Le bilan des années Merkel - Etudes économiques du Crédit Agricole

18 sept. 2017 - quatrième mandat, après douze ans à la tête ...... responsabilité du Crédit Agricole S.A. ou de l'une de ses filiales ou d'une Caisse Régionale.
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Apériodique – n°17/229 – 18 septembre 2017

ALLEMAGNE – Enjeux politiques Le bilan des années Merkel  Les élections fédérales allemandes du 24 septembre prochain désigneront le chancelier allemand qui gouvernera le pays les quatre prochaines années. La reconduction de l’actuelle chancelière à son poste demeure l’option la plus probable, mais elle doit encore convaincre de la pertinence d’un quatrième mandat, après douze ans à la tête du pays. Angela Merkel devrait pouvoir dresser un bilan économique favorable et mettre en avant la bonne résistance du pays pendant les crises. Elle va pouvoir s’attribuer le succès du modèle économique allemand bien qu’il ait mis du temps à émerger et que rien ne garantisse sa pérennité.  Toutefois, le bilan politique de la chancelière reste mitigé. Les transformations économiques majeures du pays ont été tracées dès la fin des années 90 et au début des années 2000. Peu de réformes structurelles d’envergure ont vu le jour durant les mandats de la chancelière Merkel et la mise en place de mesures visant à réduire la paupérisation des travailleurs à bas salaires ne s’est faite que tardivement. Cependant, la chancelière a su faire preuve de pragmatisme dans la gestion des crises en créant les conditions économiques propices à une reprise rapide de la croissance.  Il n’en demeure pas moins que le pays fait face à de nombreux défis. Il devra d’une part rediriger l’excès d’épargne vers l’investissement productif afin d’améliorer la productivité à moyen terme et la croissance potentielle et, d’autre part, trouver une solution pérenne à la chute de la population active qui continue de menacer la soutenabilité à long terme du système de protection sociale.

Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com

De l’homme malade à l’homme fort de l’Europe L’Allemagne jouit de performances économiques enviées par ses partenaires européens. Depuis les débuts de l’ère Merkel, la croissance du PIB allemand se situe quasiment toujours audessus de celle de la zone euro, désignant ainsi le pays comme étant la locomotive économique de l’Europe. Croissance du PIB réel et taux de chômage

6 4

%, a/a

% 15

Schröder (SPD/Verts)

2

10

0

-2 -4

5 Merkel I

Merkel II Merkel III

(CDU/SPD)

(CDU/FDP)

(CDU/SPD)

-6

0 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 PIB ZE PIB DE Taux de chômage DE (dr.) Taux de chômage ZE (dr.)

Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

L’Allemagne se distingue également en matière d’emploi. Le pays présente en effet le taux de chômage le plus faible de la zone euro en 2016, à seulement 4,2% de la population active, approchant ainsi le plein emploi, contre 10% en France, 11,7% en Italie et plus de 19,6% en Espagne.

ALLEMAGNE – Enjeux politiques Le bilan des années Merkel

Philippe VILAS BOAS [email protected]

UEM : taux de chômage

% 15

% 30

10

20

5

10

0

0 00 01 02 03 04 05 07 08 09 10 11 12 14 15 16 17 Allemagne

ZE(19)

Italie

Espagne (dr.)

France

Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

En matière de discipline budgétaire, l’Allemagne sort également du lot avec un des ratios de dette sur PIB les plus faibles d’Europe. En 2016, la dette allemande ne représentait « que » 68,3% du PIB, en nette diminution depuis le pic de 2010 à 81%. Au sein des principaux pays de la zone, c’est le seul pays pouvant justifier d’une baisse de son niveau d’endettement depuis la crise de 2008-2009. Il bénéficie d’excédents budgétaires depuis maintenant trois ans, ce qui lui offre des marges de manœuvre en matière de politique économique. UEM : Ratio d'endettement public moyen sur la période

