Revue du Conseil économique et social de Wallonie - CESW

14 oct. 2013 - Les partenaires sociaux insistent donc pour que le Plan Marshall 2.Vert reste l'élément mobilisateur central pour une politique de redéploiement économique de la Wallonie. Dans cette perspective, le Conseil souligne l'importance de l'exercice d'évaluation du. Plan Marshall 2.Vert. Une évaluation appro-.
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Wallonie

n° 118 Septembre/Octobre 2013 Bimestriel

Revue du Conseil économique et social de Wallonie Actualités Fêtes de Wallonie 2013 : Déclaration du CESW

L’invité Frank Vandenbroucke «Il faut viser un nouvel Etat-Providence»

Dossier L’innovation en Wallonie

Avec les interviews de Philippe Hayat, Vincent Lepage, Yves Jongen, Michel Morant

Actualités : Déclaration du CESW à l’occasion des Fêtes de Wallonie 2013

Sommaire

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L'invité : Frank Vandenbroucke

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Dossier : L’innovation en Wallonie

1 éditorial Actualités 2 > Déclaration du CESW à l’occasion des Fêtes de Wallonie 2013 4 > L’agenda : les événements du CESW 6 > Publications et réseaux sociaux 8 > Interview : Philippe Hayat «Donnons aux jeunes l’envie d’entreprendre !» 11 En bref Les avis 12 > Liste des avis adoptés entre le 16/05/2013 et le 1/09/2013 14 > Bassins de vie «Enseignement-Formation-Emploi» 15 > L’Agence pour l’Entreprise et l’Innovation (AEI) 16 > Réglementation des agences de placement 18 > Le code du développement territorial 19 > Stratégie Energie 20.50 pour la Wallonie 20 > La tarification progressive et solidaire 21 > Stratégie wallonne de développement durable 23 > Rapport de suivi du Plan Marshall 2.Vert 24 > La présence équilibrée Hommes-Femmes dans les organes consultatifs 25 > Code wallon de l’action sociale et de la santé : simplification administrative 25 > Création d’une plate-forme wallonne d’échange électronique en matière de santé 26 > Un cadre légal pour les accords sociaux dit du «non-marchand» L’invité 28 > Frank Vandenbroucke : «Il faut viser un nouvel Etat-Providence» Dossier 32 > L’innovation en Wallonie 34 > Technologique, non technologique, sociale : les indissociables composantes de l’innovation 38 > Portraits d’innovateurs (et d’innovations) wallons 42 > Le programme européen pour l’innovation 44 > En 2013, le Prix Zénobe récompense l'innovation sociale 45 > Le programme «Creative Wallonia» reconnu et récompensé par l’Europe ! > Interviews 46 > Vincent Lepage : «La dynamique de Creative Wallonia est inédite et innovante!» 49 > Yves Jongen et Michel Morant : Regards croisés sur l’innovation en Wallonie 53 Zoom > Journées du patrimoine : succès de foule à l'ancien hospice Sainte Agathe Livres 55 > Sélection d’ouvrages du Centre de Documentation du CESW 57 > Et dans notre bibliothèque numérique

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L’édito

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epuis plus de deux ans, le CESW a concentré une bonne part de son énergie à l’analyse des dossiers liés au transfert de compétences vers les entités fédérées dans le cadre de la sixième réforme de l’Etat. Cette analyse a été réalisée à partir de la rentrée de septembre 2011, sur base de notes qui avaient circulé – notamment la note de Vande Lanotte du tout début du mois de janvier 2011 – et donc antérieurement à l’accord institutionnel du 11 octobre 2011. On sait – et on savait déjà – que les grands dossiers qui étaient sur la table concernent l’emploi, les allocations familiales ainsi que l’aide aux personnes et la santé. Le CESW a commis des travaux importants à propos de ces différents dossiers qui ont fait l’objet de publications, notamment déjà dans l’édition 2012 de «Regards sur la Wallonie». Bien sûr, cette publication n’était pas une fin en soi et les travaux ont repris de plus belle… Il convient d’ailleurs de souligner que toutes ces analyses du Conseil ont abondamment nourri les travaux des groupes thématiques mis en place par le Gouvernement wallon concernant le transfert de compétences, travaux auxquels les partenaires sociaux et le CESW ont été associés. Tout ce processus, que l’on peut qualifier d’historique, confirme l’importance et l’intérêt de la concertation sociale et de ses structures dans un processus décisionnel démocratique. Nous sommes à la veille de la mise en œuvre des réformes profondes puisqu’elles seront opérationnelles en 2014 et que les budgets seront organisés dès l’exercice 2015. Cela signifie clairement que le champ de pertinence de la concertation sociale au plan régional va se trouver considérablement élargi à des matières constituant des enjeux particulièrement essentiels pour les interlocuteurs sociaux. D’ailleurs, jusqu’à présent, ces dossiers sont gérés au niveau fédéral dans le cadre d’une logique de gestion paritaire et/ou d’une concertation sociale extrêmement forte. Il faut aussi rappeler qu’un accord a été passé entre le Gouvernement wallon et les partenaires sociaux réunis au sein du Conseil pour que le transfert de compétences ne puisse en aucun cas provoquer une diminution de prérogatives des partenaires sociaux dans la gestion et la définition des orientations stratégiques des matières concernées. Et ces prérogatives sont considérables au fédéral tant en ce qui concerne l’emploi (notamment à l’ONEm), la santé (INAMI) ou encore les allocations familiales (notamment à l’ONAFTS). Soulignons aussi le fait que ce modèle a fait ses preuves d’efficacité et a permis l’organisation d’un modèle social qui vise la garantie de l’intérêt général. La mise en œuvre de la réforme de l’Etat correspondra à la concrétisation et à l’application de cet accord de principe dont il vient d’être question dans le cadre d’une structure de la Belgique complètement redéfinie, structure au sein de laquelle les mécanismes de concertation sociale doivent jouer pleinement leur rôle. En effet, ils sont une pièce essentielle d’un processus démocratique qui définit un projet de société qui garantit à tout un chacun les meilleures conditions d’existence.

Jean Pierre Dawance Secrétaire général

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Actualités

Déclaration du CESW à l’occasion des Fêtes de Wallonie 2013 A la veille des Fêtes de Wallonie 2013, les interlocuteurs sociaux wallons, réunis au sein du Conseil économique et social de Wallonie, ont adopté une «Déclaration» dans laquelle ils rappellent leurs recommandations et priorités concernant la relance économique, le Plan Marshall 2022 ainsi que les transferts de compétences. Voici le texte de cette Déclaration.

Crise et relance économique

Plan Marshall 2022

Dans un contexte économique et social difficile, le Gouvernement wallon a pris un certain nombre de mesures visant au redressement économique et social de la Wallonie, au travers notamment des Plans Marshall 1.0 et 2.Vert.

Les interlocuteurs sociaux wallons s’inscrivent dans une démarche de continuité des politiques économiques et sociales menées au travers de plans évolutifs (Marshall 1.0 ; Marshall 2.Vert ; Marshall 2022). Le CESW insiste pour que la distinction entre les nouvelles mesures et le prolongement d’anciennes mesures, issues notamment des Plans Marshall antérieurs, soit intégrée dans la version finale du Plan Marshall 2022.

Les interlocuteurs sociaux ont apprécié les objectifs et les moyens mis en œuvre, qu’il s’agisse de l’aide à la création et au développement des entreprises, des pôles de compétitivité, de la recherche et de l’innovation, de la formation ou des efforts pour l’emploi et l’inclusion sociale. L’existence d’un plan (constats, objectifs, actions, mesures, etc.) doit rester l’élément mobilisateur du redéploiement de la Wallonie. Ce plan doit absolument prendre en compte les transferts de compétences prévus par la 6ème réforme de l’Etat. Le CESW insiste sur la nécessité d’une évaluation précise de l’impact des Plans Marshall, venant compléter les évaluations thématiques menées par l’IWEPS. Il importe en effet de pouvoir saisir l’efficacité de la stratégie intégrée initiée par les deux Plans Marshall et de mesurer, au travers de différents indicateurs socio-économiques précis, leurs effets réels sur l’économie et l’emploi en Wallonie. Cette évaluation doit avoir pour objectif de réorienter ou de concentrer les moyens financiers.

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Les mesures stimulant l’innovation, l’emploi, les investissements, ne peuvent pas être mises en péril par des efforts d’assainissement budgétaire drastiques.

Le Conseil note que le Plan Marshall 2022 reste vague sur les moyens budgétaires qui devraient y être affectés. Pour le CESW, il convient de budgétiser rapidement les moyens à affecter à chaque mesure, puis de déterminer, sur cette base, le montant global nécessaire à la mise en œuvre du Plan. Les interlocuteurs sociaux wallons rappellent qu’ils entendent être associés à la suite de la démarche jusqu’à l’aboutissement du processus de définition du Plan Marshall 2022 et à la mise en œuvre de ses mesures. Accord institutionnel et transferts de compétences Les mois qui viennent doivent aussi être consacrés à la préparation de l’accueil des compétences transférées par l’accord institutionnel d’octobre 2011, qui devrait être mis en œuvre dès juillet 2014. Le CESW tient à rappeler les principes qui doivent guider la préparation de ces transferts :

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• Le Conseil souligne que le transfert des compétences offre l’opportunité de repenser globalement les politiques mises en œuvre et de veiller à l’affectation la plus judicieuse des moyens transférés, ainsi qu’à l’organisation de la prise en charge de ces compétences qui constituent des défis importants. • Le CESW insiste sur la nécessaire adéquation à trouver entre les mesures existantes et les dispositifs transférés d’une part, et les objectifs fixés dans le Plan Marshall 2022, d’autre part. La promotion de la simplification administrative et la lisibilité des dispositifs doivent également être recherchées. • Les interlocuteurs sociaux wallons demandent un pilotage budgétaire global des transferts ainsi que la définition d’un volet concernant la gestion administrative (personnel et transferts de personnel, locaux, informatique, …). • Les interlocuteurs sociaux wallons rappellent l’importance d’une négociation préalable à l’organisation des transferts de sorte qu’ils puissent intervenir dans la discussion le plus en amont possible du processus. • Le CESW demande que le rôle des interlocuteurs sociaux au niveau fédéral dans les différentes formes de gestion paritaire, de concertation et/ou de fonction consultative pour les compétences transférées soit maintenu tant en Wallonie qu’à la Fédération Wallonie-Bruxelles. • Le transfert des compétences fera évoluer le rôle des interlocuteurs sociaux en Wallonie, ajoutant la négociation, à la consultation et à la concertation. Dès lors, il sera nécessaire d’instaurer, pour ce faire, un groupe ad hoc comparable à ce qui prévaut au Fédéral.

L’image d’une Wallonie en retard de développement s’estompe. Jusqu’à présent, la Wallonie a relativement bien résisté aux crises récentes. Cependant, les perspectives sont plutôt sombres. Les efforts entrepris par la Région dans les domaines économique, social et environnemental doivent être poursuivis et amplifiés. Les interlocuteurs sociaux wallons invitent le Gouvernement à concrétiser ses réflexions par des actions permettant d’atteindre un maximum d’objectifs fixés d’ici la fin de la législature.

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Actualités

Evénements du CESW Jeudi 28/11/2013 Cérémonie de remise du Prix Zénobe 2013 Prix 2013

Innovation sociale

Lundi 14/10/2013 Séminaire sur la compétitivité industrielle

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e lundi 14 octobre, le CESW a organisé un séminaire sur les «Nouvelles clés de la compétitivité industrielle en Wallonie dans un contexte mondialisé». Comment mieux appréhender les nouvelles réalités de la compétitivité industrielle en Wallonie ? A quels défis prospectifs notre industrie est-elle confrontée ? Quelle(s) stratégie(s) pour y répondre ? Quels sont les acteurs concernés ? Quels outils de politique industrielle doivent être privilégiés ? Et que devons-nous demander à l’Europe ?... Voici quelques-unes des questions qui ont été débattues au cours de l’après-midi.

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Ce séminaire a été l’occasion de présenter et de débattre des résultats de l’analyse des chaînes de valeur industrielles en Wallonie réalisée pour le compte de la DGO6 (SPW) par la société IDEA CONSULT. Cet événement a réuni des représentants du monde industriel et des responsables politiques wallons et européens. Il a été clôturé par le Ministre wallon de l’Economie, M. Jean-Claude Marcourt. Nous reviendrons sur cet événement dans le prochain numéro de la revue Wallonie.

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a cérémonie de remise des Prix Zénobe 2013 aura lieu le jeudi 28 novembre au magasin «Madame Ravik» de la Ressourcerie Namuroise (1). La soirée débutera à 18h30, avec les interventions du Président du Conseil wallon de la Politique Scientifique, M. Gianni Infanti, du Président du CESW, M. Vincent Reuter, du Ministre de l’Economie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles, M. Jean-Claude Marcourt et du Ministre du Développement durable, de la Recherche, de la Fonction publique, de l’Energie et du Logement, M. Jean-Marc Nollet. Ensuite, les 6 nominés seront présentés (trois entreprises et trois unités de recherche) avant l’annonce de l’entreprise et de l’unité de recherche lauréates du Prix Zénobe 2013. Nous reviendrons sur cet événement dans le prochain numéro de la revue Wallonie. Rappelons que le CESW et le CPS, en partenariat avec le Gouvernement wallon et le Service public de Wallonie – DGO6, assurent la promotion du Prix Zénobe qui boucle la trilogie entamée en 2011 avec pour thématique en 2013 l’innovation sociale. Sont visées les innovations originales avec une composante sociale : contribution au bien-être collectif et au progrès, durabilité, externalités positives. Le Prix Zénobe s’adresse à deux types d’acteurs : les entreprises wallonnes et les unités de recherche implantées en Wallonie (voir également l’article en page 44).

Plus d’infos : www.prixzenobe.be  

OsEr ChangEr innOvEr € 0 0 0 . 5 1   x   2 DE prix

Mercredi 4/12/2013 Colloque «Les nouvelles dynamiques de la concertation sociale»

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ans le cadre du 30ème anniversaire de son instauration, le Conseil économique et social de Wallonie organise le mercredi 4 décembre 2013 un colloque sur «Les nouvelles dynamiques de la concertation sociale». Quelles seront les évolutions pour le modèle belge de concertation sociale dans un contexte de mutations économiques, de nouveau paysage institutionnel et d’internationalisation du dialogue social : telle est la question qui sera au centre des débats et interventions de ce colloque. Le programme complet sera prochainement disponible sur le site du CESW : www.cesw.be

Cela se passe au Conseil

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e 10 octobre dernier, M. Charles Picqué a donné une conférence au CESW intitulée : «Bruxelles et l’urbanisme, de mégabroll à mégapole ?». L'ancien Ministre-Président de la Région Bruxelles-Capitale a fait part de son expérience de 30 années d’urbanisme à Bruxelles. Cette conférence était organisée par la Maison de l'Urbanité avec le soutien du Conseil économique et social de Wallonie. Nous reviendrons dans le prochain numéro de la revue Wallonie sur cet événement. Par ailleurs, le mardi 5 novembre, une deuxième conférence, organisée dans le même cadre, aura lieu au Vertbois sur le projet français intitulé «Phosphore» ou «Expérience de l'intégration d'une durabilité réfléchie dans les projets de reconversion de quartiers d'ensembles urbains importants».

1. Adresse : Magasin «Madame Ravik», Chaussée de Waterloo, 484 à 5002 Saint Servais

Plus d’infos sur le site www.cesw.be ou

wwwmaisondelurbanite.orgnite.org.

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Actualités

Publications www.cesw.be

2005

Dossier

CESRW

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xxx Regards sur la Wallonie Edition 2013

Le dossier « Géographie des coopérations transcommunales dans les espaces ruraux wallons » peut être téléchargé sur le site du CESW. Rédigé par M. Rudi Claudot, 1er Attaché Urbaniste-Environnementaliste au CESW, ce dossier présente les résultats d'une recherche de terrain portant sur cette thématique. La zone d'étude choisie se situe en Provinces de Liège (sud des arrondissements administratifs de Huy et de Liège, sud et est de l'arrondissement de Verviers), de Luxembourg et de Namur (arrondissement administratif de Dinant) et dans les régions transfrontalières concernées par la coopération.

Regards sur la Wallonie 2013 L’édition 2013 de «Regards sur la Wallonie», la publication annuelle du CESW qui dresse un portrait condensé de la situation économique et sociale de la région, est toujours disponible. «Regards sur la Wallonie» comporte deux parties. La première partie est un parcours macro-économique qui vise à présenter les grands indicateurs et qui permet, année après année, de suivre les évolutions économiques, sociales et environnementales, en Wallonie. La seconde partie se veut davantage ancrée sur l’actualité et porte sur les premières leçons de la crise.

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Pour obtenir un exemplaire : [email protected] ou via le site internet www.cesw.be

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Rapport d’activité 2012 Le Rapport d’activité 2012 du CESW est disponible en ligne . Tout ce qui a fait la vie du Conseil au cours de l’année précédente – remise d’avis, organisation de la concertation, secrétariat des conseils spécialisés, publications, événements, conférences, centre de documentation, … – est présenté de manière synthétique dans cette publication.

Suivez le CESW sur les réseaux sociaux Depuis le mois de mai, le CESW est présent sur trois réseaux  sociaux : Twitter, Facebook et Linkedin. Tout ce qui fait l’actualité du Conseil économique et social de Wallonie est présenté sur les pages et comptes du CESW : les avis rendus, les publications, les dossiers suivis par les interlocuteurs sociaux wallons, la concertation sociale wallonne, les conférences du Conseil, les séminaires et colloques, etc. La page Twitter compte près de 150 abonnés et le même nombre de personnes «aiment» notre page Facebook. N’hésitez pas à les rejoindre !

@CESWallonie Pour suivre l’actualité du CESW ou interagir lors des conférences, utilisez : #CESW

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Actualités

Interview Philippe Hayat «Donnons aux jeunes l’envie d’entreprendre !»

Le 24 mai dernier, le CESW et l’ASE organisaient conjointement une conférence sur l’entrepreneuriat en Wallonie (1). L’invité d’honneur de cette conférence était M. Philippe Hayat, entrepreneur français et fondateur de l'association «100.000 Entrepreneurs» (voir encadré page suivante). L’objectif de cette association est de transmettre la culture et l’envie d’entreprendre aux jeunes, par l’organisation de témoignages d’entrepreneurs dans les établissements scolaires, notamment dans les zones dites «sensibles». L’association anime un réseau de plusieurs milliers d’entrepreneurs et d’enseignants. Voici l’interview de M. Philippe Hayat, pour qui l’entrepreneuriat est non seulement l’une des clés pour résoudre les problèmes économiques actuels mais surtout un message d’espoir pour les jeunes.

