BARREAU DU QUÉBEC

8 sept. 2005 - nouveau Code de procédure civile en un seul bloc. .... contractuelle, la responsabilité civile, le droit de propriété pour ne mentionner que ...... sur valeurs mobilières, hypothèque sur propriété intellectuelle, sur universalités.
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BARREAU DU QUÉBEC

LA POSITION DU COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE CONCERNANT LE RAPPORT DU COMITÉ AD HOC SUR LES FRAIS DU BARREAU DE MONTRÉAL

Septembre 2005

MEMBRES DU COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE DU BARREAU DU QUÉBEC Monsieur le bâtonnier Francis Gervais, président Me Charles Belleau Me Jacques J. Anctil Me Louis-Paul Cullen Monsieur le bâtonnier Donato Centomo Me Monique Dupuis Me Daniel Dumais Me François Fontaine Me Denis Ferland Me Monique Jarry Me Pierre A. Fournier Me André Roy Me Lise Malouin Me Sylvie Champagne, Avocate au Service de recherche et de législation Barreau du Québec

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ……………………………………………………………………………………………………………………… 1 PARTIE I - LA MISE EN CONTEXTE CHAPITRE 1 – LA RÉFORME DE LA PROCÉDURE CIVILE………………..…………………………………………………………………………………………… 4 CHAPITRE 2 – L’ACCESSIBILITÉ À LA JUSTICE………………………………..…………………………………. 9 CHAPITRE 3 – LE RAPPORT DU COMITÉ AD HOC SUR LES FRAIS DU BARREAU DE MONTRÉAL……………………………………………………………………... 15 PARTIE II - LA CONSULTATION CHAPITRE 4 – LES DÉMARCHES DU COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE……..………………………………………………………………………………. 18 CHAPITRE 5 – LES POSITIONS……………………………………………………………………………………………… 25 5.1 5.2 5.3 5.4 5.5 5.6 5.7 5.8 5.9 5.10 5.11 5.12 5.13 5.14

Le Barreau de Montréal…………………………………………………………………………………………………. Le Barreau de Saint-François…………………………………………………………………………………………. Le Barreau d’Arthabaska………………………………………………………………………………………………. Le Barreau de Longueuil………………………………………………………………………………………………… L’Association des Avocats et Avocates de Province………..……………………………………………… Le Comité de la pratique privée………………………………………………….………………………………… Le Comité sur le droit de la famille………………………………………………………………………………. Le Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile…………………………….. Le Comité sur les sûretés………………………………………………………………………………………………. Le Comité sur le droit du travail…………………………………………………………………………………… Le Comité sur la législation et l'administration fiscales……………………………………………….. Le Comité sur les sociétés et les personnes morales…………………………………………………….. La position de Me René Langlois, directeur du FARPBQ…………………………………………….. La position de Me Viateur Bergeron…………………………………………………………………………….

CHAPITRE 6 – LES RÉCENTS DÉVELOPPEMENTS…………….………………………………………………. 6.1

6.2

25 26 29 29 31 32 35 38 43 43 46 47 50 51 53

Au Québec……………………………………………………………………………………………………………………. 6.1.1 Arrêts de la Cour d’appel du Québec concernant l’obtention d’une provision pour frais…………………………………………………………………………...…. 6.1.2 Décisions de la Cour supérieure concernant l'obtention d'une provision pour frais ……………………………………………………………………………………………………….. 6.1.3 Décision Chiasson c. Fillion de la Cour supérieure…………………………………………

53

La Cour suprême du Canada……………………………………………………………………………………..

72

53 67 71

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6.3

En Ontario…………………………………………………………………………………………………………………..78 6.3.1 Abolition de la grille des frais (Costs grid)………………………………………………78 6.3.2 Consultation sur la Règle 49…………………………………………………………………… 79

PARTIE III - LES RECOMMANDATIONS CHAPITRE 7 – L'ATTRIBUTION DES COÛTS DE LITIGE………..…………………………………………..

84

Recommandation préliminaire: le Tarif doit être actualisé ………………………………………. Les autres recommandations ………………………………………………………………………………………

84 98

CHAPITRE 8 – LES DOMMAGES EXEMPLAIRES………………………………………………………………..

120

CHAPITRE 9 – L’ATTRIBUTION DES COÛTS DE LITIGES COMME MÉCANISME POUR FAVORISER LE RÈGLEMENT………………………………….

122

CHAPITRE 10 – LE FINANCEMENT DES LITIGES………………………………………………………………

128

7.1 7.2

CHAPITRE 11

UNE ÉTUDE ÉCONOMIQUE ET SOCIOLOGIQUE …………………………………… 131

CHAPITRE 12- LES RECOMMANDATIONS DU COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE…. 133

CHAPITRE 13- LES AUTRES PISTES DE RÉFLEXION……………………………………………………….. 136

CONCLUSION …………………………………………………………………………….…………………………………………

140

INTRODUCTION

La justice est un enjeu social important dans notre démocratie. Elle est le fondement de toutes les règles de droit qui gouvernent les rapports des individus entre eux, ceux entre les individus et les entreprises ainsi que ceux entre les individus et l'État. La justice est à la fois préventive et réparatrice. L'accessibilité à la justice est un droit fondamental reconnu par l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne1.

Depuis plusieurs années, au Québec comme partout ailleurs au Canada et à travers le monde, des réformes prennent naissance en matière de justice afin de permettre aux citoyens d'avoir un meilleur accès au système judiciaire. Au Québec, le dernier Sommet sur la justice a eu lieu en 19912 alors que la procédure civile a fait l'objet d'une réforme partielle mise en vigueur en 2003.

En février 2003, après avoir constaté une diminution importante du nombre de dossiers devant les tribunaux de droit commun, le Barreau de Montréal donne le mandat au Comité ad

hoc sur les frais d'étudier la question des dépens, des honoraires judiciaires et extrajudiciaires octroyés dans les tribunaux lors de recours civils. L'analyse porte donc essentiellement sur un aspect de la justice réparatrice sans pour autant aborder les questions reliées à l'Aide Juridique, à l'arbitrage, à la conciliation, à la médiation, aux règles de preuve et aux nouvelles règles de procédure.

En mai 2004, le Comité ad hoc sur les frais remet au Conseil du Barreau de Montréal son Rapport portant sur les modifications requises aux régimes de l'attribution des coûts de litiges, des dommages exemplaires, de l'incitation aux règlements raisonnables et expéditifs, et de financement de litiges3.

1 2

3

L.R.Q., c. C-12. Malgré le souhait exprimé par le bâtonnier Denis Mondor en début de mandat pour l'année 2004-2005, un Sommet sur la Justice n'a pas eu lieu. "La Justice, Quelle Justice" a toutefois été le sujet du dernier congrès annuel du Barreau du Québec. Ci-après appelé le Rapport.

1

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Le 19 et 20 août 2004, le Comité administratif mandate le Comité sur la procédure civile d'étudier les recommandations du Comité ad hoc sur les frais contenues au Rapport et de lui faire part de ses recommandations. Après douze mois de travaux, de rencontres et de réflexions, le Comité sur la procédure civile est en mesure de faire connaître sa position concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais dans le présent document. Ce dernier est divisé en trois parties:

Partie I:

La mise en contexte.

Partie II:

La consultation.

Partie III:

Les recommandations.

Les trois premiers chapitres faisant partie de la mise en contexte, portent sur la réforme de la procédure civile (Chapitre 1), l'accessibilité à la Justice (Chapitre 2) et le Rapport du Comité ad

hoc sur les frais (Chapitre 3).

La Partie II est composée des chapitres suivants: Les démarches du Comité sur la procédure civile (Chapitre 4), les positions (Chapitre 5) et les récents développements (Chapitre 6).

La Partie III est divisée en sept (7) chapitres, dont les cinq (5) premiers correspondant aux cinq (5) sections de recommandations du Rapport, l'ordre de présentation étant la même: Chapitre 7:

L'attribution des coûts de litiges.

Chapitre 8:

Les dommages exemplaires.

Chapitre 9:

L'attribution des coûts de litiges comme mécanisme pour favoriser le règlement.

Chapitre 10: Le financement des litiges. Chapitre 11: Une étude économique et sociologique. Chapitre 12: Les recommandations du Comité sur la procédure civile. Chapitre 13 : Les autres pistes de réflexion. 2

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Il est bon de noter que relativement aux chapitres 7 à 10, pour une meilleure compréhension et référence rapide, chacune des recommandations du Comité ad hoc

sur les frais est

reproduite dans un tableau qui énonce également la position du Comité sur la procédure civile à l'égard de cette recommandation. Lorsque jugés nécessaires, des commentaires additionnels sont fournis à la suite du tableau synthèse afin de préciser la position du Comité sur la procédure civile.

Avant d'aborder la question des frais, le Comité sur la procédure civile tient à remercier tous les bâtonniers, les avocats et les différents comités aviseurs du Barreau du Québec qui ont alimenté cette réflexion de leurs précieux commentaires.

3

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PARTIE I - LA MISE EN CONTEXTE

CHAPITRE 1 – LA RÉFORME DE LA PROCÉDURE CIVILE AU QUÉBEC

Le 4 juin 1998, le ministre de la Justice M. Serge Ménard crée un Comité de révision de la procédure civile. Les membres de ce comité sont : Me Denis Ferland, président du Comité; L’honorable Jean Marquis, juge à la Cour supérieure; L’honorable Danielle Côté, juge à la Cour du Québec; Me Suzanne Vadboncoeur, représentante du Barreau du Québec; Me François Bousquet, représentant du Barreau du Québec; Me Hubert Reid, représentant du milieu universitaire; Me Pierre E. Audet, représentant du ministère de la Justice4; Me Claude Bouchard, représentant du ministère de la Justice5.

Cette révision a pour principal objectif de rendre la justice plus accessible, moins coûteuse. Afin de permettre la participation des juges et des avocats aux travaux de ce comité, plusieurs sous-groupes de travail sont créés dont le sous-groupe de travail 4 sur les dépens6. Après plusieurs réunions, le sous-groupe de travail 4 fait les recommandations suivantes :

«De l’ensemble des discussions, les membres du sous-groupe réitèrent leur position et proposent un régime d’attribution des dépens selon les règles suivantes : 1.

Règle générale : les dépens sont fixés suivant un tarif fixe;

2.

Codifier la pratique en matière matrimoniale, il n’y a pas de dépens sauf cas exceptionnel.

3.

Prévoir que des honoraires spéciaux ou additionnels peuvent être octroyés par le juge en tenant compte de critères non limitatifs s’inspirant notamment des règles de la Cour fédérale et des règles de l’Alberta.

4

A remplacé Me Marie-Josée Longtin, en cours de mandat. A remplacé Me Me Jean-Yves Bernard, en cours de mandat. 6 Sont membres du sous-groupe de travail 4 : l’Honorable juge François Rolland, Juge à la Cour supérieure, Me Luc Hinse, Me Virgile Buffoni, Me André Gauthier, Me Pierre Ouellet, Me Mark Peacock, Me Gaston Pelletier, Me Robert Mongeon, Me Yves-Marie Morissette. 5

4

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

4.

La possibilité pour le tribunal dans des circonstances exceptionnelles et en appréciant le caractère raisonnable, de condamner une partie au paiement à titre de dommages-intérêts des honoraires et débours extrajudiciaires engagés par l’autre partie. Ce débat se ferait dans le même dossier que la demande principale et devant le même juge et sans échange de procédure; le débat suivrait les règles ordinaires de l’audience publique. Ce nouveau débat surviendrait après le jugement final.

5.

De préciser que le tribunal, peut, dans des circonstances exceptionnelles et en appréciant le caractère raisonnable, condamner un procureur au paiement des dépens dans les cas de procédures abusives.

6.

Concernant la condamnation de l’avocat aux dépens en cas d’abus de procédures, certains croient que cette question doit demeurer à la connaissance du droit disciplinaire; les membres du sous-groupe en viennent à la conclusion que la sanction de l’abus de procédures par un procureur fasse l’objet d’un litige entre la partie elle-même et son procureur; l’autre partie étant exclue du débat. Ce débat se ferait également selon les règles énoncées plus haut, lorsqu’une partie a été condamnée au paiement à titre de dommages-intérêts, des honoraires et des débours extrajudiciaires engagés par l’autre partie, la partie se retournant par la suite contre son procureur.

7.

Les membres du sous-groupe espèrent que le nouveau mode de gestion d’instance rendra cette mesure exceptionnelle.»

Parallèlement, le Comité sur la procédure civile du Barreau du Québec est informé régulièrement des travaux du Comité de révision de la procédure civile par les représentants du Barreau du Québec, Me Suzanne Vadboncoeur et Me François Bousquet. En février 2000, le Comité de révision de la procédure civile rend public un document de consultation. Le Barreau du Québec participe à cette consultation et dépose un Mémoire en septembre 20007 dans lequel il commente les deux propositions portant sur les dépens : «5.2.

Les dépens

[…] P.5-4

D’intégrer au code la règle concernant les honoraires spéciaux.

Le comité est favorable à cette proposition et recommande qu’il en soit de même des honoraires additionnels de façon à ce que le justiciable sache qu’il peut se voir imposer des honoraires spéciaux et des honoraires additionnels.

7

Mémoire sur le document de consultation intitulé « La révision de la procédure civile », septembre 2000.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Quant aux frais d’experts, il est souhaitable que ce soit le juge qui a entendu la cause qui en décide dans son jugement. Il n’appartient pas à l’officier taxateur d’apprécier l’utilité de l’expertise ou de la présence de l’expert en cour. P.5-5 De préciser que le tribunal peut, dans des circonstances exceptionnelles et en en appréciant le caractère raisonnable, condamner une partie au paiement, à titre de dommages-intérêts, des honoraires et débours extrajudiciaires engagés par l’autre partie. Le comité est favorable au principe de cette proposition mais considère qu’elle est incomplète. Bien que ce ne soit pas dans le contexte d’une procédure manifestement mal fondée, une telle possibilité de condamner une partie à des dommages-intérêts devrait s’inspirer de l’article 75.2, adapté au jugement final : cette condamnation serait prononcée sur demande et non d’office, pour sanctionner la conduite ou une procédure abusive ou dilatoire d’une partie; ces dommages-intérêts pourraient prendre la forme d’honoraires extrajudiciaires mais pas nécessairement et le montant, s’il n’est pas établi au moment de rendre jugement, pourrait être déterminé plus tard sur requête adressée au tribunal. Une telle condamnation ne doit toutefois pas être confondue avec le recours en dommagesintérêts pour abus de droit.» 8

En juillet 2001, le Comité de révision de la procédure civile soumet au ministre de la Justice M. Paul Bégin son rapport intitulé « Une nouvelle culture judiciaire »9. Le Rapport Ferland contient plusieurs recommandations. En matière de dépens, le Comité de révision de la procédure civile précise : «Le mandat du Comité ne s’étend pas à une révision de la tarification des droits de greffe, frais et honoraires judiciaires ni aux honoraires extrajudiciaires des avocats. Le Comité est toutefois préoccupé par les coûts de justice et il invite les autorités compétentes à examiner cette question.»

Néanmoins, malgré cette réserve, le Comité de révision de la procédure civile fait les recommandations suivantes : «5.2.1. L’attribution et la détermination des dépens 5.2.1.1. La règle générale Au cours de ses délibérations, le Comité s’est penché sur diverses options pouvant régir les dépens, par exemple celles voulant que chaque partie paie ses frais ou encore que les dépens comprennent les honoraires et débours extrajudiciaires. Toutefois, l’étude de ces autres options n’a pas démontré leur supériorité sur les règles actuelles du Code. 8

9

Mémoire du Barreau du Québec sur le document de consultation intitulé « La révision de la procédure

civile », septembre 2000, p. 28. Ci-après le «Rapport Ferland».

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

[…] Le Comité recommande donc : R.5-5

D’inviter les autorités compétentes à examiner les coûts de la justice civile, en particulier, les frais d’expertise, les différentes tarifications de droits de greffe, de frais et d’honoraires judiciaires.

R.5-6

De maintenir la règle actuelle en matière d’attribution des dépens.

R.5-7

D’inscrire dans le code la liste des catégories de frais inclus dans les dépens.

R.5-8

De préciser dans le code que les frais d’expertise incluent la rédaction du rapport, la préparation du témoignage et le temps consacré par l’expert à la Cour et que leur attribution et la détermination de leur montant relèvent du pouvoir discrétionnaire du tribunal et non pas du greffier.

R.5-9

D’intégrer dans le code les règles, prévues au tarif, concernant l’honoraire spécial et l’honoraire additionnel.» 10

En novembre 2001, le ministre de la Justice dépose le projet de loi 54 portant réforme du Code

de procédure civile (Phase I). Ce projet de loi ne respectant pas certaines recommandations formulées au Rapport Ferland, est fortement critiqué par le Barreau du Québec.

Le 13 juin 2002, le ministre de la Justice dépose un Document de consultation intitulé «Mesures visant à instituer un nouveau Code de procédure civile et comportant une

proposition quant aux deux premiers livres de ce Code.»

En août 2002, le Barreau du Québec dénonce dans un Mémoire11 concernant ce Document de consultation la fragmentation de la réforme et conclut : «Afin d’éviter que les justiciables n’aient à payer les frais des longs débats que ne manqueront pas d’engendrer cette confusion et ces difficultés d’interprétation, il serait essentiel et primordial que le gouvernement envisage plutôt l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile en un seul bloc. Maintenant que l’essentiel de la réforme est devenu loi (Loi 54) et sera en vigueur à compter du 1er janvier prochain, on peut s’interroger sur l’urgence de ne présenter qu’une portion du nouveau code; ne vaudrait-il pas mieux prendre un peu plus de temps et présenter un projet de Code 10

Id., pp. 156, 157 et 159. Mémoire portant sur les mesures visant à instituer un nouveau Code de procédure civile et comportant une proposition quant aux deux premiers livres de ce code.

11

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

complet et de qualité afin de s’assurer d’une totale cohésion? L’adoption morcelée d’un nouveau Code ne servira personne.» 12

En février 2002, le Comité sur la procédure civile du Barreau du Québec en est à l’étude de la 3e version de ce Document de consultation (2 premiers Livres du nouveau Code de procédure

civile) remanié par le ministère de la Justice au moment où le ministre Normand Jutras accepte de ne plus scinder la Phase II de la réforme en deux parties et de proposer un projet complet de nouveau Code de procédure civile. Les nouvelles dispositions du Code de procédure civile entrent en vigueur en janvier 200313.

12 13

Id. p. 5. Article 181 de la Loi portant sur la réforme du Code de procédure civile.

8

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

CHAPITRE 2 - L’ACCESSIBILITÉ À LA JUSTICE Le Comité sur la procédure civile ne remet pas en cause les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Okanagan14 qui traite des principes traditionnels relatifs à l’attribution de dépens : «(1) Les principes traditionnels relatifs à l'attribution de dépens -- L'indemnisation de la partie ayant obtenu gain de cause La compétence des tribunaux d'ordonner le paiement des dépens afférents à une procédure judiciaire existe depuis fort longtemps. Les cours anglaises de Common law n'avaient pas de compétence inhérente pour statuer sur les dépens mais, dès la fin du 13e siècle, la loi leur a conféré le pouvoir d'adjuger les dépens à la partie gagnante. De plus, les cours d'equity détenaient une compétence entièrement discrétionnaire pour accorder les dépens au gré de leur conscience (voir M. M. Orkin, The Law of Costs (2e éd. (feuilles mobiles), p. 1-1). Dans le système juridique canadien moderne, ce pouvoir discrétionnaire fondé sur l'équité existe toujours et est reconnu par les diverses lois et règles de procédure civile provinciales, qui laissent la question des dépens à la discrétion de la cour. […] (2) L'attribution de dépens comme instrument de politique juridique Ces principes fondamentaux continuent à régir les règles de droit relatives à l'attribution de dépens dans les affaires où aucun facteur particulier ne justifierait qu'on y déroge. Le pouvoir d'adjudication de dépens demeure discrétionnaire, mais c'est un pouvoir discrétionnaire qui doit être exercé de façon judicieuse et il faut donc suivre les règles ordinaires relatives à cette question à moins que les circonstances ne justifient une approche différente. Depuis un certain temps, toutefois, les tribunaux reconnaissent que l'indemnisation de la partie victorieuse ne constitue pas le seul objectif et, dans certains cas, pas même l'objectif principal de l'attribution de dépens. […] À vrai dire, on peut aussi considérer que la règle traditionnelle d'adjudication des dépens est dictée par le souci général d'assurer le fonctionnement équitable et efficace du système judiciaire. Comme l'attribution des dépens transfère au perdant une partie des dépenses assumées par le gagnant au lieu de laisser à chaque partie le soin de supporter ses frais (comme c'est la pratique dans les ressorts où il n'existe pas de règles à cet égard), elle agit comme moyen dissuasif sur ceux qui pourraient être tentés d'en harceler d'autres par des demandes non fondées. Comme elle réduit dans une certaine mesure les dépenses du gagnant, elle rend le système juridique plus accessible aux parties qui cherchent à défendre une position valable en droit. Ces effets des règles traditionnelles peuvent être rattachés au souci de la cour d'exercer un contrôle sur sa propre procédure et de voir au déroulement efficace et juste de l'instance. En ce sens, ce souci se situe dans la ligne de l'évolution naturelle du droit de reconnaître les objectifs connexes d'intérêt public que favorise l'approche moderne de l'attribution des dépens. 14

Colombie-Britannique c. Bande Indienne Okanagan, [2003] 3 R.C.S. 371. Ci-après Okanagan.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

(3) Poursuites d'intérêt public et accès à la justice Autre considération pertinente pour l'application des règles d'attribution des dépens: l'accès à la justice.»

À cet égard, bien que le Comité sur la procédure civile constate que le système juridique est injuste en matière de dépens et que le Tarif des honoraires judiciaires des avocats15est désuet, il lui est impossible actuellement de se prononcer sur l’impact réel qu’aurait l’adoption des modifications proposées par le Comité ad hoc sur l’accessibilité à la justice. En d’autres termes, aucune étude socio-économique n’a été faite afin d’établir les facteurs qui rendent notre système de justice inaccessible. Les dépens sont-ils un facteur parmi plusieurs autres ? Les dépens sont-ils le facteur déterminant ? Présentement, le Comité sur la procédure civile n’a pas de réponse à ces questions. Ainsi, avant de recommander des solutions, le Comité sur la procédure civile est d’avis qu’il est primordial de connaître les causes qui expliquent les raisons pour lesquelles les citoyens n’exercent pas leurs droits en ayant recours aux tribunaux. En 1991, le Rapport Macdonald16 cible bien la problématique relative à l’accessibilité à la justice et fournit les préceptes de cette notion floue : «Lorsqu’il est question d’accessibilité à la justice, les sujets d’intérêt et les domaines d’intervention apparaissent quasi-illimités. Sur le plan pratique, on peut toutefois les regrouper sous deux aspects. L’accessibilité à la justice peut dans un premier temps être examinée dans son étendue la plus vaste possible. Dans cette optique, il faudrait alors considérer les questions de fond, c’est-à-dire interroger les règles de droit ellesmêmes. Notre intérêt se porterait alors sur des sujets aussi fondamentaux que la liberté contractuelle, la responsabilité civile, le droit de propriété pour ne mentionner que ceuxlà. Dans certains mémoires reçus, ont a d’ailleurs exprimé le souhait de voir le Groupe de travail intervenir sur certaines questions reliées à la norme juridique. Dans un deuxième temps, l’accessibilité à la justice peut aussi être considérée sous son aspect procédural. Il s’agit alors d’identifier les mesures qui doivent être mises de l’avant pour faciliter la reconnaissance des droits pour faire en sorte que l’accessibilité soit effective et réelle. La lecture attentive du mandat suggère fortement que l’aspect procédural doit être privilégié même si indéniablement la notion d’accessibilité à la justice couvre une réalité plus étendue. Par conséquent, les questions de fond ne seront pas en principe abordées dans le cadre du présent rapport, laissant à d’autres forums le soin de les considérer. 15 16

R.R.Q., B-1, r.-13, ci-après le Tarif. GROUPE DE TRAVAIL SUR L’ACCESSIBILITÉ À LA JUSTICE, Jalons pour une plus grande accessibilité à la justice, ministère de la justice, juin 1991.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Sous son aspect procédural, l’accessibilité à la justice comporte deux volets : l’accès aux institutions d’une part, et d’autre part, l’accès à l’information juridique. L’accès aux institutions, c’est notamment la possibilité d’avoir recours aux tribunaux judiciaires et administratifs. Ce n’est, en effet, que dans la mesure où toutes les personnes ont un accès égal aux institutions chargées de faire appliquer les lois que peut se concrétiser la règle de l’égalité de toute personne devant la loi. La reconnaissance de ses droits passe le plus souvent par le recours aux tribunaux judiciaires comme la Cour du Québec et la Cour supérieure, ou encore aux tribunaux administratifs comme la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et la Commission des affaires sociales. L’égalité de toute personne devant la loi implique non seulement une reconnaissance par les tribunaux de ses droits, mais également la possibilité de recourir aux services de professionnels du droit (avocat ou notaire) et d’auxiliaires de la justice (experts, médiateurs, etc). La pratique enseigne en effet que sans le secours de ces personnes, le recours aux tribunaux est trop souvent aléatoire. L’accès à la justice c’est enfin, dans une perspective plus globale, l’accessibilité au droit par la connaissance de ses droits et obligations, la vulgarisation de l’information juridique et la connaissance qu’ont les justiciables des mesures mises à leur disposition pour faciliter la reconnaissance de leurs droits. La décision de se présenter ou non devant les tribunaux ou encore d’avoir recours aux services d’un professionnel du droit est intimement liée à la connaissance de la loi et des recours disponibles pour faire valoir ses droits. L’accès à l’information juridique est donc un pré-requis. Mieux renseignée, la personne concernée pourra reconnaître que son problème comporte un aspect juridique. Par la suite, cette personne pourra adéquatement identifier la nature de son problème d’ordre juridique. Mieux encore, elle pourra prévenir et tenter d’éviter les situations susceptibles de l’amener devant les tribunaux. Elle sera également en mesure de connaître les diverses possibilités pouvant l’aider à résoudre son problème, que ce soit l’assistance fournie par un organisme public ou le recours à la médiation, la conciliation ou l’arbitrage. L’information et l’éducation juridique sont des éléments clés de l’accessibilité à la justice. Règle de droit reconnue, l’accessibilité à la justice demeure donc pour une partie de la population un concept abstrait sans grande emprise sur la réalité quotidienne. La route qui mène à la justice lui semble donc longue, coûteuse, intimidante, parfois même parsemée d’embûches presque insurmontables à ses yeux.»17

Dans le Rapport Ferland de juillet 2001, le Comité de révision de la procédure civile explique avoir envisagé de tenir une enquête sociologique sur les attentes des citoyens face à la justice : «2.3.1. La pertinence sociale Afin de mieux connaître le contexte social dans lequel la révision du Code de procédure civile s’inscrit, le Comité a d’abord envisagé la tenue d’une enquête sociologique sur les attentes des citoyens face à la justice. Ce projet n’a cependant pu être réalisé en raison des coûts importants liés à une telle enquête et de la difficulté de l’arrimer à la durée du mandat et au calendrier de travail du Comité. Le Comité a toutefois rencontré des sociologues ainsi qu’un historien du droit, soit les professeurs Jean-Guy Belley, Pierre Noreau, Guy Rocher et Sylvio Normand. Ceux-ci ont 17

Id., pp. 4, 5 et 6.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

exposé leur point de vue sur les éléments ayant provoqué l’émergence d’une réalité sociale nouvelle, sur les causes probables de la désaffectation des tribunaux par les justiciables ainsi que sur la nécessité d’un changement de mentalités chez ces derniers, les avocats et les autres intervenants du système judiciaire. Le Comité tient à les remercier de leur contribution. Dans la poursuite du même objectif, le Comité a pu bénéficier d’une étude préparée par le professeur Jean-Guy Belley, titulaire de la Chaire Sir William C. Macdonald de la Faculté de droit de l’Université McGill, intitulée Proposition de principes généraux pour le prochain Code de procédure civile du Québec. Ce document vise «à énoncer et justifier des principes qui expliciteraient la conception générale du système de justice civile et la place des tribunaux judiciaires au sein de ce système». Le Comité a enfin pris connaissance de certaines données statistiques confectionnées à partir de l’information tenue sur support informatique par les greffes des tribunaux. Bien que ces données soient parcellaires, le système de cueillette d’informations ayant été conçu il y a près de 30 ans à des fins de gestion plutôt qu’à des fins statistiques, elles constituent néanmoins des indicateurs de tendances venant soutenir le processus de révision. Le Comité remercie le personnel des Services de justice du ministère de la Justice pour sa précieuse collaboration à la cueillette des ces informations.18 »

Le 10 février 2005, Me Julius Grey transmet au bâtonnier Denis Mondor un article qu’il a rédigé en collaboration avec Me Geneviève Coutlée et Me Marie-Ève Sylvestre : «Access to

Justice and the New Code of Civil procedure»19 dans lequel les auteurs décrivent la problématique de l’accessibilité à la justice comme suit : «The problems which led to a hardening of procedural and technical rules were real. There was a palpable degree of dissatisfaction both with the delays and with the costs of litigation. This was evident both among those who did not have the means, who manifested an increasing alienation from the system of justice, and those who did and who relied instead on systems of commercial arbitration and mediation. Pierre Noreau explains this phenomenon: Un rapide coup d’oeil sur le rapport annuel produit par la Direction générale des services judiciaires (ancienne Direction générale des greffes) du ministère de la Justice suffit à s’en convaincre. En effet, contrairement aux problèmes soulevés par plusieurs observateurs lors du Sommet de la justice ou au cours de la même période, le problème de l’engorgement des tribunaux et des délais a paradoxalement fait place actuellement à un autre problème : la désertion graduelle de l’institution judiciaire.20»

18

Rapport Ferland, p. 4-5. Me Ferland, membre du Comité sur la procédure civile et président du Comité de révision de la procédure civile, a pu préciser qu’à l’époque, la demande de budget des sociologues rattachés au Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal concernant la tenue d’une enquête sociologique, dépassait la somme de 300 000$. 19 (2004) 38 R.J.T. 711 à 758. 20 Id., p. 745.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Appelé à se pencher sur le Rapport du Comité ad hoc, le Comité sur la procédure civile a pris soin de ne pas perdre de vue cet enjeu global. Ainsi, le Rapport du Comité ad hoc doit être analysé conjointement à d’autres questions reliées à l’accessibilité à la justice qui sont présentement soulevées21, soit notamment : •

Le budget du gouvernement québécois consenti au système de justice.



Les impacts de la réforme de la procédure civile qui est commencée depuis janvier 2003.



La Phase II de la réforme du Code de procédure civile.



La réforme de la justice administrative qui est suspendue.



La question de la rémunération des juges.



La remise en cause des conditions dans lesquelles les procureurs de la couronne pratiquent.



La révision de l’Aide juridique.22



L’exécution des jugements aux Petites créances.



L’augmentation des frais judiciaires.



L'unification des tribunaux de première instance23.

Par ailleurs, ayant pour mission la protection du public, le Barreau du Québec doit prendre les précautions qui s’imposent avant de recommander l’adoption de nouvelles mesures visant à faciliter l’accès à la justice qui pourraient avoir des effets inverses. Enfin et tel que déjà mentionné dans la note de service du 13 octobre dernier et au rapport d'étape du 6 décembre 2004, le Comité sur la procédure civile sera en mesure de se prononcer 21

22

À ce sujet, voir également l’article «Access to Justice and the New Code of Civil procedure», op. cit., note 13, aux pages 746 à 757 qui expose plusieurs pistes de solution au problème de l’accessibilité à la justice. Lors du Congrès annuel du Barreau du Québec 2005, la plénière a portée sur l’accessibilité à la justice. Le ministre de la Justice , Yvon Marcoux, a souligné l’excellent travail du Groupe de travail sur la révision du régime d’Aide juridique au Québec et a déclaré : «Nous

étudions présentement les modalités et les impacts, mais nous nous engageons à revoir à la hausse ces seuils d’accessibilité, demeurés depuis trop longtemps inchanchés». (Voir l’allocution du ministre Marcoux disponible sur le site Internet du ministère de la Justice et l’article de Yves Lavertu «Après un quart de siècle de statu quo, le ministre de la Justice annonce une baisse des seuils d’admissibilité à l’Aide juridique», Journal du Barreau, vol. 37, no 11.). À ce jour, le gouvernement du Québec n’a pas fait d’annonce officielle sur cet

23

engagement. COUR DU QUÉBEC, "Une réforme judiciaire axée sur le citoyen", Rapport du Comité de réflexion et d'orientation sur la justice de première instance au Québec, avril 2005.

13

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

sur les impacts réels des modifications proposées par le Comité ad hoc uniquement après avoir obtenu une étude de nature socio-économique sur cette question.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

CHAPITRE 3 - LE RAPPORT DU COMITÉ AD HOC SUR LES FRAIS DU BARREAU DE MONTRÉAL

Le 19 février 2003, le Barreau de Montréal confie le mandat suivant au Comité ad hoc sur les frais : «Étudier, au sens large, le tarif des honoraires judiciaires, la question des dépens et l’opportunité d’octroyer des honoraires extrajudiciaires à l’une des parties dans des causes civiles et d’en faire rapport au Conseil.»

Le Rapport est remis au Conseil du Barreau de Montréal en mai 2004 et une version corrigée est déposée le 2 septembre 2004. Il s’agit d’un rapport étoffé, sérieux de la part des membres24 du Comité ad hoc sur les frais qui ont fait un travail remarquable. L’ensemble des recommandations se retrouve au Chapitre VII Recommandations, aux pages 206 à 218 du Rapport. D’emblée, le Comité sur la procédure civile souligne que le Rapport vise non seulement la révision des dépens et du Tarif, il vise également des modifications importantes ou carrément l’introduction de nouvelles dispositions en matière de : L’attribution des coûts de litiges ; Des dommages exemplaires ; De l'incitation aux règlements raisonnables et expéditifs ; De financement de litiges. Bien que le Rapport traite de questions touchant la procédure civile, il traite également de certains principes de droit substantiel. Entre autres, il remet en cause les principes énoncés par la Cour d’appel dans l’arrêt Viel

25

et maintenus par la Cour suprême du Canada dans

l’arrêt Néron26 en matière d’attribution des coûts de litiges. Il modifie aussi les règles en matière de dommages exemplaires. Il vise également à amender l’article 1621 du Code civil du 24

Me Mark G. Peacock, président du Comité, Me Robert Paradis Charlton, Me Leonard Seidman, Me David Collier, Me Claudette Dagenais, le bâtonnier Francis Gervais, Me Sylvain Lussier, Me Allan M. Stein, Me André Ménard, Me Yoine Goldstein, Me Eva Petras et Me Christian Tremblay. 25 Viel c. Entreprises Immobilières du Terroir Ltée, R.E.J.B. 2002-31662 (CA).

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Québec et enfin les dispositions du Code civil du Québec, en matière d’offres réelles et consignation et de frais engagés. Le 10 décembre 2004, Me David Collier, membre du Comité ad hoc sur les frais, présente le Rapport au Conseil général du Barreau du Québec. Suite à cette présentation, le Comité administratif du Barreau du Québec adopte la résolution suivante le 13 janvier 2005 :

CONSIDÉRANT que le Comité ad hoc sur les frais du Barreau de Montréal a produit son rapport; CONSIDÉRANT qu'il a été convenu de former un groupe de travail sur l'accessibilité à la justice pour discuter de la simplification de la procédure civile, de la gestion de l'instance et de la question des dépens suite au dépôt de ce rapport du Comité ad hoc sur les frais du Barreau de Montréal; CONSIDÉRANT que les organismes suivants seront représentés: la Cour d'appel du Québec; la Cour supérieure du Québec; la Cour du Québec; Barreau du Québec; Barreau de Montréal; Barreau de Québec; Association des avocats et avocates de province; Association du Barreau canadien – division du Québec; CONSIDÉRANT qu'il y a lieu pour le Barreau du Québec de nommer deux représentants; De NOMMER le bâtonnier du Québec, Me Denis Mondor et Me André Roy (Joliette) pour représenter le Barreau du Québec au sein du Groupe de travail sur l'accessibilité à la justice.

Il est important de souligner que le Rapport a fait l’objet d’une couverture médiatique dans plusieurs journaux et émissions d’information publique.27

26 27

Gilles E. Néron Communications Marketing inc. c. Chambre des Notaires du Québec, 2004 CSC 53. Voir notamment l’article de M. Yves Boisvert à la une de La Presse du 6 octobre 2004 «Une justice «désuète» et inaccessible. Un comité du barreau de Montréal recommande des réformes majeurs»; l’article de M. Martin Boucher dans le Journal du Barreau du 1 octobre 2004, «Un système injuste et inéquitable».

16

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Enfin, le Comité sur la procédure civile félicite les membres du Comité ad hoc sur les frais qui ont reçu le 8 septembre 2005 la Médaille du Barreau de Montréal.

17

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

PARTIE II

LA CONSULTATION

CHAPITRE 4 - LES DÉMARCHES DU COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE Les 19 et 20 août 2004, le Comité administratif adopte la résolution suivante : «Sur proposition dûment appuyée, il est résolu :

CONSIDÉRANT qu'un Comité ad hoc sur les frais du Barreau de Montréal a produit un rapport en date du 7 mai 2004; CONSIDÉRANT qu'il y a lieu d'étudier les recommandations de ce rapport pour établir la position du Barreau du Québec; De MANDATER le Comité du Barreau sur le Code de procédure civile pour étudier le rapport et faire ses recommandations au Comité administratif le plus rapidement possible; De MANDATER le Service des communications et le Journal du Barreau de faire un article dans un prochain numéro sur le rapport; et De PORTER à l'ordre du jour de l'assemblée des membres du Conseil général du 30 septembre à Val-d'Or pour information seulement et de viser comme objectif le Conseil général de 28 décembre pour décision.»

Suite à cette résolution, le Comité sur la procédure civile s’est réuni à plusieurs reprises : Le 9 septembre 2004; Le 7 octobre 2004; Le 3 novembre 2004; Le 2 décembre 2004; Le 13 janvier 2005; Le 16 février 2005; Le 23 mars 2005; Le 27 avril 2005; Le 12 mai 2005;

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Le 10 juin 2005; et Le 9 septembre 2005.