% PIB 130 110 90 70

50 30 ZE

2001-2005

DE

FR

2005-2008

IT

2009-2011

ES

2011-2016

Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

Enfin, le pays bénéficie d’un excès d’épargne substantiel que l’on peut illustrer au travers de l’évolution de son compte courant. L’excédent courant atteint ainsi plus de 8,4% du PIB en 2016 et se caractérise par un niveau élevé de l’épargne nette des ménages et des sociétés non financières, mais aussi des administrations publiques, une situation inédite en zone euro. Ce processus d’accumulation d’épargne a débuté au début des années 2000 et a alimenté les investissements en portefeuille dans le Sud de l’Europe et aux ÉtatsUnis (contribuant aux bulles immobilières et à la crise des subprimes).

N°17/229 – 18 septembre 2017

Epargne nette (Epargne brute - Investissement) % PIB 10 8 6 4 2 0 -2 -4 -6 00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Administrations publiques Sociétés financiéres Sociétés non financières Ménages Balance courante Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

Si le pays est aujourd’hui érigé en modèle, ce n’était pas le cas dans les années précédant l’arrivée au pouvoir d’Angela Merkel. Et il convient de se demander comment l’Allemagne a pu opérer un tel redressement économique et traverser, avec des dégâts limités, deux crises majeures durant les dix dernières années et quel a été le rôle de l’action politique des gouvernements Merkel dans ce redressement. De profondes mutations entamées avant la crise de 2008 Au début de ce siècle, la croissance du PIB réel allemand était atone et n’a pas dépassé 1% entre 2000 et 2005, tandis que celle de la zone euro lui était supérieure de près d’un point. L’Allemagne était alors considérée comme « l’homme malade » de l’Europe, n’arrivant pas à se relever du coût élevé que représentait la réunification. La privatisation des entreprises de l’Est afin de les assainir et les préparer à l’économie de marché a fait bondir le taux de chômage à plus de 10% de la population active en 2005 contre 5% en 1991. Le rééquilibrage des salaires Est-Ouest imposé par la réunification a engendré une spirale inflationniste (+4% en rythme annuel en 1992) et une déconnexion entre le taux de croissance des salaires et celui de la productivité au niveau national. La restructuration du pays est passée par l’injection massive d’argent public dans les États de l’Est conduisant à une dégradation du taux d’endettement public, passé de 39,1% en 1991 à 67% en 2005. C’est dans ce contexte de faible croissance, d’endettement public élevé et d’un chômage galopant que le bon fonctionnement de l’économie sociale de marché s’est grippé, notamment avec l’accord manqué entre patronat et syndicats sur un pacte pour l’emploi et la compétitivité. Le gouvernement socio-démocrate de G. Schröder (2001-2005) a cherché à sortir de cette situation de blocage des réformes qui avait caractérisé le mandat chrétien-démocrate-libéral

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qui l’avait précédé. Il fit le choix de l’interventionnisme et, dans le cadre de son Agenda 2010, il introduisit les fameuses lois de flexibilité du travail plus connues sont le nom de lois Hartz (cf. encadré) avec pour objectif de faire reculer massivement le chômage.

millions 5,2

12

5,0

11 4,8

10 9

Les lois Hartz en quatre actes I - Création d'agences privées de « service au personnel » dont l'objectif est le placement en intérim des chômeurs non placés par l'Agence fédérale pour l'emploi. Durcissement des critères d'acceptabilité d’une offre d'emploi. Indemnités chômage conditionnées à une démarche proactive des demandeurs d'emploi. II - Création des « mini-jobs »1 puis des « midi-jobs ». Mise en place d’une politique d’incitation à l'autoentreprenariat. III - Restructuration de l'Agence fédérale pour l’Emploi. Mise en place de mesures d'incitation à la performance et d'un contrôle centralisé au niveau fédéral de l'efficacité des services de l’emploi. IV - Fusion de l'assistance chômage et de l'assistance sociale. Redéfinition plus stricte de l'acceptabilité de l'emploi.