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Wallonie : Pourriez-vous vous présenter et nous dire ce que vous avez mis en place pour susciter l’esprit d’entreprendre en France ? Philippe Hayat : Je suis entrepreneur, depuis une vingtaine d’années et fondateur de l’association «100.000 Entrepreneurs». Dans la famille, nous sommes entrepreneurs de père en fils, ce qui explique peut-être que j’ai toujours voulu me mettre à mon compte et entreprendre. Par ailleurs, j’ai aussi toujours eu envie de témoigner de ce bonheur d’entreprendre, notamment vis-à-vis des jeunes. C’est la raison pour laquelle j’ai mis en place la filière «Création d’entreprises» à l’ESSEC (Business School française) ainsi que la filière entrepreneuriat à «Sciences Po» Paris dans le but d’inciter les jeunes diplômés à prendre leur vie en mains, en éveillant chez eux l’envie d’entreprendre. Wallonie : Estimez-vous que la France et la Wallonie confrontées au même problème de manque d’esprit d’entreprendre ? Philippe Hayat : Oui, absolument mais j’ai le sentiment que les actions mises en place en Wallonie sont bien plus avancées qu’en France, notamment en matière d’entrepreneuriat et de diffusion de l’esprit d’entreprendre. En outre, la France n’a pas la chance d’avoir une Agence de Stimulation Economique pour fédérer les différentes initiatives et développer des outils adéquats répondant à la demande. Il serait dès lors intéressant que la Wallonie exporte ses outils vers la France ! Wallonie : L’image d’une France championne de l’entrepreneuriat est-elle correcte ? Philippe Hayat : Il est vrai que l’on crée chaque année en France 550.000 entreprises (c’était à peine 200.000 il y a 10 ans). Mais sur ces 550.000 entreprises, seulement 7.000 franchiront, à terme, la barre des 10 salariés et 1.000, la barre des 50 salariés. Pratiquement aucune ne deviendra une ETI, c’est-à-dire une entreprise de taille intermédiaire avec plus de 250 salariés. Il est donc correct de dire que la France est championne quantitative de la création d’entreprises ; malheureusement, pour des raisons techniques, politiques et culturelles, celles-ci ne grandissent pas. Il est dès lors urgent d’agir pour changer les choses. Wallonie : Dans votre rapport intitulé «Pour un new deal entrepreneurial» (2), vous expliquez que pour créer des entreprises de croissance et passer dans l’ère de l’entrepreneuriat par opportunité (par opposition à l’entrepreneuriat par nécessité), il faut agir simultanément sur un certain nombre de moteurs. Pouvez-vous nous dire de quels moteurs il s’agit ? Philippe Hayat : Selon moi, il faut agir sur 7 pistes, 7 axes d’actions ou 7 «moteurs». Le premier est la culture : les hommes politiques et les médias doivent véhiculer l’idée qu’entreprendre, c’est

100.000 Entrepreneurs Belgique 100.000 Entrepreneurs Belgique est une association sans but lucratif (créée en 2013) qui a pour objectif de donner aux jeunes l'envie d'entreprendre, en organisant des témoignages d'entrepreneurs bénévoles (chefs d'entreprise, responsables associatifs, porteurs de projet au sein d'un groupe ou de la fonction publique) dans les classes de l'enseignement secondaire et supérieur. En France, l’association a été créée il y a 5 ans et a déjà sensibilisé plus de 150.000 jeunes, devenant un des axes des Assises de l’Entrepreneuriat mises en place par le Gouvernement français. 100.000 Entrepreneurs Belgique organise des témoignages d’entrepreneurs dans les établissements scolaires, de la 2ème à l'enseignement supérieur. L'intervention montre aux élèves qu'il est possible de choisir sa vie professionnelle et qu'elle peut être synonyme d'opportunité et d'épanouissement. Cadré par un guide d'intervention sur lequel l'entrepreneur est formé préalablement, le témoignage a pour objectif de : - expliquer l'acte d'entreprendre, - expliquer le fonctionnement d'une entreprise et du monde économique et professionnel, - fournir les principales clés d'orientation, - souligner l'importance du parcours scolaire. Site : http://www.100000entrepreneurs.be Contact : Monica Santalena : [email protected]

épanouissant et que cela représente une belle aventure ! Une impulsion politique au plus haut niveau (Président de la République et son Gouvernement) est dès lors nécessaire. Le deuxième moteur : ce sont les jeunes, bien évidemment, à qui il faut donner de l’espoir et l’envie d’entreprendre. Jusqu’à présent, le discours prédominant à l’égard des jeunes est de dire «les seuls contrats possibles pour vous sont des contrats subventionnés». Il est indispensable de faire confiance dans leurs talents et les encourager à entreprendre. Troisième axe : l’innovation. En France, nous avons des centres de recherche, des fondations, des grandes écoles et des universités que beaucoup nous envient. Nous avons aussi une recherche publique dotée de gros moyens financiers. Nous avons enfin la matière grise, le potentiel intellectuel et le savoir-faire. Et pourtant, seules

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Actualités

entre les mois de janvier et d’avril de cette année et qui consistaient en groupes de travail chargés de formuler des propositions concrètes et chiffrées pour chacun des 7 moteurs nécessaires à la création d’entreprises de croissance. Wallonie : Les propositions formulées par les groupes de travail ont-elles été suivies par le Gouvernement français ?

700 entreprises françaises créent des start-up technologiques chaque année, soit moins que le nombre de laboratoires établis sur le territoire. Cela s’explique par un problème de valorisation de la recherche et d’étanchéité entre le monde de la recherche et celui de l’entrepreneuriat. Il est nécessaire ici de rendre les unités de valorisation beaucoup plus entrepreneuriales.

Philippe Hayat : Au niveau du groupe de travail «Jeunes», que je présidais, un certain nombre de mesures ont été formulées. Le 29 avril dernier, le Président de la République s’en est saisi et a décidé de mettre en place certaines d’entre elles. Par exemple, il est dorénavant inscrit dans la loi française que l’école doit développer l’esprit d’initiative et la compétence à entreprendre. Cela constitue un énorme pas en avant. Autre exemple : le Président et le Gouvernement ont décidé de mettre en place un programme structuré de sensibilisation à l’entrepreneuriat de la 6ème année à la terminale. De plus, il a également été décidé de généraliser la formation à l’entrepreneuriat dans toutes les filières de l’enseignement supérieur depuis le bac jusqu’à bac +7. Globalement, on peut dire que 80% des propositions formulées par le groupe de travail ont été actées. Wallonie : Quelles conclusions tirez-vous de tout cela ?

Le quatrième moteur est très certainement l’accompagnement. En effet, les entreprises accompagnées ont un taux de survie de 85%, contre 50% pour les entreprises non accompagnées. En France, l’offre d’accompagnement est pléthorique et totalement subventionnée. Le problème réside dans la physionomie des entreprises accompagnées : elles ne créent en moyenne qu’1,7 emplois ! On ne «mentore» donc pas suffisamment les entreprises en croissance. Cinquième piste d’action : la fiscalité. Il faut inciter, fiscalement, la prise de risques de tous les acteurs : entrepreneurs, investisseurs, salariés. Le sixième moteur est la dimension sociale : actuellement, on a le sentiment que le code du travail a été créé pour résoudre les conflits plutôt que pour encourager les gens à travailler ensemble. Il ne sera en tous cas pas possible d’avancer avec un code du travail rigide car cela décourage l’embauche. Enfin, dernier axe, il faut donner aux PME l’accès à de nouveaux marchés : en France, les PME représentent 55% de la valeur ajoutée et elles n’ont accès qu’à 25% des commandes publiques. Pour changer cette tendance, il faudrait développer un Small Business Act, comme aux Etats-Unis. Il est en outre important d’accroître la capacité exportatrice de nos PME qui est actuellement quasiment nulle.

Philippe Hayat : Il reste beaucoup de chemin à parcourir mais petit à petit, les gens prennent conscience du fait que l’entrepreneuriat est non seulement une des clés pour résoudre des problèmes économiques mais qu’il est également un message d’espoir. Entreprendre signifie porter un projet né de ses envies et de ses talents et porter un projet, c’est s’épanouir. Aujourd’hui, il y a énormément d’occasions - et autant de raisons - pour entreprendre ; il est dès lors important que le message soit diffusé largement auprès de la jeune génération.

Wallonie : Votre rapport a-t-il été pris en considération par les autorités françaises ?

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Philippe Hayat : Effectivement, le Premier Ministre, M. Jean-Marc Ayrault s’est saisi du rapport avec pour objectif «de faire de la France une terre d’accueil pour les entrepreneurs et de doubler, en 5 ans, le nombre d’entreprises de croissance». C’est dans ce contexte qu’ont été organisées les «Assises de l’entrepreneuriat» qui se sont tenues

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(1) Voir Revue Wallonie n°117 – p 10 et 11 (2) En octobre 2012, Philippe Hayat avait remis à Mme F. Pellerin, Ministre déléguée française chargée des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique un rapport intitulé «Pour un new deal entrepreneurial. Créer des entreprises de croissance».

En bref

« Le fait d’être un pays hétérogène ne doit pas nous empêcher de définir ensemble une orientation en vue d’atteindre des objectifs communs essentiels ! Franck Vandenbroucke, L’invité, p 28

»

Une délégation du CESW a visité le Musée du Louvre-Lens, le 25 septembre dernier. L’occasion de découvrir ce magnifique bâtiment dû au cabinet d’architecture SANAA des japonais K. Sejima et R. Nishizawa et construit sur le site de l’ancienne fosse n°9 des mines de Lens, au cœur d’un parc de 22 ha. Les membres du CESW ont été reçus par le Directeur du Musée, M. Xavier Dectot, qui a expliqué l’historique de l’installation du musée à Lens, le déroulement des travaux, les objectifs poursuivis, les enjeux économiques, sociaux et culturels de cette initiative. La délégation du Conseil a ensuite visité les 3.000 m² de la Galerie du temps de avec des œuvres datant de 3.500 avant JC jusqu’au milieu du XIXème siècle. Un lieu à découvrir ! > www.louvrelens.fr

Depuis début septembre, une plaque expliquant le rôle du Conseil dans l'histoire de la Wallonie a été placée sur la façade du Vertbois. Pour mieux connaître la Wallonie, n'oubliez pas de consulter le site internet : connaîtrelawallonie.wallonie.be. La partie relative à l’histoire économique de la Wallonie a été rédigée par l’équipe du CESW, sur base de la publication «50 ans d’histoire économique de la Wallonie». > Accès au site via le Portail de la Wallonie : www.wallonie.be

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Avis Les avis sur www.cesw.be

Plusieurs dossiers ont été examinés par les interlocuteurs sociaux wallons dans le courant du trimestre qui vient de s’écouler et ont fait l’objet d’avis du CESW : bassins de vie «Enseignement-Formation-Emploi», Agence pour l’Entreprise et l’Innovation, code de développement territorial, tarification progressive et solidaire de l’électricité, stratégie «Energie 20.50», présence équilibrée hommes-femmes dans les organes consultatifs, … Tous des dossiers qui ont fait l’actualité récemment au niveau de la vie économique et sociale de la Wallonie et qui ont été soumis à la consultation du CESW. Ces avis sont présentés dans la rubrique qui suit. Rappelons que le Conseil économique et social de Wallonie rend ses avis soit à la demande du Gouvernement wallon, soit d’initiative. Concrètement, patrons et syndicats analysent, au sein du Conseil, les projets mis sur la table. Quels sont les points positifs d’un projet ? Que faudrait-il améliorer ?… Les positions des uns et des autres sont avancées, débattues et synthétisées dans un «avis» du CESW. Les thématiques abordées sont nombreuses : emploi, formation, économie, budget, action sociale, égalité des chances, transports, environnement, aménagement du territoire, énergie, recherche, logement.

Les avis

entre le 16/05/2013 et le 01/09/2013 Action sociale Avis relatif aux projets de décrets promouvant la présence équilibrée d’hommes et de femmes dans les organes consultatifs Avis A.1124 - 08/07/2013 Avis relatif à l’avant-projet de décret modifiant certaines dispositions du Code wallon de l’Action sociale et de la Santé en vue de la création de services d’aide et de soins aux personnes prostituées Avis A.1125 - 08/07/2013 Avis relatif au projet de décret modifiant le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé en vue d’harmoniser et de simplifier le processus d’octroi et de contrôle des subventions et les rapports d’activités Avis A.1126 - 08/07/2013

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Avis relatif à l’avant projet de décret insérant certaines dispositions dans le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé relatives à la création d’une plate-forme wallonne d’échange électronique en matière de santé ainsi qu’à l’avant projet d’arrêté portant exécution de ces dispositions Avis A.1127 - 08/07/2013

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Avis concernant l'avant-projet de décret modifiant certaines dispositions du Code wallon de l'action sociale et de la santé relatives aux accords sociaux dits du «non-marchand» Avis A.1128 - 15/07/2013

Aménagement du territoire Avis sur l'avant-projet de décret abrogeant les articles 1er à 128 et 129quater à 184 du CWATUPE et formant le Code de développement territorial Avis A.1121 - 10/06/2013

Economie Avis conjoint du CESW et du CPS concernant un avant-projet de décret portant création de l'Agence pour l'Entreprise et l'Innovation et la filialisation de l'Agence wallonne des Technologies de l'Information et de la Communication Avis A.1120 - 27/05/2013 Avis sur l'avant-projet de décret modifiant le décret du 25 mars 2004 relatif à l'agrément et à l'octroi de subventions aux agences de développement local Avis A.1122 - 10/06/2013

Education-Enseignement Avis sur l'avant-projet d'accord de coopération relatif à la mise en œuvre des Bassins de vie «Enseignement-Formation-Emploi» Avis A.1117 - 27/05/2013 Avis sur l'avant-projet d'accord de coopération organisant la mise en œuvre d'un cadastre des parcours éducatifs et postéducatifs Avis A.1131 - 15/07/2013

Egalité des chances Avis relatif aux projets de décrets promouvant la présence équilibrée d’hommes et de femmes dans les organes consultatifs Avis A.1124 - 08/07/2013

Emploi-Formation Avis sur l'avant-projet d'accord de coopération relatif à la mise en œuvre des Bassins de vie «Enseignement-Formation-Emploi» Avis A.1117 - 27/05/2013 Avis sur l'application de la réglementation en matière d'enregistrement et/ou d'agrément des agences de placement Avis A.112 - 24/06/2013

Les avis sur www.cesw.be

Energie Avis sur le projet de «Stratégie Energie 20.50 pour la Wallonie» Avis A.1118 - 27/05/2013

Avis relatif au Plan Marshall 2.Vert - Rapport de suivi de mars 2013 Avis A.1132 - 15/07/2013

Recherche-Innovation Avis sur l'avant-projet de décret transposant la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil sur la performance énergétique des bâtiments Avis A.1119 - 27/05/2013 Avis sur l'avant-projet d'arrêté relatif à la tarification progressive et solidaire Avis A.1129 – 15/07/2013

Environnement Avis concernant la première stratégie wallonne de développement durable Avis A.1130 – 15/07/2013

Politique générale Avis sur l'avant-projet de décret abrogeant les articles 1er à 128 et 129quater à 184 du CWATUPE et formant le Code de développement territorial Avis A.1121 - 10/06/2013

Avis conjoint du CESW et du CPS concernant un avant-projet de décret portant création de l'Agence pour l'Entreprise et l'Innovation et la filialisation de l'Agence wallonne des Technologies de l'Information et de la Communication Avis A.1120 - 27/05/2013

Simplification administrative Avis relatif au projet de décret modifiant le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé en vue d’harmoniser et de simplifier le processus d’octroi et de contrôle des subventions et les rapports d’activités Avis A.1126 - 08/07/2013 Avis concernant l'avant-projet de décret modifiant certaines dispositions du Code wallon de l'action sociale et de la santé relatives aux accords sociaux dits du «non-marchand» Avis A.1128 - 15/07/2013

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Bassins de vie «EnseignementFormation-Emploi» Le CESW a adopté un avis sur la mise en œuvre des Bassins de vie «Enseignement-Formation-Emploi». Dans cet avis, le CESW apporte son soutien aux objectifs du projet d’accord, à savoir principalement améliorer la cohérence de l’offre d’enseignement qualifiant et de formation professionnelle au regard des besoins socioéconomiques identifiés au niveau sous-régional. Le Conseil insiste sur l’urgence quant à la concrétisation de cet objectif et la nécessité de créer d’emblée les conditions de réussite du dispositif. Dans cette perspective, le CESW plaide pour que les interlocuteurs sociaux se voient confier un rôle important dans l’animation et le pilotage des Bassins de vie, notamment en leur attribuant la présidence de ces nouvelles instances «Bassins de vie». Le CESW souligne également la nécessité de clarifier sous différents aspects, la transformation des actuels Comités subrégionaux de l’emploi et de la formation (CSEF) en futures Instances Bassin de vie. Voici la synthèse de cet avis. En préambule, le CESW indique qu’il soutient pleinement les objectifs du projet d’accord de coopération à savoir d’une part, améliorer la cohérence de l’offre d’enseignement qualifiant et de formation au regard des besoins socio-économiques identifiés au niveau sous-régional et régional et d’autre part, développer la concertation, les synergies et les collaborations entre opérateurs d’enseignement, opérateurs de formation et interlocuteurs sociaux.

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Pour le CESW, ces objectifs constituent des enjeux majeurs pour la Wallonie impactant très concrètement tant les possibilités d’insertion socio-professionnelle des jeunes, demandeurs d’emploi et travailleurs que les possibilités de recrutement des entreprises et dès lors, le développement socio-économique du territoire.

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Si le CESW souscrit à l’approche par bassins pour les missions et objectifs visés par l’accord de coopération, il rappelle et souligne simultanément l’importance et la nécessaire prédominance d’une approche régionale pour la mise en œuvre des politiques d’emploi, de formation professionnelle et d’insertion. Tout en tenant compte du temps nécessaire à la mise en œuvre de l’accord de coopération, le Conseil insiste sur l’urgence quant à la concrétisation de l’objectif principal de l’accord de coopération. Il invite donc les Gouvernements à établir par une planification concertée avec les acteurs concernés des échéances précises et réalistes pour la mise en œuvre de l’accord de coopération. Conditions de réussite Le Conseil estime en outre qu’il faut viser d’emblée à créer les conditions de réussite du dispositif. C’est dans cette perspective que le Conseil a examiné le projet d’accord de coopération et formule une série de remarques. Dans ses avis A.1050 et A.1068, le CESW a plaidé pour qu’un rôle important soit confié aux interlocuteurs sociaux dans le pilotage et l’animation des Bassins de vie. Pour étayer ses propos, le Conseil s’appuyait notamment sur le rapport d’expertise du GT2 qui soulignait que «l’expérience pilote de Charleroi tend à démontrer le

rôle intéressant des CSEF en tant qu’animateurs du dispositif et bénéficiant d’une neutralité leur permettant de se positionner au-delà des concurrences entre les acteurs scolaires». Le Conseil estime que dans ce dispositif, les interlocuteurs sociaux ne défendant pas d’intérêts propres, se situent «au-dessus de la mêlée» et peuvent, par leur implication dans le pilotage, contribuer à réduire les risques de blocages et dynamiser le dispositif. En outre, les interlocuteurs sociaux, par leur fonction sociale, apparaissent comme les garants de l’objectif premier du dispositif, à savoir la mise en cohérence des offres de formation et d’enseignement qualifiant avec les besoins socio-économiques des territoires. En conséquence, le CESW demande avec insistance que la Présidence des Instances Bassins de vie soit attribuée à un représentant des interlocuteurs sociaux ou désignée sur proposition des interlocuteurs sociaux. Dans la même perspective, le CESW demande qu’un rôle faîtier plus important soit confié aux interlocuteurs sociaux wallons et bruxellois, réunis au sein du CESW et du CESRBC, dans la définition des orientations stratégiques, des priorités transversales et des missions des Instances Bassins de vie au niveau régional, ainsi que dans l’évaluation et la formulation de recommandations sur l’évaluation du dispositif.

Sur les CSEF Le Conseil prend acte de la volonté des Gouvernements de faire évoluer les CSEF vers les Instances Bassins de vie et d’affecter aux Instances Bassins de vie les moyens de fonctionnement et le personnel mis à disposition des CSEF par la Wallonie. Compte tenu de l’impact de ces dispositions sur les CSEF, le CESW insiste pour que des clarifications soient apportées sur les éléments suivants : le rôle confié aux interlocuteurs sociaux dans le pilotage du dispositif, l’impact de ces dispositions sur le personnel des CSEF en termes de statut, autorité fonctionnelle et administrative, employeur, mobilité, la nature juridique des Instances Bassins de vie, la mise en œuvre des décret et contrat de gestion du FOREM prévoyant la mise en place d’un service à gestion distincte CSEF, le transfert des moyens humains et financiers des CSEF vers les Instances Bassins de vie, la répartition de ces moyens au sein des Instances Bassins de vie et le financement global, la poursuite des missions et actions actuellement développées par les CSEF. Pour le Conseil, l’intégration des CSEF dans les Instances Bassins de vie et le transfert des moyens humains et financiers des CSEF vers les Instances Bassins de vie ne peuvent mener à un appauvrissement des missions des CSEF et à la remise en cause des actions développées par ceux-ci dans le champ de l’emploi et de la formation.

