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10 août 2004 - (la SSR comme elle existait alors suivant la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, qui a été abrogée par l'article 274 de L.C. 2001, ch.
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Malekzai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1099 (CanLII) Date :

2004-08-10

Dossier :

IMM-3400-03

Références parallèles :256 FTR 199 URL :

http://canlii.ca/t/1j4sw

Référence :

Malekzai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1099 (CanLII), consulté le 2013-10-29

Suivi

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Fiche Reflex

Minimiser

Législation citée (disponible sur CanLII) Immigration et la protection des réfugiés, Règlement sur l', DORS/2002-227 — 15 Immigration et la protection des réfugiés, Loi sur l', LC 2001, c 27 — 11(1); 35(1); 274

Décisions citées Agot c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), 2003 CFPI 436 (CanLII) Ahumada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 97 (CanLII) Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC) Committe for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, 1976 CanLII 2 (CSC) Haddad c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), 2003 CFPI 405 (CanLII) Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 475 (CanLII) In Re Tribunal des droits de la personne et Énergie atomique can.,

reflex

Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 125 (CanLII) Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), 1992 CanLII 84 (CSC)

Osadolor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 737 (CanLII) Zolotareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1274 (CanLII)

Date : 20040810 Dossier : IMM-3400-03 Référence : 2004 CF 1099 ENTRE : AHMAD SHARIF MALEKZAI (alias KHESROW MALEKZAI et SULTAN MOHAMAD MALEKZAI) demandeur et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION défendeur MOTIFS DE L'ORDONNANCE LE JUGE O'KEEFE [1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision par laquelle une agente d'immigration (l'agente chargée d'examiner une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire) a conclu, en date du 23 avril 2003, qu'il n'y avait pas suffisamment de motifs d'ordre humanitaire pour justifier que la demande de résidence permanente présentée par le demandeur soit traitée de l'intérieur du Canada et pour permettre que soit accordée une dispense d'application du paragraphe 11(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

[2] Le demandeur demande que la Cour annule la décision rendue par l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et qu'elle ordonne au défendeur de traiter sa demande d'établissement de l'intérieur du Canada selon les dispositions de principe énoncées dans les Directives, établies au chapitre 5 à l'égard du traitement des demandes au Canada (IP-5), qui existaient avant l'entrée en vigueur de la LIPR. Le contexte

[3] Le demandeur, Ahmad Sharif Malekzai (le demandeur aussi connu sous le nom de Khesrow Malekzai et de Sultan Mohammad Malekzai), prétend être citoyen de l'Afghanistan. Il est entré au Canada en février 1995 et il a revendiqué le statut de réfugié à son arrivée. [4] Par une décision datée du 17 décembre 1996, la Section du statut de réfugié (la SSR comme elle existait alors suivant la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, qui a été abrogée par l'article 274 de L.C. 2001, ch. 27) a rejeté la revendication du statut de réfugié présentée par le demandeur. La SSR a conclu que le demandeur manquait de crédibilité quant à son identité (à la page 5 de sa décision) : [TRADUCTION] Ainsi, le tribunal ne dispose d'aucun élément de preuve digne de foi permettant de conclure que le demandeur est effectivement originaire de l'Afghanistan. [5]

La SSR a ensuite déclaré ce qui suit (toujours à la page 5 de sa décision) :

[TRADUCTION] Subsidiairement, même si le tribunal croit que le demandeur est digne de foi et qu'il est originaire de l'Afghanistan, il a reconnu lors de l'audience qu'il a reçu le statut de membre du KHAD alors qu'il travaillait dans l'unité des parachutistes de l'armée où son père était un officier haut gradé. [6] Étant donné que le demandeur était membre du KHAD, une organisation de police secrète, la SSR a déclaré qu'il était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention suivant l'alinéa a) de la section F de l'article premier qui énonce ce qui suit : F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes; [...] [7] Le demandeur a demandé l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de la SSR. Sa demande d'autorisation a été rejetée en juin 1997. [8] En janvier 1998, le demandeur a épousé une citoyenne canadienne. Le demandeur a par la suite présenté une demande de résidence permanente de l'intérieur du Canada en sollicitant, sur le fondement de motifs d'ordre humanitaire, une dispense de l'exigence de présenter la demande de l'extérieur du pays. Cette première demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a été déposée en mars 1998. [9] En janvier 1999, la demande présentée par le demandeur dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (CDNRSRC) suivant l'ancienne Loi sur l'immigration, précitée, a été rejetée. [10]

