commis des excès de vitesse sur la même route au même moment. De toute façon, même si la pratique est très courante, l'absence de toute preuve que les policiers aient eu des motifs de poursuivre les autres contrevenants rend impossible la conclusion que les intimés ont été choisis comme cibles d'une poursuite en fonction de motifs liés à leurs caractéristiques personnelles : R. c. Miles of Music Ltd.

reflex, (1989),

48 C.C.C. (3d) 96 (C.A. Ont.). L'égalité devant la loi n'exige pas la rédaction législative la plus soignée et la plus minutieuse qui soit. Le critère consiste seulement à établir de façon générale si la loi a un objectif valable. Les problèmes administratifs locaux justifient l'existence de lois différentes dans différentes parties du pays. Un pouvoir discrétionnaire qui favorise les demandeurs ne leur fournit pas de motif de contestation. La Cour ne présumera pas d'une faute d'application d'une loi contestée qui comporte des exceptions particulières : Crothers c. Simpson Sears Ltd.

reflex, (1988), 51 D.L.R. (4th) 529 (C.A. Alb.).

Il se peut que l'arrêt de la Cour suprême Andrews, précité, ne soit pas si limitatif qu'il restreigne l'application du par. 15(1) aux motifs de discrimination qui y sont énumérés ou aux motifs analogues. Cependant, l'espèce ne se prête pas à formuler un principe général qui définirait quand l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire de poursuivre peut entraîner la dénégation d'un droit à l'égalité. L'appelant avait le fardeau de prouver qu'il a été choisi comme l'objet d'une poursuite, ce qu'il n'a pas réussi à prouver : R. c. Magder Furs Ltd.

reflex, (1989), 49 C.C.C. (3d) 267 (C.A. Ont.); autorisation de

pourvoi refusée (C.S.C., 9 novembre 1989). La Cour n'est pas persuadée qu'au sens de la Charte, tout avantage accordé par une loi à une catégorie quelconque de personnes doit nécessairement être accordé aussi aux personnes qui entrent dans les catégories que le par. 15(1) protège spécifiquement contre la discrimination, ou qu'un avantage doit être refusé à d'autres groupes de personnes jusqu'à temps qu'il soit accordé aussi aux personnes qui font partie des catégories spécifiquement protégées par le par. 15(1). Cela imposerait au législateur une «camisole de force», ferait de la Charte un empêchement au progrès dans la recherche de solutions aux problèmes sociaux, et servirait à jeter le discrédit sur les principes fondamentaux sur lesquels repose la Charte. La question qu'il faut se demander dans chaque cas est de savoir si l'on peut honnêtement dire de la législation examinée qu'elle crée une discrimination contre un groupe protégé Ú en l'espèce, si le régime établi par la Partie XX.1 du Code criminel crée une discrimination contre les individus auxquels elle s'applique et si une telle discrimination est fondée sur leur déficience mentale: Blackman c. British Columbia (Review Board) 1995 CanLII 3437 (BC C.A.), (1995), 95 C.C.C. (3d) 412 (C.A.C.-B.).

[10] Différences selon les endroits et les administrations En l’espèce, les requérants, des médecins de l’extérieur de la province, contestent les mesures prises par la Commission des services médicaux de Colombie-Britannique limitant leur adhésion au régime provincial d’assurance-maladie. Suivant les principes exposés par le j. McLachlin dans l’affaire Miron, qui élucidaient ceux déjà énoncés par le j. McIntyre dans l’affaire Andrews, je constate que les requérants font l’objet d’un traitement discriminatoire fondé sur une [TRADUCTION] « classification collective stéréotypée dénuée de toute pertinence » et compétences professionnelles ou les faits.