En ce qui concerne le champ du dispositif, le Conseil constate et regrette que l’enseignement supérieur, initialement inclus dans le champ du dispositif pour ce qui concerne les cursus professionnalisant, ne fasse plus partie du dispositif, si ce n’est sur base de collaborations volontaires. Le Conseil constate également que l’offre de formation des principaux opérateurs wallons d’insertion, à savoir les EFT/OISP, n’apparait pas concernée par le dispositif alors que les représentants de l’Interfédération des EFT/OISP siègent au sein des Instances Bassins de vie avec voix délibérative. Le Conseil demande que cette situation anormale soit corrigée. Dans une seconde partie de l’avis, le Conseil formule une série de considérations particulières sur la composition des Instances Bassins de vie, la création et le fonctionnement des Chambres, la composition de la Chambre «Emploi-Formation» et de la Chambre «Enseignement», le découpage géographique, les missions des Instances Bassins de vie et le monitoring et l’évaluation. Avis A.1117 adopté le 27/05/2013

L’Agence pour l’Entreprise et l’Innovation Fin avril 2013, M. J-C.Marcourt Ministre de l'Economie, des PME, du Commerce extérieur et des Technologies nouvelles, a sollicité l’avis du CESW et du CPS sur un avant-projet de décret portant création de l’Agence pour l’Entreprise et l’Innovation (AEI) et la filialisation de l’Agence wallonne des Technologies de l’Information et de la Communication. Les deux Conseils ont décidé de rendre un avis commun sur ce dossier. L’avant-projet de décret concrétise la décision du Gouvernement wallon du 4 décembre 2012 concernant, d’une part la fusion de l’Agence de Stimulation économique (ASE) et l’Agence de Stimulation technologique (AST) à travers leur intégration dans une nouvelle Agence, baptisée Agence de l’Entreprise et de l’Innovation (AEI) et, d’autre part, la suppression de l’Agence wallonne des Télécommunications (AWT) et son remplacement par l’Agence wallonne des Technologies de l’Information et de la Communication (AWTIC) sous la forme d’une filiale de l’AEI. Dispositions générales Les deux Conseils saluent la volonté de rationalisation qui sous-tend la création de l’Agence. Ils considèrent que cette réforme représente une avancée importante dans la clarification du paysage institutionnel wallon et est de nature à faciliter la tâche des entreprises et à favoriser leur développement. Le CPS et le CESW notent cependant que cet avant-projet de décret se limite à fixer un cadre et que les implications concrètes de la réforme découleront en fait du contrat de gestion. Ils demandent par conséquent à être consultés sur ce texte qui, à son estime, devra à tout le moins clarifier les rôles respectifs de l’Agence et de l’Administration. En tout état de cause, les deux Conseils estiment que l’AEI doit prioritairement s’atteler à la coordination des opérateurs,

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Avis Réglementation des agences de placement

à leur professionnalisation et à leur mise en réseau. Les deux Conseils considèrent par ailleurs que la future Agence devra s’appuyer sur les acquis engrangés par les Agences existantes dans l’exercice de ses missions. Ces dernières ont en effet mis en place des dispositifs performants qu’il importe de valoriser.

Le CESW a adopté un avis sur l’agrément et/ou l’enregistrement des agences de placement, comme les entreprises de travail intérimaire, les bureaux de recrutement et sélection ou encore les agences d’outplacement. L’application de la réglementation actuelle est difficile sous plusieurs aspects. Des problèmes se posent notamment quant au contrôle des activités des agences, surtout pour les agences étrangères. Le rôle crucial de l’inspection sociale wallonne est mis en avant par le Conseil. Voici la synthèse de cet avis.

Conseil d’administration et Comité de direction Les organisations patronales souhaitent une composition paritaire public/privé au sein du Conseil d’administration de l’Agence. Le CPS et le CESW relèvent que le Conseil d’administration comportera trois membres proposés par le monde des entreprises. Ils préconisent toutefois de remplacer les termes «le monde des entreprises» par «les organisations d’employeurs représentées au CESW». Les deux Conseils remarquent que l’avantprojet de décret ne mentionne pas la composition du Comité de direction. Ce point devrait être précisé. Comité stratégique et Comité d’orientation Les organisations patronales et les organisations syndicales estiment que le Comité stratégique ne doit pas empiéter sur les prérogatives du Conseil d’administration auquel il appartient de définir la stratégie de l’Agence. Dès lors, le Comité stratégique devrait se limiter à remettre des avis techniques sur les actions à mener et devrait, de ce fait, être appelé «Comité scientifique» ou «Comité technique», à l’instar de ce qui est prévu pour l’AWTIC. Il serait intéressant, par ailleurs, que ce Comité inclue un représentant du CESW siégeant à titre d’observateur.

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Les organisations syndicales souhaitent par ailleurs que les compétences du Comité d’orientation débordent du champ des questions liées au personnel et soient au moins équivalentes à celles qui sont dévolues à ce type d’instance dans d’autres organismes publics wallons, comme par exemple la SOWALFIN.

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Les universités donnent leur préférence à la présence des organisations syndicales au sein du Comité stratégique afin d’éviter toute forme de concurrence entre celui-ci et le Comité d’orientation. Rapport d’activité Les deux Conseils rappellent que le rapport d’activité de l’ASE et celui de l’AST sont adressés au CESW, qui rend un avis à ce sujet, conjointement avec le CPS, pour ce qui concerne l’AST. Ils souhaitent que cette procédure soit maintenue dans le cas de la nouvelle Agence. Avis A.1120 adopté le 27/05/2013 (avis conjoint du CESW et du CPS)

Interpellé par la Commission consultative et de concertation en matière de placement (COPLA), le CESW a pris connaissance des difficultés rencontrées concrètement dans l’application de la réglementation ainsi que dans l’exercice des missions de l’administration et des services d’inspection en matière de placement. Il a donc décidé d’émettre un avis d’initiative afin de relayer ces problématiques auprès des décideurs politiques. Ainsi, le 24 juin 2013, le Bureau du Conseil a adopté l’Avis A.1123 sur l’application de la réglementation en matière d’enregistrement et/ou d’agrément des agences de placement. Pour rappel, sur le territoire de la Région de langue française, la prestation de services de travail intérimaire est subordonnée à un agrément préalable de l’agence de travail intérimaire par le Ministre, après avis de la Commission consultative, alors que la prestation de services de placement autres que l’intérim, tels que les services de recherche d’emploi, de recrutement et sélection, d’insertion ou d’outplacement, est soumise à un enregistrement préalable de l’agence. Cet enregistrement consiste en une «inscription» auprès de l’administration, à l’occasion de laquelle une liste restreinte de données sont fournies. Dans son avis d’initiative, le CESW attire surtout l’attention du Gouvernement wallon sur les questions du contrôle des activités des agences, de la mise en œuvre du principe d’équivalence et du reporting. En remarque préalable, il souligne les multiples

ce principe d’équivalence, comme il est habilité à le faire par l’arrêté. A cet égard, les interlocuteurs sociaux rappellent leur demande formulée précédemment d’être consultés formellement lors de l’adoption des conditions de mise en œuvre du principe. Le reporting des activités des agences

intervenants publics dans la régulation du secteur du placement : administration, commission consultative, inspection sociale wallonne, inspection fédérale du travail, etc. Il convient de prendre en considération les missions et rôles respectifs de chacun et de les articuler au mieux par le biais de collaborations et échanges d’informations nécessaires. Le contrôle de l’exercice des activités des agences Le CESW rappelle les objectifs qui doivent guider les choix politiques dans le secteur du placement : la protection des travailleurs, la qualité des services offerts aux utilisateurs, la saine concurrence et l’égalité de traitement entre les agences et ce, dans le respect des dispositions européennes. Dans cette perspective, le contrôle du respect des conditions d’agrément et d’exercice des agences de placement et la lutte contre le dumping social et la fraude sociale sont prioritaires. Dans les faits, il apparait que l’inspection sociale wallonne rencontre des difficultés accrues pour exercer correctement ses missions depuis l’entrée en vigueur de la réglementation actuelle. Une insuffisance de moyens disponibles (humains et financiers) ainsi que la faiblesse voire l’absence de coopérations interrégionales, nationales et européennes en matière d’inspection

sociale sont pointées du doigt. Le contrôle des activités des agences de placement d’origine étrangère ou autres «pourvoyeurs de main-d’œuvre» est particulièrement difficile à exercer, surtout lorsque celles-ci n’ont pas de point de contact dans la région ou le pays. Ainsi, l’adoption, le renforcement et la formalisation de protocoles de collaboration ainsi que l’organisation d’échanges systématiques d’informations entre les administrations et les services d’inspection de régions (y compris au sein de l’état fédéral) ou de pays différents apparaissent capitaux. Il convient également que l’administration wallonne compétente et en particulier l’inspection sociale disposent des moyens humains, techniques et juridiques nécessaires pour assurer de manière prioritaire un suivi et un contrôle plus efficaces des activités exercées par les agences. La mise en œuvre du principe d’équivalence Le Conseil insiste pour que soit assurée une mise en œuvre du principe d’équivalence selon des règles précises, les modalités d’exécution actuelles ne permettant pas une application uniforme et transparente de ce principe. Il cite, à titre d’exemple, une série de questions pratiques ne trouvant pas réponse dans la réglementation. Le Ministre est donc invité à définir rapidement les modalités précises d’application de

Le CESW rappelle sa demande d’une réflexion approfondie sur la question du reporting des activités des agences. Cette requête est basée à la fois sur la nécessité d’une meilleure connaissance du fonctionnement du marché de l’emploi utile aux services publics compétents et aux travailleurs, sur le besoin d’un échange d’informations adéquat entre agences et service public de l’emploi dans l’esprit de la Convention de l’OIT ainsi que sur la volonté de mise en œuvre des principes de simplification administrative (collecte unique des données, collaboration entre administrations, ...), de nécessité et de proportionnalité des demandes formulées aux différents acteurs. Dans cette réflexion, deux types de questions doivent être abordés : les questions contribuant à la transparence sur le marché du travail et au rôle d’intermédiation des agences et les questions liées à la vérification du respect par les agences des conditions d’exercice auxquelles elles sont soumises, vérification intervenant dans le cadre du suivi de l’agrément et/ou l’enregistrement. En matière de transparence du marché du travail, le CESW dresse un constat mitigé concernant les agences de placement autres que l’intérim, soumises à un enregistrement : les données disponibles sont insuffisantes. L’Administration doit assurer la diffusion publique, rapide et régulière d’informations en la matière. A tout le moins, les rapports d’activités annuels de ces agences de placement doivent être exploités et compilés. Enfin, dans son avis, le Conseil aborde aussi d’autres points problématiques comme le risque de «réenregistrement» d’une agence après un retrait d’enregistrement. Avis A.1123 adopté le 24/06/2013

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Avis Le Code du développement territorial Le 8 mai 2013, le CESW a remis un avis concernant l’avant-projet de décret abrogeant les articles 1er à 128 et 129 quater à 184 du Code wallon de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, du Patrimoine et de l’Energie et formant le Code du Développement territorial. Celui-ci repose sur cinq grands principes : l’utilisation rationnelle des territoires et des ressources, l’attractivité socio-économique et la compétitivité territoriale, la gestion qualitative du cadre de vie, la mobilité maîtrisée et le renforcement des centralités. Les éléments essentiels de l'avis du CESW sont présentés ici. Le Conseil insiste sur l’importance de cette nouvelle législation pour la Wallonie et sur les impacts importants qu’elle aura tant d’un point de vue économique et social que d’un point de vue territorial. Dans ce contexte, il regrette la brièveté du délai qui lui a été imparti pour la consultation. En conséquence, il a décidé d’adresser au Ministre Ph. Henry un avis guidé par la défense de l’intérêt général, sans entrer dans des considérations à caractère technique. Le Conseil accueille toutefois favorablement le décret en projet qui a pour ambition de contribuer au développement et à l’amélioration du cadre de vie de la Wallonie. Il estime unanimement que la réforme du Code était une nécessité.

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Il souligne positivement qu'un certain nombre de mesures retenues dans le projet répondent directement aux préconisations formulées par les partenaires sociaux dans l' avis A.1039 intitulé «Recommandations en matière d’aménagement du territoire – évaluation du CWATUPE» envoyé au Ministre Henry et présenté au Parlement wallon. Ce projet semble concourir aux objectifs de lisibilité et de praticabilité du Code, de simplification des procédures et des outils, de cohérence des textes et de sécurité juridique des outils et des travaux tels qu’annoncés dans la DPR 2009-2014. A cet égard, le Conseil tient à saluer la

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mise en place de délais de rigueur pour les permis d’urbanisme et la structuration du Code en livres, à l’instar du Code de l’Environnement. Le Conseil apprécie par ailleurs la volonté du Gouvernement wallon de promouvoir une meilleure politique d’aménagement du territoire ainsi qu’un urbanisme de projets en lieu et place d’un urbanisme de contraintes. Il rappelle que le Code ne doit pas être un instrument politique mais doit être neutre et composé uniquement d’un ensemble de procédures que les acteurs politiques et les praticiens de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme peuvent utiliser. Il doit être actionné dans le cadre des enjeux et objectifs décrits par ailleurs. Il importe donc de séparer le Code et la politique d’aménagement du territoire et d’urbanisme défini par le Gouvernement wallon.

Le Conseil considère que le Code doit être une boîte à outils permettant la concrétisation des politiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme et non constituer un frein pour les porteurs de projets. Le Conseil formule ensuite une série de considérations générales et particulières sur le décret en projet. Considérations générales • le respect du caractère réglementaire et/ ou indicatif des différents outils, les écarts par rapport aux outils indicatifs devraient utilement être argumentés de manière à développer une jurisprudence ; • la réorientation des moyens humains et techniques ainsi que des moyens financiers de l’administration régionale et des

communes afin d’assurer la bonne exécution du nouveau code ; • la création de zones d’intérêt «régional» (zones aéroportuaires, zones logistiques…) en vue de contribuer efficacement au redéploiement économique et social régional ; • le soutien à la création des périmètres d’enjeu régional qui pourraient en partie couvrir les objectifs des zones d’intérêt «régional» ; • la mise en place d’une réflexion sur le mode de financement communal dans le sens d’une meilleure utilisation rationnelle du sol ; • la coordination et la mise en cohérence du nouveau code avec les autres polices administratives et codes adoptés par le Gouvernement wallon, comme de décret de l’environnement ou le code de l’eau ; • l’aboutissement rapide du processus de dématérialisation des demandes de permis d’urbanisme ; • la mise en place d’actions d’informations à l’attention de tous les acteurs concernés (entreprises, citoyens, pouvoirs publics) ; • le développement d’une culture du développement territorial auprès de l’ensemble des acteurs concernés et des citoyens ; • la mise en place d’un dispositif précisant la méthode et l’évaluation du code. Considérations particulières • la suppression de la Cellule du développement territorial, comme le propose la DPR 2009-2014 ; • le soutien à la création d’une juridiction administrative wallonne indépendante de

l'Administration au premier niveau, en vue de l’instruction des recours introduits sur la base des dispositions visées dans le code ou de la décision sur certains de ces recours ; • la participation du CESW dans le cadre du processus d’élaboration du SDER ; • la révision des plans de secteur en fonction des nouveaux besoins sociétaux et des objectifs en matière de développement territorial, d’environnement, de changement climatique ou d’intermodalité ; • la mise en œuvre des projets dédiés à l’activité économique dans les périmètres «U» dans le cadre d’une réflexion globale initiée par le Gouvernement wallon ; • l’encouragement à la mise en œuvre des ZACC par le Conseil communal à destination de l’activité économique dans le cadre d’une approche globale initiée par le Gouvernement wallon ; • la possibilité offerte à la zone d’extraction de devenir, au terme de l’exploitation, une des zones non destinées à l’urbanisation ; • le balisage du mode de compensation alternative ; • la définition de mesures relatives aux friches commerciales ; • le paiement de la plus-value (politique foncière) au secteur public ; • la mise en place d’un système d’indemnisation liée aux moins-values de terrains en raison des modifications de leurs prescriptions urbanistiques. Avis A. 1121 adopté le 10/06/2013

Stratégie Energie 20.50 pour la Wallonie Le 15 avril 2013, le Ministre en charge de l’Energie, M. Jean-Marc Nollet, a sollicité l’avis du Conseil sur le projet de «Stratégie Energie 20.50 pour la Wallonie». L'objectif de la consultation organisée était d'enrichir ce document à l'état de projet, en vue d'une présentation ultérieure au Gouvernement wallon. Voici les principales recommandations du CESW sur ce projet. Le projet de stratégie part de l'idée que le modèle énergétique actuel n'est pas tenable à terme et mise sur une approche volontariste, jugée davantage porteuse pour l'avenir industriel et économique de la Wallonie. La transition énergétique envisagée dans le projet de stratégie doit induire une baisse de la consommation et un transfert de la production vers les énergies renouvelables, moyennant d’importants investissements (pour bâtir une position technologique concurrentielle) et un changement fondamental des comportements (consommer moins, mieux et autrement). La stratégie est inscrite dans un plan à l’horizon 2050. Le CESW souscrit aux préoccupations générales qui sous-tendent le projet de stratégie mais ne peut marquer son aval de manière inconditionnelle sur son contenu, se trouvant dans l'incapacité de se prononcer de manière pertinente sur une orientation à caractère politique du fait de plusieurs manquements inhérents au projet. Un avis critique Pour le CESW, la stratégie prend en compte les bénéfices à long terme mais insuffisamment les coûts à court terme de la transition énergétique entre énergies fossiles, énergie nucléaire et énergies renouvelables. Des études complémentaires chiffrées sont jugées nécessaires pour pouvoir déterminer l'objectif à poursuivre, les étapes pour l'atteindre et l'affectation des coûts de la phase de transition. Le CESW se montre également critique sur d’autres aspects du projet de stratégie : • qui a tendance à envisager la Wallonie comme un îlot alors qu’elle doit chercher

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Avis La tarification progressive et solidaire En juin 2013, le Ministre en charge de l’Energie, a sollicité l’avis du Conseil sur l’avant-projet d’arrêté relatif à la tarification progressive et solidaire, adopté en première lecture par le Gouvernement wallon le 30 mai 2013. Le CESW a rendu son avis mi-juillet. Cet avant-projet d’arrêté instaure, pour les clients résidentiels non professionnels, une allocation de base correspondant à 500 kWh exonérés, majorée soit de 200 kWh supplémentaires pour les clients bénéficiant du tarif social, ainsi que les familles monoparentales bénéficiant du fonds des créances alimentaires (sous réserve de faisabilité technique), soit de 400 kWh supplémentaires pour les familles nombreuses bénéficiant du tarif social.

à s’intégrer dans le paysage énergétique européen et veiller à développer des collaborations ; • qui ignore les aspects liés à la compétitivité des entreprises wallonnes actuelles, et ne prend pas en compte l’impact sur la facture des consommateurs résidentiels et des secteurs économiques marchands et à profit social ; • qui se focalise largement sur le volet de la consommation électrique, alors que la majeure partie de la consommation énergétique provient des besoins thermiques et de transport ; • qui table sur une croissance acquise du prix de l'énergie sans prendre en compte de possibles ruptures conjoncturelles et omet en particulier la question de l'exploitation des gaz de schiste ; • qui table avec raison sur un changement radical des comportements, mais cette attente est quelque peu utopique sans adaptation du modèle sociétal. Efficacité énergétique

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Le CESW soumet en outre différentes propositions, davantage orientées sur le moyen terme, de manière à pouvoir fournir une base énergétique solide à la Wallonie. Il s’inscrit ainsi dans un horizon temporel

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comparable à celui de la Commission européenne, qui a pour objectif d’élaborer un cadre pour les politiques en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030. Le CESW plaide pour le lancement d’une réflexion avec l’Etat fédéral sur les capacités de production et sur le mix énergétique nécessaires pour assurer l’approvisionnement énergétique à des coûts supportables et capables d'absorber toutes les pointes de consommation. Il plaide aussi pour la mise en œuvre prioritaire d'un Plan en matière d'efficacité énergétique, toujours en attente d’adoption, pour respecter les objectifs à l'horizon 2020. Il soutient pleinement l’approche reprise dans l’axe 2 de la stratégie énergétique consistant à identifier les poches de croissance et les compétences requises, à investir dans la formation, la R&D et les réseaux d’innovation liés à ces poches et à accompagner les entreprises des secteurs identifiés comme porteurs. Enfin, le CESW insiste sur la question de l’acceptabilité sociale de la stratégie. Avis A.1118 adopté le 27/05/2013

La tarification progressive et solidaire sera instaurée par étape afin de permettre aux acteurs de s'adapter, avec mise en œuvre de la première phase prévue à partir du 1er janvier 2014. Afin de déterminer le montant de l'exonération, la quantité d'électricité exonérée est multipliée par un prix moyen au kWh déterminé annuellement par la CWaPE. L'exonération est prise en charge par le GRD qui répercutera ce coût, ainsi que le coût de gestion de la mesure, dans ses tarifs afin d'assurer la neutralité budgétaire de la mesure. La répercussion de l'exonération sur les clients est fixée afin que le point neutre du mécanisme soit établi à 5.000 kWh pour l'année 2014. Les clients ayant une consommation inférieure (supérieure) à 5.000 kWh verront ainsi leur facture diminuer (augmenter). Le point neutre sera adapté annuellement afin qu'au minimum 70% des clients aient une consommation inférieure au point neutre et des mesures spécifiques sont prévues pour tenir compte de situations particulières. Le mécanisme de la tarification progressive et solidaire sera instauré dans le cadre d'une obligation de service public à charge des GRD pour autant que la CREG en accepte les conséquences financières pour

les GRD. A défaut, l'exonération à charge des GRD sera financée par une cotisation sur l'électricité définie par décret. Le CESW peut adhérer à l’application du principe d’une tarification progressive au bénéfice des ménages. Il ne remet pas en cause la dimension sociale et solidaire de cette démarche mais regrette que cette mesure soit prise isolément, notamment en dehors de la répercussion des coûts du développement des énergies renouvelables, et ne s’inscrive pas dans le cadre d’une politique régionale ambitieuse visant l’amélioration de l’efficacité énergétique.

