ANGINE VASOSPASTIQUE ET EXERCICE

ces différentes composantes peuvent mener à une occlu- sion plus ou moins complète ... l'en traînement musculaire accroît l'endurance et la force des muscles ...
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ANGINE VASOSPASTIQUE ET EXERCICE PLUS QUE POSSIBLE, NÉCESSAIRE ! Votre patiente de 51 ans revient vous consulter à la suite de l’examen en cardiologie que vous avez demandé pour ses douleurs thoraciques atypiques récurrentes depuis quelques semaines, survenant surtout tôt le matin. L’origine cardiaque semble peu probable en raison du faible risque cardiovasculaire et du profil clinique de votre patiente. Cette dernière pratique, en effet, des activités physiques à intensité élevée plusieurs fois par semaine, sans ressentir de douleur quelconque. Alexandra Gaudreau et Martin Crête

Sur le rapport qu’elle vous remet, vous constatez que le cardiologue a posé un diagnostic d’angine vasospastique. N’ayant eu aucune indication de l’équipe médicale, votre patiente attend votre approbation pour reprendre ses activités. Vous consultez le résultat de son épreuve d’effort sur tapis roulant selon la méthode de Bruce : elle a atteint une intensité maximale de 12,4 mets, pour un test cliniquement et électriquement négatif. L’exercice la place-t-elle à risque d’un syndrome coronarien aigu ? Nombreux d’entre nous se sentent démunis lorsqu’il est ques­tion de guider le patient souffrant d’une maladie cardiaque dans la pratique d’activité physique. Encore plus si l’état de ce dernier est instable. Même si sa prévalence n’est que de 1 % à 2 % parmi les patients angineux de race blanche1, l’angine vasospastique, ou de Prinzmetal, amène son lot de casse-têtes : une élévation du segment ST au lieu d’un sous-décalage à l’ECG, des symptômes non liés à l’effort et qui se répètent souvent au petit matin et une excellente réponse aux nitrates malgré tout1. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la pratique régulière d’activité physique chez cette clientèle entraîne des effets positifs sur la maladie, à condition de bien comprendre la physiopathologie de ce type d’angine et d’utiliser l’exercice à son avantage.

RETOUR SUR LA PHYSIOPATHOLOGIE D’abord, le spasme coronarien survient dans une ou plusieurs artères coronaires devenues hyperactives à la suite d’un puissant stimulus vasoconstricteur. Cette hyperactivité des vaisseaux peut être attribuable à un dysfonctionnement endothélial (faible vasodilatation et état pro-inflammatoire1), à une hyperréactivité des cellules musculaires lisses ou à d’autres facteurs hormonaux, nerveux ou électrolytiques1. Quant au stimulus vasoconstricteur, il peut être lié à l’aug-

Mme Alexandra Gaudreau, kinésiologue, exerce à la Clinique de cardiologie de Lévis. Le Dr Martin Crête, cardiologue, pratique au CSSS Alphonse-Desjardins, Centre hospitalier affilié universitaire de Lévis. lemedecinduquebec.org

mentation de l’activité du système nerveux sympathique (émotions fortes, stress, tabagisme, drogues, etc.) ou à la hausse de la sécrétion d’acétylcholine2. Par ailleurs, certaines populations ont un risque de spasmes coronariens plus élevé, notamment les femmes, les personnes ayant une diathèse familiale positive de maladie cardiovasculaire et ceux ayant une personnalité de type A3. Une fois réunies, ces différentes composantes peuvent mener à une occlusion plus ou moins complète des vaisseaux, en présence ou non de plaques athéromateuses. La réduction de l’apport en oxygène au myocarde due au spasme se présente par des symptômes d’ischémie caractéristiques ou non d’une angine. La nitroglycérine est employée en situation de crise pour soulager les symptômes, mais ce sont les inhibiteurs des canaux calciques qui sont habituellement prescrits sur une base quotidienne pour diminuer les résistances vasculaires3.