n’ayant rien à voir avec leur valeur, leurs

Leur province de résidence antérieure est une caractéristique personnelle,

attribuée à chacun d’eux, sur le seul fondement de leur association avec cette collectivité, et non en fonction de leurs mérites et de leurs capacités. Dans le cadre de ces mesures, ils peuvent être considérés comme une [TRADUCTION] « minorité distincte et isolée » : les médecins de l’extérieur de la province ne sont pas représentés par la B.C.M.A. et ils http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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n’ont pas voix au chapitre quand il s’agit d’établir quelles politiques et quelles règles régiront leur droit d’exercer la médecine en C.-B. L’espèce diffère des affaires Turpin, S. (S.) et Haig. Dans les deux premières, la législation mise en cause conférait des droits différents à des résidents d’une province par rapport aux résidents d’une autre province. Par analogie, hypothétique, l’on peut donner l’exemple du cas où la C.-B. accorderait des honoraires plus élevés pour les services rendus par les médecins de C.-B. que l’Ontario à ses médecins. Un médecin, ou une femme médecin, ontariens ne pourraient se plaindre d’une violation de leurs droits aux termes de l’art. 15 en fonction de leur province de résidence. Les principes qui ont été appliqués dans l’affaire Haig ne sont pas aussi limpides. À mon avis, néanmoins, le problème qui se posait au regard de l’interprétation de l’art. 15 dans cette affaire, c’était que M. Haig n’appartenait pas à un groupement victime d’une discrimination énumérée nommément. Bref, la province de résidence est un motif analogue au regard des faits en cause: Waldman c. C.-B (Medical Services Commission) 1997 CanLII 3113 (BC S.C.), (1997), 150 D.L.R. (4th) 405 (C.S., C.-B.). C'est un lieu commun que de dire que la constitution canadienne trace une ligne de démarcation non seulement entre le particulier et l'État, mais aussi entre les paliers fédéral et provincial de gouvernement. Un problème survient à l'intersection de ces deux lignes de démarcation établies par la Constitution car elles représentent un conflit entre deux valeurs antagonistes -- l'uniformité et la diversité. De toute évidence, le système fédéral de gouvernement lui-même exige qu'on ne donne pas aux valeurs sous-tendant le paragraphe 15(1) une portée illimitée. Non seulement le partage des compétences permet un traitement différent selon la province de résidence, mais il autorise et encourage les distinctions d'ordre géographique. Il ne fait aucun doute que le traitement inégal qui résulte uniquement de l'exercice par les législateurs provinciaux de leurs compétences légitimes ne saurait, du seul fait qu'il crée des distinctions fondées sur la province de résidence, être attaqué sur le fondement du paragraphe 15(1). L'espèce soulève la question de l'effet qu'a le paragraphe 15(1) sur des distinctions fondées sur la province de résidence dans l'application d'une loi fédérale valide. Il convient de procéder cas par cas pour déterminer si, dans une telle situation, la province de résidence peut être considérée comme une caractéristique personnelle. Cependant, il faut se rappeler que des différences dans l'application d'une loi fédérale peuvent représenter un moyen légitime de promouvoir les valeurs d'un système fédéral. De fait, dans le contexte de l'administration du droit criminel, les différences d'application sont favorisées par les paragraphes 91(27) et 92(14) de la Loi constitutionnelle de 1867. Le droit criminel et son application sont un domaine dans lequel un équilibre a pu être établi entre les intérêts nationaux et les préoccupations locales grâce à une structure constitutionnelle qui permet et encourage à la fois la collaboration du fédéral et des provinces. En l'espèce, la question de savoir comment traiter des adolescents qui ont commis des infractions criminelles est de celles relativement auxquelles le Parlement peut légitimement permettre qu'il existe entre les provinces des différences qui reflètent des valeurs et des sensibilités politiques distinctes et rationnelles. Des différences d'application de la loi qui résultent d'une collaboration entre le fédéral et les provinces constituent un moyen légitime grâce auquel, dans le cas des questions qui ne se prêtent pas facilement à la catégorisation ou qui ne peuvent facilement être réglées par un seul palier de gouvernement, les gouvernements peuvent surmonter le problème de la rigidité des cloisons étanches créées par le partage des compétences. En conséquence, la loi n'établit pas une distinction fondée sur une caractéristique personnelle : R. c. S.(S.), 1990 IIJCan 65 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 254; Haig c. Canada, 1993 IIJCan 58 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 995. Le par. 3(1) de la Loi référendaire (Canada) investit le gouverneur en conseil du pouvoir discrétionnaire d'ordonner la tenue d'un référendum dans une ou plusieurs provinces.

Or, la Constitution canadienne ne fait aucune mention d'une

obligation incombant au gouverneur en conseil soit de tenir un référendum, soit de voir à ce qu'un référendum se tienne dans toutes les provinces. Aussi bien la décision de tenir le référendum que celle relative au nombre de provinces dans lesquelles il aura lieu, sont des décisions de principe qui, de par leur nature, relevant entièrement des gouvernements et des législateurs.

Elles comportent des considérations d'ordre politique.

Manifestement, dans un système fédéral, les

distinctions entre les provinces ne donnent pas automatiquement naissance à une présomption de discrimination.

Le

paragraph 15(1) de la Charte, bien qu'interdisant la discrimination, n'apporte aucune modification au partage des pouvoirs entre les gouvernements ni n'exige que toutes les lois fédérales s'appliquent toujours de façon uniforme à toutes les provinces. Des différences dans l'application d'une loi fédérale d'une province à l'autre peuvent représenter un moyen légitime de promouvoir les valeurs propres à un système fédéral. http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

Les différences existant entre les provinces font Page 23 sur 30

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rationnellement partie de la réalité politique d'un régime fédéral. Ce sont deux concepts distincts que ceux de différence et de discrimination et la première n'emporte pas inéluctablement la seconde. La décision de tenir un référendum dans un nombre spécifique de provinces représente un exercice constitutionnel légitime du pouvoir discrétionnaire conféré au gouvernement par le par. 3(1) de la Loi référendaire (Canada).

En décidant de ne pas tenir de référendum dans la

province de Québec, le législateur fédéral n'a pas violé les garanties constitutionnelles énoncées au par. 15(1): Haig c. Canada, 1993 IIJCan 58 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 995. L'art. 15 n'exige pas que toutes les personnes soient exactement traitées de la même manière en toutes circonstances, ni n'impose l'uniformité d'une région à l'autre comme prescription constitutionnelle. Les lois peuvent établir des distinctions, en fonction des régions ou d'autre chose, elles peuvent imposer des conséquences différentes en fonction de ces distinctions. Le régime établi par la Loi sur les pêcheries vise clairement a gérer et contrôler l'ensemble des pêches côtières et intérieures et à préserver et conserver le poisson. Le régime traduit une attitude législative qui tient compte de la diversité des besoins en matière d'environnement et de conservation d'une province à l'autre. La très grande diversité des situations qui prévalent au Canada justifie un régime de réglementation qui répond aux diverses préoccupations des provinces en matière d'environnement et de conservation. Les règlements qui servent à gérer, contrôler, protéger et conserver une ressource ne sauraient être uniformes d'un bout à l'autre du pays. Il peuvent être façonnés de manière à tenir compte des différences régionales : R. c. Goulais

reflex, (1988), 30 O.A.C. 5 (C.A. Ont.).

