automne 2012 - Cerdi

L'importance économique des migrations de travailleurs est de ... d'immigration traditionnels (Etats-Unis et pays ... d'acquisition du capital humain spécifique au.
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a question migratoire revêt aujourd’hui un nombre d’enjeux considérables pour les sociétés du Nord et du Sud. L’importance économique des migrations de travailleurs est de plus en plus clairement établie, non seulement pour les pays d’accueil auxquels ils apportent des compétences, mais aussi pour les pays d’origine, par le biais des transferts de fonds qui dépassent de loin ceux liés à l’aide publique au développement. Comparativement à d’autres pays de l’OCDE, le Canada, qui mise sur la population immigrée afin de faire face aux défis démographiques et économiques associés au vieillissement de sa population, connaît l’un des afflux d’immigrants les plus élevés proportionnellement à sa population. Se pose alors, comme dans la plupart des pays développés, la question de leur insertion économique. Or plusieurs travaux soulignent la surreprésentation de la population immigrée dans le bas de l’échelle des revenus, et la détérioration de la situation économique des cohortes récentes d'immigrants en comparaison avec celle de leurs homologues nés au Canada et des immigrants précédents. Une partie de cette détérioration s’explique par la récession économique subie par le Canada au début des années 1990. Celle-ci s’est traduite par une détérioration sur le marché du travail des nouveaux actifs en général, dont font partie également les immigrants. Cependant,

l’augmentation de la pauvreté semblerait toucher, en particulier, les immigrants originaires des nouveaux pays source. A côté des bassins d’immigration traditionnels (Etats-Unis et pays européens), la grande majorité des immigrants aujourd’hui proviennent en effet d’une dizaine de pays, pour la plupart asiatiques (Inde, Pakistan, Chine continentale, Corée, Hong Kong, Philippines) et dans une moindre mesure d’Afrique et du MoyenOrient. La diversification des origines s’accompagne d’une diversification d’autres caractéristiques individuelles en particulier la langue parlée, l’appartenance à une minorité visible, l’éducation et l’expérience professionnelle acquise avant l’immigration. Il se peut donc que les immigrants originaires de ces nouvelles régions supportent un coût d’ajustement et d’acquisition du capital humain spécifique au Canada (langue, culture, qualifications) plus important que les immigrants occidentaux, et rencontrent plus de difficultés à faire reconnaitre les diplômes et expériences acquises dans leur pays d’origine, et à connaître le marché de l’emploi local. Cela se répercute sur le rythme auquel le nouvel immigrant s’intègre au pays d’accueil. Cette situation s’observe alors même que la proportion d’immigrants admise en vertu du volet économique de la politique d’immigration a augmenté et que les requérants principaux admis dans la catégorie économique sont de plus en plus scolarisés.

Comprendre les mécanismes à l’œuvre dans la persistance de « trappes à inégalités » au sein de la population immigrante, en cerner les causes d’autant plus complexes que le visage de l’immigration est aujourd’hui hétérogène, apparait fondamental. Cela parait d’autant plus important que les enjeux de cette hétérogénéité sont difficiles à comprendre en raison du caractère encore relativement limité des données empiriques qui en tiennent compte. À l’aide des microdonnées des recensements canadiens, nous montrons que les inégalités de revenu entre et au sein des divers groupes ethniques se sont accentuées, et en particulier, que les immigrants originaires des pays du Sud sont surexposés aux inégalités de revenu et à la pauvreté, et souffrent d’un déclassement de leur éducation entre 1995 et 2005. Cette apparente ségrégation et polarisation économique est révélatrice de problèmes sociaux à corriger, en vue d’atteindre une plus grande justice et cohésion sociale dans ce pays multiculturel.