En août 1999, l'Unité des crimes de guerre de Citoyenneté et Immigration

Canada (CIC), pour la région de l'Ontario, a informé le demandeur que sa demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire était refusée parce que l'agent d'immigration n'était pas convaincu que les difficultés résultant de la séparation d'époux étaient suffisamment importantes pour justifier qu'une dispense de l'application du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration, précitée, soit accordée. En mars 2000, on a refusé au demandeur l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision. [11] En octobre 2000, le demandeur a présenté une autre demande de résidence permanente en sollicitant une fois de plus, sur le fondement de motifs d'ordre humanitaire, que cette demande soit traitée de l'intérieur du Canada. [12] En mars 2001, l'épouse du demandeur a donné naissance au Canada à une fille prénommée Neelofar. [13]

Le 28 juin 2002, la LIPR est entrée en vigueur.

[14] Par une lettre datée du 2 janvier 2003, l'agente chargée d'examiner sa demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a informé le demandeur que cette demande serait appréciée suivant la LIPR et l'a invité à fournir dans les 30 jours une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire mise à jour et tous les autres renseignements qu'il souhaitait être pris en compte. En réponse, le demandeur a présenté une demande mise à jour et deux pages d'observations écrites. [15] Par une lettre datée du 23 avril 2003, l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a informé le demandeur que cette demande était refusée. La présente instance est le contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue par cette agente. Les motifs de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire [16] Le [TRADUCTION] « Rapport détaillé » de l'agente, daté du 21 avril 2003, contient ses motifs de rejet de la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire présentée par le demandeur. [17] L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire n'était pas convaincue, pour les motifs ci-après énoncés, que le demandeur serait exposé à des difficultés exagérées, excessives ou non méritées s'il devait présenter une demande de résidence permanente de l'extérieur du Canada :

(i) bien que le demandeur ait démontré qu'il était dans une certaine mesure établi au Canada par son emploi et par le fait qu'il avait lancé sa propre entreprise, l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire n'était pas convaincue qu'il serait incapable de transporter ses compétences en Afghanistan et de s'y réétablir; (ii) bien que le mariage du demandeur à une citoyenne canadienne ait été accepté comme un mariage authentique, et il était admis que le fait d'être séparé de son épouse entraînerait des préjudices émotifs et financiers, l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a conclu qu'il n'est pas déraisonnable de s'attendre à ce qu'il y ait une séparation lors d'un processus d'immigration lorsque l'un des époux n'a pas un

statut légal au Canada; (iii) l'intérêt supérieur de la fille du demandeur n'impose pas que la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire soit accueillie étant donné que la garde de sa fille peut être confiée à son épouse, une citoyenne canadienne. L'épouse et l'enfant du demandeur pourraient rendre visite au demandeur en Afghanistan ou l'y rejoindre si elles le souhaitent. L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a mentionné que l'intérêt supérieur d'un enfant n'est que l'un des nombreux importants facteurs à prendre en compte et elle n'était pas convaincue que dans la présente affaire la séparation entraînerait des difficultés exagérées, non méritées ou excessives;

(iv) l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a pris en compte la décision par laquelle la SSR a conclu que le demandeur était exclu de la définition de réfugié suivant l'alinéa a) de la section F de l'article premier de la Convention. Il était mentionné que bien que le demandeur ait déclaré dans son FRP et dans son témoignage devant la SSR qu'il était un membre du KHAD, il prétendait maintenant qu'il avait inventé sa participation au KHAD et qu'il n'en avait en réalité jamais été membre. L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a mentionné qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve fournis au soutien de la déclaration selon laquelle il avait inventé sa participation au KHAD; (v) l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a mentionné que même s'il serait difficile pour lui de se réadapter à la vie en Afghanistan sans son épouse et sa fille ou sa famille immédiate (qui vivait au Pakistan), le demandeur avait vécu la majeure partie de sa vie d'adulte en Afghanistan et le fait qu'il doive présenter sa demande à partir de ce pays n'entraînerait pas des difficultés exagérées, non méritées ou excessives. [18] L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a conclu ce qui suit (à la page 8 de son Rapport détaillé) : [TRADUCTION]

Compte tenu des renseignements présentés et après avoir pris en compte tous les facteurs, je ne suis pas convaincue que M. Malekzai subirait des difficultés exagérées, non méritées ou excessives si on lui demandait de présenter sa demande de statut de résident permanent de l'extérieur du Canada suivant la procédure habituelle. La demande de dispense d'application du paragraphe 11(1) de la LIPR est refusée. Les prétentions du demandeur [19]

La norme de contrôle

En se fondant sur l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 1999 CanLII 699 (SCC), (1999), 174 D.L.R. (4th) 193 (C.S.C.), le demandeur affirme que la norme de contrôle applicable à la décision de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire est la décision raisonnable simpliciter.