Le CESW tient également à faire part de certaines préoccupations par rapport à l’avant-projet d’arrêté en question : • Il invite le Gouvernement wallon à ne pas sous-estimer les difficultés inhérentes à la mise en œuvre de cette mesure et appelle à la mise en œuvre d’un système le plus simple possible, basé sur l’allocation de base de 500 kWh et ne retenant que les exceptions les plus pertinentes. Un système simplifié ne préjuge pas de la possibilité de le faire progressivement évoluer et de l’affiner en fonction des résultats des évaluations attendues. • Le CESW se demande si l’exonération ne devrait pas être imputée via une cotisation au lieu de relever des OSP (obligations de service public). Même si la première option requiert une procédure décrétale plus lourde, elle semble permettre une application uniforme plus simple sur l’ensemble du territoire. • Le CESW se pose la question de l’articulation entre les OSP en matière de tarif social et les exonérations prévues, et sur ses implications sur le plan pratique. • Le Conseil demande que le calcul des facturations relatif à la tarification progressive apparaisse de manière claire au niveau de la facture du consommateur. − Le CESW se demande selon quels critères le point de consommation neutre a été établi à 5.000 kWh pour 2014 et se pose la question du caractère incitatif de ce choix en termes d’Utilisation Rationnelle de l'Energie (URE). • Le Conseil demande un monitoring régulier de l’impact du mécanisme pour s’assurer de l’absence de dérapage financier et gérer les éventuels cas problématiques détectés, et une évaluation annuelle. • Le CESW fait en outre part de ses doutes quant à la praticabilité d’un démarrage du système au 1er janvier 2014. Avis A.1129 adopté le 15/07/2013

Stratégie wallonne de développement durable La première stratégie wallonne de développement durable s’inscrit dans un cadre global qui vise à asseoir la gouvernance du développement durable en Wallonie. Le CESW a été consulté sur ce projet et a rendu un avis, dont voici la synthèse. La stratégie wallonne de développement durable (SWDD) présente une vision globale de la Wallonie en 2050 illustrant la situation idéale qui serait atteinte si tous les défis identifiés sont relevés. Cinq défis ont été retenus comme prioritaires pour la Wallonie : la transition énergétique, les évolutions démographiques, la restauration et la protection de la biodiversité, les dérèglements climatiques et l’aggravation de la fracture sociale. Afin de rencontrer ces défis, cinq thèmes prioritaires de transition sont proposés : le logement, les modes de production et de consommation, la cohésion sociale, l’alimentation et la santé. Ils sont complétés par deux thèmes prioritaires sous-jacents : l’énergie et la mobilité. Un plan d’actions comportant trois volets vient en appui : le premier volet vise à renforcer l’articulation et l’efficacité des plans et programmes existant sur le plan du développement durable, le deuxième met en place une cellule d’avis afin d’assurer la prise en compte du développement durable dans les décisions gouvernementales, et le troisième volet développera dans les prochains mois un processus participatif afin d’informer le public du contenu et du rôle de la stratégie. Dans son avis, le CESW accueille favorablement cette première stratégie wallonne de développement durable. Toutefois, il constate que le texte proposé résulte essentiellement d’un exercice conceptuel fouillé et d’une analyse insuffisamment aboutie des différents plans et programmes de la Wallonie.

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Avis

Une meilleure prise en compte d’éléments opérationnels

de l’IWEPS doivent intégrer les critères de développement durable prévus par la Stratégie.

Ainsi, le CESW déplore, d’une part, le développement insuffisant de la dimension économique et sociale et, d’autre part, le manque de prise en compte de fondements et défis de la Wallonie dans ses aspects sociaux, économiques et environnementaux. Si la stratégie propose une vision de la situation à atteindre en 2050, le Conseil regrette l’absence d’éléments opérationnels aptes à faire face aux urgences économiques, sociales et environnementales auxquelles la Région est confrontée à court terme.

Si les stratégies actuelles et futures de développement durable doivent incorporer des indicateurs de suivi/réalisation propres aux priorités identifiées dans chacune d’entre elles, il apparaît tout aussi essentiel pour le CESW qu’un set d’indicateurs thématiques, identique pour chaque stratégie, soit développé en vue d’évaluer les progrès de la Wallonie vers les objectifs de développement durable de long terme qu’elle s’est fixée.

Le Conseil regrette que la SWDD ne tienne pas compte d’éléments aussi essentiels que la sixième réforme de l’Etat ou encore des facteurs extérieurs à la Wallonie qui impacteront inévitablement sa croissance. Or, toute la difficulté de l’exercice de définition d’une SWDD réside dans l’approfondissement des mesures de transition qui devront être prises de manière très concrète que ce soit au niveau des politiques de redéploiement économique, de R&D, de formations aux nouveaux métiers «verts», … Concernant les défis identifiés pour la Wallonie, il conviendrait, pour le Conseil, d’y ajouter le redéploiement économique, la ré-industrialisation et la mobilité. Le CESW propose également des thèmes complémentaires qui, de part leur caractère systémique, le développement des entreprises, l’énergie, la mobilité, l’emploi et la RDI, sont des thèmes tout aussi urgents et prioritaires. Indicateurs Afin d’assurer la cohérence des différentes politiques menées par la Wallonie, le CESW suggère de mettre en cohérence les indicateurs qui seront développés ultérieurement dans le cadre de la SWDD et les indicateurs phares complémentaires au PIB. En particulier, l’indicateur sur le capital économique et l’indice de situation sociale dont la construction est en cours au niveau

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Concernant la cellule d’avis, le Conseil constate que son champ d’action est très large. Il estime qu’une phase d’apprentissage de la cellule d’avis sera nécessaire avant qu’elle ne puisse être totalement opérationnelle dans l’ensemble des thématiques visées par la première stratégie. Le CESW considère dès lors souhaitable d’axer ses premiers travaux sur l’examen de projets de textes structurants pour la Wallonie. Le CESW estime que les objectifs de développement durable ne pourront réellement être incarnés dans les politiques menées sous des législatures successives que si un certain consensus s’opère autour de la vision à long terme et si les citoyens et l’ensemble des acteurs de la société peuvent se l’approprier. Dans ce cadre, un processus participatif prend toute son importance. Or, si la SWDD réaffirme le lancement d’un processus participatif dans le cadre de la première stratégie wallonne de développement durable et évoque quelques éléments méthodologiques de mise en œuvre de ce processus, les objectifs et l’ampleur de ce processus participatif restent assez flous. Estimant qu’une meilleure lisibilité du texte est un élément essentiel pour la réussite d’un processus participatif, le CESW suggère qu’un effort préalable de vulgarisation de la stratégie soit effectué. Avis A.1130 adopté le 15/07/2013

Rapport de suivi du Plan Marshall 2.Vert Suite à la présentation devant les membres du CESW du Rapport de suivi du Plan Marshall 2.Vert par le Délégué spécial du Gouvernement, M. Alain Vaessen, le 22 mai dernier, les interlocuteurs sociaux wallons ont décidé de rendre un avis d’initiative sur ce dossier. Après avoir pris connaissance du rapport de suivi du Plan Marshall2.Vert, réalisé par le Délégué spécial, le CESW en souligne tout d’abord la qualité. Ce travail récurrent constitue un des éléments essentiels permettant aux partenaires sociaux de suivre de près l’évolution de la mise en œuvre du Plan Marshall 2.Vert. Le CESW tient à rappeler que, comparativement au Plan Marshall 1, le Plan Marshall 2.Vert apparaît aux yeux des interlocuteurs sociaux comme moins mobilisateur en raison, entre autres, de sa coexistence avec d’autres plans (Creative Wallonia, Ensemble Simplifions, Plan Action Industrie, …) également initiés par le Gouvernement wallon. Ces multiples plans et mesures ne permettent pas d’avoir une vision

suffisamment claire du paysage régional en la matière. Les partenaires sociaux insistent donc pour que le Plan Marshall 2.Vert reste l’élément mobilisateur central pour une politique de redéploiement économique de la Wallonie. Dans cette perspective, le Conseil souligne l’importance de l’exercice d’évaluation du Plan Marshall 2.Vert. Une évaluation approfondie des mesures mises en œuvre devrait conduire au maintien voire au renforcement de celles qui ont fait la preuve de leur efficacité, éventuellement complétées par de nouveaux mécanismes, les mesures inefficaces devant être abandonnées. De toute évidence, les enseignements et les acquis des Plans Marshall 1 et 2.Vert devront constituer le socle essentiel de la politique de développement durable qu’il conviendra de mener dans les dix prochaines années. Tout en étant très favorable au Plan Marshall, le CESW insiste sur la nécessité d’une évaluation globale de l’impact effectif du Plan Marshall 2.Vert, venant compléter l’évaluation thématique déjà initiée par l’IWEPS. Il importe en effet de pouvoir saisir l’efficacité globale de la stratégie intégrée initiée par les deux Plans Marshall et de mesurer, au travers de différents indicateurs socio-économiques précis, leurs effets réels sur l’économie wallonne.

Concernant la mise en œuvre des différents axes du Plan, le CESW insiste en particulier sur la mise en œuvre des Bassins de vie Enseignement-Formation-Emploi et notamment sur l’importance de créer, dès le départ, les conditions de réussite du dispositif en confiant un rôle majeur aux interlocuteurs sociaux dans l’animation et le pilotage des Instances Bassins de vie (voir également en page 14). En outre, les interlocuteurs sociaux soulignent la nécessité de clarifier l’évolution des CSEF vers les Instances Bassins de vie tant sur le plan du personnel que des moyens financiers. Le Conseil relève que les actions relatives à l’accès au financement des PME affichent, fin 2012, un faible taux d’exécution : 7% pour le produit mixte de la Socamut et 3% pour le «soutien spécifique sur le modèle du Fonds de participation». Compte tenu de la contraction des conditions d’accès au crédit, le Conseil demande que l’accélération de la mise en œuvre de ces actions constitue une priorité. Le Conseil remarque que les consommations budgétaires des actions relatives à l’Alliance Emploi-Environnement restent modestes. Selon le Délégué spécial, ceci s’explique principalement par le fait que ces nouvelles actions impliquent un travail préparatoire de conceptualisation et de définition des dispositifs à mettre en place. Le CESW estime qu’il est à présent urgent que la mise en œuvre des phases opérationnelles de l’Alliance Emploi-Environnement soit accélérée en 2013 et 2014. Concernant l’axe 6, «Conjuguer emploi et bien-être social», le CESW insiste sur la nécessité d’activer au plus vite les solutions permettant de créer les emplois initialement prévus notamment dans le secteur de l’enfance. En effet, aucune création d’emplois, sur les 500 prévus, n’a été effectuée dans le secteur de l’enfance, ni aucun investissement dans les infrastructures des crèches. Avis A.1132 adopté le 15/07/2013

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Avis

La présence équilibrée Hommes – Femmes dans les organes consultatifs Un nouvel avis vient d’être adopté par le CESW concernant la présence équilibrée d’hommes et de femmes dans les organes consultatifs wallons (2/3 au maximum des membres d’un organe consultatif pouvant être du même sexe). Deux avant-projets de décret récemment approuvés par le Gouvernement wallon ont en effet pour objet d’adapter la législation wallonne promouvant la présence équilibrée d’hommes et de femmes dans les organes consultatifs, en tenant compte de l’évaluation après 10 ans de mise en œuvre et des modifications introduites dans la loi fédérale et le décret flamand à ce propos.

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Le Conseil partage l’objectif du Gouvernement wallon en ce qu’il vise à favoriser une réelle mixité dans ces organes. Il formule néanmoins diverses remarques. Il estime tout d’abord qu’il serait opportun de prendre connaissance de l’évaluation éventuelle des nouvelles dispositions adoptées par l’Etat fédéral et la Flandre dans la mesure où le projet wallon s’en inspire. Il constate, en outre, que plusieurs dispositions soulèvent de nombreuses interrogations quant à leur application concrète. Il estime notamment que des zones de flou subsistent à propos : • des organes qui seront effectivement concernés par le décret : que vise-t-on exactement par la formulation «subdivision structurelles des organes», comment définir avec précision la liste fixant les organes concernés ? • des règles de désignation des candidats : le Conseil souligne les incertitudes concernant les candidatures à privilégier en l’absence d’information sur l’équilibre global ainsi que les contraintes en cas de procédure de remplacement ou de désignation

d’office d’un candidat par le Gouvernement sur proposition du Ministre ; • des modalités relatives aux dérogations : une définition plus précise des «raisons fonctionnelles ou qui tiennent à la nature spécifique» autorisant les dérogations ainsi que des modalités applicables dans une telle hypothèse serait opportune. Enfin, le Conseil relève que le projet prévoit de confier l’évaluation des décrets au Conseil wallon de l’égalité entre hommes et femmes (CWEHF). Celui-ci serait chargé d’émettre un rapport à ce sujet tous les 5 ans. Le CESW considère que le CWEHF est certainement une instance appropriée pour remettre un avis sur l’application des décrets. Par contre, il ne rentre pas dans ses missions de procéder à la récolte et au traitement des données issues des différents organes consultatifs, ce travail relevant plutôt des tâches de l’Administration, qui l’a effectué jusqu’à ce jour. Avis A.1124 adopté le 08/07/2013

Code wallon de l’Action sociale et de la Santé : simplification administrative Consulté par la Ministre Eliane Tillieux, le CESW a rendu un avis relatif à la simplification administrative dans le secteur de l’action sociale et de la santé. Le Conseil salue positivement ce projet qui vise à harmoniser et à simplifier les procédures applicables aux services et institutions agréées dans ce secteur. Au-delà de l’adoption de ces grands principes, le CESW demande au Gouvernement wallon de poursuivre la démarche par un travail plus qualitatif concernant la partie réglementaire du Code, en associant l’ensemble des organisations syndicales et patronales représentatives, tant du secteur public que privé, des secteurs concernés. La réalisation du Code wallon de l’Action sociale et de la Santé participe à un vaste chantier de simplification administrative dans lequel le Gouvernement wallon s’est engagé depuis 2005, notamment avec l’adoption en 2010 du Plan «Ensemble simplifions». Cette codification à droit constant (pas de modification quant au fond) constituait la première phase de ce chantier et consistait à rassembler les textes existants dans un ordre logique, suivant une structure, la plus uniforme possible, pour l’ensemble des secteurs sans toucher au contenu des textes. L’objectif final est de doter la Wallonie de textes clairs, cohérents et harmonisés pour plus d’efficacité et de transparence. Une deuxième phase, dans laquelle s’inscrit un récent projet de décret soumis au CESW, vise à harmoniser et à simplifier le processus d’octroi et de contrôle des subventions et les rapports d’activités applicables aux services et institutions agréées dans ces secteurs. Le CESW salue positivement l’initiative du Gouvernement wallon se référant aux

différents avis qu’il a déjà rendus en matière de simplification administrative et notamment aux avis A.1023 et A.1038 (1) relatifs à la mise en œuvre du principe de confiance. Il y soulignait l’avancée que représente la mise en œuvre de ce principe en termes de simplification administrative et indiquait en partager les objectifs à savoir, d’une part, faciliter la vie des usagers et d’autre part, remédier à la lenteur du traitement des dossiers. Toutefois, en ce qui concerne l’application du principe de confiance, la FGTB attire l’attention du Gouvernement wallon sur le fait que le contrôle ex-post, lorsque le principe de confiance se verrait contré, augmente alors, en étant de facto beaucoup plus complexe à gérer que les diverses vérifications exante, la difficulté du traitement du dossier, et partant la charge de travail des agents dédicacés à celui-ci. Par ailleurs, le CESW approuve la décision d’élaborer un manuel des bonnes pratiques, commun à tous les secteurs, qui s’inspirera des principes de simplification administrative et qui visera à améliorer la qualité des textes réglementaires en la matière. Il insiste en particulier sur la mise en œuvre du principe «only once» (collecte unique des données) dont il demande la concrétisation depuis plusieurs années et qui entraînera une réduction des charges administratives tant pour les usagers que pour l’administration elle-même. Au-delà de l’adoption de ces grands principes, le CESW demande au Gouvernement wallon de poursuivre la démarche par un travail plus qualitatif concernant la partie réglementaire du Code, en associant l’ensemble des organisations syndicales et patronales représentatives, tant du secteur public que privé, des secteurs concernés. (1) Avis A.1023 du 14 mars 2011 relatif à la mise en œuvre du principe de confiance et Avis A.1038 du 23 mai 2011 relatif à la mise en œuvre du principe de confiance – arrêtés d’exécution.

Avis A.1126 adopté le 08/07/2013

Création d’une plateforme wallonne d’échange électronique en matière de santé Le 8 juillet 2013, le CESW a remis un avis sur le projet du Gouvernement wallon visant la reconnaissance d’une plate-forme wallonne d’échange électronique en matière de santé. Actuellement, un Réseau Santé Wallon auquel adhèrent de nombreuses institutions de santé permet un échange de documents médicaux informatisés (résultats d’examens, rapports médicaux, courriers, …) entre les médecins intervenant pour un même patient. Les avant-projets de décret et d’arrêté adoptés en 1ère lecture par le Gouvernement wallon visent à conférer une base légale à ce réseau et à reconnaitre et subventionner l’ASBL chargée de sa gestion et de son développement. De nombreux arguments sont avancés par le Gouvernement en faveur de l’existence de cette plate-forme d’échange de données et de son soutien par les autorités wallonnes. On peut citer la nécessaire adaptation du monde de la santé aux évolutions technologiques en matière de communication, la capacité de ce réseau à renforcer l’utilisation du dossier médical global, sa complémentarité avec la plate-forme fédérale e-Health, l’apport positif du Réseau Santé Wallon fonctionnant actuellement, etc. Dans son avis, le CESW prend acte du projet du Gouvernement wallon et formule plusieurs remarques. Tout d’abord, sans remettre en cause le bienfondé de ce projet, le Conseil s’étonne de la création d’un tel dispositif à la veille du transfert, vers les entités fédérées, d’importantes compétences en matière de santé. Il se demande dès lors s’il n’est pas prématuré de lui conférer la forme proposée. Dans le prolongement de cette remarque, le CESW estime qu’il serait plus opportun de confier la gestion de la plate-forme à la structure

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Avis

Un cadre légal pour les accords sociaux dits du «non-marchand»

qui sera amenée à gérer l’ensemble des compétences wallonnes et/ou communautaires en matière de santé, telle qu’elle sera établie à l’occasion du transfert, plutôt qu’à une ASBL. Par ailleurs, le Conseil insiste sur l’importance de prévoir une articulation avec les réseaux santé mis en place par les autres entités du pays ainsi qu’avec les outils développés par le fédéral, les patients wallons pouvant en effet être amenés à se faire soigner à Bruxelles ou en Flandre. Le CESW plaide également pour que l’on s’assure, le cas échéant, de la complémentarité de la plate-forme wallonne avec d’autres outils d’échanges électroniques de données qui auraient été mis en place par la Wallonie ou par l’Etat fédéral et préconise que l’expertise et les méthodologies ayant fait leurs preuves ailleurs puissent être partagées et diffusées auprès d’elle. Concernant le budget nécessaire au bon fonctionnement de la plate-forme, le CESW estime qu’il conviendra de s’assurer que les différentes parties prenantes pourront bien honorer les engagements annoncés, a fortiori dans une période budgétaire difficile. Enfin, le Conseil demande que le Gouvernement définisse de manière plus précise qui sont les «prestataires de soins de première, deuxième et troisième lignes» visés dans les textes, leur représentation étant prévue au sein de l’organisme chargé de la gestion de la plate-forme.

