La nécessité de la culture

23 sept. 2008 - Zénith e s t utilisé. LIBRE OPINION. La nécessité de la culture. Par Gilbert Turp1. Je suis travailleur culturel depuis plus de 30 ans. J'y consacre ...
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LIBRE OPINION

La nécessité de la culture Par Gilbert Turp1

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Je suis travailleur culturel depuis plus de 30 ans.

adéquatement à la question de la nécessité de

J’y consacre ma vie et je suis bouche bée

la culture.

devant les remarques désobligeantes de milliers

La culture est-elle nécessaire ? Je veux

de mes concitoyens qui, somme toute, me disent

répondre oui, mais le puis-je ? Elle est certes un

que la culture, ils n’en ont rien à foutre. Est-il donc

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possible que quelqu’un au Québec, en 2008,

vraiment une nécessité ? L’argent, qui est plus un

puisse affirmer de bonne foi que la culture ne fait

moyen qu’une raison d’être, s’impose comme une

pas partie de sa vie ?

évidence. C’est une nécessité. Il faut de l’argent pour vivre, c’est tout. Il n’y a pas à en discuter

les classes où le manuel Zénith est utilisé.

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Je n’arrive pas à le croire. Hélas, je n’arrive 10

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amour, une raison d’être, un projet, mais est-elle

pas non plus à y répondre à tête reposée, le

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davantage.

contexte actuel me heurtant trop. Mais la trans-

Mais faut-il de la culture pour vivre ? Ce n’est

mission est un impératif, alors permettez-moi de

pas d’une nécessité aussi évidente que l’argent.

citer un passage d’un essai que j’ai rédigé il y a

C’est moi, à même mon histoire, qui décide que ça

quelques années déjà – il provient de La Culture

a de la valeur. Que puis-je répondre à mon voisin

en soi, Leméac, 2006 – et qui répond, j’espère,

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d’en face qui dit que ses impôts ne devraient pas

1. Gilbert Turp est comédien, écrivain, dramaturge et metteur en scène. Textes modèles

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La nécessité de la culture (suite) se présentait d’elle-même. À la base, on veille à

ne le fait pas souffrir lui (un manque est une souf-

assurer les besoins : toit sur la tête, lait dans le

france en creux), elle me fait souffrir moi (une

biberon et santé et sécurité dans le voisinage.

perte est une souffrance en pointe).

Ces besoins à pourvoir suscitent leur économie : 55

un parallèle) et l’on fonctionne selon ses règles.

désir, il est normal que l’on perçoive moins sa

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nécessité : on n’a pas besoin de la culture puisque

Mais ensuite, que se passe-t-il ? Un événe-

la culture ne répond pas à un besoin. D’ailleurs,

ment se produit : l’attachement. Cet attachement

a-t-on besoin de nos désirs ? Il y a des jours où

surgit en nous, dirait-on, sans qu’on le décide.

je voudrais bien qu’ils me fichent la paix. Le désir

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Des liens se créent, les besoins laissent place

est tour à tour une joie et un tourment ; il me fait

aux désirs et le système à la relation. Une fois les

avancer par une continuelle mise à l’épreuve.

besoins comblés, on ne tolère pas de n’être soi-

Bref, la culture ressemble plus à un engagement

même qu’une fonction et de laisser nos enfants

qu’à une nécessité.

dans le vide. On entre alors nécessairement dans

Cependant, la paternité m’a fourni un argument

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le monde de la culture : on berce, on raconte des histoires et on chante des chansons.

qui dépasse cet apparent avantage de l’économie

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on s’insère dans un système (ou l’on en érige

(qui s’impose de soi) sur la culture (qui s’impose

Si tous les parents du monde ressentent que

si peu de soi que l’on est obligé de la choisir à

boire et être propre ne suffit pas à leurs enfants,

nos propres risques). La vie m’a appris qu’une fois

ils comprennent néanmoins que c’est nécessaire

que mes enfants étaient allaités et langés, la culture Zénith / Guide 11113

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de façon préalable. Un enfant qui a faim ou qui Textes modèles

les classes où le manuel Zénith est utilisé.

Tout compte fait, le lieu de la culture étant le

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servir à ça ? Son indifférence à l’égard de la culture

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La nécessité de la culture (suite) il n’y a pas à en discuter davantage. Et pour sentir,

est irrité par une couche souillée est difficilement disponible aux bras qui bercent et à la voix qui

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il faut des histoires, des chansons, des berceuses.

raconte ou qui chante. Nous-mêmes, nous savons

La difficulté de penser la culture en soi, tant

que la qualité de nos désirs diffère grandement

sur le plan personnel que social, tient à ce

selon que nos besoins sont satisfaits ou non. La

décalage dans le temps entre l’action économique

culture est nécessaire comme un désir après le

et l’action culturelle. Ces deux richesses mani-

besoin. Elle se développe en soi de la même façon

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festent simplement leur nécessité en différé. Gilbert TURP, « La nécessité de la culture », Le Devoir, 23 septembre 2008, p. A8.

que nos sentiments. Vivre c’est sentir. C’est tout,

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