Pour restaurer nos écoles

Dans une économie exigeant des savoirs et des compétences pour travailler et .... d'informatique et les compétences en recherche ne font donc pas partie de.
109KB taille 5 téléchargements 169 vues
! !

Pour restaurer nos écoles Un document de provocation préparé pour le Colloque Canada-États-Unis Réaliser l’équité par l’innovation Toronto, les 27 et 28 octobre 2010 Par Linda Darling Hammond, Stanford Center for Opportunity Policy in Education

En 1989, le président George H.W. Bush et les gouverneurs du pays ont convenu de six objectifs nationaux en matière d’éducation à réaliser pour l’an 2000. Ces objectifs comprenaient s’assurer que tous les élèves entrent à l’école en santé et prêts à apprendre, réaliser l’obtention d’un diplôme d’études secondaires par au moins 90 pour cent des élèves, veiller à la compétence des élèves dans les disciplines scolaires et hisser les États-Unis « au premier rang mondial sur le plan du rendement en mathématiques et en sciences ». En 2010, aucun de ces objectifs n’a été atteint. Nous sommes moins près d’atteindre la plupart des objectifs qu’il y a vingt ans. Plus d’enfants vivent dans la pauvreté et n’ont pas de soins de santé; moins de 70 pour cent des élèves obtiennent un diplôme d’études secondaires; l’écart de résultats en lecture et en mathématiques entre les élèves minoritaires et blancs s’est creusé par rapport à 1988; le rendement des États-Unis dans les tests internationaux a chuté. Loin d’être au sommet des classements mondiaux en mathématiques et en sciences, les ÉtatsUnis sont arrivés au trente-cinquième rang – juste derrière l’Azerbaïdjan et la Croatie – sur les quarante meilleurs pays en mathématiques où les plus récents tests du Programme international pour le suivi des acquis des élèves ont été administrés en 2006. En sciences, les États-Unis arrivent trente-neuvième sur quarante pays, entre la Latvie et la Lithuanie. Ces classements et résultats ont baissé depuis 2000, année d’instauration du programme No Child Left Behind (NCLB). Bien qu’aux tests internationaux de lecture, les résultats des États-Unis soient plus près des moyennes internationales, ils ont également baissé pendant l’ère NCLB. Ces déclins de résultats aux tests internationaux et une croissance nulle dans le cadre de la National Assessment of Educational Progress se sont produits alors même qu’augmentaient les résultats des États aux tests du programme NCLB. Cela s’explique en partie du fait que les évaluations internationales exigent une analyse plus poussée que la plupart des tests américains. Elles requièrent que les élèves pèsent et évaluent des preuves, appliquent ce qu’ils connaissent à de nouveaux problèmes et expliquent et défendent leurs réponses. Ces Les opinions exprimées ou implicates dans ce document sont uniquement celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association canadienne d’éducation (ACE) et le Stanford Centre for Opportunity Policy in Education (SCOPE).

! !

1!

! !

