Syst`emes de numération indépendants et ... - Semantic Scholar

ment en module les autres racines de ce polynôme. .... 2) résulte de la définition même de dp(u). ..... La notion de -reconnaissabilité s'étend aux parties de Nk.
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Syst`emes de num´eration ind´ependants et synd´eticit´e Georges HANSEL

1 Introduction Ce travail est d´edi´e au sourire de M. P. Sch¨utzenberger, sourire incomparable, inoubliable, expression de qualit´es rarement rencontr´ees ensemble, g´enie et gentillesse, humour et rigueur intellectuelle, le tout appuy´e sur un courage indomptable face aux e´ preuves de l’histoire ou de la vie. Dans les lignes qui vont suivre, il aurait reconnu – ou peut-ˆetre reconnaˆıt-il – la trace de quelques-unes de ses innombrables et profondes id´ees. Dans un article fondamental [6], Cobham a montr´e le th´eor`eme suivant : soient p et q deux entiers positifs ind´ependants (i.e. il n’existe pas de relation non triviale de la forme pm = q n ) ; une partie X  N est reconnaissable dans les syst`emes de num´eration en bases p et q si et seulement si elle est ultimement p´eriodique. Ce r´esultat a depuis donn´e lieu a` de nombreux travaux, essentiellement dans trois directions : – simplification de la preuve initiale, – g´en´eralisation a` certains syst`emes de num´eration a` base non enti`ere  tels qu’ils ont e´ t´e introduits par A. Bertrand [1], – g´en´eralisation a` des parties de N k . On pourra consulter a` ce sujet la synth`ese e´ crite par V. Bruy`ere [3] qui pr´esente l’ensemble des r´esultats existants (ainsi que ceux relatifs a` des questions connexes, telles que la rationalit´e de l’addition et la reconnaissabilit´e de l’ensemble N tout entier) et e´ galement l’article de V. Bruy`ere et al. [5]. Jusqu’`a pr´esent, le cadre de ces travaux comportait au moins deux conditions :

 tout nombre r´eel  > 1, base d’un syst`eme de num´eration consid´er´e, e´tait un nombre de Pisot (i.e. les racines autres que  du polynˆome minimal de  sont de module < 1). 1

 Il r´esulte d´ej`a de la condition pr´ec´edente que le syst`eme de num´eration v´erifie une relation de r´ecurrence lin´eaire et l’on supposait de plus que le polynˆome d´efinissant cette r´ecurrence e´ tait le polynˆome minimal de . Notons encore que la premi`ere de ces conditions implique aussi que l’ensemble N lui-mˆeme est reconnaissable en base  (ou, ce qui revient au mˆeme, que le “d´eveloppement” de  est ultimement p´eriodique).

D`es l’origine, il apparaissait que la preuve “d’un th´eor`eme de Cobham” s’effectue normalement en deux e´ tapes : preuve que la partie X consid´er´ee est synd´etique ; d´emonstration de l’ultime p´eriodicit´e de X .

Dans le pr´esent article, nous ne supposons “plus rien” sur le nombre  et nous montrons le r´esultat g´en´eral suivant : Soient  et 0 deux nombres r´eels > 1 ind´ependants ; une partie X de N qui est reconnaissable dans les syst`emes de num´eration d´efinis par  et 0 est synd´etique. Moyennant les r´esultats de logique de C. Michaux et R. Villemaire [9], on peut en d´eduire sous certaines hypoth`eses un “th´eor`eme de Cobham” dans N k .

2 Syst`emes de num´eration d’A. Bertrand D’une fac¸on g´en´erale, un syst`eme de num´eration est une suite strictement croissante (Un )n2N d’entiers positifs telle que U0 = 1.