Le fardeau d'établir tous les éléments essentiels d'une violation du par. 15(1) incombe à celui qui l'allègue. Il n'y a pas de preuve de discrimination du seul fait de différences régionales dans l'application des dispositions relatives aux cures de désintoxication prévues au par. 239(5) du Code criminel. Il y aurait discrimination seulement s'il était prouvé que l'omission ou le refus d'une province de mettre le par. 239(5) en vigueur résulte d'une décision insouciante, arbitraire, capricieuse ou déraisonnable ou qu'elle vise à défavoriser une personne ou une catégorie de personnes : Ellsworth c. R. (1988), 17 Q.A.C. 234 (C.A. Qué.); autorisation d'interjeter appel refusée (C.S.C., 28 juin 1990). L'art. 15 ne fait pas de l'uniformité inconditionnelle d'une région à l'autre une caractéristique constitutionnelle de nos lois. Pour les motifs énoncés dans l'affaire Goulais, précitée, il faut faire la preuve de plus qu'une simple distinction régionale pour établir une violation de l'article. Il faut qu'il y ait une certaine discrimination et, en l'espèce, il n'y a pas de preuve d'objet ou d'effet discriminatoire dans la réglementation des loteries de l'art. 190 du Code criminel. La présence de l'administration provinciale, qui crée la possibilité de différences d'application a des liens étroits avec les catégories légitimes d'objets de nature locale et provinciale attribués à la compétence des provinces en vertu de l'art. 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, tels que les licences relatives aux endroits publics d'amusement, la propriété et les droits civils dans la province et l'administration des institutions et hospices de charité. L'intérêt constitutionnel important des provinces dans cet objet de réglementation créé par le Code criminel indique que les différences locales et provinciales sont plus légitimes dans la réglementation de cette activité soustraite au droit pénal qu'elles ne le seraient dans une domaine sanctionné uniquement par le droit criminel sans aspect local ou provincial : R. c. Furtney et al. (1988), 44 C.C.C. (3d) 261 (C.S. Ont.); appel rejeté

reflex,

reflex, (1989), 52 C.C.C. (3d) 467 (C.A. Ont.); pourvoi rejeté,

1991 IIJCan 30 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 89. Il est impossible de soutenir que l'article 15 prime d'autres articles de la Loi constitutionnelle qui ont la même valeur constitutionnelle. En d'autres termes, cet article ne saurait servir à écarter des concepts fondamentaux du fédéralisme inscrits dans la Constitution et appliqués depuis 1867. Le désengagement ou la non-participation à des dispositions juridiques, à des amendements ou arrangements constitutionnels qui peuvent amener une différence d'application de la loi sont et restent partie intégrante de ce qu'on a appelé le fédéralisme coopératif. Ces moyens n'ont jamais constitué ni ne constituent actuellement de la discrimination du type de celle que l'article 15 interdit : R. c. Mosionier and Ushkowski reflex, (1989), 51 C.C.C. (3d) 15 (C.A. Man.). Bien que le professeur Gibson apporte un argument novateur, c'est-à-dire qu'il compart la province de résidence à la citoyenneté, la Cour suprême a simplement dit que la province de résidence pouvait être un motif analogue, selon la façon dont elle est utilisée dans la loi contestée. Une revendiction qui ne soulève pas la question de la dignité et de la liberté http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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d'une personne n'aurait manifestement aucun lien avec les observations du juge McLachlin dans l'arrêt Miron où elle identifie le principe qui sous-tend les indices de motifs analogues qui seraient visés au par. 15(1) « ... le principe unificateur est plus général:

if faut éviter les raisonnements stéréotypés et la création de distinctions juridiques qui

violent la dignité et la liberté de la personne pour un motif foné sur une idée préconçue des caractéristiques attribuées à un groupe plutôt que sur les capacités ou les mérites d'un individu ou sur les circonstances qui lui sont propres. » Ce n'est que si la province de résidence est utilisée d'une façon qui peut soulever des questions au sujet de la violation de la dignité et de la liberté d'une personne que ce motif pourra s'apparenter à la discrimination fondée sur l'origine nationale. Revenant au cas en l'espèce, je trouve difficle de conclure qu'une contestation portant sur une disparité provinciale touchant les taux de salaire négociés puisse soulever, en l'absence d'autres éléments de preuve, une question de violation de la dignité ou de la liberté de la personne.

La façon dont la province de résidence est utilisée dans la loi qui est

contestée (la convention collective) pourrait soulever des questions sur les différences de pouvoir de négociation entre les personnes qui font partie du groupe des manoeuvres et des hommes de métier en Saskatchewan et celles qui font partie du même groupe ailleurs au Canada.