Le 9 septembre 2004, le Comité sur la procédure civile reçoit le Rapport du Comité ad hoc ainsi que la résolution du Comité administratif à ce sujet. Le 21 septembre 2004, Me Sylvie Champagne, secrétaire du Comité sur la procédure civile, informe le Comité administratif que le Comité sur la procédure civile invitera le bâtonnier Bernard Synnott et certains membres du Comité ad hoc afin que ces derniers présentent le Rapport. Le 7 octobre 2004, le Comité sur la procédure civile se réunit et discute du Rapport. De plus, lors de cette réunion, il reçoit le bâtonnier de Montréal, Me Bernard Synnott, ainsi que Me Robert Paradis Charlton, Me Mark Peacock et Me Léonard Seidman, membres du Comité ad

hoc sur les frais. Ces invités présentent et commentent le Rapport. Voici les points importants qui sont ressortis de la présentation du Rapport : •

Trois (3) comités se sont penchés sur cette question. Me David Collier, Me Paradis Charlton et Me Seidman étaient en charge de ces sous-comités.



Le Comité ad hoc sur les frais a travaillé pendant un (1) an sur le Rapport.



Les grands principes retenus sont exposés à la page 3 du Rapport.



Le Tarif tel que proposé par le Barreau du Québec en 1998 n’est pas suffisant. Actuellement, 5% à 6 % des honoraires et frais extrajudiciaires sont recouvrés par la partie méritoire ce qui constitue un frein à l’accès à la justice.



Selon le Comité ad hoc sur les frais, le justiciable devrait être en mesure de déterminer les coûts d’un litige à tous les stades. Présentement, aucun mécanisme ne lui permet de connaître avec exactitude si l’enjeu vaut la peine d’être débattu devant le tribunal.

28

Voir le suivi du C.A du 19 et 20 août 2004, résolution 122.

19

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005



Au Québec, il n’existe aucun mécanisme sur les offres raisonnables. Néanmoins, neuf (9) dossiers sur dix (10) sont réglés hors cour.



Des chiffres récents démontrent que les dossiers judiciaires sont en baisse partout au Québec.



Selon le Comité ad hoc sur les frais, la réforme doit se faire de façon globale. Elle doit viser la réforme du Code de procédure civile, du Code civil du Québec et du Tarif. Elle doit également mettre en place un mécanisme d’offre de règlement à l’amiable et, enfin, elle doit traiter du financement.



La stratégie proposée par le Comité ad hoc sur les frais est d’accorder aux tribunaux un pouvoir discrétionnaire plus grand et d’accorder à la partie méritoire qu’elle obtienne un remboursement plus important de ses frais extrajudiciaires. Pour ce faire, la règle de base serait que la partie méritoire pourrait recouvrer 60% des honoraires extrajudiciaires raisonnables. De façon exceptionnelle, une partie méritoire pourrait dans les cas prévus à l’article 477b) du Code de procédure civile (soit le projet de la loi préparé par Me Paradis Charlton) recouvrer 100% des honoraires extrajudiciaires.



Modifier l’article 477 pour y inclure l’article 477c) (projet de loi préparé par Me Paradis Charlton), ce qui rejoint le principe de la prévisibilité et de la proportionnalité.



Me Paradis Charlton souligne que nous sommes la seule juridiction au monde où les dépens n’appartiennent pas à la partie.



En ce qui a trait aux dommages exemplaires, Me Paradis Charlton explique que depuis l’arrêt Viel, les juges se servent de la Charte afin de condamner la partie adverse à des dommages exemplaires afin de compenser la partie méritoire pour ses frais extrajudiciaires.

20

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005



Quant au mécanisme d’offre de règlement à l’amiable, il est calqué sur la Règle 49 de l’Ontario.



Selon le Comité ad hoc sur les frais, il n’est pas question de modifier la notion de dépens. Il suffit tout simplement de faire des ajustements pour arriver à respecter le principe de la restitution intégrale.



Selon Me Seidman, les dossiers judiciaires seraient stables en Ontario. Il n’y aurait pas de désertion comme c’est le cas au Québec.

Suite à cette réunion, le bâtonnier Gervais, président du Comité sur la procédure civile, transmet une note de service le 13 octobre 2004 au Comité administratif afin de faire part de remarques préliminaires du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport. À cet égard, le Comité administratif émet le commentaire suivant :

«Le Comité sur la procédure civile présentera un rapport d'étape lors du prochain Conseil général en décembre. Relativement à la consultation auprès de d'autres comités du Barreau les membres du Comité administratif estiment qu'il n'ont aucune objection et qu'il est même de la responsabilité du Comité sur la procédure civile soit de consulter directement les comités envisagés ou de s'adjoindre quelques membres desdits comités pour approfondir les principaux enjeux qui peuvent également les concerner.»29

Le 3 novembre 2004, le Comité sur la procédure civile détermine l’ordre de priorité suivant lequel les recommandations formulées dans le Rapport devraient être analysées et convient de ce qui suit : -

Les quatre aspects doivent être analysés dans l’ordre suivant : 1. L’attribution des coûts de litiges; 2. L’incitation aux règlements raisonnables et expéditifs; 3. Le financement des litiges; 4. Les dommages exemplaires.

29

Voir le suivi du C.A. du 21 octobre 2004, numéro 187.2.

21

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

-

Une recommandation préliminaire doit être faite en ce qui a trait à certaines recommandations relatives à l’attribution des coûts de litiges.

-

Quant aux trois autres aspects et à certaines recommandations de l’attribution des coûts de litiges, le Comité sur la procédure civile doit identifier les questions sousjacentes et déterminer les comités du Barreau du Québec qui devront être consultés sur ces sujets.

-

En décembre 2004, un rapport d’étape doit être remis au Comité administratif afin de l’informer de la recommandation préliminaire du Comité sur la procédure civile et des prochaines démarches qui devront être accomplies avant d’être en mesure de faire d’autres recommandations.

Le 6 décembre 2004, le Comité sur la procédure civile remet au Comité administratif un rapport d’étape. Le 9 décembre 2004, Me Donato Centomo et Me Sylvie Champagne, membres du Comité sur la procédure civile, présentent le rapport d’étape du Comité sur la procédure civile au Comité administratif. Conformément à la résolution du Comité administratif du 13 octobre 2004, Me Sylvie Champagne demande par écrit, le 20 janvier 2005, aux comités suivants, de prendre connaissance des recommandations du Comité ad hoc sur les frais contenues au Rapport et de faire parvenir au Comité sur la procédure civile leurs commentaires : -

Le Comité sur le droit de la famille;

-

Le Comité sur la justice administrative;

-

Le Comité sur le droit du travail;

-

Le Comité sur la législation et l’administration fiscales;

-

Le Comité sur les sûretés;

-

Le Comité sur les sociétés et les personnes morales;

-

Le Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile;

-

Le Comité de la pratique privée; 22

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

-

Le Comité sur le développement de la profession;

-

Me René Langlois, directeur du FARPBQ.

Le 17 février 2005, Me Sylvie Champagne invite les comités ci-haut mentionnés, à participer à une rencontre du Comité sur la procédure civile prévue le 23 mars 2005 afin d’échanger sur les différentes recommandations du Comité ad hoc sur les frais. Le 23 mars 2005, le Comité sur la procédure civile rencontre les personnes suivantes : -

Me René Langlois, directeur du FARPBQ;

-

Me Dyane Perreault et Me Raymond Lavoie, membres du Comité de la pratique privée;

-

Me Suzanne Pilon et Me Nicole Dufour, membres du Comité sur le droit de la famille.

Le 27 avril 2005, le Comité sur la procédure civile rencontre les personnes suivantes :

-

Me Marc Sauvé, Me Christine Jutras et Me Alain Létourneau, membres du Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile;

-

Me Marc Sauvé et Me Claude L’Écuyer, membres du Comité sur le droit du travail.

Le 2 mai 2005, Me Sylvie Champagne réitère la demande formulée les 20 janvier et 17 février aux comités suivants : -

Le Comité sur la justice administrative;

-

Le Comité sur le droit du travail;

-

Le Comité sur la législation et l’administration fiscales;

-

Le Comité sur les sûretés;

-

Le Comité sur les sociétés et les personnes morales;

-

Le Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile.

Le 12 mai 2005, Mme la bâtonnière Madeleine Lemieux, présidente du Comité sur le développement de la profession, participe à la réunion du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport. 23

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Le 17 mai 2005, Me Sylvie Champagne, secrétaire du Comité sur la procédure civile, transmet une note de service au Comité administratif afin d’en informer les membres, de l'évolution des travaux du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport.

Les 15 et 16 août 2005, des conférences téléphoniques concernant certaines recommandations du Rapport ont lieu auxquelles participent Me Pierre Cimon, Me Christine Jutras, Me Raymond Nepveu, Me Alain Létourneau et Me Marc Prévost, membres du Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile, et Me Sylvie Champagne, secrétaire du Comité sur la procédure civile.

Le 17 août 2005, une conférence téléphonique concernant une recommandation du Rapport a lieu à laquelle participent Me Claude P. Desaulniers, Me Paul Ryan, Me Martin Lord, Me Pierre Chabot, Me Joël Chouinard, Me Lucie Bélanger et Me Wilfrid Lefebvre, membres du Comité sur la législation et l’administration fiscales, et Me Sylvie Champagne, secrétaire du Comité sur la procédure civile.

Le 7 septembre 2005, une conférence téléphonique concernant une recommandation du Rapport a lieu à laquelle participent Me Nicolas Di Iorio, Me Gaston Nadeau, Me Daniel Rochefort, Me Claude L’Écuyer et Me Lyne Thériault, membres du Comité sur le droit du travail, et Me Sylvie Champagne, secrétaire du Comité sur la procédure civile.

Le 7 septembre 2005, une conférence téléphonique a lieu concernant une recommandation du Rapport à laquelle Me Paul Martel, Me Michel Demers, Me J. Lucien Perron et Me André Roy, membres du Comité sur les sociétés et les personnes morales, participent ainsi que Me Sylvie Champagne, secrétaire du Comité sur la procédure civile.

Le 9 septembre, le Comité sur la procédure civile se réunit et finalise la présente position.

24

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

CHAPITRE 5 - LES POSITIONS 5.1

Le Barreau de Montréal

Le 23 février 2005, le bâtonnier Bernard Synnott transmet au bâtonnier Francis Gervais, président du Comité sur la procédure civile, l’extrait du procès-verbal de la réunion du Conseil du Barreau de Montréal du 8 février 2005 qui circonscrit la position du Barreau de Montréal relativement au Rapport.30

Voici ce que le Barreau de Montréal propose : «IL EST PROPOSÉ DE : 1. Demander au Barreau du Québec de mettre en marche immédiatement le processus de révision du Tarif des honoraires judiciaires des avocats (le «Tarif») pour faire approuver, conformément à la loi, un tarif révisé, afin que, sujet à la discrétion balisée et motivée du tribunal en matière de dépens, ce nouveau tarif prévoit, d’une part, l’ensemble des actes que peut poser un avocat pour représenter les intérêts de ses clients et, d’autre part, reflète plus équitablement les véritables coûts des litiges y compris les honoraires extrajudiciaires des avocats. 2. Demander au ministre de la Justice du Québec de présenter dans les plus brefs délais un projet de loi à l’Assemblée Nationale ayant pour but d’amender le Code de procédure civile, et toute autre loi et règlement nécessaire pour donner effet aux recommandations suivantes : I.

Attribution des frais

(i) Qu’un comité permanent soit mis en place afin de faire des recommandations écrites et publiques concernant la révision du Tarif au moins à tous les quatre ans, ce comité devant être composé de représentants de la Magistrature, des Barreaux, du public ainsi que du ministère de la Justice du Québec; (ii) Que l’article 479 C.p.c. soit amendé afin de prévoir que les dépens appartiennent à la partie et non à son avocat; (iii) Que les articles 477 et 480 C.p.c. soient amendés afin de reconnaître au tribunal une discrétion motivée et balisée d’accorder des dépens supérieurs à ceux prévus au Tarif jusqu’à concurrence de certaines limites proportionnelles au montant ou à la valeur des questions en litige. II.

Mécanisme de règlement

(i) Que le Code de procédure civile soit amendé afin de prévoir un mécanisme pour favoriser les règlements raisonnables dans de meilleurs délais en accordant expressément au tribunal la discrétion d’attribuer les frais d’un litige en faveur de la partie 30

La résolution est jointe à l’Annexe 1 . Il est bon de noter que l’extrait a été modifié lors de la réunion du 28 avril 2005.

25

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

qui s’est vue refuser une offre de règlement raisonnable et qui a dû, suite à ce refus, encourir inutilement des frais additionnels; (ii) Que ces amendements tiennent compte de la législation et de l’expérience d’autres juridictions au Canada en pareille matière, sujet, cependant, au besoin d’assurer une bonne cohérence avec le droit civil québécois et à la nécessité de prévoir des balises et critères appropriés à l’exercice de la discrétion du tribunal. III.

Dommages exemplaires

(i) Que la loi soit amendée afin de permettre l’octroi de dommages exemplaires dans les cas où une partie à des procédures judiciaires a ou aurait : (a) une conduite malveillante, arbitraire ou extrêmement répréhensible qui déroge nettement aux normes ordinaires de bonne conduite; et que (b) cette conduite répréhensible resterait autrement impunie ou que les autres sanctions disponibles ne permettent pas ou ne permettraient probablement pas de réaliser les objectifs de châtiment, dissuasion et dénonciation. (ii) Que la loi soit de plus amendée afin de prévoir que le montant des dommages exemplaires doit être raisonnablement proportionné afin de ne pas dépasser la somme nécessaire pour réaliser rationnellement l’objectif visé, eu égard, entre autres : (a) au préjudice causé; (b) à la gravité de la conduite répréhensible; (c) à la vulnérabilité relative des autres parties; (d) aux avantages ou bénéfices tirés par la partie condamnée; et (e) aux autres amendes ou sanctions infligées à la partie condamnée par suite de la conduite répréhensible en cause. IV.

Financement exceptionnel

(i) Que le Code de procédure civile soit amendé afin de reconnaître le pouvoir discrétionnaire de la Cour supérieure, énoncé par la Cour suprême du Canada dans Okanagan31, et de l’étendre à la Cour du Québec et à la Cour d’appel du Québec, d’accorder exceptionnellement une provision pour frais, y compris les frais extrajudiciaires. »

5.2

Le Barreau de Saint-François

Le 30 novembre 2004, la bâtonnière Danielle Houle fait parvenir par courriel à Me Sylvie Champagne, les commentaires préliminaires du Comité sur la procédure civile du Barreau de Saint-François relatifs au Rapport.32

31 32

Colombie-Britannique (Ministre des forêts) c. Bande indienne Okanagan, [2003] 3 R.C.S. 371. Les commentaires sont joints à l’Annexe 2.

26

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Les commentaires préliminaires suivants résument bien la position du Comité sur la procédure civile du Barreau de Saint-François : «Sur ces quatre points, le rapport contient des recommandations qui, si elles étaient retenues dans leur ensemble, modifieraient le système actuel de façon radicale. De l’avis du présent Comité, les conséquences réelles du revirement proposé par le rapport sont difficiles à prévoir et elles pourraient bien dans plusieurs cas, en province mais aussi à Montréal, se traduire par une dissuasion encore plus grande du justiciable « ordinaire ». Ce Comité partage plutôt l’analyse de Orkin, reproduite à la page 91 du rapport33 selon laquelle les règles régissant l’attribution des dépens doivent permettre l’atteinte d’un équilibre. Les dépens doivent être suffisamment élevés pour décourager le recours à des procédures (en demande ou en défense) douteuses, déraisonnables ou inutiles mais le montant des dépens ne devrait être jamais si élevé qu’il décourage le justiciable de bonne foi d’avoir recours aux Tribunaux. Or l’effet des modifications proposées par le rapport sera souvent de décourager le justiciable de bonne foi, à moins qu’il ne soit très riche ou que son droit soit à ce point clair qu’un échec devant la cour soit impossible, ce qui est rare. Cependant, le présent Comité endosse partiellement les critiques formulées dans le rapport à l’endroit du système actuel, dans la mesure où celles-ci font ressortir que le point d’équilibre recherché n’est pas atteint. Contrairement au Comité ad hoc du Barreau de Montréal cependant, nous sommes fermement d’opinion que l’équilibre recherché ne peut pas être atteint utilement par le biais de réformes draconiennes. Il est largement préférable de procéder à des modifications législatives ou réglementaires mesurées et graduelles, permettant ainsi de monitorer sur une période de temps raisonnable leur effet sur la pratique judiciaire, sur l’équilibre entre les plaideurs et sur l’accès à la justice. Cette façon de procéder est la seule qui, selon nous, permettra d’améliorer efficacement le système actuel et d’éviter que le remède mis en place ne se révèle plus néfaste que le mal qu’il devait corriger.

I) L’ATTRIBUTION ENTRE LES PARTIES DES COÛTS DE LITIGES

Ce Comité ne croit pas qu’il faille retourner à l’ancienne méthode consistant à attribuer, en principe, les dépens sur la base de la totalité ou d’une quote-part des honoraires extrajudiciaires encourus par la partie adverse (le principe dit de la « succombance » selon le rapport, lequel précise que c’est à compter du milieu du 20ième siècle que la totalité des honoraires des avocats a cessé d’être incluse dans les dépens34). Cette méthode fait peser sur les épaules du justiciable moyen le risque très dissuasif d’avoir à payer les frais d’avocat élevés que la partie adverse plus fortunée n’a pas hésité à engager, à une hauteur qu’il n’a parfois même pas eu les moyens de se payer pour luimême. […]

33 34

Orkin, The Law of costs, 2e édition, décembre 2003, Canada Law Book inc., Toronto, p. 2-4 Rapport, annexe A, page 237.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Pour les mêmes raisons, la contestation de la constitutionnalité du tarif ainsi que de l’article 477 C.p.c. n’est ni utile ni opportune actuellement. Par contre, le présent Comité considère que le système actuel doit être amélioré en procédant aux modifications suivantes: a) que le tarif des honoraires judiciaires des avocats actuel soit augmenté immédiatement et révisé à tous les 4 ans; b) que l’article 15 du tarif soit modifié pour permettre l’attribution d’un honoraire spécial non seulement dans les causes jugées « importantes », mais dans tous dossiers qui selon la discrétion du Tribunal le justifient. Cette discrétion sera cependant balisée par des critères qui seront énoncées à l’article 15, au nombre desquels pourraient figurer l’absence de mérite où la témérité de la position soutenue par la partie qui succombe, les délais et les dépenses injustement soufferts par la partie qui a gain de cause, la situation financière respective des parties ainsi que la complexité de l’affaire. L’honoraire spécial ainsi accordé, lorsque perçu par le procureur, devra obligatoirement être appliqué d’abord au paiement des honoraires extrajudiciaires facturés à son client. c) que l’article 477 C.p.c. soit amendé pour permettre au Tribunal de condamner la partie qui succombe au paiement, en outre des dépens, de la totalité ou d’une partie des honoraires extrajudiciaires engagés par la partie qui a gain de cause, lorsqu’il y a eu abus soit au niveau du fond du litige, soit au niveau des procédures.

II) L’ÉTENDUE DU RECOURS EN DOMMAGES-INTÉRÊTS EXEMPLAIRES Ce comité est en substance d’accord avec une modification législative permettant aux tribunaux québécois d’octroyer des dommages-intérêts punitifs selon les critères établis par la Cour suprême dans l’affaire Whiten35. Le montant de ces dommages devrait par contre demeurer soumis à l’article 1621 C.c.Q. III) MÉCANISMES FAVORISANT LES RÈGLEMENTS EXPÉDITIFS ET RAISONNABLES Ce comité est en complet désaccord avec la mesure proposée. Celle-ci fait fi totalement de la dimension aléatoire d’un procès et de la difficulté corrélative de prévoir l’issue du procès. […] Finalement, le mécanisme proposé servira d’arme stratégique additionnelle dans l’arsenal du mieux nanti. Son adversaire se verra forcé d’accepter un règlement qu’il juge honnêtement insatisfaisant, sous peine de conséquences financières catastrophiques dans l’hypothèse, toujours possible, où le Tribunal ne lui donnerait pas entièrement raison. Ce type de règlement forcé est « expéditif », certes, mais au prix du sacrifice de l’accès à une justice de qualité pour tous les justiciables. Ceci n’est pas acceptable.

35

Whiten c. Pilot Insurance, [2002] 1R.C.S. 595

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

IV)

LE FINANCEMENT PAR UNE PARTIE BIEN NANTIE DES LITIGES MÉRITOIRES INITIÉS PAR UNE PARTIE DÉPOURVUE DE MOYENS

Ce Comité est d’accord avec l’objectif poursuivi à ce chapitre mais insiste pour que l’accès à ce mode de financement des litiges demeure, à cette étape-ci, exceptionnel.»

5.3

Le Barreau d’Arthabaska

Le 22 avril 2005, le Conseil du Barreau d’Arthabaska s’est prononcé sur le Rapport et est en accord avec la position énoncée par le Comité sur la procédure civile du Barreau de SaintFrançois.36

5.4

Le Barreau de Longueuil

Le 31 août 2005, le bâtonnier Pierre Bourbeau du Barreau de Longueuil transmet à Me MarieJosée Garneau, Présidente de l’AAP, les commentaires du Comité de droit civil relativement au Rapport sur les frais37: La première constatation du comité est à l'effet qu'il s'agit d'un document très recherché et dont l'analyse dépasse la capacité des membres bénévoles de ce comité. Le document est très volumineux et est basé sur l'analyse de nombreux précédents. Rien ne permet d'indiquer si des décisions auraient été omises de l'analyse puisqu'une telle conclusion demanderait de refaire en entier l'analyse de la jurisprudence sur le sujet. Les précédents étudiés paraissent cependant couvrir de façon extensive le sujet étudié. Le comité reconnaît l'aspect à première vue inéquitable de l'attribution des frais sur la base du tarif existant dans les litiges civils au Québec. Le comité reconnaît même que ce régime en apparence inéquitable peut défavoriser, dans certains cas, l'accès à la Justice pour certains justiciables. Le comité n'est cependant pas prêt à conclure que les recommandations proposées n'auraient pas le même effet sur d'autres justiciables; le comité est même d'opinion que cette réalité pourrait apparaître de façon plus évidente en région que dans les grands centres urbains, si les recommandations du comité devaient être entérinées intégralement. Il est donc apparu au comité qu'il serait absolument nécessaire de soumettre de telles recommandations à une étude approfondie de toutes les sections avant de les faire entériner par le Barreau du Québec. Certains forums pourraient être privilégiés à cette fin et, notamment, ceux qui regroupent les sections moins urbaines du Québec. Il appert aussi évident que ces recommandations font suite à celles de trois comités qui se seraient penchés sur la question depuis 1991: le rapport Macdonald (1991), le Sommet de la Justice (1992) et le rapport Ferland (2001). Il est donc évident que la question est complexe et requiert une étude approfondie de la situation et des solutions 36 37

Voir l’extrait du procès-verbal de l’assemblée régulière du Conseil du Barreau d’Arthabaska du 22 avril 2005 joint à l’Annexe 3. Ils sont joints à l'Annexe 4.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

disponibles; il serait imprudent d'endosser le présent rapport sans l'étudier de façon étendue et complète, et sans tenir compte de tous les facteurs en jeu. De façon préliminaire, les membres du comité ont exprimé des réserves sur certains aspects de la réforme proposée. Les réserves exprimées ci-dessous ne sont pas exhaustives et ne visent qu'à démontrer la nécessité d'une revue approfondie de la question avant de soumettre des recommandations qui auraient le soutien de toutes les sections. En résumé, ces réserves se décrivent ainsi: 1)

Comment sera-t-il possible de réconcilier les différences importantes de facturation entre les cabinets de la métropole et ceux des régions ? De façon subsidiaire, si les paramètres utilisés pour définir les nouveaux dépens tiennent compte de la réalité provinciale, dans quelle mesure cette nouvelle procédure allégera-t-elle le fardeau des justiciables ayant recours aux cabinets des grands centres urbains ?

2)

Y aurait-il lieu de considérer des solutions plus créatrices comme celles qui ont permis, après 25 ans, de favoriser l'éclosion des recours collectifs au Québec ?

3)

Les conséquences sur la pratique ont-elles été étudiées dans les cas où de nouvelles législations ont été implantées ? Ces nouvelles procédures ont-elles eu un impact sur le choix des procureurs par les justiciables ? Ces nouvelles procédures ont-elles empêché certains justiciables d'avoir recours au système judiciaire au profit d'autres justiciables qui y auraient recouru plus souvent ? Une telle approche favorise-t-elle l'accès à la justice pour une classe de citoyens aux dépens d'une autre ? Quel a été l'impact de tels changements sur la pratique des jeunes avocats accédant à la profession ?

4)

Si le cadre actuel semble favoriser le magasinage inter provincial des juridictions, de telles modifications auront-elles pour effet de favoriser l'introduction de procédures dans les grands centres urbains au détriment des juridictions établies dans les régions ?

5)

Si le comité a conclu que la Cour supérieure a probablement un pouvoir inhérent de passer outre à la législation sur le tarif des honoraires judiciaires (p. 129), pourquoi ce pouvoir n'aurait-il pas été invoqué plus souvent à ce jour ? Ne devons-nous pas y voir un témoignage éloquent quant aux risques potentiels d'adopter une solution sans avoir, au préalable, envisagé les conséquences à long terme d'une telle solution sur l'accessibilité à la justice ?

6)

Les remarques du comité relatives aux dommages exemplaires (p. 211) et aux offres et négociations (p. 212) risquent d'entraîner des modifications importantes, et même fondamentales, au contrat judiciaire; de plus, le comité est d'opinion que les recommandations soumises pourraient même, dans certaines circonstances, nuire au processus de médiation connu.

7)

Des dispositions particulières s'appliqueront-elles aux dossiers dans lesquels les procureurs agiraient aux termes d'un mandat d'aide juridique ou à titre de représentants de la Couronne ?

Par ailleurs, nous profitons de la présente pour saluer à notre tour le travail remarquable et colossal effectué par les membres du comité AD HOC sur les frais. 30

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

5.5

L’Association des Avocats et Avocates de Province

Le 24 mai 2005, Me Marie-Josée Garneau, présidente de l’Association des Avocats et Avocates de Province38 transmet par courriel à Me Sylvie Champagne les commentaires de l’AAP concernant le Rapport auxquels sont joints également les commentaires de Me Raymond Nepveu du Barreau de la Côte-Nord et les commentaires du Barreau de Saint-François.39

Précisant que les commentaires sont sommaires puisque l’étude du Rapport n’est pas terminée, voici les principaux commentaires de l’AAP : «La pratique du droit en province se démarque à plusieurs égards avec celle des grands centres, que ce soit au niveau de la gestion des bureaux, des relations avec les clients ainsi qu’à la façon de facturer. En effet, il est fréquent en région lorsque des justiciables confient un dossier en réclamation d’argent que l’avocat accepte de prendre le dossier à honoraires calculés selon un pourcentage de la réclamation en fonction du montant réclamé et que l’avocat prévoit en cas d’insuccès de la demande, un minimum pour couvrir ses frais. Il est donc plus rare de voir en province des justiciables s’appauvrir lorsqu’ils sont méritants dans leurs recours. Dans ces circonstances, il est plus facile pour le justiciable de connaître exactement les coûts qui seront engagés pour la poursuite d’un litige. Toutes les solutions proposées relativement à la succombance viennent modifier l’obligation du praticien pour en faire une de résultat plutôt qu’une de moyen, ce qui est inacceptable. En effet, que pourra conseiller le praticien lorsque le dossier qui lui est soumis comporte un point de droit qui n’a pas déjà été tranché ou lorsque ce dernier considère que le droit à déterminer n’est pas clair? Comment pourra-t-il conseiller son client sur les risques des honoraires raisonnables qu’il pourra supporter en cas de succombance? De plus, que sont des honoraires raisonnables? Sûrement pas la même chose en centre urbain qu’en région. Alors que les honoraires réclamés par les procureurs des grands centres peuvent être tout à fait raisonnables dans ce contexte, qu’en sera-t-il lorsque le dossier sera plaidé en région et que le justiciable opposant est représenté par un avocat des grands centres, où sera la raisonnabilité? L’actualisation et la révision régulière du tarif d’honoraires judiciaires par la suite ne serait-elle pas une solution suffisante comme le mentionne le Barreau de Saint-François? Ne serait-il pas à propos qu’il soit possible pour le Juge de doubler le mémoire de frais accordé à la partie méritante en considérant l’importance du dossier, la longueur et ainsi les cas de procédures abusives qui n’auraient pas été détectées au préalable.

38 39

Ci-après «AAP». Ils sont joints à l’Annexe 5 .

31

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

L’application systématique par les procureurs et les tribunaux des nouvelles règles de gestion de l’instance, de la conciliation et de la médiation, telles que suggérées par Me Neveu, ne sont-elles pas là également des pistes de solutions? L’association fait également siens les commentaires émis par Me Raymond Neveu du Barreau de la Côte-Nord ainsi que les commentaires émis par le Barreau de SaintFrançois, rapports qui sont d’ailleurs joints aux présentes et l’association profite de l’occasion pour les remercier pour leur contribution à ce dossier.»

Le 19 août 2005, Me Marie-Josée Garneau, présidente de l’AAP, confirme à Me Sylvie Champagne «que suite à une consultation des Barreaux de section, l’Association des Avocats

de Province n’aura pas de commentaires supplémentaires à faire quant au mémoire présenté par le Barreau de Montréal sur les frais judiciaires».40 5.6

Le Comité de la pratique privée du Barreau du Québec41

Le Comité de la pratique privée ne se prononce pas sur la question de l’attribution de dommages intérêts punitifs et exemplaires et sur la question du financement des litiges, estimant que ces questions doivent faire l’objet d’une réflexion particulière et indépendante de la question des dépens ou des honoraires judiciaires. Leur position42 remise au Comité de procédure le 23 mars 2005 précise ce qui suit :

A)

Le tarif judiciaire :

Le comité réitère les positions déjà avancées durant les 21 dernières années alors que le Barreau lui a confié la tâche de réviser le tarif judiciaire des avocats. Cette position est bien résumée dans le rapport préliminaire du Comité sur la procédure civile du 6 décembre dernier. Ainsi, le comité est d’avis de maintenir un tarif judiciaire de base applicable à tout litige, à savoir, le tarif proposé qui est actuellement devant les instances gouvernementales et qui fut adopté par le Conseil général. Ce projet de tarif pourrait toutefois être ajusté ou indexé vu le délai occasionné par les tergiversations du gouvernement.

40

La lettre de Me Garneau du 19 août 2005 est également jointe à l’Annexe 5. Les membres sont: Me Raymond Lavoie, président, Me Claude Bédard, Me François Belisle, Me Serge Bernier, Me Hélène BissonnetteChiquette, Me Claude Blanchard, Me Jean-Claude Dubé, Me Jean-Claude Dufour, Me Richard Guay, Me Myriam Lachance, Me Dominique Lavin, Me Jean Lazure, Monsieur le bâtonnier Denis Mondor, Me Richard Poitras, Me Etienne Ruel. 42 Elle est jointe à l’Annexe 6 . 41

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Ce tarif de base est accordé en vertu du principe de la succombance tout en laissant au tribunal le pouvoir de mitiger les frais. Nous demeurons d’avis qu’un tarif judiciaire trop élevé est de nature à décourager le citoyen de la classe moyenne (la majorité) d’exercer leurs recours et à freiner l’accès à la justice. Quant à l’absence de tarif, comme aux États-Unis, il pourrait occasionner des abus trop importants. Il faut laisser aux personnes la chance d’aller, de bonne foi, devant les tribunaux sans risquer la ruine financière si une demande est rejetée. Les réticences du gouvernement sur le projet actuel se fondent sur les montants suggérés qu’il trouve trop élevés. Dans ce contexte, comment penser que les propositions du Barreau de Montréal trouveront audience. Nous risquons ainsi d’en rester au tarif désuet actuel pour très longtemps.

B)

Les honoraires et frais d’expertises :

Le comité est d’accord que les frais et honoraires d’expertises utiles à la cause fassent partie du mémoire de frais.

C)

Honoraires spéciaux :

Le rapport du Comité ad hoc du Barreau de Montréal cite un certain nombre de cas où, même en cas de succès, le résultat des procédures judiciaires résulte en une injustice pour la partie qui gagne ou s’en retrouve appauvrie ou imputée gravement d’une indemnité suite à un dommage et ce, à cause des honoraires extrajudiciaires. Ces situations sont malheureusement réelles et on devrait pouvoir y remédier. Le comité suggère d’y arriver en instaurant un système d’honoraires spéciaux qui remplacerait ceux déjà prévus à l’art. 15 du Tarif des honoraires judiciaires et qui sont presque, actuellement, inapplicables et suscitent la réticence des tribunaux. Ce système viendrait du législateur et devrait prévoir les critères d’attribution, le montant maximum et le fait que lesdits honoraires spéciaux appartiennent au client. Les critères peuvent s’inspirer de ceux utilisés par la Cour fédérale et par l’art. 57.01 des règles de pratique de l’Ontario, en y ajoutant toutefois, la capacité financière des parties en cause. Le tout serait codifié.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

La demande d’honoraires spéciaux se ferait dès la procédure introductive d’instance ou en tout état de cause y compris verbalement à l’audition au fond et même après jugement s’il ne pouvait être prévu avant.

Quant au montant des honoraires spéciaux, il pourrait, selon le cas, atteindre un maximum soit le coût réel du litige incluant les honoraires extrajudiciaires.

D)

Honoraires d’avocats et déductions fiscales :

Le Comité de la pratique privée a suggéré, en 1992, lors du Sommet de la justice, que les honoraires d’avocats soient déductibles pour fin d’impôts, et ce, dans le but de donner un plus grand accès à la justice pour les particuliers.

Le gouvernement a refusé d’y acquiescer mais le Comité de la pratique privée y souscrit toujours.»

Certaines précisions de Me Raymond Lavoie suite aux questions de membres du Comité sur la procédure civile méritent d’être également soulignées : Le Comité de la pratique privée est unanime : il n’est pas d’accord avec le Tarif proposé par le Comité ad hoc sur les frais. Il ne croit pas que ce soit la solution pour donner un meilleur accès à la justice. Me Lavoie explique qu’en 1920, seuls les riches avaient accès aux tribunaux. Dans les faits, les parties ne payaient pas les avocats, ceux-ci étaient payés par le Tarif des

honoraires judiciaires. Aujourd’hui, tous les citoyens, même les pauvres et ceux issus de la classe moyenne, peuvent aller devant les tribunaux. Dans ces circonstances, le Comité de la pratique privée ne désire pas revenir en arrière. Bien que le Comité de la pratique privée ne soit pas contre la proposition du Comité ad

hoc sur les frais à l’effet de modifier l’article 479 du Code de procédure civile en reconnaissant que les dépens appartiennent au client, il ne croit pas que cette modification puisse changer la position du gouvernement sur la question de la majoration du Tarif.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

La désertion des tribunaux s’appliquerait en partie, selon Me Lavoie, par les coûts que génère un dossier. Il donne à titre d’exemple, les nombreuses vacations à la Cour.

5.7

Le Comité sur le droit de la famille43

Le 23 mars 2005, le Comité sur le droit de la famille expose au Comité sur la procédure civile sa position en rappelant que la pratique du droit en matière familiale diffère sur plusieurs aspects. Voici l’extrait du compte rendu de la réunion du 8 février 2005 du Comité sur le droit de la famille portant sur le Rapport : «Avant d’aborder spécifiquement chacun des sujets, les membres du comité croient que des remarques générales s’imposent. La pratique du droit matrimonial diffère à plusieurs égards de celle du droit civil. Cela s’explique principalement par la nature de la cause qui implique généralement des éléments émotifs qui influencent indéniablement l’issue de la cause. Par ailleurs, le principe de « gagnant-perdant » ne peut trouver application en cette matière. Enfin, les sujets traités sont tantôt d’ordre économique, tantôt d’ordre humain. Le Comité en droit de la famille du Barreau du Québec croit qu’il y a lieu de conserver cette distinction qui est de l’essence même du droit matrimonial. Les honoraires d’experts On ne retrouve généralement pas de condamnation au dépens en matière familiale. En cours d’instance et lorsque le faits le justifient, il est habituel de recourir à la provision pour frais pour couvrir par exemple, les coûts d’une expertise. À ce chapitre, les membres du Comité en droit de la famille considèrent que les sommes obtenues pour frais d’expertise devraient couvrir l’ensemble des coûts reliés à l’utilisation des services d’un expert. De plus, on ne doit pas limiter le recours des experts au seul domaine de la psychologie. Une adjudication des frais d’expertise à l’étape des dépens ne doit d’aucune façon limiter le droit de demander en cours d’instance une provision pour frais couvrant les coûts d’une expertise. Alors que la provision pour frais est d’utilisation immédiate, l’adjudication des dépens n’est ordonnée qu’à la fin du processus judiciaire. Or, en matière matrimoniale, l’équilibre des parties doit être maintenu. En cas de déséquilibre, l’utilisation de la procédure en provision pour frais en cours d’instance, permettra de rétablir la situation entre les parties. Les membres du Comité en droit de la famille soutiennent que la règle selon laquelle il n’y a pas de dépens en matière familiale, sauf circonstance exceptionnelle, devrait être

43

Les membres sont: Me Dominique Goubau, président, Me Jocelyn Verdon, Me Nathalie Madore, Me Christiane Lalonde, Me Suzanne Moisan, Me Josée Tremblay, Me Eva Petras, Me Suzanne Pilon, Me Elisabeth Pinard, Me Hugues Létourneau, Me José Turgeon, Me Pierre Valin, Me Yves Carrière

35

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

accompagnée d’une obligation pour le tribunal, qui exerce son pouvoir discrétionnaire, de motiver sa décision en toute circonstance. Il est convenu de maintenir la règle permettant au tribunal d’adjuger des dépens dans l’éventualité où la provision pour frais n’y pourvoit pas. Ainsi, nous suggérons de modifier la recommandation 1 a) en y ajoutant « à moins qu’ils n’aient été accordés dans le cadre d’une provision pour frais». Texte proposé de la recommandation 1D a) : Afin d’éviter tout débat additionnel devant les tribunaux au sujet des honoraires et débours d’experts, il serait préférable de désigner comme dépens les honoraires et débours d’experts, y inclus ceux encourus lors de, et dans la préparation pour l’audition de la cause, à moins qu’ils n’aient été accordés dans le cadre d’une provision pour frais. L’attribution des coûts de litiges en fonction d’offre de règlement comme mécanisme pour favoriser le règlement Les membres du Comité en droit de la famille sont d’avis que la procédure proposée ne peut trouver d’application en matière familiale pour tous sujets ne relevant pas du domaine purement économique. La question de l’attribution des dépens devrait être réservée qu’aux situations impliquant une attitude de mauvaise foi. La logique commerciale ne peut trouver application en matière familiale. Il serait dangereux d’établir des automatismes quant à la question de l’attribution des dépens. Les positions prises par les parties peuvent être dictées, surtout en début de mandat, par les émotions suscitées par les événements vécus par chacune d’entre elle. Il arrive qu’à ce stade des procédures la qualité de la raisonnabilité de la proposition puisse être discutée. Cependant, tous s’accordent pour dire que le temps amène souvent les parties impliquées à de meilleures dispositions. En résumé, les membres du Comité en droit familial du Barreau du Québec considèrent que la procédure proposée ne peut trouver d’application en matière familiale, sauf lorsqu’une preuve de mauvaise foi de l’une des parties ou de son procureur est accueillie par le tribunal.