Soit un entier u > 0 ; une repr´esentation de u est une suite r0r1 : : :rn d’entiers positifs ou nuls avec r0 > 0 qui v´erifie la relation

u = r0Un + r1 Un?1 + : : : + rn U0 La repr´esentation normale r(u) = r0 : : :rn de u v´erifie de plus les conditions :

 sa longueur n + 1 est la plus grande possible (n est le plus grand entier tel que Un  u) :  c’est la plus grande dans l’ordre lexicographique parmi les repr´esentations de longueur n + 1. La repr´esentation normale r(u) est donn´ee par l’algorithme glouton : r0 est le plus grand entier tel que r0 Un  u ; ayant d´efini, r0; r1; : : :; ri?1, le nombre ri est le plus grand entier tel que

riUn?i  u ? (r0Un + r1Un?1 + : : : + ri?1 Un?i+1 ) 2

Soit r0r1 : : :rn la repr´esentation normale d’un entier. Il est toujours vrai qu’un suffixe rk : : :rn de cette repr´esentation est encore la repr´esentation normale d’un entier (´eventuellement pr´ec´ed´ee de z´eros). Par contre, il n’est pas toujours vrai qu’un pr´efixe r0r1 : : :rk est aussi la repr´esentation normale d’un entier. De mˆeme, il n’est pas toujours vrai que la suite r0r1 : : :rn 0 est la repr´esentation normale d’un entier. Les syst`emes de num´eration entiers classiques d´efinis par une suite Un = pn , n 2 N , v´erifient ces propri´et´es, mais c’est le m´erite d´efinitif d’A. Bertrand [1] d’avoir caract´eris´e les syst`emes de num´eration qui les satisfont. En voici la construction. Soit  un r´eel positif quelconque > 1. On d´efinit le “d´eveloppement de ” : c’est la plus grande suite (an )n2N d’entiers dans l’ordre lexicographique, ne se terminant pas par des z´eros, et telle que

 = a0 + a1 + a22 + a33 + : : : On pose alors

U0 U1 U2 U3

= = = =

1

a 0 U0 + 1 a 0 U1 + a 1 U0 + 1 a 0 U2 + a 1 U1 + a 2 U0 + 1 : : :: : :: : :: : :: : :: Un+1 = a0Un + a1 Un?1 + : : : + anU0 + 1 : : :: : :: : :: : :: : : Remarque. Soit u 2 N , r(u) sa repr´esentation normale et p 2 N . Le mot 0p r(u) sera encore appel´e par extension repr´esentation normale de u. Avec cette convention, u et v e´ tant deux entiers, u  v si et seulement si r(u) est inf´erieur a` r(v ) dans l’ordre lexicographique, sous r´eserve que r(u) et r(v ) soient deux repr´esentations normales de mˆeme longueur obtenues en compl´etant e´ ventuellement l’une d’entre elles par des z´eros a` gauche.

2.1 Exemples 1) Avec 

= 10 on retrouve le syst`eme de num´eration d´ecimal 10 = 9 + 9 + 9 2 + 93 + : : : 10 10 10 3

Donc (an ) = 999999 : : :

U0 U1 U2 ::: Un

= 1 = 9U0 + 1 = 10 = 9U1 + 9U0 + 1 = 90 + 9 + 1 = 102

: : :: : :: : :: : :: : :

= 10n

p

2) Avec  = 1+2 5 , le nombre d’or, on obtient le syst`eme de num´eration de Fibonacci. On v´erifie que (an ) = 1010101 : : :, suite p´eriodique.

U0 = 1 U1 = a0U0 + 1 = 2

puis, par r´ecurrence, on a la relation

Un = Un?1 + Un?2 .

Le polynˆome de la r´ecurrence est P (x) = x2 ? x ? 1 et c’est le polynˆome minimal de . Les premiers termes de la suite (Un ) sont

1 2 3 5 8 13 : : : Comme 17 = 13 + 3 + 1, la repr´esentation normale de 17 dans ce syst`eme est

r(17) = 100101 p

3) Avec  = 3+2 5 , carr´e du nombre d’or, on v´erifie que ultimement p´eriodique.

(an ) = 211111 : : :, suite

U0 = 1 U1 = a0U0 + 1 = 3 puis par r´ecurrence, on v´erifie que

Un = 3Un?1 ? Un?2 .

Le polynˆome de la r´ecurrence est P (x) = x2 ? 3x +1 et c’est le polynˆome minimal de . Les premiers termes de la suite (Un ) sont

1 3 8 21 55 144 : : : 4

Comme 51 = 2  21 + 8 + 1, la repr´esentation de 51 dans ce syst`eme est

r(51) = 2101 4) Cas g´en´eral. Dans le cas g´en´eral, de nombreuses circonstances peuvent se produire : – la suite (an ) peut ne pas eˆ tre ultimement p´eriodique ; c’est en particulier le cas si  est un nombre transcendant (car si la suite (an ) est ultimement p´eriodique, la suite (Un ) v´erifie une relation de r´ecurrence lin´eaire et  est racine du polynˆome de la r´ecurrence et donc est alg´ebrique). – dans le cas o`u la suite (an ) est ultimement p´eriodique, le polynˆome de la r´ecurrence peut eˆ tre un multiple strict du polynˆome minimal de . Toutefois, dans tous les cas,  est une racine simple du polynˆome de la r´ecurrence et majore strictement en module les autres racines de ce polynˆome.