Toutefois, en l'absence d'autres éléments de preuve, cela ne constitue pas une

violation de la dignité et de la liberté de la personne: Wong c. Canada, 1996 CanLII 3824 (F.C.), [1997] 1 C.F. 193 (1re inst.); pourvoi rejeté (1998), 232 N.R. 4 (C.A.F.); permission d’en appeler refusée (C.S.C., 11 juin 1998).

[11] "Loi" On soutient en l'espèce que la décision du procureur général de l'Ontario de ne pas autoriser de programme de mesures de rechange conformément à l'article 4 de la Loi sur les jeunes contrevenants portait atteinte aux droits dont l'intimé jouissait en vertu du paragraphe 15(1). La constitutionnalité de l'article 4 lui-même n'est pas contestée; la question est plutôt de savoir si le fait que le procureur général de l'Ontario a exercé son pouvoir discrétionnaire en choisissant de ne pas mettre en oeuvre de programme de mesures de rechange constitue lui-même une violation des droits de l'intimé à l'égalité. Les droits que protège le paragraphe 15(1) sont tous formulés en fonction de "la loi". Une fois qu'on décide qu'il n'incombe au procureur général de l'Ontario aucune obligation de mettre en oeuvre un programme de mesures de rechange, le non-exercice du pouvoir discrétionnaire ne peut, du seul fait qu'il engendre des différences entre les provinces, donner prise à une attaque fondée sur la Constitution. La conclusion contraire pourrait avoir pour conséquence d'exposer à l'examen en vertu de la Charte tout exercice par une province d'un pouvoir relevant de sa compétence, examen dont l'unique fondement serait que cet exercice crée une distinction quant au traitement accordé aux particuliers dans différentes provinces. Le procureur général de l'Ontario n'avait aucune obligation légale de mettre en oeuvre un programme et sa décision est inattaquable parce que, aux fins d'une contestation constitutionnelle fondée sur le paragraphe

15(1),

"la

loi"

c'est

l'article

4,

qui

est

attributif

du

pouvoir

discrétionnaire

:

R.

c.

S.(S.),

1990 IIJCan 65 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 254. Pour que l'art. 15 s'applique, l'inégalité dont on se plaint doit découler de la «loi».

À cet égard, le texte législatif ou

réglementaire constitue la forme de loi la plus claire. Il est cependant évident que le gouvernement pourrait facilement contourner la Charte si le terme «loi» devait être restreint à ces façons formelles de légiférer.

Il semble ressortir

clairement des propos du juge McIntyre dans l'arrêt Dolphin Delivery, précité, que, selon lui, le gouvernement violerait l'art. 15 s'il exerçait d'une manière discriminatoire prohibée par cet article un pouvoir ou une discrétion conférés par un texte législatif. Quoi qu'il en soit, la Cour s'est fondée sur ce raisonnement dans l'arrêt Slaight Communications, ci-après. En supposant que les universités font partie de l'appareil gouvernemental, leurs politiques en matière de retraite obligatoire équivaudrait à une loi aux fins de l'art. 15. En effet, dans la plupart des cas, les universités ont adopté ces politiques d'une manière formelle. Le fait que les employés les aient acceptées ne devrait pas modifier leur qualification de loi, même si cela serait un facteur à considérer pour décider si, dans les circonstances, la violation constitue une limite raisonnable au sens de l'article premier. Dans certains cas, toutefois, il peut arriver qu'il ne soit pas aussi évident que l'on considère les politiques de certaines universités comme une simple entente conclue en vue de répondre à ce que les employés souhaitent vraiment.

Encore là, cependant, la Cour n'accepterait pas que le pouvoir du gouvernement de

contracter doive comprendre le pouvoir de le faire en portant atteinte à un droit garanti par la Charte. Il serait facile pour les gouvernements (fédéral et provinciaux) de contourner les restrictions de la Charte en procédant simplement à des http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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affectations de crédits pour promouvoir certains programmes.

Dans l'affaire Operation Dismantle, ci-après, le juge

Dickson a souligné la possibilité que «si la suprématie de la Constitution, énoncée à l'art. 52, doit avoir un sens, tous les actes effectués selon des pouvoirs découlant d'une règle de droit relèveront de l'art. 52». C'est également vrai dans le cas de l'art. 15. Il se peut fort bien que l'acceptation d'une obligation contractuelle puisse, dans certaines circonstances, constituer une renonciation à un droit reconnu par la Charte, surtout dans un cas comme la retraite obligatoire qui n'impose pas seulement des obligations mais qui procure également des avantages aux employés. toutefois, une telle entente devrait normalement être justifiée aux termes de l'article premier.

Dans l'ensemble, Il en est ainsi, en

particulier, d'une convention collective, qui peut ou non gagner vraiment la faveur des employés victimes de discrimination. En l'espèce, la Cour est d'avis que les dispositions prévoyant la retraite obligatoire sont une «loi», même si elles reçoivent tout autant l'appui des syndicats que des universités : McKinney c. Université de Guelph, 1990

IIJCan

60

(C.S.C.),

[1990]

3

R.C.S.

229;

Douglas/Kwantlen

Faculty

Assn.

c.

Douglas

College,

1990 IIJCan 63 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 570. Il ne fait aucun doute que si le règlement de l'hôpital en cause dans cette affaire avait été pris par le gouvernement, il aurait constitué une «loi». Il ne fait aucun doute non plus que la «loi» ne comprend pas seulement le règlement mais également la politique suivie dans son application. Il serait absurde que le droit à l'«égalité devant la loi» et à l'«égalité de bénéfice et [à la] protection égale de la loi» ne vise pas la manière dont une loi est interprétée et appliquée par ceux qui sont chargés de son application.