Le financement des litiges Les membres du Comité en droit de la famille sont d’avis que les règles d’attribution actuelles en matière de provision pour frais doivent demeurer. Il est utile de se rappeler qu’en matière familiale, la provision pour frais revêt un caractère alimentaire. Par ailleurs, nous croyons que les critères d’application apparaissant au sousparagraphe a) et d) du paragraphe de la recommandation sont trop restrictifs. Le principe qui consiste à ordonner à une partie de payer à une autre partie une provision pour frais incluant les honoraires et frais extra-judiciaires des avocats et des experts, reçoit l’approbation du Comité en droit de la famille. Cependant, accepter de restreindre le champ d’application aux cas soumis par la recommandation proposée serait contraire à la pratique actuelle. Les règles actuelles d’attribution doivent être préservées sans aucune restriction. 36

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

La recommandation 4 B i) précise la procédure à suivre lors de la présentation d’une demande pour provision pour frais. Le Comité en droit de la famille est d’avis que la procédure actuelle en cette matière est adéquate et en conséquence, ne peut souscrire aux modifications proposées qui ont notamment pour effet d’alourdir le processus. Concernant la fixation du quantum de la provision, les règles actuelles en matière familiale tiennent compte des besoins et des moyens des parties. Le Comité en droit de la famille croit que ce critère doit demeurer en matière familiale. Par ailleurs, la possibilité qu’offre la condamnation à une somme globale de rétablir l’équilibre économique entre les parties, diminue les préoccupations que pourrait avoir le tribunal de chiffrer exactement le montant payable à titre de provision pour frais. La recommandation 4 B iii) prévoit un mécanisme d’utilisation de la provision pour frais qui a pour effet d’échelonner les déboursés selon les différentes étapes du processus judiciaire. En matière familiale, les sommes demandées et obtenues à titre de provision pour frais doivent pouvoir être utilisées immédiatement puisqu’elles visent des déboursés devant être encourus dès le paiement de la provision. Le Comité en droit de la famille est d’avis que le mécanisme envisagé ne peut s’appliquer aux litiges matrimoniaux.»44

Le 31 mars 2005, le Comité sur le droit de la famille répond à deux questions soumises par le Comité sur la procédure civile lors de la rencontre du 23 mars 2005: "1) Devrait-on codifier la pratique actuelle concernant l’attribution des dépens en matière familiale, à savoir, sauf circonstances exceptionnelles, aucun dépens n’est accordé. Le comité répond par l’affirmative à cette question en indiquant qu’il faudra s’assurer dans le libellé que le tribunal conserve sa discrétion d’accorder ou non de tels dépens. 2) Advenant la codification de la pratique actuelle, devrait-on prévoir, dans la disposition législative, la possibilité pour le juge de se prononcer sur l’adjudication des frais d’expertise, dans l’éventualité où il n’en aurait pas autrement décidé? Les membres du Comité en droit de la famille considèrent qu’en s’assurant dans le libellé de la disposition que la discrétion judiciaire du tribunal est préservée, la question des frais d’expertise serait couverte. On peut résumer la position des membres du Comité en droit de la famille, de la façon suivante : « En matière familiale, il n’y a pas de dépens sauf au tribunal d’exercer sa discrétion ».

44

Il est joint à l'Annexe 7.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

5.8

Le Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile45

Le Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile souligne la qualité remarquable de la recherche effectuée par le Comité ad hoc sur frais qui suscite présentement un débat intense sur la question des dépens. Avant de commenter certaines recommandations du Rapport, le Comité désire faire part de deux remarques préliminaires importantes :

Avec égards pour le Comité ad hoc sur les frais, le Comité est d’avis que le Rapport est basé sur une prémisse inexacte, c’est-à-dire que la partie qui succombe est fautive sauf exception. Chaque citoyen a le droit fondamental d’ester en justice. Il faut donc éviter à tout prix de pénaliser, par une condamnation au remboursement des honoraires extrajudiciaires de la partie adverse, la partie qui, bien qu’elle succombe, exerce en toute bonne foi son recours ou présente une défense sérieuse.

D’autre part, le Comité est d’avis que la question des dépens doit faire partie d’une réflexion plus globale portant sur l’accessibilité à la justice où il serait opportun d’examiner notamment l’efficacité et l’impact des règles de preuve et de procédure, des mécanismes de médiation et de conciliation, ou de la conférence préparatoire. En isolant la question des dépens, les solutions retenues risquent de ne pas engendrer les effets bénéfiques escomptés. En conséquence, le Comité estime que le Barreau du Québec doit être prudent avant d’adopter l’une ou l’autre des recommandations proposées par le Comité ad hoc sur les frais et ce, sans bénéficier, au préalable, d’une étude socio-économique sur les prémisses et les impacts de la mise en œuvre du Rapport.

45

Les membres sont: Me Pierre Cimon, Me Christine Jutras, Me Jacques Lemay, Me Alain Létourneau, Me Robert P. Godin, Me Marc Prévost, Me Raymond Nepveu, Me Pierre-Gabriel Jobin.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

L’attribution des coûts de litiges

Le Comité a pris connaissance des recommandations du Comité ad hoc sur les frais à ce sujet. Il ne peut, avec respect, souscrire à un tel bouleversement de notre système en matière d’octroi des dépens pour plusieurs motifs : Il faut préserver le droit du justiciable d’ester en justice; Il faut éviter de punir ou pénaliser celui qui veut, de bonne foi, ester en justice ou présenter une défense sérieuse; La succombance importante ou intégrale ne tient pas compte de la disparité importante des taux horaires des avocats. Le Tarif a notamment pour fonction de décourager le plaideur téméraire; il ne doit pas servir à nier le droit du justiciable d’avoir accès de bonne foi aux tribunaux judiciaires. Les justiciables n’ont pas, en général, les moyens financiers de payer une condamnation aux dépens qui représente la restitution intégrale ou importante des honoraires extrajudiciaires de la partie adverse. Il s’agirait de «déshabiller Paul pour

habiller Pierre». Aucune étude ne démontre que ces recommandations auront un impact positif sur l’accessibilité à la justice pour les justiciables.

Par ailleurs, le Comité partage certains constats du Comité ad hoc sur les frais, à savoir : Le Tarif est désuet et ne remplit plus son rôle de décourager tout plaideur téméraire; Les coûts de la justice sont importants pour les justiciables et l’étude socioéconomique devrait permettre de mieux comprendre pourquoi les justiciables délaissent le recours aux tribunaux.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

À la lumière de ce qui précède, le Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile recommande ce qui suit : Augmenter de façon significative, quoique progressive et modérée selon la classe d’action, le Tarif; Prévoir un mécanisme d’indexation triennale du Tarif par un comité aviseur indépendant; Modifier le Code de déontologie des avocats afin de prévoir une obligation pour l’avocat de remettre à son client les dépens taxés en vertu du Tarif; Étendre la discrétion du tribunal en matière de dépens afin de tenir compte des cas d’abus de droit46 et d’abus de procédure. Les dommages exemplaires Le Comité estime que la question des dommages exemplaires ne doit pas être étudiée dans le cadre de la présente réflexion portant sur les frais. Dans l'éventualité où le législateur étend la discrétion du tribunal en matière de dépens afin de tenir compte des cas d'abus de droit ou d'abus de procédure, la réflexion portant sur les dommages exemplaires devient inutile. Par ailleurs, au Québec, les dommages exemplaires ne sont pas compensatoires; ils servent plutôt à prévenir certains comportements indésirables. L’article 1621 du Code civil du Québec prévoit : 1621. Lorsque la loi prévoit l'attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive. Ils s'apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l'étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.

46

Voir à ce sujet les critères énoncés par l’honorable juge Claire L’Heureux-Dubé de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Banque Nationale c. Houle, [1990] 3 R.C.S. 122.

40

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Il n’est donc pas souhaitable de s’interroger sur le rôle des dommages exemplaires en droit québécois à ce stade-ci. Il serait même dangereux de faire un rapprochement entre l’utilité d’une condamnation à des dommages exemplaires et un meilleur accès à la justice. Qu’il suffise d’invoquer les exemples des condamnations américaines en telle matière pour s’en convaincre.

Ceci dit, le Comité croit que le débat sur la fonction des dommages exemplaires pourrait avoir lieu dans un autre contexte afin d’analyser l’ensemble des lois québécoises qui prévoient l’attribution de dommages-intérêts punitifs et procéder aux constats et aux recommandations qui s’imposent.

L’attribution des coûts de litiges comme mécanisme pour favoriser le règlement Le Comité n’est pas favorable à l’introduction au Code de procédure civile d’un mécanisme similaire à celui prévu à la Règle 49 des Règles de procédure civile de l’Ontario. Il n’est pas d’avis que le tribunal pourrait inférer du refus d’une offre, même celle jugée raisonnable au terme d’un procès, que la partie qui l’a refusée était de mauvaise foi ou a commis une faute.

Le Comité rappelle que le Code civil du Québec prévoit déjà le mécanisme des offres réelles et de la consignation47. Bien qu’il concède que ce mécanisme soit peu utilisé en pratique, il estime préférable de commencer par la modernisation de ce système afin de le rendre plus attrayant, mieux connu et ainsi favoriser les règlements à l’amiable. Le financement des litiges Actuellement, aucune source d’obligation générale n’existe en droit civil concernant une demande en provision pour frais, hormis celle en matière familiale qui a un caractère alimentaire.

47

Voir les articles 1573 à 1589.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Sans être en mesure de rattacher cette obligation à une source légale, le Comité considère qu’il serait extrêmement difficile de justifier une telle obligation pour une partie d’acquitter, avant jugement sur le fond d’un dossier, les frais extrajudiciaires d’une autre partie afin de financer son litige contre elle. Quant à une possible énumération de domaines qui pourraient donner ouverture à une demande de provisions pour frais, le Comité recommande d’éviter de référer à la qualité de la partie défenderesse et de s’en tenir à cibler les domaines généraux, tels que : Une demande en matière familiale; Une réclamation pour dommages corporels; Une réclamation pour salaire impayé ou pour congédiement illégal.

Enfin, le Comité ne nie pas l’existence du problème de plusieurs justiciables peu fortunés qui n’ont pas accès à l’Aide juridique et se voient confrontés à investir une somme d’argent important pour eux afin de faire valoir leurs droits. Néanmoins, d’autres solutions sont à explorer dont notamment l’assurance frais juridique.

En conclusion, le Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile est d’avis que la réflexion sur la question des frais doit être incluse à une réflexion plus globale concernant la problématique de l’accessibilité à la justice. Chacun des intervenants du système judiciaire, y compris la magistrature, doit prendre le temps de dresser un inventaire des irritants et tenter de trouver des solutions. Il n’existe pas de solution unique ou magique. Plusieurs pistes de solutions doivent donc être analysées et la participation active des justiciables à cette réflexion et à l’élaboration de quelque solution demeure, dans l’esprit du Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile, un élément tout à fait essentiel.

42

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

5.9

Le Comité sur les sûretés48

Le Comité sur les sûretés est en accord avec la recommandation 1. (O) Les articles 2667 et

2762 C.c.Q. devraient être amendés du Rapport et suggère de revenir aux textes originaux des articles 2667 et 2762 du Code civil du Québec , en changeant le mot «légitimement» de l’article 2667 pour le mot «raisonnablement».

5.10

Le Comité sur le droit du travail49

Le Comité sur le droit du travail a pris connaissance du Rapport et désire faire part des commentaires suivants.

Commentaires généraux : l’accessibilité à la justice et les relations de travail La philosophie des relations de travail repose sur une longue tradition à l’effet que chaque partie paie ses frais sauf exception. Cette règle existe partout au Canada tant dans les législations provinces que fédérales. Ceci s’explique en grande partie par le fait que les parties vont demeurer liées après une mésentente sauf en cas de congédiement pour cause juste et suffisante. Ainsi, un peu comme en matière familiale, plus souvent qu’autrement, il n’y a pas de véritable gagnant ni perdant. La réintégration d’un employé injustement congédié est un exemple parfait de la continuation des relations de travail suite à une litige entre les parties. Par ailleurs, à ce jour, les syndicats et le patronat n’ont pas manifesté le souhait de voir la philosophie modifiée en matière de dépens. À cet égard, il faut noter que les employés bénéficient déjà d’un large éventail de services facilitant leurs accès à la justice que ce soit par le biais des services de représentations couverts par syndicats ou par la Commission des normes du travail, de la simplification des procédures devant les tribunaux administratifs et de la facilitation de l’exercice de leurs recours par diverses mesures mise en œuvre par les organismes administratifs. 48

Les membres sont: Me Richard J. Claire, Me Michel Deschamps, Me Raymond Bélec, Me Paul Paradis, Me François Boisjoli, Me Robert P. Godin, Me Maxwell W. Mandelsohn, Me Louis Payette, Me Louis-Martin Dubé, Me Johanne Bérubé, Me Elizabeth Mitchell, Me Donald-A. Riendeau, Me Sterling Dietze, Me Marc Boisselle. 49 Me Pierre Pronovost, Me José Rondeau, Me Pierre Berge, Me Nicola Di Iorio, Me Gaston Nadeau, Me Daniel Rochefort, Me Théodore Goloff, Me Guy Wells, Me Claude L'Écuyer, Me François Leduc, Me Lyne Thériault.

43

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Le principe de la succombance Le Comité ad hoc sur les frais recommande ce qui suit : (I) Le principe de la succombance devrait s’appliquer devant d’autres tribunaux au Québec

(a) L'application possible des recommandations ci-haut mentionnées à d'autres tribunaux que la Cour d'appel, la Cour supérieure et la Cour du Québec devrait faire l'objet d'une autre étude en consultation avec les personnes et tribunaux intéressés, le Comité étant d'avis, qu'au moins à première vue, seraient inappropriés les pratiques actuelles qui ne permettent pas à plusieurs de ces autres tribunaux d'indemniser équitablement la partie jugée méritoire.

Le Comité sur le droit du travail ne croit pas qu’il soit opportun de bouleverser la philosophie concernant les frais en matière de relations de travail pour plusieurs raisons : 1. Il n’existe aucune étude définissant les impacts qu’auraient un tel bouleversements de philosophie. 2. Actuellement, la Commission des relations du travail octroie des honoraires extrajudiciaires à l’employé qui a réclamé ces dommages et démontré que l’employeur a commis un abus de droit ou un abus de procédure pendant l’instance. Ce pouvoir est s’inscrit dans le pouvoir d’adjudication concernant la réparation entière des dommages subis par l’employé. Évidemment, cette condamnation est exceptionnelle et nécessite une preuve importante. 3. En matière de droit collectif, les parties négocient les termes de la convention collective. La Loi sur les normes du travail Le Comité ad hoc sur les frais propose d’amender l’article 126.1 de la Loi sur les normes du

Travail afin de réintroduire la possibilité pour le tribunal de condamner l’employeur à payer des honoraires extrajudiciaires de l’employé congédié d’une façon capricieuse. 44

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Le Comité sur le droit du travail n’est pas d’accord avec cette recommandation. D’une part, le Comité croit que cette recommandation du Comité ad hoc sur les frais tire sa source des propos émis par le professeur Popovici :

« Depuis le 20 mars 1997 sous l’empire de la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1. (art. 126.1) les honoraires extrajudiciaires ne font pas partie du dédommagement ; auparavant, la jurisprudence était partagée et accordait en cas de congédiement téméraire, capricieux ou abusif des montants plutôt arbitraires. Pour une raison peu évidente le législateur est donc intervenu afin de pénaliser les employés assujettis à cette loi et congédiés illégalement et ce, à l’avantage des employeurs responsables de telles illégalités. »

Avec égard pour le professeur Popovici, le Comité sur le droit du travail ne partage pas ce point de vue.

D'autre part, cette recommandation ne tient pas compte des réalités suivantes:

1.

Il s'agit d'une règle inéquitable pour les employeurs qui ne pourraient réclamer d'un employé exerçant un recours futile une condamnation à des honoraires extrajudiciaires.

2.

Les salariés bénéficient déjà du droit d'être représentés gratuitement par un procureur désigné, par la Commission des normes du travail.

Cette mesure serait quasi

totalement inutile. 3.

Les coûts de la mise en place de la Commission des normes du travail sont assumés collectivement par les employeurs. Il faut éviter de leur imposer un fardeau financier trop lourd, surtout à l'égard des PME.

4.

L'article 128 (3) de la Loi sur les normes du travail octroie déjà ce pouvoir à la Commission des relations du travail.

45

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Conclusion Tout comme le droit familial, le droit concernant les relations de travail diffère à plusieurs égards des règles applicables en matière de litiges civils ou commerciaux. La question des frais en est un bon exemple. Depuis plusieurs années, le principe veut que chaque partie paie ses frais. Rien ne permet d’affirmer que cette philosophie doit être modifiée afin de faciliter l’accès à la justice des employés.

5.11

Le Comité sur la législation et l’administration fiscales50

Le Comité ad hoc sur les frais souhaite que la fiscalité soit utilisée comme un outil social pour favoriser l'accès à la justice. En ce moment, le traitement fiscal des dépenses de litiges est fonction de la source de revenu. Les entreprises (y compris les individus en affaires) peuvent déduire des honoraires de leurs avocats dans la mesure où les dépenses sont de nature courante et engagées dans le but de gagner un revenu d'entreprise. Lorsque la dépense est de nature capital, elle peut faire partie du coût du bien ou être une dépense en vue de disposer du bien. La dépense ne reçoit alors pas un appui fiscal complet et immédiat (disons 50% dans le cas d'un gain en capital lors de la vente du bien). Dans certains cas, la dépense de nature capital est un "nothing" et reçoit 0% d'appui fiscal. Par ailleurs, certains contribuables n'ont pas d'impôt à payer comme les organismes de bienfaisance. Eux non plus ne reçoivent pas d'appui fiscal. En conséquence, la proposition du Comité ad hoc

sur les frais de «rendre les dépens

déductibles pour tous» favoriserait les personnes imposées à des taux marginaux élevés. Les individus de cette catégorie représentent 10% et moins de tous les contribuables. Ainsi, le Comité sur la législation et l’administration fiscales se demande donc dans quelle mesure le but visé serait atteint. Il subsisterait des iniquités entre les justiciables suite à l'introduction d'une telle mesure. De plus, il est difficile de quantifier le coût d'une telle mesure sur les recettes de l'état. Même si cette mesure était retenue par le gouvernement du Québec, ce qui est illusoire compte tenu des contraintes budgétaires importantes actuelles, il est peu probable

46

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

que le gouvernement fédéral adopte la même politique à moins que les barreaux de toutes les provinces en fassent un enjeu national. Une telle mesure changerait radicalement la politique fiscale puisque le rattachement à une source de revenu ne serait plus le critère considéré. Enfin, le Comité s’interroge également à savoir si cette mesure aurait des effets pervers et n’encouragerait pas plutôt des litiges de nature vexatoire. Quant à la possibilité d’enlever la déduction fiscale actuellement permise par le régime, le Comité n’est pas en faveur d’une telle avenue puisqu’il s’agirait de modifier complètement les principes de base de la fiscalité. En conclusion, le Comité sur la législation et l’administration fiscales ne recommande pas pour l’instant d’utiliser la fiscalité comme outil pour favoriser un meilleur accès à la justice. Lorsque les finances publiques le permettront, le Barreau du Québec pourrait étudier à nouveau la possibilité de requérir des gouvernements, la mise en place de mécanismes d’allégement fiscal afin de favoriser un meilleur accès à la justice.

5.12

Le Comité sur les sociétés et les personnes morales51

Au Québec, le principe de base est que la procédure relative aux recours sous la LCSA soit celle établie par le Code de procédure civile, sauf disposition de la LCSA y dérogeant. En cas de contradiction entre la LCSA et le Code de procédure civile, la première prime52. En matière de frais, l’article 242 LCSA prime sur le Code de procédure civile en exemptant le plaignant de fournir un cautionnement pour frais (art. 242(3)), et en autorisant les ordonnances de paiement de frais provisoires (art. 242(4)). L’article 242(4) LCSA traite des « honoraires légaux », de façon permissive mais non impérative. Il laisse la discrétion en cette matière au tribunal. Au Québec, les décisions 50

51

52

Me Claude P. Desaulnierrs, président, Me Paul Ryan, Me Chantal Dusseault, Me Jules Turcotte, Me René Roy, Me Martin Lord, Me Pierre Chabot, Me Joël Chouinard, Me Lucie Bélanger, Me Wilfrid Lefebvre. Les membres sont: Me Paul M. Martel, président, Me Michel Cordeau, Me Michel Demers, Me J. Lucien Perron, Me Jean-Claude Thivierge, Me Gilles Legris, Me François G. Tremblay, Me André Roy, Me Arden Furlotte, Me Daniel Jouis, Me Charles Denis (invité).

Kelvin Energy Ltd. c. Lie, (1992) 3 R.C.S. 235, 246; Chodakowski c. Carter, [1987] R.L. 225 (C.A.); Doyle c. Sparling, [1985] R.D.J. 645 (C.A.), etc. Loi d’interprétation, L.R.C. (1985) c. I-21, art. 8.1.

47

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

répétées de la Cour d’appel Viel, Flexart et Guitouni lient les tribunaux en restreignant l’octroi des frais extrajudiciaires aux seuls cas d’abus de processus judiciaire. Il ne s’agit pas ici, soit dit en passant, de « législation provinciale contraire », au sens de la proposition (P) du Comité ad hoc sur les frais mais, d’une interprétation jurisprudentielle d’une législation provinciale. De plus, il est bon de noter que l’honorable juge André Gervais de la Cour supérieure a octroyé dans l’affaire Claisse c. Gestion Financière Duberger Inc53, la somme de 278 643,33$ au Dr Claisse à titre d’honoraires extrajudiciaires lors d’un recours en oppression en vertu de l’article 241 LCSA pour les motifs suivants :

[417]

La preuve démontre que C.S.C. a supporté, au nom des intimés,

l'ensemble des déboursés et honoraires des intimés. [418]

Selon la pièce I-104, il s'agit d'un montant de 454 157,57 $.

[419]

Ces sommes seront considérées par C.S.C. au point de vue fiscal, ce

qui adoucira cette dépense. Cependant, il faut comprendre que les montants ainsi versés diminuent d'autant les profits de C.S.C. et par conséquent, les revenus de L.S. et M.D. [420]

Quant au Dr F.C. qui a acquitté personnellement ces frais, il serait

injuste qu'il ne soit pas gratifié d'un traitement similaire. [421]

Il appert cependant que dans certaines situations où il aurait pu y avoir

compromis, le Dr F.C. a préféré le côté procédural. [422]

À titre d'exemple, son opposition à la relocalisation nécessaire de

l'entreprise alors qu'il était impérieux et évident pour C.S.C. d'y procéder, ce qui n'a fait qu'alourdir et rendre le litige plus agressif. [423]

Aussi, pour les raisons précitées, le soussigné, vu les pouvoirs

discrétionnaires et d'équité que lui accorde la Loi fédérale, n'a pas à appliquer ici "in integro", les principes de l'arrêt VIEL[34]. [424]

Dans cette optique, en ce qui a trait aux honoraires extrajudiciaires et

déboursés de cette nature réclamés dans R-91 qui s'élèvent à 557 286,66 $, le

53

Ce jugement est disponible à l’adresse suivante :jugements.qc.ca.

48

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

soussigné accordera 50 % de ceux-ci, soit deux cent soixante-dix-huit mille six cent quarante-trois dollars et 33 cents (278 643,33 $).

Il faut préciser qu’à l’origine, l’article 242(4) LCSA, proposé par le Comité Dickerson54, ne visait même pas le recours pour oppression, mais plutôt l’action dérivée : « Le paragraphe (4) emprunté à l’article 99 de la loi ontarienne, reflète encore plus cette prise de position, en permettant au tribunal de forcer la corporation demanderesse à financer dans l’intervalle le plaignant dans une action dérivée, et en offrant ainsi une certaine assurance dans la poursuite du litige, que des actions apparemment bien fondées ne seront pas abandonnées par suite d’insuffisance de ressources. »

L’article 242(4) LCSA n’était pas destiné à permettre l’adjudication finale de frais extrajudiciaires, tel que l’interprète l’honorable juge Dalphond dans Ain & Zakuta, cité à la page 34 du Rapport, mais uniquement à faciliter les recours d’actionnaires aux fonds réduits. Pour ce qui concerne l’adjudication finale des frais, la LCSA s’en remet au droit des provinces, sauf pour ce qui concerne l’action dérivée (article 240(d)); elle donne toute latitude aux cours supérieures des provinces pour ce qui est de la procédure et des frais (article 248). Sujet à vérification, on peut affirmer que le législateur fédéral, dans ses lois, s’en remet généralement au droit des provinces en matière de frais. Selon le Comité sur les sociétés et les personnes morales, la proposition (P) pose problème en ce que : 1.

Elle demande au législateur fédéral de prendre une position qu’il n’avait apparemment pas choisi de prendre au départ, en s’immisçant dans la procédure provinciale et en faisant de l’article 242(4) LCSA une disposition impérative. Il est loin d’être sur qu’il acceptera de ce faire.

2.

L’effet de cette proposition, si elle est accueillie, sera de créer au Québec une discrimination injustifiable en faveur des « plaignants » sous la LCSA, contre les requérants en toute matière civile et corporative, si la personne morale en cause n’est

54

Propositions pour un nouveau droit des corporations commerciales canadiennes, Information Canada, 1971, vol. I, p. 191 et vol. II, art. 19.05(4). 49

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

pas régie par la LCSA, et ce à une époque où les tribunaux du Québec s’efforcent de minimiser l’écart entre les recours sous la LCSA et ceux en vertu du droit civil55. Le Comité sur les sociétés et les personnes morales est donc d’avis qu’il serait préférable, au nom de l’équité et de la justice, que l’amendement soit apporté au Code de procédure civile de manière à s’appliquer aux recours visant autant les sociétés par actions fédérales que les compagnies québécoises, et que ces recours demeurent équivalents, en ce qui concerne l’octroi de frais extrajudiciaires, si le législateur provincial refuse de l’apporter.

5.13

La position de Me René Langlois, directeur du FARPBQ

Après avoir pris connaissance des recommandations du Rapport, Me Langlois est d’avis que de répartir les coûts autrement n’est pas la solution; que cette façon de faire ne rendra pas la justice plus accessible. Il croit plutôt qu’il faut travailler sur l’efficacité du système. Par ailleurs, il souligne que le régime d’assurance responsabilité professionnelle des avocats demeure inchangé puisque les condamnations de l’avocat aux dépens ne sont pas couvertes par le régime étant considérées comme une pénalité. Si le Code de procédure civile était modifié, le Barreau du Québec aurait à s’interroger à savoir s’il désire couvrir ce genre de réclamations. Dans l’affirmative, tous les avocats membres du Barreau du Québec devraient assumer une hausse des primes d’assurance. De la même façon, le Barreau du Québec devrait s’interroger à savoir s’il est dans l’intérêt du public d’assurer cette réclamation qui contribuerait possiblement à ne pas décourager les avocats à poser des gestes amenant à cette condamnation. Quant à la règle de la succombance intégrale ou importante, Me Langlois est plutôt d’avis que cette règle viendrait pénaliser ceux qui n’ont pas les moyens financiers d’avoir recours à la justice. Il est d’avis que le citoyen doit avoir le droit de présenter sa cause s’il est d’avis qu’il a un droit à faire valoir. 55

Martineau, Provencher & Associés Ltée c. Grace, [2001] R.J.Q. 2414 (C.A.); Laurent c. Buanderie Villeray Ltée, J.E. 2002-3 (C.S.). 50

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

En ce qui a trait au financement des litiges, Me Langlois n’est pas en faveur de cette procédure puisque 9 réclamations sur 10 sont rejetées. La mise en place d’une telle procédure serait donc inéquitable pour le Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec. En conclusion, il estime que l’accessibilité à la justice se portera mieux si les différents intervenants travaillent sur l’efficacité du système plutôt que sur les coûts du système pour le contribuable. En d’autres mots, il ne croit pas qu’il y a lieu de rechercher une justice à moindre coûts mais faire en sorte que le système judiciaire soit plus performant.

5.14

La position de Me Viateur Bergeron

Le 14 juin 2005, Me Viateur Bergeron fait parvenir à Me Sylvie Champagne une copie de sa lettre56 du 2 décembre 2004 adressée au bâtonnier Gérard Desjardins du Barreau de Hull dans laquelle il formule les commentaires suivants relativement au Rapport :

«À mon avis, les auteurs du rapport, en toute bonne foi, nous proposent un régime à cent lieux de celui que nous connaissons. Ce régime, selon les conclusions serait d’une complexité inouïe, augmenterait les risques pour les plaideurs méritoires ou non. Et en passant, qu’est-ce qu’un plaideur méritoire, c’est celui qui a été ainsi reconnu par un jugement définitif de la plus haute instance judiciaire, soit plusieurs années après la décision prise en évaluant le risque du procès sur la version de notre client, alors que toute l’affaire ne sera raisonnablement connue qu’après le jugement de première instance.

Je craindrais pour ma part que les litiges qui découleraient des conclusions formulées dans ce rapport ne deviennent des procès sur les dépens, les dommages exemplaires, l’obligation ou non d’accepter une offre de règlement etc. etc. de telle sorte qu’au bout de quelques années de durée de pareils procès, une personne devrait s’interroger en disant : «Quel était l’objet du litige à l’origine?».

56

Elle est jointe à l'Annexe 8.

51

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Ce rapport m’inquiète, quant aux conclusions et me surprend quand j’examine les noms des signataires. Pour ma part, la mise en œuvre du régime proposé favoriserait les mieux nantis et toutes les personnes physiques ou morales qui peuvent se payer le luxe de jouer à «Loto-procès».

52

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

CHAPITRE 6 – LES RÉCENTS DÉVELOPPEMENTS SUR LES FRAIS 6.1

Au Québec

6.1.1

Arrêts de la Cour d’appel du Québec concernant l’obtention d’une provision pour frais

En 2005, deux formations différentes de juges de la Cour d’appel se sont prononcées sur des demandes de provision pour frais refusées par la Cour supérieure. Il s’agit de l’arrêt Hétu c.

Municipalité de Notre-Dame-de-Lourdes57 en matière de droit du travail et de l’arrêt 90228818 Québec Inc (Magil Construction Inc.) c. 9057-0250 Québec Inc58 en matière de faillite. L’arrêt Hétu met en cause une saga judiciaire dans laquelle M. Hétu, employé congédié par la Municipalité de Notre-Dame-de- Lourdes et ayant eu gain de cause devant la Commission des relations du travail (CRT) malgré les nombreuses demandes de la Municipalité, présente une requête pour ordonnance de sauvegarde visant l’obtention d’une provision pour frais au montant de 25 000$ dans le cadre de la requête en révision judiciaire de la Municipalité à la Cour supérieure. La Cour supérieure rejette cette requête au motif que «le litige entre

monsieur Hétu et la Municipalité, quoique très important pour eux, ne remplit pas la troisième condition, soit l’existence de circonstances spéciales qui milite en faveur de l’exercice de la discrétion pour accorder une provision pour frais. Le Tribunal le répète, le litige, bien que très important pour les parties, est un litige privé, un litige civil ordinaire.»

La Cour d’appel accueille l’appel de M. Hétu et lui accorde une provision pour frais au montant de 12 500$. Il faut toutefois noter que les motifs de l’honorable juge Dalphond auxquels souscrit l’honorable juge Bich diffèrent de ceux de l’honorable juge Pelletier.

Après avoir fait un historique des procédures devant la CRT et la Cour supérieure et exposé les moyens d’appel, l’honorable juge Dalphond rappelle les principes généraux en matière d’attribution des dépens: 57 58

J.E. 2005-458 (C.A.), ci-après «Hétu». Cet arrêt a été rendu le 9 février 2005. Cet arrêt a été rendu le 10 mars 2005, ci-après 9022-8818 Québec Inc (Magil Construction Inc.). Il est disponible sur le site Internet : www.jugements.qc.ca.

53

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

III.

Principes généraux en matière d’attribution des dépens :

[33] Dans l’arrêt Bande indienne Okanagan, précité, le juge LeBel explique l’origine du pouvoir discrétionnaire des tribunaux fondé sur l’équité en matière de dépens, puis ajoute : « Dans le système juridique canadien moderne, ce pouvoir discrétionnaire fondé sur l’équité existe toujours et est reconnu par les diverses lois et règles de procédures provinciales, qui laisse la question des dépens à la discrétion de la cour » (par.19). [34] Au Québec, la Cour supérieure existe depuis 1849. Elle est modelée sur les hautes cours d’Angleterre et constitue le tribunal de droit commun du Québec. Cependant, le juge LeBel souligne dans l’arrêt Lac d’amiante du Québec c. 2858-0702 Québec inc., [2001] 2 RCS 743, qu’elle évolue dans un droit processuel codifié : « Ainsi, la législature québécoise n’a pas laissé aux tribunaux la même marge de liberté que les législateurs des autres provinces » (par. 38). Le juge LeBel ajoute au par. 39 de l’arrêt Lac d’amiante du Québec : Un tribunal québécois ne peut décréter une règle positive de procédure civile uniquement parce qu’il l’estime opportune. À cet égard, dans le domaine de la procédure civile, le tribunal québécois ne possède pas le même pouvoir créateur qu’une cour de common law, quoique l’intelligence et la créativité de l’interprétation judiciaire puissent souvent assurer la flexibilité et l’adaptabilité de la procédure. Bien que mixte, la procédure civile du Québec demeure un droit écrit et codifié, régi par une tradition d’interprétation civiliste. (Voir J.-M. Brisson, « La procédure civile au Québec avant la codification : un droit mixte, faute de mieux », dans La formation du droit national dans les pays de droit mixte (1989), 93, p.93-95; aussi du même auteur : La formation d’un droit mixte : l’évolution de la procédure civile de 1774 à 1867, op. cit., p. 32-33). Suivant la tradition civiliste, les tribunaux québécois doivent donc trouver leur marge d’interprétation et de développement du droit à l’intérieur du cadre juridique que constituent le Code et les principes généraux de procédure qui le sous-tendent. La dissidence du juge Biron rappelle à juste titre ces caractéristiques d’un régime de droit codifié et souligne pertinemment la nature de la méthode d’analyse et d’examen applicable en l’espèce. [35] Ceci exposé, la Cour supérieure jouit aux termes de l’art. 477 C.p.c. d’une large discrétion en matière d’octroi des dépens, par ailleurs taxés selon un règlement adopté par le gouvernement du Québec, le Tarif des honoraires judiciaires des avocats[5] (art. 480 C.p.c.). [36] Normalement, aux termes de l’art. 477 C.p.c., les dépens sont accordés à la partie gagnante, au moment du prononcé du jugement, afin de l’indemniser d’une partie des dépenses qu’elle a engagées pour faire valoir son droit. Dans cette perspective, au Québec comme ailleurs au Canada, les dépens participent de la nature de dommages et intérêts accordés au gagnant contre le perdant (par. 21, Bande indienne Okanagan). Il s’agit alors d’une indemnité pour les frais du procès établie selon le Tarif, généralement modeste en raison du caractère désuet de ce dernier (sauf lorsque les art. 15 et 42 du Tarif s’appliquent)[6]. [37] Cependant, comme le souligne le juge LeBel, l’attribution des dépens peut être aussi un instrument de politique judiciaire afin d’encourager les règlements, prévenir des litiges futiles ou sanctionner des conduites répréhensibles (par. 22). La jurisprudence 54

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

québécoise recèle de nombreux exemples en ce sens, y compris la condamnation exceptionnelle d’un avocat personnellement à payer les dépens. [38] Finalement, un autre élément parfois pris en considération est le caractère du litige (par. 27 et suivants, Bande indienne Okanagan). Ainsi, dans des affaires vraiment exceptionnelles mettant en cause des questions d’intérêt public, la partie qui perd sur le fond peut non seulement être dispensée du paiement des frais de la partie adverse, mais aussi voir ses propres frais payés par l’intervenant ou la partie victorieuse (par. 30). La jurisprudence confirme, encore une fois, que les tribunaux québécois sont sensibles à cette considération (Québec (Procureur général) c. Lefebvre, [2002] J.Q. no 8336 (C.A.), par. 6-10; Boisclair c. Québec (Procureur général), [2001] J.Q. no 4459 (C.A.), par. 33).

Par la suite, l’honorable juge Dalphond se penche sur la source du pouvoir d’attribuer une provision pour frais:

IV.

La source du pouvoir d’attribuer une provision pour frais :

[39] Comme le soulignait la Cour dans Gaudette c. Lacoste, REJB 2000-18714 (C.A.) au par.13, le droit d’une partie à des frais préalables doit correspondre à une obligation de l’autre partie d’acquitter ces frais en vertu de la loi. [40] Selon le juge LeBel, en l’absence d’habilitation législative explicite, le pouvoir d’attribution de frais provisoires découle implicitement de la compétence des tribunaux de statuer sur les dépens. Il ajoute que l’exercice de ce pouvoir est exceptionnel. En fait, la partie qui sollicite des frais provisoires doit établir qu’elle est si dépourvue de ressources qu’elle serait incapable, sans cette ordonnance, de faire entendre sa cause, que sa cause possède prima facie un fondement suffisant pour justifier son instruction devant le tribunal, et qu’il existe des circonstances suffisamment spéciales pour que le tribunal soit convaincu que la cause appartient à cette catégorie restreinte d’affaires justifiant l’exercice exceptionnel de cette compétence en équité. Comme on peut le constater de ces critères, les préoccupations concernant l’accès à la justice occupent le premier plan dans les cas rares où des provisions pour frais sont accordées (par. 31, Bande indienne Okanagan). [41] Au Québec, tel qu’indiqué précédemment, aux termes de l’art. 477 C.p.c, les tribunaux ont pleine compétence pour statuer sur l’octroi des dépens. Aucune disposition du Code de procédure ou d’une autre loi n’exclut le pouvoir implicite y rattaché d’attribution de frais préalables. Bien au contraire, l’art. 46 C.p.c., me semble permettre une telle compétence subsidiaire à celle sur les dépens[7]. Par ailleurs, l’utilité d’une demande de frais préalable en pareil cas n’est cependant pas évidente vu la modicité des montants prévus au Tarif, hormis les cas où les art. 15 et 42 s’appliquent[8].