compétences d’ordre supérieur sont favorisées par les programmes d’enseignement et les systèmes d’évaluation d’autres pays, mais sont découragés par les examens à choix multiples de niveau inférieur que favorise le programme NCLB. Par ailleurs, l’iniquité influe puissamment sur le rendement américain. Les élèves blancs et asiatiques surpassent tout juste la moyenne des pays européens de l’OCDE dans chaque matière évaluée, mais les très faibles résultats des élèves d’origine afro-américaine et hispanique font chuter la moyenne nationale aux rangs inférieurs. Les États-Unis comptent parmi les pays où le milieu socioéconomique détermine le plus le rendement des élèves. Cette situation découle de la plus grande disparité des revenus et du fait que les États-Unis dépensent plus pour l’éducation des enfants riches que celle des pauvres, les banlieues fortunées consacrant souvent le double de ce que peuvent se permettre les centre-villes et trois fois plus que les régions rurales pauvres. La ségrégation des écoles et l’inégalité du financement ont augmenté dans de nombreux États au cours des vingt dernières années, de sorte que de plus en plus d’élèves afro-américains et hispaniques fréquentent des écoles caractérisées par la ségrégation et qui manquent d’enseignants compétents, de manuels et de matériel à jour, de bibliothèques, de laboratoires de sciences, d’ordinateurs, ainsi que d’installations adéquates et sécuritaires. Donc, le classement insatisfaisant des États-Unis découle principalement d’un accès inégal au type d’apprentissage intellectuellement exigeant que mesurent ces évaluations internationales. Pendant son historique campagne à la présidence, Barack Obama a décrit nos écarts de rendement selon la race et la classe sociale comme étant « moralement inacceptables et économiquement intenables ». Alors que les trois quarts des professions en demande croissante nécessitent des études postsecondaires, nos taux de fréquentation collégiale ont chuté du premier rang mondial au dix-septième. Tandis que plus de la moitié des jeunes sont diplômés de collèges dans de nombreux pays d’Europe et d’Asie, moins de 40 pour cent des jeunes Américains – et moins de 20 pour cent des jeunes d’origine afro-américaine et hispanique – obtiennent un diplôme collégial. Proportionnellement plus de jeunes de collectivités minoritaires se joignent aux rangs croissants des détenus, dans ce que le New York Times a récemment baptisé une « nation prison » incarcérant plus d’habitants que tout autre pays du monde. Représentant 5 pour cent de la population mondiale, nous avons 25 pour cent des détenus du monde, une situation engendrant d’indicibles tragédies humaines et coûtant plus de 50 milliards de dollars par an aux contribuables. Dans une économie exigeant des savoirs et des compétences pour travailler et réussir, la plupart des détenus ont décroché de l’école secondaire et sont analphabètes – leur Les opinions exprimées ou implicates dans ce document sont uniquement celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association canadienne d’éducation (ACE) et le Stanford Centre for Opportunity Policy in Education (SCOPE).

! !

2!

! !

niveau d’alphabétisme étant inférieur aux exigences du marché du travail. Des États qui consacrent moins de 10 000 $ par an pour assurer une éducation adéquate aux enfants de couleur dépensent plus tard plus de 30 000 $ par année pour les garder en prison. Depuis les années 1980, à l’échelle nationale, beaucoup plus de fonds sont affectés à l’incarcération qu’à l’éducation. La population carcérale a quadruplé depuis 1980 et les budgets correctionnels des États ont grimpé de plus de 900 pour cent, trois fois plus rapidement que les fonds investis dans l’éducation. Comme les prisons et l’éducation se concurrencent des fonds limités, la forte relation entre la sous-éducation, le chômage et l’incarcération engendre un cercle vicieux. Actuellement, au moins cinq États consacrent plus d’argent au réseau carcéral qu’aux universités et collèges publics. Certains, comme la Californie, réduisent le nombre de places dans leurs systèmes d’éducation supérieure, alors que d’autres pays accroissent rapidement les leurs. Par ailleurs, contrairement à d’autres pays obtenant de bons résultats, nous avons omis d’investir dans les composantes critiques d’un système d’éducation de qualité. Alors que nous fixions des objectifs et des cibles pour les écoles publiques et punissions les écoles qui ne les atteignent pas, nous n’avons pas, comme d’autres nations, investi dans une force d’enseignants bien formés et bien soutenus dans toutes les collectivités. Nous n’avons pas multiplié les systèmes d’écoles qui obtiennent du succès pour qu’ils soient soutenus et offerts à grande échelle. Et nous n’avons pas orienté nos écoles vers les compétences critiques de réflexion et de rendement requises au vingt et unième siècle. Certains États sont des exceptions notables, mais en tant que pays, nous n’avons pas entrepris les réformes systémiques nécessaires pour obtenir la réputation de chef de file incontesté en éducation dont nous jouissions il y a quarante ans. Coup d’œil sur ce que font les pays en tête de palmarès D’autres pays transforment leurs systèmes scolaires en fonction des nouvelles exigences du monde contemporain. Ils étendent l’accès à l’éducation à une partie grandissante de la population et revoient leurs programmes d’enseignement, leur pédagogie et leurs évaluations en fonction des connaissances et compétences plus complexes requises pour le vingt et unième siècle. Ainsi, dès le début des années 1980, la Finlande a démantelé le rigide régime de groupement en classes homogènes qui donnait aux élèves un accès différencié aux connaissances, et éliminé les examens nationaux servant à établir ces groupements, pour les remplacer par des enseignants ayant reçu une formation poussée dans des écoles d’éducation complètement revues, en instaurant des programmes d’enseignement et d’évaluation axés sur la résolution de problèmes, la créativité et l’apprentissage autonome. Ces changements ont propulsé les résultats au sommet des palmarès internationaux et comblé un important – et jusqu’alors insoluble – écart de rendement. Les opinions exprimées ou implicates dans ce document sont uniquement celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association canadienne d’éducation (ACE) et le Stanford Centre for Opportunity Policy in Education (SCOPE).