2.2 Quelques propri´et´es des syst`emes de num´eration de Bertrand Soit  > 1 un nombre r´eel, (an )n2N son d´eveloppement et (Un )n2N le syst`eme de num´eration associ´e. On a (en particulier) les propri´et´es suivantes (cf. [1]). 1) Une suite d’entiers r0r1 : : :rn est une repr´esentation normale d’un entier si et seulement si pour tout i = 0; 1; : : :; n, la suite riri+1 : : :rn est inf´erieure ou e´ gale dans l’ordre lexicographique a` la suite a0a1 : : :an?i (c’est-`a-dire au pr´efixe de la suite (an ) de mˆeme longueur).

Notamment, pour tout i = 0; : : :; n, on a ri  a0 = de ? 1, o`u de d´esigne le plus petit entier sup´erieur ou e´ gal a` . D´efinissons l’alphabet A par

A = f0; 1; : : :; de ? 1g Toute repr´esentation normale est donc un mot sur l’alphabet e´ l´ement du mono¨ıde libre A .

A,

ou encore un

Egalement, si r0r1 : : :rn est une repr´esentation normale, et si, pour tout i = 0; : : :; n, ri0  ri, alors r00 r10 : : :rn0 est aussi une repr´esentation normale (pr´ec´ed´ee

e´ ventuellement de z´eros).

2) Pour tout p 2 N , la fin de suite (an+p )n2N est inf´erieure ou e´ gale dans l’ordre lexicographique a` la suite compl`ete (an )n2N . Compte-tenu de 1), il en r´esulte que tout mot aj aj +1 : : :aj +n facteur de la suite (an ) est la repr´esentation normale d’un entier (pr´ec´ed´ee e´ ventuellement de z´eros). 5

3) Pour tout n 2 N , Un est le nombre de repr´esentations normales de longueur inf´erieure ou e´ gale a` n.

Un

4) La suite ( n )n2N converge vers une limite L. Plus pr´ecis´ement, on a 

a0 + 2a1 + 3a2 + : : : U n lim = L =  2 ? 13 n!+1 n

3 Parties  -reconnaissables de N Soit  > 1 un nombre r´eel, (an )n2N son d´eveloppement et (Un )n2N le syst`eme de num´eration associ´e. Soit X une partie de N . On dit que X est -reconnaissable si l’ensemble

r(X ) = fr(x) j x 2 X g des repr´esentations normales des e´ l´ements de mono¨ıde A = f0; 1; : : :; de ? 1g.

X est une partie reconnaissable du

Il est classique que l’ensemble N lui-mˆeme est -reconnaissable si et seulement si la suite (an )n2N est ultimement p´eriodique. Cela est encore e´ quivalent a` ce que la suite (Un ) est donn´ee par une relation de r´ecurrence lin´eaire (et  est alors une racine du polynˆome de la r´ecurrence). Dans la suite, nous ne faisons pas cette hypoth`ese.

4  -approximation et d´ecalage

 > 1 un nombre r´eel, (Un )n2N le syst`eme de num´eration associ´e, et soit L = n!+1 lim Unn . Soit u 2 N , r(u) = r0 r1 : : :rn la repr´esentation normale de u. On a donc

Soit

u = r0Un + r1 Un?1 + : : : + rn U0 On appelle -approximation de u le nombre (u) d´efini par

(u) = L(r0n + r1 n?1 + : : : + rn0 ) 6

Pour tout p 2 N , on d´efinit le nombre dp(u), d´ecal´e (d’ordre p) de u par

dp(u) = r0 Un+p + r1Un?1+p + : : : + rn Up Autrement dit, grˆace aux propri´et´es d’un syst`eme de Bertrand, repr´esentation normale r0 r1 : : :rn 0p .

dp(u)

a pour

Lemme 1 On a les propri´et´es suivantes :

1) u!+1 lim (uu) = 1 ;

2) Pour tous u; p 2 N , (dp(u)) = p (u) ; 3) Pour tout u 2 N , p!+1 lim dpp ((uu)) = 1 ; 4) pour tout u 2 N , (u + 1) > (u). D´emonstration. 1) r´esulte ais´ement du fait que nombres ri sont born´es par a0 . 2) r´esulte de la d´efinition mˆeme de dp(u). 3) est cons´equence de 1) et 2).

