Franc-Vert vol. 12 no. 5 (octobre-novembre 1995)

chasse chez eux à cause de cette invasion européenne. Nous voulons qu'ils conti- nuent à venir, mais que leurs activités soient contrôlées.» Un portrait à venir.
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Volume 12, numéro 5 - octobre - novembre 1995

ARTICLES

14 Pboto de la page couvertttre, jean-François Bergeron Le diversité des /Jabitats, gage de diversité biologique

Déplacer plantes et animaux sauvages d'un milieu à l'autre bouleverse l'équilibre. Pourtant, les exemples d'espèces introduites se multiplient. .. de même que les mesures de prévention.

CHRONIQUES

s 7

Par Stéphane Gagné

DE VOTRE PLUME

19 ÉDITORIAL La biodiversité, «nouvelle» préoccupation

DANS MA COUR • Un recours méconnu • La chasse à la bécasse sous surveillance • Pour mieux comprendre le loup • Forêt intégrée ... des idées • La contrebande et les espèces menacées

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PENSER GLOBALEMENT Poussée de fièvre

Par Clôde de Guise

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LES OISEAUX ()UI CHANTJINT... -7JU QUI DECHANTENT? Au Québec, une étude récente révèle qu'une espèce d'oiseaux sur trois connaît un déclin de population. Faut-il vraiment s'en inquiéter?

Par Harvey Mead

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QUAND ~S NOUVEAUX T'ENUS DERANGENT

Par Serge Beaucher

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~~t:CJ1:fJDIVERSITÉ Boisés de ferme, tourbières et bandes riveraines constituent autant d'îlots de nature essentiels au maintien de la biodiversité.

Par Valérie Borde

AGIR LOCALEMENT • Sauvetage d'un barachois • L'île aux trésor ... que j'ai adoptée

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CALENDRIER

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Papier glacé Multifect : recyclé à 50%, dont au moins 10% de fibres postconsommation; pai1iellement blanchi au chlore.

Papier mat Rolland Nouvelle Vie : recyclé à 50%, dont au moins 10% de fibres postconsommation; blanchi sans chlore; a reçu l'Écologo.

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SUPPLEMENT «PIACE A IA VIE» octobre -novembre 199 5

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Un cadeau pour les abonnés •

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Abonnez-vous , réabonnez-vous ou abonnez un(e) ami(e) pour deux ans à Franc-Vert et recevez en prime le calendrier des sciences naturelles 1996. Le calendrier présente douze des photographies gagnantes du concours de photo, La naturedû Québec en images. Chaque mois, une photo grand format fe ra entrer à la maison ou au bureau, couleur et beauté. Un court texte d'information accompagne chacune d'elles. De plus , quelques fois par mois, des spécialistes des sciences naturelles signalent divers événements ou phénomènes qui se produisent à la date correspondante. Ces capsules touchent plusieurs thèmes : le cycle de vie de l'érable et du plongeon huard, l'astronomie, le jardinage, etc.

P rêt p our l e proch a in

concours? Pou r la dixième année consécutive, l'UQCN-Franc-Vert organise son concours annuel de photographie pour favoriser l'art photographique comme moyen d'éducation relative à l'environnement. En 1996, le concours attribuera encore un grand nombre de prix! Vous trouverez le coupon de participation et les règlements dans la prochaine édition de Franc-Vert. Voici les thèmes: la flore sauvage, la faune, la forêt, les oiseaux sauvages, les paysages du Québec, la nature en ville, formes , couleurs et textures, nature et plein air, le Saint-Laurent et l'hiver. Vous avez jusqu 'au 19 janvier pour poster vous plus belles diapositives. Bonne chasse photographique!

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VOTRE LUME

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PHILOSOPHIQUEMENT INACCEPTABLE je me permets de vous livrer quelques ré-

flexions qui me sont venues à l'esprit après la lecture de l'article «Une taxe antimaringouins», paru dans le numéro avril-mai 1995. On y parle des bienfaits du Bacillus thuringiensis en ce qui a trait à la promotion du commerce touristique. J'y lis aussi que les moustiques ne sont pas la seule source de nourriture des espèces vivantes et que «le monde scientifique n'a pas repertorié d'effets négatifs sur les communautés aquatiques ou terrestres ( ... ) ». Quoi qu'il en soit, catastrophique ou non, la disparition d'un groupe très abondant d'espèces, comme les moustiques, d'un milieu vivant ne peut être que dommageable à l'équilibre biologique de ce milieu. Même sans statistiques, il est partout

évident que là où l'homme s'installe, les habitats fauniques souffrent. La suppression globale des moustiques ennuyeux ou anodins sans distinction me paraît philosophiquement inacceptable. C'est la répétition de l'éternel syndrome PDMC : «Oui aux moustiques, mais pas dans ma cour». La cour de l'homme s'étend à une vitesse dangereuse ... François Gagné

Québec P.S. : Certaines personnes se déclarent incapables d'entendre un seul bourdonnement d'insecte. Ces personnes sont chanceuses : on a créé pour elles d'immenses villes, où elles pourront demeurer toute l'année et toute leur vie, protégées contre cet indescriptible fléau.

CONTRE LA ZONE-TAMPON AUTOUR DES PARCS Dans l'article intitulé «La Grande évasion», paru dans le numéro d'octobre-novembre 1994, le journaliste rapporte les propos de M. Pierre Vaillancourt, animateur des activités d'interprétation du loup dans le parc de la Jacques-Cartier. Ce dernier prétend que la pression exercée par les trappeurs sur cette espèce en bordure du parc de la Jacques-Cartier met en péril la survie des loups à l'intérieur de celui-ci. Pourtant, depuis l'ouverture en automne 1987 de la réserve faunique des Laurentides au piégeage, seuls huit loups (chiffre fourni par le ministère de !'Environnement et de la Faune - MEF) ont été piégés sur les sept terrains limitrophes au parc de la Jacques-Cartier; ce qui fait en moyenne un loup par année. À titre de comparaison, permettez-moi de vous citer une étude du MEF effectuée en 1993, Évaluation d'une réduction expérimentale du loup à la réserve Papineau-Labelle et son impact sur le cetf de Virginie, par François Potvin et al.

«Dans certaines études menées ailleurs en Amérique du Nord, on a appliqué des taux de prélèvement (de loups) allant de 28% à 86%. Un taux de 30% serait suffisant pour provoquer une baisse des populations de loups. Nous pouvons donc considérer que

l'élimination de 71 % des loups présents dans le secteur de réduction au début de l'hiver était un traitement sévère. Malgré cela, le nombre de loups dans le premier secteur de réduction se rétablissait toujours au même niveau que huit mois auparavant et le nombre de meutes s'y est même multiplié.» J'invite donc M. Vaillancourt à lire de façon très attentive cette étude menée par des scientifiques et qui arrivent, eux, à des conclusions très différentes des siennes. Pour ma part, sans être un scientifique, je sais par expérience qu'un animal ne s'installe que dans un milieu où il pourra trouver nourriture et gîte; si ces deux conditions ne sont pas réunies, il émigrera vers d'autres endroits qui répondent à ses besoins vitaux. Dans le cas du loup, ses proies sont composées en majeure partie de castors et de cervidés. Or, dans le parc de la Jacques-Cartier, depuis plusieurs années, aucune intervention de coupes forestières n'a été autorisée et, par le fait même, les habitats propices à ces animaux ont certainement diminué de qualité. La conséquence en a certainement été une diminution du nombre de castors et cervidés et donc, une baisse de !'effectif de leurs prédateurs. Vouloir créer une zone d'exclusion (zone-tampon) en périphérie du parc de la

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PRIX DE LA FONDATION DE LA FAUNE DU QUÉBEC Lors de la publication de la photo ayant remporté le premier prix de la catégorie «La faune sauvage», dans notre dernière édition, nous avons oublié de nommer le commanditaire de cet «Appel de la paruline», la Fondation de la faune du Québec. Toutes nos excuses !

LA GASPÉSIE••• ET PLUS ! Permettez-moi de corriger une erreur parue dans l'article sur le parc de la Gaspésie (juin-juillet 1995). Il se peut que ce parc soit le seul endroit au Québec où le cerf de Virginie, l'orignal et le caribou coexistent, mais ce n'est certainement pas le seul en Amérique du Nord. Les territoires de ces trois animaux se chevauchent de façon discontinue, du nord-ouest de l'Ontario jusqu'au nord-est de la Colombie britannique. Dans les parcs nationaux de Banff et Jasper, pour ne nommer que ces deux-là, on peut voir ces trois espèces et, en plus, le cerf mulet, le wapiti et le mouftlon. Un peu plus au nord-ouest, des troupeaux de bisons des bois s'ajoutent à cette ménagerie. John O'Driscoll

Lachine Jacques-Cartier fausserait le problème et parler de réintroduction du loup serait futile, car on n'y trouverait pas les conditions idéales pour sa survie. Jamais les trappeurs de la réserve faunique n'accepteront la création d'une zone d'exclusion, quelle qu'en soit la dimension, car cela ne réglerait pas le problème, ni à court, ni à long terme. jean-Benoît Gagnon

Représentant des trappeurs de la réserve faunique des Laurentides octobre - novembre 1995

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UNION QUÉBÉCOISE POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE

«PENSER GLOBALEMENT AGIR LOCALEMENT» Organisme national sans but lucratif, l'Union québécoise pour la conservation de la nature (UQCN) regroupe des individus ainsi que des sociétés oeuvrant dans le domaine des sciences naturelles et de l'environnement. L'UQCN favo rise la conservation et l'utilisation durable des ressources. Elle fonde son action sur les trois objectifs de la Stratégie mondiale de la conservation : le maintien des processus écologiques essentiels, la préservation de la diversité génétique et l'utilisation durable des espèces et des écosystèmes. Directeur général de l'UQCN : Christian Simard Adjointe au directeur : Diane Pagé Administration : Monique Arteau Secrétariat : Diane Néron et Carl Leduc Chargés de projet : Romain Coté et Martin Savard Conseil d'administration de l'UQCN Président : Harvey Mead Premier vice-président : André Desrochers (Faune et biodiversité) Vice-président( e)s : Michel Bélanger (Affaires juridiques), Roger Bilodeau, Denis Cardinal, Jules Dufour (Parcs et sites protégés), Michèle Goyer (Gestion des déchets), Jean Hamann (FrancVert), Pierre Jobin (Agriculture), Robert Joly (Stratégies Saint-Laurent), Manon Lacharité (Énergie), Gisèle Lamoureux, Gérard Szaraz (Affaires internationales). Secrétaire-trésorier : Claude Dontigny, c.a. Ambassadeurs de l'UQCN : Frédéric Back, Jacques Dufresne, Pierre Gosselin, Peter Jacobs, Pierre-Marc Johnson, Estelle Lacoursière, Leone Pippard. Organismes affiliés: Ami(e)s de la tme de l'île d'Orléans; Ami(e)s de la vallée du Saint-Laurent; Ami(e)s du Jardin botanique de Montréal; APEL du lac Saint-Charles; APEL du lac Saint-Joseph; Association des citoyens du nord de Gatineau; Association pour la conservation du mont Pinacle; Association pour la protection de l'environnement de Rigaud; Association pour la protection du lac Mégantic; Association de protection de l'environnement du lac Témiscouata; Association québécoise des groupes d'omitliologues; Association québécoise d'interprétation du patrimoine; Association sportive et écologique de la Bastican; Bloc vert; Centre de conservation de la nature du mont Saint-Hilaire; Centre de développement d'agrobiologie; Centre de la montagne; Centre de recherche et de formation en écotoxicologie de la Montérégie; Centre d'études et de recherche interdisciplinaires sur les communications, la législation et l'éducation environnementales; Centre d'interprétation de la batture de Kamouraska; Centre d'interprétation de la nature du lac Boivin; Centre écologique de Port-au-Saumon; Centre marin des blanchons; Centre québécois du droit de l'environnement; Cercles des jeunes naturalistes; Comité de santé publique et d'environnement; Club de marche de Québec; Club des ornitliologues de Brome-Missiquoi; Club des ornitliologues de !'Outaouais; Club des ornitliologues des Hautes-Laurentides; Club des ornitliologues de Québec; Club d'observateurs d'oiseaux de Laval; Club d'omitliologie de la région des Moulins; Comité d'environnement de Chicoutimi; Comité d'environnement de Dolbeau-Mistassini; Comité des citoyens ·de Pointe-Fortune, Comité de citoyens de Saint-Antoine de Tilly; Comité d'environnement du Collège Vanier; Comité de recherche et d'intervention environnementales du Grand-Portage; Comité environnement de !'École polytechnique; Conseil régional de l'environnement de la Montérégie; Conseil régional de l'environnement du Saguenay-Lac-Saint-Jean; Conservation de la baie Missisquoi; Conse1vation faune aquatique Québec; Corporation d'amélioration et de protection de l'environnement de Baie-Corneau; Corporation d'aménagement des espaces verts; Corporation de gestion CHARMES; Corporation de l'aménagement de la 1ivière !'Assomption; Corporation de protection de l'environnement de Sept-Iles; Corporation du Parc régional de Pointe-auxOutardes; Éco-musée de la Haute-Beauce; Éco-nature de Laval; Entomofaune du Québec; Environnement Haute-Gatineau; Environnement Vert-Plus; Fédération québécoise du canot-camping; Fiducie foncière du marais Alderbrooke; Fondation les oiseleurs du Québec; Fondation pour la conservation du mont Yamaska; Fondation pour la sauvegarde des espèces menacées; Fondation québécoise pour la protection du patrimoine naturel; Fondation Québec-Labrador; Fiducie foncière du mont Pinacle; Groupe autonome de recherche et de développement de l'Est; Groupe de recherche appliquée en macroécologie; Groupe de recherche et d'éducation en milieu marin; Groupe d'initiatives et de recherches appliquées au milieu; Groupe Fleurbec; Groupe nature et patrimoine; Inter-Paysages; La Bande à Bonn'Eau; Laboratoire de géographie de l'UQAC; Llgue intennunicipale pour l'environnement et la nature; Mouvement écologiste et alternatif de l'Université du Québec à Montréal; Mouvement pour la valorisation du pat1imoine naturel des îles-de-la-Madeleine; Musée du Séminaire de Sherbrooke; Nature-Action; Parc Ami Chic-Chocs; Parc d'environnement naturel de Sutton; Récupération Lotbinière; RecyCampus; Recyclage Vanier; Regroupement pour la préservation de l'ile et du marais de Katevale; Regroupement pour la protection de l'environnement d'Oka; Société d'aménagement de la rivière Madawaska et du lac Témiscouata; Société d'aménagement récréatif pour la sauvegarde du Lac-Saint-Pime; Société de biologie de Montréal; Société d'écologie de Papineau; Société de conservation, d'interprétation et de recherche de Berthier et ses îles; Société de conse1vation et d'aménagement du bassin de la rivière Châteauguay; Société d'entomologie du Québec; Société de protection foncière de Saint-Adèle; Société des amis du Jardin Van-den-Hende; Société d'histoire naturelle de la vallée du Saint-Laurent; Société d'horticulture et d'écologie des Cantons-Unis; Société d'observation de la faune ailée; Société d'ornithologie de Lanaudière; Société du loisir ornitl1ologique de l'Estlie; Société éducative pour la diffusion de l'information sur l'eau; Société linnéenne du Québec; Société ornithologique du Cent1·e du Québec; Société pour la protection des parcs et sites naturels du Canada; Société Provancher d'histoire naturelle; Société québécoise de spéléologie; Société québécoise pour la protection des oiseaux; Société zoologique de Granby; Société zoologique de la Mauricie; Société zoologique de Québec; Station de recherches des îles Mingan; Union pour le développement durable; Union québécoise de réhabilitation des oiseaux de proie; Vers un monde sans auto; Via Agro-écologique. L'Union québécoise pour la conservation de la nature est affiliée à l'Union mondiale pour la nature (UICN), à la Fédération canadienne de la nature, au Fonds mondial pour la nature (Canada) ainsi qu'à Great Lakes United. 690, Grande-Allée Est Québec (Québec) G!R 2K5 Tél.: (418) 648-2104 Téléc. : (418) 648-0991