Ces lois ont été mises en place entre 2003 et 2005 et se sont accompagnées d’un durcissement des conditions d’octroi des allocations chômage. Elles ont également conduit à un recours massif à l’emploi intérimaire qui est passé de 16,6% de l’emploi total en 2000 à près de 23,5% en 2016. À titre de comparaison, il ne représente que 15% dans l’ensemble de la zone euro aujourd’hui.

4,6

8

4,4

7 4,2

6 5

4,0

02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 Taux de chômage

Nb de mini jobs (dr.)

Sources : FSO, Crédit Agricole S.A.

Cependant, ces mesures n’expliquent pas à elles seules le retournement de la courbe du chômage en 2005. En effet, l’Allemagne a également connu une longue période de modération salariale entamée avant la crise de 2008 en réponse à l’inflation salariale post-réunification, qui lui a permis d’accroître sa compétitivité prix et de limiter le recours au licenciement. Si l’on compare les coûts salariaux de l’Allemagne à ceux des autres grands pays de la zone euro, on est frappé par leur très faible progression sur longue période. Depuis 1995 jusqu’à 2012, l’Allemagne n’a que très rarement connu une croissance positive des coûts salariaux unitaires alors que partout ailleurs en zone euro, ceux-ci ont nettement augmenté jusqu’en 2008. UEM : Coûts salariaux unitaires 140

2000=100

130

Distribution des emplois par type % emplois 100 16,6 18,4 19,3 21,5 23,5 12,3 13,8 13,9 14,6 15,1 80

120 110

100

60 40

Emplois atypiques et taux de chômage

% 13

Milliers

[email protected]

80,9 76,6 74,9 74,1 73,3 84,1 81,2 81,3 79,9 78,4

90 80

20

90

0 00

05

08

11

16

00

05

Allemagne Temps plein

Temps partiel subi

08

11

16

95

00

05

FR Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

10

15

DE

Zone euro Temps partiel volontaire

Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

Des emplois faiblement rémunérés comme les « mini-jobs » pour les chômeurs de long terme, ont massivement été proposés entre 2003 et 2005.

Cette forte modération salariale découle d’un processus long d’affaiblissement du pouvoir syndical, d’un redéploiement de certaines chaînes de production dans des pays à faibles coûts de main-d’œuvre et de stratégies d’externalisation d’activités des services de la part des entreprises industrielles. La baisse continue du taux de couverture des salariés par des

1

Les « mini-jobs » sont des emplois rémunérés au maximum à 450€ par mois. Ils sont dans leur première version non imposables et exonérés de charges sociales.

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conventions collectives est à l’œuvre depuis plusieurs années déjà lorsque l’Agenda 2010 intervient. Durant cette période, les dérogations aux conventions collectives de branche se sont multipliées au profit des accords ou conventions d’entreprises plus flexibles. Ces dérogations portaient sur le temps de travail, la rémunération et les garanties d’emploi et avaient pour objectif de permettre aux entreprises de l’Est de rattraper leur retard de compétitivité par rapport à celles de l’Ouest.

% 80 76

70

Taux de couverture conventionnelle des salariés 73

70 71 70 70

57

55 56 55 54

65

63 63

53 53 54 54 52

65

63

51 50

50

91 93 95 97 99 01 03 05 07 09 11 13 France

61 60 60 60

59 59

49 48

47 47

49 48

12

14

16

40 98

00

02

45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Allemagne

Italie

Espagne

Sources : OCDE, Crédit Agricole S.A.

68 67

63

60

UEM : Taux de syndicalisation

%

04

06

08

10

Ouest Sources : WSI, Crédit Agricole S.A.

Est

L’exigence de gains de compétitivité pour sauvegarder le tissu industriel allemand s’est accompagnée de l’externalisation par les entreprises manufacturières d’un grand nombre d’activités de service, qui se sont retrouvées ainsi affiliées à des conventions collectives moins généreuses et moins protectrices. Les données d’emploi par secteurs sur la période pré-crise soulignent ce phénomène de déplacement de l’emploi des secteurs de l’industrie vers les services marchands.

