Outre-mer - Ministère de la Défense

17 mai 2017 - Rédaction : Ministère de la Défense, SIRPA Marine Balard parcelle Est Tour F, 60 bd du Général Martial Valin CS 21623 – 75509 ... marine.defense.gouv.fr Site : www.colsbleus.fr Directeur de publication : CV Bertrand ... Outre-mer – Stratégie de souveraineté ..... ambitions internationales et des menaces.
7MB taille 30 téléchargements 372 vues
www.colsbleus.fr

LE MAGAZINE DE LA MARINE NATIONALE

N°3058 — MAI 2017

RENCONTRE VAE MARC DE BRIANÇON, ALFAN PAGE 28 PLANÈTE MER OCÉANIDES L’HISTOIRE UNIVERSELLE VUE DES OCÉANS PAGE 30

© Florian MEIZAND

IMMERSION 5 MOIS ET DEMI D’ENGAGEMENT : LA PERFORMANCE DU FORBIN PAGE 42

Outre-mer Stratégie de souveraineté

Publicité

Éditorial

Remplir les missions de la Marine en se renouvelant

© M. DENNIEL/MN

L

Vice-amiral d’escadre

Jean-Baptiste Dupuis, directeur

du personnel militaire de la Marine

a dimension RH est fondamentale pour la Marine de demain. Elle constitue indéniablement l’un des plus grands défis de notre transformation. La gestion de la ressource humaine est complexe : recruter, former, employer, fidéliser et reconvertir constituent les grandes étapes de la génération des compétences, qui conditionnent l’aptitude de la Marine à remplir ses missions et l’épanouissement du marin dans son parcours de carrière. Nous vivons une époque aussi passionnante qu’incertaine. Le monde a profondément changé durant ces trente dernières années, avec l’apparition de ruptures majeures : territorialisation des mers, redistribution des puissances maritimes, extrême sensibilité des échanges économiques à flux tendus, démocratisation des armements, multiplication des foyers de crise, changements climatiques. La dimension maritime est présente dans chacun de ces enjeux, la recherche de dimension océanique des grandes marines étrangères en est l’une des preuves manifestes. Dans ce contexte, le maintien d’une dissuasion forte et crédible est primordial. La Marine l’assure depuis 1972 et la première patrouille du Redoutable. Cette mission n’est possible que si la Marine peut compter

sur des hommes et des femmes capables d’exercer les métiers de l’atome : assurer la conduite et la maintenance de nos réacteurs nucléaires embarqués et des installations à terre, être capable de mettre en œuvre les armes, maîtriser sans faille la sûreté nucléaire inhérente à l’exploitation de cette énergie. La Marine a besoin de volontaires qui s’engagent dans ces métiers exigeants mais passionnants, que je vous invite à découvrir dans ce numéro. Par ailleurs, les enjeux maritimes évoqués nécessitent la présence de nos forces sur l’ensemble du globe et en particulier dans les zones de souveraineté française, dont les ressources sont convoitées. L’arrivée de nouveaux bâtiments permet d’y renouveler nos moyens : bâtiments multimissions B2M, patrouilleurs légers guyanais PLG, patrouilleur polaire PLV, bientôt bâtiments de surveillance et d’intervention BATSIMAR. Ainsi, 2 500 marins servent outre-mer pour défendre les intérêts de la France dans ces zones éloignées. Plus globalement, la Marine ne peut agir sur l’ensemble du spectre de ses missions, opérationnelles ou non, qu’en s’appuyant sur un personnel de qualité, motivé et heureux : chaque marin compte, et la Marine doit pouvoir compter sur chaque marin.