C'est souvent ce processus d'interprétation et d'application qui détermine les

répercussions

des

d'une

loi

sur

la

vie

personnes

qu'elle

vise

:

Stoffman

c.

Vancouver

General

Hospital,

1990 IIJCan 62 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 483.

[12] Jurisprudence sur l'usage des langues Le paragraphe 15(1) de la Charte n'énonce pas expressément la langue comme motif de distinction illicite. Cependant, nous souscrivons aux observations suivantes de la Cour d'appel de la Saskatchewan dans l'arrêt Reference re Use of French in Criminal Proceedings in Saskatchewan

reflex, (1987), 36 C.C.C. (3d) 353 : " À notre avis, la présence dans la

Charte des dispositions relatives à la langue des art. 16 à 20, ou la suppression du mot 'langue' dans une version antérieure du par. 15(1), n'ont pas non plus nécessairement pour effet d'exclure de la portée de l'art. 15 la forme de distinction en cause " : Gosselin (Tuteur de ) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 15 (IIJCan), 2005 CSC 15. L'"objectif fédéral régulier" des dispositions permettant de retarder l'entrée en vigueur de l'art. 462.1 du Code criminel, qui concerne la langue employée dans les procès, n'existe plus en ce qui concerne la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan. Du fait qu'il est privé des avantages qu'offre l'art. 462.1, l'accusé dans la présente affaire fait l'objet de discrimination au sens de l'art. 15 de la Charte, discrimination fondée sur "l'origine nationale ou ethnique" ou suivant les termes généraux de cet article. Les dispositions relatives à la mise en vigueur différée établissent une distinction illicite à l'encontre de l'accusé, et ce, en violation de son droit au même bénéfice de la loi, du fait qu'elles le privent d'un droit garanti aux autres par l'art. 462.1; dans cette mesure, les dispositions en cause sont donc inopérantes : Tremblay c. R. reflex, (1985), 20 C.C.C. (3d) 454 (B.R. Sask.); Paquette c. R. Reference Re French Language Rights

reflex, (1987), 38 C.C.C. (3d) 353 (B.R. Alb.);

reflex, (1987), 36 C.C.C. (3d) 353 (C.A. Sask.).

L'art. 15 constitue une garantie contre la discrimination et aussi un droit strict.

Bien que la discrimination fondée

uniquement sur la langue puisse relever de l'art. 15, le concept de "langue officielle" n'en relève pas, puisqu'il fait l'objet des arts. 16 à 22 de la Charte et d'autres dispositions de la Constitution. En conséquence, la contestation d'une règle de cour qui exige que les documents soient produits en langue anglaise ne tombe pas sous le coup de l'art. 15 : McDonnell c. Fédération des Franco-Colombiens

reflex, (1986), 31 D.L.R. (4th) 296 (C.A. C.-B.).

Puisque la partie XIV.1 du Code criminel constitue un ensemble de dispositions législatives visant à promouvoir l'égalité de statut et d'utilisation de l'anglais et du français au Canada, le par. 16(3) de la Charte, considéré en regard des autres dispositions relatives à la langue de la Charte et de la

Loi constitutionnelle, écarte l'application de l'art. 15 dans les

affaires comme l'espèce où l'accusé demande un procès en français dans une province où la partie XIV.1 n'a pas été mise http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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en vigueur. Cette conclusion s'appuie sur l'arrêt McDonnell, précité, selon lequel il est manifeste que la promotion des droit linguistiques relève plutôt des législateurs qui sont en meilleure posture de voir à la promotion des droits linguistiques que ne le sont les tribunaux : R. c. Pare

reflex, (1986), 31 C.C.C. (3d) 260 (C.S. C.-B.).

Les droits à l'égalité reconnus par le par. 15(1) sont qualifiés par les mots "indépendamment de toute discrimination". Manifestement, les lois ne peuvent s'appliquer également à tous. Toutefois, si leur inégalité d'application découle d'un facteur discriminatoire, elles risquent alors de porter atteinte à la Charte. Ce n'est qu'après avoir conclu à l'existence d'un tel facteur qu'il devient nécessaire de déterminer si la justification de la loi contestée peut se démontrer. On ne peut affirmer que le défaut de mettre en vigueur à Terre-Neuve la Partie XIV.I du Code criminel soit arbitraire, inutile ou irrationnel. Considérant la situation dans cette province, le fait de ne pas mettre en vigueur la Partie XIV.I constitue une dérogation acceptable à la règle de l'application universelle de ces dispositions au Canada et cela n'est donc pas discriminatoire : Ringuette c. A.G. Canada et al.

reflex, (1986), 27 C.C.C. (3d) 309 (C.S. T.-N.); appel rejeté

reflex,

(1987), 33 C.C.C. (3d) 509 (C.A. T.-N.); autorisation de pourvoi refusée (C.S.C., 17 septembre 1987). L'accusé soutient en l'espèce que l'application par étapes des dispositions du Code criminel sur la langue des procès a comme but et comme conséquence de créer une discrimination interdite en fonction des droits relatifs aux langues officielles. Cette prétention situe les droits linguistiques au même niveau que tous les autres. Dans ce cas, les arts. 16 à 23 de la Charte n'auraient pas de raison d'être. Cette prétention rend les articles relatifs aux langues officielles superflus puisque l'art. 15 ferait de l'utilisation d'une langue officielle une utilisation des deux langues. La discrimination invoquée ne se fonde pas sur

la langue et, comme la Cour l'a conclu dans l'arrêt Mahé, précité, les langues officielles n'ont

certainement pas d'égalité de statut en vertu de la Charte : Paquette c. R.

reflex, (1987), 38 C.C.C. (3d) 353 (C.A.