55

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

[42] La provision pour frais peut évidemment faire l’objet d’un encadrement législatif. [43] Ainsi, les articles 502 et 588 C.c.Q. disposent que le tribunal peut accorder une provision pour les frais des instances familiales. Or, on entend par frais de l’instance, les honoraires extrajudiciaires et débours raisonnables de la partie. La provision pour frais a alors un caractère alimentaire et découle de l’obligation alimentaire de la partie débitrice à l’égard de la partie créancière (Gaudette c. Lacoste, précité). Ces dispositions ne prévoient cependant pas les conditions d’attribution qui ont, par voie de conséquence, été développées par la jurisprudence. Il en ressort qu’elle est généralement accordée lorsqu’une partie n’aurait pas autrement les moyens de faire valoir des droits que la loi lui reconnaît ou à ses enfants.

[44] De même, en matière de recours en redressement en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[9], l’octroi d’une provision pour frais est prévu expressément (art. 242 (4) L.C.S.A.). Or, les frais que peuvent accorder les tribunaux en vertu de cette loi ne se limitent pas à ceux prévus au Tarif et incluent les honoraires extrajudiciaires (art. 240, 241, 242 et 248 L.C.S.A.)[10]. Pour l’obtenir, la jurisprudence, au Québec comme en Ontario, a établi que le requérant doit démontrer qu’il éprouve des difficultés financières, que ses difficultés financières résultent des actions oppressives de la partie adverse et que sa cause possède un fondement sérieux (Gestion Pirel Ltée c. Michel Chouinard et al, [2004] R.J.Q. 80 (C.A.)). Comme on peut le voir, ces critères s’apparentent à ceux énoncés par le juge LeBel dans Bande indienne Okanagan.

[48] Pour en revenir à la reconnaissance statutaire du droit à une provision pour frais ou à des frais préalables, d’autres exemples existent sans doute dans la législation provinciale et fédérale[11].

[49] En l’instance, aucune disposition législative particulière n’a été invoquée par l’appelant pour justifier l’octroi d’une provision pour frais ou frais préalables par la Cour supérieure. Au contraire, il admet faire appel exclusivement à la compétence de la Cour supérieure de l’accorder en vertu des art. 2, 4.1, 20 et 46 C.p.c., et ce, vu l’attitude vexatoire et abusive de l’intimée.

Par ailleurs, l’honorable juge Dalphond ne partage pas la conclusion de l’honorable juge Pelletier à l’effet que le Code municipal du Québec permet à la Cour supérieure d’accorder une provision pour frais.59

59

Voir les paragraphes 45 à 47 de l’arrêt.

56

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Comme la requête de M. Hétu vise à obtenir le paiement d’honoraires extrajudiciaires avant jugement, l’honorable juge Dalphond précise l’état du droit au Québec sur cette question : V.

Le recouvrement des honoraires extrajudiciaires au Québec :

[50] Puisque aucune loi particulière ne permet l’octroi d’une provision pour frais qui couvrirait une partie ou la totalité des honoraires extrajudiciaires anticipés à l’égard du recours en révision judiciaire, reste à voir si un montant ne pourrait pas être accordé en anticipation des honoraires et débours qui pourraient être accordés au moment du jugement au fond ou par la suite à titre de dépens ou d’indemnité en vertu des règles générales. [51] Au Québec, cela signifie, tel qu’indiqué précédemment, les honoraires et débours prévus au Tarif [12], qui ne tiennent pas compte des honoraires extrajudiciaires. [52] Il existe cependant quelques exceptions. L’une se trouve à l’article 15 du Tarif qui autorise le tribunal à accorder des honoraires spéciaux dans une cause importante[13]. [53] Une autre existe en matière de faillite, où les dépens se calculent au Québec comme ailleurs au Canada et peuvent, occasionnellement, inclure des honoraires judiciaires taxés sur la base d’honoraires entre l’avocat et son client (Biron c. Caisse populaire Desjardins Buckingham, [2003] R.J.Q. 1771 (C.A.)). De même, dans le cadre de recours en redressement en vertu de la L.C.S.A., le tribunal peut ordonner que les honoraires extrajudiciaires soient remboursés par la société ou ses administrateurs. [54] Finalement, en vertu des principes généraux de responsabilité civile, la partie victime de procédures abusives peut réclamer, outre les débours et honoraires prévus au Tarif, des honoraires extrajudiciaires à titre de dommages (Viel c. Entreprises immobilières du terroir ltée,[2002] R.J.Q. 1262 (C.A.)). Le Code de procédure le reconnaît d’ailleurs expressément aux articles 75.2 et 524 C.p.c. En d’autres mots, la loi reconnaît à la partie victime d’une procédure abusive, le droit de voir ses honoraires extrajudiciaires remboursés par la partie adverse. [55]

De ces exceptions, seule la dernière peut trouver application en l’instance.

Ayant brossé un portrait complet des principes applicables en matière de dépens, d’honoraires extrajudiciaires et de provision pour frais, l’honorable juge Dalphond arrive à la conclusion que, seul le cas d’abus de procédure permet au tribunal d’accorder, en l’espèce, des frais préalables en vertu de l’article 46 du Code de procédure civile :

57

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

VI.

Le pouvoir d’ordonner des frais préalables en vertu de l’art. 46 C.p.c. :

[56] Dans le cas d’un abus de procédure, les honoraires extrajudiciaires peuvent être recouvrés à titre d’indemnité pour le préjudice causé par la faute, mais non à titre de dépens. Les principes énoncés dans l’arrêt Okanagan, précité, en matière d’octroi de provisions pour frais, ne sont alors pas applicables, du moins pas directement. [57] Je suis cependant d’avis que l’octroi d’une provision pour frais, correspondant à une partie des honoraires extrajudiciaires raisonnables anticipés, demeure possible en vertu de l’art. 46 C.p.c.[14], si la partie qui la sollicite établit qu’elle est si dépourvue de ressources qu’elle serait incapable, sans cette ordonnance, de faire entendre sa cause (état d’impécuniosité) et que la procédure de l’autre partie apparaît prima facie abusive. En d’autres mots, qu’il existe des circonstances suffisamment spéciales pour que le tribunal soit convaincu que « la sauvegarde de ses droits » justifie l’exercice du large pouvoir discrétionnaire que lui confère l’art. 46 C.p.c., tel qu’en vigueur depuis le 1er janvier 2003. [58] La jurisprudence antérieure sur la portée de l’art. 46 C.p.c. peut être nuancée à cet égard. La nouvelle rédaction de l’art. 46 C.p.c. est ainsi commentée par le comité de révision de la procédure civile : En vertu de l’article 46 du Code, les tribunaux et les juges ont tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de leur compétence. Cette règle, essentielle au bon fonctionnement de la justice, doit demeurer, d’autant qu’elle permet aux tribunaux et aux juges, en complémentarité avec d’autres dispositions, soit les articles 2 et 20, de pourvoir aux imprévus et de suppléer aux silences du Code. Par ailleurs, l’ordonnance de sauvegarde, qui vise à protéger les droits des parties pendant l’instance ou à l’étape de l’exécution, est spécifiquement prévue dans plusieurs dispositions du Code, soit aux articles 523, 754.2, 766, 813.13 et 835.4, et, pour cette raison, certains se demandent si son application est limitée à ces dispositions. Il convient donc de clarifier la portée de la règle générale de l’article 46 du Code pour y préciser le pouvoir du tribunal ou d’un juge de rendre une ordonnance de sauvegarde en tout temps et en toutes matières, tant en première instance qu’en appel, aux conditions qu’il estime justes eu égard aux circonstances de chaque dossier. Le Comité recommande donc : R.2-22. De préciser le pouvoir des tribunaux et des juges de prononcer en tout temps et en toutes matières, tant en première instance qu’en appel, des ordonnances de sauvegarde des droits des parties, aux conditions qu’ils estiment justes, eu égard au circonstances de chaque dossier.

Appliquant ces principes à l’appel de M. Hétu, l'honorable juge Daphond considère que ce dernier a démontré l’existence d’un cas exceptionnel :

VII.

L’appelant a démontré l’existence d’un cas exceptionnel :

[59] La lecture de la requête en révision judiciaire fait voir que l’intimée conteste en Cour supérieure la légalité de toutes les décisions rendues à ce jour par la CRT; aucune 58

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ne trouve grâce à ses yeux. De plus, les motifs invoqués en Cour supérieure ont déjà été plaidés devant la CRT à quelques reprises; en d’autres mots, l’intimée refrappe les mêmes clous, et ce, dans le cadre d’un recours qui n’est pas un appel et encore moins une possibilité de réévaluer tous et chacun des éléments de la preuve. […] [62] En ce qui a trait au rejet de la requête en révision pour cause, certains des motifs des commissaires, notamment en définissant ce qui constitue une cause suffisante, pourraient mériter qu’on s’y attarde, mais il demeure que la révision pour cause est exceptionnelle et là encore, les probabilités que la Cour supérieure juge que la CRT aurait dû réviser pour cause sont très, très réduites.

Finalement, l’historique du dossier depuis son ouverture devant la CRT [63] démontre que l’appelant est victime d’une guérilla judiciaire et que la requête en révision judiciaire s’inscrit en continuité de la stratégie adoptée par l’intimée depuis le début.

En pareil contexte, je suis d’avis que la requête en révision constitue prima facie [64] une autre procédure abusive de la part de l’intimée, et que si cette conclusion est aussi celle du juge du fond, l’appelant aura droit de se faire indemniser pour ses honoraires extrajudiciaires en Cour supérieure. Reste alors à décider s’il s’agit d’un cas exceptionnel justifiant des frais [65] préalables aux termes de l’art. 46 C.p.c.

D’abord, les ressources financières de l’appelant. Je retiens de la preuve, y [66] compris les éléments additionnels déposés devant nous, que la municipalité a fait preuve, jusqu’à maintenant, d’un acharnement peu commun à tout contester et révélateur d’une attitude franchement hostile à l’endroit de l’appelant, ce qui lui a valu en plus des dommages usuels, 5 000 $ en dommages exemplaires. Pour y répondre, l’appelant a dû encourir des dépenses importantes dans le cadre des débats devant la CRT et il est désormais sans liquidité et sans capital. À ce jour, il n’a rien reçu de la municipalité en exécution, même partielle, des décisions de la CRT. Résultat net, l’appelant est si dépourvu de ressources financières que ses avocats ont demandé, par requête déposée en Cour supérieure, l’autorisation de cesser de le représenter, ce que seule une hypothèque de 25 000 $ consentie par sa conjointe sur la résidence familiale a permis d’empêcher.

[67] Ensuite, le sérieux de sa cause. Pour les motifs indiqués plus haut, j’en viens à la conclusion que la requête de l’intimée m’apparaît prima facie abusive. Si on se place du côté de l’appelant, ses chances d’avoir gain de cause en Cour supérieure sont donc élevées; il s’ensuit qu’un jugement par défaut en faveur de l’intimée serait vraisemblablement une injustice. 59

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[68] Sur le tout, je conclus qu’il existe des circonstances suffisamment spéciales pour me convaincre que ce dossier appartient à cette catégorie très restreinte d’affaires justifiant l’exercice exceptionnel de la compétence d’ordonner le paiement de frais préalables couvrant une partie des honoraires et déboursés associés au litige devant la Cour supérieure, afin de sauvegarder les droits de l’appelant aux termes de l’art. 46 C.p.c.

En terminant, l’honorable juge Dalphond note que le juge de première instance qui entendra le fond de la requête en révision judiciaire pourra, s’il arrive à la conclusion que la procédure n’est pas abusive, condamner M. Hétu à rembourser les frais préalables ou dans le cas contraire, octroyer une indemnité qu’il jugera appropriée dans les circonstances.60

L’honorable juge Pelletier fait également droit à l’appel pour d’autres motifs. D’emblée, il constate que les justiciables font face à un problème d’accessibilité à la justice :

[97] En l’espèce, il convient de garder en mémoire qu’au Québec, le pouvoir discrétionnaire des tribunaux en matière d’adjudication de dépens s’exerce par un renvoi direct aux différents tarifs applicables, dont celui des avocats, le tout en application des articles 477 C.p.c. et 480 C.p.c. Pour cette raison, la condamnation d’une partie au remboursement total ou partiel des frais réellement engagés par l’autre relève généralement, quant à elle, du domaine de la responsabilité extracontractuelle et non des dépens[19]. Or, c’est une réalité largement reconnue, le Tarif judiciaire des avocats est nettement désuet et ne peut plus jouer le rôle traditionnel d’indemnisation assigné aux dépens[20]. Les sommes qui y figurent au titre des honoraires judiciaires des avocats n’entretiennent, la plupart du temps, aucun rapport avec les coûts réels supportés par les justiciables. [98] C’est au gouvernement que le législateur a, au bout du compte, confié le pouvoir d’approuver et de donner force exécutoire au Tarif judiciaire des avocats[21]. Pour des raisons qui sont étrangères au débat qui nous occupe, la reforme nécessaire tarde à venir bien que la désuétude de cet outil, propre à favoriser à la fois la saine administration de la justice et l’indemnisation de la partie gagnante, se fasse de plus en plus lourdement sentir. [99] Soit dit en passant, la réforme du tarif n’est pas la panacée universelle puisque, de toute façon, un nombre grandissant de justiciables ne peut plus faire face aux coûts actuels du marché pour la rétention des services d’un avocat, ce qui, 60

Voir les paragraphes 70 et 71 de l’arrêt.

60

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indépendamment du sort des litiges et donc de l’adjudication des dépens, limite dangereusement l’accès à la justice. La représentation devant les tribunaux relève en effet de l’exercice exclusif de la profession d’avocat.

Par la suite, il arrive à la conclusion que le Code municipal du Québec autorise la Cour supérieure à octroyer une provision pour frais : [107] Si, pour les fins de l’analyse, on envisage le litige depuis le point d’observation du fonctionnaire municipal destitué, force est de conclure que, pour assurer l’efficacité des décisions rendues en sa faveur, celui-ci doit plaider de nouveau les plaintes qu’il a portées en vertu du Code municipal.

[108] Dans le cas à l’étude, le législateur prévoit à l’article 267.0.4 du Code municipal le remboursement éventuel des frais extrajudiciaires engagés par le fonctionnaire municipal destitué. S’il confère à la Commission le pouvoir d’en décider, c’est dans la foulée de la logique juridique selon laquelle la Commission décide sans appel du recours en redressement prévu à l’article 267.0.2 du Code municipal. Dit autrement, l'objectif fondamental visé par ces deux dispositions, lues ensemble, ne consiste pas tant à conférer une compétence particulière à la Commission, en sa qualité d'organisme spécialisé, mais plutôt à accorder une protection efficace au fonctionnaire.

[109] Or, dans le cadre d’une instance en révision judiciaire de décisions qu’elle a rendues, la Commission ne peut plus protéger le fonctionnaire municipal contre l’épuisement financier pouvant découler de l’intensité de l’opposition offerte par la municipalité. Il faut aussi garder en mémoire que la municipalité se prévaut ici d’une procédure que le Code lui-même, au Titre VI du Livre V, qualifie de recours extraordinaire. Elle fait appel au pouvoir de la Cour supérieure de réviser des décisions qui portent sur des plaintes déposées en vertu des articles 267.0.2 et suivant du Code municipal, lesquels ont mis en place un régime spécial d’indemnisation qui favorise l’équilibre du rapport de forces entre la municipalité et son fonctionnaire. Dans ce contexte très particulier, j’estime que la Cour supérieure, dans le respect de l’intention exprimée par le législateur à l’article 267.0.4 de ce même Code, se voit implicitement investie par la loi du pouvoir de prononcer une ordonnance de sauvegarde concernant les frais extrajudiciaires, lorsque les circonstances de l’espèce se prêtent au prononcé d’une pareille mesure.

[110] En somme, il ne s’agit pas d’un cas où, pour conclure à l’opportunité d’octroyer une provision pour frais, la Cour supérieure avait à décider de façon préliminaire du caractère abusif des demandes en révision au sens de l’arrêt Viel[24], ou encore de faire le constat que le litige suscitait des questions d’importance et d’intérêt public dans la perspective envisagée par la Cour suprême dans Bande indienne Okanagan[25]. Parce que, dans la matière dans laquelle la municipalité a invité la Cour supérieure à exercer 61

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son pouvoir de surveillance et de contrôle, la loi prévoit un régime exceptionnel d’adjudication de dépens, j’estime que le premier juge aurait dû conclure qu’il se trouvait dans une situation que n’envisageait pas spécifiquement la Cour suprême dans Bande indienne Okanagan.

[111] S’exprimant pour la majorité, le juge LeBel a d’ailleurs précisé que les exigences requises pour l’exercice du pouvoir en « equity » des tribunaux de prononcer des ordonnances de provisions pour frais pouvaient être modifiées « si le législateur définissait les conditions d’octroi des provisions pour frais ou si les tribunaux établissaient des critères applicables à une situation particulière où l’attribution des provisions pour frais est autorisée par la loi […][26] ».

Enfin, l’honorable juge Pelletier estime que les critères applicables à la demande de M. Hétu auraient dû être ceux applicables en matière d’injonction interlocutoire : [112] Partant, et soit dit avec déférence, la Cour supérieure aurait dû analyser la demande de provision pour frais à la lumière des critères applicables en matière d’injonction interlocutoire, soit l’apparence de droit, incluant le cas échéant, l’analyse du poids respectif des inconvénients, de même que le caractère de nécessité de la mesure en cause. Je note d’ailleurs que, dans une large mesure, ces critères, appliqués à l’espèce, rejoignent ceux que le juge LeBel décrit comme étant « le manque de ressources nécessaires » et « une cause qui vaut d’être instruite ».

Les motifs de l’arrêt 9022-8818 Québec Inc (Magil Construction Inc.) c. 9057-0250 Québec Inc de la Cour d’appel sont rédigés par l’honorable juge Otis auxquels souscrivent les honorables juges Robert et Brossard. Il s’agit d’un dossier fort complexe dont les principaux faits pertinents à la demande de provision pour frais présentée par le syndic de la faillite sont résumés comme suit par l’honorable juge Otis:

1. LES FAITS DANS LE CONTEXTE DÉCISIONNEL

[9] L’appelant est syndic de l'actif de 9022-8818 Québec inc. qui, jusqu'en 1992, exploitait son commerce sous le nom Magil Construction ltée. En 1993, cette dernière a cédé sa licence d’entrepreneur général tout en conservant son existence corporative. En 1995, Magil Construction ltée a changé son nom pour devenir 9022-8818 Québec inc. Le 3 avril 1998, 9022-8818 Québec inc. faisait cession de ses biens. [10] D'autre part, l’intimée 9057-0250 Québec inc., constituée en compagnie le 16 octobre 1995, a fait affaire sous le nom de Corporation Magil Construction jusqu’au 18 62

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novembre 1997, date à laquelle elle prenait son nom corporatif actuel. Le même jour, une nouvelle compagnie, 9057-5820 Québec inc., a été constituée. Les deux compagnies, 90570250 Québec inc. et 9057-5820 Québec inc., sont contrôlées par l’intimé Sol Polachek. [11] Cet appel s'insère dans une séquence litigieuse qui a donné lieu à de nombreux jugements. La Cour, sous la plume du juge Benoît Morin, a relaté – dans une autre affaire – l'historique des procédures en relation avec le présent pourvoi. [...] la faillite de 9022-8818 Québec inc. s'inscrit dans le cadre de la dissolution du Groupe Magil, un ensemble de sociétés oeuvrant dans le domaine de la construction, tant au Canada qu'à l'étranger. À la suite de cette dissolution, Sol J. Polachek et Joseph Gutstadt, qui possédaient respectivement 51% et 49% des actions du Groupe Magil, s'en sont partagés les actifs en vertu d'un protocole d'entente daté du 28 octobre 1997 et modifié le 10 décembre 1997.[1] [12] En vertu de ce protocole d'entente régissant le partage du Groupe Magil, Joseph Gutstadt (qui n’est pas partie à l'appel) a conservé les compagnies internationales de même que la propriété de 9022-8818 Québec inc. De son côté, Sol Polachek a conservé les compagnies nord-américaines et a entrepris de s'approprier les deux actifs les plus importants de 9022-8818 Québec inc., à savoir, des actions dans l'intimée 9057-0250 Québec inc. et une créance contre l'intimée, Immeubles M.A.P. ltée. Ces deux actifs sont principalement au coeur de ce pourvoi. […] [20] À la suite des décisions de la Cour d’appel rendues le 28 juin 2004[6] et de la rétrocession de la créance M.A.P. en septembre 2004, l'actif de la faillie comporte désormais les biens suivants: les actions d'une valeur de 2 832 710$ ainsi que la créance M.A.P. d’une valeur de 2 278 698$. [21] Toutefois, l'appelant allègue qu'il est dans l’impossibilité de réaliser les actifs. Quant aux actions, les intimés ont refusé les demandes de rachat formulées par l’appelant puisque les statuts de 9057-0250 Québec inc. prévoient le rachat unilatéral à la demande de la compagnie. Quant à la créance M.A.P., l’intimée, Immeubles M.A.P., refuse de la satisfaire alléguant l'inexistence de la dette et, subsidiairement, sa prescription. [22] En conséquence de ce qui précède, l’appelant a présenté une requête visant à déclarer que les clauses restrictives rattachées aux actions lui étaient inopposables et a ordonné le rachat des actions ainsi que le remboursement de la créance M.A.P. Cette requête s'insère dans le dossier principal de faillite (Art. 183 et 197 L.F.I.). De plus, il a présenté une ordonnance de sauvegarde demandant, notamment, une provision pour frais de 50 000$.

Le juge de première instance a refusé la demande pour provision pour frais du syndic en se basant sur les critères énoncés par la Cour de justice de l’Ontario dans Wislon c. Conley, à savoir : (1) des difficultés financières, (2) résultant de la conduite oppressive de l’intimé, (3) forte preuve prima facie du bien-fondé du recours.

63

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

La Cour d’appel infirme ce jugement en précisant le droit applicable : A. Le droit applicable [27] Dans l’arrêt Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan[11], la Cour Suprême a déterminé les conditions qui gouvernent le pouvoir discrétionnaire d'attribution des provisions pour frais. Tout en reconnaissant que normalement les dépens sont accordés à la partie gagnante après le prononcé du jugement, la majorité des juges de la Cour suprême confirme le pouvoir d'attribution de frais provisoires par les tribunaux, même en l'absence d'habilitation législative explicite. La Cour détermine que « [l]e pouvoir d’ordonner le paiement de frais provisoires est inhérent à la nature de la compétence en equity de statuer sur les dépens »[12]. [28] Précisant que la provision pour frais demeure un remède exceptionnel, la Cour suprême énonce les trois conditions qui doivent présider à l'exercice, par le juge, de son pouvoir discrétionnaire d'accorder une provision pour frais. S'exprimant au nom de la majorité, le juge LeBel écrit: 1. « La partie qui sollicite l’ordonnance doit être si dépourvue de ressources qu’elle serait incapable, sans cette ordonnance, de faire entendre sa cause ». 2. « Elle doit prouver prima facie que sa cause possède un fondement suffisant pour justifier son instruction devant le tribunal ». 3. « De plus, il doit exister des circonstances suffisamment spéciales pour que le tribunal soit convaincu que la cause appartient à cette catégorie restreinte de causes justifiant l’exercice exceptionnel de ses pouvoirs »[13]. (notre soulignage) [29] Ces conditions paraissent s'appliquer à toutes les demandes de provisions pour frais[14] en modulant la rigueur des exigences selon qu'il s'agisse de causes de droit public ou, plutôt, de litiges civils ordinaires. Ainsi, le test applicable aux litiges civils ordinaires est plus rigoureux que celui applicable aux causes de droit public dont les objectifs de politique judiciaire – principalement l’accès à la justice et l’intérêt public – revêtent un caractère prépondérant pour l’ensemble de la collectivité[15]. Dans le cas des litiges civils comportant certains aspects de droit public ou mettant en cause l'intérêt public, le test de qualification sera certes plus exigeant que celui applicable aux causes de droit public proprement dit mais moins sévère que celui concernant les litiges civils ordinaires. [30] Dans Okanagan, la Cour suprême évoque, à titre d'exemples, les affaires susceptibles de donner lieu à des provisions pour frais. Le juge LeBel écrit au par. 34: Des provisions pour frais peuvent également être accordées dans certaines affaires en matière de fiducie, de faillite et de sociétés, et ce, essentiellement pour la même raison – éviter les injustices en permettant aux parties sans ressources suffisantes de faire entendre des demandes fondées, ce qu'elles ne pourraient autrement pas faire. [31] Le droit de la faillite, par sa nature même, comporte parfois des aspects de droit public et, souvent, interpelle l'intérêt public au-delà de l'intérêt du débiteur et des créanciers[16]. Le syndic de l'actif du failli, en sa qualité de fiduciaire, est un officier de justice[17]. À titre d'auxiliaire de justice, le syndic contribue à maintenir la confiance du public dans l'application de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité[18]. 64

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En appliquant les trois conditions énoncées par la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel arrive à la conclusion que les procédures intentées contre les intimés rencontrent les conditions et accorde la somme de 50 000$ à titre de provision pour frais. L’analyse de la troisième condition «des circonstances spéciales» est fort intéressante : 3.

« Des circonstances spéciales »

[56] Dans Okanagan – une affaire d’intérêt public concernant les droits des bandes d’autochtones d’exploiter les forêts sur des terres publiques – la Cour suprême explique que, dans les cas de droit public, l’importance des questions soulevées peut satisfaire à la troisième condition du test, soit l'établissement de circonstances spéciales, pourvu que ces questions dépassent le cadre des intérêts des plaideurs et n'aient pas encore été tranchées par les tribunaux[37]. [57] Ainsi, même si la Cour suprême n'a pas procédé à l'analyse qualitative des circonstances spéciales résultant des litiges civils, il reste que tous les juges ont convenu, dans Okanagan, que certains litiges concernant les affaires de fiducie, de faillite et de sociétés peuvent donner lieu à l'attribution de provisions pour frais. Plus particulièrement, le juge LeBel, s'exprimant au nom de la majorité, réfère à Amcan Industries Corp. c. Toronto-Dominion Bank, [1998] O.J. no 3014 (Quicklaw) (Div. gén.), une affaire de faillite où la juge Macdonald, après avoir passé en revue la jurisprudence, réfère à la décision du juge Forestell de la Cour de l’Ontario, division générale, qui écrit: One must ask oneself, is it fair or is it just that the corporate respondent should use its funds to pay its counsel and to deprive the oppressed shareholder of funds to pursue his claim, particularly where a finding of oppression has already been made. I find this situation can merit an exceptional exercise of the court’s jurisdiction […][38]. [58]

Le juge Major, s’exprimant au nom des juges dissidents, explique: Comme je l’ai mentionné précédemment, certaines actions en matière de droit des sociétés ou de droit de fiducie constituent un autre courant jurisprudentiel où il est question de frais provisoires mais où la justification est différente. Dans ces affaires, le justiciable poursuit au nom d’une société ou d’une fiducie et demande des frais provisoires. De telles affaires constituent une exception à la règle générale d’adjudication des dépens parce que le tribunal ordonne le paiement des dépens à la société ou à la fiducie. Par exemple, lorsqu’un actionnaire poursuit des administrateurs au nom d’une société, on présume que la société, qui, à bien des égards, appartient aux actionnaires, bien qu’elle soit contrôlée par les administrateurs, consente à payer les frais provisoires[39].

[59] Par ailleurs, avant Okanagan, les tribunaux canadiens avaient déjà décidé que les recours pour oppression intentés par un actionnaire minoritaire pouvaient justifier l’octroi d’une provision pour frais. [60] Les circonstances spéciales de cette affaire doivent être considérées dans leur ensemble – sans isoler les recours – puisque l'impasse dans laquelle se retrouve le syndic relativement à la réalisation des actifs de la faillie résulte d'une trame factuelle convergente qui tend à un résultat unique. 65

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

[61] À la suite du partage du Group Magil en 1997, l'intimé Sol Polachek a voulu s'approprier 5 000 000$ des actifs de la compagnie 9022-8818 Québec Inc. Cette dernière était déjà insolvable à l'époque. Le stratagème conçu par l'intimé Sol Polachek afin de priver la débitrice faillie de ses actifs démontre une insouciance grossière à l'égard des intérêts des créanciers de 9022-8818 Québec inc. Dans un autre dossier issu de la même affaire de faillite, impliquant la même séquence factuelle et les mêmes parties, le juge Pierre Journet, de la Cour supérieure, explique, en détail, les manœuvres planifiées par les intimés[40]:

[39] La seule explication possible permettant de comprendre les motifs emmenant un emprunteur à donner plus de 5 millions de dollars en garantie du remboursement d'un prêt de 125 000 $ découlent d'une planification permettant à Polachek d'acquérir les actifs de la faillie par voie de dation en paiement.

[40] Ce scénario mis en place par les avocats fiscalistes de Polachek avait pour but de transférer les actifs de la faillie à l'intervenant sans qu'il n'y ait d'implication fiscale. C'était le mandat confié à Sweibel Novek lors de l'entente du 28 octobre 1997.

[69] Il aurait été plus simple que Polachek garde simplement la compagnie insolvable lors du partage. Cependant les incidences fiscales d'un tel transfert auraient entraîné des impôts à payer, selon Me Sweibel. Il a donc été résolu de procéder comme on l'a fait au détriment ultime des créanciers de la faillie.

[70] En conséquence, les intérêts fiscaux de Polachek ne peuvent supplanter les intérêts des créanciers de la faillie.

[71] Le tribunal ne peut faire droit aux prétentions de Polachek voulant qu'il ait agi de bonne foi en complétant la transaction avec la banque. Le tribunal ne peut souscrire aux prétentions de Polachek voulant que l'appropriation d'actifs au détriment des créanciers soit acceptée aux motifs qu'il s'agit d'une transaction d'affaires et non d'une disposition de biens.

[62] En l’espèce, tant pour les actions que pour la créance M.A.P., la nature du recours, la qualité des parties impliquées, l'historique judiciaire du dossier, la stratégie d'appropriation des actifs, la négation de la bonne foi de l'intimé Sol J. Polachek dans les jugements antérieurs[41] se conjuguent pour constituer des circonstances spéciales qui satisfont à la troisième condition du test d'Okanagan.

[63] Un objectif important de la Loi sur la faillite est « de garantir le partage des biens du débiteur failli proportionnellement entre tous ses créanciers »[42]. Lorsque les objectifs de la Loi sur la faillite sont compromis par les manœuvres des débiteurs de la faillie – qui visent à distraire les seuls actifs de la faillite du partage proportionnel des biens – la troisième condition du test Okanagan doit recevoir une interprétation large et libérale.

66

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

6.1.2

Décisions de la Cour supérieure concernant l’obtention d’une provision pour frais

Le 30 mars 2005, l’honorable juge Jacques Dufresne refuse une requête pour provision pour frais déposée par le Grand Conseil des Cris, intimé à une requête pour jugement déclaratoire visant à interpréter la Convention de la Baie James61. Après avoir revu les principaux arrêts en matière de provision pour frais, soit Okanagan,

Hétu et 9022-8818 Québec Inc (Magil Construction Inc), l’honorable juge Dufresne décrit ainsi le droit applicable :

[35] En effet, la présente requête pour jugement déclaratoire est assujettie aux règles du Code de procédure civile du Québec. En pareil cas, l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Tribunal d'octroyer une provision pour frais se fonde sur l'article 46 C.p.c., suivant l'opinion majoritaire rédigée par le juge Dalphond dans l'arrêt François Hétu, précité.

Appliquant les conditions énoncées par le juge Dalphond dans l'arrêt [36] François Hétu, précité, la partie qui sollicite la provision pour frais doit établir qu'elle est si dépourvue de ressources qu'elle serait incapable, sans cette ordonnance, de présenter sa cause et que sa cause paraisse prima facie posséder un fondement suffisant ou encore que la procédure de l'autre partie paraisse prima facie abusive, permettant ainsi de conclure à l'existence de circonstances suffisamment spéciales pour se convaincre qu'il s'agit d'une cause justifiant l'exercice exceptionnel du pouvoir discrétionnaire du tribunal en vertu de l'article 46 C.p.c. En somme, encore faut-il qu'il s'agisse d'un cas exceptionnel.

Par la suite, il refuse d’accorder un provision pour frais pour les motifs suivants :

[37]

Qu'en est-il en l'espèce?

En premier lieu, il appartenait aux requérants d'établir qu'ils sont si dépourvus de [38] ressources financières qu'ils seraient incapables, sans une provision pour frais, de faire entendre leur cause. [39]

Les requérants ne se sont pas déchargés de leur fardeau de preuve à cet égard.

[…]

61

Mocreebec Council of the Cree Nation c. Procureur général du Québec, J.E. 2005-1084 (C.S.).

67

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

[46] Suite à la production des états financiers de MoCreebec, l'intimé le Grand Conseil des Cris a produit une opinion d'un expert comptable, en l'occurrence Norman D. Hawkins, comptable agréé, qui conclut notamment à la capacité financière de la requérante MoCreebec d'assumer les frais de son recours. L'expert comptable Hawkins s'exprime ainsi dans sa lettre du 12 octobre 2004 : In my opinion, based on my review of the entity's financial statements, the MoCreebec Council of the Cree Nation had as of March 31, 2004, the means to funds $150,000 in legal costs which amount is 24% of its working capital. There would appear to be no restriction on this entity's ability to expend funds for this purpose. [47] Au dernier paragraphe de sa lettre d'opinion, le comptable Hawkins indique que, selon lui, MoCreebec possède des ressources financières pour assumer le présent litige. [48] La preuve d'expert administrée par l'intimé n'a pas été contrée par les requérants. Les états financiers dénotent indéniablement des entrées de fonds annuelles significatives. [49] De la preuve administrée, le Tribunal conclut que MoCreebec n'a pas établi qu'elle ne possédait pas des ressources financières suffisantes pour exercer le présent recours, non plus qu'elle a épuisé tous les moyens pour obtenir le financement requis, par levée de fonds ou autrement, si tant est qu'elle éprouve des difficultés financières. [50] Les requérants ne s'étant pas acquittés de leur fardeau de démontrer qu'ils sont si dépourvus de ressources financières qu'ils seraient incapables, sans une provision pour frais, de faire entendre leur cause, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur les autres critères. [51] Malgré ce constat, le Tribunal croit utile de formuler quelques commentaires sur les autres conditions requises. [52] Les requérants ont-ils prouvé prima facie que leur cause possède un fondement suffisant pour justifier son instruction devant le Tribunal? [53] Sans se prononcer sur le fond du recours exercé par les requérants et sans procéder à une analyse approfondie, les requérants paraissent avoir une cause prima facie à faire valoir. Quelles que soient les chances de succès de leur recours, la démarche paraît à tout le moins sérieuse. En ce sens, les requérants auraient satisfait à ce critère. [54] Enfin, quant à savoir s'il s'agit d'un cas spécial justifiant l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Tribunal en vertu de l'article 46 C.p.c., le Tribunal ne le croit pas. [55] À la lumière de la jurisprudence applicable, la barre est haute en matière de provision pour frais, puisque l'une des conditions à satisfaire est l'existence de circonstances spéciales. [56] Le seul fait que les requérants invoquent la Charte ne suffit pas à qualifier le recours de cas spécial pouvant donner ouverture à l'octroi d'une provision pour frais. La requête pour jugement déclaratoire des requérants vise essentiellement l'interprétation et l'application de l'une des dispositions de la Convention de la Baie James du 11 novembre 1975. Bien que d'intérêt pour les parties, le recours des requérants n'en est pas un, pour autant, d'intérêt public au sens large du terme. [57] Somme toute, les requérants ne satisfont pas à au moins une des conditions pour justifier l'exercice par le Tribunal de son pouvoir discrétionnaire d'accorder une 68

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

provision pour frais en vertu de l'article 46 C.p.c. Leur requête doit, en conséquence, être rejetée, avec dépens.

Le 15 juin 2005, l’honorable juge Suzanne Hardy-Lemieux accorde aux demandeurs une provision pour frais au montant de 20 000$ et ce, nonobstant appel, dans l’affaire Sachian

Inc c. Treats Canada Corporation62. Il s’agit d’une longue saga judiciaire pour laquelle un jugement a été prononcé en faveur des demandeurs en janvier 1997 et que ceux-ci n’arrivent pas à faire exécuter malgré la transaction intervenue entre les parties. Voici les principaux motifs de ce jugement :

[2] Il s'agit d'un contexte fort particulier puisque ce sont les demandeurs qui requièrent cette condamnation des défenderesses alors que le Code de procédure civile, aux articles 65, 152 et 153 prévoient que cette demande est généralement formulée par les défendeurs contre les demandeurs.

Cependant, les articles 2, 20 et 46 du Code de procédure civile confèrent à la [3] Cour supérieure des pouvoirs discrétionnaires pour accorder des demandes de cette espèce, notamment lorsque le demandeur établit un manque de ressources financières, la présence d'une cause qui vaut la peine d'être instruite ainsi que des circonstances spéciales. Il convient de souligner à ce stade que les demandeurs sont en conflit avec [4] Treats Canada Corporation et, par la suite, avec Treats International Entreprises depuis 1994. Dans ce litige, un jugement est rendu par Monsieur le juge Claude Rioux le 22 janvier 1997. Il est porté en appel par les défenderesses, l'appel est rejeté par la Cour d'appel. On demande aussi la rétractation du jugement de la Cour supérieure, laquelle est rejetée par Monsieur le juge Lemelin le 8 juillet 1997. L'exécution de ce jugement, à laquelle les défenderesses sont depuis [5] condamnées, fait aussi l'objet d'une transaction intervenue entre les parties en novembre 1998 (R-3). Dans cette transaction, Treats Canada Corporation, Treats International Entreprises Inc. et Treats Inc., mise en cause, interviennent pour la conclure. Elle prévoit le paiement de certaines sommes d'argent sur une base mensuelle aux demandeurs. Or, depuis le mois de mai 2002, les défenderesses et mise en cause font [6] défaut de respecter leur engagement. Cette transaction est entérinée par jugement, le 12 mars 2003, par Madame la juge Blondin. En consultant le plumitif de la Cour, il est facile de constater la multiplication des procédures de toutes sortes avec un résultat, aujourd'hui: ce litige n'est toujours pas terminé.