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Avis A.1127 adopté le 08/07/2013

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Le CESW a rendu un avis relatif à un projet de modification du Code wallon de l’Action sociale et de la Santé visant d’une part, à y intégrer les dispositions nécessaires à la pérennisation des accords dits du «non marchand» et, d’autre part, à permettre une collecte de données fiable pour la préparation, la conclusion et le suivi de ces accords. Le Conseil formule plusieurs remarques sur ce projet, notamment par rapport aux modalités de collecte des données (pas de charge administrative excessive pour les opérateurs, couverture de l’ensemble des travailleurs du «non marchand», demande de mise en œuvre rapide de la «Banque Carrefour d’Echange de Données»,…) ou encore par rapport à la question de l’accès aux données (garantie quant au respect des procédures de concertation sociale existantes, degré d’agrégation des données suffisant pour pouvoir effectuer une évaluation fiable, …).

Suite au développement du secteur nonmarchand et à divers mouvements sociaux du milieu des années '90, plusieurs accords sociaux dits «du non-marchand» ont été conclus tant dans le secteur privé que dans le secteur public (1). Ces accords couvrent une période déterminée mais font l’objet de moyens récurrents. Le Gouvernement wallon a dès lors décidé de créer un cadre légal dans lequel inscrire ces mesures structurelles. Par ailleurs, lors de la négociation, de la conclusion et de l’évaluation de ces accords, des problèmes sont survenus liés à une connaissance trop partielle du nombre et de la situation des travailleurs des secteurs. Il semble pourtant impératif d’adopter des mesures permettant d’avoir une idée précise du nombre de travailleurs visés par les accords.

Le projet de décret adopté par le Gouvernement wallon vise donc un double objectif : • Intégrer dans le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé, les dispositions nécessaires à la pérennisation des accords sociaux dits du «non-marchand». • Permettre une collecte de données fiables pour la préparation, la conclusion et le suivi des accords du «non-marchand» qui soit compatible avec le futur Cadastre du «non-marchand». Le CESW salue positivement l’intention du Gouvernement wallon tout en formulant certaines remarques. Il estime que, d’une part, lorsque les subventions relatives à ces accords sociaux sont octroyées, elles doivent rejoindre les budgets des politiques fonctionnelles correspondantes et que d’autre part, l’affectation de ces subventions ainsi que leur évolution doivent pouvoir être identifiées et suivies dans l’optique des deux objectifs déclarés du projet de décret. Quant à l’exercice de collecte des données effectuée dans le cadre du présent décret, le Conseil estime qu’il doit être un outil de traçabilité statistique permettant de mieux appréhender les secteurs, de vérifier que les mesures adoptées pour mettre en œuvre les accords sont bien affectées aux travailleurs concernés et d’établir une continuité d’analyse année par année. Il considère toutefois que cette récolte de données ne peut entrainer de surcharge administrative lourde et excessive et souligne qu’elle doit couvrir l’ensemble des

travailleurs visés par les accords sociaux du «non-marchand», qu’ils relèvent des subventions fonctionnelles ou non (cf. APE, personnel sur fonds propres, Maribel, etc.). Le Conseil relève aussi que le dispositif de collecte de données, établi dans l’attente de la mise en œuvre opérationnelle de la Banque Carrefour d’Echange de Données et de la réalisation du Cadastre du «nonmarchand», pourrait utilement s’inspirer des principes régissant la Banque Carrefour, notamment «permettre aux administrations de ne plus collecter des données déjà en leur possession, déjà collectées par d’autres administrations ou déjà rendues accessibles dans des banques de données existantes» (2).

(1) Dans le secteur privé, accords de 2000-2006, accord 2007-2009 et son avenant, accord 20102011. Dans le secteur public, deux accords conclus au Comité C pour 2008-2009 et 20011-2012. Ces accords visent l’alignement barémique sur la CP 305.01, la valorisation des heures « inconfortables », l’intervention dans les frais de transport, l’octroi de primes syndicales, etc. (2) Cf. Communiqué de presse du Ministre Président R. DEMOTTE, du 23 mai 2013 relatif à la Banque Carrefour d’Echange des Données.

Avis A.1128 adopté le 15/07/2013

Par ailleurs, le Conseil estime que le dispositif mis en œuvre par le projet de décret doit garantir le respect des procédures de concertation sociale existantes et ne peut pas porter atteinte aux prérogatives des interlocuteurs sociaux concernant l’espace de négociation qui est le leur. Concernant la question de l’accès aux données, le Conseil considère qu’il convient d’assurer à celles-ci un degré d’agrégation suffisant pour pouvoir effectuer une évaluation fiable. Enfin, concernant les masses budgétaires relatives à l’application des mesures dans les différents secteurs du non-marchand, le Conseil recommande d’établir un relevé indicatif par année et par mesure. A défaut de quoi, on ne peut s’assurer de manière claire et précise que la hauteur des budgets est adéquatement évaluée.

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L’invité

Frank Vandenbroucke

«Il faut viser un nouvel Etat-Providence» Début juin, M. Frank Vandenbroucke, Professeur à la KULeuven, intervenait dans le cadre des conférences du CESW sur le thème de «L’Etat social actif : bilan et perspectives». Quelle a été l’évolution de la politique sociale en Belgique ces dix dernières années ? Quel est l’impact des évolutions démographiques sur les politiques à mettre en œuvre ? Quelles sont les réformes sociales à mettre en place ? Autant de questions abordées par M. Vandenbroucke lors de sa conférence et dans l’interview qu’il a accordée à la revue Wallonie.

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Wallonie : Vous avez publié récemment une étude intitulée  «The active welfare state revisited» dans laquelle vous dressez le bilan de ce que l’on a appellé «L’Etat-social actif». Pourquoi une telle étude ? Frank Vandenbroucke : Comme vous le savez, je suis m’intéresse depuis de nombreuses années aux politiques sociales mises en œuvre dans notre pays. La question centrale que nous devons nous poser aujourd’hui est : «Avons-nous des raisons de défendre l’EtatProvidence aujourd’hui ?». En effet, un Etat-Providence bien organisé contribue à l’efficacité socio-économique d’un pays. Mais les EtatsProvidences ne sont pas partout aussi efficaces. Ce double constat a inspiré une étude de la politique sociale Belge, menée pour le Centrum voor Sociaal Beleid Herman Deleeck de l’Université d’Anvers. Il m’a semblé intéressant d’examiner notamment l’évolution des politiques sociales mises en œuvre ces dix dernières années dans notre pays et d’envisager, dans le contexte de crise que nous connaissons ainsi que dans le cadre des réformes institutionnelles, les perspectives pour les années à venir. Wallonie : Commençons par le bilan : quelles leçons tirez-vous de l’analyse des politiques sociales de cette dernière décennie ? Frank Vandenbroucke : Le bilan est évidemment contrasté : certains éléments nous inspirent un optimisme légitime, mais d’autres nous donnent un sérieux avertissement. Le point de départ de l’analyse est la «dépendance aux prestations» : il s’agit du rapport entre le nombre de personnes qui perçoivent une allocation sociale et le nombre de personnes qui contribuent au régime de sécurité sociale par leur travail. La dépendance aux prestations est en partie déterminée par ce que nous appelons la «dépendance économique», qui est le rapport entre le nombre de personnes qui ne travaillent pas et le nombre de personnes qui travaillent. Cette dépendance économique est influencée par les tendances démographiques ainsi que par la situation économique. Si l’on examine cette dépendance aux prestations depuis 1970, on constate une évolution à la hausse. En effet, dans le régime de la sécurité sociale des travailleurs salariés, la dépendance aux prestations était de 4/10 : cela veut dire que pour 10 personnes qui payaient des cotisations, 4 recevaient une allocation. Dès le milieu des années ‘80, la dépendance aux prestations a crû pour atteindre des taux de 8/10 ou 9/10. Depuis lors, malgré de légères fluctuations, la dépendance aux prestations est restée à ce niveau-là ; le processus de vieillissement pousse d’ailleurs la dépendance aux prestations et la dépendance économique à nouveau vers le haut. Le fait que la sécurité sociale ait résisté à la tourmente des années 1975-1995, peut donc nous réjouir. C’est en ce sens que je parle d’ «optimisme légitime». Cependant, les caractéristiques et les évolutions du marché de l’emploi dans notre pays, le nombre de ménages avec des membres adultes âgés de moins de 60 ans dont aucun membre ne travaille, la répartition inégale des emplois parmi

CV express > Professeur à l’Université de Leuven, ex-président du SP (1989-1994), Frank Vandenbroucke a successivement été Ministre des Affaires étrangères, Ministre des Affaires sociales et des Pensions, Ministre de l’Emploi et des Pensions au Gouvernement fédéral (1999-2004) ainsi que Ministre de l’Emploi, de l’Enseignement et de la Formation au Gouvernement flamand (2004-2009). > Frank Vandenbroucke enseigne également à l’Université d’Anvers (où il tient la Chaire « Herman Deleeck ») ainsi qu’à l’Université d’Amsterdam. Ses principales recherches portent sur l’impact de l’Europe sur les politiques sociales. > Depuis avril 2013, Frank Vandenbroucke fait partie de la «Commission pour la réforme des pensions 20202040» mise en place par le Gouvernement fédéral.

les ménages ainsi que l’augmentation de la pauvreté chez les jeunes … tous ces éléments nous montrent que la Belgique a encore du chemin à parcourir. Wallonie : Venons-en aux perspectives pour l’avenir. Vous expliquez que deux axes prioritaires doivent être poursuivis : consolider le succès de l’Etat-Providence en préparant une véritable réforme des pensions et investir dans les jeunes. Frank Vandenbroucke : Comme je l’ai dit, les données concernant la dépendance aux prestations dans la sécurité sociale des travailleurs salariés justifient un certain optimiste historique, mais la même évolution donne également un sérieux avertissement. Le processus de vieillissement de la population – qui est en soi un succès énorme pour l’Etat-providence – exercera en effet une pression de plus en plus grande sur le système social. Dans ce contexte, il est essentiel de préparer dès aujourd’hui une véritable réforme à long terme des pensions. Il faut reconnaître que jusqu’à présent, beaucoup ont cru qu’une stratégie de «préfinancement» purement budgétaire suffirait pour gérer le problème du vieillissement (via notamment le Fonds de Vieillissement créé en 2001). Or, non seulement cette stratégie n’a pas été suffisamment mise en œuvre, mais elle n’est pas intrinsèquement à même d’assurer à elle seule la préparation du vieillissement. La réforme des pensions est inscrite à l’ordre du jour du Gouvernement fédéral et des mesures significatives ont été prises; il importe maintenant de préparer une réforme sur le long terme et surtout de réaliser une réforme en profondeur du système des pensions. Wallonie 118 I I I I I Septembre/Octobre 2013

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L'invité

Pour en savoir plus: « The active welfare state revisited », paru aux éditions Die Keure

Wallonie : Vous plaidez également pour un meilleur investissement dans les enfants, sur base notamment de l’analyse de l’évolution du taux de pauvreté chez les jeunes. Pourquoi? Frank Vandenbroucke : Lorsque l’on dresse le bilan de l’EtatProvidence en Belgique, il faut accorder une attention particulière à la position des enfants. Or, sur ce point, le bilan est loin d’être positif. En l’espace de 5 ans, le risque de pauvreté financière chez les enfants et les jeunes de moins de 18 ans, est passé de 15,3% (2005) à 18,7% (2010) ! Les enquêtes européennes SILC montrent que le risque de pauvreté se déplace graduellement, mais indéniablement, des plus âgés vers les jeunes ; cette tendance existe déjà depuis quelque temps mais est renforcée par la crise actuelle. Une crise qui accentue donc la précarité d’une fraction importante de jeunes. Par ailleurs, en Belgique, la différence entre les régions est particulièrement importante : 24% des enfants et jeunes Wallons vivent en-dessous du seuil de risque de pauvreté financière ; en Flandre, il s’agit de 11%. Néanmoins, le cadre de référence belge masque une réalité contrastée en Flandre, où la précarité de la plus jeune génération augmente également.

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sociales, marché du travail. Enfin, les pays qui obtiennent un score relativement bon en matière de pauvreté des enfants sont souvent des pays qui, il y a déjà longtemps, ont développé des stratégies radicales conduisant à l’allongement de la vie active et au retardement de l’âge de la retraite, de manière à ce que le poids des dépenses de pensions ne devienne pas trop grand. La prise de conscience que les risques sociaux évoluent au détriment des jeunes générations devrait nous inciter à faire de même. Wallonie : En matière de pauvreté chez les enfants, comment se situe la Belgique par rapport aux autres pays européens ? Et quel est le modèle social qui «fonctionne le mieux» pour éviter la pauvreté chez les jeunes ? Frank Vandenbroucke : La Belgique se situe dans la moyenne de l’Europe en ce qui concerne le risque de pauvreté chez les enfants. Si nous nous limitons aux Etats membres de l’Europe des 15, il apparait que les Etats membres scandinaves obtiennent un meilleur score que la Belgique, tandis que les Etats membres méditerranéens et anglo-saxons font moins bien que notre pays. Les pays qui obtiennent un score meilleur que la Belgique font mieux de deux manières : moins d’enfants vivent au sein de ménages pauvres en travail, d’une part, et le risque de pauvreté financière dans les ménages pauvres en travail y est plus faible, d’autre part. Les pays ayant de bons résultats sur la pauvreté des enfants ont souvent un niveau élevé de dépenses sociales. Certes, les dépenses sociales sont élevées en Belgique aussi, mais au regard de la pauvreté des enfants et des jeunes, nos dépenses sont moins efficaces. Ou, pour le dire autrement, l’interaction des dépenses sociales et les politiques éducatives ainsi que les politiques d’emploi sont moins efficaces dans notre pays. Il faut donc une cohérence et un équilibre entre les différentes politiques mises en œuvre : éducatives,

Wallonie : Vous concluez votre étude en évoquant l’idée de passer de l’analyse à la politique. Quelle est votre principale conclusion ? Frank Vandenbroucke : Est-ce que la Belgique se prépare au mieux pour répondre aux nouveaux risques sociaux? Au regard de l’augmentation de la précarité des ménages avec enfants, nous devons malheureusement constater que les choses ne vont pas dans la bonne direction. Les chiffres montrent que nous sommes un pays divisé, certes, mais le fait d’être un pays hétérogène ne doit pas nous empêcher de définir ensemble une orientation en vue d’atteindre des objectifs communs essentiels ! Le pays divisé a besoin d’une perspective. Et d’un pacte. A tous les niveaux de politique – fédéral, régional, communal – il faut viser un nouvel EtatProvidence, qui investit dans les enfants et offre une solide perspective à long terme sur les pensions. La sixième réforme de l’Etat doit être déployée dans cette optique. En la matière, elle transfère des compétences cruciales aux régions. Dans cet esprit, un débat sur une septième réforme de l’Etat n’apporte rien aujourd’hui. Il s’agit avant tout de savoir quelles réformes sociales sont nécessaires pour offrir une meilleure perspective à long terme aux enfants et jeunes de notre société.

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L'innovation en Wallonie Tout le monde s’accorde à reconnaître l’importance de l’innovation pour le développement économique et social d’une région comme la Wallonie. A l’heure où le Prix Zénobe, organisé par le CESW et le CPS, en partenariat avec le Gouvernement wallon et le Service public de Wallonie, boucle la trilogie entamée en 2011 avec pour thématique 2013 l’innovation sociale (voir l’article en page 44), la revue Wallonie consacre le dossier de ce numéro 118 à l’innovation. Un premier article fait le point sur les différents types d’innovation : le technologique, le social et le non technologique sont en effet les composantes indissociables de l’innovation.

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Quelles sont les définitions de l’innovation et que recouvrent les différents types d’innovation, telles sont les deux questions centrales auxquelles l’article introductif propose de répondre. Au-delà de la théorie, ce dossier fait la part belle aux exemples concrets d’innovations. L’article en page 38 présente des innovateurs (et des innovations !) wallons. Car l’innovation fait depuis plusieurs années partie intégrante des politiques mises en œuvre en Wallonie. Le programme «Creative Wallonia» a ainsi été reconnu par la Commission européenne puisque la Wallonie a été sélectionnée parmi 40 régions d’Europe comme «European creative District» (voir l’article en page 45). L’Europe considère en effet la recherche et l’innovation comme des éléments essentiels et porteurs du redéploiement de ses états membres.

La Commission européenne a d’ailleurs adopté un nouveau programme d’investissement dans la recherche et l’innovation baptisé «Horizon 2020», qui est présenté en page 42. Comme dans tous les dossiers de la revue, des interviews d’experts viennent éclairer la thématique abordée. Pour évoquer l’innovation ouverte et le rôle des pôles de compétitivité, nous avons rencontré deux personnalités issues du monde de l’entreprise et de la recherche universitaire : Yves Jongen est Directeur (et fondateur) de la société IBA et Président du Pôle de compétitivité Mecatech. Michel Morant est le Directeur général de l’Interface Entreprises-Université de l’ULg . Une interview «croisée» riche en enseignements (voir page 49) .

Nous avons également interviewé Vincent Lepage, Directeur à la Direction de Politique économique de la DGO6 du Service public de wallonie pour en savoir plus sur le programme Creative Wallonia, sa genèse, ses objectifs, ses axes, ses perspectives mais aussi pour comprendre en quoi ce programme a d’ores et déjà bouleversé les habitudes et attitudes par rapport à l’innovation. Son interview est proposée en page 46.

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Technologique, non technologique, sociale : les indissociables composantes de l’innovation L’approche systémique met l’accent sur les interactions entre les institutions, en examinant les processus interactifs au niveau tant de la création du savoir que de sa diffusion et de son application. L’expression «système national/régional d’innovation» (2) a été forgée pour conceptualiser cet ensemble d’institutions et de flux des connaissances. Loin d'être limité aux laboratoires de recherche, le champ de l'innovation englobe l'ensemble des utilisateurs, des fournisseurs et des consommateurs – que ce soit dans les administrations publiques, les entreprises ou les organismes à but non lucratif – et elle transcende les frontières entre pays, secteurs et institutions.

Le Manuel d’Oslo Le Manuel d'Oslo dans ses éditions successives (1992, 1997 et 2005) constitue la principale source internationale de principes directeurs en matière de collecte et d'utilisation d'informations sur les activités d'innovation dans l'industrie. Les travaux de l’OCDE évaluent l'ampleur des activités d'innovation, les caractéristiques des firmes menant ces activités et ont peu à peu exploré les facteurs internes et systémiques qui les influencent. Ces travaux ont joué un rôle important dans la dissémination du concept de «système d’innovation» (1) auprès des gouvernements nationaux. Les actions de politique qui en ont découlé dès la première moitié des années 1990 ont eu un impact majeur sur la façon dont les gouvernements nationaux (et plus récemment régionaux) ont commencé à concevoir et à mettre en œuvre les politiques d’innovation. Systémique et multi-acteurs

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La dernière édition du Manuel d’Oslo, en 2005, inclut pour la première fois l'innovation non technologique et les liens entre les différents types d'innovation, dont les innovations organisationnelles et de commercialisation.

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Le Manuel d'Oslo définit quatre types d'innovation : les innovations de produit, les innovations de procédé, les innovations de commercialisation et les innovations d'organisation. La caractéristique commune à toutes ces catégories est que l’innovation doit avoir été effectivement mise en œuvre, soit mise sur le marché (dans le cas d’un produit), soit utilisée dans le cadre des opérations d’une firme (dans le cas d’un procédé, d’une méthode de commercialisation ou d’organisation). • L'innovation de produit correspond à l'introduction d'un bien ou d'un service nouveau ou sensiblement amélioré. Cette définition inclut les améliorations sensibles des spécifications techniques, des composants et des matières, du logiciel intégré, de la convivialité ou autres caractéristiques fonctionnelles. • L'innovation de procédé est la mise en œuvre d’une méthode de production ou de distribution nouvelle ou sensiblement améliorée. Cette notion implique des changements significatifs dans les techniques, le matériel et/ou le logiciel. • L'innovation de commercialisation est la mise en oeuvre d’une nouvelle méthode de commercialisation impliquant des changements significatifs de la conception ou du conditionnement, du placement, de la promotion ou de la tarification d’un produit. • L'innovation d'organisation est la mise en œuvre d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de la firme.