Alb.). Bien qu'il soit souvent utile de tenir compte de l'interrelation de divers articles de la Charte, je ne crois pas, aux fins de l'interprétation de l'art. 23, qu'on ait avantage à se référer à l'art. 15 ou à l'art. 27 dans le présent contexte. En effet, l'art. 23 établit un code complet régissant les droits à l'instruction dans la langue de la minorité. Il est assorti de réserves et d'une méthode d'évaluation qui lui sont propres. De toute évidence, l'art. 23 renferme une notion d'égalité entre les groupes linguistiqeus des deux langues officielles du Canada. À part cela, toutefois, cet article constitue d'abord et avant toute une exception aux dispositions des art. 15 et 27 en ce qu'il accord à ces groupes, anglophone et francophone, un statut spécial par rapport à tous les autres groupes linguistiques au Canada: Mahe c. Alberta 1990 IIJCan 133 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 342; Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), 1993 IIJCan 119 (C.S.C.), [1993] 1 R.C.S. 839. L'article 15(1) ne peut servir de fondement à un droit linguistique judiciaire en faveur de l'usage de l'une ou de l'autre des 2 langues officielles, tout particulièrement lorsque l'on considère le contenu spécifique et limité de l'article 19 de la Charte qui s'adresse précisément aux droits dont jouissent les langues officielles devant les tribunaux... La Cour ne peut concourir avec la proposition du requérant sur les dispositions de l'article 15 de la Charte. Elle conclut que le requérant n'a subi aucune discrimination et ne peut tirer de l'article 15 des droits linguistiques à l'appui de sa thèse: R. c. Breton (C. terr. Yukon, 9 juillet 1995); R. c. Rodrigue (1994), 91 C.C.C. (3d) 445 (C.S.Y.); appel rejeté

reflex, (1994), 95 C.C.C. (3d)

129 (C.A.Y.); autorisation de pourvoi refusée (C.S.C., 7 septembre 1995). L’appelant soutient qu’il a été victime de discrimination en raison de la signification d’un avis de suspension du permis de conduire rédigé en anglais seulement qu’il n’était pas en mesure de lire car il est un francophone. Il ne s’agit pas en l’espèce d’une question de langue; l’argument repose sur le fait que les avis de cette nature doivent pouvoir être lus et compris par tous les destinataires. Les personnes analphabètes, ou unilingues peu importe la multitude de langues en usage ici, outre l’anglais, doivent faire davantage de démarches que les anglophones lorsqu’ils reçoivent un document de cette nature.

Toutefois, cette différence est loin de la discrimination envisagée à l’article 15.

Tous les documents du

gouvernement seront inévitablement illisibles par certains groupes de personnes. Ce serait banaliser l’article 15 que de déclarer que tous ces documents sont discriminatoires et de forcer l’appelant à avoir recours à l’article premier en vue de

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tout justifier sauf ceux qui ont un effet à l’égard des unilingues francophones : R. c. Crète, [1993] O.J. no 1525 (QL) (C.A. Ont.).

[13] "Discrimination par suite d'un effet préjudiciable" Dans le cadre de la présentation de sa preuve selon laquelle l’effet négatif d’une loi est de produire une inégalité réelle au moyen d’un traitement formellement indentique, le demandeur fera souvent ressortir le fait que la loi porte atteinte à la dignité humaine des personnes touchées, répondant ainsi à deux éléments de l’analyse relative au par. 15(1): Law c. Canada (M.E.I.), 1999 IIJCan 675 (C.S.C.), [1999] 1 R.C.S. 497. La discrimination directe, celle qui découle de la loi elle même ou de la politique qui la sous-tend, est aisément décelable et ne pose guère de difficulté. La discrimination qui résulte de l'effet est plus difficile à cerner. Lorsqu'il s'agit de savoir si les membres d'un groupe font l'objet d'un stéréotype, déterminer si une définition légale excluant un groupe est discriminatoire et ne constitue pas un exercice légitime du pouvoir législatif de définir un avantage suppose l'examen de l'objectif du régime législatif qui confère l'avantage ainsi que des besoins généraux auxquels il est censé répondre. Le régime d'avantages excluant un groupe en particulier d'une manière qui compromet son objectif global sera vraisemblablement discriminatoire, car il exclut arbitrairement un groupe donné. Par contre, l'exclusion qui est compatible avec l'objectif général et l'économie du régime législatif ne sera vraisemblablement pas discriminatoire. La question est donc de savoir si l'avantage exclu fait partie du régime général d'avantages établi par la loi et s'il correspond aux besoins auxquels celle-ci est censée répondre : Auton (Tutrice à l'instance de) c. Colombie-Britannique (Procureur général), 2004 CSC 78 (IIJCan), [2004] 3 R.C.S. 657, 2004 CSC 78. Il est clair qu'une loi peut être discriminatoire même si elle n'est pas directement ou expressément discriminatoire. En d'autres termes, le par. 15(1) vise aussi la discrimination par suite d'un effet préjudiciable.