LE MAGA ZINE DE L A MARINE NATIONALE Rédaction: Ministère de la Défense, SIRPA Marine Balard parcelle Est Tour F, 60 bd du Général Martial Valin CS 21623 – 75509 Paris cedex 15 Téléphone: 09 88 68 57 17 Contact internet: redaction.sirpa@ marine.defense.gouv.fr Site: www.colsbleus.fr Directeur de publication: CV Bertrand Dumoulin, directeur de la communication de la Marine Adjoint du directeur de la publication: CF Benjamin Chauvet Directeur de la rédaction: LV François Séchet Rédacteur en chef: LV François Séchet Rédacteur en chef adjoint: SACN Philippe Brichaut Secrétaire: SM Christophe Tandt Rédacteurs: ASP Marie Morel, ASP Thomas Casaux Infographie: EV1 Paul Sénard Conception-réalisation: IDIX, 33 rue de Chazelles 75017 Paris Direction artistique: Gilles Romiguière Secrétaire de rédaction: Céline Le Coq Rédacteurs graphiques: Bruno Bernardet, Nathalie Pilant Photogravure: Média Grafik Couverture: J. Bellenand/MN 4e de couverture: Paul Sénard/MN Imprimerie: Direction de l’information légale et administrative (DILA), 26 rue Desaix, 75015 Paris Abonnements: 01 49 60 52 44 Publicité, petites annonces: ECPAD, pôle commercial – 2 à 8 route du Fort 94205 Ivry-sur-Seine Cedex – Christelle Touzet – Tél: 01 49 60 58 56 Email: [email protected] – Les manuscrits ne sont pas rendus, les photos sont retournées sur demande. Pour la reproduction des articles, quel que soit le support, consulter la rédaction. Commission paritaire: n° 0211 B 05692/28/02/2011 ISBN: 00 10 18 34 Dépôt légal: à parution COLS BLEUS - N°3058 —

3

Publicité

actus 6

30 planète mer Océanides – L’histoire universelle vue des océans

32 vie des unités Opérations, missions, entraînements quotidiens. Les unités de la Marine en action

36 RH - Atomicien, un métier rempli d’énergie - Enquête, accompagner le marin et sa famille

passion marine 16 Outre-mer – Stratégie de souveraineté

40 portrait QM1 mécanicien naval Moetini

42 immersion 5 mois et demi d’engagement : la performance du Forbin

focus 26 Renouvellement de la flotte outre-mer

44 histoire Dissuasion : la construction du premier équipage du Redoutable

rencontre 28 « À la mer, la réussite de tous repose sur la responsabilité de chacun », VAE Marc de Briançon, ALFAN

48 loisirs Toute l’actualité culturelle de la mer et des marins

COLS BLEUS - N°3058 —

5

actus

6 — COLS BLEUS - N°3058

instantané

5 AVRIL 2017 : RETOUR DU FORBIN À TOULON

© S. GHESQUIERE /MN

Après avoir appareillé de Toulon le 25 octobre 2016, la frégate de défense aérienne (FDA) Forbin a conduit 163 jours d’opérations au cours de son déploiement opérationnel en océan Indien et en Méditerranée orientale. Elle a escorté trois porte-avions et un bâtiment de projection et de commandement et assuré la maîtrise du ciel au profit de plus de 1 000 avions se rendant sur le théâtre des opérations du Levant. L’amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la Marine, a rejoint l’équipage pour sa dernière nuit en mer avant l’accostage à Toulon et les retrouvailles avec les familles.

COLS BLEUS - N°3058 —

7

instantané

DU 3 AU 14 AVRIL : EXERCICE SKRENVIL

© F. EUSTACHE/MN

En Méditerranée occidentale, 1 000 militaires ont participé à l’entraînement opérationnel Skrenvil. Cet exercice conjoint entre l’armée de Terre et la Marine nationale avait pour objectif de consolider les procédures de déploiement amphibie. Le groupe amphibie, composé du bâtiment de projection et de commandement (BPC) Dixmude, de la frégate antiaérienne (FAA) Cassard, de la frégate anti-sous-marine (FASM) Montcalm et du groupement des plongeurs démineurs de la Méditerranée (GPD Med), a mis à terre un groupement tactique interarmées (GTIA) de la 6e brigade légère blindée. Soit, au total, plus de 70 véhicules et plusieurs hélicoptères de manœuvre et d’attaque.