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690, Grande-Allée Est Québec (Québec) G!R 2K5 Tél.: (418) 648-2104

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Rédactrice en chef Louise Desautels Traitement de texte et secrétariat Ma11he Saint-Hilaire Graphisme Greco Communication Design

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Publicité et marketing Hélène Savard Administration et abonnement Monique Arteau

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Comité scientifique Président : Cyrille Barrette Autres membres : Colette Ansseau, George Arsenault, Ginette Beaulieu, Yves Bédard, Jean-François Bergeron, Francine Bigras, Jean Boulva, Anne Charpentier, Johanne Delisle, Luc Gagnon, Léopold Gaudreau, Gilles Gautltier, Yves Guérard, Marianne Kugler, Manon Lacharité, Estelle Lacoursière, Monique Laforge, Hélène Lair, Gisèle Lamoureux, René Moisan, Serge Fayette, Jacques Prescott, Austin Reed, Camille Rousseau, Cliristian Roy, Angèle Saint-Yves et Jean-Guy Vaillancourt. Éditeur délégué Jean Hamann Révision des textes Cyrille Barrette et Camille Rousseau Conseiller à la photographie Jean-François Bergeron

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Numérisation et pelliculage Graphiscan Impression Imprimerie Canada Distribution Les Messageries de Presse Internationale Média d'information sur la nature et les questions environnementales, Franc -Vert a pour objectif de vulgariser les récentes connaissances scientifiques et techniques dans ces deux domaines. Franc-Vert publie six numéros réguliers par année. En 1995, la cotisation pour les membres individuels de l'UQCN est de 21 $ pour un an; celle des organismes affiliés est de 40 $. Les membres de l'UQCN sont automatiquement abonnés à Franc-Vert. L'abonnement est de 18 $ pour un an. Taxes en sus. Copyright 1995-FRANC-YERT. Le contenu du magazine ne peut être reproduit ni traduit sans l'autorisation de la direction. La direction laisse aux auteurs l'entière responsabilité de leurs textes. La présence de publicité dans Franc-Vert ne constitue d'aucune manière une accréditation du message publicitaire, ni de l'organisme qui l'émet. Les relations entre l'UQCN et les publicitaires, tout comme entre l'UQCN et les commanditaires du concours photo ou d'autres activités, sont stlictement d'ordre contractuel. Nous remercions le Collège Champlain - St. Lawrence de sa précieuse collaboration. Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec et Bibliothèque nationale du Canada, premier trimestre 1984, ISSN-0822-7284. Franc-Vert est indexé dans Repères et dans Canadian Periodical Index. Counier de 2• classe, no 6284. Port payé à Québec.

La nature du Q!tébec en images Conconrs annuel de photographie natiire - Président : Yves Bédard - Vice-président : Jean-François Bergeron - Coordonnatrice : Hélène Savard - Secrétaire : Marthe Saint-Hilaire - Conseiller scientifique : Cyrille Barrette - Autres conseillers : Gaétane Boisseau, Christian Bolduc, Jean-Marc Francoeur, Stephen Homer, Richard Lacombe et Pierre Leduc.

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• • • • • • • • • Le magazine Franc-Vert consacre ce numéro

au «nouveau» grand thème de préoccupation planétaire : la biodiversité. On se rappellera que le Canada et de nombreux pays ont signé à Rio de Janeiro, lors du Sommet de la Tem de 1992, deux importantes conventions dont l'une portait sur les changements climatiques et l'autre sur la diversité biologique.

EDITORIAL

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problèmes associés à une perte de biodiversité. Le fleuve Saint-Laurent, par exemple, a connu une décroissance dramatique de ses populations de poissons. Depuis la fin des années 1960, l'esturgeon noir, le grand corégone et l'éperlan arc-en-ciel, pour ne nommer que ces espèces, ont pratiquement disparu des prises commerciales dans les

gements en investissant dans des projets qui se déroulent dans le Sud. En termes de «Coûts/bénéfices», cette approche semble très avantageuse : il coûte moins cher à protéger des forêts tropicales qui captent les gaz carboniques des pays du Nord, que de changer la structure économique et sociale de ces mêmes pays. Voilà pour la théorie. Celle-ci comporte des problèmes sérieux. Cette manière de travailler dans le Sud est semée d'embûches, liées entre autres aux pressions sociales et économiques qui pèsent actuellement sur ces pays. Ces mêmes pays «en développement» ont aussi montré des difficultés quant à leur capacité de recevoir l'aide proposée par mise en oeuvre conjointe. Cette approche est d'autant plus proeaux intérieures, tandis que le bar rayé blématique que le Nord est en grande partie s'éteignait définitivement. Et les préoccupa- responsable de la situation actuelle, ayant tions pour les oiseaux migrateurs s'accen- émis et continuant à émettre des quantités tuent, 12 ans après notre premier numéro. énormes de gaz à effet de serre. De toute évidence, son «développement» actuel n'est Les changements climatiques pas soutenable. Il dépasse déjà la capacité L'été dernier ne s'est pas passé sans de la planète à en absorber les impacts. nous faire réfléchir sur la question des chan- Bref, le Nord - le Canada, le Québec et les gements climatiques, sujet de l'autre grande autres - doit changer. Et il doit commencer convention signée à Rio. Depuis plusieurs en opérant dans son propre mode de dévegénérations, les pays riches du Nord utilisent loppement des changements structuraux l'atmosphère comme lieu d'enfouissement majeurs , laissant à la mise en oeuvre pour leurs émissions toujours grandissantes conjointe un rôle de complément. de gaz à effet de sene. À l'échelle mondiale, Les gaz ne se cachent plus, on l'a vu. les dix années les plus chaudes jamais enre- Et il en va de même pour certains secrets du gistrées l'ont été depuis 1976, signe convain- passé qu'on pensait bien enfouis et qui sont cant d'une réalité qui ressemble de moins devenus des symboles du présent. Le cas du en moins à une simple théorie scientifique. Irving Whale, en plus d'être un exemple de Même les gaz ne se cachent plus ... mauvaise gestion, constitue un autre sympSi la perte de biotôme apparent de nodiversité est un effet, un tre mal développeLes changements symptôme grave de noment. Cette barge pétre mal développement, climatiques auront, trolière, coulée au larce développement des ge des Îles-de-laderniers siècles, dans le à leur tour, des effets Madeleine il y a 2 5 Nord, induit auans, a été tout simplejourd'hui des changement laissée en hérifoudroyants sur la ments climatiques qui, à tage aux générations biodiversité. leur tour, auront des effutures , la nôtre en l'occurrence. fets foudroyants sur la diversité biologique. La Convention cadre sur Le cas du Irving Whale, tout comme les changements climatiques de 1992 enga- nombre d'autres à travers le monde , ne geait les pays signataires à réduire substan- constitue que la partie la plus visible des détiellement leurs émissions de gaz à effet de chets générés par notre usage de combustiserre. Le Québec s'y est engagé également. bles fossiles. Comme les centaines de lieux Lors de la première conférence des d'entreposage de déchets toxiques, les mines pays signataires de la Convention, en mars abandonnées, les sédiments contaminés, dernier, les modalités de collaboration Nord- l'exemple du Irving Whale symbolise tout cet Sud ont été discutées. Il s'agissait, entre au- héritage de comportements insoutenables tres, de ce qui est connu comme la «joint im- dans le Nord. Des changements s'imposent. plementation» ou la mise en oeuvre conjoinHarvey Mead te, une approche selon laquelle les pays du Nord chercheraient à répondre à leurs enga-

La biodiversité, «nouvelle» préoccupation Cette dernière nous engage à maintenir un capital naturel et des processus écologiques nécessaires à la pérennité de notre qualité de vie et de celle de nos concitoyens dans le Sud. Le mal développement du Nord provoque dans l'autre hémisphère une perte de biodiversité, actuelle ou potentielle, qui se chiffre en centaines de milliers, sinon en millions d'espèces. Ce développement ne peut donc absolument pas servir de modèle à tous les pays qui cherchent à améliorer la qualité de vie de leurs populations, et ce, même si le Nord semble offrir le seul exemple dans le monde d'une qualité de vie acceptable. En 1984, dans la première chronique «Penser globalement» de Franc-Vert (alors Franc-Norcf), nous avions soulevé la question du «printemps silencieux», en faisant allusion au déclin des oiseaux migrateurs, un des premiers cris d'alarme du mouvement environnemental. La question centrale était la biodiversité, problème pas si nouveau à bien y penser. Plus de dix ans plus tard, l'UQCN se trouve active dans le Sud, où elle appuie les efforts d'une autre «union», celle de cinq ONG qui se sont donné le mandat de défendre l'intégrité d'une dizaine d'aires protégées superbes sur la côte nord du Honduras, au bord de la mer des Caraibes. Ces aires comprennent des forêts tropicales, des lagunes côtières et des terres humides ainsi qu'un récif qui compte parmi les plus importants du monde. Y trouvent refuge et habitat des lamantins et des tortues de mer, entre autres. À titre d'exemple de sa valeur en termes de biodiversité, le petit Honduras recèle plus de 800 espèces d'oiseaux, alors que toute l'Amérique du Nord en compte à peine autant. Même ici dans le Nord, nous vivons, tout comme dans les forêts tropicales, des

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DANS MA COUR

DROIT

UN RECOURS MÉCONNU Au printemps dernier , après deux ans

de démarches, des riverains du lac Témiscamingue obtenaient que leur cause en recours collectif soit entendue. «Nous avons maintenant assez de cas pour dire que le recours collectif est un bon moyen de défendre une cause qui relève du droit de l'environnement», se réjouit Yves Lauzon, avocat des demandeurs dans l'affaire Ouimette. Une autorisation de la Cour supérieure du Québec est nécessaire pour justifier la légitimité de tout recours collectif. Cette autorisation est accordée s'il y a une apparence de droit suffisante pour intenter un procès. Elle suffit, bien souvent, pour provoquer une négociation, hors cour, entre les parties. «L'avantage de cette procédure juridique, souligne Me Lauzon, est l'accès à un fonds d'aide alloué pour procéder à des expertises techniques. Même si ce fonds ne couvre pas la totalité des frais, il place davantage les parties sur un pied d'égalité en termes de ressources. »

se contre la compagnie Bathurst. Il s'agissait de pollution des berges par le flottage du bois. La Cour a obligé la compagnie à restaurer les berges et une injonction a été émise pour y faire cesser le flottage du bois. Depuis, quatre autres causes en recours collectif à saveur environnementale ont été autorisées, dont la plus récente est celle de Marc Ouimette. Celui-ci représente 650 riverains du lac Témiscamingue dont les terrains sont rongés par une érosion découlant de l'installation d'un barrage hydroélectrique, en 1909, qui maintient un niveau d'eau constant, provoquant des inondations à certaines pétiodes de l'année. «Il importe de rappeler que, dans ces litiges, explique Michel Bélanger, l'autre avocat des demandeurs dans le dossier, il appartient à la victime de démontrer qu'il y a une faute, des dommages et un lien de causalité entre les deux. Le recours collectif

ne modifie en rien ces plincipes applicables à tout procès, mais facilite l'accès aux t1ibu-

naux pour un groupe de victimes partageant un problème commun.» À ce propos, Marc Ouimette insiste sur l'importance d'avoir des photos (si possible avant-après) pour illustrer les dommages encourus. Certaines causes sont plus difficiles que d'autres, comme celle-ci qui remet en question l'immunité de l'État. La Couronne allègue, par exemple, que le requérant sous-estime la complexité de l'interdépendance des ouvrages qui composent le système de régulation des eaux de l'ensemble de la rivière Outaouais. «Si nous gagnons, précise Marc Ouimette, notre cause sera un exemple de jmisprudence pour tous les prop1iétaires liverains à proximité d'un barrage.»