Du point de vue du par.

15(1), il faut déterminer en l'espèce si l'art. 63 de la Loi de l'impôt sur le revenu a un effet préjudiciable sur les femmes en ce qu'il crée de façon non intentionnelle une distinction fondée sur le sexe. Pour établir cet effet, il ne suffit pas pour l'appelante d'établir que les femmes assument une part disproportionnée de la garde des enfants dans la société. Elle doit plutôt démontrer que les femmes paient une part disproportionnée des frais de garde d'enfants. C'est seulement si les femmes paient une part disproportionnée de ces frais que l'art. 63 peut avoir un effet quelconque, puisque le seul effet de cette disposition est de limiter le montant de la déduction fiscale à cette fin. Il manque des éléments de preuve sur ce point. Toutefois, si j'étais convaincu que l'art. 63 a un effet préjudiciable sur certaines femmes (par exemple, en l'espèce, les travailleuses indépendantes), je ne serais pas préoccupé par le fait que toutes les femmes ne se trouvent pas à subir cet effet préjudiciable. Mon examen de la jurisprudence montre clairement qu'un effet préjudiciable subi par un sousgroupe de femmes peut quand même constituer une discrimination.

Dans l'arrêt Brooks c. Canada Safeway,

1989 IIJCan 96 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 1219, il fallait décider si un régime d'assurance maladie qui privait les femmes enceintes de certaines prestations créait une discrimination fondée sur le sexe. De toute évidence, toutes les femmes ne deviennent pas enceintes et elles ne le sont pas toutes en même temps.

Néanmoins, on a conclu qu'il y avait

discrimination fondée sur le sexe. De même, dans l'arrêt Janzen c. Platy Enterprises, 1989 IIJCan 97 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 1252 on a statué que le harcèlement sexuel constituait une discrimination fondée sur le sexe, même si l'auteur du harcèlement n'harcèle pas uniformément toutes les femmes. Si il était possible d'établir dans un autre cas que l'art. 63 de la Loi a un effet préjudiciable sur un certain groupe de femmes, cet article serait discriminatoire pour un motif fondé sur le sexe, selon les arrêts Brooks et Janzen, précités. Il importe maintenant de se rendre compte qu'il existe une différence entre l'identification de personnes subissant l'effet défavorable d'une disposition et la démonstration qu'un groupe ou un sous-groupe subit un effet préjudiciable en droit en raison d'une disposition contestée. La preuve de l'inégalité est un processus comparatif. Si un groupe ou un sous-groupe de femmes pouvait prouver l'effet préjudiciable requis, la preuve proviendrait d'une comparaison avec le groupe d'hommes pertinent. En conséquence, bien qu'une disposition contestée puisse avoir une incidence négative sur les hommes pris individuellement, ceux-ci ne feraient pas partie d'un groupe ou sous-groupe d'hommes en mesure de prouver l'effet préjudiciable requis.

En d'autres termes, seulement des femmes

pourraient soutenir qu'il y a effet préjudiciable, ce qui est entièrement compatible avec les énoncés formulés dans l'arrêt http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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Brooks, précité, savoir que «seules les femmes ont la possibilité de devenir enceintes». Prenons ce point sous un autre angle: si l'art. 63 créait un effet préjudiciable sur les femmes (ou un sous-groupe) par rapport aux hommes (ou un sousgroupe), l'étape initiale de l'analyse fondée sur le par. 15(1) serait satisfaite: il se trouverait à exister une distinction fondée sur la caractéristique personnelle que constitue le sexe. Toutefois, au deuxième stade de l'analyse fondée sur le part. 15(1), la distinction fondée sur le sexe ne pourrait être discriminatoire qu'à l'endroit des femmes ou des hommes, et non pas des deux. Le demandeur devrait établir si la distinction a pour effet d'imposer des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres. En toute logique, le fardeau ou l'avantage ne pourrait exister à la fois pour les femmes et les hommes: Symes c. Canada, 1993 IIJCan 55 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 695. La discrimination directe met en cause une loi, une règle ou une pratique qui, à première vue, établit une discrimination fondée sur un motif illicite. La discrimination par suite d’un effet préjudiciable existe lorsque la loi, la règle ou la pratique, apparemment neutre, produit toutefois un résultat disproportionné à l’endroit d’un groupe en raison d’une caractéristique qui lui est propre. La distinction entre la discrimination directe et la discrimination par suite d’un effet préjudiciable a été exposée dans l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., 1985 IIJCan 18 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 536: «À cet égard, il y a discrimination directe lorsqu’un employeur adopte une pratique ou une règle qui, à première vue, établit une distinction pour un motif prohibé. Par exemple, «Ici, on n’embauche aucun catholique, aucune femme ni aucun Noir». [...] Ce genre de discrimination [par suite d’un effet préjudiciable] se produit lorsqu’un employeur adopte, pour des raisons d’affaires véritables, une règle ou une norme qui est neutre à première vue et qui s’applique également à tous les employés, mais qui a un effet discriminatoire pour un motif prohibé sur un seul employé ou un groupe d’employés en ce qu’elle leur impose, en raison d’une caractéristique spéciale de cet employé ou de ce groupe d’employés, des obligations, des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres employés.» Bien que cette affaire ait porté sur le Code des droits de la personne de l’Ontario, la même définition a été adoptée dans les affaires mettant en cause le par. 15(1). La disposition contestée en l’espèce n’est tout simplement pas neutre à première vue. L’article 2 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse définit «conjoint» comme étant une «personne de sexe opposé». Elle établit de ce fait une nette distinction entre les couples de sexe opposé et les couples de même sexe. Il s’agit donc en l’espèce d’une discrimination directe: Egan c. Canada, 1995 IIJCan 98 (C.S.C.), [1995] 2 R.C.S. 513. À première vue, le régime d'assurance des soins de santé de la Colombie-Britannique s'applique en toute égalité aux populations entendantes et malentendantes.