62

J.E. 2005-1414 (C.S.), requête pour permission d’appel a été rejetée par l’honorable Paul Vézina. Ci-après Sachian Inc.

69

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

[…]

Au fil des ans, ceux-ci investissent la somme d'environ 80 000$ dans le [10] financement des différents recours judiciaires institués contre les défenderesses et/ou leurs auteurs, au fil des ans.

Aujourd'hui, de façon non contredite, les demandeurs s'estiment à bout de [11] ressources financières pour continuer les recours pour enfin obtenir l'exécution de leur jugement. Ils soumettent avoir besoin de l'aide pour en assumer les coûts. En considérant les arrêts rendus récemment par la Cour d'appel dans les [12] dossiers de Hétu c. Municipalité de Notre-Dame de Lourdes, et celui Dans l'affaire de la faillite de 9028-9818 Québec Inc. (Magil construction), il appert que le juge de la Cour supérieure dispose d'un certain pouvoir discrétionnaire lorsque les critères pour ce faire sont rencontrés pour octroyer une demande de provision pour frais ou de cautionnement pour frais à l'encontre des défendeurs. D'ailleurs, ces deux arrêts de la Cour d'appel se fondent sur la décision rendue par Monsieur le juge LeBel dans Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, [2003] 3 R.C.S. 37. En appliquant ces critères au présent litige, la preuve non contredite démontre [13] un manque de ressources financières des demandeurs pour continuer leurs procédures judiciaires et enfin obtenir l'exécution d'un jugement rendu par la Cour d'appel en 1998 qui n'est que partiellement exécuté jusqu'au printemps 2002 et qui ne l'est pas depuis. Le litige qui oppose les demandeurs et les défenderesses vaut certes la peine [14] d'être instruit. Il y a lieu à ce que tant les demandeurs que les défenderesses puissent disposer des ressources financières pour terminer leur litige et tourner la page sur leurs relations commerciales. Finalement, la présence de circonstances spéciales milite également en faveur [15] de l'octroi de cette provision. En l'espèce, il ne s'agit pas seulement pour les demandeurs d'obtenir justice, ils ont déjà gagné tant en Cour supérieure qu'en Cour d'appel contre les défenderesses, compagnies auteurs ou ancêtres des présentes défenderesses. Il est important que l'exécution de leur jugement puisse être parfait tel [16] qu'entériné par la transaction et le jugement du mois de mars 2003 qui entérine cette transaction. […] En l'espèce, le Tribunal est d'avis qu'il y a lieu d'accorder une somme à titre de [18] provision pour frais de 20 000$ payable à la demanderesse Sachian Inc. et ce, dans les 5 jours du présent jugement et d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à être rendu nonobstant appel.

70

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

6.1.3

Décision Chiasson c. Fillion63 de la Cour supérieure

Le 11 avril 2005, la décision de l’honorable juge Yves Alain de la Cour supérieure dans l’affaire Chiasson a une couverture médiatique important. Un des éléments de la décision qui attire l’attention des médias et du public est la question des honoraires extrajudiciaires réclamés par les procureurs de Mme Chiasson et les passages suivants de la décision à ce sujet: [174] Dans le cas présent il faut appliquer les principes établis par la Cour d'appel dans l'arrêt Viel et n'octroyer la condamnation pour honoraires extra-judiciaires que s'il y a abus du droit d'ester en justice de la part des défendeurs. Il y a lieu de reprendre ciaprès un extrait du paragraphe 84 de la décision Viel : « (abus de droit) qui peut naître également au cours des procédures et si l'abuseur réalise son erreur et s'enferme dans sa malice pour poursuivre inutilement le débat judiciaire».

[175] En l'espèce, c'est après le début du procès que les défendeurs ont réalisé ou auraient dû réaliser leur erreur et qu'ils se sont enfermés dans leur malice pour poursuivre inutilement un débat judiciaire. Ils doivent donc être tenus responsables des honoraires extra-judiciaires encourus après cette date. [176] À l'examen du compte d'honoraires P-91 et l'ajout du 14 mars 2005 dont le montant totalise 172 927,10 $, le Tribunal constate que plusieurs avocats ont travaillé au dossier pour le compte de Mme Chiasson durant le procès. Les honoraires pour cette période sont très importants. [177] On reproche souvent au système judiciaire son manque d'accessibilité en raison des coûts y attachés. Les honoraires encourus ici constituent une démonstration que le système est parfois inabordable et exorbitant. À titre d'exemple, les deux avocats chargés de plaider ce dossier facturent 18 heures par jour chacun alors qu'une stagiaire qui assiste à l'audition ajoute 12 heures par jour. D'autres charges s'additionnent pour des recherchistes ou des associés du même bureau. [178] Le Tribunal, n'a pas à arbitrer les tarifs horaire ni à s'ingérer dans la méthode de travail des avocats mais la réclamation pour la partie du procès déborde le cadre de ce qui peut être octroyé pour un procès de cette envergure. [179] L'examen du compte d'honoraires (P-91), démontre que les avocats ont facturé au-delà de 85 000 $ incluant TPS et TVQ pour un procès d'une durée de neuf (9) jours. Ce montant de l'avis du Tribunal est exagéré. Le Tribunal usant de son pouvoir discrétionnaire accorde à la demanderesse un montant de 40 000 $ à titre d'honoraires extra-judiciaires. Ce montant lui apparaît largement suffisant compte tenu de la nature du dossier.

Ce jugement est présentement en appel.

63

200-17-003269-032, Juge Yves Alain, Cour supérieure, 11 avril 2005. Le jugement est disponible sur le site Internet: www.jugements.qc.ca

71

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

6.2

La Cour suprême du Canada

Le 19 mai 2005, la Cour suprême du Canada dépose ses motifs concernant le pourvoi

Prebushewski c. Dodge City Auto (1984) Ltd64. Il s’agit d’un arrêt unanime des honorables juges Major, Bastarache, LeBel, Deschamps, Fish, Abella et Charron, concernant le recours d’une consommatrice en violation de garanties légales contre le fabricant et le concessionnaire d’un véhicule automobile en vertu de la Consumer Protection Act de la Saskatchewan.

Les faits sont les suivants. Le 17 décembre 1996, Mme Prebushewski achète un camion chez Dodge City, un concessionnaire de Chrysler en Saskatchewan. En avril 1998, le camion est détruit par un incendie suite à une défectuosité dans le module de feux de jour du camion. Mme Perebushewski déclare cette perte à son assureur ainsi qu’au concessionnaire et au fabricant. Malgré ses demandes répétées,

le concessionnaire et le fabricant refusent

d’indemniser Mme Prebushewski. Cette dernière entreprend une action contre eux et réclame, outre les dommages-intérêts généraux, des dommages-intérêts exemplaires en vertu de l’article 65 de la Consumer Protection Act.

En première instance, Mme Prebushewski a gain de cause. La juge lui accorde la somme de 25 000$ en dommages-intérêts exemplaires et 41 969,83$ en dommages-intérêts généraux. La Cour d’appel maintient la condamnation aux dommages-intérêts généraux mais annule celle des dommages-intérêts exemplaires parce que les défenderesses n’ont pas agi de mauvaise foi. Finalement, la Cour d’appel accorde les dépens en appel à Chrysler et Dodge City.

Le litige devant la Cour suprême du Canada porte sur deux aspects de la décision de la Cour d’appel :

64

2005 CSC 28, ci-après «Prebushewski».

72

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

1.

Le critère pour l’octroi des dommages-intérêts exemplaires en vertu de l’article 65 de la Consumer Protection Act est-il différent de celui prévu par la common

law? 2.

Mme Prebushewski peut-elle être condamnée aux dépens vu l’article 66 de la

Consumer Protection Act?

L’article 65 de la Consumer Protection Act prévoit : 65(1) Outre les autres recours prévus par la présente partie ou reconnus en droit dans la province, le consommateur ou la personne visée au paragraphe 41(1) ou à l’article 64 peut recouvrer des dommages-intérêts exemplaires d’un fabricant, d’un détaillant ou d’un garant qui a commis une contravention délibérée à la présente partie. (2) Lorsque des dommages-intérêts exemplaires sont réclamés dans une action, la preuve de l’existence d’un comportement similaire dans des opérations entre le fabricant, le détaillant ou le garant et d’autres consommateurs est recevable pour démontrer que la contravention était délibérée ou pour établir à quel degré elle l’était.

L’honorable juge Abella rappelle le critère d’octroi des dommages-intérêts exemplaires en

common law : En common law, des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs ne sont octroyés que dans des cas exceptionnels, afin de punir, de dissuader ou de dénoncer une conduite « malveillante, opprimante et abusive » qui « choque le sens de la dignité de la cour ». Le critère limite de tels dommages-intérêts aux seules « conduites répréhensibles représentant un écart marqué par rapport aux normes ordinaires en matière de comportement acceptable » : Performance Industries Ltd. c. Sylvan Lake Golf & Tennis Club Ltd., [2002] 1 R.C.S. 678, 2002 CSC 19, par. 79; Whiten c. Pilot Insurance Co., [2002] 1 R.C.S. 595, 2002 CSC 18, par. 36; Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, par. 199; et Norberg c. Wynrib, [1992] 2 R.C.S. 226, p. 267.

Par ailleurs, elle arrive à la conclusion que l’article 65 de la Consumer Protection Act établit un critère différent, soit celui de la contravention délibérée à la loi : À mon avis, le par. 65(1) établit un critère différent en matière de dommages-intérêts exemplaires. Le texte de ce paragraphe est clair et non ambigu : le juge qui conclut à l’existence d’une contravention délibérée a le pouvoir discrétionnaire d’accorder des 73

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

dommages-intérêts exemplaires. Si le législateur avait voulu que le critère plus exigeant de la common law s’applique, il aurait facilement pu employer des mots associés à la notion classique de dommages-intérêts exemplaires, par exemple « malveillant » ou « opprimant ». En énonçant plutôt qu’une contravention « délibérée » à la Loi suffit pour que le juge puisse exercer son pouvoir discrétionnaire, le législateur a exprimé l’intention d’imposer des conditions moins exigeantes et de faciliter l’accès aux dommages-intérêts exemplaires. […]

La conclusion que le critère établi au par. 65(1) à l’égard des dommages-intérêts exemplaires remplace les principes de la common law ressort aussi d’une analyse du contexte historique et des origines de la législation de la Saskatchewan en matière de protection du consommateur.

33

La partie III de la Loi, dans laquelle se trouve l’art. 65, a été édictée initialement en

1977 en tant que loi intitulée The Consumer Products Warranties Act, 1977, S.S. 1976-77, ch. 15. Ce texte s’inscrivait dans le mouvement observé alors en Amérique du Nord, où des lois étaient édictées en vue de corriger le déséquilibre entre les pouvoirs de négociation respectifs des consommateurs et des fabricants et vendeurs de produits. Afin d’informer les consommateurs et de les protéger contre les produits dangereux et les pratiques frauduleuses ou trompeuses, des mesures législatives ont été adoptées pour corriger la situation vulnérable dans laquelle des principes de common law comme la règle caveat emptor (Que l’acheteur prenne garde) plaçaient le consommateur.

34

Au Canada, le gouvernement fédéral a édicté la Loi sur le ministère de la

Consommation et des Corporations, S.C. 1967-68, ch. 16, qui confiait au nouveau ministère la tâche de coordonner l’application de diverses lois fédérales visant à protéger les consommateurs. Au nombre des lois fédérales importantes en cette matière figurent 74

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

également la Loi des aliments et drogues, S.C. 1952-53, ch. 38, la Loi sur les produits dangereux, S.C. 1968-69, ch. 42, la Loi sur la sécurité des véhicules automobiles, S.C. 1969-70, ch. 30, la Loi sur l’étiquetage des textiles, S.C. 1969-70, ch. 34, les dispositions relatives aux billets de consommation de la Loi sur les lettres de change, S.R.C. 1952, ch. 15, partie V (modifiée par S.C 1969-70, ch. 48, art. 2), la Loi sur les poids et mesures, S.C. 1970-71-72, ch. 36, et la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation, S.C. 1970-71-72, ch. 41.

35

Les provinces ont elles aussi commencé à adopter des lois visant à améliorer la

protection et les recours des consommateurs, en vertu de leur compétence en matière de propriété et de droits civils. La Consumer Products Warranties Act, 1977, de la Saskatchewan, faisait partie de ces lois.

[…]

À mon avis, l’effet conjugué du libellé, des origines et de l’objectif de la Loi conduisent inexorablement à la conclusion de la juge de première instance : le critère énoncé à l’art. 65 en matière de dommages-intérêts exemplaires diffère des règles de la common law. Un acte [TRADUCTION] « délibéré » est volontaire ou intentionnel. Les mots auxquels renvoie la notion d’acte délibéré exprimée dans la Loi posent une condition moins exigeante que les mots qui limitent l’octroi de dommages-intérêts exemplaires en common law, et ils répondent à l’intention du législateur, qui voulait accroître l’accessibilité du recours. Rien ne justifie d’incorporer le critère prévu par la common law dans une disposition qui a si clairement pour but de le remplacer.

Suite à cette conclusion, elle reprend les constatations de faits de la juge de première instance et, conclut comme elle, que le dossier démontre une contravention délibérée à loi justifiant une condamnation à des dommages exemplaires.

75

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Il est bon de noter que la Loi sur la protection du consommateur65 du Québec reconnaît à l’article 272 la possibilité pour un consommateur de requérir du commerçant ou du fabricant des dommages-intérêts punitifs :

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

a) l'exécution de l'obligation; b) l'autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant; c) la réduction de son obligation; d) la résiliation du contrat; e) la résolution du contrat; ou f) la nullité du contrat, sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

Quant à la question des dépens, l’honorable juge Abella conclut que l’action de Mme Prebushewski n’était pas frivole ou vexatoire et que la condamnation aux dépens était donc mal fondée :

La Cour d’appel a condamné Mme

Prebushewski

aux dépens. Selon cette dernière,

la cour n’avait pas le pouvoir de le faire.

41

Suivant l’article 66 de la Loi, le consommateur qui poursuit un fabricant ou un

détaillant pour violation de garantie ne peut être condamné aux dépens – et ce, qu’il ait gain de cause ou non –, à moins que son action ne soit frivole ou vexatoire :

[TRADUCTION]

65

L.R.Q., c. P-40.1.

76

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

66(1) Ne peuvent être condamnés aux dépens le consommateur, la personne visée au paragraphe 41(1) qui tient son droit de propriété ou son intérêt sur un produit de consommation d’un consommateur ou la personne visée à l’article 64, qui :

(a) soit intente une action contre un fabricant, un détaillant ou un garant pour violation d’une garantie prévue à la présente partie; ...

(2) Le paragraphe (1) s’applique sans égard à l’issue de l’action, de la défense ou de la demande reconventionnelle, à moins que le tribunal n’estime qu’elle était frivole ou vexatoire.

[…]

L’article 66 vise à protéger les consommateurs qui intentent des poursuites légitimes contre la possibilité dissuasive d’une condamnation à des dépens élevés. L’intention du législateur est ici de favoriser de telles poursuites. Limiter à la première instance cette protection relative aux dépens aurait le résultat inverse, étant donné la possibilité que les défendeurs condamnés souhaitent interjeter appel, comme ils en ont le droit.

44

Comme le tribunal de première instance et la Cour d’appel ont jugé que Mme

Prebushewski

avait droit à des dommages-intérêts correspondant au prix d’achat du

camion, et que ni Chrysler ni Dodge City n’ont prétendu que l’action était frivole ou vexatoire, la condamnation de Mme Prebushewski aux dépens devant la Cour d’appel n’était pas fondée.

Au Québec, la Loi sur la protection du consommateur ne contient pas de disposition équivalente à l’article 66 de la Consumer Protection Act.

77

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

6.3 En Ontario 6.3.1

Abolition de la grille de frais (Costs grid)

Dans le rapport d’étape du 6 décembre 2004 du Comité sur la procédure civile, ce dernier précise qu’«il faut noter qu’un sous-comité du Civil Rules Committee en Ontario s’interroge

présentement sur les modifications à apporter à leur grille des dépens («costs grid») prévue au Tariff A66 qui ne rencontre pas les objectifs de prévisibilité et de détermination expéditive des dépens. Une consultation est en cours depuis le 24 février dernier.»

Depuis le 1 juillet 2005, les règles de l’adjudication des dépens sont modifiées suite aux recommandations du sous-comité sur les dépens67. Premièrement, la grille de frais (Tariff A,

Part 1- Costs grid) est abrogée.

Deuxièmement, la Règle 57 des Règles de procédure civile est amendée afin d’inclure deux nouveaux facteurs que le tribunal doit prendre en considération lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire en matière de dépens :

o.a) le principe d’indemnisation, y compris, s’il y a lieu, l’expérience de l’avocat de la partie qui a droit aux dépens ainsi que les taux facturés et les heures consacrées par cet avocat; o.b) le montant des dépens que la partie qui succombe pourrait raisonnablement s’attendre à payer relativement à l’étape à l’égard de laquelle les dépens sont fixés;

À cet égard, les parties doivent compléter la formule 57B «sommaire des dépens» («Costs

outline») qui fait état des dépens qui seront engagés par la partie à cette étape de la procédure et qui seraient réclamés si elle était la partie méritoire.

66 67

Tariffs A- Solicitor’s fees and disbursements allowable under Rule 58.05. Me Sylvie Champagne a obtenu ces renseignements de la part de Me John Kromkamp, secrétaire du sous-comité sur les dépens de l’Ontario. Les documents transmis par M. Kromkamp sont reproduits à l’Annexe 9.

78

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Quatrièmement,

la

définition

«dépens

d’indemnisation substantielle» («substantial

indemnity costs») est modifiée comme suit :

«dépens d’indemnisation substantielle» Dépens adjugés dont le montant est 1,5 fois ce qui aurait été adjugé par

ailleurs conformément à la premier partie du tarif A.

L’expression «sur une base d’indemnisation substantielle » a un sens correspondant.

Enfin, la Règle 57 a un nouvel alinéa qui prévoit : (6) À moins que les parties n’aient convenu des dépens qu’il serait indiqué d’adjuger pour une étape d’une instance, chaque partie qui a l’intention de demander des dépens pour cette étape donne aux autres parties en cause dans la même étape, et apporte à l’audience, un sommaire des dépens (formule 57B), qui ne dépasse pas trois pages. .

6.3.2

Consultation sur la Règle 49

Depuis le 12 mai 2005, le Civil Rules Committee en Ontario est en consultation concernant la Règle 49 des Règles de procédure civile68. Il est intéressant de noter que le comité s’interroge sur le problème du «asymmetrical operation of the rule». Voici de quelle façon le Civil Rules Committee définit ce problème : In 2002 and 2003, the Civil Rules Committee directed its Secretariat to consult with the bench, bar, and the public about the desirability of amending the offer to settle rule to address the use of “escalating costs provisions” in offers to settle. As a result of the responses received, the Civil Rules Committee decided that no amendments should be made on account of escalating costs provisions. However, the responses revealed that there may be a problem in the operation of the offer to settle rule. The problem is the asymmetrical operation of the rule. Rule 49 uses costs consequences as an incentive to encourage parties to make or to accept a reasonable offer to settle. More precisely, if a plaintiff’s offer is refused and the plaintiff obtains a judgment as favourable as or more favourable than the terms of the offer, the plaintiff is entitled to partial indemnity costs to the date of the offer and substantial indemnity costs thereafter, unless the court orders otherwise: rule 49.10 (1). If a defendant’s offer is refused and the plaintiff obtains a judgment as favourable or less favourable than the offer to settle, the plaintiff is entitled to partial indemnity costs to the date of the offer and the defendant is entitled to partial indemnity costs thereafter, unless the court orders otherwise: rule 49.10 (2). 68

Le document de consultation est accessible à l’adresse suivante : www.ontariocourts.on.ca/notices/rules/rule 49.htm.

79

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

It is important to note that while both plaintiffs and defendants are provided with incentives to accept an offer to settle because of the possible adverse costs consequence of rejecting an offer, the incentives are asymmetrical, and the current design of the rule favours defendants, who receive a “costs shift”, that is, they receive costs that they would not normally receive, while plaintiffs merely receive a “costs uplift”, that is, they receive costs at a higher scale. A “costs shift” is more valuable than a “costs uplift”. For example, if partial indemnity costs were $300: (a) a “costs uplift” for the plaintiff would increase the recovery to $450, a $150 differential; whereas (b) a “costs shift” for the defendant would increase the costs for the defendant from $0 to $300, a $300 differential. But this is only “half of the picture;” since the fee shift means the plaintiff is deprived of these costs and the economic result is dramatic. The explanation for this rests in the fact that the offer to settle rule uses three types of costs consequences as incentives to accept offers or, in effect, penalties if offers are imprudently rejected. First, there are “costs holidays”. Second, there are “costs uplifts”, and third, there are “costs shifts”. The effect of “costs holidays,” that is, where a defendant is relieved from paying a portion of the legal costs incurred by a plaintiff who otherwise is receiving a recovery by settlement or judgment, may be underappreciated. As a tool to encourage settlement, rule 49.10 (2) (costs consequences of defendant’s offer) is considerably more powerful than rule 49.10 (1) (costs consequences of plaintiff’s offer). Using a risk analysis, in the circumstance of a plaintiff’s offer, the defendant confronts paying a little more in costs (“a costs uplift”) for rejecting the plaintiff’s offer. Using a risk analysis, in the circumstances of a defendant’s offer, the plaintiff confronts not recovering costs after the defendant’s offer (a “costs holiday” for the defendant) and having to pay costs to the defendant for the period after the defendant’s offer (a “costs shift”). Thus, the plaintiff faces considerably more risk in rejecting the defendant’s offer than a defendant faces in rejecting a plaintiff’s settlement offer. It is also worth noting that as a class, plaintiffs are more risk adverse than defendants, many of whom are institutions positioned to take risks. This reality intensifies the power of defendants’ offers to settle. Following is an example illustrating the differential impact of the Rule 49.10 sanctions. It involves two variations on the same, quite typical, case; in one instance the plaintiff makes a successful offer, in the other the defendant makes the successful offer. Let us assume that at the time of the offer each side has spent the same amount of time on the matter and that it would be appropriate to calculate partial indemnity costs up to the time of the offer at $14,000. Let us also assume that, by the end of the trial, each party spent a further equivalent amount of time on the case and the post-offer costs would be $21,000 on a partial indemnity scale and $31,500 on a substantial indemnity scale. If the plaintiff’s offer is successful (i.e. she beats the offer at trial) the plaintiff’s costs recovery will be $14,000 (partial indemnity costs to the date of the offer) plus $31,500 (substantial indemnity costs from the time of the offer until the close of the trial), for a total of $45,500. In contrast, if the defendant’s offer is successful (i.e. the plaintiff failed to do better than the defendant’s offer) the plaintiff (who, keep in mind, won the case) will recover $14,000 (partial indemnity costs to the time of the offer) and must pay the defendant $21,000 (the partial indemnity costs from the time of the offer till the completion of the trial). The net result in this case is that the plaintiff is out of pocket $7,000 with regard to costs. A summary of the impact of Rule 49 in this hypothetical is as follows. Where there is a successful offer by the plaintiff, in return for the plaintiff compromising her claim, she is (by virtue of the “costs uplift”) only $10,500 better off than if she had made no offer at all; 80

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

if the plaintiff had made no offer, but recovered damages and was awarded partial indemnity costs throughout, these would amount to $14,000 plus $21,000 for a total of $35,000. By making a winning offer, the plaintiff recovers $14,000 plus $31,500 for a total of $45,500. That is, the plaintiff is $10,500 better off. This outcome may be compared to the situation where there is a successful offer by the defendant. As we have seen from the example, if the plaintiff had made no qualifying offer to settle and recovered damages and partial indemnity costs, those costs would have amounted to $35,000. Instead, where the defendant makes the successful offer, the plaintiff (1) is deprived of costs from the time of the offer (and note this covers a trial which the plaintiff won), and (2) has to pay the defendant $21,000 for costs. The result is that the plaintiff is $42,000 worse off (in comparison to the situation where no qualifying offer is made) because she is disqualified from receiving $35,000 (the defendant’s “costs holiday”) and she must pay $7000 (the defendant’s “costs shift” after the set off for the costs incurred before the defendant’s offer). Thus, these examples demonstrate that in the circumstances described: • A plaintiff, by compromising his/her claim with an offer to settle (which is unaccepted) stands to be better off to the extent of obtaining an extra $10,500 in costs. • A defendant, by making an offer to settle (which is unaccepted) is $42,000 better off than if he or she had made no offer to settle. In short, as it presently stands, Rule 49.10 allows the defendant to put considerable settlement pressure on the plaintiff, but permits the plaintiff to put only minimal like pressure on the defendant.

Le Civil Rules Committee doit analyser les pistes de solutions suivantes: Emerging from the consultation process and this analysis of Rule 49 is the issue whether there is a case for amending rules 49.10 (1) and (2) to bring the costs consequences of a rejected defendant’s offer more in line with the costs consequences of a rejected plaintiff’s offer under 49.10 (1). This could be achieved by amending rule 49.10 (1) to make it more powerful or by amending rule 49.10 (2) to make it less powerful, or by doing both. Making rule 49.10 (2) less powerful - The consultation process revealed that members of the plaintiff’s bar object to the current imbalance. They suggested reducing the power residing in rule 49.10 by entitling the defendant to only a “costs holiday” and not a “costs shift.” An amendment to implement this proposal is set out below with the changes underlined or overwritten. Defendant’s Offer 49.10 (2) Where an offer to settle (a) is made by a defendant at least seven days before the commencement of the hearing; (b) is not withdrawn and does not expire before the commencement of the hearing; and (c) is not accepted by the plaintiff, and the plaintiff obtains a judgment as favourable as or less favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff is entitled to partial indemnity costs to the date the offer 81

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

was served and the plaintiff shall not recover any costs from that date, unless the court orders otherwise. Although this amendment to rule 49.10 (2) would still leave a defendant’s offer more powerful than a plaintiff’s offer, the amendment might not be desirable on the basis that a plaintiff having to confront only the risk of not recovering some costs would be more inclined to reject reasonable settlement offers from defendants, and thus the policy of Rule 49 of encouraging settlements would be weakened. The counter-argument to this is that it results in exactly what the reform is designed to do, i.e. make the sanction less severe. Making rule 49.10 (1) more powerful - Alternatively, the imbalance of the power of plaintiffs’ versus defendants’ offers could be removed or ameliorated by increasing the power of a plaintiff’s offers by entitling the plaintiff under rule 49.10 (1) to a greater increment than the “uplift” from partial to substantial indemnity costs, perhaps “doublepartial indemnity” costs for the period after the offer. On the one hand, the approach of awarding a plaintiff double costs may be undesirable on the basis that in some cases, it might overcompensate the plaintiff and be seen as contrary to the principle that costs are to be an indemnity, not an enrichment. However, there is precedent from other Canadian jurisdictions for the award of double costs. An “uplift” to double costs for successful plaintiffs’ offers (as opposed to substantial indemnity costs) is used under the rules of British Columbia, Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Nova Scotia and in the Federal Court rules. [1] On the other hand overcompensation might be regarded as the award for making a reasonable settlement offer and furthering the policy of the rule of encouraging settlement. There is, however, the further consideration that, given their traditional tolerance to risk, defendants as a class may be unmoved by the change to the rule. A possible amendment to rule 49.10 (1) is set out below, with the changes underlined or overwritten. Plaintiff’s Offer 49.10 (1) Where an offer to settle (a) is made by a plaintiff at least seven days before the commencement of the hearing; (b) is not withdrawn and does not expire before the commencement of the hearing; and (c) is not accepted by the defendant, and the plaintiff obtains a judgment as favourable as or more favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff is entitled to partial indemnity costs to the date the offer to settle was served and double partial indemnity costs from that date, unless the court orders otherwise. The former consultation process did consider the above possible amendments to Rule 49.

82

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Il est bon de noter que le Comité ad hoc sur les frais était conscient de ce problème au moment de la rédaction du Rapport69.

69

Voir la page 197 du Rapport.

83

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

PARTIE III

LES RECOMMANDATIONS

CHAPITRE 7 - L’ATTRIBUTION DES COÛTS DE LITIGES

7.1

Recommandation préliminaire : le Tarif doit être actualisé

Le 6 décembre 2004, le Comité sur la procédure civile recommande de façon préliminaire au Comité administratif dans son rapport d’étape de maintenir le système actuel en matière de dépens, d’actualiser le Tarif et d’inclure une clause d’indexation et d’abolir l’article 479 du

Code de procédure civile qui distrait les dépens en faveur de l’avocat.

Suite à la continuation de ses travaux, à l’obtention des différentes positions de barreaux de section, de comités et d’avocats et considérant les développements récents concernant les dépens et la recommandation énoncée au Chapitre 11 à l’effet qu’il est primordial d’effectuer une étude économique et sociologique sur les prémisses et impacts des recommandations du Comité ad hoc sur les frais, le Comité sur la procédure civile maintient cette recommandation préliminaire et reproduit ci-dessous l’analyse contenue au rapport d’étape du 6 décembre 2004 ayant mené à cette recommandation :

3.2

Recommandation préliminaire : Le Tarif doit être actualisé

Essentiellement, le vrai débat est à savoir qui doit payer les honoraires extrajudiciaires des avocats lors de litiges : la partie méritoire, la partie qui succombe, les deux parties ou le gouvernement.

3.2.1

Les constats du Comité sur la procédure civile

Le Comité sur la procédure civile est en mesure de reconnaître que: Le système de justice est injuste et inéquitable en matière de dépens; Le système judiciaire est de plus en plus inaccessible pour les justiciables. 84

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Quelle est la ou quelles sont les sources de cette injustice et de cette inaccessibilité à notre système judiciaire? En matière d’accessibilité à la justice, le Comité sur la procédure civile a déjà fait part de ses commentaires à ce sujet à la Partie 2 de ce rapport d’étape. Plusieurs sources sont fort probablement en cause. Toutefois, le Comité sur la procédure civile est présentement incapable de les classifier en ordre d’importance. Nul doute que l’injustice en matière de dépens est une source de cette inaccessibilité. Mais, à quel niveau? Cette question demeure sans réponse pour l’instant. En matière d’attribution des coûts de litiges, le Comité ad hoc est d’avis que les sources d’injustice sont multiples, à savoir : «i) Un Tarif des honoraires judiciaires des avocats parfaitement désuet qui, par exemple, dans de nombreux cas ne permet à la partie jugée méritoire de recouvrir de la partie adverse qu’environ, cinq pour cent (5%), des honoraires d’avocats encourus lors d’un procès. ii) Des positions juridiques restrictives énoncées par la Cour d’appel, entre autres, dans l’affaire Viel, d’une part, limitant la discrétion du tribunal au montant souvent dérisoire prévu au Tarif et, d’autres part, refusant de reconnaître que les honoraires extrajudiciaires peuvent être octroyés à titre de dommages-intérêts même en cas d’une conduite répréhensible, abusive et de mauvaise foi d’une partie sur le fond du litige. iii) Une tendance législative troublante indiquée par des amendements à la Loi sur les normes du travail (1997) aux articles 2667 et 2762 du Code civil du Québec (2002) transférant les coûts de la représentation légale, d’une part, de l’employeur fautif à l’employé victime de cette faute et, d’autre part, du débiteur hypothécaire défaillant à l’ensemble des autres débiteurs. iv) La divergence d’application des règles entourant la responsabilité pour le paiement des honoraires d’experts permettant, dans certains cas, à une partie jugée fautive d’éviter le paiement d’une partie importante des honoraires d’experts encourus par la partie méritoire pour faire valoir ses droits.»70

À cet égard, le Comité sur la procédure civile est plutôt d’avis que cette injustice résulte en grande partie de la désuétude du Tarif. L’inaction du législateur qui aurait dû actualiser le Tarif, à tout le moins dès 1988, fait en sorte qu’aujourd’hui, les honoraires judiciaires prévus au Tarif ne compensent qu’une infime partie des honoraires extrajudiciaires payés par la partie méritoire à son avocat. Actuellement, les tribunaux ne peuvent accorder plus d’honoraires judiciaires et débours que ceux prévus au Tarif en conformité avec les articles 477 et 480 du Code de procédure civile : 70

Le Rapport pp. 17-18.

85

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

«477. La partie qui succombe supporte les dépens, frais du sténographe compris, à moins que, par décision motivée, le tribunal ne les mitige, ne les compense ou n'en ordonne autrement. Le tribunal peut également, par décision motivée, mitiger les dépens relatifs aux expertises faites à l'initiative des parties, notamment lorsqu'il estime que l'expertise était inutile, que les frais sont déraisonnables ou qu'un seul expert aurait suffi. Dans le cas d'une action personnelle et sous réserve de l'article 988, la somme des frais de poursuite, à l'exclusion des frais d'exécution, que le défendeur condamné peut être appelé à payer ne doit pas excéder le montant de la condamnation, si celui-ci n'est pas supérieur au montant prévu au paragraphe a de l'article 953, à moins que, par décision motivée, le tribunal n'en ait ordonné autrement.

480. La partie qui a droit aux dépens en établit le mémoire suivant les tarifs en vigueur, et le fait signifier à la partie qui les doit, si elle a comparu, avec avis d'au moins cinq jours de la date à laquelle il sera présenté au greffier pour taxe; ce dernier peut requérir une preuve, par affidavit ou par témoins. La taxe peut être révisée par le juge dans les 30 jours, sur demande signifiée à la partie adverse. Le jugement alors rendu est final et sujet à appel suivant les règles prévues par l'article 26. Toutefois, sauf recours en répétition s'il y a lieu, ni la demande de révision, ni l'appel du jugement sur cette demande ne suspendent l'exécution à moins que le montant du mémoire tel que taxé ou révisé n'excède 10 000 $, auquel cas l'exécution est suspendue pour l'excédent de ce montant.»

Récemment, la Cour d’appel du Québec a fait le même constat à deux reprises. Dans l’arrêt Viel, 71 le juge Rochon note que : «L'écart sans cesse croissant entre le tarif judiciaire et les coûts réels encourus par les plaideurs victorieux incite ces derniers à demander le remboursement de ces dépenses à titre de dommages-intérêts.» 72

En mars 2004, le juge Pelletier de la Cour d’appel écrit dans l’arrêt Hrtschan 73 : «Cette même analyse met en lumière les vertus du système de tarifs judiciaires dont le rôle curatif a été évoqué notamment dans les arrêts Kowarsky et ViceVersa. Par malheur, ce système ne joue plus correctement son rôle en raison de la désuétude du Tarif des honoraires judiciaires des avocats. Son absence de souplesse, qui l'empêche de distinguer par exemple le cas d'une réclamation en diffamation de celle qui porte sur le paiement d'une lettre de change, et la 71 72 73

Viel c. Les Entreprises Immobilières du Terroir Ltée, REJB 2002-31662 (C.A.). Id. p. 11.

Hrtschan c. Ville de Montréal, REJB 2004-55545 (C.A.). Il fait le même constat dans l’arrêt Hétu; voir infra, p 60 et 61.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

distorsion entre, d'une part, les sommes qu'il prévoit et, d'autre part, les coûts réels engagés par les plaideurs, en font un enjeu négligeable. Dans l'état actuel des choses, le Tarif des honoraires judiciaires des avocats n'est plus porteur de solutions valables pour la réparation du préjudice collatéral bien réel que génère tout recours à l'appareil judiciaire. C'est là la véritable source du problème que bien des plaideurs tentent de résoudre en faisant appel erronément au régime de responsabilité civile, lequel, sauf exceptions, n'est pas apte à jouer ce rôle. La prolifération actuelle des demandes en remboursement des frais extrajudiciaires en témoigne éloquemment et fait voir la nécessité pressante de revoir le Tarif des honoraires judiciaires des avocats en profondeur dans l'optique d'une saine administration de la justice.»74 [ Notre emphase]

Par ailleurs, le Comité sur la procédure civile abonde dans le même sens que le Comité ad hoc à l’égard de la règle de la distraction des dépens en faveur des avocats prévue à l’article 479 du Code de procédure civile. En 2004, cette règle n’a plus sa raison d’être et nuit considérablement à l’image de la saine administration de la justice.

3.2.2.

Position antérieure du Barreau du Québec

Le Barreau du Québec s’est prononcé à plusieurs reprises sur la question des honoraires judiciaires des avocats. D’une part, il a énoncé ses commentaires lors de la révision du Code de procédure civile tel qu’il en a déjà été question à la Partie 1 de ce rapport. D’autre part, le Conseil général du Barreau du Québec a suivi de près les travaux du Comité de la pratique privée concernant la révision du Tarif. Dans le cadre de la révision de la procédure civile rappelons que le sous-groupe de travail 4 du Comité de révision de la procédure civile a recommandé en 1999 de : Maintenir la règle générale à l’effet que les dépens soient fixés suivant un tarif fixe. La possibilité pour le tribunal dans des circonstances spéciales et en appréciant le caractère raisonnable, de condamner une partie au paiement à titre de dommages-intérêts des honoraires et débours extrajudiciaires engagés par l’autre partie. En septembre 2000, le Barreau du Québec réitère l’une de ces recommandations dans son Mémoire portant sur la Consultation du comité de révision de la procédure civile : «P.5-5 De préciser que le tribunal peut, dans des circonstances exceptionnelles et en en appréciant le caractère raisonnable, condamner une partie au paiement, à titre de dommages-intérêts, des honoraires et débours extrajudiciaires engagés par l’autre partie. Le comité est favorable au principe de cette proposition mais considère qu’elle est incomplète. Bien que ce ne soit pas dans le contexte d’une procédure manifestement mal 74

Id., p. 13.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

fondée, une telle possibilité de condamner une partie à des dommages-intérêts devrait s’inspirer de l’article 75.2, adapté au jugement final : cette condamnation serait prononcée sur demande et non d’office, pour sanctionner la conduite ou une procédure abusives ou dilatoires d’une partie; ces dommages-intérêts pourraient prendre la forme d’honoraires extrajudiciaires mais pas nécessairement et le montant, s’il n’est pas établi au moment de rendre jugement, pourrait être déterminé plus tard sur requête adressée au tribunal. Une telle condamnation ne doit toutefois pas être confondue avec le recours en dommagesintérêts pour abus de droit.» 75

En juillet 2001, le Comité de révision de la procédure civile sur lequel Me Ferland siège à titre de président étant assisté entre autres de Me Suzanne Vadboncoeur et Me François Bousquet, arrive à la conclusion suivante : «5.2.1.1. La règle générale Au cours de ses délibérations, le Comité s’est penché sur diverses options pouvant régir les dépens, par exemple celles voulant que chaque partie paie ses frais ou encore que les dépens comprennent les honoraires et débours extrajudiciaires. Toutefois, l’étude de ces autres options n’a pas démontré leur supériorité sur les règles actuelles du Code.» […] R.5-6

De maintenir la règle actuelle en matière d’attribution des dépens.»