Innovation non technologique

Le cadre de mesure de l'innovation

Selon la troisième édition du Manuel d’Oslo, l’innovation non technologique englobe toutes les activités d’innovation qui ne relèvent pas de l’innovation technologique c’est-à-dire qui ne sont pas liées au lancement d’un bien ou d’un service nouveau ou sensiblement modifié du point de vue technologique, ou à l’utilisation d’un procédé technologiquement nouveau ou sensiblement modifié.

Infrastructure et cadre institutionnel

La firme Innovations de produit

Innovations de procédé

Innovations Innovations de commercialisation organisationnelles Politiques d'innovation Autres firmes

Système d'enseignement et de recherche publique

Demande

Elles peuvent consister en : • l’adoption de techniques avancées de gestion Par exemple : gestion de la qualité totale ; adoption de nouveaux modes de gestion des ressources humaines ayant pour effet une amélioration sensible des conditions de travail… • la modification importante des structures organisationnelles Par exemple : mise au point d’une plate-forme d’échanges avec les fournisseurs et/ou les clients ; insertion d’un produit dans un nouveau réseau de commercialisation … • l’adoption d’orientations stratégiques entièrement nouvelles ou la modification sensible des orientations stratégiques de l’entreprise.

Source : Manuel d’Oslo, 2005, Principes directeurs pour le recueil et l’interprétation des données sur l’innovation, page 41 (ISBN 92-64-01311-3 – © ocde/communautés européennes 2005)

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Par exemple : relocalisation à proximité d’une plate-forme multimodale en vue de réorganiser le transport des produits finals ou des intrants ; nouveau système de tarification (par exemple, tarif dégressif) ; campagne de promotion d’un nouveau style, communication environnementale,… L’OCDE caractérise plus avant, grâce à une analyse statistique de clusters en douze variables, la typologie des régions innovantes (3), en les classant en trois macro-catégories : les pôles de connaissance, les zones de production industrielle et les régions non intensives en sciences et technologie. Innovation sociale L’innovation sociale est aujourd’hui identifiée par la Commission européenne et intégrée dans le cadre stratégique commun pour le financement de la recherche et de l’innovation dans l’Union Europeenne (4). Au niveau régional, les Stratégies Régionales d’Innovation (SRI), quasi-exclusivement centrées sur l’innovation technologique, prennent de plus en plus en compte l’innovation sociale. Le Bureau des Conseillers de Politique européenne définit l’innovation sociale (5) comme l’élaboration et la mise en oeuvre d’idées nouvelles (des produits, des services et des modèles) qui couvrent des besoins sociaux et créent de nouvelles formes de relations ou collaborations sociales. Les innovations sociales sont en effet le fruit de collaborations créatives entre producteurs et usagers, c’est-àdire entre citoyens, organisations de la société civile, communautés locales, entreprises et pouvoirs publics. Pour le secteur privé comme pour le secteur public, elles représentent l’opportunité de mieux satisfaire les aspirations individuelles et sociétales, et de produire un changement systémique.

Un projet d’innovation sociale en cours de développement utilisant l’outil de modélisation «Business Model Canvas» - Source : 1,2,3 Go social, Business Model Canvas social - http://www.123gosocial.lu/

La notion d’innovation sociale présente les mêmes caractéristiques que les innovations reconnues au niveau international par le Manuel d’Oslo, avec la spécificité de créer du changement social. La valeur ajoutée produite est nécessairement partagée, c’est-à-dire à la fois sociale et économique.

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Consultez la rubrique «Livres» où quelques ouvrages relatifs à l'innovation sont présentés. Voir en page 55. Source : Commission européenne, DG Politique régionale et urbaine et DG Emploi, Affaires sociales et Inclusion

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L’innovation sociale est un phénomène organisé et fait référence à un processus composé de plusieurs phases : - l’identification de besoins sociaux encore peu ou mal satisfaits ; - le développement de nouvelles solutions en réponse à ces besoins ; - l’évaluation de leur efficacité ; - le changement d’échelle des innovations pertinentes. Les innovations sociales ne sont pas nouvelles, mais l’Union européenne envisage aujourd’hui de systématiser ces pratiques pour devenir un laboratoire d’innovation sociale de premier plan. Dans cette perspective, les tendances sociétales actuelles telles que la paupérisation, la raréfaction des ressources en énergie, la fracture numérique, le vieillissement de la population, l’isolement des personnes âgées, la demande accrue pour une alimentation de qualité…, représentent des opportunités pour innover pour tous les secteurs. L’Union européenne est en mesure de jouer un rôle moteur d’innovation sociale ; cependant, les niveaux régional et local semblent les plus adaptés pour identifier les besoins sociaux et sociétaux encore peu ou mal satisfaits et concevoir des réponses adéquates.

L’entrepreneur, moteur de l’innovation selon Schumpeter C’est à l’économiste autrichien Schumpeter (1883-1950) qu’on doit le concept de l’entrepreneur-innovateur, moteur de l’évolution économique. L’entrepreneur, en innovant, vient bouleverser la stabilité des cycles économiques. L’innovation selon Schumpeter consiste en une nouvelle combinaison des moyens de production et revêt les cinq formes suivantes : - la fabrication d’un bien nouveau ou d’une qualité nouvelle ; - l’introduction d’une nouvelle méthode productive ou commerciale ; - l’ouverture d’un nouveau marché ; - la conquête de nouvelles sources de matières premières ou de biens intermédiaires ; - la réalisation de nouvelles organisations industrielles.

Dans sa stratégie Europe 2020, la Commission accorde une place prépondérante à l’innovation sociale. Celle-ci sera au coeur d’un de ses instruments majeurs, la politique de cohésion, par le biais du Fonds social européen (FSE) et du Fonds européen de développement régional (FEDER). Les critères de sélection des projets d’innovation sociale dans la programmation FEDER doivent intégrer une interprétation pratique : le besoin social auquel répond le projet, les qualités sociales des outils et méthodes utilisés et la nature innovante des activités.

(1) Voir notamment: Chaminade, C. & Edquist, C., Rationales for public policy intervention from a systems of innovation approach”, 2006/04, http://www.circle.lu.se/?wpfb_dl=103

La déclinaison possible de ces exigences inclut quatre axes principaux. Le projet doit : - répondre à un besoin social mal satisfait ; - générer d’autres effets positifs ; - s’orienter vers l’expérimentation et la prise de risque ; - impliquer les acteurs concernés.

(2) Voir notamment : Système régional d’innovation, capital humain et social : vers une région apprenante ? Jean-Alain HERAUD et M’Hamed DIF http://www.apr-strasbourg.org/docs/20040504-fiches.pdf (3) «Categorization of OCDE regions using innovation related variables», Ajmone Marsan, G. et K. Maguire (2011), in OCDE (2013), Examens de l’OCDE sur l’innovation régionale, Editions OCDE (4) «Guide to social innovation», Publication de la Commission européenne, DG Politique régionale et urbaine et DG Emploi, affaires sociales et inclusion (Février 2013). Au travers d'exemples et d'informations pratiques, ce guide a pour objectif d’encourager les autorités publiques régionales à favoriser l’innovation sociale http://s3platform.jrc.ec.europa.eu/documents/10157/47822/Guide%20 to%20Social%20Innovation.pdf (5) Pour en savoir plus : http://www.avise.org/IMG/pdf/Guide_Innovationsociale_juillet2012.pdf

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Portraits d’innovateurs (et d’innovations) wallons

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Lauréats et nominés des Prix Zénobe et des prix à l’innovation bénéficient d’une importante visibilité qui se répercute positivement sur la dynamique innovatrice des responsables de projet et des équipes tout entières. Retour sur trois bénéficiaires de Prix à l’innovation ayant développé des applications concrètes dans les domaines technologique, non technologique, social. La reconnaissance et la visibilité offertes par ces Prix permettent-elles l’instauration d’une dynamique durable de l’innovation ?

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StratiCELL, nominé au Prix Zénobe 2011 – innovation technologique : «Chez nous, l’innovation est omniprésente» Depuis sa nomination au Prix Zénobe 2011 – innovation technologique, la PME, qui emploie 12 personnes sur le campus Créalys (dont des spécialistes en biologie moléculaire et cellulaire, en génomique, en tests d’objectivation sur molécules in vitro et en pénétration transcutanée) a le vent dans les voiles. «L’innovation est un processus permanent dans notre entreprise. Elle nous rend attractifs sur le marché des tests en R&D», explique Michel Salmon, cofondateur et CEO de StratiCELL. C’est ainsi que, grâce au système d’avances récupérables de la Région wallonne, la PME alimente deux plateformes d’analyse hyper-pointues. La première, consacrée à la génomique, étudie les effets de composés sur l’expression ciblée ou globale des gènes et permet de découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques et mécanismes d’action. La seconde, dédiée à l’analyse de l’absorption et du passage des molécules à travers la peau, ouvre des perspectives prometteuses dans l’industrie cosmétique et pharmaceutique, afin d’évaluer la biodisponibilté des composés actifs et la délivrance transcutanée de médicaments. Avec la société de biotechnologie médicale toulousaine Affichem (NdlR : active en conception, développement et commercialisation de molécules thérapeutiques innovantes et de marqueurs pour le traitement des cancers et des maladies neurodégénératives), StratiCELL vient d’obtenir un financement dans le cadre d’un appel à projets «Eurostars», programme de soutien européen spécialement dédié aux PME intensives en recherche et développement, qui réunit 33 pays/régions, dont la Wallonie. Avec à la clé un financement considérable pour deux ans qui permettra à StratiCELL d’engager un chercheur expérimenté et d’acquérir un équipement de pointe.

L’entreprise toulousaine mettra à disposition une molécule dont elle détient la «recette» et qu’elle souhaite valoriser au travers du projet, StratiCELL développera entre autres une méthode d’analyse des propriétés barrière de la peau consistant à doser la composition des lipides de la couche cornée. L’objectif est de pouvoir objectiver des effets bénéfiques d’actifs sur la barrière cutanée et l’hydratation de la peau. Pour ce faire, la spin-off devra investir avec le soutien financier du projet dans un matériel de pointe, notamment un appareil de chromatographie couplé à un spectromètre de masse. En matière de recherche collaborative, StratiCELL a mis un œuvre un projet de type «PPP» (partenariat public-privé) avec le laboratoire de l’Université de Namur dans le domaine de la modélisation de pathologies inflammatoires cutanées (dermatite atopique, psoriasis). Celui-ci lui donnera accès, moyennant une contribution de 10% au financement (90% étant apportés par le partenaire public) et une participation active au projet, à tous les résultats générés. Enfin, la PME a rejoint deux consortiums européens dans le cadre de deux projets de recherche, consacrés respectivement à la toxicité des nanoparticules et à l’analyse des effets à long terme des régimes alimentaires sur le vieillissement induit par l’inflammation. Informations : Michel Salmon, Directeur général, email : [email protected]

Epiderme en coupe

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Cita des Ailes : faire goûter à des enfants malades les joies d’un saut en tandem ; voir la vidéo : http://www.construisons-un-monde-meilleur.net/ avec/good-4you/cita-des-ailes/presentation

Good-4you, nominé au Prix Zénobe 2012 - innovation non technologique : «Toujours en quête de la bonne formule pour exploiter notre potentiel»

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Depuis 2009, Lionel Duplicy exploite avec enthousiasme et un sens inné de la communication le principe du « buzz marketing » ou solidarité virale qu’il applique à divers projets mis au service d’entreprises ou d’associations de toutes tailles et de tous secteurs. Le principe  : un concept web (plateforme clé-sur-porte) qui associe l’image du commanditaire à une action apportant un bénéfice à la collectivité.

Tablant sur le fait que le bénéfice corporate – le retour sur investissement financier, mesurable en termes de visibilité et d’image – et le bénéfice sociétal (sensibilisation et contribution du public à un projet au caractère social explicite et concret) s’équilibrent harmonieusement au bénéfice de chacun. Le Buzz de Noël Magique à l’hôpital, qui a connu des éditions annuelles depuis 2009, Made in Abeilles (projet en cours), Cita des Ailes (été 2012) sont divers concepts qui se taillent ainsi progressivement un nom dans l’univers du marketing et des réseaux d’entreprises. Informations : Lionel Duplicy, Administrateur, [email protected]

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Altéo, lauréat du Prix 2012 de l’innovation sociale: «Notre chariot de supermarché pliable adapté peaufine son look!» Altéo, ASBL d’éducation permanente active dans la promotion, la défense et l’intégration des personnes malades et handicapées, été couronnée l’an dernier lauréate du Prix de l’Innovation sociale de l’Unipso, organisé sous l’égide de la Ministre Eliane Tilleux, pour son «chariot de supermarché pliable adapté» aux personnes circulant en fauteuil roulant, qui souhaitent faire leurs courses avec un maximum d’autonomie. On peut parler de co-création pour ce sympathique objet aux couleurs vives puisque le groupe de travail Accessibilité d’Alteo Mons Borinage, composé de quelque 20 personnes, dont 15 utilisatrices d’une chaise roulante, s’est penché, avec à ses côtés deux hautes écoles en ingéniérie mécanique et en ergothérapie, sur ce besoin spécifique des utilisateurs en chaise roulante aptes à faire leurs courses : disposer d’un outil ergonomique, calibré, peu encombrant, solide et fiable pour arpenter les rayons des supermarchés.

Le chariot muni de ses paniers dans son ancienne version

C’est maintenant entre les mains expertes des techniciens de l’entreprise de travail adapté «Ateliers de Blicquy» à Leuze-en-Hainaut, active en travail des métaux, que se trouve le chariot (avis aux amateurs : celui-ci est toujours en quête d’une dénomination sympathique, mais cela ne peut pas être CADDY©, dénomination protégée par copyright). On y travaille ferme pour renforcer la solidité de l’objet et le doter, pour le début de 2014, (date prévue de sa mise sur le marché), d’attributs ergonomiques renforcés: des coins arrondis, un caractère pliable facilité (une opération de pliage et non plus deux), des accessoires adéquats pour assurer le blocage et le déblocage aisé des paniers, ... Car le chariot pourrait, selon le souhait de ses concepteurs et usagers, se prêter également à d’autres fonctions de mobilité domestique telle celle de desserte roulante (pour la présentation des plateaux repas, le transport des paniers à linge…), de façon à devenir un réel atout dans le quotidien des personnes pour qui la logistique de tous les jours peut s’apparenter à un casse-tête. Dans les cartons d’Altéo figure aussi le projet de contacter l’AWIPH afin que le chariot soit introduit dans la liste du matériel d’aide remboursable.

Informations : Altéo, [email protected]

41 Bientôt des coins arrondis et un système de pliage facilité

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Le programme européen pour l’innovation L’innovation et la recherche sont au cœur des discussions européennes. Le 30 novembre 2011, la Commission européenne a proposé un nouveau programme d’investissement dans la recherche et l’innovation baptisé «Horizon 2020» et doté d’un budget de 80 milliards € (1) sur la période 2014-2020.

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Le programme comporte trois axes : 1. Le programme-cadre de RDI (Recherche-Développement-Innovation); 2. Un programme stratégique d’innovation pour l’Institut européen d’innovation et de technologie (2,8 milliards €) ; 3. Un nouveau programme pour stimuler la compétitivité et l’innovation dans les (2,5 milliards €) visant à améliorer l’accès aux marchés à l’intérieur de l’Union Européenne et dans le monde, à promouvoir l’esprit d’entreprise et à améliorer l’accès au financement pour les PME (2) (COSME).

La Commission annonce qu’elle recherchera des synergies avec les fonds de la politique de cohésion de façon à élargir le programme à un grand nombre de participants issus de toute l’Europe. Ces fonds financeront le renforcement des capacités de recherche et d‘innovation des régions, qui s’appuiera sur le concept de spécialisation intelligente.

La Commission souligne qu’Horizon 2020 rassemble pour la première fois dans un seul programme tous les financements de l’UE en matière de recherche et d’innovation, qui seront soumis à un ensemble unique de règles en matière d’éligibilité, d’évaluation et de propriété intellectuelle.

1. « Excellence dans la science », avec un budget de 24,6 milliards €, dont : - 13, 2 milliards € pour le Conseil européen de la recherche ; - 3,1 milliards € pour les technologies du futur ; - 5,75 milliards € pour les actions Marie Curie concernant la formation, la mobilité et la carrière des chercheurs ; - 2,4 milliards € pour les infrastructures de recherche.

Pour la Commission, ce programme présente des caractéristiques nouvelles à savoir, notamment: • l’intégration de la recherche et de l’innovation par un soutien sans interruption, tout au long du processus, de l’idée au produit commercialisable ; • un soutien accru à l’innovation et à des activités proches du marché ; • des possibilités accrues, pour les nouveaux participants et les jeunes chercheurs, de présenter leurs idées, même si elles sont moins conventionnelles, et d’obtenir un financement; • un lien renforcé avec les défis sociétaux ; • une réduction des lourdeurs administratives grâce à : - une procédure de remboursement radicalement simplifiée, suite, entre autres, à l’introduction d’un taux forfaitaire unique pour les coûts indirects et à l’application de deux taux de financement uniquement, l’un pour les activités de recherche et l’autre pour les activités proches du marché ; - un point d’accès unique pour les participants ; - une réduction du nombre de documents administratifs pour la préparation des propositions ; - la limitation des contrôles et des audits au strict nécessaire.

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Le programme-cadre de RDI Le programme-cadre de RDI retient trois priorités :

2. «Leadership industriel» (17,9 milliards €) dont : - développement des technologies génériques : TIC, nanotechnologies, matériaux avancés, biotechnologies, systèmes de fabrication et de traitement avancés, espace (13,7 milliards €) ; - facilitation de l’accès au capital (3,5 milliards €). Deux instruments seront mis au point à cet effet : 1. prêts et garanties de prêts, en collaboration avec des intermédiaires financiers aux niveaux national et régional ; 2. investissements en phase de démarrage, en conjugaison avec les interventions aux stades ultérieurs financées dans le cadre du nouveau CIP. Ces instruments seront mis en œuvre via un partenariat avec la Banque européenne d’investissement ou d’autres organismes financiers internationaux ; - soutien de l’innovation dans les PME à haut potentiel de croissance (700 millions €)

L’Institut européen d’innovation et de technologie

3. Défis sociétaux (31,7 milliards €) : santé, évolution démographique et bien-être ; sécurité alimentaire, agriculture durable, recherche marine et maritime et bioéconomie ; énergies sûres, propres et efficaces ; transports intelligents, verts et intégrés ; changement climatique, utilisation efficace des ressources et matières premières ; sociétés inclusives, novatrices et sûres. Au moins 60% du budget global du programme-cadre devrait être liés au développement durable, la grande majorité de ces ressources devant contribuer aux objectifs dans le domaine du climat et de l’environnement. La Commission met l’accent sur les aspects suivants : • chaque programme de travail contiendra des actions visant à promouvoir l’égalité des sexes et à intégrer la dimension du genre dans la recherche et l’innovation ; • la participation des PME sera encouragée. Environ 15% (6,8 milliards d’euros) du budget dédié aux axes «Leadership industriel – Technologies génériques» et «Défis sociétaux» leur seront consacrés. Des procédures simplifiées, applicables uniquement à ce type d’entreprise, seront mises au point ; • la Commission ne soutiendra pas uniquement la recherche et le développement technologique mais valorisera aussi les atouts de l’Europe dans le domaine du design, de la créativité, des services et de l’innovation sociale. Dans cette perspective, les sciences humaines seront prises en considération au sein des différents axes du PCRD ; • deux instruments seront mobilisés pour favoriser les partenariats public-privé et les partenariats entre acteurs publics : - les partenariats européens d’innovation, dont les objectifs soustendront la définition des priorités des programmes de travail annuels d’Horizon 2020 (3) ; - les initiatives de programmation conjointes, qui seront soutenues soit selon le schéma ERA-NET soit à travers le cofinancement d’appels à propositions thématiques (article 185 du Traité UE) ; • la dimension sociétale de la recherche et de l’innovation sera prise en compte et des mesures seront adoptées en matière de vulgarisation afin d’approfondir le lien science/société et de renforcer la confiance du public dans la science.