! !

3!

! !

En une génération, la Corée du Sud s’est transformée, passant d’un pays instruisant moins du quart de ses citoyens jusqu’à la fin du secondaire à une nation dont plus de 95 pour cent des jeunes sont diplômés d’études secondaires et qui arrive au troisième rang de la proportion d’adultes ayant suivi des cours collégiaux, la plupart des jeunes obtenant maintenant un diplôme d’études postsecondaires. L’accès égalitaire aux écoles et un programme uniforme d’enseignement, de même que l’investissement dans des enseignants bien préparés, ont fait partie intégrante de la stratégie nationale. De même, dès les années 1970, Singapour a amorcé sa transformation d’une collection de village de pêcheurs en un moteur économique en bâtissant un système d’éducation assurant à chaque élève l’accès à un solide enseignement, à un curriculum axé sur l’enquête et à des technologies de pointe. En 2003, les élèves de quatrième et de huitième année de Singapour sont arrivés au premier rang mondial en mathématiques et en sciences dans les évaluations des Tendances de l’enquête internationale sur les mathématiques et les sciences. Lorsque les enfants quittent leurs petits appartements sobres des gratte-ciel, ils arrivent dans de magnifiques et spacieux édifices scolaires étalant leurs œuvres d’art, travaux écrits, projets et prix; où les bibliothèques sont bien pourvues; où les technologies didacticielles sont abondantes et où les enseignants sont bien formés et bien soutenus. Une visite à l’école primaire Nan Chiau, par exemple, permet de voir des élèves de quatrième et cinquième année présentant avec enthousiasme les projets scientifiques qu’ils ont conçus et réalisés dans le cadre d’un cycle « expérience, enquête, création » qui se répète tout au long de l’année. Les élèves sont enchantés de guider les visiteurs pour la « marche de l’innovation » dans un long corridor, montrant des projets élaborés par les élèves sur de nombreux sujets. Les élèves étudient des plantes, des animaux et des insectes dans l’éco-jardin de l’école; ils s’occupent de leur propre centre de recyclage; ils rédigent et corrigent les textes de leur émission de radio Internet; ils se servent d’ordinateurs de poche pour jouer à des jeux et formuler des modèles mathématiques développant leurs habilités quantitatives. Leurs enseignants participent à des recherches financées par le gouvernement pour évaluer et améliorer constamment la pédagogie. Il y a certes des écoles semblables aux États-Unis. Mais elles sont loin d’être la norme. Des systèmes comme celui de Singapour se distinguent parce que cette qualité de l’éducation – qui habilite les élèves à utiliser inventivement leurs savoirs – est reprise à l’échelle de ce pays de 4,8 millions d’habitants, soit environ l’équivalent du Kentucky, l’État médian des États-Unis. Et Singapour n’est pas un cas isolé. De nombreux pays d’Asie et d’Europe investissent massivement dans des systèmes d’avant-garde pour hisser tous leurs citoyens à des niveaux Les opinions exprimées ou implicates dans ce document sont uniquement celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association canadienne d’éducation (ACE) et le Stanford Centre for Opportunity Policy in Education (SCOPE).