8 — COLS BLEUS - N°3058

COLS BLEUS - N°3058 —

9

actus

Amers et azimut

Instantané de l’actualité des bâtiments déployés 3 1

DONNÉES GÉOGRAPHIQUES Source Ifremer

MANCHE – MER DU NORD – ARCTIQUE

PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE A PHM PM L’Her • PHM CDT Blaison

DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE PSP Cormoran

OPÉRATION CORYMBE PHM EV Jacoubet • Falcon 50 MISSION HYDROGRAPHIQUE BH Laplace

ANTILLES

ZEE : env. 138 000 km

OCÉAN ATLANTIQUE

2

DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE BBPD Styx • BE Tigre • B FREMM Provence + Caïman Marine

GUYANE

ZEE : env. 126 000 km

2

OCÉAN ARCTIQUE

OPÉRATION CARIB ROYALE FS Germinal + 1 Panther

CLIPPERTON

ZEE : env. 434 000 km2

MÉTROPOLE

ZEE : env. 349 000 km2 3

NOUVELLE-CALÉDONIE – WALLIS ET FUTUNA ZEE : env. 1 625 000 km2

OCÉAN ATLANTIQUE

SAINT-PIERRE-ETMIQUELON

1

ZEE : env. 10 000 km2

Antilles

TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES

Clipperton

ZEE : env. 1 727 000 km2

POLYNÉSIE FRANÇAISE ZEE : env. 4 804 000 km2

LA RÉUNION – MAYOTTE – ÎLES ÉPARSES ZEE : env. 1 058 000 km

5

OCÉAN PACIFIQUE 5

OCÉAN PACIFIQUE MISSION JEANNE D’ARC FLF Courbet • D BPC Mistral + Dauphin

2

MISSION TRIDENT B2M D’Entrecasteaux • P400 La Moqueuse • P400 La Glorieuse POLICE DES PÊCHES Patrouilleur Arago

Points d’appui PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE Bases permanentes en métropole, E FS Prairial + Alouette III outre-mer et à l’étranger Zones économiques exclusives françaises

10 — COLS BLEUS - N°3058

Guyane

2

actus

38 15

AÉRONEFS

3 024

Sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) Sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) © F. BOGAERT/MN

BÂTIMENTS

LE 24 AVRIL 2017

MISSIONS PERMANENTES

Équipes spécialisées connaissance et anticipation Fusiliers marins (équipes de protection embarquées - EPE) Commandos (opérations dans la bande sahélosaharienne opération Barkhane)

A

2

MARINS

MER MÉDITERRANÉE OPÉRATION CHAMMAL FLF La Fayette + Panther

DÉFENSE MARITIME DU TERRITOIRE PHM CDT Bouan

2

C

OCÉAN PACIFIQUE

Polynésie française

OCÉAN INDIEN © F. LUCAS/MN

Mayotte

Wallis et Futuna

© J.-P. PONS/MN

B

PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE FAA Jean Bart

4

© Y. BISSON/MN

OPÉRATION SOPHIA PHM CDT Birot

La Réunion

4 Saint-Paul

OCÉAN INDIEN

NouvelleCalédonie

D

OPÉRATION CHAMMAL C 1 ATL 2 • 4 Rafale Marine MISSION DE GUERRE DES MINES CMT Cassiopée • CMT Andromède

Kerguelen

© J. BELLENAND/MN

MISSION HYDROGRAPHIQUE BHO Beautemps-Beaupré

Crozet

SOUTIEN À LA TF 150 FLF Surcouf + Panther

E D D COLS BLEUS - N°3058 —

11

actus

en images 1 27/03/2017 WAKRI 17

Le groupe Jeanne d’Arc achève son premier exercice majeur de la mission. Élaboré par l’état-major embarqué à bord du bâtiment de projection et de commandement (BPC) Mistral, Wakri 17 a répondu à trois objectifs : consolider la capacité française à planifier et conduire des opérations inter-armées à dominante amphibie, entretenir la capacité opérationnelle de projection de force des Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj), et renforcer l’interopérabilité avec les Américains, notamment le groupement des US Marine Corps (USMC). 2 27/03/2017 COOPÉRATION RÉAFFIRMÉE