Par ailleurs, le 8 novembre 1984, le Comité administratif du Barreau du Québec adopte la résolution suivante : «De confier le mandat au Comité des avocats de la pratique privée d’étudier la mise à jour et le renouvellement du Tarif judiciaire.»

Afin qu’un nouveau Tarif soit adopté, les étape suivantes doivent être franchies : -

L’examen du projet de Tarif par l’Office des professions; L’analyse du projet par le Bureau des règlements; Une pré-publication du projet de Tarif dans la Gazette officielle; L’Office des professions doit approuver le projet de Tarif; L’adoption pour le Conseil des ministres après avis d’un comité gouvernemental; Mise en vigueur quinze (15) jours après sa publication dans la Gazette officielle.

En 1988, le Comité de la pratique privée transmet au Conseil général du Barreau du Québec, un projet de Tarif ainsi qu’un rapport sur la révision du Tarif des honoraires judiciaires des avocats dans lequel, le Comité fait état de ce qui suit : «Le nouveau projet de Tarif est donc le fruit d’une longue réflexion soucieuse de respecter une longue tradition juridique de façon à assurer ainsi un esprit de continuité à

75

Mémoire du Barreau du Québec sur le document de consultation intitulé « La révision de la procédure civile », septembre 2000, p. 28.

88

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

la tarification actuelle. Ce que devait être cette révision, ou ce que nous voulions qu’elle fût, peut être exprimée comme suit : Il ne s’agit pas de tout bouleverser, mais de tout revoir. […] Entre l’avocat et la partie adverse, c’est plutôt la Loi et non pas le contrat qui est la véritable source des obligations de la partie perdante quant aux honoraires judiciaires. Dans l’intérêt du public, il est donc nécessaire d’établir à l’avance un Tarif des honoraires judiciaires pour que l’avocat ne soit pas libre de déterminer lui-même les honoraires que doit lui verser la partie perdante. […] De plus en plus avec les années, on a assisté à un déséquilibre grandissant entre les honoraires judiciaires et honoraires extrajudiciaires. Avec le temps, il est apparu au citoyen ordinaire qu’il n’était plus rentable de retenir les services d’un avocat compte tenu de l’impossibilité de faire payer au véritable responsable d’un procès les coûts entraînés par la mise en branle du processus judiciaire. Indirectement, une mauvaise tarification de ces honoraires peut mettre en péril le droit du client de retenir les services d’un avocat si celui-ci n’a pas les moyens de se payer les services d’un procureur pour le défendre devant les tribunaux au motif que sa cause n’est pas rentable. […] Malheureusement avec un déséquilibre de plus en plus grand entre les honoraires judiciaires et les honoraires extrajudiciaires, cette justice est devenue de plus en plus chère pour la partie qui gagne sa cause devant les tribunaux et de moins en moins chère pour celui qui succombe. Cette situation peut être néfaste en soi pour l’administration de la justice puisque le véritable danger est d’assister à une multiplication de procédures abusives et dilatoires de la part de personne sans scrupule dont les intérêts pourraient être jugés rentables, le fait de retarder indûment l’administration de la justice. […] Pour les avocats d’un comité de la pratique privée, le temps est venu d’agir et la révision du Tarif judiciaire en matière civile doit être considérée comme un début et une occasion propice pour une réforme plus globale encore de la tarification des honoraires judiciaires, que ce soit pour les tribunaux judiciaires ou administratifs. Tout au long de son étude de la tarification actuelle, les membres du Comité ont eu l’occasion de dénoncer les carences du système actuel prévues pour les tribunaux administratifs, notamment en prenant pour acquis qu’il n’appartient pas à l’état de financer, de façon indirecte, le plaideur téméraire qui abuse des recours que met la Loi à sa disposition. […] Essentiellement, il s’agissait de reviser en profondeur le tarif des honoraires des avocats adopté le 1er décembre 1920, laquelle réforme a donné lieu à une simplification des différents honoraires prévus selon les étapes de procédure à l’intérieur d’une cause. Malheureusement, cette simplification devait avoir un effet néfaste sur les augmentations réelles des montants d’argent prévus pour les honoraires judiciaires. […] 89

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Devant ces faits, il serait pour le moins superflu d’insister sur l’urgence de rétablir le déséquilibre grandissant qui s’est manifesté depuis 1920 entre les honoraires judiciaires et les honoraires extra judiciaires. […] Pour établir une tarification juste et équitable des honoraires judiciaires des avocats exerçant devant les tribunaux civils, Le Conseil général du Barreau devrait considérer trois (3) grands principes fondamentaux que la tarification aura pour but de protéger. […] Premièrement, la nouvelle tarification doit permettre de sauvegarder le principe fondamental de notre droit civil à l’effet qu’une victime a le droit d’obtenir la réparation intégrale du préjudice qu’elle a subi, surtout dans les petites causes où le coût des services juridiques peut-être très élevé comparativement aux montants impliqués. […] Deuxièmement, la tarification doit redonner aux dépens le caractère dissuasif que ces derniers avaient véritablement autrefois, avec des hausses substantielles pour sanctionner la conduite du plaideur téméraire. […] Troisièmement, Le Barreau doit tenir compte de l’intérêt de l’administration de la justice et du public en général en redonnant aux tribunaux des moyens efficaces pour contrer les efforts des plaideurs téméraires. Si la gratuité des services judiciaires doit un jour exister, il serait préférable que celle-ci le soit en faveur de la partie qui doit avoir gain de cause et non pas en faveur du plaideur téméraire.»

Le 31 janvier 1992, le projet de Tarif est approuvé par le Conseil général du Barreau du Québec. Le 25 mars 1992, l’Office des professions approuve le projet de Tarif du Barreau du Québec et le soumet au sous-ministre de la Justice. Le 8 avril 1992, le projet de Tarif est pré-publié à la Gazette officielle. Le ministre de la Justice s’oppose à ce projet de Tarif essentiellement parce que la hausse des honoraires proposée est trop importante. Tout en acceptant le principe du maintien d’un Tarif des honoraires judiciaires, le ministre souhaite que la hausse proposée soit moindre et que le client puisse en bénéficier. Dès 1994, le Barreau du Québec a de nouvelles discussions avec le ministre de la Justice et tous les bâtonniers qui se succèdent, invitent à intervalles réguliers, le ministère de la Justice à réfléchir à cette question afin de faire cheminer ce dossier. En avril 1998, le Comité de la pratique privée prépare un nouveau projet de Tarif dans lequel les honoraires sont revus à la baisse en comparaison à ceux de 1988. Dans son rapport intitulé « Révision des tarifs judiciaires », le Comité de la pratique privée précise : écessité du tarif judiciaire 90

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Alors que les honoraires extrajudiciaires sont principalement soumis à la liberté contractuelle du client et de son avocat (sous réserve des obligations faites à ce dernier par le Code de déontologie), les honoraires judiciaires doivent être établis par un tarif applicable et connu de tous. En effet, il ne serait pas équitable que l’on impose à la partie qui succombe au procès les émoluments sur lesquels la partie adverse et son avocat se sont entendus dans leur convention d’honoraire. Le maintient du tarif judiciaire est donc une nécessité mise en lumière par le Barreau du Québec et reconnue par le ministère de la Justice du Québec.» […] Les arguments qui militent en faveur d’une modification du tarif peuvent se résumer ainsi : 1. Le tarif des honoraires judiciaires n’a pas augmenté depuis le 1er décembre 1920; 2. L’insuffisance du tarif judiciaire fait supporter des coûts extrajudiciaires plus élevés à la partie qui gagne le procès; 3. L’insuffisance du tarif judiciaire lui fait perdre son caractère dissuasif et favorise le plaideur téméraire; 4. L’insuffisance de tarif actuel peut mettre en péril le droit du client à l’avocat dans la mesure où il renonce à exercer ses droits parce qu’il estime que sa cause n’est pas rentable compte tenu que les dépens assumés par la partie adverse sont dérisoires par rapport à leurs coûts réels; 5. L’insuffisance du tarif actuel est néfaste pour l’administration de la Justice puisqu’elle favorise la multiplication des procédures abusives et dilatoires de la part de plaideurs téméraires qui estiment rentable le fait de retarder indûment le cours de la justice.» […] 4.

Position du Barreau du Québec

Suite aux commentaires du Sous-ministre de la Justice, le Barreau a procédé à réviser les tarifs proposés dans le projet de 1992 et un nouveau projet de tarif fut élaboré (voir annexe 3). Ce nouveau projet de tarif conserve la simplicité de la révision de 1976 tout en étant plus homogène et en permettant à la partie qui gagne son procès de voir celle qui succombe la compenser d’une façon plus importante pour les frais qu’elle lui a fait encourir. […] Le tarif proposé est-il trop élevé? Comme mentionné plus haut, ce nouveau projet de tarif a été développé en tenant compte des commentaires du Sous-ministre de la Justice. Le nouveau projet, différent de celui publié le 8 avril 1992, est conforme à la réalité économique de la pratique privée compte tenu de la complexité des dossiers d’aujourd’hui et de la charge de travail accrue que la réforme de la procédure civile impose aux praticiens.»

Est annexé à ce rapport, un Tableau comparatif des Tarifs de 1920, 1976 et celui proposé en 1998. 91

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Une fois de plus, le Conseil général du Barreau du Québec et l’Office des professions donnent leur aval à ce projet de Tarif. Il est pré-publié à la Gazette officielle le 30 décembre 1998. Sans approbation du gouvernement, il n’est pas adopté. Enfin, l’avènement de la réforme du Code de procédure civile fait en sorte que le projet de Tarif de 1998 est modifié par le Comité de la pratique privée afin de le rendre conforme à la nouvelle terminologie du Code de procédure civile. Le 6 décembre 2002, ce projet de Tarif est approuvé par le Conseil général du Barreau du Québec. Le 22 janvier 2004, l’Office des professions approuve le projet de Tarif de 1998 modifié. Néanmoins, ce projet de Tarif ne sera jamais pré-publié à la Gazette officielle ni adopté par le gouvernement.

3.2.3.

Maintien de la position du Barreau du Québec

Avec respect pour les membres du Comité ad hoc qui ont fait un travail remarquable, le Comité sur la procédure civile n’appuie pas les recommandations suivantes : (B)

La succombance « intégrale » et « importante » selon le cas

(a) L’article 477 C.p.c. (et, au besoin, les règles de pratique de la Cour d’appel, de la Cour supérieure et de la Cour de Québec) devraient être amendés afin que soit adopté le principe de la succombance (« la partie qui succombe supporte les dépens ») applicable aux véritables coûts de litiges, y compris les honoraires d’avocats extrajudiciaires raisonnables, dans le cadre de règles directives et atténué par l’exercice motivé par le tribunal d’un pouvoir discrétionnaire à l’intérieur de certaines balises énoncées ; (b) Les règles d’attribution prévues aux présentes devraient également s’appliquer à tout arbitrage à moins que les parties en conviennent autrement ; La règle de base serait celle de la succombance « importante », c’est-àdire : (a) les dépens prévus aux tarifs présentement en vigueur, (b) 100% des débours judiciaires et extrajudiciaires d’avocats non prévus aux tarifs ; et (c) 60% du véritable montant des honoraires judiciaires et extrajudiciaires d’avocats raisonnablement encourus par la partie méritoire pour faire valoir ses droits, déduction faite des honoraires d’avocats déjà prévu au Tarif ; (c) La deuxième règle serait celle de la succombance « intégrale » applicable lorsque la partie méritoire démontre que la partie condamnée aux dépens n’en subirait pas de préjudice important à la lumière de ses moyens financiers. Les dépens de nature « intégrale » comprendraient : (a) ceux prévus aux tarifs présentement en vigueur ; (b) 100% des débours judiciaires et extrajudiciaires d’avocats non prévus aux tarifs, et (c) 100% du véritable montant des honoraires judiciaires et extrajudiciaires d’avocats raisonnablement encourus par la partie méritoire pour faire valoir ses droits, déduction faite des honoraires d’avocats déjà prévu au Tarif ; 92

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

(d) Cependant, à moins que le tribunal en décide autrement, dans le but de promouvoir la proportionnalité et la prévisibilité, les dépens accordés de nature « intégrale » ou « importante » ne devraient pas dépasser : (a) 50% du montant du jugement, y compris les intérêts et l’indemnité additionnelle, ou 50% du montant réclamé dans le cas d’une action rejetée, lorsque le montant est égal ou inférieure à 100 000$ ; (b) 40% du montant du jugement, y compris les intérêts et l’indemnité additionnelle, ou 40% du montant réclamé dans le cas d’une action rejetée, lorsque le montant est supérieur à 100 000$ et égal ou inférieure à 500 000$ ; et (c) 30% du montant du jugement, y compris les intérêts et l’indemnité additionnelle, ou 30% du montant réclamé dans le cas d’une action rejetée, lorsque le montant est supérieur à 500 000$ ; (e) Dans l’exercice de sa discrétion à cet égard, le tribunal devrait tenir compte notamment de tout offre de règlement refusée ;

(L)

Modification du Tarif

(a) Le Tarif devrait être révisé avant le 31 décembre 2005 afin : (a) d’inclure les débours et honoraires extrajudiciaires des avocats ; et (b) d’atteindre, dans les affaires contestés, un niveau d’indemnisation équivalent à environ 60% ou 100%, selon le cas, du véritable montant des honoraires judiciaires et extrajudiciaires d’avocats raisonnablement encourus par la partie méritoire pour faire valoir ses droits ; (b) Devrait être sérieusement considérée la possibilité de prévoir au Tarif révisé une cédule d’honoraires qui tiendrait compte, entre autres, de l’expérience de l’avocat et des différences régionales qui existent à l’égard des honoraires chargés afin de ne pas pénaliser le justiciable ; (c) Le Barreau du Québec devrait immédiatement mettre en marche le processus de rédaction d’un nouveau tarif en collaboration avec la Cour du Québec, la Cour supérieure et la Cour d’appel afin de s’assurer de leurs appuis ;»

Plusieurs raisons ont motivé le Comité de la procédure civile à écarter ces recommandations. Premièrement, le Comité de procédure civile constate que c’est l’inaction et le désintéressement total du ministère de la Justice d’actualiser le Tarif qui a causé la problématique liée à l’injustice en matière de dépens. Il est donc difficilement concevable d’envisager que le législateur ait une volonté politique d’apporter plusieurs amendements au Code de procédure civile et à différentes lois afin d’intégrer à notre système judiciaire une nouvelle philosophie en matière de dépens, alors que, depuis, à tout le moins 1992, le Barreau du Québec n’a pas réussi à faire modifier le Tarif et l’actualiser. Il faut noter à ce sujet que le ministère de la Justice a prétendu que les honoraires judiciaires étaient trop élevés. Deuxièmement, le Comité sur la procédure civile tient à souligner qu’il peut être dangereux de greffer des éléments de droit étranger au droit québécois puisqu’en incorporant de nouvelles notions à notre système juridique, il y a un risque 93

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

d’incohérence totale. À cet égard, le juge LeBel rappelait dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada Lac d’Amiante du Québec Ltée ce qui suit : «Cependant, cette étude cursive resterait incomplète si l'on omettait de souligner les liens de la procédure civile avec l'ensemble du droit québécois. Cette procédure civile est soumise aux principes généraux que l'on retrouve dans le Code civil du Québec. Sa disposition préliminaire, dont la jurisprudence a déjà eu l'occasion de souligner l'importance (voir Verdun (Municipalité de) c. Doré [1995] R.J.Q. 1321 C.A. , confirmé par notre Cour à [1997] 2 R.C.S. 862 ), déclare que le Code civil constitue le droit commun du Québec. La procédure civile doit donc tenir compte de ces principes. Au-delà même du Code civil, elle doit aussi respecter les valeurs exprimées par la Charte québécoise dont l'art. 52 exprime la primauté dans les matières relevant de la compétence législative de l'Assemblée nationale du Québec. Son article 53 établit d'ailleurs un principe d'interprétation favorable à son application en cas de doute. Enfin, dans un domaine comme la publicité des procès, restent présents les principes constitutionnels fondamentaux de la Charte canadienne des droits et libertés lorsqu'ils sont applicables dans un débat judiciaire privé.»76

À cet égard, il faut noter qu’un sous-comité du Civil Rules Committee en Ontario s’interroge présentement sur les modifications à apporter à leur grille des dépens («costs grid») prévue au Tariff A77 qui ne rencontre pas les objectifs de prévisibilité et de détermination expéditive des dépens. Une consultation est en cours depuis le 24 février dernier. Dans le document de consultation, le souscomité mentionne notamment ce qui suit : «In January 2002, the Rules of Civil Procedure were amended to provide for the fixing of costs by a court hearing a proceeding, in accordance with Rule 57 and the Costs Grid set out in Part 1 of Tariff A. It is fair to say that no rule amendment in recent history has engendered such a level of controversy. The concerns with respect to the implementation of the Costs Grid led to a committee of the Superior Court of Justice being established. That committee, chaired by Justice Power, prepared a report in October 2002 entitled "Fixing Costs - An Alternative Approach". A copy of the Superior Court committee's report is attached as Appendix "A". The report proposed what has come to be described as a block fee structure for fixing costs. The report was circulated to the members of the Civil Rules Committee and to legal associations for comment. At a meeting of the Civil Rules Committee on October 1, 2003, this report and commentary from legal associations and other members of the Bar were considered and debated. The Rules Committee did not reach any conclusion as to whether changes to the Costs Grid, such as suggested by the Superior Court report, should be recommended. While there appeared to be general agreement that there were some problems with the workings of the Costs Grid, there was no consensus on whether changes needed to be made or, if they did, what those changes should be.

76 77

2858-0702 Québec Inc c. Lac d’Amiante du Québec ltée, REJB 2001-25653 (CSC). Tariffs A- Solicitor’s fees and disbursements allowable under Rule 58.05.

94

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

The acknowledged problems generally tracked those set out in the Superior Court report. Principal among those are the concern that too much judicial time was being required in the costs fixing process. In many instances the amount of time being spent was out of proportion to what was involved in the underlying proceeding. Further, because the Costs Grid is based on an hours times rate approach, the quantum of costs being fixed varied widely and thus the outcome of the process had become inconsistent and unpredictable. This latter result is to the detriment of counsel who seek to advise clients regarding the costs consequences of taking any given step in a proceeding. Finally, the increased hourly rates reflected in the Costs Grid taken together with the number of hours being sought by counsel has resulted in a significant increase in the level of costs awards, which concerns members of the judiciary and, indeed, some members of the Bar. At the October 1, 2003 meeting, members of the Bar generally agreed that the current process is unnecessarily time-consuming. General agreement was also expressed that a more summary procedure ought to be adopted that would permit costs to be determined expeditiously and without involving excessive judicial time. At the same time, however, some members of the Bar expressed a concern that the fundamental principle that costs are to represent an indemnity not be sacrificed in the interests of expediting the process. The fact is that the costs of litigation have increased and costs award must reflect that fact if they are to serve their function of providing a reasonable indemnification for the successful party with regard to that party's cost of employing counsel. There was also a concern that the Costs Grid appeared to be eliminating regional differences in the costs of litigation. In fact, the Costs Grid appears to be raising the level of costs award to "the highest common denominator" instead of providing a proper level of indemnification given prevailing local conditions.»78

De plus, les commentaires des auteurs Watson et McGowan du traité « Ontario Civil Practice 2005 » sont également pertinents : «The costs grid is still being reconsidered by the Civil Rules Committee (by a sub-committee composed of judges and members of the Bar). […] The reconsideration was instigated by a judges’report, «Fixing Costs-an Alternative Approach». The report concluded that while the stated objectives of the costs grid were to make costs determinations more expeditious and more predictable, experience to date suggests the opposite of both these objectives has been the actual result.»79 [ Nos gras ]

Le Comité sur la procédure civile suivra l’évolution des travaux du Civil Rules Committee de l’Ontario, qui devait se réunir en novembre dernier, et étudiera les conclusions de la consultation tenue auprès du milieu juridique de l’Ontario et son Rapport final à venir. Par ailleurs, en octobre dernier, le Civil Justice Council mis sur pied suite à la réforme qui a suivi le Rapport Woolf en Angleterre, a présenté plusieurs textes concernant la 78 79

Le document est accessible à l’adresse suivante : www.ontariocourts.on.ca/notices/costgrid.htm. G. WATSON, M. McGOWAN, ONTARIO CIVIL PRACTICE 2005, Thomson, Carswell, p. 1061.

95

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

question de l’attribution des coûts de litige lors de la conférence organisée par The International Bar Association Conference en Nouvelle-Zélande. Le Professeur John Peysner décrit les différentes règles existantes en matière de dépens dans sa conférence intitulée «Developments in Global Justice and the Funding of litigation» : «The «English Rule» is that costs follow the event, that is, the loser pays the winner’s costs. These are now called between the parties costs. This rule also applies in former dominion countries such as Canada, New Zealand and Australia. […] The «American Rule» is that each side pays its own costs: win or lose. In fact however trial costs are paid to successful litigant and, increasingly, the attorney fees in bringing the action are ordered in specific types of actions, particularly those with overt social engineering purposes. The rules in Civil Law Jurisdictions lies somewhere between the English and American rule. Normally, the successful party obtains costs but these may be quite modest, often reflecting an expense regime, which is in itself more economical.» (p. 4).

Le Professeur Peysner mentionne également dans son texte, que le Civil Justice Council est à la recherche de pistes de solution puisque la réforme n’a pas réglé tous les problèmes en matière de dépens : «This paper reviews the work of the CJC in dealing with issues of the cost and financing of litigation and access to justice in what has been a period of great change and difficulty in England & Wales. In particular, the paper draws attention to a serie of fact finding visits made by members of the CJC- to Nothern Ireland and Scotland ( separate jurisdictions within the UK); Germany; Canada (Ontario) and the USA (New York)- and the way in which information learned from and offered to international colleagues has influenced the debate in our jurisdiction» .(p. 1)

Troisièmement, le Barreau du Québec a toujours maintenu la position de ne pas modifier la règle actuelle en matière d’attribution des dépens que ce soit lors de la révision de la procédure civile ou lors de la révision du Tarif. Aucun élément nouveau et significatif n’a été porté à la connaissance du Comité sur la procédure civile afin que ce dernier modifie le raisonnement passé sur la question des dépens. En d’autres mots, les enjeux sont les mêmes sauf que l’écart entre les honoraires judiciaires et les honoraires extrajudiciaires s’est encore creusé. Quatrièmement, le Comité sur la procédure civile croit plus prudent d’attendre de connaître les résultats d’une étude socio-économique portant sur les effets réels de la mise en œuvre des recommandations proposées par le Comité ad hoc avant de recommander leur adoption. Enfin, le Comité sur la procédure civile a été avisé par le bâtonnier Synnott lors de la réunion du 7 octobre dernier que les recommandations du Comité ad hoc devront être soumises à un sous-comité désigné par le Conseil exécutif du Barreau de Montréal. 96

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

De plus, le Rapport souligne le manque d’unanimité de la part des tribunaux et des auteurs sur les solutions appropriées en matière d’attribution des dépens.80 À cet égard, le Comité sur la procédure civile a également pris connaissance des commentaires du Comité sur la procédure civile du Barreau de St-François qui rejoignent ses préoccupations et apportent une contribution fort appréciée à son étude en cours. La lettre du Comité sur la procédure civile du Barreau de SaintFrançois du 30 novembre dernier adressée à la Bâtonnière Danielle Houle est annexée à la présente. À la lumière de ce qui précède, le Comité sur la procédure civile croit sage de maintenir notre propre système de règles en matière de dépens en actualisant dans les plus brefs délais le Tarif. Le Comité sur la procédure civile est d’accord avec le Comité de la pratique privée : « Il ne s’agit pas de tout bouleverser, mais de tout revoir. » À court terme, la révision des seuils monétaires du Tarif qui n’a pas eu lieu depuis 1920 doit être la priorité du Barreau du Québec et du ministre de la Justice. Le Tarif doit donc être révisé et amélioré afin de répondre aux nouvelles exigences de la pratique. Quant à la recommandation (F) (a) du Rapport81 qui prévoit que « les dépens devraitsic être dus et payables à la partie et non à son avocat. Entre autres, l’article 479 du Code de procédure civile devrait être aboli», le Comité sur la procédure civile abonde dans le même sens.

D.

Recommandations du Comité sur la procédure civile

Le Comité sur la procédure civile recommande au Comité administratif du Barreau du Québec : 1.-

De maintenir le système actuel en matière de dépens.

2.-

D’actualiser le Tarif et d’inclure une clause d’indexation.

3.-

D’abolir l’article 479 du Code de procédure civile qui distrait les dépens en faveur de l’avocat.

Au sujet de la troisième recommandation, le Comité sur la procédure civile croit que l’article 3.08.08 du Code de déontologie des avocats devrait également être modifié afin de répondre à cette nouvelle réalité. La philosophie devrait être inversée, c’est-à-dire à moins d’une entente avec le client à l’effet que les dépens appartiennent à l’avocat en totalité ou en partie, ils appartiendront au client.

7.2 80 81

Les autres recommandations

Voir la page 136 du Rapport. Voir la page 208 du Rapport.

97

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Considérant que les résultats d’une enquête socio-économique ne pourront être connus à court terme, le Comité sur la procédure civile commente les autres recommandations du Comité ad

hoc sur les frais. Ces dernières visent l’adoption de modifications législatives ainsi que des règles de pratique.82

COMITÉ AD HOC

(A) Détermination par les tribunaux de questions de droit

RAPPORT : 206

(a) Devraient être soumises pour détermination, en premier lieu, à la Cour supérieure du Québec et, par la suite et si nécessaire, à la Cour d'appel du Québec et à la Cour suprême du Canada, les questions de droit de la nature suivante: (i) Est-ce que pour des raisons constitutionnelles, la Cour supérieure du Québec a le pouvoir inhérent discrétionnaire d’attribuer entre les parties les coûts de litige, y inclus les honoraires extrajudiciaires des avocats, nonobstant toute législation à l’effet contraire.

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

L’arrêt Hétu de la Cour d’appel a répondu à cette question. Tout débat constitutionnel n’est ni utile ni opportun.

La Cour suprême du Canada a précisé dans l’arrêt Okanagan que les tribunaux ont un pouvoir discrétionnaire à l’égard des dépens : La compétence des tribunaux d'ordonner le paiement des dépens afférents à une procédure judiciaire existe depuis fort longtemps. Les cours anglaises de common law n'avaient pas de compétence inhérente pour statuer sur les dépens mais, dès la fin du 13e siècle, la loi leur a conféré le pouvoir d'adjuger les dépens à la partie gagnante. De plus, les cours d'equity détenaient une compétence entièrement discrétionnaire pour accorder les dépens au gré de leur conscience (voir M. M. Orkin, The Law of Costs (2e éd. (feuilles mobiles), p. 1-1). Dans le système juridique canadien moderne, ce pouvoir discrétionnaire fondé sur l'equity existe toujours et est reconnu par les diverses lois et règles de procédure civile provinciales, qui laissent la question des dépens à la discrétion de la cour.(Notre emphase)

82

Le Rapport contient cette demande générale avant chacune des quatre sections de recommandations : «Le Comité est unanimement d’avis

que le Barreau de Montréal devrait demander au Barreau du Québec d’adopter les recommandations suivantes et de les soumettre pour approbation et législation au Gouvernement du Québec, et à la Cour supérieure et à la Cour du Québec pour modifications à leurs règles de pratique».

98

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Dans l’arrêt Hétu, l’honorable juge Dalphond répond par la négative à la question soumise par le Comité ad hoc sur les frais : [33] Dans l’arrêt Bande indienne Okanagan, précité, le juge LeBel explique l’origine du pouvoir discrétionnaire des tribunaux fondé sur l’équité en matière de dépens, puis ajoute : « Dans le système juridique canadien moderne, ce pouvoir discrétionnaire fondé sur l’équité existe toujours et est reconnu par les diverses lois et règles de procédures provinciales, qui laisse la question des dépens à la discrétion de la cour » (par.19). [34] Au Québec, la Cour supérieure existe depuis 1849. Elle est modelée sur les hautes cours d’Angleterre et constitue le tribunal de droit commun du Québec. Cependant, le juge LeBel souligne dans l’arrêt Lac d’amiante du Québec c. 2858-0702 Québec inc., [2001] 2 RCS 743, qu’elle évolue dans un droit processuel codifié : « Ainsi, la législature québécoise n’a pas laissé aux tribunaux la même marge de liberté que les législateurs des autres provinces » (par. 38). Le juge LeBel ajoute au par. 39 de l’arrêt Lac d’amiante du Québec : Un tribunal québécois ne peut décréter une règle positive de procédure civile uniquement parce qu’il l’estime opportune. À cet égard, dans le domaine de la procédure civile, le tribunal québécois ne possède pas le même pouvoir créateur qu’une cour de common law, quoique l’intelligence et la créativité de l’interprétation judiciaire puissent souvent assurer la flexibilité et l’adaptabilité de la procédure. Bien que mixte, la procédure civile du Québec demeure un droit écrit et codifié, régi par une tradition d’interprétation civiliste. (Voir J.-M. Brisson, « La procédure civile au Québec avant la codification : un droit mixte, faute de mieux », dans La formation du droit national dans les pays de droit mixte (1989), 93, p.93-95; aussi du même auteur : La formation d’un droit mixte : l’évolution de la procédure civile de 1774 à 1867, op. cit., p. 32-33). Suivant la tradition civiliste, les tribunaux québécois doivent donc trouver leur marge d’interprétation et de développement du droit à l’intérieur du cadre juridique que constituent le Code et les principes généraux de procédure qui le sous-tendent. La dissidence du juge Biron rappelle à juste titre ces caractéristiques d’un régime de droit codifié et souligne pertinemment la nature de la méthode d’analyse et d’examen applicable en l’espèce.

[35] Ceci exposé, la Cour supérieure jouit aux termes de l’art. 477 C.p.c. d’une large discrétion en matière d’octroi des dépens, par ailleurs taxés selon un règlement adopté par le gouvernement du Québec, le Tarif des honoraires judiciaires des avocats[5] (art. 480 C.p.c.).

[36] Normalement, aux termes de l’art. 477 C.p.c., les dépens sont accordés à la partie gagnante, au moment du prononcé du jugement, afin de l’indemniser d’une partie des dépenses qu’elle a engagées pour faire valoir son droit. Dans cette perspective, au Québec comme ailleurs au Canada, les dépens participent de la nature de dommages et intérêts accordés au gagnant contre le perdant (par. 21, Bande indienne Okanagan). Il s’agit alors d’une indemnité pour les frais du procès établie selon le Tarif, généralement modeste en raison du caractère désuet de ce dernier (sauf lorsque les art. 15 et 42 du Tarif s’appliquent)[6]. 99

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Le Barreau de Montréal ne propose pas d’entamer une contestation judiciaire à cet égard. À la lumière de ce qui précède, le Comité sur la procédure civile est du même avis que celui du Barreau de Saint-François partagé par le Barreau d'Arthabaska et l'AAP : Il serait inutile et inopportun actuellement de contester la constitutionnalité du Tarif ou de l’article 477 du Code

de procédure civile.

COMITÉ AD HOC

(A) Détermination par les tribunaux de questions de droit

RAPPORT : 206

(a) Devraient être soumises pour détermination, en premier lieu, à la Cour supérieure du Québec et, par la suite et si nécessaire, à la Cour d'appel du Québec et à la Cour suprême du Canada, les questions de droit de la nature suivante: (ii) Est-ce que le droit civil du Québec permet l’octroi, à titre de dommages-intérêts, d’honoraires (et débours) d’avocats déduction faite de ceux prévu aux Tarif des honoraires judiciaires des avocats qui, sur la balance des probabilités, ont été raisonnablement encourus, aussi bien avant que pendant un litige, afin de réparer (ou de mitiger) le préjudice d’une partie, causé par la faute simple d’une autre partie, ou pour faire reconnaître les droits de la première à l’égard de la deuxième («honoraires réparateurs»)?

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Dans le cadre actuel de la législation, l’arrêt Viel de la Cour d’appel a répondu à la question. La Cour Suprême du Canada a corroboré cette position dans l’affaire Néron. L’arrêt Hétu de la Cour d’appel maintient cette position.

COMITÉ AD HOC

(B) La succombance « intégrale » et « importante » selon le cas

RAPPORT : 206

(b) Les règles d’attribution prévues aux présentes devraient également s’appliquer à tout arbitrage à moins que les parties en conviennent autrement;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Il n’est pas en faveur de cette recommandation.

100

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Le législateur ne devrait pas s’immiscer dans la convention d’arbitrage. D’ailleurs, les articles 2638 et 2643 du Code civil du Québec édictent le principe à l’effet que la convention d’arbitrage est la loi des parties: 2638. La convention d'arbitrage est le contrat par lequel les parties s'engagent à soumettre un différend né ou éventuel à la décision d'un ou de plusieurs arbitres, à l'exclusion des tribunaux. 2643. Sous réserve des dispositions de la loi auxquelles on ne peut déroger, la procédure d'arbitrage est réglée par le contrat ou, à défaut, par le Code de procédure civile.

De plus, les parties conviennent, plus souvent qu’autrement, de la question des dépens dans leur convention d’arbitrage. Il n’y aurait donc pas intérêt à venir réglementer cette méthode alternative de règlement des conflits.

Enfin, l’honorable juge Chouinard conclut dans l’arrêt Zodiak International Productions Inc c.

Polish People’s Republic

83

de la Cour suprême du Canada, que les règles du Code de

procédure civile sont supplétives en matière d’arbitrage :

41 Le juge Gagnon, dans des motifs séparés mais qui proposent la même solution, écrit aux pp. 986, 987 et 988, le passage suivant que je fais mien: Le législateur français avait fait exception par une loi du 31 décembre 1925 à la règle posée par la Cour de Cassation de la nullité de la clause compromissoire. Il avait amendé l'article 631 du Code du commerce qui fixait la compétence des tribunaux de commerce, en y ajoutant le texte suivant: Toutefois les parties pourront, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à des arbitres les contestations ci-dessus énumérées, lorsqu'elles viennent à se produire. Sans doute notre Législature aurait-elle été bien inspirée d'employer des termes aussi clairs, mais je suis tout de même d'avis que son intention d'autoriser la clause compromissoire, qu'elle soit complète ou simplement préjudicielle, s'infère du contexte jurisprudentiel sur lequel elle a agi, comme du texte de l'article 951 C.P. et de la place qu'il occupe dans le nouveau Code. L'arrêt de Vinette Construction Ltée v. Dobrinsky, [1962] B.R. 62, avait à plus d'un titre force de précédent au moment où le nouveau Code de procédure a été adopté. M. le 83

[1983] 1 R.C.S. 529.

