Il côtoie souvent la morg il est allé dans les pires endroits de la planète, mais c'est sa joie de vivre, sa folie, son énergie qu'il traîne avec lui, et non l'odeur de la mort. Et pour moi, c'est ça' le wai
humanitaire." Sqns fomille süs né le 17 æobre1963»,racon"Je te Marc Vachon au début du livre. .À Montréal. Au Canada. Quelque Part près de Saint-Henri, le quartier pauvre et ourrier du Sud-Ouest de la ville. [...] Tïès jeune, j'ai été abandonné aux porsociale., S'ensuit le récit de son enfance: la valse des familles d'accueil, la buanderie en guise de chambre à 10 ans, les claques qui pleuvent, les .tu vas arrêter de brailler, maudit les humiliations à répétition, bâtard!
tes de I'aide
",
les espoirs déçus. I-enfant blessé devient vite un ptit dur. Il prend les chemins de traverse - le haschich, les pe-
MARC
tits larcins
-,
et finit
dars la cour des grands - la coca'tne, les Hells Angels, l'argent facile.
tE BU L'HU
C'EST THISTOIRE D'UN P'TIT GARS DE SAINT-HENRI DEVENU TRAVAILLEUR DE THUMANITAIRE. C'EST THISTOIRE D'UN ENFANT A QUI LA VIE N'A RIEN DONNE ET AUI DONNE SANS COMPTER. C'EST THISTOIRE DE I5 ANS DE MISSIONS HUMANITAIRES RACONTETS PRR UN GARS DE LA CONSTRUCTION. TEXTE: KENZA BENNIS
problème, dit-il "Le dans Rebelle sans frontières, c'est que le circuit de la droti. goa avale vite son homme. On s'habitue ou on devient accro. On n'est plus capable de üwe autrement. [...] La nasse se tisse petit à petit, et le gibier, c'est toi. Tir n'as pas
conscience que tu es foutu, ou du moins pas encore.»
i vous croisez un soiq dans un bar de
Montréal, un géant tatoué à
connais Marc depuis Plusieurs annês, explique le joumaliste. "Je
Etçfut
I'accent franco-québécois qui se dit camionnevr, engagez la conversation. C'est peut-être Marc Vachon. En fait, il n'est pas plus camionneur que
plusieurs années que je le traque pour lui faire raconter sa üe. Lü se voit comme un être ordinaire qui s'est retrou-
vous êtes astronaute (il se dit camionneur car il en a "ras-le-bol des mecs qui ont la grosse tête parce qu'ils font de l'humanitaire"), mais sa vie vaut vraiment le détour. D'ailleurs, le iournaliste François Bugingo en fait le récit dans
res.
Rebelle sans frontières (Boréal).
vé dans des circonstances extraordinai-
Moi, je pense qu'il est exceptionnel. Du fait de son parcours, d'abord. Ç'a été un enfant maudit, dont on a volé l'enfance, et, poufiant, il a brisé ce cercle négatif pour devenir quelqu'un de passionnant et d'ex.trêmement généreux. Et puis, il a l'humanitaire joyeux.
C'est le 7 juillet 1989, quand trois gamins de 16 ans le hèlent dans une pizzéria, que MarcVachon
se
rendcompte
qu'il est .foutur. "Si on peut faire de
l'argent avec toi, on aimerait §isn", 1ü disent-ils. I1 aurait préfêré que des enfants l'abordent pour d'autres raisons que celleJà. C'est le déclic. Il se défait de ses gwns, distribue la drogue qui lui reste et quitte Montréal. Direction: l'Ouest canadien. Premier stop: Sudbury où il se désintoxique, à la dure, seul,
dans un parc. I1 y reste 28 jours.
ocToBRE 2OO5 ELLE QUIBEC I
F I3
Puis il est plongeur dans un resto à Banff, travaille dans la construction à Vancouver... puis à Londres. À Paris, il retourne dans les bureaux de Médecins Sans Frontières (MSF),1à où il s'était retrouvé par hasard quelques années plus tôt. "On cherche des gens corilne toi, lui avait-on dit, qui par-
Ient anglais, avec une expérience dans
la construction et dans la gestion du personnel." Il s'en était souvenu. "Honnêtement, à I'époque, ce qui m'intéressait, c'était de voir l'Afrique,, nous confie-t-il avec son franc,parler légendaire. «Enfant, je rêvais déjà d'y d'aller. Ç'a été avecMSE Par hasard. Ça aurait pu être avec la SPCA ou je ne sais quel auffe organisme."