[20]

La partialité

Le demandeur prétend que le fait que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire se trouvait dans l'Unité des crimes de guerre centralisée, parmi les agents d'exécution, soulève une crainte raisonnable de partialité et que par conséquent la décision devrait être annulée parce que la demande a été traitée de façon inéquitable.

[21] Le demandeur prétend que le critère applicable à la question de la crainte raisonnable de partialité est celui de savoir si une personne qui examine la situation conclurait que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a fait preuve de partialité. Le demandeur prétend qu'il n'est pas nécessaire qu'il soit établi qu'il existe véritablement de la partialité pour que la décision de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire soit annulée : arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), 1976 CanLII 2 (CSC), [1978] 1 R.C.S. 369, et arrêt Newfoundland Telephone Co. c. TerreNeuve (Board of Commissioners of Public Utilities), 1992 CanLII 84 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 623. [22] Au soutien de cette prétention à l'égard de la partialité, le demandeur dépose devant la Cour un affidavit assermenté de Maureen Silcoff, une avocate en droit de l'immigration et une ancienne commissaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Mme Silcoff déclare que l'objet de l'Unité des crimes de guerre établie par CIC est de traiter aussi rapidement que possible le renvoi du Canada des criminels de guerre. En outre, Mme Silcoff déclare que bien que d'autres demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire soient traitées par des bureaux locaux, celles présentées par des criminels de guerre sont examinées par des agents d'immigration qui se trouvent dans l'Unité des crimes de guerre. Mme Silcoff poursuit en déclarant que, selon elle, le fait que ces agents chargés d'examiner des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire soient à proximité des agents chargés des renvois crée une crainte raisonnable de partialité.

[23] Le demandeur prétend que les décisions rendues à l'égard des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire et l'exécution de la loi sont deux processus distincts et devraient être traités ainsi par CIC, même dans les cas de prétendus criminels de guerre. Selon le demandeur, la décision rendue à l'égard de sa demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire était entachée de doutes et est devenue inéquitable en raison de la préoccupation prépondérante de l'Unité des crimes de guerre relativement aux renvois. [24] Au soutien de sa prétention selon laquelle les circonstances de la présente affaire soulèvent une crainte raisonnable de partialité, le demandeur s'appuie sur l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Ahumada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 97 (CanLII), [2001] 3 C.F. 605, 2001 CAF 97. Dans cet arrêt, il a été statué que le fait qu'un membre du tribunal de la SSR soit une personne qui était en congé du service de l'exécution de la loi de CIC soulevait une crainte raisonnable de partialité. [25]

Le demandeur conteste la prétention selon laquelle il a renoncé à sa possibilité

de s'opposer sur le fondement de la partialité parce qu'il n'avait aucune façon de savoir, jusqu'à ce que la décision soit rendue, que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire qui tranchait sa demande se trouverait dans l'Unité des crimes de guerre. En outre, le demandeur fait une distinction entre son dossier et la jurisprudence citée par le défendeur à l'égard de la renonciation étant donné que dans toutes les affaires citées, il était possible de soulever une objection dans le contexte d'une audience. En l'espèce, il n'y a pas eu une telle audience ou une entrevue qui aurait donné au demandeur la possibilité de soulever la question de la partialité.

[26]

L'intérêt supérieur de l'enfant

Le demandeur prétend que l'appréciation effectuée par l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire à l'égard de l'intérêt supérieur de son enfant était abusive, déraisonnable et totalement déficiente. [27] Bien qu'il soit reconnu que l'intérêt supérieur d'un enfant ne peut pas être un facteur déterminant, le demandeur prétend qu'une affaire comme Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 475 (CanLII), 2002 CAF 475, 222 D.L.R. (4th) 265, montre que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire était tenue d'apprécier avec soin et avec compassion l'intérêt supérieur de l'enfant, ce qu'elle n'a pas fait selon ce qu'affirme le demandeur.