Un = 1 et de ce que les lim L n

Montrons 4). Soit u 2 N et soit

r(u) = r0r1 : : :rn

(1)

la repr´esentation normale de u. Soit rj rj +1 : : :rn le plus grand suffixe de r(u) e´ gal a` un pr´efixe du d´eveloppement (an ) de . Supposons d’abord que j > 0. Compte-tenu de la d´efinition des Un , on a

u + 1 = r0Un + : : : + rj?2 Un?j+2 + rj?1 Un?j+1 +a0 Un?j + a1 Un?j ?1 + : : : + an?j U0 + 1 = r0Un + : : : + rj ?2 Un?j +2 + (rj ?1 + 1)Un?j +1

(2) (3)

Montrons que cela implique que la repr´esentation normale de u + 1 est

r(u + 1) = r0r1 : : :rj?2(rj?1 + 1)0n?j+1

(4)

En vertu de (3), il suffit de montrer que r0r1 : : :rj ?2 (rj ?1 +1) est la repr´esentation normale d’un entier, soit encore que tous ses suffixes sont inf´erieurs ou e´ gaux au pr´efixe correspondant de la suite (an ).

7

Supposons qu’il n’en soit pas ainsi. Alors il existerait un entier k

 j ? 1 tel que

rk rk+1 : : :rj?2 (rj?1 + 1) > a0 a1 : : :aj?k?2 aj?k?1

(5)

Mais comme rk rk+1 : : :rj ?2 rj ?1 est une repr´esentation normale (en tant que facteur de repr´esentation normale), on a aussi

rk rk+1 : : :rj?2 rj?1  a0 a1 : : :aj?k?2 aj?k?1

(6)

Il r´esulte de (5) et (6) que

rk rk+1 : : :rj?2 rj?1 = a0 a1 : : :aj?k?2 aj?k?1

(7)

On en d´eduit (en utilisant les propri´et´es 1 et 2 de 2.2)

a0a1 : : :an?k  rk rk+1 : : :rj?1 rj : : :rn = a0 a1 : : :aj ?k?1 a0a1 : : :an?j  a0a1 : : :aj?k?1 aj?k : : :an?k Mais alors, contrairement a` l’hypoth`ese initiale, rk rk+1 : : :rn serait un pr´efixe de la suite (an ) plus long que rj : : :rn . Donc (4) est bien v´erifi´e. On a alors en vertu de (1), (4), et des d´efinitions de la fonction d´eveloppement de 

X ain?j?i ) i=0 nX ?j a i Ln?j ( ? i) > 0

(u + 1) ? (u) = L(n?j+1 ? =

n?j

i=0



Il reste a` consid´erer le cas o`u r(u) = a0 a1 : : :an . Mais alors

u + 1 = a0Un + a1Un?1 + : : : + an U0 + 1 = Un+1 Par cons´equent on a encore

Xn ain?i ) i=0 n a X i Ln ( ? i) > 0

(u + 1) ? (u) = L(n+1 ? =

i=0 

8



et du

5 Un lemme de l’´etoile Soit  > 1 un nombre r´eel et soit X  N une partie -reconnaissable. Soit r(X )  A = f0; 1; : : :; de ? 1g l’ensemble des repr´esentations normales des e´ l´ements de X . Soit une repr´esentation normale quelconque s = r0r1 : : :rn 2 r(X ). On note jsj = n + 1 sa longueur et (s) sa valeur, c’est-`a-dire le nombre

(s) = r0Un + r1Un?1 + : : : + rn U0 Soient deux mots s et t dans A tels que leur produit normale d’un entier. On v´erifie ais´ement la relation

st soit la repr´esentation

(st) = jtj (s) + (t)

(8)