101

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

juge Fauteux -- avant qu'il ne devienne juge en chef du Canada -- exprimant l'opinion de la majorité de la Cour suprême dans National Gypsum Co. Inc. v. Northern Sales, [1964] R.C.S. 144, à la p. 151, était d'avis que cette décision sanctionnait le poids de la jurisprudence québécoise sur la question. MM. les juges Cartwright et Ritchie étaient dissidents, mais pour d'autres motifs. Dans Vinette v. Dobrinsky, M. le juge Choquette soulignait que le dernier mot n'avait pas été dit sur la validité de la clause compromissoire (p. 65) et il invitait la Législature à intervenir pour mettre fin à une controverse qui durait depuis plus de soixante ans (p. 67). On peut tout de même considérer que cette décision, confirmée par la Cour suprême dans l'affaire de National Gypsum, avait affirmé de façon non équivoque la nullité de la clause compromissoire formelle tandis que la clause compromissoire qui ne créait qu'une obligation préjudicielle pouvait espérer un sort plus favorable. C'est dans ce contexte que se situe l'intervention du législateur. Il me paraît significatif -- et je réfère particulièrement aux notes de MM. les juges Choquette, Casey et Badeaux -- que la décision de notre cour s'appuyait en premier lieu sur les dispositions de l'ancien Code de procédure, au chapitre LXXIII, intitulé Arbitrage, qui ne faisait aucune mention de la clause compromissoire. L'article 1431 définissait le compromis comme un acte par lequel les parties promettent de s'en rapporter à la décision d'un ou plusieurs arbitres pour éviter un litige ou y mettre fin. Cette définition aurait pu être assez large pour inclure une clause compromissoire relative à un litige qui n'est pas encore né puisque le compromis pouvait servir « à éviter un litige ». Cependant l'article 1434 précisait que l'acte de compromis extrajudiciaire devait désigner les noms et qualités des arbitres, les objets en litige et le délai dans lequel la sentence arbitrale devait être rendue. Il fallait donc, et c'est du moins la façon dont on l'a entendu, que le litige soit né ou que, du moins, il porte sur une ou des questions bien précises. M. le juge Choquette citait (à la p. 66) Planiol, Ripert et Boulanger (Traité de droit civil, t. 3 (1958), n. 2486, p. 814) qui disent: Clause compromissoire. Le compromis ne peut être fait que pour un litige déjà né ou sur le point de naître; on ne peut pas d'avance convenir qu'on soumettra des litiges futurs à la décision d'un ou de plusieurs arbitres; cette clause générale, appelée clause compromissoire, serait nulle parce qu'elle ne permet pas de préciser d'avance ni la chose qui fera l'objet de l'arbitrage, ni les noms des arbitres qui seront chargés d'y procéder. Malgré cela, une jurisprudence s'est affirmée qui reconnaissait la validité de la clause compromissoire, condition préalable d'un possible recours judiciaire. En outre, la sentence arbitrale n'était pas susceptible de révision quant au fond (art. 1444). L'article 941 C.P. actuel a reproduit la substance des anciens articles 1434 et 1435 et le compromis avec ses règles est demeuré ce qu'il était. Mais, à côté de l'article 941, apparaît un nouvel article, l'article 951 qui, lui, ne parle pas de compromis, mais plutôt du pacte compromissoire et qui exige l'écrit comme condition de validité de la promesse de compromis. L'article 951 ajoute que, lorsque le différend prévu est né, les parties doivent passer compromis. C'est la deuxième étape. Pour passer compromis, les parties doivent se soumettre en particulier aux prescriptions de l'article 941 et, comme l'a dit M. le juge en chef, aux autres dispositions du chapitre. L'article 951, pour la première fois, donne une reconnaissance statutaire à la clause compromissoire et, par ailleurs, aucun acte législatif n'était nécessaire pour donner droit de cité à la clause compromissoire préjudicielle. Il me semble donc que lorsque le législateur a adopté l'article 951, sans restriction et en mettant de côté le texte soumis 102

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

par les commissaires, il a voulu faire un pas en avant et qu'il entendait permettre la clause compromissoire réelle. Si, comme je le crois, cette solution est la bonne, les objections fondées sur l'ordre public doivent tomber parce que c'est le législateur, lorsqu'il prend position, qui est le juge ultime en la matière. Je me suis demandé si le deuxième paragraphe de l'article 940 qui ne permet pas de compromettre sur certaines questions et particulièrement sur des questions qui concernent l'ordre public serait un obstacle. Je suis d'avis qu'il faut répondre dans la négative à cette question, d'abord parce que, dans le contexte, c'est de l'objet du litige et non de la façon de le traiter dont il est question et surtout parce qu'autrement il faudrait dire que tout compromis, qui prévoit que la décision de l'arbitre est finale et qui ne permet pas au tribunal de s'enquérir du fond de la contestation, serait nul. Tel résultat serait clairement incompatible avec les dispositions de l'ancien code, comme avec celles du nouveau. 42 Une abondante jurisprudence, fondée sur l'arrêt Désourdy (précité), s'est depuis établie tant en Cour supérieure qu'en Cour d'appel. Outre son arrêt en l'espèce, je cite les arrêts suivants de la Cour d'appel: Société québécoise d'exploitation minière c. Hébert, [1974] C.A. 78; Liman c. K.L.M. Royal Dutch Airlines, [1974] C.A. 505; Commission scolaire régionale des Bois Francs c. J.H. Dupuis Ltée, [1975] C.A. 759; Heyman c. Lafferty, Harwood & Co., [1979] C.A. 231. 43

Je conclus que la clause compromissoire parfaite est valide en droit québécois.

COMITÉ AD HOC

(B) La succombance « intégrale » et « importante » selon le cas

RAPPORT : 207

(f) Dans l’exercice de sa discrétion à cet égard, le tribunal devrait tenir compte notamment de tout(sic)offre de règlement refusée;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Il n’est pas en faveur de cette recommandation.

Il faut joindre cette recommandation à celles du Chapitre 9 – L’attribution des coûts de litiges

comme mécanisme pour favoriser le règlement 84.

COMITÉ AD HOC

(C) La discrétion balisée motivée

RAPPORT : 207

(a) La discrétion motivée du tribunal prévue à l’article 477 C.p.c. devrait être maintenue. («La partie qui succombe supporte les dépens, frais du sténographe compris, à moins que, par décision motivée, le tribunal ne les mitige, ne les compense ou n'en ordonne autrement.

84

Supra, p. 122

103

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Le tribunal peut également, par décision motivée, mitiger les dépens relatifs aux expertises faites à l'initiative des parties, notamment lorsqu'il estime que l'expertise était inutile, que les frais sont déraisonnables ou qu'un seul expert aurait suffi.»); b) Pour plus de précision, cette discrétion comprendrait, entre autres, la possibilité d'octroyer des dépens intégraux ainsi qu'une prime dans les cas exceptionnels qui le méritent; c) Afin de guider le tribunal dans l'exercice de sa discrétion, les facteurs suivants devraient être stipulés: i) ii) iii) iv) v) vi) vii) viii) ix) x) xi) xii) xiii) xiv)

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

le résultat du litige; les montants réclamés et accordés; le risque financier encouru par l'avocat; l'importance, la complexité ou la nouveauté des questions en litige; la complexité des procédures; le partage de la responsabilité; la conduite des parties ayant eu pour effet de réduire ou d'allonger déraisonnablement les procédures; le refus d'une partie d'admettre un fait qui aurait dû être admis; le refus d'une offre de transaction qui aurait dû être acceptée; si une partie a agi en quelques temps d'une façon inutile, vexatoire, négligente, ou autrement inacceptable; les moyens respectifs des parties; l'intérêt public y compris celui relié à des questions de fait ou de droit privé; l'équité; et tout autre fait pertinent à la question des dépens dans le contexte e la cause.

Il recommande que l’article 477 du Code de procédure civile demeure inchangé.

Les arguments sont ceux énoncés à la section 7.1.85

COMITÉ AD HOC

(D) Les honoraires d’experts

RAPPORT : 208

(a) Afin d’éviter tout débat additionnel devant les tribunaux au sujet des honoraires et débours d’experts, il serait préférable de désigner comme dépens les honoraires et débours d’experts, y inclus ceux encourus lors de, et dans la préparation pour, l’audition de la cause;

COMITÉ SUR LA PROCÉDUR CIVILE

Le Comité est tout à fait en accord puisqu’il s’agit de codifier la jurisprudence actuelle en insérant l’amendement suggéré par le

85

Infra., p. 84.

104

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Comité sur le droit de la famille. De plus, tous les membres s’entendent pour que ce soit le juge qui tranche cette question dans son jugement final, sauf en cas de demande de provision pour frais.

En 2000, le Barreau du Québec a présenté la même recommandation dans son Mémoire sur le

Document de consultation intitulé : «La révision de la procédure civile»

«Quant aux frais d’experts, il est souhaitable que ce soit le juge qui a entendu la cause qui en décide dans son jugement. Il n’appartient pas à l’officier taxateur d’apprécier l’utilité de l’expertise ou de la présence de l’expert en cour.»86

D’ailleurs, le deuxième alinéa de l’article 477 du Code de procédure civile prévoit déjà ce qui suit: "Le tribunal peut également, par décision motivée, mitiger les dépens relatifs aux expertises faites à l'initiative des parties, notamment lorsqu'il estime que l'expertise était inutile, que les frais sont déraisonnables ou qu'un seul expert aurait suffi".

Le Comité sur le droit de la famille propose d’amender la recommandation 1 D a) comme suit: "Afin d'éviter tout débat additionnel devant les tribunaux au sujet des honoraires et débours d'experts, il serait préférable de désigner comme dépens les honoraires et débours d'experts, y inclus ceux encourus lors de, et dans la préparation pour l'audition de la cause, à moins qu'ils n'aient été accordés dans le cadre d'une provision pour frais".

COMITÉ AD HOC

(E) Confirmation du pouvoir de la cour de condamner l’avocat aux dépens et d’ordonner le non-paiement du client

RAPPORT : 208 (a) Devrait être confirmée par amendements au Code de procédure civile, la discrétion du tribunal d’ordonner le paiement des dépens par l’avocat dans les circonstances exceptionnelles déjà établies dans la jurisprudence;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

86

Le Barreau du Québec s’est opposé à plusieurs reprises à cet amendement dont, notamment, lors du projet du ministre Bégin concernant les deux (2) premiers livres du Code de procédure civile.

p. 28.

105

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

L’arrêt Young c. Young, de la Cour Suprême du Canada établit clairement dans quelles circonstances exceptionnelles un avocat peut être condamné aux dépens. Il n’y a pas lieu d’insérer cette règle au Code de procédure civile.

En août 2002, le Barreau du Québec dans son Mémoire portant sur les mesures visant à

instituer un nouveau Code de procédure civile et comportant une proposition quant aux deux premiers livres de ce code est contre cette recommandation pour les motifs suivants :

1.2.3

La condamnation des procureurs à des dommages-intérêts

Les articles 48 et 49 du document sessionnel visent d’abord et avant tout à sanctionner les abus de procédure. Il est de plus en plus fréquent que des justiciables choisissent de se présenter devant les tribunaux sans procureur, notamment en matière familiale. Ils en ont parfaitement le droit et le Barreau du Québec ne veut d’aucune façon remettre celuici en cause. Il arrive toutefois – heureusement ce n’est que de façon très exceptionnelle – que certains justiciables, par manque de connaissances, par esprit de vengeance ou simplement parce qu’ils croient vraiment avoir raison dans leur démarche, commettent certains abus : soit qu’ils intentent de façon répétitive la même poursuite, qu’ils assignent comme témoins nombre de personnages politiques ou d'administrateurs, ou encore qu’ils saisissent les tribunaux d’un recours manifestement mal fondé. On les appelle les «plaideurs vexatoires ». Or, ces abus doivent être réprimés et le Barreau appuie les orientations formulées au document à cet égard. Cependant, nous sommes d’avis que le document va trop loin en donnant aux tribunaux le pouvoir de condamner le procureur d’une partie à des dommages-intérêts, voire à des dommages-intérêts punitifs, lorsque «l’abus lui est directement attribuable » 20

Une lecture attentive de l’article 48, particulièrement de son second alinéa, nous enseigne ce que pourrait être, du point de vue du législateur, un abus. Or, on constate qu’un manquement injustifié au calendrier de l’instance pourrait en être, ainsi qu’un acte manifestement sans fondement ou encore l’utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable. Placé dans la situation d’un plaideur, il est difficile de considérer qu’un manquement au calendrier, même injustifié, constitue un abus : une mauvaise gestion de son temps n’entraîne pas d’abus. Le fait de placer cet exemple de soi-disant abus dans le même sac qu’un comportement vexatoire, un acte frivole, manifestement mal fondé et fait de mauvaise foi dans le but de nuire à autrui nous paraît exagéré autant qu’inapproprié. Par ailleurs, le fait pour un procureur de plaider un point sans fondement juridique apparent ou de procéder à plusieurs expertises ou à plusieurs interrogatoires constitue-til un abus ? Peut-être pour l’un mais pas pour l’autre. Peut-on blâmer un procureur de tenter tout ce qui est possible, y compris la présentation d’arguments qui peuvent, à

20

Article 49, 2E al. du document sessionnel.

106

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

première vue, paraître farfelus, afin de gagner la cause de son client ? Dans l’affaire Young c. Young21, la Cour suprême du Canada n’a-t-elle pas affirmé :

« De plus, les tribunaux doivent faire montre de la plus grande prudence en condamnant personnellement un avocat aux dépens, vu l’obligation qui lui incombe de préserver la confidentialité de son mandat et de défendre avec courage même des causes impopulaires. Un avocat ne devrait pas être placé dans une situation où la peur d’être condamné aux dépens pourrait l’empêcher de remplir les devoirs fondamentaux de sa charge. »

En ce qui concerne l’utilisation excessive ou déraisonnable de la procédure par un avocat, les tribunaux ont exceptionnellement eu recours à leur pouvoir de condamner l’avocat aux dépens. Par ailleurs, il ne nous paraît pas nécessaire d’en prévoir la sanction dans une disposition spécifique du Code parce que la jurisprudence reconnaît généralement le pouvoir des tribunaux de sanctionner une telle conduite lorsqu’elle comporte certaines caractéristiques précises – cette compétence relève généralement de leur pouvoir inhérent. Dans la même cause que celle précitée, la Cour suprême ajoutait à ce sujet :

«Tout membre de la profession juridique peut faire l’objet d’une ordonnance compensatoire pour les dépens s’il est établi que les procédures dans lesquelles il a agi ont été marquées par la production de documents répétitifs et non pertinents, de requêtes et de motions excessives, et que l’avocat a agi de mauvaise foi en encourageant ces abus et ces délais. Les tribunaux ont compétence en la matière, souvent en vertu d’une loi et en vertu de leur pouvoir inhérent de réprimer l’abus de procédures et l’outrage au tribunal. »22 (notre soulignement)

En outre, il n’appartient pas aux tribunaux de sanctionner une conduite déontologiquement répréhensible provenant d’un avocat, ce rôle revient à l’Ordre professionnel des avocats conformément au Code des professions23 et à la Loi sur le Barreau24. D’ailleurs le Code de déontologie des avocats25 comporte plusieurs dispositions régissant la conduite professionnelle de l’avocat : certaines établissent des devoirs généraux, d’autres énumèrent les conduites pouvant constituer des actes dérogatoires. En voici quelques exemples : «2.03. La conduite de l’avocat doit être empreinte d’objectivité, de modération et de dignité. 2.05. L’avocat doit éviter tout procédé purement dilatoire et coopérer avec ses confrères pour assurer la bonne administration de la justice. 2.06. L’avocat doit servir la justice et soutenir l’autorité des tribunaux. Il ne peut agir de façon à porter préjudice à l’administration de la justice. 21

[1993] 4 R.C.S. 3, p. 17. Idem. Voir aussi A. BIRON, Les principes d’attribution des dépens en matière familiale et de la condamnation personnelle de l’avocat aux frais, (1987) 47 R. du B. 147. 23 L.R.Q., c. C-26 24 L.R.Q., c. B-1 25 R.R.Q. 1981, c. B-1, r.1. 22

107

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

4.02.01. En outre des actes dérogatoires mentionnés aux articles 57 et 58 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26) est dérogatoire à la dignité de la profession le fait pour un avocat : a) d'’intenter une demande, d’adopter une attitude, d’assumer une défense, de retarder un procès ou de prendre quelque autre mesure au nom de son client, quand il sait ou quand il est évident que pareille action ne sert qu’à harasser une autre personne ou à lui nuire de façon malicieuse ; »

De plus, le tribunal ne saurait prononcer une condamnation contre un avocat – ou contre toute autre personne – sans lui avoir préalablement donné l’occasion d’être entendu. En effet, l’article 5 du Code de procédure civile actuel, repris par l’article 12 du document, consacre cette règle de justice naturelle (audi alteram partem) en ces termes :

« 5. Il ne peut être prononcé sur une demande en justice sans que la partie contre laquelle elle est formée n’ait été entendue ou dûment appelée. »

Ainsi, avant que la condamnation ne soit prononcée, l’avocat devrait pouvoir présenter une preuve visant à démontrer qu’il n’a pas commis d’abus – ceci peut toutefois mettre en péril le respect de son secret professionnel et le placer en conflit d’intérêts face à son client, ce qui pose une difficulté supplémentaire – et faire ses représentations, le tout en se faisant représenter par procureur, s’il le désire. Or, rien n’est prévu à cet égard aux articles 48 et 49 du document, il n’existe aucune procédure, aucun encadrement pour assurer le droit à la défense pleine et entière de l’avocat. Sur la question d’une condamnation sur-le-champ, le juge Forget, au nom de la Cour d’appel dans l’affaire Pearl c. Gentra Canada Investments inc.26, écrivait :

« Dans le premier cas [une condamnation sur-le-champ] on reprochera au tribunal de ne pas avoir permis à l’avocat de se défendre adéquatement ; sauf circonstances fort exceptionnelles – d’ailleurs difficiles à concevoir – ce reproche sera bien fondé. » (Par. 31)

En outre, puisque sa responsabilité professionnelle est engagée, l’avocat doit avoir l’opportunité d’aviser le Fonds d’assurance responsabilité du Barreau du Québec – il a d’ailleurs une obligation légale de le faire – afin que celui-ci examine la question et prenne éventuellement fait et cause pour son assuré. Il est à noter que le Fonds ne couvrirait probablement pas les dommages-intérêts punitifs. On doit distinguer les questions qui ont trait à un outrage au tribunal de celles qui relèvent de la responsabilité civile de l’avocat, ces dernières devant faire l’objet d’une instance distincte. Enfin, l’avocat n’étant pas partie au litige, comment pourra-t-il aller en appel d’une telle condamnation et continuer de représenter son client ?

26

REJB 1998-06357. Voir aussi A. BIRON, Les principes d’attribution des dépens en matière familiale et de la condamnation personnelle de l’avocat aux frais, (1987) 47 R. du B. 147 et Y.-M. MORISSETTE, L’initiative judiciaire vouée à l’échec et la responsabilité de l’avocat ou de son mandant, (1984) 44 R. du B. 397.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Le Barreau est d’avis qu’il existe plusieurs moyens de sanctionner les abus pouvant être commis par un avocat dans un dossier, et ce, tant au plan civil que déontologique. Les mots « si l’abus lui est directement attribuable, son procureur » à l’article 49 constituent une épée de Damoclès sur la tête de tous les praticiens, susceptible de les freiner indûment dans l’exercice de leurs mandats professionnels alors que les quelques abus qui peuvent exister peuvent être sanctionnés tant par le Comité de discipline du Barreau que par les tribunaux par le biais de leur pouvoir inhérent. En outre, la gestion d’instance, qui est au cœur même de la réforme de la procédure civile, sera un instrument de contrôle et servira de frein aux possibles abus. Quant aux dommages-intérêts punitifs, ils existent généralement pour sanctionner des atteintes aux droits fondamentaux garantis par les Chartes. Le Barreau est d’avis qu’il n’y a pas lieu de les étendre à d’autres secteurs : en effet, à part cette exception, les dommages-intérêts sont, en droit civil, de nature compensatoire et non de nature punitive. En outre, on ne doit pas minimiser les coûts et les délais qu’entraînerait une condamnation à des dommages punitifs, compte tenu de la preuve exigée en application de l’article 1621 du Code civil. On peut facilement imaginer que les avocats seraient interrogés au préalable pour connaître leur situation patrimoniale ; or, force est d’admettre que tout ceci n’est d’aucune pertinence eu égard au litige principal auquel, est-il besoin de le préciser, l’avocat n’est pas partie.»

COMITÉ AD HOC

(E) Confirmation du pouvoir de la cour de condamner l’avocat aux dépens et d’ordonner le non-paiement du client

RAPPORT : 208 (b) D’autre part, on devrait de la même façon reconnaître le droit du tribunal d’ordonner, en pareilles circonstances, à un avocat de ne pas charger son client pour toute tâche jugée non justifiée; (c) Le texte de l’amendement pourrait s’inspirer de l’article 57.07 (1) (2) et (3) des Rules of Civil Procedure en Ontario.

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Cette question ne relève pas du tribunal mais bien de l’ordre professionnel qui doit statuer en matière de conciliation de compte et d’actes dérogatoires au Code de déontologie des avocats.

Cette discrétion existe mais elle doit demeurer exceptionnelle comme le souligne l’honorable juge Claude Vallerand dans l’affaire L. c. G.87:

Alors je retiens donc de ce que Me…vient de dire qu’en aucun temps il n’a donné avis à son client que le recours était manifestement et à tous égards mal fondé et voué à un échec certain et non pas simplement «dangereux», ce qui dans les circonstances était de toute évidence son devoir. L’eut-il fait qu’il faut comprendre que le demandeur

87

J.E. 82-672 (C.S.).

109

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

aurait d’emblée renoncé à son projet; cela étant je ne puis me résoudre à le condamner aux dépens. Je me rends bien compte que le jugement que je m’apprête à prononcer sur les dépens est dans une large mesure inédit chez-nous .En revanche l’arrêt MYERS c. ELMAN (1940) AC 282 repris par la Cour Suprême du Canada dans PACIFIC MOBILE c. HUNTER DOUGLAS& AL (1979) 1 R.C.S. 842 dissipe tout doute quant aux pouvoirs inhérents de la Cour et quant aux devoirs des avocats, auxiliaires de la justice, envers les tribunaux.

Je me mets moi-même en garde contre les dangers d’une démarche comme celle que je m’apprête à faire. Il est évident que de telles démarches si elles étaient pas faites avec la plus extrême prudence de la part des tribunaux seraient de nature à rendre les avocats trop prudents face aux recours possibles de leurs clients et seraient susceptibles d’amener par cet excès de prudence la perte de droits. Néanmoins, cette mise en garde que je me suis faite, répétée publiquement, je crois que je suis ici en présence d’un cas exceptionnel qui rejoint à la fois les circonstances dans lesquelles se retrouve le demandeur qui serait condamné aux dépens en outre de devoir payer son propre avocat et qui rejoint aussi le problème de plus en plus aigu de l’encombrement des rôles de la Cour qui fait que les justiciables avec des recours sérieux doivent attendre plusieurs années avant d’être entendus. Il appartient à la Cour tout autant qu’aux avocats, de réprimer les abus dont elle est l’objet.

POUR TOUTES CES RAISONS DONC : L’action du demandeur est rejetée avec dépens contre Me…, c.r. personnellement; interdiction par ailleurs à Me…de réclamer quelque honoraire ou déboursé que ce soit du demandeur.» (Notre emphase)

COMITÉ AD HOC

(F) Les dépens payables à la partie et non à l’avocat

RAPPORT : 208

(a) Les dépens devrait(sic) être dus et payables à la partie et non à son avocat. Entre autres, l’article 479 C.p.c. devrait être aboli;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Il est en accord.

Le Comité sur la procédure civile est entièrement en accord avec cette recommandation. D’ailleurs, il a appuyé cette recommandation dans le rapport d’étape du 6 décembre 2004 et maintient sa position tel que mentionné à la section 7.1. 110

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

COMITÉ AD HOC

(F) Les dépens payables à la partie et non à l’avocat

RAPPORT : 209

(b) Le justiciable non représenté par avocat ou qui consacre des efforts utiles de nature juridique afin de faire avancer sa cause devrait avoir droit à des dépens afin de le compenser pour ses efforts et pour maintenir les incitatifs reliés aux règlements et au fonctionnement équitable du système judiciaire;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité est contre cette recommandation.

Dans l’arrêt Fortin c. Chrétien88 l’honorable juge Gonthier de la Cour suprême du Canada expose les difficultés rencontrées par les parties qui se représentent seules : [54] Ainsi, s'il est éminemment louable de favoriser l'accessibilité à la justice et s'il est vrai que d'offrir aux justiciables la possibilité de se représenter seuls et de présenter les actes de procédure qu'ils jugent appropriés constitue la reconnaissance du libre arbitre des justiciables et, dans une certaine mesure, une piste de solution, on ne saurait affirmer qu'il s'agit d'une fin en soi. À chaque jour, les tribunaux à travers le Canada contribuent dans une certaine mesure à rendre la justice plus accessible. Par exemple, ils assurent la mise en oeuvre de garanties constitutionnelles, dont le droit à l'assistance d'un interprète et le droit d'employer la langue officielle de son choix dans les procédures intentées devant eux. Les greffiers et greffières des cours fournissent également une aide technique précieuse aux justiciables et les juges encadrent et guident les personnes non représentées par des avocats dans l'exercice de leurs droits. Cependant, ils ne sauraient en aucune façon remplacer l'avocat. Celui-ci, en tant qu'officier de justice, joue un rôle essentiel dans notre système de justice, au niveau de la représentation des droits des justiciables devant les tribunaux, mais également à l'étape préalable de règlement à l'amiable des litiges. Aussi serait-il souhaitable que tous les justiciables puissent y avoir recours peu importe leur situation financière.

De plus, même dans le cas où un avocat se représente seul, il n’a pas droit généralement aux honoraires judiciaires. Ainsi, pour qu’il y ait une condamnation aux dépens, il faut nécessairement qu’il y ait un avocat au dossier car les dépens sont attribués en vertu du Tarif. Par ailleurs, tout comme le mentionnait récemment la très honorable juge en chef de la Cour suprême du Canada, Beverley McLachlin, lors d'une allocution prononcée dans le cadre du

88

[2001] 2 R.C.S. 500.

111

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

congrès annuel de l'ABC, chacun des citoyens devrait être représenté par avocat afin de faire valoir adéquatement leurs droits devant les tribunaux judiciaires : «Les juges canadiens signalent que de plus en plus de leurs causes sont menées sans représentation juridique.

[…]

C’est un problème difficile pour la justice. C’est un problème difficile pour les avocats. C’est un problème difficile pour les Canadiens qui ne peuvent se permettre, et ne peuvent obtenir, les conseils et l’aide juridique dont ils ont besoin.»89

Enfin, le Comité sur la procédure civile est contre la philosophie du judge made law puisque cette dernière a pour effet que le juge fixe les honoraires au cas par cas. Cette façon de faire serait trop aléatoire; les parties ne pouvant savoir à l’avance à quoi elles peuvent s’exposer comme frais si elles perdent. Cette règle contreviendrait au principe de la prévisibilité.

COMITÉ AD HOC

(G) Calculs des dépens en cas de mandat à pourcentage

RAPPORT : 209

(a) Lorsqu’une partie a convenu de payer à son avocat un pourcentage du montant accordé par le tribunal et que les dépens sont payables par la partie adverse, ces dépens devraient être calculés comme si l’avocat avait travaillé à l’heure, à un taux horaire équivalent à celui alors en vigueur pour un avocat de la même expérience et compétence pour d’autres mandats semblables dans le même district judiciaire.

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Il n’est pas d’accord avec cette recommandation.

Étant donné que le Comité rejette la recommandation de la succombance importante ou intégrale, il ne peut acquiescer à cette recommandation.

89

Le nombre de Canadiens qui se défendent en cour sans avocat serait alarmant, Le Devoir du 15 août 2005, p. A3.

112

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

COMITÉ AD HOC

(H) Le processus d’attribution des dépens

RAPPORT : 209

(a) Les dépens attribuables à une procédure interlocutoire devraient suivre le sort du litige et être payables après jugement final afin de promouvoir l’accès à la justice, à moins que le tribunal en décide autrement notamment en raison de la nature inutile, frivole ou vexatoire de ladite procédure;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

En pratique, les juges exercent bien leur discrétion à ce sujet. Néanmoins, le Comité est d’accord avec la proposition que cette discrétion s’exerce lors du procès, sauf décision contraire du tribunal.

COMITÉ AD HOC

(H) Le processus d’attribution des dépens

RAPPORT : 209

(b) Les tribunaux devraient décider la question de l’attribution des dépens après jugement afin de permettre aux parties de faire des représentations à cet égard;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Il est d’accord pour que ce soit le juge du procès qui se prononce sur les dépens mais en même temps que le jugement final.

Une telle règle devrait être ajoutée puisqu’il arrive fréquemment que les parties oublient de plaider leur position en ce qui a trait aux dépens. La règle pourrait être à l’effet que le juge se prononce sur les dépens après avoir donné aux parties l’occasion de faire valoir leurs représentations. Il faut éviter que les parties aient à revenir à nouveau devant le juge qui aurait entendu le dossier au fond. Enfin, le Comité sur la procédure civile estime que la règle devrait être la même pour la Cour d’appel.

113

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

COMITÉ AD HOC

(H) Le processus d’attribution des dépens

RAPPORT : 209

(c) Le juge qui décide de la question de l’attribution des dépens devrait être celui qui tranche tout désaccord concernant le montant de tels dépens;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité est d’accord.

COMITÉ AD HOC

(H) Le processus d’attribution des dépens

RAPPORT : 209

(d) Le processus de taxation devant le greffier prévu à l’article 480 C.p.c. pourrait être maintenu mais il serait opportun de faire les modifications nécessaires recommandées ci-haut au sujet de désaccords ne portant que sur le calcul des dépens;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité est d’accord conditionnellement à ce que l’article 477 du Code de procédure civile soit maintenu et que les dépens soient attribués par le juge au moment du jugement sur le fond.

COMITÉ AD HOC

(I) Le principe de la succombance devrait s’appliquer devant d’autres tribunaux au Québec

RAPPORT : 209 (a) L'application possible des recommandations ci-haut mentionnées à d'autres tribunaux que la Cour d'appel, la Cour supérieure et la Cour du Québec devrait faire l'objet d'une autre étude en consultation avec les personnes et tribunaux intéressés, le Comité étant d'avis, qu'au moins à première vue, seraient inappropriés les pratiques actuelles qui ne permettent pas à plusieurs de ces autres tribunaux d'indemniser équitablement la partie jugée méritoire.

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Il n’est pas d’accord avec cette recommandation. Chaque loi particulière doit prévoir des dispositions spécifiques à ce sujet.

114

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

COMITÉ AD HOC

(J) Le projet législatif

RAPPORT : 209

(a) Tout projet de modification à la loi portant sur l’attribution des dépens devrait faire l’objet de consultation avec au moins le Barreau du Québec et les tribunaux concernés;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité est d’accord et précise que cela se fait déjà.

COMITÉ AD HOC

(J) Le projet législatif

RAPPORT : 209

(b) En raison du pouvoir discrétionnaire inhérent de la Cour supérieure à l’égard des dépens, et pour éviter tout débat coûteux à ce sujet, il serait sage d’obtenir l’approbation écrite de celle-ci à l’égard de tout tel projet et de respecter ce pouvoir inhérent dans toute telle législation;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

La Cour d’appel a précisé dans l’arrêt Hétu que la Cour supérieure a un pouvoir discrétionnaire en matière d’adjudication sur les dépens en vertu de l'article 46 du Code de procédure civile. En conséquence, une consultation des tribunaux de droit commun serait suffisante.

COMITÉ AD HOC

(K) Le processus de modification du Tarif

RAPPORT : 210

(a) Un comité permanent devrait être mis en place afin de faire des recommandations écrites et publiques concernant la révision du Tarif au moins à tous les quatre (4) ans.

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Un comité permanent composé de représentants du Barreau du Québec et du ministère de la Justice devrait être mis sur pied. Son mandat consisterait à mettre à jour et réviser le Tarif au moins à tous les quatre (4) ans.

115

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Le Comité de la pratique privée du Barreau du Québec travaille depuis plus de vingt ans à la révision du Tarif.90

COMITÉ AD HOC

(K) Le processus de modification du Tarif

RAPPORT : 210

(b) Ce comité devrait être composé d’un représentant de la Cour d’appel, d’un représentant de la Cour supérieure, d’un représentant de la Cour du Québec, de deux représentants du Barreau du Québec dont un serait de Montréal, d’un représentant du public nommé par le gouvernement du Québec, et d’un représentant du Ministère de la Justice du Québec

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Un comité permanent composé de représentants du Barreau du Québec et du ministère de la Justice devrait être mis sur pied.

COMITÉ AD HOC

(L) Modification du Tarif

RAPPORT : 210

(a) Le Tarif devrait être révisé avant le 31 décembre 2005 afin: (a) d'inclure les débours et honoraires extrajudiciaires des avocats; et (b) d'atteindre, dans les affaires contestées, un niveau d'indemnisation équivalent à environ 60 % ou 100 %, selon le cas, du véritable montant des honoraires judiciaires et extrajudiciaires d'avocats raisonnablement encourus par la partie méritoire pour faire valoir ses droits; (b) Devrait être sérieusement considérée la possibilité de prévoir au Tarif révisé une cédule d'honoraires qui tiendrait compte, entre autres, de l'expertise de l'avocat et des différences régionales qui existent à l'égard des honoraires chargés afin de ne pas pénaliser le justiciable; (c) Le Barreau du Québec devrait immédiatement mettre en marche le processus de rédaction d'un nouveau tarif en collaboration avec la Cour du Québec; la Cour supérieure et la Cour d'appel afin de s'assurer de leurs appuis.

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité s’est déjà prononcé sur cette recommandation à la page 22 de son rapport d’étape du 6 décembre 2004. Il est contre cette recommandation91 . Les principaux motifs sont: - C’est l’inaction du ministère de la Justice d’actualiser le Tarif qui a causé la problématique liée à l’injustice en matière de dépens.

90 91

Voir la position du Comité de la pratique privée à l’Annexe 6. Ces motifs sont reproduits à la section 7.1 de ce chapitre, aux pages 84 à 97.

116

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

- Il y a un risque d’incohérence totale si des éléments de droit étranger sont incorporés à notre système judiciaire. - L’Ontario a aboli depuis le 1er juillet 2005 la grille de frais (Costs grid). - Le Barreau du Québec a toujours maintenu la position de ne pas modifier la règle actuelle en matière d’attribution des dépens que ce soit lors de la révision de la procédure civile ou lors de la révision du Tarif. - Il serait plus prudent d’attendre de connaître les résultats d’une étude socio-économique portant sur les effets réels de la mise en œuvre des recommandations du Comité ad hoc sur les frais. - La quasi-totalité des barreaux de section, des comités consultatifs et avocats sont en désaccord avec cette recommandation. Le Comité sur la procédure civile est d’accord avec le Comité de la pratique privée : « Il ne s’agit pas de tout bouleverser, mais de tout revoir. » À court terme, la révision du Tarif qui n’a pas eu lieu de façon significative depuis 1920 doit être la priorité du Barreau du Québec et du ministre de la Justice. Le Tarif doit donc être révisé et amélioré afin de répondre aux nouvelles exigences de la pratique.

COMITÉ AD HOC RAPPORT : 210

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

(M) Les dépens devraient être déductibles pour tous Le Barreau de Montréal devrait songer à la possibilité d'étudier l'opportunité de recommander l'utilisation de mécanismes fiscaux pour promouvoir l'accès à la justice et pour assurer plus d'égalité entre les justiciables, à titre d'exemple, en permettant, à titre d'exemple, à tout justiciable le droit de déduire de son revenu les dépens de litiges.

Le Comité constate qu’il n’y a pas de consensus concernant cette recommandation et ne se prononce pas à ce sujet.

COMITÉ AD HOC

(N) La Loi sur les normes du travail devrait être amendée

RAPPORT : 210

(a) L'article 126.1 devrait de la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N1.1 devrait être amendé afin de réintroduire la possibilité pour le tribunal 117

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

de condamner l'employeur à payer les honoraires extrajudiciaires de l'employé congédié d'une façon capricieuse.

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité n’est pas d’accord. Aucun problème réel et sérieux n’est documenté dans le Rapport concernant les services de représentation gratuits offerts par la Commission des normes du travail.

COMITÉ AD HOC (O) Les articles 2667 et 2762 C.c.Q. devraient être amendés RAPPORT : 210 (a) Les articles 2667 et 2762 devraient être amendés afin de réintroduire la possibilité pour le tribunal de condamner le débiteur en défaut à payer les honoraires d’avocats raisonnablement encourus par le créancier afin de réaliser sa garantie hypothécaire.

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Il ne s’agit pas d’un problème d’accessibilité à la justice. Le Comité ne se prononce pas sur cette recommandation.

À titre d’information, en novembre 2001, le Barreau du Québec dans son Mémoire portant sur

la Loi modifiant le Code civil (P.L.50) s’est opposé aux amendements aux articles 2667 et 2762 du Code civil du Québec pour les motifs suivants : Articles 10 et 11 (art. 2667 et 2762) Le Barreau du Québec s’oppose à ces amendements pour les raisons suivantes : 1) Le Code civil permet l’exercice de droits hypothécaires « extra-judiciairement », en l’absence d’opposition du débiteur (par exemple la vente forcée par le créancier ou la prise de possession pour fins d’administration) et l’adoption de ces amendements défavoriserait l’exercice extra-judiciaire de ces recours alors qu’on fait tout pour encourager la déjudiciarisation. 2) Rien n’indique qu’il s’agisse uniquement d’honoraires d’avocats. Les amendements proposés empêcheraient donc le créancier de réclamer certains honoraires payés à des professionnels (par exemple pour une évaluation par un architecte ou un ingénieur de la nécessité de certaines réparations, pour une évaluation environnementale, voire même le cas précis proposé par la Cour d’appel dans 164618 Canada Inc c. Compagnie Montréal Trust [1998] R.J.Q. 2696 (C.A.) « the cost of a roofer or plumber for the preservation of the property ». 3) Les amendements pourraient faire échec à certaines règles sur l’administration du bien d’autrui (voir notamment les articles 1300, 1302, 1337, 1367 C.c.) qui lient le créancier qui a obtenu le délaissement (art. 2768, 2773 C.c.) ; celui-ci serait tenu, en 118

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

vertu de ces règles sur l’administration du bien d’autrui, d’effectuer des dépenses pour fin de bonne gestion, sans pouvoir les récupérer. 4) Ils rendraient invalides (par les mots « Nonobstant toute stipulation contraire »), parce que contraires au nouvel ordre public qu’ils suggèrent, les clauses aux termes desquelles les emprunteurs s’engagent à payer les honoraires et frais en question, encourus par le créancier pour conserver le bien ou pour recouvrer sa créance ; or, la légalité de ces clauses a toujours été reconnue, sous réserve de certaines limites. Rien d’ailleurs ne justifie qu’on en fasse une règle d’ordre public. Ceci constituerait une modification majeure, dans le sens contraire du droit actuel et du droit antérieur au Code civil du Québec. D'autres outils ont été prévus au Code civil pour protéger le débiteur en cas d'abus (voir notamment les dispositions sur le contrat d'adhésion et sur le contrat de consommation). 5) On ignore si ces amendements auront une incidence sur les frais que peut réclamer le créancier qui perçoit les créances hypothéquées (art. 2747 C.c.) ou encore sur l’application de l’article 2737 (imputation par le créancier en possession du bien mobilier hypothéqué des revenus perçus).

6) Il ne faut pas perdre de vue que les articles 2667 et 2762 C.c. ne se situent pas à l’intérieur d’une loi de protection de consommateur et s’appliquent à tout financement hypothécaire (hypothèque sur résidence, hypothèque sur immeubles commerciaux, gage sur valeurs mobilières, hypothèque sur propriété intellectuelle, sur universalités d'éléments d'actifs d'une entreprise, etc.).

COMITÉ AD HOC

(P) La LCSA devrait être amendée afin de s'appliquer de la même façon à travers le Canada

RAPPORT: 210

(a) À défaut d'amendements, tel que recommandé, aux articles 477 et seq. C.p.c. par le législateur provincial, le législateur fédéral devrait amender l'article 242 LCSA afin de stipuler son application nonobstant toute législation provinciale à l'encontre.

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Avec égards, les amendements ne sont pas nécessaires à la LCSA. Plusieurs arrêts ont confirmé que les dispositions du Code de procédure civile sont supplétives à moins de dispositions expresses de la LCSA92. Dans l’arrêt Hétu, la Cour d’appel a indiqué que l’article 46 du Code de procédure civile autorise les tribunaux à accorder une provision pour frais. De plus, le juge Gervais a, dans l’affaire Claisse , octroyé une somme de 454 157, 57$ pour les honoraires extrajudiciaires du Dr Claisse qui a exercé un recours en oppression en vertu de l’article 241 LCSA.