[28] Le demandeur prétend que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a omis de prendre en compte les conséquences émotives pour l'enfant du fait d'être séparée de façon permanente de son père. Le demandeur soutient, pour appuyer cette prétention, qu'il serait empêché d'obtenir à nouveau l'admission au Canada s'il présentait une demande de résidence permanente de l'extérieur du pays étant donné qu'il serait vraisemblablement interdit de territoire suivant l'alinéa 35(1)a) de la LIPR en tant que criminel de guerre. De plus, le demandeur affirme que même si elle disposait d'éléments de preuve démontrant qu'il ne serait pas sécuritaire pour l'épouse et l'enfant du demandeur de voyager en Afghanistan, l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a omis d'apprécier les risques liés à la sécurité et, en fait, a mentionné que rien n'empêchait des visites ou un déménagement permanent en Afghanistan. [29] Le demandeur fait remarquer que, lors du contre-interrogatoire sur son affidavit, l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a reconnu qu'il ne serait pas sécuritaire pour un enfant de se rendre en Afghanistan, mais qu'elle a omis d'être [TRADUCTION] « réceptive, attentive et sensible » aux conséquences émotives pour l'enfant du fait d'être séparée de son père. Le demandeur prétend que les déclarations de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire à l'égard de l'intérêt supérieur étaient manifestement déraisonnables compte tenu de la preuve documentaire dont elle disposait. [30]

Les conséquences pour l'épouse du demandeur

Le demandeur prétend qu'il était manifestement déraisonnable pour l'agente chargée

d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire de déclarer que les conséquences émotives et financières de la séparation de la famille ne sont pas déraisonnables lorsqu'un couple décide de se marier en dépit du fait que l'un des époux n'a pas un statut légal au Canada. L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a ensuite déclaré que les procédures de parrainage à l'étranger existaient pour de telles situations. [31] Le demandeur prétend que ce raisonnement est manifestement déraisonnable pour deux motifs. Premièrement, rien ne permettait de conclure que le demandeur pourrait revenir au Canada en vertu d'un parrainage compte tenu de l'interdiction de territoire dont il faisait l'objet suivant l'alinéa 35(1)a) de la LIPR. Deuxièmement, le demandeur et son épouse n'avaient pas de raisons au moment de leur mariage ou au moment où il a présenté sa demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire de s'attendre à être séparés étant donné que les anciennes directives IP-5 de CIC en vigueur à ce moment considéraient qu'un mariage authentique était généralement suffisant pour que soit rendue une décision favorable à l'égard d'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Le demandeur prétend que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a commis une erreur de droit lorsqu'elle a utilisé les directives IP-5 mises à jour après l'entrée en vigueur de la LIPR comme le point de départ pertinent pour sa conclusion selon laquelle les époux auraient dû s'attendre à être séparés. [32]

Les motifs non pertinents

Le demandeur prétend que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a commis une erreur en le traitant comme une personne exclue en tant que criminel de guerre alors que la conclusion tirée à cet égard par la SSR était seulement subsidiaire à son raisonnement principal selon lequel le demandeur n'était pas digne de foi. Étant donné que la décision de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire est largement appuyée sur le fait que le demandeur a été exclu de la définition de réfugié alors que cette conclusion n'était pas le fondement de la conclusion principale de la SSR, le demandeur prétend que cette agente a commis une erreur. [33]

Les directives à l'égard du traitement des demandes au Canada

Le demandeur prétend que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a commis une erreur lorsqu'elle a appliqué les directives à l'égard du traitement des demandes au Canada mises à jour après l'entrée en vigueur de la LIPR (les directives IP-5 mises à jour) plutôt que les anciennes directives à l'égard du traitement des demandes au Canada (les anciennes directives IP-5) qui étaient en vigueur lorsqu'il a présenté sa demande en octobre 2000. [34] Selon le demandeur, les anciennes directives IP-5 étaient beaucoup plus favorables aux demandeurs parrainés par leur époux. Le demandeur soutient que les anciennes directives IP-5 prévoyaient qu'un mariage authentique, en l'absence de facteurs contraires, était suffisant pour justifier que soit accordée une dispense fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Suivant les directives IP-5 mises à jour, qui ont été élaborées au cours de l'automne 2002, un mariage authentique est seulement l'un des nombreux facteurs pris en compte et est insuffisant par lui-même pour justifier que soit accordée une

dispense.

[35] La prétention du demandeur sur cette question comporte, par conséquent, deux volets. Premièrement, l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a commis une erreur lorsqu'elle a appliqué les directives IP-5 mises à jour plutôt que les anciennes directives IP-5. Deuxièmement, le demandeur prétend que même si la Cour n'est pas d'accord avec lui à l'égard de la question de savoir quelles directives auraient dû s'appliquer, il n'y avait pas de fondement, compte tenu de la politique de CIC en 2000, pour la déclaration de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire selon laquelle il fallait s'attendre à la séparation étant donné que cette question n'avait jamais été soulevée au demandeur jusqu'à ce que soit rendue la décision défavorable à l'égard de la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Les prétentions du défendeur [36]

La partialité

Bien qu'il reconnaisse que le critère applicable à la question de la crainte raisonnable de partialité est celui énoncé dans l'arrêt Office national de l'énergie, précité, le défendeur prétend que le demandeur a renoncé à son droit de s'opposer sur le fondement de la partialité ou qu'il n'a pas établi que la façon selon laquelle l'Unité des crimes de guerre est organisée soulève une crainte raisonnable de partialité.