Cette singularité de l’économie allemande lui a conféré un avantage concurrentiel significatif sur une période de temps relativement longue. Dans l’industrie, cette stratégie lui a été particulièrement bénéfique, lui permettant de conserver une part élevée du secteur industriel dans sa valeur ajoutée tandis qu’elle a décliné dans la plupart des autres pays européens. Simultanément, cet avantage a permis d’exercer une moindre pression sur l’emploi et de limiter le chômage. UEM : Part de l'industrie dans la VA 28

%

26

24 22 20 18 16

14 12

UEM : Croissance de l'emploi par secteur %, a/a 3 2 1 0 -1 -2 -3 -4 -5

10 96

98

00

02

04

06

08

ZE DE FR Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

10

12 IT

14

16 ES

Résilience de l’activité face à la crise de 2008

DE

ZE

2001-2005 Total

DE

ZE

2005-2008

Industrie

DE

ZE

2009-2011

Construction

DE

ZE

2011-2016

Services marchands

Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

Par ailleurs, la baisse du taux de syndicalisation est venue également affaiblir le pouvoir de négociation des partenaires sociaux.

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C’est en 2005, qu’Angela Merkel forme son premier gouvernement de coalition avec le parti sociodémocrate (SPD). Durant son premier mandat, l’économie allemande va profiter d’un regain temporaire de la croissance mondiale. Entre 2005 et 2008, le taux de croissance du PIB allemand (+2,4% en moyenne annuelle) dépasse alors modestement celui de la zone euro (+2,2%). Mais, la crise des subprimes et le retournement du cycle manufacturier qui s’en sont suivis plongent l’Allemagne dans une sévère récession en 2009, avec un recul de son PIB atteignant 5,6% sur l’année alors que la zone euro connaît une récession moins marquée (-4,5%). Cependant,

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l’économie allemande s’est redressée plus vite et plus fortement que le reste des pays de la zone euro dès que l’activité industrielle mondiale est repartie en 2010. Son PIB croît alors au rythme de 4% dès 2010 tandis que celui de la zone euro ne progresse que de 2% cette même année. Mais surtout, le pays ne connaît pas de hausse du taux de chômage comme ont pu l’expérimenter ses partenaires européens à ce moment (cf. graphique p.2). Comment expliquer la résistance de l’économie allemande à la crise de 2008 ? Tout d’abord, les entreprises avaient déjà considérablement amélioré leur situation financière avant la crise. Elles avaient notamment augmenté fortement leur productivité et leur taux de marge, leur permettant ainsi de se désendetter d’une part et d’accroître significativement leur épargne d’autre part. Elles étaient donc mieux armées pour faire face à la crise que d’autres pays. UEM : Gains de productivité 2,5

%

2,0 1,5 1,0 0,5 0,0

-0,5 ZE 2001-2005

DE

FR

2005-2008

IT 2009-2011

ES 2011-2016

Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A. %

Taux de marge et taux d'endettement % VA des SNF

49

100

47

95

45 43

41 39

L’Allemagne a également résisté assez bien à la crise des dettes souveraines de 2011-2012 en évitant la récession. D’une part, le meilleur positionnement de ses entreprises à l’exportation sur les marchés émergents leur a permis de profiter de la forte croissance qu’ont connue ces derniers lorsque la croissance en zone euro restait embourbée dans la crise des souverains périphériques. D’autre part, l’Allemagne avait déjà assaini sont système bancaire en renflouant les banques en difficultés (Commerzbank, Hypo Real Estate… à hauteur de près de 291 Mds €) juste après la crise de 2008. Aussi, elle a mis en place les premières mesures destinées à limiter l’assistance des fonds publics au système bancaire (The German Bank Restructuring Act-2011).

Des défis majeurs à relever

90

Une fracture sociale qui s’est accrue

85

Les emplois à temps partiel ont considérablement augmenté et représentent aujourd’hui plus de 10,7 millions de personnes en Allemagne contre 6,8 millions au début des années 2000 tandis que les emplois atypiques (les mini-jobs), concernent près de 4,8 millions de personnes en 2016. Ces formes d’emploi plus précaires couplés à la modération salariale ont eu pour conséquence de réduire les salaires les plus bas et de creuser les inégalités salariales tout en renforçant la précarité. En 2015, le niveau de vie des 10% des Allemands les plus riches était 8 fois supérieur à celui des 10% les plus pauvres alors que ce rapport n’était que de 5 pour 1 au début des années 2000.