Créé en mars 2008, l’Institut européen d’innovation et de technologie est un organe autonome de stimulation de l’innovation. Son action se fonde sur des «Communautés de la connaissance et de l’innovation» (CCI), plateformes de partenariat public-privé transfrontières, regroupant des institutions d’enseignement supérieur, des centres de recherche et des entreprises. Ces CCI sont actuellement au nombre de trois : énergies renouvelables, changement climatique et société de l’information et de la communication. Six autres CCI seront créées entre 2014 et 2020 dans des domaines pertinents en regard des besoins économiques et sociaux à savoir l’innovation pour une vie saine et un vieillissement actif, des aliments pour l’avenir, les matières premières, la fabrication à forte valeur ajoutée, des sociétés intelligentes et sûres, la mobilité urbaine. L’objectif est de créer 600 start up et de former 25.000 étudiants ainsi que 10.000 docteurs. Le programme COSME Ce programme mettra l’accent sur les instruments financiers et le soutien à l’internationalisation des entreprises. Ses objectifs généraux sont : - améliorer l’accès au financement pour les PME, sous forme d’investissements en capital-risque et sous forme de prêts ; - améliorer l’accès aux marchés à l’intérieur de l’Union et dans le monde (services d’appui via le réseau Entreprises Europe) ; - promouvoir l’esprit d’entreprise. Le programme devrait accompagner 39.000 entreprises par an, en les aidant à créer ou sauvegarder 29.500 emplois et à lancer 900 nouveaux produits, services ou procédés chaque année. Cette proposition est actuellement en cours de discussion au sein du Conseil et du Parlement européen en vue de son adoption avant la fin 2013.

(1) En prix constants 2011. Les chiffres mentionnés dans cet article correspondent aux propositions initiales. (2) Pour rappel, le CIP actuel (2007-2013) bénéficie d’un budget de 3,6 milliards €. (3) Les partenariats européens d’innovation font partie de l’initiative «Une Union de l’innovation», l’une des sept initiatives phares de la stratégie «Europe 2020». Ils visent à réformer la manière dont les secteurs public et privé collaborent en matière d’innovation. Trois expériences pilotes ont été lancées sur les thèmes «Pour un vieillissement actif et en bonne santé», «Matières premières», «Développement durable et productivité dans l'agriculture».

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OsEr ChangEr innOvEr

Prix 2013

Innovation sociale

€ 2 x 15.00D0E prix

En 2013, le Prix Zénobe récompense l'innovation sociale ! Mis en place dans le cadre du programme Creative Wallonia, après deux éditions, (2011 et 2012), consacrées respectivement à l’innovation technologique et l'innovation non technologique, le prix Zénobe boucle cette année la trilogie avec l’innovation sociale. Une trilogie fondamentale : les trois composantes de l’innovation, technologique, non technologique, sociale, constituent en effet des leviers complémentaires essentiels pour identifier des réponses nouvelles aux grands enjeux sociétaux (voir également l'article p 34). Par ailleurs, l’Europe reconnaît le caractère systémique, multi-acteurs, de l’innovation. On attend avec impatience le cru de cette édition 2013, à l’occasion de laquelle les cibles classiques du Prix Zénobe (entreprises et unités et de recherche) ont été étendues aux ASBL (avec numéro de TVA) et aux indépendants à titre principal. Autre nouveauté cette année : un vote des internautes, entre le 1er et le 15 octobre 2013, permettra au public de se prononcer pour le lauréat de son choix.

Note importante : le vote du public en cours jusqu'au 15 octobre ne désigne pas les vainqueurs, ceux-ci étant sélectionnés par le jury attitré du Prix Zénobe, le 18 octobre 2013. Celui-ci se compose de représentants des Cabinets du Ministre de la Recherche et du Ministre des Technologies Nouvelles, de l’Administration (DGO6), des Universités, des centres de recherche, des organisations représentatives des employeurs et des organisations syndicales. Cinq experts indépendants spécialisés en marketing, finances, développement durable et économie sociale accompagnent également le jury dans ses choix. Parmi les critères présidant au choix du jury, citons pour les entreprises, l’originalité de l’innovation (40%) et sa contribution au développement durable dans ses composantes économique (15%), environnementale (10%) et sociale (30%).

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Pour les unités de recherche, les quelques critères primordiaux sont la contribution positive au progrès des connaissances (20%) ainsi qu'à des besoins sociaux peu ou pas remplis (15%); l’aspect collaboratif de la recherche (15%) ; son potentiel de valorisation (15%); son caractère reproductible (15%) ; sa contribution au développement durable (15%). Pour chacune des deux catégories, le vote du public compte pour 5% des points obtenus.

«Répondre aux besoins sociaux non satisfaits revêt une exigence particulière au moment où nos modèles économiques sont mis à mal par les secousses de la crise» lit-on en exergue de ce rapport qui s’attache à détailler les « solutions innovantes mises en œuvre par les acteurs de la société civile et les entreprises pour apporter des réponses aux principaux enjeux sociétaux», et, ce faisant, «guider les politiques publiques vers la création d’écosystèmes favorables à l’innovation sociale» (1).

La soirée de remise des Prix Zénobe 2013 aura lieu le 28 novembre 2013 (voir également en page 4).Nous reviendrons sur cet événement dans le prochain numéro de la revue Wallonie.

es Prix à l’innovation technologique, organisés en 2005, 2007 et 2009 sous l’égide du CESW et de la DGO6, sont devenus «Prix Zénobe» en 2011, en hommage à l’inventeur liégeois. Les éditions 2012 et 2013 du Prix Zénobe incluent les approches non technologique et sociale de l’innovation telle que promue par la Commission européenne, qui vient de rendre public, en février 2013, son Guide de l’innovation sociale.

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Les organisateurs du Prix Zénobe 2013 ont collecté plus d’une soixantaine de dossiers dont, à noter après un démarrage plutôt lent, un regain d’intérêt suscité auprès des universités et centres de recherche. En cette fin septembre, les porteurs sont invités à «pitcher» leur projet face caméra ! Exercice qui se soldera, gageonsle, par une importante visibilité pour les candidats, invités à faire le «buzz» autour de leur projet et à mener campagne.

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(1) Source : L’innovation sociale, un levier pour le développement des territoires », Avise, 2013, page 2. http://www.avise.org/IMG/pdf/Guide_Innovationsociale_juillet2012.pdf

Le programme Creative Wallonia reconnu par l’Europe ! F

in 2012, la Wallonie était désignée «European Creative District», par la Commission européenne pour le caractère exemplaire du programme Creative Wallonia. Une distinction importante puisque seules deux régions – la Wallonie et la Toscane – ont été sélectionnées parmi 44 candidatures venant de toute l’Europe. L’idée sous-jacente au dossier présenté à la Commission par la DGO6 était de montrer le rôle important que joue l’innovation et la créativité dans la transformation d’une région en transition industrielle.

«Le projet Wallonia European Creative District a pour objectif de faire du Programme Creative Wallonia un démonstrateur à grande échelle, en étendant sa dynamique et en l’ouvrant à l’international», explique Vinoj Schmetz, Attaché-Economiste au sein de la Direction de Politique économique (DGO6) du SPW et qui assure la coordination de ce projet au niveau wallon. «Le projet a démarré en janvier 2013 et se terminera en juillet 2015. Il s’articule en 4 axes thématiques et recouvre une quinzaine d’actions concrètes. L’axe 1 «Mutual transnational Policy Learning» prévoit par exemple de réaliser une évaluation de Creative Wallonia dans le contexte européen, de constituer un Comité scientifique d’experts internationaux et d’ouvrir le Master en innovation créative à des publics non étudiants».

«Le projet ‘Wallonia European Creative District’ offre une belle opportunité de mettre en avant les résultats du programme Creative Wallonia et nous permet de rajouter une dimension européenne à l’action wallonne. C’est indéniablement un plus pour le développement et l’image de la région», conclut Vinoj Schmetz.

Dans l’axe 2 «Better Business Support», un système de chèques «créativité» et l’extension à l’international de certaines actions seront testés. De nouveaux outils et de nouvelles formes de financement des industries créatives seront explorés dans l’axe 3 «Better Access to Finance». Le 4ième axe du projet vise à connecter davantage l’économie créative et les secteurs des clusters et pôles de compétitivité. Le budget global s’élève à 1 million d’euros (co-financé pour moitié par la Commission européenne et pour moitié par la Wallonie). C’est un consortium de 5 partenaires qui assure le suivi de ce projet : le SPW (DGO6), Wallonie Design, St’Art Invest, l’AWT et ID Campus.

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Interview

Vincent Lepage «La dynamique de Creative Wallonia est inédite et innovante !» 46 Wallonie 118 I I I I I Septembre/Octobre 2013

Placer la créativité et l’innovation au cœur de l’économie et de la société wallonne, tel est l’objectif, ambitieux, du programme-cadre Creative Wallonia, lancé en octobre 2010. Un vaste programme, se déclinant en plusieurs axes et différentes formes d’interventions, qui a valu à la Wallonie d’être désignée «European Creative District » par la Commission européenne (voir l’article à la page précédente). Nous avons rencontré Vincent Lepage, Directeur à la Direction de Politique économique de la DGO6 du SPW (1) pour en savoir plus sur le programme Creative Wallonia, sa genèse, ses objectifs, ses axes, ses perspectives mais aussi pour comprendre en quoi ce programme a d’ores et déjà bouleversé les habitudes et attitudes par rapport à l’innovation. Wallonie : Pourriez-vous nous rappeler comment et pourquoi le programme Creative Wallonia a été lancé ? Vincent Lepage : Creative Wallonia est né de la volonté de faire de l’innovation et de la créativité des éléments porteurs du développement ou, plus exactement, de la transformation de l’économie wallonne. Il faut remonter à 2009, lorsqu’à l’initiative du Ministre wallon de l’Economie, M. J-Cl. Marcourt, une trentaine de personnalités venant du monde académique, de l’entreprise, de la culture,

des médias, ont réfléchi à une «dynamisation durable de la Wallonie». Dans le rapport de cette Commission dite «Zénobe», plusieurs propositions et priorités étaient avancées. Parallèlement, l’Union européenne lançait son Initiative-phare «Innovation Union», dans laquelle le concept d’innovation ouverte est présenté comme une réponse aux défis sociétaux auxquels l’Europe est confrontée. Le point de départ est donc cette prise de conscience globale de l’importance de la créativité dans le développement d’une région mais aussi de l’émergence d’une vision nouvelle de l’innovation. C’est dans ce contexte que le programme Creative Wallonia voit le jour. Wallonie : Quels sont les objectifs de ce programme ? Vincent Lepage : Le premier objectif est de mettre la créativité et l’innovation au cœur du projet de développement de la Wallonie, en visant une réelle transformation de son économie. L’idée est de «désacraliser» l’innovation, de montrer qu’elle ne se limite pas à l’innovation technologique et qu’elle n’est pas réservée aux chercheurs dans un laboratoire. Chaque entreprise, chaque organisation, voire chaque individu, a une capacité d’innover… En diffusant cette vision de l’innovation, des projets peuvent émerger, avec à la clé, le développement d’activités économiques nouvelles, porteuses d’emplois, dans des secteurs ou des entreprises jusqu’alors peu reconnus comme «innovants». Une grande partie des mesures de Creative Wallonia visent à faire passer ce message auprès de l’ensemble des acteurs de la société (entreprises, universités, écoles, grand public). C’est un objectif à long terme car il suppose un profond changement des mentalités ! Le deuxième objectif est le décloisonnement des acteurs (publics et privés), des secteurs et des métiers. Enfin, l’ouverture internationale est également un troisième objectif de Creative Wallonia : cela se traduit par la mise en œuvre en Wallonie des formes les plus avancées d’innovation ouverte (co-création, co-design, co-working, …) et par des coopérations au niveau européen, notamment. Wallonie : Le programme Creative Wallonia prévoit de nombreuses actions. Pourriez-vous nous citer quelques exemples concrets ? Vincent Lepage : Les formes d’intervention peuvent être classées en trois catégories : celles apportant une impulsion aux projets, celles visant à combiner les savoirs et enfin, celles jouant un rôle de laboratoires en stimulant les «nouveaux usages». L’appel à projets «Boost-u » fait partie de la première catégorie et vise à favoriser la mise sur le marché de prototypes innovants conçus par ou pour les industries créatives. Opéré par Wallonie Design, ce dispositif octroie des financements allant de 40.000 € à 140.000 € à des indépendants et PME issus des secteurs des arts plastiques, de l’architecture, de l’édition, du design, de la mode, etc. Il y a déjà eu trois appels à projets depuis 2011, avec une moyenne de cent candidatures à chaque fois et, au final, une quinzaine de projets soutenus. Autre marque forte du programme, Nest-up est un accélérateur

Creative Wallonia en bref Le programme-cadre Creative Wallonia comporte trois axes : • Axe 1 : La promotion de la société de la créativité • Axe 2 : La fertilisation des pratiques innovantes • Axe 3 : Le soutien à la production innovante Les formes d’inventions sont les suivantes : • Impulsion aux projets : Nest-up, Boost-up, Crossmedia, Prototypage, Conseil en innovation créative, … • Combinaison des savoirs / Interventions sociétales : Creative people, ID Campus, Semaine de la créativité, Prix Zénobe,… • Prospective / Nouveaux usages : Coworking, Observatoire des tendances, Livings labs, … > www.creativewallonia.be

de start-ups offrant à 6 équipes d’entrepreneurs un encadrement professionnel intensif de 9 semaines. Parmi les mesures visant à combiner les savoirs, on peut citer la Semaine de la Créativité (2) ou «l'Executive Master en Co-creative Innovation» d'ID CAMPUS, qui s’adresse aux étudiants de l’enseignement supérieur désireux d’acquérir des compétences nouvelles (soft skills) grâce aux neurosciences, aux techniques créatives, au design thinking, etc. Parmi les laboratoires des nouveaux usages, on peut mentionner les espaces de Co-working (portés par l’AWT), huit lieux d’accueil et de travail collaboratif implantés partout en Wallonie pour stimuler la fertilisation croisée entre entrepreneurs, porteurs de projets et d’idées, ou encore «l’Observatoire des tendances» (opéré par l’AWEX et l’AST) qui est chargé de faire de la veille prospective pour les entreprises, universités et acteurs économiques. En réalité, il est extrêmement difficile de résumer en quelques lignes l’ensemble des actions et mesures du programme Creative Wallonia, tant elles sont variées et nombreuses, avec comme ligne de conduite l’ouverture aux idées et un nouvel esprit collaboratif.

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Wallonie : Justement, au-delà des actions prévues, c’est aussi et surtout la philosophie de base du programme et son caractère évolutif qui paraissent innovants et créatifs… Vincent Lepage : Tout à fait ! La principale caractéristique – et qualité – de Creative Wallonia est sa capacité évolutive et son ouverture. Cette plasticité du programme et son adaptation constante aux enjeux et opportunités constituent en soi une réelle innovation. Il faut ajouter que tous les acteurs concernés ont été d’emblée associés au processus au travers un Comité de pilotage. Des acteurs plus spécialisés (tels que Wallonie Design, Wallimage, etc.) ont également été associés. Il est vrai que l’expérience des Pôles de compétitivité et des Plans Marshall a permis ce décloisonnement et cette mobilisation générale autour d’un projet. Ce sont très certainement ces spécificités de Creative Wallonia qui ont permis à la Wallonie d’être désignée par l’Union européenne en tant que «European Creative District». En ce qui concerne la gouvernance de Creative Wallonia, c’est la DGO6 – et plus spécifiquement la Direction de Politique économique – qui est l’administration de référence. Nous préparons actuellement un rapport centralisé du programme, qui dressera l’état d’avancement des actions et qui comprendra une auto-évaluation des projets par les acteurs concernés ainsi que la présentation de quelques témoignages d’opérations réussies sous forme de «storytelling». Pour conclure, je dirais que le programme se veut englobant tant au niveau des acteurs impliqués que des contenus, avec une approche marquée par une évolution permanente du processus et l’esprit d’ouverture. Selon moi, il est important de ne pas perdre cette dynamique, inédite dans le cadre d’une intervention publique…Il faut poursuivre le travail de «contamination» afin de faire émerger l’innovation et la créativité à tous les niveaux. Il s’agit cependant d’un travail à long terme car changer les perceptions et les attitudes traditionnelles demande du temps.

(1) Direction générale opérationnelle de l’Economie, de l’Emploi et de la Recherche du Service Public de Wallonie (2) La 3ème édition de la Semaine de la Créativité se déroulera du 7 au 15 novembre 2013 à travers toute la Wallonie (programme sur www.creativewallonia.be) .

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Interview Yves Jongen Michel Morant Regards croisés sur l’innovation en Wallonie Tout le monde s’accorde à reconnaître l’importance de l’innovation pour le développement économique et social de la Wallonie. Depuis bientôt dix ans, le contexte global a évolué positivement, grâce notamment à la dynamique de partenariats suscitée par les Plans Marshall et la mise en place des pôles de compétitivité. Nous avons rencontré deux personnalités issues du monde de l’entreprise et de la recherche universitaire : Yves Jongen est Directeur (et fondateur) de la société IBA (1) et Président du Pôle de compétitivité Mecatech. Michel Morant est le Directeur général de l’Interface Entreprises-Université de l’ULg (2). Discussion à bâtons rompus sur les pôles de compétitivité, les changements introduits depuis leur instauration, la place des PME dans les pôles, les relations internationales, les nouveaux modes d’innovation, …

Wallonie : Pourriez-vous nous expliquer l’apport des pôles de compétitivité sur le plan de la collaboration entre les milieux scientifiques et le monde de l’entreprise ? Michel Morant : Selon moi, il y a très certainement un «avant» et un «après» «pôles de compétitivité» dans les relations entre les entreprises et les universités. L’instauration des pôles a permis de mobiliser les ressources existantes dans un projet et un agenda communs, renforçant par là les relations et collaborations entre le monde de l’entreprise et le monde de la recherche. Yves Jongen : Les pôles ont également entraîné une véritable révolution culturelle au sein des entreprises ! En effet, auparavant, les entreprises ne concevaient la gestion d’un projet que dans un cadre

49 A gauche : Michel Morant, à droite : Yves Jongen

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hiérarchique (l’entreprise décidait du projet de recherche et était le «donneur d’ordres»). Les projets développés dans le cadre des pôles de compétitivité ont amené de nouveaux modes d’organisation, basés sur la recherche du consensus et d’un véritable partenariat tout au long du processus. Les PME ou les laboratoires de recherche se sont trouvés dans une position d’égal à égal avec des grandes entreprises, ce qui constitue un grand changement au niveau des relations au sein du tissu industriel wallon. Wallonie : Quelles ont été les difficultés rencontrées lors de la mise en place des pôles et quelles sont les actions mises en place pour dépasser celles-ci ? Yves Jongen : Une première difficulté, du moins au tout début, a été de fédérer les parties prenantes autour d’un véritable projet commun, avec une implication identique des différents partenaires. Une autre difficulté concerne les modèles de convention de partenariat, dont il a fallu définir les règles et le contenu. On se dirige de plus en plus vers des conventions de partenariats prédéfinies, ce qui permettra de résoudre en amont une série de questions (responsabilités, propriété intellectuelle, partage des coûts, etc.). Michel Morant : Lors du lancement de la dynamique des pôles de compétitivité, certains projets n’ont pas abouti car ils étaient trop vastes ou les relations entre les partenaires n’étaient pas suffisamment étroites. Une autre difficulté est celle de la propriété intellectuelle : certains acteurs ne connaissaient pas du tout cette question et ont dû apprendre à maîtriser cette problématique. Wallonie : Quelle est la place des PME dans les pôles ? Ceux-ci ont-ils un effet déclencheur sur l’aptitude des PME à innover ? Yves Jongen : Les PME ont une place importante et indispensable au sein des pôles. Au sein de Mecatech, par exemple, on compte un grand nombre de projets où des PME sont impliquées. J’y vois là aussi une preuve de la «révolution culturelle» que j’évoquais tout à l’heure. Le succès de certains projets dépend tout autant d’une petite entreprise spécialisée dans une technique spécifique que d’une grande entreprise disposant de moyens et d’infrastructures importants.