! !

4!

! !

beaucoup plus élevés. Et l’écart grandissant entre les États-Unis et ces pays – particulièrement dans nos écoles les plus sous-financées – est également effarant. Comparons le portrait d’une école typique à Singapour avec la description d’une école californienne tirée d’une poursuite intentée pour le compte d’élèves de couleur à faible revenu d’écoles similaires à l’échelle de l’État, un demi-siècle après Brown c. Board of Education:

(traduction) À l’école Luther Burbank, les élèves ne peuvent apporter les manuels à la maison pour faire leurs devoirs dans les matières essentielles parce que leurs enseignants n’ont assez de manuels que pour l’utilisation en classe. […] Pour faire leurs devoirs, les élèves apportent des pages photocopiées, sans texte d’accompagnement ou de référence, quand et si leurs enseignants ont assez de papier pour faire ces photocopies. […] Luther Burbank est infesté de vermine et de cafards et les élèves voient couramment des souris dans leurs salles de classe. Un rongeur mort se décompose lentement dans un coin du gymnase depuis le début de l’année scolaire. […] La bibliothèque de l’école est rarement ouverte, n’a pas de bibliothécaire et n’a pas été d’acquisitions récentes. La dernière version de son encyclopédie date d’environ 1988. […] Les salles de classe de Luther Burbank n’ont pas d’ordinateurs. Les cours d’informatique et les compétences en recherche ne font donc pas partie de l’enseignement régulier de Luther Burbank. […] Pour des raisons budgétaires, l’école n’offre plus de cours d’art. […] Dans le gymnase, il manque des tuiles au plafond et d’autres sont craquées, les écoliers ont peur de jouer […] dans le gymnase parce qu’ils craignent que des tuiles du plafond leur tombent dessus. […] L’école n’a pas de climatisation. Lorsqu’il fait chaud, la température grimpe dans les 90 degrés dans les classes. Le système de chauffage de l’école fonctionne mal. L’hiver, les enfants portent souvent des manteaux, chapeaux et gants en classe pour rester au chaud. […] Onze des 35 enseignants de Luther Burbank n’ont pas encore obtenu de véritables titres de compétences en enseignement, autres qu’accélérés, et 17 des 35 enseignants n’ont commencé à enseigner à Luther Burbank que cette année. Dans de telles circonstances, lorsque l’école ne possède pas les rudiments requis pour se concentrer sur la qualité de l’apprentissage et de l’enseignement ou sur le développement d’habiletés de rédaction de grand calibre, il est impossible même de commencer à parler de l’acquisition des savoirs approfondis et des compétences complexes requis des jeunes dans la société d’aujourd’hui et de demain.

Les opinions exprimées ou implicates dans ce document sont uniquement celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association canadienne d’éducation (ACE) et le Stanford Centre for Opportunity Policy in Education (SCOPE).

! !

5!

! !