80

37

75

35

70

Taux de marge Taux d'endettement (dr.) Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

Ensuite, l’Allemagne a privilégié le recours au chômage partiel ainsi que la réduction des heures supplémentaires et l’utilisation préférentielle des comptes épargne temps plutôt que les réductions d’effectifs, ce qui a permis de limiter l’impact de la crise sur l’emploi et de repartir plus rapidement après celle-ci.

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L’analyse de la productivité apparente du travail souligne un recul plus prononcé de la productivité allemande dès le T1 2009 (-7,5% en variation annuelle) alors que l’ajustement est moins prononcé dans les autres pays (-2,8% en France et -5,8% en Italie). La chute de la productivité horaire par tête témoigne de l’ampleur du dispositif de chômage partiel mis en place en Allemagne. D’un côté, les salariés ont accepté de voir leur temps de travail réduit et une situation de chômage partiel transitoire, ce qui a eu pour effet de réduire leurs revenus. De l’autre, les entreprises ont consenti une chute de la productivité horaire qui s’est traduite par une hausse des coûts salariaux et une baisse de leurs marges. Ce sont ces efforts collectivement partagés par l’ensemble des partenaires sociaux qui ont permis d’amortir les effets de la crise sur le taux de chômage. La réactivité du gouvernement, en introduisant dès le début de l’année 2009 des mesures d’assouplissement et d’extension des conditions de recours au chômage partiel, a rendu plus attractive son utilisation par les entreprises.

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UEM : Taux de risque de pauvreté 25

% population

20

7

UEM : Dépenses d'investissement public (en 2015) % PIB

6

16,7

5 15

3,5

4

10 10

3

2,7

2,1 2,2

2

5

2015

Corriger le déficit d’investissement public et stimuler l’investissement privé

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30

22,9 20,9

25

19,319,7

20 15 10

ES

BE

IE

AT

0

FR

5

ZE(19)

L’Allemagne possède un taux d’investissement public plus faible que la moyenne de la zone euro en pourcentage du PIB. Elle est même en queue de peloton avec des dépenses d’investissement représentant 2,1% de son PIB en 2015 alors qu’il s’agit de la plus grande économie de la zone euro. À titre de comparaison la France et les Pays-Bas y consacrent chacun 3,5% de leur PIB. Ce déficit d’investissement public n’est pas récent, il perdure même depuis 15 ans. Si le gouvernement actuel a récemment consenti à augmenter ses dépenses d’investissement en matière d’infrastructures de transport, de défense et de recherches et développement, les infrastructures de garde et d’éducation pour la petite enfance sont encore jugées insuffisantes et nécessiteraient des dépenses additionnelles dans un pays à faible fécondité.

UEM : Taux d'investissement des SNF (en 2015) % VA

FI

Pour tenter de réduire cette précarisation des emplois à bas salaire, le gouvernement Merkel a consenti à son partenaire de coalition l’introduction d’un salaire minimum à 8€50 de l’heure en 2015. Cependant, il est encore trop tôt pour savoir si cette mesure a permis d’atténuer la forte dualité du travail entre emplois industriels protégés et bien rémunérés et certains secteurs des services caractérisés par des salaires faibles et des emplois précaires.

Du côté du secteur privé, l’investissement des entreprises est resté faible depuis longtemps. Il ne représente que 19,7% de la valeur ajoutée contre 20,9% en zone euro et 22,9% en France. L’investissement productif n’a que modestement augmenté après les fortes chutes de 2001 puis de 2008, et n’a pas retrouvé à ce jour son niveau d’avant crise. Les profits et l’épargne dégagée ont été soit retenus pour réduire l’endettement soit dirigés vers l’investissement financier au détriment de l’investissement productif. La capacité à transformer ces excès d’épargne en investissements productifs sera une condition nécessaire pour favoriser le maintien d’un rythme de productivité élevé dans un contexte de population vieillissante.