L’ÉPREUVE D’EFFORT N’EST DONC D’AUCUNE UTILITÉ POUR DIRIGER MON PATIENT ? Comme nous l’avons dit plus tôt, l’angine vasospastique ne survient pas forcément à l’exercice. Il est ainsi possible que l’épreuve d’effort diagnostique sur tapis roulant ne soit d’aucune utilité. Le diagnostic, souvent clinique, peut aussi être posé après différents tests de provocation (ergonovine, hyperventilation et acétylcholine4). Les résultats de l’épreuve sur tapis roulant ne garantissent donc pas hors de tout doute que vos patients n’auront aucun symptôme à l’effort, mais peuvent servir à la prescription d’activités physiques en vous indiquant où se situe le patient par rapport à la moyenne de la population de même sexe et de même âge. Le patient a-t-il présenté des arythmies ou des signes d’ischémie ? Pourquoi l’épreuve d’effort a-t-elle pris fin ? Vous serez aussi en mesure de constater l’évolution de différentes valeurs hémodynamiques à l’effort qui reflètent le degré de stimulation sympathique de votre patient : des élévations disproportionnées et brusques de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle en comparaison de l’augmentation de l’intensité de l’effort et une récupération lente de ces paramètres à la fin de l’exercice pourraient vous mettre sur la piste d’une plus grande stimulation sympathique.

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ENCADRÉ

LA VARIABILITÉ RR

L’intervalle RR est l’intervalle de temps entre deux ondes R successives sur un tracé d’électrocardiogramme. Il permet de calculer la fréquence cardiaque. Quant à la variabilité RR, elle représente le phénomène physiologique à la base de la variation de l’intervalle de temps entre les battements cardiaques, reflétant la qualité du contrôle nerveux autonome du cœur. L’entraînement régulier permet donc d’améliorer la variabilité de la fréquence cardiaque en permettant un retour rapide aux valeurs de repos après une séance d’exercice.

TABLEAU

APPROCHE METS POUR UNE PRATIQUE SÛRE DE L’EXERCICE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS D’ANGINE VASOSPASTIQUE1,12-14

Favoriser les exercices d’intensité Modérée Exiger une Épreuve d’effort avec ECG avant l’amorce d’un programme d’exercice h Éviter les Températures extrêmes lors de la pratique de l’activité h Adopter une Structure d’entraînement adéquate : échauffement prolongé (10 minutes), période d’effort, retour au calme (10 minutes) h h

SUR QUELS ASPECTS DE LA MALADIE L’EXERCICE PEUT-IL AVOIR UN EFFET FAVORABLE ? La pratique régulière d’activité physique provoque une amélioration de la vasomotricité artérielle et une diminution de l’état inflammatoire et du tonus sympathique chez les patients souffrant d’angine vasospastique5-7. Après un entraînement aérobie en endurance, une réduction de 54 % de la constriction coronarienne et un accroissement de 29 % du débit coronarien de réserve ont été observés dans un groupe de patients atteints de maladies coronariennes associées à un dysfonctionnement endothélial5. Le débit coronarien de réserve représente la capacité de dilatation des artères coronaires après une augmentation du débit cardiaque, ce qui expliquerait en partie la plus grande irrigation myocardique après l’entraînement. L’exercice régulier permet aussi de modifier l’état pro-inflammatoire par une diminution de l’adiposité, une meilleure sensibilité à l’insuline et une fonction endothéliale plus performante. Toutefois, il est clairement établi que plus une activité physique est prolongée, intense et exigeante, plus les marqueurs inflammatoires dans le sang sont élevés, et plus leur taux met du temps à revenir à un niveau basal6. Enfin, un programme de réadaptation cardiaque aurait révélé une amélioration de la fonction parasympathique et une diminution de l’effet sympathique adrénergique se traduisant par une baisse plus importante des paramètres hémodynamiques et une hausse de la variabilité RR (encadré) lors du retour au calme après une période d’exercice8. Ces

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Le Médecin du Québec, volume 50, numéro 4, avril 2015

différents travaux permettent donc de constater l’effet considérable de la pratique régulière d’activité physique sur les facteurs prédisposant à l’angine vasospastique.

DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE : COMMENT DIRIGER SON PATIENT DANS SA PRATIQUE D’ACTIVITÉ PHYSIQUE ?

EXERCICE AÉROBIE OU EXERCICE MUSCULAIRE L’exercice aérobie doit être au cœur des activités physiques pratiquées par les patients souffrant d’angine vasospastique en raison des bienfaits déjà nommés. Néanmoins, l’en­traînement musculaire accroît l’endurance et la force des muscles sollicités ainsi que la capacité oxydative des fi­bres musculaires6. Les deux mots d’ordre sont endurance et progression. Pour prévenir le plus possible une réponse adrénergique puissante et un état pro-inflammatoire et pour favoriser une vasodilatation adéquate et la diminution des résistances périphériques, chaque période d’exercice (aérobie et musculaire) doit être précédée d’un échauffement de cinq à dix minutes à faible intensité. Elle doit, en outre, se terminer par une période de retour au calme de la même durée9 afin d’éviter les réductions importantes de la pression artérielle dues à la vasodilatation périphérique. C’est pourquoi la progression du programme d’entraînement sera dirigée davantage vers une augmentation du volume, jusqu’à l’atteinte de la recommandation de 150 minutes d’activité aérobie modérée par semaine9, que vers un ac­crois­sement de l’intensité. Nous favoriserons donc des exercices aérobie à faible impact pour commencer (marche, vélo, ski de fond) et un entraînement musculaire à faible charge (nombreuses répétitions sous-maximales avec le poids du corps, élastiques ou poids libres)10. INTENSITÉ MODÉRÉE OU INTENSITÉ ÉLEVÉE Avec ce qui a été énoncé au point précédent, c’est sans surprise que l’intensité modérée est préférable en cas d’angine vasospastique. L’exercice à intensité élevée, que ce soit cardiovasculaire ou musculaire, occasionne une réponse adrénergique très forte et favorise un état inflammatoire, visible par une augmentation des marqueurs sanguins de l’inflammation8, ce qui crée un terrain propice à l’apparition du spasme coronarien. En pratique, la façon la plus concrète de décrire un exercice d’intensité modérée est le test de la parole11. Un effort de faible intensité ne cause pas un essoufflement perceptible pendant la discussion : il s’agit de l’intensité idéale pour un échauffement et un retour au calme. Un effort d’intensité modérée nous amène à ressentir un essoufflement dans la voix, mais sans la nécessité de la restreindre complètement. Une intensité élevée, pour sa part, empêche toute discussion en raison d’une respiration beaucoup plus profonde et rapide. L’approche « METS » pour une pratique sûre de l’exercice par les patients atteints d’angine vasospastique est décrite dans le tableau.

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En somme, il serait préoccupant de limiter la pratique d’activité physique chez les patients présentant une angine vasospastique, d’une part parce que la sédentarité favorise un état pro-inflammatoire7, un dysfonctionnement endothélial10, une hyperréactivité sympathique15 et, d’autre part, parce qu’une pratique structurée d’activités physiques pourrait atténuer ces facteurs. La clé du succès de l’intégration d’exercices repose donc sur la gestion de la période d’effort. En gardant ce concept en tête et en respectant la période d’échauffement et de retour au calme, le médecin possède tous les éléments nécessaires pour que ses patients souffrant d’angine vasospastique puissent recommencer à pratiquer une activité physique de façon régulière ou s’y mettre. // Date de réception : le 9 août 2014 Date d’acceptation : le 20 novembre 2014 Mme Alexandra Gaudreau et Dr Martin Crête n’ont signalé aucun intérêt conflictuel.

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