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Michel Morant : Les pôles ont permis à une série de PME de se sentir concernées par l’innovation, qui est apparue plus accessible. Il y a eu une réelle prise de conscience pour certaines PME de l’importance de l’innovation et du fait qu’elles pouvaient en être parties prenantes. Au sein de Wagralim, par exemple, on s’aperçoit que de nombreux projets sont portés par des petites entreprises familiales…

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Yves Jongen : Bien entendu, il reste une fraction de PME qui sont persuadées que l’innovation ne les concerne pas et c’est pour cela que la sensibilisation doit être poursuivie. Un élément essentiel est d’avoir l’envie d’innover ! Wallonie : Quelle doit être l’ouverture des pôles à l’international ? Yves Jongen : Même si la position de principe est une ouverture des pôles à l’international, il faut bien constater que, dans la pratique, peu de projets de ce type se mettent en place. Cependant, il me semble opportun de s’interroger sur l’objectif poursuivi en développant de tels partenariats et sur les risques liés à une trop grande ouverture. En effet, la capacité d’innover est l’un des atouts majeurs – si pas le principal – de la Wallonie. Dans certains groupes internationaux implantés en Wallonie, c’est la capacité d’innovation d’une filiale qui explique le maintien de celle-ci dans notre région. Dans ces conditions, devons-nous apprendre à d’autres à innover plus vite que nous ? Personnellement, je suis plutôt réticent à cette idée. Michel Morant : De mon côté, je pense que l’ouverture des pôles à l’international doit davantage être envisagée sous l’angle de l’amélioration de la visibilité de la Wallonie à l’étranger. La Wallonie n’existe pas sur l’échiquier international de la recherche… Il est donc essentiel d’augmenter notre visibilité et notre crédibilité en matière d’innovation pour exister sur la scène internationale. Par ailleurs, je partage la vision d’Yves Jongen sur l’importance de développer et de maintenir la capacité d’innovation en Wallonie. Dans la chaîne de valeurs, ce n’est plus tellement la matière première qui coûte cher, mais plutôt la matière grise ! Une grande partie de notre compétitivité provient de notre capacité à innover. Wallonie : Outre la dynamique de partenariats, quels sont les effets des pôles sur l’économie ? Michel Morant : Si les projets menés par les pôles sont porteurs de développement, il importe de ne pas limiter l’ensemble des efforts et des moyens dans les secteurs couverts par les pôles de compétitivité. Il me semble que certains secteurs ou sous-secteurs, situés en dehors des 6 pôles, peuvent être source d’innovation, d’emplois et d’activités. C’est la raison pour laquelle la dynamique des clusters doit également être poursuivie. Yves Jongen : Tout à fait ! La décision a été de s’appuyer sur les pôles spécialisés, ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe plus rien d’autre à côté. De nombreux partenariats en matière d’innovation se concluent d’ailleurs en dehors des pôles. Pour en revenir aux effets des pôles sur l’économie, les chiffres indiquent que les entreprises participant aux pôles de compétitivité ont augmenté leur valeur ajoutée et le nombre d’emplois, même si l’effet de causalité n’a pas (encore) été démontré.

Les Pôles de compétitivité Un Pôle de compétitivité se définit comme «la combinaison, sur un espace géographique donné (la Wallonie), d’entreprises, de centres de formation et d’unités de recherche publiques ou privées engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets communs au caractère innovant. Ce partenariat s’organise autour d’un marché et d’un domaine technologique et scientifique qui lui est attaché et doit rechercher la masse critique pour atteindre une compétitivité mais aussi une visibilité internationale. Ces trois ingrédients principaux (entreprises, formation, recherche et innovation), unis par les trois priorités que sont le partenariat, les projets communs concrets et la visibilité internationale, constituent les éléments clés des Pôles de compétitivité ». Il existe 6 Pôles de compétitivité en Wallonie, répartis dans 4 secteurs d’activité.

1. Mobilité et Transport Logistics in Wallonia est le Pôle de compétitivité créé pour développer le secteur du transport et de la logistique en Wallonie. http://www.logisticsinwallonia.be/ Skywin Wallonie est le Pôle de compétitivité du secteur aéronautique et spatial. http://www.skywin.be 2. Environnement et Développement durable GreenWin est le Pôle de compétitivité de la chimie verte et des matériaux durables (incluant leurs applications dans les bâtiments à basse énergie). http://www.greenwin.be/ 3. Nutrition et Santé BioWin est le Pôle de compétitivité qui fédère tous les acteurs wallons investis dans les projets innovants et/ou l’enseignement dans les domaines des biotechnologies et de la santé. http://www.biowin.org WagrALIM est le Pôle de compétitivité dédié à l’agro-industrie. http://www.wagralim.be/ 4. Technologies transversales MecaTech est le Pôle de compétitivité de l’Ingénierie mécanique. www.polemecatech.be

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Wallonie : Au-delà des projets d’innovation soutenus à travers les pôles de compétitivité, quelles seraient les autres formes d’innovation ouverte à promouvoir ? Yves Jongen : En Wallonie, seule l’innovation technologique est organisée, alors que l’innovation est beaucoup plus vaste : il y a l’innovation non technologique, l’innovation sociale,…. Il est nécessaire de créer des mécanismes d’appui aux autres types d’innovation. Michel Morant : Le concept d’innovation ouverte est bien implanté en Wallonie ; peu de régions sont aussi bien outillées que la nôtre en termes de dispositifs d’appui (création d’entreprises, propriété intellectuelle…), même si des efforts doivent encore continuer à être réalisés en matière de fluidité administrative. Il faut maintenant s’atteler à mieux organiser l’implémentation de l’innovation non technologique et, pour ce faire, il est nécessaire de mieux faire comprendre ce que ce concept recouvre.

Wallonie : Quels sont les liens entre la politique d’appui à l’innovation et les programmes européens en la matière ? Michel Morant : Dans le contexte actuel, il est essentiel de faire partie des réseaux européens. Il me semble que des efforts pourraient être accomplis pour que davantage d’entreprises (et notamment des PME) fassent partie du réseau EEN (Entreprises Europe Network Wallonie), notamment pour tout ce qui concerne le transfert des technologies. Yves Jongen : Il faut se rappeler que les programmes européens ont été une source d’inspiration pour la logique partenariale inscrite dans le Plan Marshall et les pôles de compétitivité. Un des axes à améliorer serait peut-être la participation des pôles à des projets européens. Mais c’est un objectif ambitieux car la coordination d’un projet européen demande beaucoup de temps et d’énergie.

Wallonie : Ces derniers temps, il est beaucoup question de l’apport des utilisateurs dans l’innovation. Quel regard portezvous sur cette nouvelle approche de l’innovation? Yves Jongen : Indéniablement, nous vivons un grand changement dans les modes d’innovation. Dans la création de logiciels, notamment, une nouvelle méthode de développement a vu le jour. Auparavant, les utilisateurs étaient interrogés sur leurs besoins et attentes en amont, le logiciel étant conçu sur cette base. A présent, le processus est interactif et un logiciel est développé par itérations successives, après des tests d’utilisateurs réalisés en cours de conception.

(1) IBA développe, fabrique et supporte des dispositifs médicaux et des solutions logicielles pour le traitement du cancer par protonthérapie, pour le

Michel Morant : Au niveau de la recherche universitaire, les partenariats avec les entreprises ont contribué à ce que les équipes aient une autre vision de la recherche. L’idée selon laquelle «travailler avec une entreprise équivaut à vendre son âme au diable» est largement dépassée. Aujourd’hui, chercheurs universitaires et entrepreneurs travaillent ensemble sur des projets de recherche.

diagnostic du cancer et de l'assurance qualité des patients (dosimétrie). Basée en Belgique, IBA est présent dans plus de 40 pays en Amérique du Nord, Europe et Asie. > www.iba-worldwide.com (2) L'Interface « Entreprises-Université » a été créée en 1989 à l'initiative de l'ULg, de l'Union Wallonne des Entreprises, d'Agoria et de la Chambre de

Yves Jongen : Un point important est d’éviter de se disperser et de développer les mêmes recherches dans plusieurs universités ou entreprises. Les collaborations à mettre en place et à encourager sont celles qui aboutissent à une spécialisation et visent à atteindre une masse critique, afin d’éviter que tout le monde fasse «mal un peu de tout». A cet égard, de nombreuses questions se posent quant au financement de la recherche universitaire… mais ceci est un autre débat !

Commerce et d'Industrie de Liège. Aujourd'hui, l'Interface Entreprises-Université est responsable au sein de l'Université : - du montage de collaborations entre entreprises et l'Université ; - de la valorisation des résultats de la recherche ; - de la gestion de la propriété intellectuelle (PI) ; - de l'implication de l'Université dans le développement régional ; - de l'organisation de formations continuées dans les domaines technologique et scientifique.

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Pour réaliser ces missions, l'Interface est constituée d'une équipe pluridisciplinaire essentiellement constituée de scientifiques disposant d'une expérience et d'une pratique du monde industriel centrée sur le transfert de technologies. www.interface.ulg.ac.be

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CRMSF Journées du patrimoine : succès de foule à l’ancien hospice Sainte Agathe ! Les 7 et 8 septembre derniers, ce sont quelque 1.735 visiteurs qui ont franchi les portes de l’ancien hospice Sainte-Agathe à Liège, afin de découvrir la récente restauration de cet ensemble de bâtiments situé à quelques pas de l’ancienne abbaye Saint-Laurent. Un beau succès pour cette initiative de la CRMSF.

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uite à l’annonce du thème «Le Patrimoine ‘extra’ordinaire», la Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles (CRMSF) et la société Lampiris avaient décidé d’unir leurs forces afin d’accueillir le public dans ces bâtiments, dont les façades et toitures sont classées depuis 1985. Tour à tour couvent des Sépulchrines (deuxième moitié du XVIIème siècle), infirmerie militaire (1814), école vétérinaire (1830), hospice pour aliénées (1847), le bien avait été laissé à l’abandon au départ du CPAS en 1985. Après un projet avorté de transformation en hôtel de luxe, l’ensemble a été racheté en 2010 par la société Lampiris, pour y établir son siège social. D’importants travaux de restauration ont alors été entrepris : aménagement de bureaux au rez-de-chaussée et au sous-sol, création d’appartements à l’étage. Actuellement, seule l’ancienne chapelle doit encore être rénovée ; le dossier d’aménagement est d’ailleurs toujours en cours d’examen à la CRMSF. Datée de 1663 et classée depuis 1977, elle accueillera prochainement bureaux, salles de réunion et cafétéria. Pour la première fois, le public a donc été invité à apprécier cette nouvelle affectation très réussie : il a contemplé l’ancienne chapelle et son imposante tribune, a cheminé dans l’ancien cloître, avant de découvrir les aménagements paysagers du jardin. Documents d’archives, photographies anciennes et nouveaux projets complétaient l’information délivrée par les guides.

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Livres Comme dans chaque numéro de la revue Wallonie, la rubrique « Livres » présente une sélection d’ouvrages parmi les récentes acquisitions du Centre de Documentation du CESW. A cette sélection de livres, réalisée par M. Jean-Claude Pirlot, responsable du Centre de Documentation, s’ajoute la liste des études disponibles sur le web. Le Centre de Documentation du CESW est au service des membres du Conseil mais est également accessible au public sur rendez-vous. Téléphone : 04/232.98.14 E-mail : [email protected]

Créativité : Un nouveau regard : Théorie et pratique Jean Marc Moncorger L’Harmattan

Le Gène de l’innovateur : Cinq compétences qui font la différence Clayton Christensen, Jeff Dyer, Hal Gregersen

Ce livre a pour ambition de répondre aux questions suivantes : pourquoi la créativité existe-t-elle ? A quoi sert-elle ? Comment fonctionne-t-elle ? Et comment peut-on l'utiliser et la développer ? Cet ouvrage est un essai sur la créativité qui repose sur une approche scientifique, pluridisciplinaire, faisant appel à de nouveaux outils d'étude, comme la logique mathématique et l'expérimentation. Ce regard nouveau sur la créativité permet, à travers la compréhension de ses règles de fonctionnement, d'élaborer l'hypothèse que le processus créatif est une démarche scientifique, universelle, au service de l'art, de la science et de l'innovation.

Pearson Êtes-vous le futur Steve Jobs? Naît-on avec un ADN d'innovateur ou est-ce là un mythe? Quelles sont les spécificités propres à l'innovateur? À ces questions, les auteurs apportent un éclairage neuf et pour le moins surprenant. Au terme d'une étude ambitieuse et rigoureuse auprès d'entreprises d’excellence, ils ont en effet dégagé les cinq compétences fondamentales de l’innovateur de génie : l’association, le questionnement, l’observation, le réseautage, l’expérimentation. Ce qui fait l’efficacité d’un innovateur? C’est un être d’action, capable non seulement de générer des idées novatrices, mais également de se remettre en question et d’adapter son comportement. Il partage et inspire à son équipe de nouvelles idées, de nouveaux processus et une nouvelle philosophie d’entreprise; il sait déceler et recruter des talents novateurs afin de rendre l’entreprise plus compétitive. Et surtout, il utilise des compétences communes à tous.

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Livres

Le modèle social européen La vie share : mode d’emploi : consommation, partage et modes de vie collaboratifs Anne-Sophie Novel Éditions Alternatives (Manifestô)

Il ne s'agit pas d'une mode passagère, mais bien d'une tendance de fond : l'économie du partage et la société collaborative sont en route. Le point de départ des nombreuses initiatives qui fleurissent en ce sens partout depuis 2010 ? Un constat : les biens que nous possédons restent inutilisés la plupart du temps. Pourquoi ne pas les prêter ou les louer quand on ne s'en sert pas ? N'est-il pas plus simple et économique d'emprunter à d'autres ce dont on a besoin pour un temps limité ? Essentiellement portées par l'évolution des usages d'Internet et par la crise économique, les possibilités ouvertes aujourd'hui par ces nouveaux modes de consommation trouvent un public de plus en plus large. Si le partage fait sa révolution numérique, encore faut-il y voir plus clair dans la multitude de solutions qui s'offrent à nous pour (ré) apprendre à partager et entrer dans l'ère de la consommation collaborative.

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Yves Barou et le Cercle des DRH européens Éditions des Îlots de résistance Avec la crise, le social se réinvite à la table des débats européens : le modèle social est de nouveau au cœur des enjeux. Mais de quel modèle parle-t-on ? De celui qui favorise et organise le dialogue social, véritable marque de fabrique de l'Europe; produisant ses effets tous les jours, ce dialogue dessine un modèle social novateur, original et efficace, qui peut être un véritable atout dans la globalisation. De celui aussi qui préside à la conception même de l'entreprise, qui devra être plus humaine pour mieux absorber tous les chocs qu'elle subit. Ce livre collectif a été écrit par des praticiens du social, DRH mais aussi syndicalistes, chercheurs, membres de la Commission européenne, acteurs de la notation sociale ou de la formation. Il nous montre que l'Europe sociale se bâtit au quotidien, anticipant et dessinant l'avènement d'un nouveau pacte social et que l'Europe marque ainsi son identité par rapport aux modèles américain ou chinois.

Le fédéralisme belge : Enjeux institutionnels, acteurs socio-politiques et opinions publiques Coordonné par Régis Dandoy, Geoffroy Matagne et Caroline Van Wynsberghe Éditions Academia (Science politique ; 15)

Entre 2007 et 2011, la Belgique a connu deux périodes de crise politique. Après les élections de juin 2007, 194 jours ont été nécessaires pour former un Gouvernement qui chuta sur le dossier de Bruxelles-HalVilvorde. La crise politique qui suivit les élections anticipées de juin 2010 fut la plus longue de l’histoire du pays. Au terme d’une période de 541 jours sans Gouvernement de plein exercice, la normalisation du fonctionnement institutionnel du pays reste dépendante de la mise en œuvre de l’accord institutionnel atteint en 2011 et des dynamiques bipolaires et centrifuges du fédéralisme belge. Cet ouvrage propose des études consacrées aux enjeux institutionnels, aux acteurs socio-politiques, aux médias et aux opinions publiques au cours de la période précédant le nouveau compromis institutionnel de 2011. Elles sont autant de clés pour comprendre les dynamiques qui ont conduit à cette nouvelle étape du fédéralisme belge et les perspectives d’évolution qui s’ouvrent aujourd’hui.

Livres

Lettre à un ami français : De la disparition de la Belgique Jules Gheude Mon Petit Éditeur (Essai) 350 pages. Voici sans doute la plus longue lettre qui ait jamais été rédigée… Jules Gheude l’adresse à un ami français, curieux d’en savoir un peu plus sur cette «question communautaire» qui n’a cessé de torturer le Royaume de Belgique depuis sa création en 1830. Cet ouvrage a aussi le mérite considérable d’éclairer les Wallons et les Bruxellois francophones, afin qu’ils soient prêts à affronter une scission du Royaume dont on ne peut dire avec exactitude le moment où elle se produira, mais qui apparaît de plus en plus inéluctable, la Belgique étant irrémédiablement minée par le nationalisme flamand. Rien n’est pire que de se retrouver, à un moment donné, mis devant le fait accompli, contraints de réagir dans l’urgence et la précipitation. (extraits de la préface de François Perin)

Et dans notre bibliothèque numérique Baromètre de la société de l’information (2013) SPF Economie, PME, Classes moyennes et Energie Source : economie.fgov.be Baromètre TIC : 2013 : L’usage des technologies de l’information et de la communication en Wallonie Agence Wallonne des Télécommunications Source : www.awt.be Perspectives de population : 2012 – 2060 Bureau fédéral du Plan Perspectives (mai 2013) Source : www.plan.be Migration : Rapport annuel 2012 Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (juin 2013) Source : www.diversite.be Conseil supérieur de l’emploi : rapport 2013 : Les personnes faiblement qualifiées sur le marché du travail Conseil Supérieur de l’Emploi (juillet 2013) Source : www.emploi.belgique.be Conseil supérieur des finances : Comité d’Etude sur le Vieillissement : rapport annuel Conseil supérieur des finances (juillet 2013) Source : www.docufin.fgov.be Perspectives économiques 2013 – 2014 Institut de Recherches Economiques et Sociales Regards économiques n° 105 (juillet 2013) Source : www.regards-economiques.be Perspectives économiques régionales 2013 – 2018 Bureau fédéral du Plan Perspectives (juillet 2013) Source : www.plan.be Ménages et logements en Wallonie : Un exercice prospectif 2013 – 2026 Philippe Defeyt Institut pour un Développement Durable (août 2013) Source : www.iddweb.eu Monitoring socio-économique SPF Emploi, Travail et Concertation sociale ; Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (septembre 2013) Source : emploi.belgique.be ; www.diversite.be

Wallonie 101 I I I I I Mars / Avr. 2010

Wallonie 118 I I I I I Septembre/Octobre 2013

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Publication bimestrielle du Conseil économique et social de Wallonie Rue du Vertbois, 13c - 4000 Liège T. 04 232 98 11 - F. 04 232 98 10 [email protected] www.cesw.be

Conception graphique Agence à propos Rue Grangagnage, 30 4000 Liège www.agenceapropos.be Impression Imprimerie CHAUVEHEID Zoning de Chefosse 1-3, Rue Saint-Laurent B-4970 STAVELOT

Editeur responsable : Jean Pierre Dawance Rédactrice en chef Nathalie Blanchart - T. 04 232 98 53 [email protected]

Photographies CESW Fotolia Straticell : p 39 Good-4you : p 40 Ateliers de Blicquy : p 41 CRMSF : pp 53, 54

Secrétariat Nathalie Hounje - T. 04 232 98 24 [email protected] Rédaction Actualités, L’invité, En bref : Nathalie Blanchart Interviews : Nathalie Blanchart, Frédérique Debrule Avis : Rudi Claudot, Philippe Compagnie, Anne Debras, Frédérique Debrule, Nathalie Delbrassinne, Fabienne Dideberg, Dominique Graitson, Bernard Jockin, Véronique Kaiser, Luc Simar, Dossier : Nathalie Blanchart, Dominique Graitson, Anne Guillick, Zoom : Carole Carpeaux Livres : Jean-Claude Pirlot

Imprimé sur papier respectueux de l’environnement

Remerciements Messieurs Ph. Hayat, Y. Jongen, V. Lepage, M. Morant, V. Schmetz, F. Vandenbroucke pour les interviews accordées. Madame M. Santalena

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Agenda 28/11/2013 18h30 Namur

Cérémonie de remise du Prix Zénobe 2013

4/12/2013 9h à 17h Liège – Vertbois

Colloque «Les nouvelles dynamiques de la concertation sociale»

Conseil économique et social de Wallonie Rue du Vertbois, 13 c • 4000 Liège • Belgique T. 04 232 98 11 • F. 04 232 98 10 [email protected] • www.cesw.be éditeur responsable : Jean Pierre Dawance