PT

Le taux de risque de pauvreté, qui représente la partie de la population ayant un revenu inférieur au seuil de 60% du revenu médian (après transferts sociaux), a également progressé en Allemagne, passant de 10% en 2000 à 16,7% en 2015.

Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

SI

Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

DE

2011

0

IT

2008

Espagne

NL

2005

Italie

EL

2000

France

CY

Allemagne

IE CY DE IT BE PT ES ZE(19) AT FR NL LT FI LU MT EL LV SI EE SK

1 0

Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

Corriger les effets négatifs du vieillissement de la population Le vieillissement accéléré de la population allemande est une préoccupation majeure car la soutenabilité du régime de retraite n’est pas garantie en dépit des réformes drastiques effectuées au début des années 2000 et du recul de l’âge de départ à la retraite à 67 ans instauré en 2007. D’ici à 20 ans, 32% de la population allemande dépassera l’âge effectif de départ à la

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retraite, ce qui se traduira par un recul plus marqué de la population active et une charge supplémentaire sur les finances publiques. Les dépenses publiques liées au vieillissement pourraient ainsi augmenter de 4 points de PIB dans les 25 prochaines années selon une estimation de la Commission européenne.

% du PIB 5 4 3 2 1 0 -1 -2 -3 -4

Hausse des dépenses liées au viellissement (2015-2040)

Sources : Commission européenne, Crédit Agricole S.A.

Du fait de la faible démographie, d’ici à 2030 la croissance potentielle du pays serait réduite à +0,5% contre une croissance réelle annuelle de 1,8% en 2016 selon les projections de la Commission européenne. Sans gain de productivité significatif, la baisse de la population active impactera les performances économiques du pays et nuira à sa compétitivité. À court terme, le pays dispose encore de marges de manœuvre pour limiter ce processus. Si on élargit le concept de taux de chômage en additionnant les travailleurs à temps partiel subi (1,4 million de personnes), les travailleurs découragés (539 000) et les chercheurs d’emploi non immédiatement disponibles (494 000), l’Allemagne dispose d’un vivier de main-d’œuvre sous-utilisée de près de 2,5 millions de personnes. Réservoir de main d'oeuvre supplémentaire % pop. 10

active

Ce vivier permettrait de libérer des ressources supplémentaires de main-d’œuvre à employer et viendrait atténuer la contrainte démographique. Une politique active de l’emploi qui passerait par une amélioration des qualifications de ces populations pourrait permettre de les ramener à l’emploi et ainsi limiter la chute de la population active attendue dans les prochaines années. Une autre piste pourrait consister à améliorer l’emploi des femmes. Celles-ci représentent jusqu’à 81% des emplois à temps partiel contre 76% en moyenne dans la zone euro. Une plus forte mobilisation du temps de travail des femmes, notamment grâce à une politique d’aide à la garde d’enfants et d’augmentation des structures d’accueil à temps plein des enfants du primaire permettraient de constituer un gisement de main-d’œuvre additionnelle. Enfin, le recours à l’immigration comme cela a déjà été le cas dans le passé, pourrait également amortir la baisse de la population active. À partir de 2011, s’est développé principalement deux types d’immigration en Allemagne. Tout d’abord les pays désignés sous l’acronyme GIIPS : Grèce, Italie, Irlande, Portugal et Espagne. Ensuite, les pays de l’Europe de l’Est comme la Pologne, la Roumanie et la Bulgarie. Enfin, à partir de 2014, ce sont surtout les ressortissants de pays en guerre (Syrie, Irak, Afghanistan) qui viennent trouver refuge en Allemagne. Flux d'immigration nette 1 100 900

Milliers

700 500 300 100 -100 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Non-EU hors Syrie+Irak+Iran+Afghanistan+Erythrée Syrie+Irak+Iran+Afghanistan+Erythrée UE hors GIIPS, PL, RO, BG Bulgarie Roumanie Pologne GIIPS (Grèce, Italie, Irlande, Portugal, Espagne) Sources : FSO, Crédit Agricole S.A.