On dit que deux mots s et t sur l’alphabet A sont X -´equivalents s’ils sont e´ quivalents pour l’´equivalence d’automate associ´ee a` l’ensemble r(X ), c’est-`adire si pour tout mot w 2 A ,

sw 2 r(X ) () tw 2 r(X ) Comme X est -reconnaissable, la X -´equivalence est une congruence a` droite d’index fini. La m´ethode classique du lemme de l’´etoile va permettre de montrer le r´esultat suivant. Lemme 2 Soit X une partie infinie -reconnaissable de N . Il existe un entier q > 0, un nombre r´eel a > 0 et un nombre r´eel b tels que pour tout n 2 N , il existe xn 2 X tel que

(xn) = aqn + b

D´emonstration. Soit x 2 X assez grand pour que la longueur du mot r(x) soit strictement sup´erieure a` l’index de la relation de X -´equivalence et supposons que r(x) = r0r1 : : :rn . Il existe donc i et j tels que 0  i < j  n et tels que les mots r0r1 : : :ri et r0r1 : : :rj sont X -´equivalents. Posons s = r0r1 : : :ri, t = ri+1 : : :rj et w = rj +1 : : :rn . Les mots s et st e´ tant X -´equivalents, pour tout n 2 N , stn w 2 r(X ). En utilisant la formule (8), on obtient

((stnw)) = jtjn+jwj ((s)) + jwj 9

X jtji ((t)) + ((w))

n?1 i=0

Pour tout n 2 N , posons xn

=  (stn w) et soit q = jtj. On a qn (xn) = jwj ((s))qn + jwj ((t)) q ??11 + ((w))

e´ galit´e dont on d´eduit rapidement le r´esultat voulu.

6 Parties (;  )-reconnaissables et synd´eticit´e 0

Rappelons que deux nombres r´eels positifs  et 0 sont ind´ependants s’il n’existe pas deux entiers p et q (autres que 0) tels que p = 0q . Il revient au mˆeme de dire

p

2 N , est dense dans R+ . Une partie X de N est synd´etique s’il existe un entier p tel que pour tout n 2 N , X \ [n; n + p] 6= ;. que l’ensemble des rapports 0q , p; q 

Th´eor`eme 1 Soient  et 0 deux nombres r´eels > 1 ind´ependants et soit X une partie infinie de N qui est a` la fois -reconnaissable et 0 -reconnaissable. Alors X est synd´etique. D´emonstration. Soit u 2 N et soit r(u) la repr´esentation normale de u dans le syst`eme de num´eration associ´e a` . La repr´esentation normale de dp(u) est r(dp(u)) = r(u)0p. Par cons´equent, un nombre w appartient a` l’intervalle [dp(u); dp(u + 1)[ si et seulement si sa repr´esentation normale est de la forme r(w) = r(u)s0s1 : : :sp?1 . On en d´eduit deux cons´equences.

 de ? 1 pour tout i = 0; : : :; p ? 1, on a dp(u + 1) ? dp(u) < ( + 1)p D’autre part, soient u et v deux nombres dont les repr´esentations normales r(u) et r(v ) sont X -´equivalentes. Alors [dp(u); dp(u + 1)[ \X = ; si et seulement si [dp(v ); dp(v + 1)[ \X = ;. Tout d’abord, comme si

Deux cas sont alors possibles. Premier cas : il existe p 2 N tel que pour tout u  p

[dp(u); dp(u + 1)[ \X 6= ; Donc a` partir du nombre dp (p), la distance entre deux e´ l´ements cons´ecutifs de X est major´ee par

sup(dp(u + 2) ? dp(u))  2 sup(dp(u + 1) ? dp(u)) < 2( + 1)p u

u

10

Il en r´esulte que X est synd´etique.

Deuxi`eme cas : pour tout p 2 N , il existe up

 p tel que [dp(up); dp(up + 1)[ \X = ;

(9)

Nous allons montrer que ce deuxi`eme cas est incompatible avec le fait que X est a` la fois -reconnaissable et 0 -reconnaissable.

