une famille syrienne - Mercury

lourdes, bourdonnements d'hélicoptères, chutes de bombes. Nous sommes enfermés avec ces tragédiens du quotidien, sursautant à chaque sifflement d'obus, ...
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UNE FAMILLE SYRIENNE de Philippe Van Leeuw







Une parenthèse éloquente et instructive



Dans une chambre, deux amoureux s'embrassent, font des promesses, des plans pour l'avenir. À côté, un petit garçon rechigne à faire ses devoirs et taquine son grand-père. Ses grandes sœurs, ados boudeuses, tournent en rond. Au salon, la maîtresse de maison sermonne la jeune fille chargée du ménage. Cette banalité, c'est du théâtre. Cet appartement est une scène. On ne peut en franchir les limites sans plonger dans un décor irréel. Nous sommes nulle part, c'est-à-dire en Syrie. À Alep ou dans l'une de ces villes martyrisées depuis six ans. Au-delà de l'immeuble, tout n'est que décombres, poussière, fracas d'armes lourdes, bourdonnements d'hélicoptères, chutes de bombes. Nous sommes enfermés avec ces tragédiens du quotidien, sursautant à chaque sifflement d'obus, effrayés quand des miliciens tambourinent à leur porte, exigeant leur impôt en nature... Au centre de cet irrespirable huis clos, filmé par le Belge Philippe Van Leeuw comme regarderait l'œil d'un bourdon cognant aux vitres, une femme. C'est à elle qu'il revient d'assurer une apparence de normalité dans ce chaos. À elle aussi d'arbitrer, au gré des situations, entre le mensonge et la folie, entre le meurtre et le viol, entre le sacrifice d'un seul et la punition de tous. Séquestré avec la famille captive, le spectateur n'est immergé qu'une heure et demie dans ce moment de guerre. La parenthèse est pourtant plus éloquente et instructive que beaucoup de récits et de reportages, si réalistes soient-ils sur ce conflit dont la barbarie inlassable a fini par nous anesthésier. Jean-François Julliard