[37] À l'égard de la question de la renonciation, le défendeur prétend que le demandeur, en octobre 2000 lorsqu'il a présenté sa demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, était au courant que l'Unité des crimes de guerre avait son dossier en sa possession. Cela était particulièrement clair étant donné que la première demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire présentée par le demandeur en 1998 a été refusée par un agent se trouvant dans l'Unité des crimes de guerre et que, en janvier 2003, il a reçu une lettre d'un agent de l'Unité des crimes de guerre par laquelle on lui demandait des observations additionnelles. [38] Étant donné que le demandeur ne s'est pas opposé en 1998 ou en 2000, sur le fondement d'une crainte de partialité ou d'un manque de partialité ou d'indépendance, à ce que sa demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire soit appréciée par un agent se trouvant dans l'Unité des crimes de guerre, le défendeur prétend qu'il a renoncé à son droit de s'opposer par la suite : arrêt Affaire intéressant la compétence d'un tribunal des droits de la personne et Énergie atomique du Canada Limitée, reflex, [1986] 1 C.F. 103 (C.A.); arrêt Cetoute c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 5 Imm. L.R. (2d) 62 (C.A.F.). [39] Subsidiairement, le défendeur prétend que les arguments du demandeur à l'égard de la partialité n'ont pas de fondement probatoire. Les faits déclarés sous serment dans l'affidavit de Maureen Silcoff appuyant ces arguments sont, selon le défendeur, des présomptions et des hypothèses et ils sont vagues.

[40] De plus, le défendeur prétend que les agents d'immigration peuvent exécuter diverses obligations législatives prévues par la LIPR et qu'ils le font. La Cour a statué, dans la décision Zolotareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1274 (CanLII), [2003] A.C.F. no 1596 (QL), 2003 CF 1274, que les agents d'exécution de la loi ont le pouvoir de rendre des décisions à l'égard des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire et, dans la décision Haddad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 405 (CanLII), [2003] A.C.F. no 579 (QL), 2003 CFPI 405, que le fait d'exercer un type de fonction n'empêche pas un agent d'immigration d'exercer une autre fonction. Ces décisions, selon le défendeur, minent la prétention du demandeur selon laquelle il faut maintenir une barrière stricte entre les divers organismes décisionnels établis par la loi et celle selon laquelle l'omission de le faire dans l'Unité des crimes de guerre laisse planer la menace de l'iniquité. [41] Le défendeur souligne que les objets de l'Unité régionale des crimes de guerre établis par CIC sont nombreux et touchent plus que simplement l'aspect de l'exécution des renvois du Canada des criminels de guerre. En outre, le défendeur prétend qu'il n'y a pas de preuve que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a communiqué avec des agents chargés de l'exécution de la loi avant de rendre sa décision ou qu'elle a porté atteinte à son pouvoir discrétionnaire de quelque façon. Le défendeur affirme qu'en l'absence de preuve précise au soutien d'une allégation de partialité, il serait inapproprié pour la Cour de tirer une conclusion selon laquelle il y a eu une iniquité.

[42] En résumé, à l'égard de la question de la partialité, le défendeur prétend qu'une personne renseignée ne considérerait pas que le fait qu'un agent chargé de la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire se trouve dans l'Unité régionale des crimes de guerre a une influence inappropriée sur son processus décisionnel. Au contraire, le défendeur prétend que la personne renseignée s'attendrait à ce qu'un tel agent ait certaines connaissances et une certaine expertise à l'égard de questions liées aux crimes de guerre qui garantiraient un examen complet et juste des questions d'ordre humanitaire. [43]

L'intérêt supérieur de l'enfant

Le défendeur prétend que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a accordé une attention appropriée à l'intérêt supérieur de la fille du demandeur. Le défendeur prétend qu'il était implicite dans sa décision qu'elle savait que le demandeur était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention et qu'il pouvait par conséquent être interdit de territoire au Canada. [44] Le défendeur prétend en outre que l'appréciation de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire était assurément raisonnable compte tenu de la nature des observations présentées par le demandeur qui n'allaient pas plus loin que les déclarations habituelles à l'égard des difficultés émotives et financières.