Apprendre du passé Ces déclins ne sont pas inévitables. Dans le passé, nos résultats en éducation ont beaucoup progressé et nous pouvons le faire encore. Il est facile d’oublier que des gains marqués ont été réalisés dans l’égalisation des intrants et des extrants éducationnels quand ont été lancées les initiatives de déségrégation et de réforme des finances des écoles suivant le jugement Brown v. Board of Education, et à la suite des investissements dans les collectivités pauvres pour lutter contre la pauvreté dans le cadre du programme de la Grande Société. Les niveaux de pauvreté des enfants avaient été réduites à près de la moitié de ce qu’elles sont aujourd’hui. Nous avions alors investi dans la déségrégation, les écoles d’enseignement spécialisées, les écoles communautaires, le développement d’enseignants très qualifiés, les réformes du financement scolaire et l’assistance pour les études supérieures. Ces investissements se sont rentabilisés de façons mesurables. Pendant une courte période dans les années 1970, pour la première et la dernière fois, la fréquentation collégiale des étudiants noirs et hispaniques était comparable à celle des étudiants blancs. Au milieu des années 1970, les écoles urbaines dépensaient autant que les écoles de banlieues et rémunéraient aussi bien leurs enseignants; les pénuries chroniques d’enseignants avaient presque pris fin; les écarts de réussite scolaire avaient considérablement décru. Les investissements fédéraux dans les curriculums ont transformé l’enseignement dans de nombreuses écoles. Les écoles innovatrices se sont multipliées, surtout dans les villes. Les importants gains de rendement des élèves noirs pendant les années 1970 et le début des années 1980 ont coupé de près de moitié l’écart d’alphabétisme en seulement quinze ans. Si ces progrès s’étaient maintenus, l’écart de rendement aurait été éliminé au début du vingt et unième siècle. Malheureusement, cela ne s’est pas produit. Pendant que les pays au sommet des palmarès ont poursuivi les réformes lancées dans les années 1970, les États-Unis ont fait marche arrière pendant les années Reagan, coupant de moitié les budgets d’éducation, abolissant la majeure partie de l’assistance accordée aux villes et du soutien du recrutement et de la formation des enseignants, tout en amputant les budgets des soins de santé et des services sociaux et en faisant passer les coûts aux États, qui ont réduit l’aide d’égalisation accordée aux écoles pour assumer d’autres coûts de services sociaux. Les conservateurs ont lancé une nouvelle théorie de réforme axée sur les résultats, plutôt que sur les intrants – autrement dit, des tests à enjeux élevés sans investissements – pour déterminer la majorité des nouvelles politiques. La situation de nombreuses écoles urbaines et Les opinions exprimées ou implicates dans ce document sont uniquement celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association canadienne d’éducation (ACE) et le Stanford Centre for Opportunity Policy in Education (SCOPE).

! !

6!

! !

rurales s’est détériorée pendant les décennies suivantes. La baisse des dépenses réelles par élève a fait suite aux réductions d’impôts et aux hausses des inscriptions. Simultanément, l’immigration, la concentration de la pauvreté et du sans-abrisme et le nombre croissant d’élèves ayant besoin de cours de langue seconde et de services d’éducation spécialisée ont fait augmenter les besoins des élèves. Quoique certains programmes fédéraux d’assistance aux écoles et régions à besoins élevés aient été restaurés dans les années 1990, ils n’ont pas suffi à résorber les pertes antérieures, et après 2000, l’inégalité s’est encore amplifiée. Que faut-il faire? Bien que certaines écoles américaines figurent parmi les meilleures du monde, après que le besoin de réforme scolaire ait été claironné dans les années 1980, trop d’écoles ont été négligées pendant la vingtaine d’années suivantes. Il nous faut clairement plus qu’une nouvelle série d’objectifs nationaux pour mobiliser un système d’éducation beaucoup plus efficace. Il faut plus, également, que des projets pilotes, des démonstrations, des innovations et d’autres solutions partielles. Nous devons prendre l’éducation des enfants pauvres tout aussi au sérieux que celle des riches, et nous devons instaurer des systèmes qui garantissent d’emblée tous les éléments d’investissement éducatif à tous les enfants. Que cela nécessite-t-il? Comme les pays qui obtiennent un rendement élevé et équitable, il faudrait de solides investissements dans le bien-être des enfants – des soins de santé adéquats, la sécurité du logement et de l’alimentation – afin que les enfants puissent aller à l’école tous les jours et être prêts à apprendre; des programmes préscolaires de qualité pour combler les écarts de réussite existant déjà dès l’arrivée à la maternelle; des écoles équitablement financées procurant des éducateurs et du matériel didactique de qualité, soit les ressources fondamentales de l’apprentissage; un système assurant que les enseignants et les dirigeants de chaque collectivité soient très bien préparés et soutenus afin d’être efficaces; des normes, curriculums et évaluations tenant compte des objectifs d’apprentissage du vingt et unième siècle; des écoles organisées en fonction d’un apprentissage approfondi des élèves et des enseignants et outillées pour répondre aux besoins sociaux des enfants, tout comme l’ont fait les écoles communautaires [voir David L. Kirp, « Cradle to College », page 26]. Jusqu’ici, l’administration Obama a fait des pas affirmatifs pour réaliser une partie de ce programme : les soins de santé ont été garantis aux enfants par la réforme du système de santé et les investissements en éducation de la petite enfance ont été accrus, quoique les efforts aient jusqu’ici porté davantage sur l’expansion de l’accès que sur la qualité de l’enseignement. Le président a également augmenté le financement fédéral des collèges, qui avait tellement chuté que de nombreux jeunes qui étaient admissibles ne pouvaient se permettre des études Les opinions exprimées ou implicates dans ce document sont uniquement celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association canadienne d’éducation (ACE) et le Stanford Centre for Opportunity Policy in Education (SCOPE).