Clôde de G11ise

ENVIRONNEMENT

Faire valoir ses droits En matière d'environnement au Québec, le premier recours collectif, en 1990, a mis en cause le Comité d'environnement de la Baie (Saguenay- Lac-SaintJean) contre Alcan. Le litige était un problème de pollution de l'air relié à la poussière de bauxite rejetée par l'usine. Les citoyens ont été dédommagés à la suite d'un règlement hors cour. La même année, !'Association des propliétaires et locataires du lac Taureau (dans la région de Lanaudière) ont gagné leur eau-

L'UQCN ET HARVEY MEAD HONORÉS L'UQCN et son président Harvey Mead ont

tous deux reçu, en juillet dernier, une reconnaissance du Réseau écologiste hondurien pour le développement durable (REHDES) pour leur travail d'appui aux groupes environnementaux du Honduras. À titre bénévole, depuis trois ans, M. Mead pai1icipe à la mise sur pied de ce réseau de groupes honduriens visant la conservation d'aires protégées sur la côte nord du pays,

au bord de la mer des Caraïbes. Le prix reçu par M. Mead po11e le nom de Jeannette Kawas, la présidente d'un de ces groupes, assassinée l'an dernier pour avoir mené une opposition publique au développement d'un immense complexe hôtelier à l'entrée d'un des parcs nationaux du Honduras. Ce pai·c, qui est d'ailleurs visé par l'action du REHDES, vient d'être rebaptisé JeannetteKawas, par décret gouvernemental.

Tel. : (514) 937-2881

~FORAMEC Yves Lauzon, avocat Spécialiste en recours collectif Michel Bélanger, avocat Spécialiste en droit de l'environnement

Parce que votre droit à la protection de l'environnement s'exerce collectivement 8

octobre - novembre 199 5

•FORESTERIE• AM ÉNAGEMENT• ÉCOLOGIE•

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Études de synthèse Études d'impact et environnementales Études f/oristiques (plantes ra res) Études d'habitats fauniques et d'aménagement Télédétection et géomatique

Siège social: 70, rue St-Paul, Québec, QG G1K3V9 418.692.4828 Fax: 692.5826

FAUNE

UNE CHASSE SOUS SURVEILLANCE vol ! crient les chasseurs québécois. Depuis six ou sept ans, les Français s'amènent par centaines à Mirabel avec chiens et fusils pour venir réaliser le rêve qu'on leur a fait miroiter d'une besace remplie de bécasses. Cet oiseau est l'un des plus populaires pour la chasse au chien d'arrêt, tant en Amérique qu'en Europe où l'espèce cousine est cependant de plus en plus rare. Chez nous, les prises par les Français seraient aussi nombreuses que celles des 4 000 à 5 000 chasseurs locaux, estiment les bécassiers québécois dans leurs représentations auprès des deux paliers de gouvernement. Rien n'est moins sûr, répondent les responsables des ministères concernés, qui acceptent toutefois de regarder la situation de près : si les faits étaient vérifiés, ce pourrait être dangereux pour la bécasse. Nous ne connaissons pas l'ampleur réelle du phénomène, avoue le président du Club des bécassiers du Québec, Richard Couture. Mais selon lui, quelque 1 500 chasseurs français viendraient abattre ici de 15 000 à 30 000 oiseaux chaque automne, alors que, trois fois plus nombreux, les bécassiers québécois en tuent environ 35 000. Par une extrapolation de la quantité de permis vendus aux non-résidants, Pierre Dupuis du Service canadien de la faune (SCF) réduit de moitié le chiffre avancé par les bécassiers sur le nombre probable de chasseurs français. «Quant à leur récolte, c'est sûr que ceux qui viennent ici sont très habiles, mais je doute qu'ils réussissent, chasseur pour chasseur, à faire beaucoup mieux que les Québécois», calcule-t-il. «Le problème, se désole M. Couture, c'est qu'ils viennent en pirates, souvent en cachant qu'ils ne sont pas résidants (pour le permis de chasse). Seulement le tiers d'entre eux passent par des pourvoiries; et il n'est pas rare qu'ils débarquent par camions complets avec deux ou trois chiens pour écrémer un champ, au point que des propriétaires de terrains ont interdit toute chasse chez eux à cause de cette invasion européenne. Nous voulons qu'ils continuent à venir, mais que leurs activités soient contrôlées.»

Au

Un portrait à venir À la demande du SCF, les agents de conservation du fédéral ont effectué des vétifications sur le terrain l'an dernier. Les 30 chasseurs français interpellés ont tous exhibé leurs deux permis (fédéral et provincial) de non-résidants et aucun n'avait atteint sa limite de chasse. «À mon avis, avance M. Dupuis, ce qui crée une ce11aine paranoïa du chasseur étranger, ce sont quelques cas réels d'abus : camions pleins de Français

Depuis quelques années, le nombre d'adeptes de la chasse à la bécasse s'est accru. Sans doute faudra-fil revoir les quotas et les règles de chasse si l'on veut préserver cette espèce. Dessin Carole Bémbé, tiré de «Les oiseaux du Québec-, Les Éditions Quebecor

et deux ou trois interceptions à Mirabel de chasseurs pris avec plus de bécasses que la loi ne le permet (16 par personne).» Un groupe de travail multipartite formé au printemps devrait apporter plus de lumière sur le phénomène. Ministères, bécassiers et pourvoyeurs ont convenu de chercher, chacun de leur côté, des données chiffrées et documentées sur toute la question, pour les déposer devant le groupe lors d'une rencontre prévue pour l'automne. «Ce n'est qu'après analyse de ces données que nous pourrons envisager ou non, selon l'ampleur réelle du problème, des mesures comme celle qui nous est demandée avec insistance : obliger les chasseurs étrangers à prendre des guides québécois ou à passer par une pourvoirie», laisse savoir Serge Levasseur, du ministère de !'Environnement et de la Faune du Québec. En attendant, des dispositions à court terme auront tout de même été prises. On a déjà abaissé la limite quotidienne a déjà été abaissée de huit à quatre bécasses pour les non-résidants, tout en maintenant la limite de possession à 16. Cela rend la traversée de l'Atlantique moins alléchante pour les

Bécasse, qui es-tu ? Bécasse, bécassine, bécasseaux ... ce sont tous des «oiseaux de 1ivage», mais seuls les derniers fréquentent vraiment cet habitat : on les voit courir pressés, ou marcher nonchalamment sur la grève en fouillant la vase de leur bec, long ou court selon l'espèce. Labécassine, elle, s'aperçoit surtout au printemps, au-dessus des champs en milieu agricole. Pendant des heures, elle passe et repasse très haut, laissant entendre une espèce de hululement produit par le sifilement de l'air entre les plumes de sa queue. Au sol, c'est dans les endroits marécageux qu'elle fouille la boue avec son grand bec. À l'occasion, elle se laissera admirer sur un piquet de clôture. Quant à la bécasse, dodue comme un poulet, mais emmanchée elle aussi d'un long bec, elle picore dans les fourrés d'arbustes, les broussailles et les taillis en régénération, le plus souvent sur d'anciennes terres agricoles, à la recherche de vers de terre. Bien camouflée, elle se laisse pratiquement marcher sur le corps avant. .. d'exploser sous nos pieds dans un bruyant envol sifilé, d'où l'intérêt des chasseurs à son égard.

chasseurs français. Les deuxministères ont par ailleurs promis pour cet automne une surveillance accrue à des endroits stratégiques (sur le terrain et à l'aéroport), et le fédéral envisage la possibilité d'obliger tous les chasseurs étrangers à répondre à un questionnaire sur leur succès de chasse avant de quitter le pays.

Espèce en santé Et la bécasse dans tout ça ? Dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, sa population a décliné d'environ 2% par année entre 1963 et 1994, selon les recensements printaniers effectués sur toute l'aire de répartition. Mais au Québec, la tendance récente serait plutôt à la hausse; l'espèce a même agrandi son territoire vers le nord, jusque dans la forêt résineuse où on ne la trouvait guère auparavant. «La population de bécasses est en bon état et nous voulons justement que cela continue, plaide Richard Couture, du Club des bécassiers. Or, on ne peut pas en augmenter le prélèvement du simple au double en quelques années sans risquer de nuire à l'espèce à long terme.» Tout le monde s'entend là-dessus. Serge Bea11cher

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FORÊT

GESTION INTÉGRÉE••• DES IDÉES ? Les bulletins de nouvelles ne parlent plus du lac Barrière. Et c'est bon signe ! Trois ans après l'épisode du barrage routier dressé par les Algonquins, nous assistons là-bas à la naissance d'un nouveau mode de gestion de la forêt. Les Algonquins de Lac-Banière, le gouvernement du Québec et celui du Canada ont en effet signé en 1991 une entente tripartite, visant la préparation d'un plan d'aménagement intégré de la forêt et de la faune. Le tenitoire affecté compte plus de 10 000 kmZde forêt boréale, dans le secteur de la réserve faunique La Vérendry. La fotmule, qui constituerait un projet-pilote, pourrait un jour être appliquée ailleurs au Québec. La gestion intégrée permet de concilier les besoins des différents utilisateurs d'un tenitoire et de mettre en valeur l'ensemble des ressources. «Dans la région de Lac-Barrière, un plan d'aménagement intégré devrait considérer la dimension autochtone, la faune, la ressource forestière, l'eau, les paysages et la récréation», précise Louis Bélanger, professeur d'aménagement forestier à l'Université Laval.

Des mesures temporaires En attendant l'aboutissement de ce projetpilote, des mesures intédmaires ont été mises en place, afin d'haimoniser les besoins des compagnies forestières avec les préoccupations autochtones. Les entreplises doivent soumettre leur plan annuel de coupe et d'autres interventions aux Algonquins pour fins de consultation. Au cours de cette pétiode, les Algonquins sont appelés à faire connaître leurs revendications aux compagnies forestières. Après discussions, les deux par-

ties s'entendent sur les modifications à app011er au plan, qui est finalement enté1iné pai· un représentant du gouvernement québécois. «Une bonne collaboration a fini par s'instaurer, depuis la signature de l'entente, souligne David Naweghabow, qui représente les autochtones. Les Algonquins acceptent des compromis. Comme les compagnies forestières, ils apprennent à pa11ager la forêt avec les autres utilisateurs. Il faut dire aussi que les compagnies sont plus respectueuses qu'elles l'ont été dans le passé.» Selon Michel Mongeon, du Secrétatiat aux affaires autochtones, les compagnies forestières s'aperçoivent que les demandes des Algonquins ne sont pas excessives. «En général, souligne-t-il, les éléments qu'ils veulent protéger, tels des sites sacrés, des zones où ils trouvent ceitains bois spéciaux pour leur artisanat et certaines aires de chasse, n'ont lien pour affecter de façon importante la rentabilité de l'industrie.»

S'adapter au changement Pai·allèlement à la mise en place de ces mesures temporaires, les représentants spéciaux du Québec et des Algonquins ont commencé à travailler au plan d'aménagement intégré des ressources renouvelables. Ils ont d'abord voulu mieux connaître le territoire. «Nous avons conduit des inventaires forestiers et fauniques et dressé des cartes d'habitats de la martre et de l'otignal, mentionne le représentant du Québec, André Lafond. Nous avons également mené des études sociologiques afin de mieux comprendre les coutumes, les valeurs et les besoins de la communauté algonquine de Lac-Barrière.» La

version finale du projet de plan d'aménagement sera déposée en décembre 1996. D'ici là, on ne peut que spéculer sur l'issue finale de !'Entente. «Il est possible qu'au terme du processus, le plan d'aménagement intégré des ressources renouvelables inclue certaines recommandations contraignantes pour les compagnies forestières », suggère Christian Wolfe, un ingénieur forestier qui participe à la réalisation du projet. John Séguin, des Produits forestiers Gatineau, pense que les compagnies n'auront pas le choix de s'adapter aux changements. «Il y aura probablement des modifications apportées aux normes actuelles d'intervention en milieu forestier, anticipe-t-il. Il faudra composer avec elles. Je pense que ces modifications seront mieux acceptées si elles sont proportionnées aux besoins réels des Algonquins. De toute façon nous entrons dans une nouvelle ère en matière de gestion forestière et nous devrons nous y adapter. » Chose ceitaine, les parties impliquées attendent beaucoup de !'Entente, en particulier les Algonquins qui voient encore plus loin. «Les autochtones veulent éventuellement acquérir une meilleure formation en foresterie, explique David Naweghabow. Ils souhaitent ainsi participer davantage à la gestion forestière. Mais, en revanche, ils aimeraient faire connaître aux aménagistes forestiers leur propre compréhension de la forêt». Après tout, l'intégration des ressources ne commence+ elle pas par ... l'intégration des idées ?

Caroline ]11lien

FACULTÉ de FORESTERIE et de GÉOMATIQUE

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• baccalauréat en aménagement et environnement forestiers • baccalauréat coopératif en opérations forestières •baccalauréat coopératif en sciences du bois •maîtrise et doctorat en sciences forestières et en sciences du bois

FAUNE

POUR MIEUX COMPRENDRE LE LOUP Simon Gadbois côtoie chaque jour des loups.

Et pour cause : ses études de doctorat por-

tent sur notre grand carnivore. Mais pour ses travaux, l'étudiant n'a pas besoin de courir les bois puisqu'il récolte ses données au Centre canadien de recherche sur le loup, un petit territoire clôturé de 4 000 m2, où vit une même meute depuis plus de 20 ans. Ce Centre appartient à l'Université Dalhousie, en Nouvelle-Ecosse, et pomTait sous peu disparaître, faute de financement, au grand dam des chercheurs qui ont entrèptis une campagne destinée à convaincre les bailleurs de fonds de la valeur de leur centre.