Comme X est -reconnaissable, il existe une suite strictement croissante (pn )n2N d’entiers telle que toutes les repr´esentations normales r(upn ), n 2 N , soient X e´ quivalentes. Soit u = up0 ; alors pour tout n 2 N ,

[dp (u); dp (u + 1)[ \X = ; Soit A = f0; 1; : : :; de ? 1g et posons S = fs 2 A j r(u)s 2 r(X )g Comme r(X ) est une partie reconnaissable de A , il n

n

en est de mˆeme de l’ensemble S . Mais l’application s 7! jsj qui, a` un e´ l´ement s 2 A associe sa longueur jsj, est un morphisme de A dans le mono¨ıde N (N muni de l’addition). Par cons´equent l’ensemble Y = fjsj j s 2 S g des longueurs des e´ l´ements de S est une partie reconnaissable de N . Il en est encore de mˆeme de son compl´ementaire Y c. Or, par d´efinition,

p 2 Y c () (8s 2 A ) : jsj = p ) r(u)s 2= r(X ) () [dp(u); dp(u + 1)[ \X = ; Donc pour tout n 2 N , pn 2 Y c et par cons´equent Y c est une partie infinie reconnaissable de N , c’est-`a-dire une partie infinie ultimement p´eriodique. Il existe donc deux entiers p; m 2 N tels que pour tout n 2 N , [dp+mn (u); dp+mn(u + 1)[ \X = ; Posons v = dp(u). Comme dp (u) + 1  dp (u + 1), on a pour tout n 2 N , [dmn (v ); dmn(v + 1)[ \X = ; (10) En vertu du lemme 1-4), il existe " > 0 tel que (v)(1 + ") < (v + 1)(1 ? ") (11) En vertu du lemme 1-3), il existe n0 2 N tel que pour tout n  n0 , dmn(v) < (v)(1 + ") < (v + 1)(1 ? ") < dmn (v + 1) (12) mn mn 11

Mais X est aussi 0 -reconnaissable. Aussi, en vertu du lemme 2, il existe a b 2 R et q 2 N tels que pour tout n 2 N , il existe xn 2 X tel que

0 (xn) = a0qn + b

> 0, (13)

o`u 0 d´esigne la fonction d’approximation du syst`eme de num´eration associ´e a` 0 .

Comme  et 0 sont ind´ependants, il en est de mˆeme de m et 0q . En vertu de cette ind´ependance, de (11) et (13), il existe une suite double d’entiers strictement

0 (xn ) mn )i2N converge vers une limite l (v)(1 + ") < l < (v + 1)(1 ? ") 0 xn (xn ) = 1 Comme lim , la suite ( mn )i2N converge aussi vers l. Par i xn  cons´equent, il r´esulte de (12) que pour i assez grand, on a croissante (ni ; n0i )n2N telle que la suite ( telle que

0

i

i

0

0

i

i

i

0

i

dmn (v) < xn < dmn (v + 1) i

0

i

i

ce qui contredit (10).

7 Cons´equence : le th´eor`eme de Cobham dans N k Soit  > 1 et soit A = f0; 1; : : :; de ? 1g. Soit u = (u1; u2; : : :; uk ) 2 N k . Notons r(u1), r(u2), . . . , r(uk ) les repr´esentations normales de u1 , u2 , . . . , uk apr`es avoir e´ galis´e leurs longueurs en ajoutant e´ ventuellement des z´eros a` gauche de certaines d’entre elles. Le k-uple (r(u1); r(u2); : : :; r(uk )) s’identifie alors a` un e´ l´ement not´e r(u) du mono¨ıde libre (Ak ) . Exemple : Prenons 

= k = 2 ; alors r(2; 1) = (1; 0)(0; 1).

La notion de -reconnaissabilit´e s’´etend aux parties de N k : une partie X de N k est -reconnaissable si l’ensemble fr(x) j x 2 X g est une partie reconnaissable de (Ak ).

Soit  > 1 un nombre r´eel. On dira que suivantes sont satisfaites : 1) N est -reconnaissable ; 2) L’addition est -reconnaissable, i.e.

 est acceptable si les deux conditions

f(u; v; w) 2 N 3 j u = v + wg 12

est une partie -reconnaissable de N 3.