! !

7!

! !

collégiales. Les mesures de stimulation du gouvernement mettant 100 milliards de dollars à la disposition des écoles ont étanché certaines des hémorragies les plus graves de ressources et de personnel qu’aurait engendrées la récession l’an dernier. Et le président s’intéresse à l’idée d’administrer des évaluations intellectuellement plus réfléchies qui « ne mesurent pas uniquement si les élèves sont capables de noircir des bulles sur une feuille, mais s’ils possèdent des compétences du vingt et unième siècle comme la résolution de problèmes, la pensée critique, l’esprit d’entreprise et la créativité ». Cette préoccupation sera instaurée au moyen de subventions accordées par voie de concours à des consortiums d’État élaborant de nouvelles évaluations axées sur de nouvelles normes fondamentales communes d’apprentissage en mathématiques et en anglais. Les aspects les plus véhiculés de l’initiative Race to the Top portent toutefois sur des questions périphériques, plutôt que sur les investissements caractérisant les améliorations marquées des systèmes d’éducation ici et à l’étranger. Aucun pays n’a obtenu des résultats élevés en instaurant des cibles de résultats à des examens pour récompenser des écoles ou en fermer d’autres qui servent les élèves ayant les besoins les plus criants, sans leur fournir des ressources adéquates et un enseignement de qualité. L’instauration de Race to the Top n’oblige pas les États à égaliser les fonds affectés aux écoles sous-financées, ni même à maintenir leurs engagements existants à ces écoles, dont un grand nombre ont dû couper considérablement leurs budgets, mettant à pied des dizaines de milliers d’enseignants, augmentant parfois à plus de quarante les effectifs des classes et sabrant dans des programmes efficaces. Dans ce contexte, les écoles accueillant des élèves ayant des besoins élevés doivent rehausser leurs résultats ou risquer la fermeture, malgré les preuves cumulées par le Consortium on Chicago School Research selon lesquelles de meilleurs résultats n’ont pas suivi la fermeture et le remplacement de plus de 100 écoles de cette ville ayant un faible rendement.

Race to the Top exige l’expansion des écoles à charte dans les États, sans assurer la qualité ou l’accès, malgré les preuves recueillies par la plus importante étude nationale jusqu’ici (menée par le Hoover Institution de l’Université Stanford), selon lesquelles les résultats des écoles à charte sont plus fréquemment inférieurs que supérieurs à ceux des autres écoles desservant des élèves similaires; et les preuves de nombreuses autres études indiquant que les écoles à charte accueillent beaucoup moins d’élèves ayant des besoins particuliers et d’apprenants d’anglais. Il existe effectivement d’excellentes écoles à charte, tout comme il existe d’excellentes écoles dans le système scolaire public, mais la loi vise moins à étendre l’excellence qu’à changer la gouvernance. Les pays privilégiant l’expansion de la qualité – comme Singapour, la Finlande et Les opinions exprimées ou implicates dans ce document sont uniquement celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association canadienne d’éducation (ACE) et le Stanford Centre for Opportunity Policy in Education (SCOPE).

! !

8!