Le loup, animal social Autrefois le loup habitait toute l'Amérique du Nord, du Mexique jusqu'à l'Arctique. Aujourd'hui, après des siècles de répression, on le retrouve principalement dans le nord du continent, dans les habitats qui ne sont généralement pas perturbés par les développements humains. Sur notre continent, deux types de recherches sur les loups sont menées depuis 20 ans. Celles qui s'intéressent à l'écologie de l'animal dans son habitat, et celles qui étudient le comportement social du loup. Ces dernières sont évidemment plus faciles à réaliser en milieu fermé . . . Surtout lorsque, comme au Centre, on a réussi à créer un habitat bien accepté par les animaux et interdit au grand public ! Le territoire est même interdit. .. aux chercheurs eux-mêmes, qui n'ont que des contacts visuels avec les animaux. Au fil des années, les loups s'y sont reproduits et ont régularisé eux-mêmes la grosseur de leur meute, passant de huit individus à l'origine à 14 durant les meilleures années. Lors de notre visite, 12 loups composaient la meute. Grâce aux observations faites au Centre et sur d'autres territoires, nous savons aujourd'hui que chaque loup occupe,

Si le couple do111i11a11t d'une meute est le seul à se reproduire, c'est qu'il exerce une répression de tous les instants sur les autres loups. Photo ]ose Schell

au sein d'une meute, un rang particulier et que, généralement, seul le couple dominant se reproduit. Cette organisation hiérarchisée se manifeste notamment par une gamme de gestes : lorsqu'il croise un dominant, le subordonné avance la queue entre les jambes, les jarrets fléchis, les oreilles couchées et le regard fuyant, alors que le dominant adopte une position fière et daignera patfois se laisser lécher le museau.

Domination sexuelle Les travaux de Simon Gadbois, quant à eux, s'inscrivent dans le volet neuro-endocrinologique des études menées au Centre de recherche sur le loup, un volet en pleine expansion. M. Gadbois s'intéresse à l'effet du stress social sur la reproduction du loup : il cherche à démontrer que c'est en maintenant les dominés dans un état de stress constant que les dominants s'arro-

gent le monopole de la reproduction. «li existerait en fait deux systèmes de domination», avance M. Gadbois. Chez le mâle, la répression s'exercerait surtout physiquement, c'est-à-dire que la surveillance des dominants empêcherait les dominés de poser des actes sexuels. Mais chez les femelles, il est possible que les hormones sécrétées lors d'un stress constant inhibent d'autres hormones, notamment sexuelles . M. Gadbois mesure donc, dans l'urine des loups récoltée sur la neige, le cortisol, l'hormone du stress à long terme appai·entée à l'adrénaline, hormone sécrétée lors d'un stress soudain. Bien entendu, obtenir des échantillons d'urine de loup au Centre n'est pas une mince affaire ... En nature, cela serait sinon impossible, du moins périlleux ! Louis Gagnon

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ESPÈCES MENACÉES



• PARUTIONS •

LA CONTREBANDE PREND DU POIL DE LA BÊTE (ASP)- Acheter un perroquet rare, un bracelet d'ivoire ou une paire de souliers en peau de reptile peut sembler à certains un crime écologique mineur. Mais dès qu'on examine le phénomène dans son ensemble, on constate l'ampleur de la tragédie. Le trafic des espèces menacées représente actuellement un marché d'environ 1,5 milliard de dollars. Un chiffre difficile à vérifier, ce trafic étant contrôlé par des réseaux de crime organisé. Ce trafic affecterait quelque 37 000 espèces animales et végétales. On estime ainsi que 140 000 défenses d'éléphants et 50 000 primates vivants se retrouvent sur le marché chaque année. Ce genre de trafic profite très peu aux populations locales puisque les déséquilibres écologiques qu 'il engendre ont

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souvent des répercussions importantes. Par exemple, l'exportation de millions de grenouilles des zones humides de l'Inde et du Bengladesh a provoqué, dans ces régions, une prolifération de moustiques et de malaria. Si le Japon reste le plus gros importateur d'espèces menacées (ivoire, orchidées, primates, etc.), l'Amérique du Nord reste aussi un gros marché pour les revendeurs. Les États-Unis et le Canada importent ainsi chaque année 10 000 singes pour la recherche et près de 450 000 oiseaux vivants vendus comme animaux de compagnie. Le Canada n'est d'ailleurs pas à l'abri des prélèvements illicites. Et, pas seulement l'ail des bois ! Des cames de caiibous et des vésicules biliaires d'ours noirs sont expédiées illégalement vers des pays d'Asie. Ces produits sont utilisés pour des potions médicales traditionnelles et des aphrodisiaques . Depuis 1973, 123 pays ont toutefois signé la Convention sur le Commerce international des espèces menacées de flore et de faune sauvages (CITES) . Pomiant, le trafic des espèces sauvages ne pourra être contrôlé que lorsque les consommateurs auront dominé leur appétit d'exotisme ...

l'ART ET LA NATURE L'art animalier suscite un engouement sans cesse croissant et le Québec regorge de talent dans ce domaine. Ce catalogue couleur de l'exposition L'Art et la nature en est une preuve éloquente. Il vous donne rendez-vous avec trente-six de nos meilleurs créateurs. Voici une belle occasion de partager leur amour et leur profond respect de ce bien précieux qu'est la nature. L'Art et la nature, une exposition présentée à Québec du 3 au 25 juin 1995. L'Art et la nature Association BIOS 1995. 56 pages 2-551-16232-7

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Cet atlas d'envergure, dirigé par Jean Gauthier et Yves Aubry, nous renseigne sur 292 espèces : reproduction, répartition et abondance. Ca11es précises et nombreuses photos. Publié par !'Association québécoise des groupes d'ornithologues, la Société québécoise de protection des oiseaux et le Service canadien de la faune . Disponible en téléphonant au (418) 648-7225.

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L'autre écologie. Économie, transport et urbanisme : une perspective macroécologique. Les auteurs, Jean-François Lefebvre, Yves Guérard et Jean-Pierre Drapeau , posent un regard macroécologique sur notre environnement et suggèrent notamment une réforme de la fiscalité. Publié par les Éditions Multimondes et par le Groupe de recherche appliquée en macroécologie. Disponible en librairie.

Initiation aux champignons. Voici un livre abondamment illustré qui s'adresse aux débutants. Les neuf espèces québécoises les plus faciles à identifier et les meilleures à manger y sont décrites et illustrées. Éditions Braquet. Disponible en librairie.

La mycolade. Ce film de 45 minutes présente à la fois le monde des champignons, le père de la mycologie au Québec, René Pomerleau, et son élève d'autrefois , André Fortin. Les Films du verger. Disponible en film ou sur vidéocassette en téléphonant au (514) 849-7888.

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par Stéphane Gagné

Déplacer plantes et animaux sauvages d'un milieu à l'autre bouleverse l'équilibre. Pourtant, les exemples d'espèces introduites se multiplient... de même que les mesures de prévention.

E

n 1986, un petit mollusque d ' environ deux centimètres immigre clandestinement dans les Grands Lacs, véhiculé par les eaux de ballast d 'un navire. Connu sous le nom de moule zébrée, ce nouvel arrivant, en provenance de la mer Caspienne, en Russie, est aujourd'hui présent partout dans le fleuve Saint-Laurent et les Grands Lacs . On le trouve même jusqu 'en Nouvelle-Orléans, ville qu'il a atteint en naviguant sur le Mississippi. Au Québec, on craint qu'il colonise rapidement d 'autres plans d 'eau. Cette petite moule d'eau douce, en apparence inoffensive, est en fait une menace pour la biodiversité aquatique. Car lorsque la moule arrive quelque part, c 'est l'invasion ! Pas étonnant puisqu'elle se reproduit très facilement. En outre, les moules zébrées se fixent sur les coquilles des autres espèces de moules et finissent par les tuer; elles entrent aussi en compétition avec les poissons planctivores au niveau de la nourriture. Enfin, elles accumulent les contaminants présents dans l'eau et augmentent la bioaccumulation chez les espèces de poissons e t de canards plongeurs qui se nourrissent de moules.

Place à l'envahisseur ! La moule zébrée n 'est p as le seul intrus à poser de réels problèmes environnementaux. Qu'on pensalicaire pourpre fait partie des quelque 700 plantes exoties introduites sur le territoire et qui représentent aujourd'hui %de la flore du Québec. oto Gisèle Lamoureux, Fleurbec

se seulement au myriophylle à épi, à la salicaire pourpre ou au meunier noir. «Mais ce ne sont pas toutes les espèces introduites qui menacent la biodiversité; au contraire, plusieurs ont considérablement enrichi notre patrimoine », rappelle Léopold Gaudreau, responsable de la Direction de la conservation et du patrimoine écologique au ministère de !'Environnement et de la Faune (MEF). En fait, la plupart des espèces exotiques n'arrivent tout simplement pas à s'implanter. Et de nombreuses autres trouvent une niche sans trop causer de dégâts. Il y aurait sur le territoire québécois 740 espèces de plantes vasculaires introduites, huit espèces de poissons, sept d 'oiseaux et trois de mammifères. Pour l'ensemble de la flore au Québec, Benoît Gauthier, écologue au MEF, évalue à 24% la proportion d 'espèces introduites. Comment un nouveau venu en arrive-t-il à menacer les espèces indigènes ? Tout commence lors de son implantation. Souvent, il n 'a alors aucun prédateur et donc, peu d 'obstacles à sa reproduction. Et comme plusieurs espèces qui ont réussi à coloniser un nouveau milieu se reproduisent à un rythme effréné, elles occupent rapidement beaucoup d 'espace et accaparent une bonne partie des ressources alimentaires, n e laissant que les miettes aux espèces indigènes. Bien sûr, l'introduction d 'espèces dans un milieu n'est qu'un des facteurs qui menacent la biodiversité. Parmi les autres éléments, mentionn ons la pert e d'habitats

propices au développement des espèces (à cause de l'urbanisation et des coupes forestières) , les pratiques culturales modernes, les changements climatiques, la surpêche et la pollution toxique. La diminution de la biodiversité est donc la majeure partie du temps causée par l'humain, l'autre petite proportion étant le résultat de processus naturels. De même, l'introduction d'espèces dans un milieu est souvent liée à la présence humaine, quand elle n 'est pas carrément le résultat d'un geste délibéré. Et à ce chapitre, il n 'y a pas que l'introduction d'espèces exotiques qui cause du tort. Le déplacement d'espèces indigènes d'une région à l'autre peut aussi entraîner des bouleversements.

L'exemple d'Anticosti «Les gouvernements sont souvent les premiers responsables de ces introductions, croit Michel Gasselin, ornithologue au Musée canadien de la nature à Ottawa. Ils ont introduit couramment des espèces dans de nouveaux habitats sans trop se soucier des conséquences. » Exemple : en 1985, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche (MLCP, aujourd'hui MEF) a introduit 200 tétras du Canada sur l'île d'Anticosti pour le bénéfice des chasseurs . «Nul ne sait quelles seront les conséquences à long terme de cette introduction», souligne M. Gasselin. Cette île a d 'ailleurs un fabuleux passé d 'introduction d 'espèces. Henri Menier, riche chocolatier (rançais et propriétaire de l'île au début du siècle, voulait en faire une sorte de paradis pour les chasseurs. Il y a donc introduit des lièvres de l'Arctique, des rennes (sans succès), des orignaux, des renards argentés, des rats musqu és et des castors. En l'absence de prédateurs, cette dernière espèce s'est si octobre -novembre 199 5

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Des espèces voyageuses

Introduit sur l'île d'A11ticosti il y a un siècle, le ceifde Virginie a considérablement modifié la flore dont il se nourrit. Photo ]ose Schell

bien reproduite que les propriétaires de pourvoiries ont dû, à plusieurs reprises, dynamiter leurs barrages qui bloquaient la remontée du saumon sur l'une ou l'autre des 21 rivières à saumon de l'île. Mais l'animal introduit qui a connu l'essor le plus fulgurant est le cerf de Virginie. En 1896 et 1897, Martin Zédé, gérant de l'île pour M. Menier, en a introduit 220. Aujourd'hui, on estime leur population à 120 000 ! L'absence de prédateurs a favorisé cette croissance, l'ours noir étant disparu de l'île depuis le milieu du xxe siècle. Il n'y a plus que la chasse (8 000 chevreuils prélevés chaque année) et les rigueurs de l'hiver qui exercent un contrôle sur cette population. Aujourd'hui, l'île est bien sûr un paradis pour les chasseurs, mais pas pour la flore dont se nourrissent les cerfs ! En fait, l'importante population de cerfs de l'île en menace la diversité floristique. Pour en évaluer les dégâts, l'ancien MLCP a construit, au début des an16

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nées 1980, un espace clôturé d 'où les chevreuils sont exclus. On y a constaté que plusieurs espèces végétales aujourd'hui absentes ou peu présentes sur l'île, croissaient dans cet espace : la viorne comestible, l' érable à épis , le dièreville chèvrefeuille, etc. Les sapins parviennent aussi à croître plus rapidement dans l'exclos qu'à l'extérieur où ils sont à la merci des cerfs.

Les introductions intentionnelles d'espèces n'expliquent cependant pas tout. Car beaucoup d'espèces animales et végétales ont aussi été introduites accidentellement. Selon le botaniste Camille Rousseau, plus de la moitié des espèces végétales exotiques auraient été introduites de cette façon au Québec, souvent par l'agriculture. En fait, il est souvent très facile d'introduire par accident une espèce animale ou végétale dans un milieu. La moule zébrée, par exemple. Puisque les moules et leurs larves s 'accrochent à tout substrat dur (dont les coques et les moteurs de bateau et de motomarine, les hydravions) , elles voyagent aisément d'un endroit à un autre. De plus , même hors de l' eau, elles peuvent survivre de trois à quatre jours sur ces structures. Plusieurs espèces introduites ont d'ailleurs une stratégie agressive de colonisation. Ainsi en est-il du myriophylle à épi, plante aquatique européenne possiblement introduite lors d'une vidange d'eaux de ballast d'un navire, dans les années 1940 , en Virginie. «Cette plante se reproduit, entre autres, par fragmentation, affirme Danielle Pelletier, botaniste au MEF. Les fragments arrachés lors du passage de bateaux à moteur se déposent au fond du plan d'eau et constituent autant de nouvelles pousses.» Ce qui complique encore plus le contrôle de ces .espè-

ces, ce sont les liens qui se créent parfois entre espèces animales et espèces végétales introduites. «Par exemple, les moules· zébrées tirent profit de la présence du myriophylle à épi dans certains lacs en colonisant leurs tiges, soutient Fay Cotton, biologiste au Service de faune aquatique du MEF. Ainsi, lorsque le myriophylle est transporté accidentellement d'un plan d'eau à un autre et que la moule zébrée est présente sur ces tiges, les deux espèces colonisent le nouveau milieu.» Le nerprun bourdaine, arbuste introduit, utilise une autre stratégie. Il produit des fruits contenant un poison qui dissuade nombre de consommateurs .. . sauf l'étourneau sansonnet, lui-même introduit, qui en raffole ! Les noyaux des fruits qu'on trouve par la suite dans les excréments de l'oiseau permettent d 'étendre l'aire de distribution de la plante.