[45] Bien que la triste réalité pour le demandeur soit qu'une nouvelle admission au Canada à l'avenir ne puisse pas être possible en raison du fait qu'on a jugé qu'il était exclu

de la définition de l'alinéa a) de la section F de l'article premier de la Convention, le défendeur prétend que le fait de ne pas pouvoir venir voir sa fille au Canada n'est pas un facteur prépondérant. Le défendeur cite l'arrêt Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 125 (CanLII), [2002] 4 C.F. 358, 2002 CAF 125, pour lequel une autorisation d'appel à la C.S.C. a été refusée, [2002] C.S.C.R. no 220 (QL), sur lequel il appuie sa prétention à cet égard. [46] Tout en reconnaissant que la situation en Afghanistan puisse être moins que parfaite, le défendeur affirme que l'épouse et la fille du demandeur pourraient quand même lui rendre visite s'il devait être renvoyé du Canada. De plus, le défendeur prétend qu'il n'était pas déraisonnable pour l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire de ne pas évaluer les risques en Afghanistan étant donné que le demandeur ne les avait pas invoqués dans sa demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. [47]

L'application des directives IP-5 mises à jour

Contrairement à la prétention du demandeur, le défendeur prétend qu'il n'y a pas eu de manquement à l'obligation d'agir avec équité lorsque les directives IP-5 mises à jour plutôt que celles en vigueur suivant l'ancienne loi ont été appliquées.

[48] Premièrement, le défendeur prétend que suivant les anciennes directives IP-5 un mariage authentique n'entraînait pas automatiquement une décision favorable à l'égard d'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Dans la décision Agot c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 436 (CanLII), [2003] A.C.F. no 607 (QL), 2003 CFPI 436, la Cour a mentionné qu'une demande de parrainage par un époux qui a été accueillie constitue un facteur favorable dans une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, mais que ce n'est pas un facteur déterminant. De plus, le défendeur prétend que les directives ne sont pas obligatoires, qu'elles ne peuvent pas limiter le pouvoir discrétionnaire de l'agent chargé de la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et qu'un demandeur ne peut pas se plaindre si un agent d'immigration omet de suivre les directives : arrêt Legault, précité, et décision Vidal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1991), 13 Imm. L.R. (2d) 123 (C.F. 1re inst.). [49] Le défendeur n'admet pas que le demandeur ait pu raisonnablement avoir l'impression qu'un mariage authentique était déterminant à l'égard de sa demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire. Non seulement les anciennes directives IP-5 énoncentelles que les autres facteurs doivent être appréciés, mais de plus la première demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire présentée par le demandeur a été refusée même si son mariage était un mariage authentique. Sur ce fondement, le défendeur affirme que la prétention du demandeur selon laquelle il a été trompé par la politique de CIC n'est pas fondée. [50] Finalement, le défendeur affirme que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire n'a pas commis une erreur lorsqu'elle a appliqué les directives IP-5 mises à jour étant donné que la Cour a récemment statué que les directives qui ont fait l'objet d'une mise à jour sont appliquées à bon droit à toutes les demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire en instance indépendamment du moment auquel elles ont été déposées : décision Osadolor c. Canada (Ministre de la

Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 737 (CanLII), [2004] A.C.F. no 895 (QL), 2004 CF 737.

[51] rejetée.

Le défendeur demande que la présente demande de contrôle judiciaire soit

Les questions en litige [52] 1.

Les questions en litige sont les suivantes : Quelle est la norme de contrôle?

2. Existe-t-il une crainte raisonnable de partialité du fait de la présence de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire dans l'Unité des crimes de guerre? 3. L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a-t-elle commis une erreur par une omission d'avoir apprécié correctement l'intérêt supérieur de l'enfant du demandeur? 4. L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a-t-elle commis une erreur en se fondant sur les directives IP-5 mises à jour plutôt que sur les anciennes directives IP-5? 5. Le demandeur a-t-il établi qu'il existe un autre motif justifiant que la Cour intervienne?

Les dispositions législatives pertinentes [53] Le paragraphe 11(1) de la LIPR exige qu'un étranger demande un visa préalablement à son entrée au Canada : 11. (1) L'étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l'agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, qu'il n'est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

[54]

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

Le paragraphe 25(1) prévoit ce qui suit :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d'un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire relatives à l'étranger - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - ou l'intérêt public le justifient.

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister's own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

Analyse et décision [55]

La première question en litige

Quelle est la norme de contrôle?