! !

le Canada – ont instauré des stratégies pour que les écoles partagent les pratiques favorisant la réussite au moyen de réseaux, propulsant ainsi l’amélioration continue de l’ensemble du système. Plutôt que d’établir un cadre d’amélioration marquée des connaissances, des compétences et de la distribution équitable des enseignants, comme l’ont fait les pays obtenant d’excellents résultats, Race to the Top incite les États à élargir les programmes d’accréditation de rechange et à alléger les programmes d’études des enseignants futurs, malgré les constatations selon lesquelles l’embauche d’enseignants issus de programmes allégés réduit le rendement des élèves. Aussi, Race to the Top omet en grande partie les investissements critiques requis pour préparer et répartir d’excellents enseignants et gestionnaires d’écoles. Les primes de rémunération ne suffisent pas, isolément, à recruter et à retenir des enseignants, sans instaurer des conditions de travail et des salaires concurrentiels équitables. Le congédiement d’enseignants inefficaces ne peut améliorer l’enseignement ou les résultats des élèves s’il n’existe pas de stratégies assurant l’arrivée stable d’enseignants très efficaces qui demeureront dans leurs collectivités. L’évaluation des enseignants doit devenir plus rigoureuse et leur efficacité devrait être récompensée, mais ces seules stratégies ne réussiront que si elles s’inscrivent dans un système universel et de qualité de préparation, de mentorat et de soutien – incluant des écoles adéquatement financées et bien conçues qui permettent et favorisent de bonnes pratiques. Plutôt que des stimulants à court terme et des solutions précipitées, les politiques fédérales devraient porter sur la consolidation des capacités de tout le système. Pour réaliser ces conditions, la politique fédérale doit porter tant sur les normes de possibilités d’apprentissage que sur l’évaluation des progrès scolaires. Le gouvernement doit égaliser le financement accordé aux États, qui doivent être incités à consacrer à tous les élèves des fonds comparables, ajustés en fonction des besoins des élèves et du coût de la vie, ainsi que des stimulants et des renseignements destinés à diriger productivement les dépenses afin de maximiser la probabilité de réussite des élèves. Enfin, un système équitable adéquat doit tenir compte de la disponibilité d’éducateurs bien préparés – la ressource la plus fondamentale – en bâtissant une infrastructure assurant une préparation de qualité de tous les éducateurs et la disponibilité d’enseignants bien formés pour tous les élèves, dans toutes les collectivités. Bien que le plan gouvernemental de réautorisation de l’Elementary and Secondary Education Act (dont l’itération la plus récente a été No Child Left Behind) comporte quelques indices des stratégies précitées, son cadre prévoit toujours des concours et des sanctions pour propulser la réforme, plutôt que de bâtir la capacité et d’investir stratégiquement. Si ce cadre principal des Les opinions exprimées ou implicates dans ce document sont uniquement celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association canadienne d’éducation (ACE) et le Stanford Centre for Opportunity Policy in Education (SCOPE).

! !

9!

! !

politiques fédérales et étatiques est maintenu, il est improbable que nous puissions reconstruire de bonnes écoles dans chaque collectivité. Pour satisfaire aux exigences du vingt et unième siècle, les États-Unis ne doivent pas se contenter d’un ensemble d’initiatives disparates et fluctuantes de réforme. Nous devons adopter un ensemble de politiques réfléchies, bien structurées et bien appuyées permettant aux jeunes de s’épanouir dans un monde nouveau. Nous devons aussi, enfin, tenir la promesse américaine d’instaurer l’éducation pour tous également, de façon à permettre à chaque membre de la société de réaliser une vie productive et de contribuer au bien-être collectif. C’est ce défi qu’Obama s’est engagé à relever, et c’est celui que nous devons espérer qu’il poursuive vigoureusement. Cet article a été publié antérieurement dans The Nation (http://www.thenation.com) le 27 mai 2010.

Cet article est adapté de The Flat World and Education: How America's Commitment to Equity Will Determine Our Future, Linda Darling-Hammond, (Teachers College Press). Source URL : http://www.thenation.com/article/restoring-our-schools

Les opinions exprimées ou implicates dans ce document sont uniquement celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’Association canadienne d’éducation (ACE) et le Stanford Centre for Opportunity Policy in Education (SCOPE).

! !

10!