Prévenir la dispersion Heureusement, pour plusieurs espèces introduites, il existe des méthodes de contrôle des pop ulations. Ainsi, pour limiter la pro-

Photo Gisèle Lamoureux, Fleurbec Deux intrus qui s'allient pour coloniser de nouveaux plans d'eau: la moule zébrée se loge sur les tiges du myriophylle à pi, souvent transporté d'un lac à l'autm puisque coincé dans l'hélice des bateaux. hotoMEF

Le meunier noir a été alllené dans certaines rivières du Saguenay-Lac-Saint:fean comme poisson-appât; il y compétitionne aujourd'hui l'olllble de fontaine. PhotoMEF

pagation de la moule zébrée, il faut nettoyer à haute pression les embarcations avant de les mettre à l'eau dans une rivière ou un lac non infestés. Ces stations de lavage, au coût de 10 000 $ chacune, sont cependant encore peu répandues au Québec. On en compte deux au lac Massawippi, le lac au plus grand potentiel de colonisation en Estrie, et deux au lac Témiscouata, dans le Bas-Saint-Laurent. À la station de lavage de Cabano, ville riveraine du Témiscouata, en plus de nettoyer la coque des bateaux, on nettoie aussi les moteurs, une première au Québec. «Nous visons une participation des trois municipalités qui bordent le lac de façon à obtenir une plus grande efficacité dans notre désir de retarder la venue de la moule zébrée», affirme Alain Tardif, photographe-naturaliste, en charge du projet pour l'Association de protection de l'environnement du lac Témiscouata. Son souhait est presque réalisé : à Dégélis, on procède au lavage des embarcations dans un lave-auto («c 'est 20 fois moins cher qu 'une station de lavage indépendante», dit M. Tardif) et à NotreDame-du-Lac, on envisage de se doter d'une station de lavage. Les stations mobiles sont également peu coûteuses et efficaces. Au lac Massawippi, on a été encore plus loin. «Depuis juin 1995, un règlement adopté par les cinq municipalités qui entourent le lac oblige tous les propriétaires d'embarcations à procéder au nettoyage de leur coque avant la mise à l'eau», rapporte Danielle Gilbert, urbaniste à la MRC Memphrémagog. Après l'opération, une vignette est remise aux clients. Ceux-ci doivent la placer bien en vue sur le bateau car

une patrouille circule sur le lac et donne aux contrevenants des amendes pouvant atteindre 1 000 $. Une récidive entraîne des pénalités encore plus élevées. La participation est cependant très bonne : «Seulement deux infractions ont été constatées depuis le début de l'été», soutient Danielle Gilbert . . En Estrie, les plaisanciers sont aux prises avec un autre problème : la prolifération du myriophylle à épi. Dans le lit de la rivière Magog, la présence de cette plante nuit surtout à la baignade et à la pratique des sports nautiques. Le problème était à ce point important que la Corporation de gestion CHARMES, qui gère les activités sur les plans d 'eau de la ville de Sherbrooke et sensibilise la population à l'importance de protéger la ressource aquatique, s'est dotée d'un faucard qui permet de récolter le myriophylle à épi. «Nous récoltons la plante dans les descentes de bateaux et autour de la plage Blanchard une à deux fois par été, rapporte ]osée Bernard, biologiste chez CHARMES. De plus, depuis trois ans, nous installons une grille de fond en fibre de verre, semblable à une moustiquaire, dans l ' aire de baignade de la plage Blanchard. La présence de petits trous dans cette giille n 'entrave pas la vie aquatique et réduit la propagation du myriophylle. » Ces interventions n 'éliminent toutefois pas la plante.

L'appât devenu prédateur Au Saguenay, les mesure s prises pour stopper la prolifération du meunier noir ont entraîné des déboursés d 'un million de dollars entre 1985 et 1990. Cette espèce de poisson, qui a le même menu que l'omble de fontaine (espèce comestible octobre -novembre 199 5

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Congrès des membres et Assemblée générale 1995 de l'UQCN Avis de convocation Date : Les 24 et 25 novembre 1995 Lieu : Collège St-Lawrence/Champlain 790, Nérée-Tremblay, Sainte-Foy (Québec)

Vers une fiscalité verte : de t échappatoire à la responsabilité environnementale Vendredi, 24 novembre 19 h OO Ouverture de l'Assemblée générale annuelle Présentation du programme 19 h 30 Rapport du président sur les activités de la corporation 20 h OO Présentation des états financiers vérifiés 1994-1995 Nomination d'un vérificateur Suspension de l'Assemblée générale et Ouverture du Congrès des membres 20 h 30 Élection des représentants des membres individuels Samedi, 25 novembre 8 h 30 Mot de bienvenue du président de l'UQCN , Harvey Mead Présentation du programme de la journée 8 h 45 Table ronde Fiscalité et environnement : problématique générale Pause-santé 10 h 30 Ateliers de travail (1 ère partie) : 11 h OO Pour quelques secteurs d'activités, les participants discuteront de la situation actuelle ainsi que des orientations à favoriser Les secteurs traités seront, notamment : • assainissement de l'eau •énergie •forêt • agriculture • développement industriel Atelier spécial : Les parcs du Québec, cent ans ... et puis après ? 12 h 15 Dîner Conférencier invité : Léo-Paul Lauzon (à confirmer) Reprise des ateliers 13 h 30 15 h 30 Plénière : Rapport des ateliers Clôture du Congrès des membres et réouverture de l'Assemblée générale Élection du Conseil d'administration 16 h 30 Clôture de l'Assemblée Conformément au x règlements généraux de l'organisme , le Conseil d'administration de l' UQCN présente les candidats suivants au x postes de représentants des membres individuels : Yves Bédard , Michel Bélanger, André Desrochers, Jules Dufour, Michèle Goyer, Louise Gratton , Jean Hamann , Pierre Jobin , Robert Joly, Gisèle Lamoureux, Fabrice Lantheaume , Sophie Maheu , Harvey Mead , Gérard Szaraz et Jean-François Turmel.

Fiche d'inscription Nom : _ _ _ _ _ _ _ __ _ _ __ _

Prénom : _ _ _ _ _ _ _ _ _ __

Organisme (s'il y a lieu): - - - - - - - -- - - - - - - - - - - -- - Ad resse : - - - - - - - - - - - -- -- - -- -- -- - - -- - Ville : _ __ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ Code postal : _ _ _ _ _ _ _ _ __ Télécopieur: _ _ _ _ _ _ _ _ __

Téléphone: Information : Diane Pagé Tél: (418) 648-2104 Téléc: (418) 648-0991

Retournez à : UQCN 690, Grande-Allée Est, 4• étage Québec (Québec) G1 R 2K5

••• Les documents préparatoires aux ateliers seront disponibles quelques semaines avant l'événement.

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octobre -novembre 1995

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bien appréciée des pêcheurs, contrairement au meunier noir) , a é té introduite dans les années 19551960 p ar des p êcheurs qui l'utilisaient comme poisson-app â t . Résultat : le grand appétit du meunier noir a entraîné une diminution de la moitié des populations d'ombles de fontaine , surtout dans la rivière aux Sables. «Nous avions peur que le meunier noir ne se propage dans les bassins versants des rivières Sainte-Marguerite, Valin et Shipsaw où l'omble de fontaine n 'a pas encore de compétiteurs, raconte Gaston Larouche, biologiste à la Direction régionale du MEF au Saguenay-LacSaint-Jean. Nous avons donc construit 13 digues et 17 seuils infranchissables pour stopper le meunier.» Plusieurs espèces introduites dérangent. Pour en réduire efficacement la prolifération, il faudrait agir à la source : renaturaliser les milieux où elles se trouvent et éliminer les conditions qui ont favorisé leur implantation, la pollution agricole ou toxique, entre autres. Ou bien encore, attendre que l'équilibre se rétablisse de lui-même. «Dans un premier temps, l'esp èce introduite colonise le milieu de façon agressive, mais après, il s'établit un équilibre et sa population se stabilise», fait observer Michel Gosselin. Il cite en exemple le moineau e t l'étourneau, deux espèces introduites il y a plusieurs dizaines d 'années, qui ne représentent plus une menace pour les autres oiseaux. Et puis, p armi les espèces introduites, on oublie souvent les bactéries, les microorganismes, et les insectes. «Pourtant, au cours d e l'histoire , ces organismes vivants ont fait beaucoup plus de victimes humaines, animales et végétales que les esp èces de plus grande dimension», soutient Michel Gosselin. Elles ont par conséquent beaucoup nuit à la biodiversité. Qu'on pense, par exemple, à la maladie hollandaise de l'orme, transportée par un champignon qui, en l'espace de quelques années, a décimé le majestueux orme d'Amérique. Une note rassurante dans tout cela : l'introduction d'espèces est un phénomène naturel qui existe depuis des millions d'années. Là où il y a lieu de se questionner, c'est sur l'accélération, depuis un siècle, de ce phénomène dont ..J l'homme est à l'origine.

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LA BIODIVER§ITÉ À L'HONNEUR avez-vous qu'une petite plante à fleurs jaunes pousse au Devant un tel géant, le programme Saint-Laurent Vision 2000 perQuébec et à Terre-Neuve, mais nulle part ailleurs au monde ? met de poser de multiples actions. Sur le budget total de 191 millions Année après année, l'arnica de griscom s'accroche à ses deux de dollars qu'ils lui ont réservé, les gouvernements consacrent 27,6 seuls habitats naturels : la section nord de la Gaspésie et la millions à la seu le préservation de la biodiversité du Saint-Laurent, tout côte ouest de Terre-Neuve. Au même titre que d'autres espèces mieux comme ils accordent une attention particulière aux six autres volets du connues comme le béluga ou le pygargue à tête blanche, elle participe programme : santé, agriculture, implication communautaire, aide à la à l'écologie du bassin du Saint-Laurent et bénéficie désormais de l'atdécision, protection et restauration de l'environnement. tention des gouvernements, soucieux de protéger un stock génétique unique au monde. Un plan précis Depuis plusieurs années, les scientifiques constatent en effet que Le vo let Biodiversité de Saint-Laurent Vision 2000 a fixé un certain l'activité humaine accélère les phénomènes de réduction et d'extincnombre d'objectifs pour protéger l'écosystème du Saint-Laurent. Outre tion de certaines espèces et nuit à la biodiversité . Les empiètements la conservation de 7 000 ha d'habitats prioritaires pour la faune et la humains tels que l'agriculflore , les partenaires préture , l'urbanisation et l'invoient contribuer au maindustrialisation modifient les tien ou au rétablissement habitats et les écosystède 12 espèces menacées mes, rayant de la carte de ou en déclin, de réhab iliter multiples espèces de planla frayère d'éperlans arctes , de mamm ifères ou en-cie l dans la rivière d'oiseaux déjà en péril. Le Boyer, de poursuivre le souci de conserver un pasauvetage du béluga du trimoine vivant diversifié a Saint-Laurent et d'augmendonc poussé le gouverneter la productivité de cinq ment du Québec et celui du habitats en milieu marin. Canada à incorporer un voSept rivières tributaires du let Biodiversité au programfleuve bénéficieront égaleme Saint-Laurent Vision ment d'une attention parti2000, qui poursuit le travail culière. De plus, une équidéjà accompli entre 1988 et pe prépare, pour 1998, un 1993 dans le cadre du Plan rapport sur la biodiversité Photo Jacques Beardsell du Saint-Laurent, qui apd'action Saint-Laurent Les deux co-présidents du volet Biodiversité . à gauche, Richard Chatelain et à droite, Michel Lamontagne. portera un éclairage nou(PASL) . Cette deuxième entenveau sur les connaissances te fédérale-provinciale, signée en 1994, prendra fin en 1998. Comme du grand fleuve et qui sera un outil de gestion tenant compte de la biola précédente, elle vise la dépol lution, la restauration , la protection et diversité du Saint-Laurent. la conservation du Saint-Laurent et, cette fois, on y a ajouté quelques Cette liste d'objectifs relatifs à la biodiversité rejoint en fait les tributaires. Cet immense cours d'eau, qui traverse le sud du Québec engagements pris en 1992 par le Canada lors de la Convention intersur plus de 1 000 km, reçoit les eaux de quelque 240 affluents, en nationale sur la diversité biologique de Rio, aux côtés de plus de 150 plus de celles des Grands Lacs. Riche en habitats diversifiés, artère autres pays signataires. Une stratégie canadienne pour la protection conimerciale et terrain de jeu , le Saint-Laurent accueille aussi bien les de la diversité biologique est d'ailleurs en élaboration. Pour sa part, le navires marchands que le béluga, le rare éperlan que l'envahissante Québec a déposé un projet de stratégie gouvernementale en mai dermoule zébrée, les rejets polluants que le fragile milieu humide regornier. Les ministères québécois responsables des ressources vivantes geant de plantes, de poissons et de sauvagine. À l'intérieur de son et du territoire ont donc pris des engagements pour mieux sauvegarvaste bassin versant de 1,3 million de kilomètres carrés, vit 80% de la der et utiliser de façon durable la biodiversité, que ce soit en mettant population du Québec, dont la moitié puise son eau potable dans le en oeuvre des plans de rétablissement pour les espèces en péril, en Saint-Laurent. La plupart des industries et des terres agricoles québéinstaurant des normes d'intervention en milieu forestier, en présercoises y sont également établies. vant des zones écologiques ou en consolidant le réseau des aires

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Place à la vie! est un supplément au magazine Franc-Vert, publié pour le compte du volet Biodiversité de Saint-Laurent Vision 2000. Pour plus de renseignements : Secrétariat de Saint-Laurent Vision 2000 11 41, ro ute de l'Église, 6• étage Sainte-Foy Qc G1V 4H5 Tél.: (418) 648-3444 Réalisation : le magazine Franc-Vert de l'UQCN Collaborateurs Valéri e Borde, Gilles Dro uin, Pascale Guéri colas, Benoît L'Allier, Lyne Lauzon, Phyllis Leclerc, Denyse Perreault.