Compte tenu de l'arrêt Baker, précité, je suis d'avis que la norme de contrôle est la décision raisonnable simpliciter. [56]

Je vais maintenant traiter de la troisième question en litige qui est la suivante :

L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a-t-elle commis une erreur par une omission d'avoir apprécié correctement l'intérêt supérieur de l'enfant du demandeur? La Cour a toujours mis l'accent sur l'importance pour un agent chargé d'examiner une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire d'être éveillé à l'intérêt supérieur d'un enfant né au Canada. Il devrait en outre être mentionné que l'existence d'un enfant né au Canada n'est pas un facteur déterminant dans une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et que le souhait que l'enfant reste avec ses parents n'est pas un facteur prépondérant. Par contre, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être examiné en détail. [57] M. le juge Décary de la Cour d'appel fédérale a déclaré ce qui suit dans l'arrêt Hawthorne, précité, aux pages 562 à 563 : On détermine l' « intérêt supérieur de l'enfant » en considérant le bénéfice que retirerait l'enfant si son parent n'était pas renvoyé du Canada ainsi que les difficultés que vivrait

l'enfant, soit advenant le renvoi de l'un de ses parents du Canada, soit advenant qu'elle quitte le Canada volontairement si elle souhaite accompagner son parent à l'étranger. Ces bénéfices et difficultés constituent les deux côtés d'une même médaille, celle-ci étant l'intérêt supérieur de l'enfant.

L'agente n'examine pas l'intérêt supérieur de l'enfant dans l'abstrait. Elle peut être réputée savoir que la vie au Canada peut offrir à un enfant un éventail de possibilités et que, règle générale, un enfant qui vit au Canada avec son parent se trouve dans une meilleure position qu'un enfant vivant au Canada sans son parent. À mon sens, l'examen de l'agente repose sur la prémisse - qu'elle n'a pas à exposer dans ses motifs - qu'elle constatera en bout de ligne, en l'absence de circonstances exceptionnelles, que le facteur de « l'intérêt supérieur de l'enfant » penchera en faveur du non-renvoi du parent. Outre cette prémisse que je qualifierais d'implicite, il faut se rappeler que l'agente est saisie d'un dossier particulier dans lequel un parent, un enfant ou les deux, comme en l'occurrence, allèguent des raisons précises quant à savoir pourquoi le non-renvoi du parent est dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Il va de soi que l'agente doit examiner attentivement ces raisons précises. Il est quelque peu superficiel de simplement exiger de l'agente qu'elle décide si l'intérêt supérieur de l'enfant milite en faveur du non-renvoi - c'est un fait qu'on arrivera à une telle conclusion, sauf dans de rares cas inhabituels. En pratique, l'agente est chargée de décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d'un parent exposera l'enfant et de pondérer ce degré de difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d'intérêt public, qui militent en faveur ou à l'encontre du renvoi du parent. [58] Dans la présente affaire, la décision de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire énonce que l'agente a pris en compte la décision de la SSR selon laquelle le demandeur était exclu de la définition de réfugié au sens de la Convention. Le demandeur prétend, essentiellement, que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire était tenue de faire un examen plus approfondi et d'apprécier l'intérêt supérieur de son enfant dans le contexte de l'interdiction de territoire au Canada suivant l'alinéa 35(1)a) de la LIPR. Le demandeur prétend que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire a commis une erreur lorsqu'elle a omis de tenir compte du fait que la séparation de l'enfant et de son père puisse être permanente ou du moins prolongée.

[59] L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, lors du contre-interrogatoire sur son affidavit, a déclaré qu'elle n'a pas pris en compte la question de savoir si le demandeur pourrait revenir au Canada (aux pages 9 et 10 de la transcription du contre-interrogatoire) : [TRADUCTION] Q: Bon, d'accord, avez-vous examiné, d'une façon ou d'une autre, la question de savoir si le père pourrait revenir au Canada après son renvoi?

R:

Non.

Q:

Ce n'était pas un facteur que vous avez pris en compte?

R:

Non.

Q: D'accord, vous êtes au courant de... - vous avez dit que vous êtes au courant qu'il est interdit de territoire suivant le paragraphe 35(1) en raison de la conclusion tirée par la Section du statut. C'est exact? R:

Oui.