de la Yougoslavie, en passant pâr la poudrière angolaise, le dénuement du Sud-Soudan et l'anarchie irakienne, Marc court la planète des catastrophes et multiplie les missions. Construire des camps de réfugiés en quelques heures, sécuriser des aéroports, organiser des campagnes de vaccination et de distribution de médicamenrs, établir des ponts aériens pour distribuer des vivres... Il nous parle de son émerveillement pour l'A{rique, "la plus belle terre du moldç,,, de ses folies (monter un faux projet d'aqueduc, avec de
faux tampons de I'ONU, pour faire passer de l'essence aux Kurdes, isolés par Saddam Hussein), de ses défis (construire en quatre jours, à Goma, nn camp choléra de740lits) et de
de l'Afrique Hasard ou destin, il part au Malawi comme responsable de la logistique du camp choléra de Niaminthutu. Sa mis-
ses
Le choc
réalisations (le 11 novembre prochain,
sion: construire des latrines et des dou-
I'ENA? lui délivrera son diplôme de maîtrise en administration publique). De ses frustrations, aussi ("C'est devenu glamour, I'huma-
ches, restaurer des dispensaires, instal-
ler des réfrigérateurs solaires. Là, devant les 50 000 réfugiés parqués dans le camp, c'est Ie choc.
"J'ai tout
de suite reconnu les images que j'avais
vues à la télé. Les mêmes regards hagards. Les mêmes yeux désespérés qui
vous dardent avec espoir. Le dénuement qui choque. [...] Puis, surtout, il y avait l'odeur. À h télé, elle est absente. C'est elle qui change tout. Cette odeur
qui vous saisit à la gorge et âu corps, et qui ne vous lâchera plus." On est en novembre 1990.Lavie de Marc Vachon bascule. oTir te retrouves face à des enfants qui pèsent quelques kilos quand toi, tu en fais 90!
s'exclame-t-il. Et ces gens comptent sur toi pour les aider. C'est un drôle de sentiment que celui de pouvoir, pour une fois dans sa vie, être utile. Et c'est une sacrée responsabilité! Si on ne fait rien, ils vont mourir. Quel choix a-t-on devanr ça? I1 lauty aller, c'est tout.» C'est ce puis 15 ans.
qu'il fait
de-
Du chamier rwandais à l'inextricable imbroglio ethno-politico-religieux
I I 4 EttE QUEBEC
OCTOBRE 2OO5
Je n'en revenais pas! En
fait, et j'ai pu
le confirmer dans d'autres missions,
c'est quelqu'un d'extrêmement professionnel, qui comprend rapidement les situations et les gens, qui travaille très vite et très bien. [l est vraiment unique. Bettina Bràunl, responsa" ble des programmes en Afrique et en
Amérique latine pour l'organisation
humanitaire allemande .|ohanniter, emploie les mêmes mots pour le qua-
lifier. .Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi efficace! Non seulement évalue-t-il très vite les besoins et les solutions à apporter, mais il établit aussi très vite des contacts avec les gens, ce qui n'est pas évident quand on travaille au sein de cultures étrangères." j'admre chez lui, en plus "Ce que de ses qualités d'analyse ultrarapide, c'est qu'il a toujours une solution, rajoute Christophe Morard, autre logisticien avec lequel Marc a travaillé. Ce
qü le distingue aussi, c'est qu'il met les bé-
nitaire. Et politique. Les gens y font carrière, maintenant. Et
néficiaires de l'aide en première ligne,
tous ces papiers, ces e-mails, cette administration... pour ârriver à quoi, en bout de ligne?") et de ses
ques soucis. Et surtout, il est d'une im-
coups de gueule (oEn
mense générosité."
avanttout-ycomses patrons -, ce qui lui a valu quel-
pris
Occident, Ies gens
Généreux. Iiad-
font semblant de s'indigner et de compa-
jectif revient souvent
tir
ceux qui le côtoient. De même que passionné, intègre, franc,
dans Ia bouche de
à la souffrance des
pauvres de ce monde, mais que font-ils?
Pourtant, c'est parce que certains sont riches que les autres sont pauvres!»).
humaniste, grand anurteur de foot (soccer) et de femmes, bon vivant, grande gueule... et pudique.
La preuve? Quand on
Souver lo plonète Chef de mission MSF au Malawi en 1990, Geneviève Begkoyian se souvient parfaitement du jour où elle a rencontré Marc. "C'était sa première mission à l'étranger. Je lü ai demandé de bâtir des latrines pour le nouveau camp choléra. Cinq jours plus tard, il revenait après en avoir construit 5 000!
Iü
deman-
de quelle est sa plus grande fierté en 15 ans de carrière, il répond: .Euh...
la coupe municipale de football en
2001à Xai-Xai, au Mozambique. J'avais tout organisé: l'équipe, les matchs. les t-shirts, le terrain, tout. Faut voir le monde qu'il y avait ce jourJà! On a gagné 2-0. J'étais fier cofiIme un coe.»
!