Graphisme: Greco Communication Design Révision linguistique: Camille Rou sseau Photo de la couverture: Mau rice Pitre Pelliculage : Graphiscan Impression : Imprim erie Canada Place à la vie! est imprimé sur papier recycl é Copyright 1995 - Place à la vie!

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protégées. Ce projet de stratégie devrait entrer en application en 1996. Depuis 1988 et les débuts du PASL, Environnement Canada , le ministère de !' Environnement et de la Faune du Québec et le ministère fédéral des Pêches et des Océans, tous trois engagés dans ce défi, concertent leurs efforts afin d'atteindre des objectifs communs. «Avant, tout le monde faisait des choses utiles, mais chacun avait ses tiroirs» , remarque Richard Chatelain, président provincial du volet Biodiversité. La mise en commun des moyens a donc facilité l'aboutissement de certains dossiers. À titre d'exe mple, M. Chatelain mentionne que, dans la région de Montréal, les deux ordres de gouvernement ont ainsi pu acquérir, afin de protéger et même d'améliorer leur productivité, des milieux humides propices à la sauvagine et bordant une des dernières frayères qui sert d'incubateur pour le brochet, le doré, la perchaude et l'achigan du lac Saint-Louis. Dessine-moi un Saint-Laurent Mais avant de se lancer dans la protection tous azimuts, les responsables du volet Biodiversité souhaitent connaître l'état exact de la faune et de la flore qui dépendent du Saint-Laurent. Ils fondent donc de grands espoirs sur la réalisation du premier bilan consacré à l'état de la biodiversité du fleuve. Ainsi, comme le remarque Richard Chatelain, si on dispose de nombreux renseignements sur le déclin de l'esturgeon noir, de l'esturgeon jaune et de l'anguille, qui font l'objet d'une exploitation sportive et commerciale, d'autres espèces non exploitées échappent à l'attention . «Jusqu'à tout récemment, nous pensions que la tortue des bois était rare, précise-t-il. En fait, nous comprenons surtout que nous ne disposions pas de méthodes d'inventaire adéquates puisque notre recensement le plus récent nous montre que cette tortue est présente en bon nombre en plusieurs points du Québec. » Ignorées de la plupart des collectionneurs, des pêcheurs ou des chasseurs, certaines espèces comme les salamandres, les couleuvres et les chauves-souris doivent

Photo Robert Michaud Saint-Laurent Vision 2000 vise la dépollution et la conservation de ce fleuve où doivent se marier des intérêts aussi divers que la navigation marchande et la survie des bélugas. Photo Roger Lalande, primée lors du 3• concours La nature du Québec en images Grâce au volet Biodiversité, seront assurées la conservation de 7 000 ha de milieux abritant une faune et une flore abondantes ainsi que la restauration de cinq habitats en milieu marin.

donc être mieux connues avant de leur attribuer un statut légal de protection. Ces connaissances pourraient être complétées par des ornithologues amateurs, par des observateurs du SaintLau rent rattachés à la Biosphère ou par de groupes locaux appelés à se développer avec la création des zones , d'intervention prioritaire (ZIP). A travers Saint-Laurent Vision 2000, les gouvernements vont, au fil des ans, développer des liens privilégiés avec les amateurs de la faune et de la flore, comme ces amoureux des grenouilles qui ont établi une route d'écoute des chants de différentes espèces à travers la province, ou des organismes comme !'Aquarium du Québec. Les pensionnaires de cette dernière institution sont alimentés, cinq mois par an, grâce à des prises quotidiennes de poissons du fleuve; ceux-ci sont capturés avec le même équipement et selon la même méthode depuis 25 ans, ce qui offre des données historiques comparables. Tous ces renseignements devraient donc contribuer à établir un état de santé du fleuve; s'y s'ajouterait l'utilisation de méthodes de haute technologie comme la comparaison des 23 écosystèmes du Saint-Laurent par photo satellite. Être là au bon moment Le volet Biodiversité accorde également une attention particulière à la protection des habitats, car la survie des espèces dépend en grande partie de la richesse et de l'intégrité du territoire dont elles disposent. Lorsqu 'il jette un coup d'oeil dans le rétroviseur et qu'il esquisse un bilan des engagements pris lors de la précédente entente sur cet aspect du dossier, Michel Lamontagne, président fédéral du volet Biodiversité, constate que les projets conjoints ont très bien fonctionné. En effet,

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l'objectif de 1988 de mise sous protection de 5 000 ha a été dépassé. Plusieurs milliers d'hectares de terres acquises par l'État, transformées entres autres en réserve écologique ou régies par une entente avec les propriétaires, devraient enrichir prochainement ce patrimoine déjà constitué. «I l s'agit d'être là au bon moment pour protéger les territoires les plus productifs», explique M. Lamontagne. Il cite en exemple les milieux humides autour du ruisseau Saint-Jean, dans la région du lac Saint-Louis, qui sont en cours de réaménagement. La préservation de zones habitées par une faune diversifiée représente un défi considérable puisque, le long du Saint-Laurent, dans le sud de la province, se concentrent 80% de la population québécoise. Ce territoire subit donc d'intenses pressions : urbanisation, agriculture, industrialisation, etc. En protégeant le fleuve, les gouvernements préservent du même coup un écosystème plus susceptible de subir les retombées des activités humaines que ceux des territoires plus isolés.

QU'EST-CE QUE LA BIODIVERSITÉ ? parle de biodiversité ou de diversité biologique, il peut L orsqu'on être question de quatre choses différentes : la diversité des es-

pèces, celle des gènes, celle des milieux écologiques, ou encore celle découlant de l'artificialisation de la nature par l'être humain. La diversité des espèces, qu 'on peut généralement voir à l'oeil nu (ou diversité spécifique) , se traduit aisément par des chiffres. Ainsi, selon les connaissances actuelles , le Québec compte environ 8 808 espèces végétales, 653 espèces animales vertébrées et quelque 25 000 espèces d'insectes, sans compter les autres invertébrés et les plantes invasculaires. Au sein de chacune de ces espèces peuvent être observées des caractéristiques qui différencient des individus ou des populations locales. Par exemple, une plus grande résistance à la sécheresse ou une coloration mieux adaptée au milieu ambiant. Ces variantes témoignent de la diversité des gènes (ou diversité génétique) pouvant exister à l'intérieur d'une même espèce. Cette diversité intraspécifique est à la source des capacités d'évolution des espèces vivantes. La panoplie des habitats ou des écosystèmes qu'utilisent ces espèces représente ce qu'on appelle la diversité écologique. Celle-ci peut se mesurer à différentes échelles : à l'échelle d'une portion de pâturage, d'une forêt entière , d'une rivière ou bien même d'un pays. Selon Léopold Gaudreau, de la Direction de la conservation et du patrimoine écologique du ministère de !'Environnement et de la Faune du Québec, tenir compte de la diversité écologique, c'est accorder une attention aux différents milieux présents sur un territoire, mais également à l'ensemble des processus naturels y ayant cours : décomposition, photosynthèse, compétition, prédation , etc. Finalement, il est des cas où la biodiversité découle du travail de l'être humain. On parle alors de diversité biologique d'origine anthropique. Elle résulte notamment de manipulations génétiques ou de la sélection débouchant sur la création de nouvelles races, de nouvelles variétés ou de nouveaux milieux de vie.

«Le Saint-Laurent constitue un goulot d'étranglement, un témoin de la pollution qui peut affecter l'ensemble du bassin versant, note Richard Chatelain. Si on réussit à avoir une eau propre et des populations an imales en bonne santé, cela va devenir un indicateur de qualité. » Du ruisseau au fleuve Cette approche écosystémique englobe également sept tributaires du fleuve puisque le sort de l'un et des autres demeure inexorablement lié. En effet, les poissons qui vivent dans ce milieu passent facilement d'un cours d'eau à l'autre, sans se soucier des limites administratives et géographiques. Parmi les projets regroupés sous le volet Biodiversité, plusieurs concernent ainsi les rivières L'Assomption, Boyer, Chaudière, Richelieu, Saguenay, Saint-Maurice et Yamaska, qui se jettent dans le Saint-Laurent. Des projets qui, à Ï' instar de celui concernant le rétablissement de la population d'éperlan arc-en-ciel dans la rivière Boyer, deviennent peu à peu de véritables porte-étendards. «Pour rétablir le frai de l'éperlan, nous devons régler un grand nombre de problèmes, dont plusieurs sont le résultat d'activités agricoles, précise M. Chatelain. Car pour rétablir la frayère, il faut améliorer la qualité de l'eau en stabilisant par exemple les berges.» D'autres habitants riverains des cours d'eau, comme les arbustes indigènes, les oiseaux et les amphibiens bénéficieront du même coup des améliorations apportées à la Boyer. En travaillant main dans la main depuis plusieurs années et en concentrant leurs efforts sur quelques projets susceptibles de favori ser la biodiversité pour l'ensemble d'un écosystème, les différents ordres de gouvernement mettent en pratique cette sagesse orientale : le tout est dans les parties. ·

Photo Guy Trencia Plusieurs tributaires du Saint-Laurent recevront également une attention particulière du volet Biodiversité, notamment la rivière Boyer.

Son importance «Nous faisons partie de la diversité biologique, rappelle Léopold Gaudreau. Ce que nous utilisons comme aliments, matériaux, vêtements et médicaments provient d'elle. Nous sommes dépen dants de la biodiversité.» En plus de répondre à nos besoins primaires et de nous fourn ir des services, cette diversité inspire nos chercheurs, nos inventeurs et nos artistes. D'où la nécessité de la maintenir. Préserver la biodiversité signifie globalement au moins trois choses : protéger le plus d'espèces possible de catégories différentes au sein de la chaîne alimentaire, conserver un nombre de milieux naturels suffisant pour permettre à un maximum d'espèces de vivre et éviter que les grands processus écologiques propres aux différents milieux soient trop perturbés. 4 Place à la vie !

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D MÉNAGE POUR L'ÉPERLAN u cours de certaines soirées printanières des années 1960, il n'était pas rare de voir 200 automobiles stationnées le long de la rivière Boyer, près de Saint-Vallier de Bellechasse. Les amateurs de pêche y surprenaient l'éperlan arc-en-ciel, un petit poisson argenté, pesant à peine 50 g, qui venait frayer à l'embouchure de la rivière . «Les bonnes années, estime Guy Trencia, biologiste du ministère de !'Environnement et de la Faune du Québec (MEF) , il se pêchait plus de six tonnes d'éperlans dans ce secteur.» Puis, les pêcheurs ont commencé à se plaindre de la diminution des prises. Après un inventaire de la population, le gouvernement ordonnait la fermeture de la pêche en 1977. Depuis, aucun éperlan ne se reproduit dans la rivière. En même temps, la pêche commerciale à l'éperlan piquait du nez, passant de 90 tonnes métriques, en 1964, à aucune prise, en 1988. «C'est l'année suivante que nous avons établi le lien entre les deux événements, explique Guy Trencia. Nous en avons conclu que l'embouchure de la rivière Boyer était sans doute la plus importante frayère de l'éperlan arc-en-ciel pour la rive sud de l'estuaire du SaintLaurent. » Pour revoir l'éperlan dans le fleuve , il fallait donc d'abord restaurer cette frayère.

mis en évidence des concentrations anormalement élevées de nutriments qui proviennent des activités humaines dans le bassin versant et qui favorisent la croissance des algues. JI devenait évident que les travaux de restauration devaient englober l'ensemble du bassin versant de la rivière Boyer. Un territoire de 217 km2 où se trouvent 300 producteurs agricoles, quelques industries et deux municipalités dont les eau x d'égout rejoignent la Boyer. «Pour mener à bien un tel projet, explique Guy Trencia, il fallait d'abord établir une relation de confiance avec la population locale et créer une dynamique humaine de façon à ce que les citoyens participent activement au projet. Le ministère de !'Agriculture, des Pêcheries et de !'Alimentation du Québec (MAPAQ) et l'Union des producteurs agricoles (UPA) ont joué un rôle déterminant dans l'adhésion de la population locale au projet. » Amorcé en 1990 par une première approche des partenaires, le projet de la rivière Boyer a véritablement pris son envol avec la création, en 1992, du Comité multipartite pour la restauration de la rivière Boyer. Ce comité regroupe , outre le MEF, la municipalité régionale de comté de Bellechasse, trois syndicats de l'UPA, !'Association Belle Chasse et Pêche, le Club Richelieu de Saint-Charles et le MAPAQ. Ce comité a obtenu son incorporation à l'été 1995, sous le nom de Groupe d'intervention pour la restauration de la Boyer (GIRP).