92

Kelvin Energy Ltd. c. Lie, (1992) 3 R.C.S. 235, 246; Chodakowski c. Carter, [1987] R.L. 225 (C.A.); Doyle c. Sparling, [1985] R.D.J. 645 (C.A.).

119

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

CHAPITRE 8 - LES DOMMAGES EXEMPLAIRES

COMITÉ AD HOC RAPPORT : 210

(A) Élargissement du recours en dommages-intérêts punitifs Le Comité est unanimement d’avis que le Barreau de Montréal devrait demander au Barreau du Québec d’adopter les recommandation suivantes et de les soumettre pour approbation et législation au Gouvernement du Québec :

(a) Les recours pour dommages-intérêts exemplaires devraient être élargis afin de les permettre lorsque les critères énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Whiten sont rencontrés ; (b) À cet égard, la loi devrait être modifiée afin de permettre la condamnation aux dommages-intérêts exemplaires dans des circonstances exceptionnelles et sujettes aux conditions suivantes : (i) le défendeur a eu une conduite malveillante, arbitraire ou extrêmement répréhensible, qui déroge nettement aux normes ordinaires de bonne conduite; (ii) en règle générale la conduite répréhensible resterait autrement impunie ou lorsque les autres sanctions ne permettent pas ou ne permettraient probablement pas de réaliser les objectifs de châtiment, dissuasion et dénonciation; (iii) l’objectif de ces dommages-intérêts est de punir une partie comme elle le mérite (châtiment), de la décourager – elle et autrui – d’agir ainsi à l’avenir (dissuasion) et d’exprimer la condamnation de l’ensemble de la collectivité à l’égard des événements (dénonciation); (iv) ils sont accordés seulement lorsque les dommages-intérêts compensatoires, qui ont dans une certaines mesure un caractère punitif, ne permettent pas de réaliser ces objectifs ; (v) leur quantum doit être raisonnablement proportionné, eu égard à des facteurs comme le préjudice causé, la gravité de la conduite répréhensible, la vulnérabilité relative des autres parties et les avantages ou bénéfices tirés par le responsable, ainsi que les autres amendes ou sanctions infligées à ce dernier par suite de la conduite répréhensible en cause ; et (vi) leur quantum ne doit pas dépasser la somme nécessaire pour réaliser rationnellement l’objectif visé ;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité est d’avis que l’étude des dommages exemplaires en droit québécois devrait se faire à l’extérieur de l’analyse du Rapport. Il ne se prononce donc pas car cette question de droit substantif liée à l’article 1621 du Code civil du Québec déborde largement de la procédure civile. 120

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Le Comité invite le Barreau du Québec à donner un mandat précis au Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile qui est intéressé à étudier cette question.

121

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

CHAPITRE 9 -L’ATTRIBUTION DES COÛTS DE LITIGES COMME MÉCANISME POUR FAVORISER LE RÈGLEMENT Avant que le Comité sur la procédure civile se prononce sur ces recommandations, il n’est pas inutile de rappeler les différentes positions recueillies à ce sujet. Lors de sa séance du 8 février 2005, le Conseil du Barreau de Montréal a adopté la résolution suivante : II.

Mécanisme de règlement

(i) Que le Code de procédure civile soit amendé afin de prévoir un mécanisme pour favoriser les règlements raisonnables dans de meilleurs délais en accordant expressément au tribunal la discrétion d’attribuer les frais d’un litige en faveur de la partie qui s’est vue refuser une offre de règlement raisonnable et qui a dû, suite à ce refus, encourir inutilement des frais additionnels; (ii) Que ces amendements tiennent compte de la législation et de l’expérience d’autres juridictions au Canada en pareille matière, sujet, cependant, au besoin d’assurer une bonne cohérence avec le droit civil québécois et à la nécessité de prévoir des balises et critères appropriés à l’exercice de la discrétion du tribunal.

Les Barreaux de Saint-François et d’Arthabaska de même que l’AAP sont contre l’introduction d’un tel mécanisme basé sur les offres de règlement. Le Comité sur le droit de la famille et le Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile ne sont pas en faveur de ces recommandations. D’une part, le Comité sur le droit de la famille précise qu’il n’y a pas de perdant-gagnant en matière familiale, et d’autre part, le Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile estime qu’un tribunal ne pourrait inférer du refus d’une offre, même celle jugée raisonnable au terme d’un procès, que la partie l’ayant refusée était de mauvaise foi ou a commis une faute.

Me Viateur Bergeron est d’avis que ce mécanisme «favoriserait les mieux nantis et toutes les

personnes physiques ou morales qui peuvent se payer le luxe de jouer à «Loto-procès»».

COMITÉ AD HOC

(A) Le principe

RAPPORT : 212

(1) Le Code de procédure civile devrait être amendé afin de prévoir des mécanismes d’attribution des frais de litige, y compris les honoraires extrajudiciaires d’avocats, afin de promouvoir les règlements raisonnables 122

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

et expéditifs; (2) Ces mécanismes devraient pénaliser la partie qui aurait refusé une offre qui s’avère raisonnable à la lumière du jugement rendu par le tribunal; (3) L’existence d’une offre ne devrait être communiqué au tribunal avant jugement; et (4) Ces mécanisme pourraient s’inspirer de ceux en vigueur en Ontario;

Les articles 1573 à 1589 du Code civil du Québec prévoient un mécanisme d’offres réelles et de la consignation. Le Comité est d’avis qu’il n’est pas opportun pour l’instant de remplacer ces règles pour adopter celles de l’Ontario. À cet égard, il faut rappeler que le sous-comité sur les dépens de l'Ontario mène présentement une consultation visant à corriger certains effets pervers de la Règle 49.

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

En attendant de connaître l’issue de la consultation ontarienne, le Comité estime que notre mécanisme des offres réelles et de la consignation devrait être modernisé et le Barreau du Québec devrait confier un tel mandat au Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile.

COMITÉ AD HOC RAPPORT : 212 214

(B) Une procédure d’offre de transaction similaire à celle prévue à la Règle 49 des Règles de procédure civile de L’Ontario À

(i)

Les matières visées

(1) Les matières visées par la procédure d'offre de transaction seraient celles introduites par la procédure ordinaire selon les articles 110 et suivants du Code de procédure civile. En conséquence, les matières qui obéissent à des règles particulières seraient exclues de la procédure d'offre de transaction, tel que: les demandes relatives à l'intégrité de la personne, l'adoption, les matières non contentieuses et les demandes relatives aux petites créances; (2) Un examen plus attentif devra être réalisé pour déterminer les matières visées ou exclues de la procédure d'offre de transaction; (3) Cette procédure d'offre de transaction s'appliquerait tant aux causes en première instance, qu'en appel.

123

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

(ii)

Les règles à adopter respecteraient les grandes lignes suivantes

(1) Si une offre de transaction présentée par le demandeur n'est pas acceptée par le défendeur, et que le demandeur obtient un jugement aussi favorable, ou plus favorable, que les conditions de l'offre, le demandeur aurait droit aux dépens importants à la date de la signification de l'offre et aux dépens intégraux à compter de cette date, sauf ordonnance contraire au tribunal. (R.R.O. 1990, Règl. 194, par. 49.10 (1); Règl. de l'Ontario, 284/01, par. 11(1).

Si une offre de transaction présentée par le défendeur n'est pas acceptée par le demandeur, et que le demandeur obtient un jugement aussi favorable, ou moins favorable, que les conditions de l'offre, le demandeur aurait droit aux dépens d'indemnisation important à la date de la signification de l'offre et le défendeur aurait droit aux dépens d'indemnisation important à compter de cette date, sauf ordonnance contraire du tribunal (R.R.Q., 1990, Règl. 194, par. 49.10 (2); Règl. de l'Ontario

(2)

284/01, par. 11(2).

(3) Une offre de transaction serait un acte de procédure qui respecte un certain formalisme: par écrit, description de l'objet de l'offre (en capital, intérêts et frais), date, signature, et signification. (R.O. formulaire 49A). Une offre de transaction pourrait être faite par toue partie au dossier tant en demande qu'en défense ou par une partie intervenante (R.O. 49.02 et 49.14).

(4)

Une offre de transaction pourrait être faite pour régler la cause ou une demande interlocutoire (R.O. 49.02);

(5)

(6) Pour qu'une offre de transaction ait des effets sur les dépens, elle devrait avoir été faite au moins sept (7) jours avant l'audition de la cause, ce délai pouvant être réduit s'il s'agit d'une demande interlocutoire. (R.O. 49.03);

(7)

L'offre pourrait comporter un délai d'acceptation (R.O. 49.04)(3));

(8) L'acceptation de l'offre devrait respecter un certain formalisme: par écrit, déclaration d'acceptation, date, signature, et signification (R.O. formulaire 49C); (9) Une offre de transaction serait refusée lorsque la partie à qui elle a été faite l'a ouvertement refusée, ou lorsque son acceptation n'aurait pas été signifiée dans le délai fixé à l'offre ou avant que le tribunal n'ait rendu jugement dans la cause (R.O. 49.10);

(10) Une offre de transaction non acceptée ne pourrait être communiquée au tribunal avant que jugement ne soit rendu, à l'exclusion des dépens. À l'audition, l'une des parties pourrait demander au tribunal de réserver sa décision sur les dépens vu l'existence d'une offre de transaction, laquelle serait éventuellement communiquée au tribunal (R.O. 49.06); (11) Après que le tribunal aurait statué sur le fond de l'affaire, la partie ayant fait une offre valable mais non acceptée, pourrait s'adresser à la cour 124

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

afin de faire trancher la question des dépens à la lumière de l'offre de transaction. (12) Une offre de transaction acceptée pourrait être déposée au tribunal pour être homologuée, à moins qu'elle ait été réglée par les parties (R.O. 49.09 a); (13) Les articles 477 à 481 du Code de procédure civile devraient être amendés afin de permettre au juge ayant rendu le jugement au mérite de la cause de statuer sur la validité d'une offre de transaction faite en cour d'instance et de déterminer les dépens payables en raison d'un refus d'acceptation d'une offre valablement faite; (14) Dans les cinq(5) jours du jugement sur le fond, une partie pourrait déposer une offre de transaction faite pendant l'instance et demander au tribunal de décider si les conditions de l'offre de transaction seraient aussi favorables ou non que le jugement (R.O. 49.06 (3)); (15) Les dépens seraient taxés par le greffier sur présentation d'un mémoire de frais préparé par la partie qui y a droit, et les mécanismes actuels de l'article 480 C.p.c. continueraient de s'appliquer. (16) Lorsqu'il y aurait eu une offre de transaction, le tribunal devrait octroyer les dépens en conformité avec le paragraphe (11) ci-haut, sujet à la discrétion du tribunal exercée en fonction des facteurs indiqués ailleurs aux présentes; (17) La procédure civile de transaction s'appliquerait quand il y a pluralité de défendeurs et lorsque l'offre de transaction vise un règlement entre toutes les parties(R.O. 49.11); (18) Lorsqu'il y aurait pluralité de défendeurs, un défendeur pourrait faire une offre de contribution en vue de transiger avec le demandeur. Une telle offre de contribution, si elle était refusée, pourrait être déposée au tribunal pour être considérée dans la mitigation des dépens même s'il n'y avait pas d'offre de transaction; (19) Cette même règle s'appliquerait lorsqu'il y aurait une pluralité de demandeurs en faisant les adaptations requises (R.O. 49.12).

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Les articles 1573 à 1589 du Code civil du Québec prévoient un mécanisme d’offres réelles et de la consignation. Le Comité est d’avis qu’il n’est pas opportun pour l’instant de remplacer ces règles pour adopter celles de l’Ontario. À cet égard, il faut rappeler que le sous-comité sur les dépens de l'Ontario mène présentement une consultation visant à corriger certains effets pervers de la Règle 49. En attendant de connaître l’issue de la consultation ontarienne, le Comité estime que notre mécanisme des offres réelles et de la consignation devrait être modernisé et le Barreau du Québec devrait confier un tel mandat au Comité sur le droit des 125

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

obligations et de la responsabilité civile.

COMITÉ AD HOC

(B) Une procédure d’offre de transaction similaire à celle prévue à la Règle 49 des Règles de procédure civile de L’Ontario

RAPPORT : 214 (iii) Modification pour fins d’harmonisation et de concordance (a) Le délai de 180 jours (151.1 et seq. C.p.c.) (1) Les articles 151.1 et seq. C.p.c. devraient être amendés afin de prévoir la suspension de tel délai dans les cas suivants : (i) lorsqu’une offre de transaction est faite et que les parties conviennent d’une suspension qui ne devrait pas dépasser 240 jours; (ii) avec la permission du tribunal, lorsque les parties sont en négociation de règlement ; (iii) sans la permission du tribunal pour une durée d’une conférence de règlement à l’amiable.

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité renvoie aux articles 151.19 et 110.1 du Code de procédure civile qui prévoient déjà une prolongation de délai.

COMITÉ AD HOC

(B) Une procédure d’offre de transaction similaire à celle prévue à la Règle 49 des Règles de procédure civile de l’Ontario

RAPPORT : 214-15 (iii) Modification pour fins d’harmonisation et de concordance (b) L’acquiescement à la demande (1) L’article 460 C.p.c. devrait être amendé afin de prévoir que lorsque le défendeur qui a acquiescé partiellement à la demande et dont l’acquiescement a été déclaré valable par le tribunal, le tribunal pourrait non seulement déclarer le défendeur exempt de payer des dépens au demandeur mais également que les dépens du défendeur devrait être assumés par le demandeur

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Les articles 1573 à 1589 du Code civil du Québec prévoient un mécanisme d’offres réelles et de la consignation. Le Comité est d’avis qu’il n’est pas opportun pour l’instant de remplacer ces règles pour adopter celles de l’Ontario. À cet égard, il faut rappeler que le sous-comité sur les dépens de l'Ontario mène présentement une consultation visant à corriger certains effets pervers de la Règle 49. 126

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

En attendant de connaître l’issue de la consultation ontarienne, le Comité estime que notre mécanisme des offres réelles et de la consignation devrait être modernisé et le Barreau du Québec devrait confier un tel mandat au Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile.

COMITÉ AD HOC

(B) Une procédure d’offre de transaction similaire à celle prévue à la Règle 49 des Règles de procédure civile de L’Ontario

RAPPORT : 215 (iii) Modification pour fins d’harmonisation et de concordance (c) Des offres et de la consignation (1) Le tribunal devrait aussi pouvoir condamner le demandeur à payer les dépens du défendeur lorsque le demandeur continuerait une instance malgré des offres subséquemment déclarées bonnes et valables par le tribunal

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité est d’accord.

COMITÉ AD HOC

(B) Une procédure d’offre de transaction similaire à celle prévue à la Règle 49 des Règles de procédure civile de L’Ontario

RAPPORT : 215 (iii) Modification pour fins d’harmonisation et de concordance (d) La liquidation des dépens (1) L’attribution des dépens, y inclus dans le contexte d’une offre de transaction, devrait être décidée après que jugement ait été rendu sur le fond du litige, en donnant aux parties l’opportunité d’être entendues ; (2) Le juge qui a entendu les parties au fond devrait être celui qui détermine l’attribution des dépens et devrait donc demeurer saisie de la cause.

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité n’est pas d’accord pour que ce processus soit fait en deux (2) étapes en raison des coûts que généreraient un tel processus. Les parties devraient être entendues lors du procès à ce sujet.

127

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

CHAPITRE 10 - LE FINANCEMENT DES LITIGES COMITÉ AD HOC

(A) Critères d’application

RAPPORT : 215

(a) Sans restreindre les pouvoirs discrétionnaires des tribunaux, ou d’un juge de ceux-ci, la Cour supérieure du Québec et la Cour du Québec, ou un juge de ceux-ci, peut ordonner à une partie de payer à une autre partie dans la même cause, des frais provisoires, y inclus les honoraires et frais extrajudiciaires d’avocats et d’experts, lorsque : (i) la partie qui sollicite l’ordonnance est si dépourvue de ressources qu’elle serait incapable, sans cette ordonnance, de faire entendre sa cause; (ii) elle démontre, prima facie, que sa cause possède un fondement suffisant pour justifier son instruction devant le tribunal; et (iii) il existe des circonstances suffisamment spéciales pour que le tribunal soit convaincu que la cause appartient à cette catégorie restreinte de causes justifiant l’exercice exceptionnel de ses pouvoirs;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité est d’avis qu’il est prématuré d’intervenir à ce sujet. Depuis l’arrêt Okanagan de la Cour suprême du Canada, la jurisprudence est en mouvance au Québec. L’arrêt Okanagan est appliqué par la Cour d'appel et adapté dans l’arrêt Hétu en matière de droit du travail. Il a également été suivi et appliqué dans l’arrêt 9022 Québec Inc (Magil Construction Inc) relativement à un dossier de faillite. Deux autres décisions de la Cour supérieure ont appliqué l’arrêt Okanagan : Sachian Inc et Mocreebec Council of the Cree Nation. Avant de figer les règles applicables en matière de provision pour frais, le Comité croit souhaitable de suivre l’évolution de la jurisprudence dans ce domaine. Présentement, le droit québécois n’est pas encore cristallisé.

COMITÉ AD HOC

(A) Critères d’application

RAPPORT : 215- 16

(b) Sans restreindre la discrétion prévue ci-haut, peuvent notamment constituer des circonstances spéciales : (i) il serait contraire aux intérêts de la justice que le plaideur renonce à agir parce qu’il n’en a pas les moyens financiers;

128

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

(ii) les questions soulevées dépassent le cadre des intérêts du plaideur, elles revêtent une importance pour le public et elles n’ont pas encore été tranchées; (iii) la partie appelée à payer les frais provisoires ne subirait pas de préjudice financier important en raison d’une telle ordonnance; ou (iii) les procédures pour lesquelles une provision pour frais est demandée, recherchent, de la partie appelée à payer une telle provision, une condamnation monétaire largement supérieure au montant des frais demandés;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité est d’avis qu’il est prématuré d’intervenir à ce sujet. Depuis l’arrêt Okanagan de la Cour suprême du Canada, la jurisprudence est en mouvance au Québec. L’arrêt Okanagan est appliqué par la Cour d'appel et adapté dans l’arrêt Hétu en matière de droit du travail. Il a également été suivi et appliqué dans l’arrêt 9022 Québec Inc (Magil Construction Inc) relativement à un dossier de faillite. Deux autres décisions de la Cour supérieure ont appliqué l’arrêt Okanagan : Sachian Inc et Mocreebec Council of the Cree Nation. Avant de figer les règles applicables en matière de provision pour frais, le Comité croit souhaitable de suivre l’évolution de la jurisprudence dans ce domaine. Présentement, le droit québécois n’est pas encore cristallisé.

COMITÉ AD HOC

(A) Critères d’application

RAPPORT : 215- 16

(C)) Sans restreindre la discrétion prévue ci-haut, les domaines notamment susceptibles de donner naissance à une telle ordonnance sont: (i)

une demande en matière familiale;

(ii)

une réclamation pour dommages corporels;

(iii)

une réclamation pour salaire impayé ou pour congédiement illégal;

(iv)

une réclamation contre un assureur;

(v)

une demande reliée à une fiducie ou à une succession;

(vi) une demande par une personne intéressée à l’encontre des agissements de dirigeants de compagnies ou de sociétés; 129

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

(vii) une demande fondée sur un droit prévu à la Charte québécoise ou à la Charte canadienne; et (viii) une demande soulevant une question d’intérêt public de droit constitutionnel, de droit public ou de droit privé;

COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Le Comité est d’avis qu’il est prématuré d’intervenir à ce sujet. Depuis l’arrêt Okanagan de la Cour suprême du Canada la jurisprudence est en mouvance au Québec. L’arrêt Okanagan est appliqué par la Cour d'appel et adapté dans l’arrêt Hétu en matière de droit du travail. Il a également été suivi et appliqué dans l’arrêt 9022 Québec Inc (Magil Construction Inc) relativement à un dossier de faillite. Deux autres décisions de la Cour supérieure ont appliqué l’arrêt Okanagan : Sachian Inc et Mocreebec Council of the Cree Nation. Avant de figer les règles applicables en matière de provision pour frais, le Comité croit souhaitable de suivre l’évolution de la jurisprudence dans ce domaine. Présentement, le droit québécois n’est pas encore cristallisé.

130

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

CHAPITRE 11 - UNE ÉTUDE ÉCONOMIQUE ET SOCIOLOGIQUE

Au Chapitre VII Recommandations, le Comité ad hoc sur les frais énonce une recommandation qui rejoint les préoccupations du Comité sur la procédure civile et plusieurs autres comités, barreaux de sections et avocats qui ont pris connaissance du Rapport 93:

«Le Comité recommande au Barreau de Montréal de recommander au Barreau du Québec d’étudier l’opportunité d’engager les services d’experts afin de faire faire toute étude de nature économique et sociologique jugée utile pour vérifier les prémisses et l’impact potentiel des conclusions du présent Rapport au cas où le législateur soulèverait des doutes à cet égard.»94

Dans son rapport d’étape du 6 décembre 2004, le Comité sur la procédure civile constate l’inexistence d’étude portant sur les causes de l’inaccessibilité à la justice et le danger d’adopter les recommandations du Comité ad hoc sur les frais sans obtenir au préalable, un portrait complet de la situation réelle à laquelle font face les justiciables95.

Tel qu’explicité au Chapitre 2 - L’accessibilité à la justice, le Comité sur la procédure civile estime qu’il est primordial de connaître les causes qui expliquent les raisons pour lesquelles les citoyens n’exercent pas leurs droits en ayant recours aux tribunaux. Les prémisses et les effets potentiels de la mise en place des recommandations du Comité ad hoc sur les frais devraient donc être vérifiées avant que le Comité sur la procédure civile soit en mesure de prendre une décision éclairée sur les meilleures solutions à préconiser afin de rendre notre système de justice plus accessible.

93 94 95

Voir le Chapitre 5 Les positions, aux pages 23 et suivantes. Rapport, p. 218. Rapport d'étape du 6 décembre 2004 du Comité sur la procédure civile, p. 6 à 9.

131

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Ceci rejoint également la demande formulée en 1998 au ministère de la Justice par le Comité de révision de la procédure civile, de mener une enquête sociologique sur les attentes des citoyens face à la justice.

Le Comité sur la procédure civile a eu l’opportunité de discuter de cette recommandation avec la bâtonnière Lemieux le 12 mai 2005, lorsqu’elle a rencontré les membres du Comité sur la procédure civile à titre de présidente du Comité sur le développement de la profession. Durant cette rencontre, la bâtonnière Lemieux a fait part au Comité sur la procédure civile de l’intention du Barreau du Québec de mettre sur pied l’Observatoire des services juridiques, projet qui vise à établir des partenariats avec des chercheurs concernant des études sur les services juridiques. Elle indique également que ce projet pourrait probablement servir à étudier la question de l’accessibilité à la justice dans sa globalité. Bien que conscient des contraintes budgétaires et des coûts importants reliés à une telle étude, le Comité sur la procédure civile recommande au Barreau du Québec d’établir des partenariats afin qu’une étude sociologique soit menée sur la question de l’accessibilité à la justice.

À cet égard, le Comité sur le procédure civile souligne que la Fondation du Barreau du Québec privilégie pour le programme d'attribution de subventions 2005-2006 des travaux portant sur le thème "Le citoyen devant les institutions". La Fondation du Barreau du Québec donne les exemples suivants de sujets de recherche:



Le citoyen face aux institutions juridiques:

les services pro bono, l'impact des

changements démographiques, les conséquences de la diversité culturelle, la représentation solo devant les tribunaux, l'abus de procédure.

Il est bon de rappeler que la Fondation du Barreau du Québec a subventionné dans le passé une étude sociologique menée par le professeur Pierre Noreau du Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal intitulée "Le droit en partage: le monde juridique face à la

diversité etchnoculturelle". 132

La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

CHAPITRE 12 - LES RECOMMANDATIONS DU COMITÉ SUR LA PROCÉDURE CIVILE

Il est crucial de remettre le questionnement du Comité ad hoc sur les frais dans le contexte actuel de la réforme de la procédure civile. Présentement, les avocats et les justiciables vivent une réforme de la procédure civile qui intègre une nouvelle culture judiciaire. Cette réforme étant très récente, il est difficile d’en mesurer les impacts. Parallèlement, le Comité ad hoc sur les frais souhaite modifier les règles des régimes de l’attribution des coûts de litiges, des dommages exemplaires, de l’incitation aux règlements raisonnables et expéditifs et de financement de litiges. Le Comité sur la procédure civile est d’avis qu’il n’est pas souhaitable de modifier plusieurs régimes au cours de la même période alors que la réforme du Code de procédure civile n’est pas terminée. À cet égard, il est utile de rappeler que l’étude du nouveau projet global de nouveau Code de procédure civile n’est pas encore amorcée. De plus, le Comité sur la procédure civile s’est prononcé contre le morcellement de la Phase II de la réforme. Ainsi, si le Barreau du Québec se penchait uniquement sur la question des dépens, cela constituerait un précédent qui pourrait ouvrir la porte à des modifications fragmentaires du Code de procédure civile. En conséquence, le Comité sur la procédure civile croit essentiel que le Barreau du Québec ne s’engage pas à faire des modifications à la pièce. Si les propositions de modifications suggérées par le Comité ad hoc sur les frais sont retenues, en totalité ou en partie, par le Barreau du Québec, ces dernières devraient s’inscrire dans la Phase II de la réforme du Code

de procédure civile. Enfin et de façon exceptionnelle pour les raisons qui sont explicitées aux Chapitre 7 à 11, le Comité sur la procédure civile recommande au Comité administratif d’intervenir immédiatement auprès du ministre de la Justice afin de régler la question de l’injustice créée

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

par la désuétude du Tarif qui a amené le Comité ad hoc à revoir dans son entièreté le régime de l’attribution des coûts de litiges. À la lumière de ce qui précède, voici les recommandations du Comité sur la procédure civile: •

De maintenir le système actuel en matière de dépens.



D'actualiser le Tarif et d'inclure une clause d'indexation.



D'abolir l'article 479 du Code de procédure civile qui distrait les dépens en faveur de l'avocat.



De modifier l'article 3.08 du Code de déontologie des avocats afin de refléter que les dépens appartiennent au client à moins d'une entente spécifique à l'effet contraire à ce sujet.



Afin d'éviter tout débat additionnel devant les tribunaux au sujet des honoraires et débours d'experts, il serait préférable de désigner comme dépens les honoraires et débours d'experts, y inclus ceux encourus lors de, et dans la préparation pour l'audition de la cause, à moins qu'ils n'aient été accordés dans le cadre d'une provision pour frais.



Les dépens attribuables à une procédure interlocutoire devraient suivre le sort du litige et être payables après jugement final afin de promouvoir l’accès à la justice, à moins que le tribunal en décide autrement notamment en raison de la nature inutile, frivole ou vexatoire de ladite procédure;



Les tribunaux devraient décider, en même temps que le jugement sur le fond du dossier, la question de l'attribution des dépens afin de permettre aux parties de faire des représentations à cet égard lors de l’instruction.



Le juge qui décide de la question de l'attribution des dépens devrait être celui qui tranche tout désaccord concernant le montant de tels dépens.



Tout projet de modification à la Loi portant sur l'attribution des dépens devrait faire l'objet de consultations avec au moins le Barreau du Québec et les tribunaux concernés. 134

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Un comité permanent composé de représentants du Barreau du Québec et du ministère de la Justice devrait être mis sur pied. Son mandat consisterait à mettre à jour et réviser le Tarif au moins à tous les quatre (4) ans.



Le tribunal devrait aussi pouvoir condamner le demandeur à payer les dépens du défendeur lorsque le demandeur continuerait une instance malgré des offres subséquemment déclarées bonnes et valables par le tribunal.



De recommander au Barreau du Québec d’établir des partenariats afin qu’une étude sociologique soit menée sur la question de l’accessibilité à la justice.



De poursuivre la réflexion sur la question de l'accessibilité à la justice.

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CHAPITRE 13 - LES AUTRES PISTES DE RÉFLEXION Lors de la consultation et de l’analyse du Rapport, certaines autres pistes de réflexion concernant l’accessibilité à la justice ont été portées à l’attention du Comité sur la procédure civile et méritent d’être soulignées :



Les honoraires spéciaux et additionnels

En 2001, le Comité de révision de la procédure civile recommande d’intégrer au Code de

procédure civile, les articles 15 (honoraire spécial) et 42 (honoraire additionnel de 1% sur l’excédent de 100 000$) du Tarif .96

Lors de la présente consultation, le Barreau de Saint-François recommande ce qui suit : Par contre, le présent Comité considère que le système actuel doit être amélioré en procédant aux modifications suivantes: b) que l’article 15 du tarif soit modifié pour permettre l’attribution d’un honoraire spécial non seulement dans les causes jugées « importantes », mais dans tous dossiers qui selon la discrétion du Tribunal le justifient. Cette discrétion sera cependant balisée par des critères qui seront énoncées à l’article 15, au nombre desquels pourraient figurer l’absence de mérite où la témérité de la position soutenue par la partie qui succombe, les délais et les dépenses injustement soufferts par la partie qui a gain de cause, la situation financière respective des parties ainsi que la complexité de l’affaire. L’honoraire spécial ainsi accordé, lorsque perçu par le procureur, devra obligatoirement être appliqué d’abord au paiement des honoraires extrajudiciaires facturés à son client.

Le Comité de la pratique privée abonde dans le même sens en précisant :

C)

Honoraires spéciaux :

Le rapport du Comité ad hoc du Barreau de Montréal cite un certain nombre de cas où, même en cas de succès, le résultat des procédures judiciaires résulte en une injustice pour la partie qui gagne ou s’en retrouve appauvrie ou imputée gravement d’une indemnité suite à un dommage et ce, à cause des honoraires extrajudiciaires. Ces situations sont malheureusement réelles et on devrait pouvoir y remédier.

96

Rapport Ferland, p. 158.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Le comité suggère d’y arriver en instaurant un système d’honoraires spéciaux qui remplacerait ceux déjà prévus à l’art. 15 du Tarif des honoraires judiciaires et qui sont presque, actuellement, inapplicables et suscitent la réticence des tribunaux. Ce système viendrait du législateur et devrait prévoir les critères d’attribution, le montant maximum et le fait que lesdits honoraires spéciaux appartiennent au client. Les critères peuvent s’inspirer de ceux utilisés par la Cour fédérale et par l’art. 57.01 des règles de pratique de l’Ontario, en y ajoutant toutefois, la capacité financière des parties en cause. Le tout serait codifié. La demande d’honoraires spéciaux se ferait dès la procédure introductive d’instance ou en tout état de cause y compris verbalement à l’audition au fond et même après jugement s’il ne pouvait être prévu avant.

Quant au montant des honoraires spéciaux, il pourrait, selon le cas, atteindre un maximum soit le coût réel du litige incluant les honoraires extrajudiciaires.



Pouvoir discrétionnaire de doubler le Tarif

L'AAP propose d'entrevoir la possibilité pour le tribunal de doubler le mémoire de frais accordé à la partie méritoire en considérant l'importance du dossier, la longueur ainsi que les cas d'abus de procédure qui n'auraient pas été détectés au préalable.



La révision des principes concernant les dommages exemplaires

L’étude des dommages exemplaires en droit québécois devrait se faire dans un contexte d'analyse différent de celui en cours. Le Comité invite le Barreau du Québec à donner un mandat précis au Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile qui est intéressé à étudier cette question. À ce sujet, il faut souligner l’article de Me Pierre Pratte intitulé «Le rôle des dommages

punitifs en droit québécois»97 qui traite de cette question.

97

(1999) 59 Revue du Barreau 445.

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La révision des offres réelles et de la consignation

En attendant de connaître l’issue de la consultation ontarienne du sous-comité sur les dépens concernant la Règle 49, le Comité estime que notre mécanisme des offres réelles et de la consignation, prévu aux articles 1573 à 1589 du Code civil du Québec,

devrait être

modernisé et le Barreau du Québec devrait confier un tel mandat au Comité sur le droit des obligations et de la responsabilité civile.



La création d’un Fonds d’aide au maintien de l’intégrité de la personne

Au Canada, le Programme de contestation judiciaire vise à financer les recours portant sur le droit à l’égalité et les droits linguistiques enchâssés dans la Charte canadienne des droits et

libertés.98 Il s’agit d’un organisme national sans but lucratif créé en 1994. Pour bénéficier de ce programme, il faut :

-

Être sans ressource financière permettant l’exercice du droit garanti; et

-

Être une partie ou un intervenant dans une cause comportant un intérêt national et impliquant des points de droit importants au sujet desquels les tribunaux ne se sont pas encore prononcés.

Au Québec, le législateur a mis sur pied en 1978, le Fonds d’aide aux recours collectifs. Ce Fonds est régi par la Loi sur le recours collectif 99.

En 1991, le Groupe de travail sur l’accessibilité à la justice recommande d’instaurer un programme d’aide financière pour la reconnaissance du droit à l’égalité en vertu de la Charte

des droits et libertés de la personne.100 Cette recommandation est restée lettre morte.

98

Voir la Trousse d’information jointe à l’Annexe 10. L.R.Q., c. R-2.1. 100 Voir les pages 341 à 350 du Rapport Mcdonald jointes à l’Annexe 11 . 99

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Sans avoir eu l’occasion d’approfondir la question et de circonscrire le mode de financement d’un tel projet, le Comité sur la procédure civile a discuté, de façon embryonnaire, de la possibilité de mettre sur pied un Fonds d’aide au maintien de l’intégrité de la personne. Ce projet permettrait notamment de faciliter l’accès des personnes issues de la classe moyenne qui ne sont pas admissibles à l’Aide juridique et n’ont pas les moyens financiers pour exercer leurs droits touchant leur intégrité tout en amorçant aussi une discussion sur l'harmonisation des programmes d'aide gouvernementale offerts (les normes du travail, les droits de la personne, etc…) À titre d'exemple, le Fonds d'aide permettrait notamment de financer: un recours devant la Commission des lésions professionnelles dans le cadre d’un accident de travail ou maladie professionnelle, dans la mesure où la personne n’est pas déjà représentée par son syndicat, le cas échéant; un recours devant le Tribunal administratif du Québec suite à un accident automobile; un recours devant le Tribunal administratif du Québec visant l’obtention d’une rente d’invalidité sous le Régime des rentes du Québec; un recours en responsabilité professionnelle; une demande en matière familiale selon certaines réserves; une réclamation pour dommages corporels; une réclamation pour salaire impayé ou pour congédiement illégal dans la mesure où la Commission des normes du travail n’intervient pas déjà; un droit protégé par la Charte des droits et libertés de la personne ou le Code civil du

Québec.

Bien que le financement d’un tel projet semble à première vue problématique, le Comité sur la procédure civile estime qu’un comité devrait regarder cette avenue de plus près.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

CONCLUSION Il ressort de la consultation effectuée par le Comité sur le procédure civile que les recommandations du Comité ad hoc sur les frais soulèvent plusieurs préoccupations et réserves. Les recommandations du Comité ad hoc sur les frais ne font pas l'unanimité.

Plusieurs intervenants ont souligné la crainte que l'adoption des recommandations du Comité ad hoc sur les frais ait un effet contraire à celui recherché, c'est-à-dire de décourager le justiciable d'exercer de bonne foi ses recours en justice ou de présenter une défense légitime. Le Comité sur la procédure civile précise que ce postulat confirme sa position énoncée dans le rapport d'étape du 6 décembre 2004 et appelle à la plus grande prudence de la part du Barreau du Québec.

Tous font le même constat:

le système de justice est injuste et inéquitable en matière de dépens en raison de la désuétude du Tarif; le système de justice est de plus en plus inaccessible pour les justiciables.

Cependant, il ne s'agit pas de réattribuer les coûts de la justice sur l'épaule de la partie perdante. Il faut plutôt travailler à rendre la justice plus accessible et à moindre coûts.

En conséquence, le Comité sur la procédure civile recommande au Barreau du Québec, que les prémisses et les effets potentiels de la mise en œuvre des recommandations du Comité ad

hoc sur les frais soient vérifiés par le biais d'une étude socio-économique. Cette étude permettrait de prendre une décision éclairée sur les meilleures solutions à préconiser afin de rendre notre système de justice plus accessible.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

De plus, le Comité sur la procédure civile estime sage de ne pas procéder à des réformes draconiennes et fait sienne la suggestion du Barreau de Saint-François101.

"Contrairement au Comité ad hoc du Barreau de Montréal cependant, nous sommes fermement d'opinion que l'équilibre ne peut pas être atteint utilement par le biais de réformes draconiennes. Il est largement préférable de procéder à des modifications législatives ou réglementaires mesurées et graduelles, permettant ainsi de monitorer sur une période de temps raisonnable leur effet sur la pratique judiciaire, sur l'équilibre entre les plaideurs et sur l'accès à la justice".102

Ceci rejoint également la philosophie adoptée par le Comité de la pratique privée en 1988 lors de la révision du Tarif: "Il ne s'agit pas de tout bouleverser, mais de tout revoir".103

Néanmoins, un meilleur accès à la justice doit demeurer un idéal à atteindre. L'honorable Michel Robert, juge en chef de la Cour d'appel, a, lors de la Rentrée judiciaire du Barreau de Montréal du 8 septembre 2005, rappelé l'importance de mettre en œuvre rapidement la Phase II de la réforme de la procédure civile qui est incomplète. Cette demande a été réitérée par Madame la bâtonnière Madeleine Lemieux du Barreau du Québec lors des Rentrées judiciaires de cet automne.

Lors de la Rentrée judiciaire du Barreau de Montréal, l'honorable juge Michel Robert a également mentionné que "la justice est la santé de l'âme".

Cette réalité est lourde de conséquences et a un prix pour le gouvernement du Québec.

101 102 103

Également partagée par le Barreau d'Arthabaska et l'AAP. Infra page 25. Infra, page 86.

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La position du Comité sur la procédure civile concernant le Rapport du Comité ad hoc sur les frais Septembre 2005

Ainsi, le Ministère de la Justice doit faire plus qu'affirmer que ses priorités sont claires, soit de rendre la justice plus accessible, plus transparente, plus proche des citoyens, plus humaine et aussi plus ouverte. Il doit être proactif.

Pour ce faire, la réforme prioritaire est d'actualiser et réviser le Tarif, suivie par la mise en œuvre de la Phase II de la réforme de la procédure civile.

D'autres réformes seront

également nécessaires car la question de l'accès à la juste est complexe.

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