[60] Je suis convaincu que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire n'a pas pris en compte la possibilité que le demandeur soit interdit de territoire lorsqu'elle a examiné l'intérêt supérieur de son enfant née au Canada. Je souhaite établir clairement que je ne dis pas que l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire aurait dû rendre une décision à l'égard de la question de l'interdiction de territoire du demandeur au Canada étant donné qu'il n'appartient pas aux agents chargés d'examiner des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire de rendre une décision à cet égard. L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire aurait dû cependant prendre en compte, à titre de facteur, la possibilité que le demandeur soit interdit de territoire lorsqu'elle a examiné l'intérêt supérieur de l'enfant, en particulier étant donné que l'article 15 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, prévoit que les conclusions de fait tirées par la Commission à l'égard des crimes de guerre sont probantes à l'égard des décisions subséquentes touchant l'interdiction de territoire. [61] La directive de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Hawthorne, précité, est qu'un agent chargé d'examiner une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire est tenu de décider « du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d'un parent exposera l'enfant » et de pondérer ce degré par rapport aux autres facteurs. Bien que je partage l'opinion selon laquelle l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire n'est pas tenue de rendre une décision à l'égard de la question de l'interdiction de territoire, ou qu'elle n'a pas le pouvoir de le faire, le fait qu'elle n'a pas pris en compte le régime législatif de la LIPR a entraîné une appréciation totalement artificielle du degré de difficultés que subira l'enfant du demandeur. Une appréciation valable des difficultés ne pouvait pas omettre de prendre en compte la durée de la séparation de l'enfant et de son parent, en particulier compte tenu de la situation du pays en Afghanistan.

[62] Le raisonnement effectué par l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire mentionnait en outre que l'épouse et la fille du demandeur pourraient lui rendre visite en Afghanistan ou l'y rejoindre. Toutefois, la documentation sur la situation dans le pays dont disposait l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire mentionnait une situation extrêmement dangereuse dans ce pays et, en fait, le gouvernement canadien a émis un avis aux voyageurs énonçant que les Canadiens ne devraient pas se rendre en Afghanistan. Il

était, par conséquent, déraisonnable pour l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire d'affirmer que l'épouse et la fille du demandeur pourraient lui rendre visite en Afghanistan. [63] Si une partie du raisonnement effectué par l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire pour arriver à conclure qu'il n'y avait pas suffisamment de motifs d'ordre humanitaire pour justifier que soit accordée au demandeur une dispense dépendait d'une conclusion selon laquelle sa famille pourrait lui rendre visite en Afghanistan ou d'une conclusion selon laquelle sa famille pourrait s'y installer, il est nécessaire que ces conclusions soient d'une certaine façon fondées sur la preuve. L'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, lors du contre-interrogatoire, a reconnu que l'Afghanistan ne serait pas un endroit sécuritaire pour un enfant. Je ne vois, dans la décision écrite de cette agente, aucun examen explicite à l'égard des conditions dans le pays même si elle disposait de beaucoup de documentation sur cette question.

[64] Mon raisonnement sur cette question ne va pas aussi loin que l'imposition aux agents chargés d'examiner des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire d'une obligation générale d'analyser les conditions du pays même lorsque les risques n'ont pas été invoqués par un demandeur. Cependant, lorsque le motif énoncé par l'agent pour avoir refusé une demande est fondé sur la possibilité que surviennent certains événements, ces événements ne doivent pas être qu'illusoires. Lorsque les conditions du pays sont comme elles le sont en Afghanistan, il est déraisonnable pour l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire d'appuyer sa décision sur le fait que la famille sera capable de se réunir dans ce pays s'il n'est pas sécuritaire de le faire. [65] Je suis d'avis que la décision de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire était déraisonnable étant donné qu'elle n'était pas réceptive, attentive et sensible à l'intérêt supérieur de l'enfant du demandeur née au Canada. Je n'ai pas de façon de savoir ce qu'aurait pu être la décision de l'agente chargée d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire si elle avait pris en compte ce que provoquerait une séparation si le demandeur devait être déclaré interdit de territoire au Canada. [66] Compte tenu de mon opinion sur cette question, il n'est pas nécessaire de traiter des autres questions soulevées par le demandeur. [67] La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent chargé d'examiner la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire afin qu'il soit statué à nouveau sur l'affaire.

[68] Les parties auront une semaine à compter de la date de la présente décision pour déposer afin que je les examine des questions graves de portée générale et les parties auront quatre jours additionnels pour présenter d'autres observations. « John A. O'Keefe » Juge

Ottawa (Ontario) Le 10 août 2004 Traduction certifiée conforme Danièle Laberge, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER DOSSIER :

IMM-3400-03

INTITULÉ :

AHMAD SHARIF MALEKZAI

(alias KHESROW MALEKZAI et SULTAN MOHAMAD MALEKZAI) c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION LIEU DE L'AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 22 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE O'KEEFE DATE DES MOTIFS :

LE 10 AOÛT 2004

COMPARUTIONS : Krissina Kostadinov Neeta Logsetty

POUR LE DEMANDEUR POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : Waldman & Associates

POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario) Morris Rosenberg, c.r. Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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