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De la frayère au bassin versant Les premières études ont rapidement démontré que la solution aux problèmes de la frayère se trouvait en amont, dans tout le bassin versant de la rivière Boyer. «Pour que les oeufs de l'éperlan adhèrent au substrat de la rivière, explique Guy Trencia, il faut que celui-ci soit propre . Or, les sédiments et les algues créent une couche limoneuse qui empêche les oeufs de se fi xer. » Ces sédiments trouvent leur origine dans l'érosion des sols du bassin versant. Une analyse de l'eau a

Chacun à son rythme Ce groupe coordonne les nombreuses activités sur le terrain qui vont de la stabilisation des berges à la formation des agriculteurs, en passant par de nouvelles techniques d'épandage des fumiers et de nouvelles techniques de semis. Il mise, entre autres, sur la communication pour stimuler la participation de tous, notamment au moyen du bulletin Au Courant, distribué à tous les résidants du bassin versant. Conscient de l'importance d'agir, Alain Laflamme n'a pas hésité longtemps avant de mettre la main à la pâte. Ce producteur laitier de Saint-Anselme apprécie le fait que chacun puisse y aller à son rythme. «J'établis moi-même les priorités en tenant compte de mes capacités», précise-Hl. En premier lieu , il a installé une clôture le long de son ruisseau et il a aménagé deux abreuvoirs situés à une distance raisonnable du cours d'eau. «De cette façon , explique-t-il, aucune taure ne patauge dans le ruisseau pour y laisser ses excréments et accélérer l'érosion .» En tout, 82 entreprises agricoles ont aménagé 94 abreuvoirs de ce type. Une fois protégées du bétail , les berges sont stabilisées par lavégétation, ce qui se fait naturellement ou avec l'aide des humains. Comme une vingtaine d'agriculteurs, Alain Laflamme a aussi suivi le cours sur les méthodes de fertilisation offert par le MAPAQ. «Nous avons appris à mieux doser les engrais et à utiliser les matières premières disponibles comme le lisier de porc», explique le producteur agricole. Bien qu'il soit évidemment trop tôt pour crier victoire, la restauration de la Boyer va bon train et certains travaux commencent à porter fruit, notamment la stabilisation des berges de la rivière et de ses affluents. Mais le plus important est sans doute l'en gagement des principales in stitutions rég ionales et des citoyens envers leur environnement. «À ce titre, estime Guy Trencia, ce projet est porteur d'espoir parce que les choses ont évolué autant dans la tête des gens que sur le terrain. »

La rivière Boyer abritait jadis la principalefrayè re d'éperlan arc-enciel. Lui redonner vie nécessite une mobilisation dans tout le bassin versant de la rivière, qui compte 300 agriculteurs, deux municipalités et quelques industri es. Photo Guy Trencia

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DE!ii MILLIER§ D'HECTARE§ A L'ABRI

u'ont en commun les municipalités québécoises d'Austin, de Beauport et de Saint-Rémi-de-Tingwick ? Chacune d'elles possède une superficie comparable aux 7 000 ha de territoire que le volet Biodiversité de Saint-Laurent Vision 2000 permettra de conserver et de protéger. Mais loin d'être concentrés en une seu le ville, les marais, lacs, ruisseaux, rivières, îles, pointes et baies visés par le programme sont dispersés tout le long du Saint-Laurent, depuis le lac Saint-François jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine . De plus, à travers le volet Biodiversité, les gouvernements participent à la restauration de cinq habitats perturbés en milieu marin (voir l'encadré).

tance internationale. «Cela nous donne une obligation supplémentaire de protection , constate Yvon Mercier. Nous voulons maintenant agrandir la réserve pour protéger ces habitats prioritaires, car il y existe des menaces d'empiétement par la villégiature. C'est pourtant un écosystème unique où se trouvent plusieurs amphibiens et reptiles, dont la chélydre serpentine (une tortue) et beaucoup d'oiseaux comme le petit butor, le troglodyte à bec court ou le râle de Virginie;

Une suite naturelle Cet objectif de Saint-Laurent Vison 2000 en matière de biodiversité constitue la suite du Plan d'action Saint-Laurent qui, entre 1988 et 1993, a permis la sauvegarde de plus de 5 000 ha d'habitats pour un total de 19 sites protégés. Cette superficie sera donc plus que doublée d'ici 1998. «En ce moment , se réjouit Normand Traversy, biologiste du ministère de !'Environnement et de la Faune (MEF) , nous sommes en avance sur nos objectifs. Depuis 1993, plus de 4 500 nouveaux hectares ont été acquis ou protégés par entente.» Ainsi , la première année d'existence de Saint-Laurent Vision 2000 a vu naître trois Photo Léo-Guy de Repentigny Parmi les 7 000 ha de territoires protégés, figurent des lots qui permettent d'agrandir certaines réserves écologiques et des réserves nouvelles réserves écologinationales de faune, comme celledu lac Saint-François. ques, soit ce lle du Grand-LacSalé à l'île d'Anticosti , celle des Grands-Ormes à la rivière Malbaie, dans Charlevoix, et celle de en plus, on y trouve des plantes susceptibles d'être désignées menaPointe-Platon à Saint-Croix-de-Lotbinière. On a également étendu les cées ou vulnérables, caractéristiques des milieux humides.» limites de la réserve écologique des l'îles Avelle, Wight et Hiam , au lac Tous les territoires protégés sont sélectionnés à partir d'une liste des Deux-Montagnes, et de celle de la pointe Heath, à l'île d'Anticosti. de projets prioritaires, que ce soit pour protéger des habitats menacés Située en bordure du fleuve , la troisième réserve écologique qui ou consolider des milieux déjà protégés. Dans plusieurs cas, des parvient tout juste de s'ajouter à ce palmarès, soit celle de Pointe-Platon , tenaires locaux participent à ces actions et contribuent à diffuser dans comprend 62 ha et devient le premier milieu humide riverain du fleuve leur milieu les mots d'ordre de protection de la biodiversité. à recevoir une protection intégrale. En effet, à partir de maintenant, seuls les chercheurs auront accès au lieu. Achat et intendance «Par ailleurs, nous comptons ajouter 700 ha de territoire adjacent Avec Saint-Laurent Vision 2000, des milieux se voient ainsi accorder à différentes réserves nationales de faune », souligne Yvon Mercier, un statut de protection . La première étape à franchir consiste à acquéd'Environnement Canada. Par exemple, depuis le début de Saintrir les connaissances nécessaires pour évaluer la qualité du site à proLaurent Vision 2000, ce ministère a amorcé la consolidation de la résertéger avant d'en faire l'achat. «L'expropriation n'est pas favori sée et ve nationale de faune de la Pointe-de-l'Est aux Îles-de-la-Madeleine. les acquisitions se font généralement par des ententes de gré à gré, à Un autre projet de protection touche la réserve nationale de faumoins qu'il ne s'agisse de transferts entre ministères, rapporte M. ne du lac Saint-François, l'un des derniers milieux humides de haute Mercier. Il faut donc d'abord négocier avec les propriétaires. Ensuite, qualité dans le Haut-Saint-Laurent, également classé site Ramsar un plan de consolidation est préparé et permet de prendre des décidans le cadre de la Convention relative aux zones humides d'imporsions éclairées en vue de protéger les meilleurs habitats au meilleur

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coût possible. » Il arrive aussi que certains propriétaires ne veuillent pas nécessairement vendre , même s'ils sont intéressés à protéger leurs terrains. L'intendance devient alors une option envisageable. L'intendance peut prendre divers visages . «Cette formule est déjà expérimentée ailleurs au Canada et c'est une tendance qui se dessine pour le Québec, explique Normand Traversy. Nous développons actuellement les orientations et une stratégie d'intendance adaptées à Saint-Laurent Vision 2000.» L'intendance reste peu coûteuse puisqu'il n'y a pas d'achat de terrains. Un propriétaire peut volontairement signer une entente de protection par laquelle il gère et utilise ses terres en tenant compte de la flore et de la faune qui s'y trouvent. Le propriétaire peut, dans certains cas, bénéficier d'avantages fiscaux. Le projet du ruisseau Saint-Jean en est un exemple. Ce ruisseau , qui coule près de Châteauguay, est bordé par des terrains privés et des lots déjà acquis par la Fondation de la faune du Québec (FFQ), un organisme sans but lucratif en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. «Perdre cet habitat relèverait de la catastrophe, raconte Yvon Mercier. C'est la frayère la plus importante du lac Saint-Louis et le site est très riche sur la plan faunique . Sans elle, la qualité de pêche serait fortement diminuée.» Dans ce cas, les propriétaires, FFQ en tête, ont confié la gestion de leur terre à un groupe environnemental local, Héritage Saint-Bernard. Dans d'autres cas, certaines ententes entre les partenaires et les propriétaires peuvent prendre forme de servitude ou de droits de passage. Des campagnes de sensibilisation locales et la concertation régionale rendent de plus en plus gratifiant cette adhésion d'un propriétaire à un plan de conservation. La façon d'obtenir une protection pour un milieu peut donc varier d'une situation à l'autre. «En somme, blague Normand Traversy, c'est comme si nous avions un livre de recettes et que, selon les ingrédients que nous avons à notre disposition, nous cuisinions quelque chose !» Il s affluent ! En plus d'être axé sur des programmes et des activités touchant directement le fleuve , Saint-Laurent Vision 2000 permet d'intervenir sur sept importants tributaires du Saint-Laurent , soit les rivières L'Assomption , Boyer, Chaudière, Richelieu , Saguenay, Saint-Maurice et Yamaska. En tenant, compte des tributaires, Saint-Laurent Vision 2000 a opté pour une approche globale. On agit ainsi sur des cours d'eau qui contribuent à la pollution du Saint-Laurent et qui sont essentiels au maintien de la diversité biologique de l'écosystème du fleuve . La rivière Richelieu, par exemple, est l'un des plus importants tributaires du fleuve . Utilisée à des fins récréatives et d'approvisionnement en eau potable, elle fait face à d'importants problèmes de pollution urbaine, agricole et industrielle. En matière de biodiversité, un plan de redressement du suceur cuivré, un poisson actuellement me-

Photo Christian Harvey, Genivar Habitat, pouponnière et halte migratoire pour de nombreuses espèces, le barachois du Grand Pabos retient l'attention du volet Biodiversité.

nacé, sera mis en oeuvre dans le cadre de Saint-Laurent Vision 2000. La baie Missisquoi du lac Champlain , où le Richelieu prend sa source, retient également l'attention des gouvernements et des habitants de la région. En effet, c'est un habitat pour plusieurs espèces fauniques et floristiques rares du Québec comme, entre autres, la zizanie à fleurs blanches, la thélyptère simulatrice, la tortue géographique, la tortue molle à épines, le brochet d'Amérique ou le petit butor. Pour les générations futures «Quand on parle de biodiversité, on implique toute une gamme d'organismes; avec Saint-Laurent Vision 2000, nous sommes en communication les uns avec les autres et on se parle », aime à souligner Claude Grondin, du ministère canadien des Pêches et des Océans. «Nous agissons en concertation, renchérit Normand Traversy, et nous avons tous en commun l'objectif de conserver et de préserver des milieux intéressants en matière de biodiversité pour les générations actuelles et futures. »

SAUVER LES POUPONNIÈRES Biodiversité a identifié, en milieu marin, cinq habitats L equivolet feront l'objet de restauration ou de mise en valeur : les barachois de Grand Pabos, à Chandler, de Malbaie, au sud de Gaspé, et de Bonaventure ainsi que la lagune du Havre-au xBasques aux Îles-de-la-Madeleine et, enfin, le marais Pointe-aux0 uta rd es à Baie-Corneau . Dans le cas du barachois de Bonaventure, les travaux de restauration seront même amorcés dès cet automne. «Tous ces milieux humides sont des habitats riches : de vraies pouponnières de poissons », note Claude Grondin , du ministère fédéral des Pêches et des Océans (MPO). Ce constat est particulièrement vrai pour les barachois, ces petits ports naturels de la Gaspésie, situés derrière de longues pointes de sable. «Certaines espèces passent toute leur vie dans les barachois, reprend M. Grondin , comme les épinoches et le choquemort. Celui de Grand Pabos abrite aussi le bar rayé et est un lieu de croissance intéressant pour des espèces d'importance économique comme le hareng, la plie, la truite de mer ou le saumon qui l'utilisent comme point de migration. Il y a là-bas une belle diversité d'habitats. » Depuis le début du siècle, le barachois de Grand Pabos a subi les impacts du développement industriel et urbain. À cela se sont ajoutés des problèmes de pollution provenant des activités d'une papetière et du rejet des eaux usées des municipalités environnantes. Dès la première étape d'intervention, soit la caractérisation de l'habitat, !'Association pour la valorisation du barachois de Grand Pabos a collaboré avec le MPO. «En plus de dresser le portrait du milieu, nous accumulons ensemble des données de base qui seront également utiles lors du suivi des travaux de restauration , poursuit Claude Grondin. La deuxième étape est celle de la réalisation du plan de restauration. Viendra en dernier lieu sa mise en valeur.» Une fois le s source s de pollution contrô lées dans le secteur de Chandler, la restaurati on co mm e telle pou rra débuter. Il s'agira alors d'éliminer les matériaux contaminés. Selon l'étendue réelle de la zone touchée et du degré de contamination, les sédiments po urront soit se dégrader naturellement, soit être dragués. «Dans le respect de l'objectif de conservation de Saint-Laurent Vision 2000, des milieux restaurés sont des milieux protégés», conclut le biologiste.

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LE DEFI DE LA PROTECTION

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e suceur cuivré ne vit qu 'à un seul endroit dans le monde, le sud-ouest du Québec. Mais depuis plus de 20 ans, son abondance et son aire de répartition ne cessent de diminuer. Dans le cadre du programme Saint-Laurent Vision 2000, les populations de suceur cuivré, désormais limitées à la seule rivière Richelieu, ont fait l'objet d'études approfondies et un plan d'intervention pour la survie de l'espèce est en préparation. Ce poisson devrait également recevoir incessamment le statut légal d'espèce menacée au Québec.

Un calendrier précis a ensuite été établi année par année, pour toute la durée de Saint-Laurent Vision 2000. L'ordre dans lequel les espèces sont traitées dépend du degré d'urgence qu'elles présentent a priori. Ainsi , le suceur cuivré, pour lequel le danger de disparition semble imminent, est naturellement apparu en tête de liste de la programmation . «L'ordre des priorités n'est cependant pas complètement figé , précise Pierre Aquin, du MEF. En effet, des changement dans l'évolution de certaines espèces ou des occasions de collaboration avec des partenaires peuvent justifier une révision des priorités en cours de programmation. » Le processus comporte quatre étapes. On commence d'abord par acquérir suffisamment de connaissances sur l'espèce, en déterminant son abondance et sa répartition . Puis un rapport de situation est rédigé . Ce document décrit très précisément la situation de l'espèce, et sert de base au long processus qui aboutit à sa désignation à titre d'espèce menacée ou vulnérable, en fonction de la législation québécoise. «Une fois que l'espèce est désignée, nous élaborons pour elle un plan de rétablissement, explique Pierre Laporte. Nous tentons alors de déterminer quels sont les éléments responsables de la situation de l'espèce , et comment intervenir sur ces éléments. À cette étape, nous nous inspirons de ce que prône le Comité sur le statut des espèces menacées du Canada, quand cela est possible. Dans d'autres cas, nous devons construire de toute pièce le plan de rétablissement. » La dernière partie du processu s consiste à mettre en oeuvre ce plan sur le terrain .