8 6 4

2 0

2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Travailleurs découragés Personnes non disponibles immédiatement Travailleurs à temps partiel subi

Toutefois, le recours à la main-d’œuvre étrangère semble aujourd’hui plus limité. La politique d’accueil des réfugiés à l’été 2015 a suscité de virulentes critiques contre la chancelière qui s’est engagée à ne pas réitérer ce type d’initiative. Par ailleurs, le flux d’immigration en provenance des pays européens pourrait se renverser avec l’amélioration du cycle dans les pays de la périphérie.

Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A.

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ALLEMAGNE – Enjeux politiques Le bilan des années Merkel

Philippe VILAS BOAS [email protected]

Un bilan des années Merkel mitigé : une gestion politique avant tout pragmatique Le bilan économique des années Merkel paraît plutôt séduisant. L’homme malade de l’Europe s’est érigé en exemple de réussite économique, devenant la locomotive de l’Europe. Mais ce succès n’est pas le fruit de la seule politique gouvernementale de la chancelière. La résistance au violent choc de 2008 n’a sans doute été possible que parce que le pays avait au préalable purgé une partie de ses excédents d’emplois pendant la période 2001-2005. Les réformes Hartz votées avant l’arrivée de l’actuelle chancelière ont certes introduit une plus grande flexibilité du marché du travail, mais c’est surtout la très forte modération salariale entamée au milieu des années 90 et poursuivie jusqu’en 2012 qui a permis au pays de regagner en compétitivité et d’asseoir sa domination industrielle. Le déclin progressif de la population active lié au vieillissement de la population explique également la faiblesse du chômage allemand. Néanmoins, les décisions qui ont été prises pour faciliter le recours au chômage partiel et ainsi limiter le chômage pendant la crise de 2008 ont aussi permis à l’Allemagne de rebondir plus rapidement que les autres pays de la zone euro. Les différents gouvernements Merkel n’ont pas nécessairement apporté de grandes réformes structurelles, mais ils ont permis d’accompagner la croissance en s’adaptant le mieux possible à la conjoncture économique.

N°17/229 – 18 septembre 2017

De la stabilité à l’audace ? L’internationalisation croissante de l’économie allemande après la réunification et son relatif succès ont jusqu’ici conforté son modèle économique. Le libéralisme économique a peu à peu ramené la croissance, le plein emploi, une inflation faible et même des soldes publics assainis. Mais le volet social du modèle d’économie sociale de marché s’est retrouvé affaibli. L’acceptation d’une dualité salariale forte au sein de la société a créé davantage de précarité et une montée des inégalités obligeant le gouvernement à intervenir dans le processus de fixation des bas salaires. L’internationalisation elle-même ne fait plus recette : rapatriement des chaînes de valeur, tentations protectionnistes, remise en cause des accords commerciaux, blocage des OPA étrangères sur les firmes nationales. Les plus farouches partisans de la doctrine libérale, ÉtatsUnis et Royaume-Uni en tête, ont engagé un tournant dans la mondialisation. Quelle place l’Allemagne peut-elle prendre dans cette transformation des relations commerciales internationales ? Comment pourrait-elle consolider sa puissance industrielle et commerciale dans ce contexte ? Le choix d’un renforcement de la cohésion sociale interne et d’un rééquilibrage des sources de la croissance en faveur d’une demande domestique pourrait s’accompagner d’un plus grand engagement dans un projet européen capable d’alimenter la puissance du marché domestique européen. La prime à la stabilité a jusqu’ici empêché A. Merkel de poser ouvertement la question de savoir si les politiques mises en place jusque-là étaient encore adaptées au nouveau contexte et aux nouveaux défis. Les marges de manœuvre qu’elle aura pour ouvrir le débat et parvenir à des réponses dépendront largement des alliances qu’elle pourra nouer suite aux élections. 

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