Dans [8] (et aussi dans [4]), il est montr´e que si  est un nombre de Pisot et si de plus le polynˆome de la r´ecurrence du syst`eme de num´eration associ´e est le polynˆome minimal de , alors  est acceptable. D’autre part, de [4] on peut d´eduire le r´esultat suivant. Proposition 1 Soit  > 1 un nombre r´eel acceptable et soit X une partie reconnaissable de N k . Alors toute partie X 0 d´efinissable dans la structure < N; +; X > est encore -reconnaissable. De plus, toute partie d´efinissable dans la structure < N; + > est -reconnaissable. Remarques 1) En substance, une partie X 0 de N k est d´efinissable dans la structure < N; +; X > si X 0 est l’ensemble des k-uples (u1 ; u2; : : :; uk ) 2 N k v´erifiant une formule du premier ordre (u1; : : :; uk ), les variables ui appartenant au domaine N et la formule faisant e´ ventuellement intervenir des constantes, l’ensemble X , ainsi que l’addition +. Par exemple, avec X  N , l’ensemble X 0  N 2 des couples (u1 ; u2) de nombres pairs dont la somme appartient a` X et est un multiple de 3 est d´efinissable dans cette structure par la formule :

u1 + u2 2 X ^ 9x9y9z(u1 = x + x) ^ (u2 = y + y) ^ (u1 + u2 = z + z + z) 2) Il est classique qu’une partie X  N k est d´efinissable dans la structure < N; + > si et seulement si c’est une partie rationnelle du mono¨ıde (N k ; +). Les r´esultats de C. Michaux et R. Villemaire [9] e´ tablissent le th´eor`eme suivant. Th´eor`eme 2 Soit X une partie de N k qui n’est pas d´efinissable dans la structure < N; + >. Alors il existe une partie X 0 de N qui est d´efinissable dans la structure < N; +; X > et qui est non synd´etique. Le “th´eor`eme de Cobham” suivant, e´ galement d´emontr´e par une m´ethode diff´erente dans [2], est un corollaire du th´eor`eme 1, de la proposition 1 et du th´eor`eme 2. Th´eor`eme 3 Soient  et 0 deux nombres r´eels > 1, acceptables et ind´ependants. Une partie X de N k est rationnelle si et seulement si elle est simultan´ement -reconnaissable et 0-reconnaissable.

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D´emonstration. Soit X une partie rationnelle de N k . Elle est d´efinissable dans la structure < N; + >. Donc, d’apr`es la proposition 1, elle est -reconnaissable et 0-reconnaissable.

R´eciproquement, soit X une partie -reconnaissable et 0 -reconnaissable. Elle est (´evidemment) d´efinissable dans la structure < N; +; X >. Si elle n’´etait pas rationnelle, c’est-`a-dire si elle n’´etait pas d´efinissable dans la structure < N; + >, il existerait, d’apr`es le th´eor`eme 2, une partie X 0  N d´efinissable dans la structure < N; +; X > et non synd´etique. Mais, d’apr`es la proposition 1, cette partie serait aussi -reconnaissable et 0 -reconnaissable, ce qui est contradictoire avec le th´eor`eme 1.

Remerciements. Je remercie vivement V. Bruy`ere pour ses nombreuses et judicieuses remarques.

References [1] A. Bertrand-Mathis, Comment e´ crire les nombres entiers dans une base qui n’est pas enti`ere, Acta Math. Sci. Hungar, 54, (1989), 237–241. [2] A. Bes, An extension of the Cobham-Semenov theorem, preprint, (1996), 10 pages. [3] V. Bruy`ere, Automata and strasbg.fr:80/˜slc, (1996).

Numeration

Systems,

http://cartan.u-

[4] V. Bruy`ere, G. Hansel, Bertrand numeration systems and recognizability, preprint, (1995), 22 pages. [5] V. Bruy`ere, G. Hansel, C. Michaux, R. Villemaire, Logic and p-recognizable sets of integers, Bull. Belg. Math. Soc., 1, (1994), 191–238. [6] A. Cobham, On the base-dependence of sets of numbers recognizable by finite automata, Math. Systems theory, 6, (1972), 164–192. [7] S. Eilenberg, Automata, Languages and Machines, Academic Press, NewYork, (1974). [8] C. Frougny, B. Solomyak, On representation of integers in linear numeration systems. dans Ergodic theory of Zd -Actions, e´ dit´e par M. Pollicott et K. Schmidt, London Mathematical Society Lecture Note Series 228, Cambridge University Press, 1996, 345–368. 14

[9] C. Michaux, R. Villemaire, Presburger arithmetic and recognizability of natural numbers by automata : new proofs of Cobham’s and Semenov’s theorems, Annals of Pure and Applied Logic, 77, (1996), 251–277.

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