Néanmoins, les appelants soutiennent que l'absence de financement des

interprètes gestuels les rend incapables de bénéficier du régime dans la même mesure que les personnes entendantes. Autrement dit, ils soutiennent qu'ils sont victimes d'une discrimination par suite d'un «effet préjudiciable». Cette Cour a jugé de façon constante que le paragraphe 15(1) de la Charte offre une protection contre ce type de discrimination. Contrairement aux affaires Simpsons-Sears et Rodriguez, les effets préjudiciables subis par les personnes malentendantes en l'espèce découlent, non pas d'un fardeau qui n'incombe pas à la population en général, mais plutôt du défaut de veiller à ce qu'ils bénéficient en toute égalité d'un service offert à tous.

Si, dans certaines circonstances, les patients

malentendants ne peuvent communiquer efficacement avec leur médecin sans un interprète, comment peut-on affirmer qu'ils reçoivent le même niveau de soins de santé que les personnes entendantes?

Lorsque l'on accepte que la

communication efficace constitue un aspect indispensable de la prestation des soins de santé, il devient beaucoup plus difficile d'affirmer que le défaut de veiller à ce que les personnes malentendantes puissent communiquer efficacement avec le fournisseur de soins de santé n'est pas discriminatoire. Dans leur tentative de convaincre la Cour du contraire, les intimés et les intervenants qui les appuient soutiennent que le paragraphe 15(1) n'oblige pas les gouvernements à mettre en oeuvre des programmes visant à redresser les désavantages qui existent indépendamment de l'action de l'État. Selon eux, les effets préjudiciables découlent des programmes de prestation uniquement lorsque ces programmes exacerbent les inégalités entre les groupes soutenant qu'il y a violation du paragraphe 15(1) et la population en général. Autrement dit, ils affirment que les gouvernements devraient avoir le droit d'offrir des avantages à la population en général sans être tenus de s'assurer que les membres désavantagés de la société ont les ressources pour profiter pleinement de ces avantages.

À mon avis, cette position révèle une vision ténue et appauvrie du paragraphe 15(1).

Et ce qui est plus

important, cette vision est démentie par l'idée maîtresse de la jurisprudence de la Cour en matière d'égalité. La Cour a http://www.canlii.org/fr/ca/commentaires_charte/s-15-1.html

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jugé de façon constante que lorsque l'État offre un avantage, il doit le faire de façon non discriminatoire. Dans plusieurs circonstances, cette situation exigera de l'État qu'il prenne des mesures positives, par exemple en étendant la portée d'un avantage à une catégorie de personnes préalablement exclue. De plus, on a laissé entendre qu'en prenant ces mesures positives, le gouvernement ne doit pas être la source d'une autre inégalité.

Si nous acceptons la notion de la

discrimination découlant de l'effet préjudiciable, il semble inévitable, du moins à l'étape de l'analyse du paragraphe 15(1), que le gouvernement sera tenu de prendre des mesures spéciales pour veiller à ce que les groupes désavantagés puissent profiter en toute égalité des services gouvernementaux.

S'il existe des raisons de principe en faveur de limiter la

responsabilité du gouvernement en ce qui a trait à l'amélioration du désavantage dans le cadre de la prestation des avantages et des services, il conviendrait d'examiner ces politiques dans le cadre de l'examen de savoir si la violation au paragraphe 15(1) peut être justifiée en vertu de l'article premier.

Bien entendu, le devoir de prendre des mesures

positives pour veiller à ce que les membres des groupes désavantagés puissent profiter en toute égalité des services offerts au grand public est assujetti, selon la jurisprudence en matière de droits de la personne, au principe de l'adaptation raisonnable.

Cette obligation de prendre des mesures raisonnables d'adaptation à l'égard des personnes

lésées par une politique ou une règle neutre à première vue, ne s'applique que jusqu'au point de la «contrainte excessive». À mon avis, dans les cas reposant sur le paragraphe 15(1), il est préférable d'aborder ce principe dans le cadre de l'analyse reposant sur l'article premier. Dans ce contexte, les mesures raisonnables sont généralement associées à la notion de «limites qui soient raisonnables».

Elles ne devraient pas être utilisées afin de limiter la portée du

paragraphe 15(1) : Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), 1997 IIJCan 327 (C.S.C.), [1997] 3 R.C.S. 624. © Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, 2004. Tous droits réservés.

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