Cuivrés et faux-grillons ... Au MEF, quatre animaux sont actuellement à Photo Yves Chagnon, MEF l'étude dans le cadre de Saint-Laurent Vision Les rapides de Chambly constituent le seul endroit au monde où vit le suceur cuivré. Ce poisson étant menacé de 2000 : il s'agit du suceur cuivré, du pygargue disparaître, un plan de rétablissement de sa population verra sous peu le jour. à tête blanche, du faucon pèlerin et du brochet d'Amérique. «Pour le suceur cuivré, précise Pierre Aquin , la situation était tellement critique qu'on a déjà enUn comité technique de Saint-Laurent Vision 2000, formé de reclenché le plan de rétablissement, avant même que l'espèce ne soit présentants d'Environnement Canada, du ministère fédéral des Pêches légalement désignée. » Des chercheurs de l'Université du Québec à et des Océans (MPO) et du ministère de !'Environnement et de la Faune Montréal ont tenté d'obtenir la reproduction du suceur cuivré en captidu Québec (MEF), s'occupe exclusivement de la situation des espèces vité. Les premiers résu ltats sont décevants car l'espèce présente des à protéger. Sa première tâche a con sisté à sélectionner des espèces problème s impo rtants de libération des oeufs et seule l'induction prioritaires parmi celles répertoriées dans la liste des espèces suscepforcée de la ponte a permis d'obtenir des oeufs. «On peut en déduire tibles d'être désignées menacées ou vulnérables, liste établie par le qu'il existe dans l'habitat des suceurs cuivrés un ou des facteurs qui gouvernement du Québec en 1993. «Nous avons retenu des espèces bloquent leur reprod uction naturelle», explique M. Aquin. pour lesquelles le Saint-Laurent représente un habitat important et Pour les trois autres espèces, les rappo rts de situation sont en dont la populati on est très faible, énum ère Pierre Lapo rte, du Service cours de validation finale. L'année prochaine, l'esturgeon noir, la raicanad ien de la faune (SCF), ainsi que des espèces endémiques (pronette faux-grillon de l'ouest, la tortue géographique et la tortue molle pres à une seule rég ion) ou à répartition disjointe.» à ép ines seront sur la sellette. «Nous disposons déjà d'un grand nom Au total, 45 animaux et 110 plantes ont ainsi été sélectionnés, chabre de renseignements pour plusieurs espèces : certains projets peuque ministère assumant la responsabilité de certaines espèces et de leurs vent donc avancer assez rapidement», précise Pierre Aquin . Par habitats respectifs. Le SCF s'occupe des oiseaux migrateurs, le MPO est contre, les petits mammifères et les petits poissons posent parfois de responsable des poissons et des mammifères marins, tandis que le MEF véritables casse-tête, car ces espèces sont souvent très peu connues. prend en charge les autres animaux et les plantes. «Notre participation, En revanche, on dispose d'innombrables connaissances sur les oiprécise Charlotte Chamberland, du MPO, tient à l'approche écosystémiseaux. Le bilan sur les oiseaux menacés du Québec de 1989 donnait déjà que de Saint-Laurent Vision 2000et au fait que nous déléguons la gestion un statut à ces espèces et pour certaines, comme le faucon pèlerin, un des espèces anadromes au gouvernement du Québec».

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de la dernière glaciation», précise Gildo Lavoie, du MEF. Même si le processus général mis en oeuvre pour la flore est identique à celui suivi pour la faune, la problématique est bien différente. «Au départ, exp lique M. Lavoie, nous possédons moins de renseignements sur leur situation des espèces floristiques que dans le cas de la faune. Et nous travaillons rarement plante par plante, mais plutôt sur certains habitats constituant des points chauds.» Mais comme les plantes ont des habitats généralement restreints, une fois que ces habitats sont bien cernés, l'établissement d'un plan de protection est assez rapide . Parmi les neuf espèces de plantes désignées officiellement par le MEF, seule l'arnica de griscom, qui a légalement reçu le statut d'espèce menacée, figure parmi la liste des espèces prioritaires de Saint-Laurent Vision 2000. D'autres espèces en sont au stade du rapport de situation. «En 1994, rapporte Gildo Lavoie, nous avons réalisé des inventaires à Blanc-Sablon, où l'on sait qu'il existe une forte concentration d'espèces endémiques et disjointes. Nous avons pu identifier huit espèces dans cette situation.» Le MEF, en collaboration avec le MPO qui y mène aussi des actions, a également étudié les plantes des barachois des rivières Bonaventure et Malbaie, ainsi que ce lles de la lagune du Havre-aux-Basques. «Un rapport de situation est en préparation pour le troscart de la gaspésie, une espèce mécon nue avant cela», précise M. Lavoie. Le corème de Conrad, un pePhoto Sylvain Lamoureux, Fleurbec L'arnica de griscom et le pygargue à tête blanche: deux espèces qui figurent sur la liste des 110 plantes et des 45 animaux retenus pour étude par le volet Biodiversité. Photo Denis Faucher

plan de rétablissement est en place depuis longtemps. Pour chaque espèce, des objectifs précis sont définis. «Nous avons cherché à fixer des objectifs les plus réalistes possible, même pour certaines espèces dont la survie n'est pas assurée : par exemple, pour la pie grièche migratrice, l'objectif est de 20 couples au Québec en l'an 2000. Or, il ne restait plus qu'un couple en 1994.» Huit espèces d'oiseaux migrateurs ont déjà atteint le stade du plan de rétablissement. Cette année, le SCF a établi celui de la sterne caspienne , qui consiste essentiellement à lutter contre le braconnage. D'autres plans sont plus délicats à mettre en oeuvre. Un des plus complexes fut celui du pluvier siffleur, aux lies-de-la-Madeleine. Cet oiseau qui niche sur les plages était souvent dérangé par divers véhicules motorisés. «En 1989, nous avons installé des périmètres de sécurité autour des nids , raconte Pierre Laporte. À l'époque, nous avions dénombre 35 couples; ils étaient 53 à l'été 1995. Cette année, les autorités locales ont mis en place une nouvelle réglementation concernant la circulation de véhicules motorisés hors route, ce qui permet de mieux protéger l'habitat des pluviers.» Et les plantes !

En plus des animau x, Saint-Laurent Vision 2000 se préoccupe particulièrement de 110 espèces de plantes. «Il faut dire que le golfe et l'estuaire sont riches en espèces endémiques et disjointes, reliquats

tit arbuste des Îles-de-la-Madeleine , et l'aster du Saint-Laurent, une plante endémique du golfe, dont la plus grande population a été localisée aux Îles-de-la-Madeleine, ont également fait l'objet d'inventaires au cours de l'année passée. La programmation de Saint-Laurent Vision 2000 mentionne un objectif total de 12 espèces à protéger, mais de l'avis des membres du comité «Espèces», ce chiffre contitue un minimum car, dans la réalité, il devrait être largement dépassé à la fin de l'exercice.

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PROMPT RÉTABLl§§EMENT !

u fil des 15 dernières années, le béluga du Saint-Laurent est devenu le point de mire de la lutte pour la protection de l'environnement. Symbole mondial de la faune menacée par l'industrialisation et la surexploitation des ressources naturelles, il a été observé, mesuré, pesé, disséqué, dénombré. Mais, malgré ces efforts, il reste encore beaucoup à apprendre à son sujet. «La formation d'une équipe de rétabl issement, composée de spécialistes provenant de diverses disciplines liées à la problématique du béluga, a récemment permis de concrétiser une collaboration novatrice entre le ministère fédéral des Pêches et des Océans (MPO) et le Fonds mondial pour la nature Canada», précise Richard Bailey, du MPO . Premier du genre à être consacré à un cétacé au Canada, le Plan de rétablissement du béluga du Saint-Laurent est intégré au programme Saint-Laurent Vision 2000. Il a permis la synthèse de nombreuses données jusqu'alors éparpillées. On a pu établir des recommandations destinées à assurer la survie du béluga et à favoriser la croissance de sa population, estimée à environ 525 individus en 1992. L'objectif requiert la mise en place d'un programme global d'action, de suivi et de recherche, de même que l'instauration d'un vaste partenariat entre l'industrie, les organismes gouvernementaux, les groupes environnementaux et le s municipalités , sans oublier le grand public. Ce n'est pas le hasard qui a fait de Delphinapterus leucas l'objet de tant de soins. Tout comme nous, le béluga se trouve au sommet de la chaîne alimentaire. Les prises excessives de la chasse commerciale qui a prévalu durant la première moitié de notre siècle seraient la principale cause du déclin de la population de l'estuaire. Cette chasse a été interdite en 1979 en vertu de la Loi sur les pêches. Mais étant donné l'apparente absence de rétablissement de la population , d'autres activités humaines sont soupçonnées de constituer de sévères limites aux possibilités de récupération de ce cétacé, le seul à vivre à l'année longue dans les eaux de l'estuaire du Saint-Laurent.

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gements causés par le bruit et les autres facteurs associés à la circulation des navires commerciaux ou aux activités récréatives. On sait cependant que le nombre d'embarcations utilisées pour l'observation des baleines dans le Saint-Laurent est passé de 1Oà 34 entre 1983 et 1993, faisant augmenter le nombre de croisières de 1 000 à 5 000. On estime aussi qu'environ 1 000 sorties en kayak ont été faites sur le Saguenay en 1994, sans compter l'invasion des motos marines ni le nombre accru de balades d'observation aérienne. Toutefois, respectant un code d'éthique élaboré sous l'impulsion du MPO, la plupart des excursionnistes ont convenu d'exclure l'observation des bélugas de leurs activités. L'ampleur du phénomène demeure pourtant préoccupante. C'est pourquoi un programme de recherche, portant notamment sur les dérangements des cétacés, a été mis en place par le MPO et ses partenaires, Parcs Canada et le Groupe de recherche et d'éducation sur le milieu marin (GREMM).

Contamination et dérangement L'examen des bélugas échoués sur les rives du SaintLaurent a débuté en 1982. Tout indique que la contamination par des produits chimiques affecte cette population, qui a ingurgité d'impressionnants cocktails de substances chimiques d'origine industrielle ou agricole. Le phénomène appelé bioamplification (la concentration accrue de polluants à mesure que l'on grimpe dans l'échelle alimentaire) explique le niveau de contamination présent dans les animaux analysés, plus élevé que celui trouvé dans l'eau ou dans les sédiments du fleuve. «La pollution a considérablement diminué depuis une dizaine d'années et les plus récentes analyses effectuées sur des carcasses nous permettent d'espérer la baisse prochaine de certains polluants dans la chair du béluga, précise M. Bailey. Malgré tout, la concentration des contaminants dans le béluga reste encore élevée.» La contamination ne serait pas la seule menace. À ce jour, les preuves scientifiques font défaut quant aux conséquences néfastes des déran10 Place à la vie !

Une question de survie Il reste encore de nombreux mystères à élucider à propos des besoins écologiques du béluga. Dans ces conditions, comment peut-on espérer venir en aide à la population du Saint-Laurent ? «Chose certaine, affirme Richard Bailey, nous ne pouvons attendre d'avoir toutes les preuves scientifiques en mains pour agir parce que cela risque de compromettre ses possibilités de survie.» Pour éviter que notre béluga ne devienne un point de fuite, l'équipe de rétablissement propose de poursuivre la réduction des émissions de contaminants et de s'attaquer au problème de la remise en circulation de ceux qui sont déjà accumulés dans les écosystèmes aquatiques et terrestres : activités de dragage qui brassent les sédiments contaminés; lessivage de produits toxiques industriels accumulés dans l'environnement; terres agricoles contenant des pesticides .. . L'équipe suggère également de minimiser le dérangement provoqué par les activités humaines dans certaines zones propices à l'alimentation, à l'accouplement ou à la mise bas; de prévenir les catastrophes écologiques et de prévoir les mesures d'urgence nécessaires; d'évaluer les autres menaces ou obstacles

au rétablissement sachant, par exemple , qu 'une épidémie ou une compétition accrue pour les ressources alimentaires avec d'autres esèces pourraient aussi jouer en défaveur du béluga. Il faudrait enfin assurer un suivi de l'état de la population. Un inventaire réalisé à tous les trois ans devrait permettre de mesurer, d'ici une douzaine d'années, dans le meilleur des scénarios, un éventuel redressement de la population. Somme toute, y-a+il toujours lieu de s'inquiéter? De manifester de l'optimisme ? «Côté encourageant, rapporte Richard Bailey, on a

Photo Robert Michaud, GREMM L'examen des carcasses de bélugas indique que ce cétacé est affecté par la pollution chimique du fleuve. Photo Jean-Pierre Sylvestre Le béluga vit dans l'eau que nous buvons et dans celle où nous nous amusons. Le rétablissement de sa population serait donc synonyme de notre bien-être.

mesuré une baisse en termes de pollution et peutêtre même de contamination du béluga. De plus, la population de l'estuaire n'est plus en déclin . Côté négatif, la contamination demeure élevée dans la chair des bélugas, on observe d'inquiétantes pathologies dans les carcasses échouées, et la faible taille de la population n'est pas rassurante . Le consensus qui se dégage à l'heure actuelle porte sur la nécessité de poursuivre l'action face aux menaces (pollution, dérangement, etc.), de pousser la recherche pour rectifier notre tir, le cas échéant, et de continuer les inventaires et l'examen de la condition des individus, ce qui nous permettra de mesurer le succès du rétablissement. » Pou r Nathalie Zinger , directrice pour le Québec du Fonds mondial pour la nature, le rétablissement du béluga, tant au point de vue qualitatif que quantitatif, serait sans aucun doute synonyme du mieux-être global de cette entité qu'est le SaintLaurent. «Plu s encore, ajoute+elle, le bélu ga vit dans l'eau que nou s buvons, dan s celle où nous nous amusons, au coe ur d'une artère co mmerciale vitale pour notre survie et notre prospé rité. Ça n'est pas seulement sa survie et ce lle du Sai nt- Laurent qui sont en cause : c'est aussi la nôtre. » C'est dans cet esprit que le MPO et le Fonds mondial pour la nature entendent mettre de l'avant les mesures nécessaires à la protection du béluga, un élément essentiel de la biod iversité du SaintLaurent. 11 Place à la vie !

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