Une réunion trilatérale s’est tenue le 27 mars à Londres entre l’amiral John Richardson, Chief of Naval Operations américain, l’amiral Philip Jones, First Sea Lord britannique, et l’amiral Christophe Prazuck chef d’étatmajor de la Marine. L’US Navy, la Royal Navy et la Marine nationale ont tissé depuis des décennies des liens privilégiés (interopérabilité et coopération) réaffirmés et formalisés à cette occasion.

1

12 — COLS BLEUS - N°3058

© F. LUCAS/MN

3 13/04/2017 UN FRANÇAIS À LA TÊTE DE LA CTF 150

Le contre-amiral Olivier Lebas a pris le commandement de la Combined Task Force 150 pour une durée de 4 mois, succédant ainsi au commodore canadien Haydn Edmundson. La passation de commandement entre les états-majors s’est déroulée à Manama, au Royaume de Bahreïn.

actus 4 17/03/2017 OPÉRATION HUMANITAIRE

© O.COOBAN/ROYAL NAVY

À la suite des dégâts causés par le passage du cyclone Enawo le 7 mars 2017, le patrouilleur Le Malin a été déployé pour une mission d’assistance aux populations, en réponse à la demande des autorités malgaches. Au total, 45 tonnes de fret humanitaire ont été acheminées depuis La Réunion vers Madagascar.

2

5 18/03/2017 LA COOPÉRATION FRANCO-AMÉRICAINE, UNE RÉALITÉ OPÉRATIONNELLE

Actuellement déployée dans la zone de responsabilité du commandant des Forces armées aux Antilles dans le cadre de la vérification de ses capacités militaires (VCM), La Confiance a réalisé un exercice de visite (Visitex) croisé avec l’USCGC (US Coast Guards Cutter) Winslow Griesser, patrouilleur des gardes-côtes américains dans le cadre de leur entraînement à la lutte contre le narcotrafic.

6

© MN

4

© J.-P. PONS/MN

5

© J. LEO/USCG

3

© DR

6 20/03/2017 PREMIÈRE PIERRE POUR LE SMV BREST

Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a posé officiellement la première pierre du centre de service militaire volontaire (SMV) « Marine » à Brest. Situé sur le site militaire de la Villeneuve, le centre SMV accueillera dans un premier temps 50 volontaires encadrés par 31 marins, à partir de novembre 2017 pour une formation qui durera 4 mois. À l’issue de cette première période, les volontaires partiront dans des centres de formation professionnelle.

COLS BLEUS - N°3058 —

13

actus

« Les CMF [Combined Maritime Forces] existent afin de promouvoir la sécurité, la stabilité et la prospérité le long d’une des voies de navigation les plus importantes du monde, mais également de dénier aux terroristes l’accès à leurs sources de financement et d’entraver leur liberté de manœuvre. » Contre-amiral Olivier Lebas, le 17 avril 2017 à Manama (Barheïn) lors de la cérémonie de passation de commandement de la CTF 150.

DEFNET

Mise à niveau permanente

© F.LEDOUX/MN

Nouveau doublé pour les équipes du Rugby club de la Marine nationale (RCMN)

DU 20 AU 31 MARS 2017, S’EST DÉROULÉ LA 4E ÉDITION DE DEFNET, EXERCICE INTERARMÉES qui entraîne de nombreux spécialistes militaires de la gestion de crise cyber répartis sur plusieurs sites militaires, dont des unités opérationnelles basées à Brest et Toulon. Il mobilise également des écoles et établissements d’enseignement supérieur, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et des partenaires industriels. Ce champ de confrontation nécessite une mise à niveau permanente, un haut niveau de compétences professionnelles, des réponses et des expertises très spécifiques.

C

HAQUE ANNÉE DEPUIS LE BICENTENAIRE DE LA BATAILLE DE TRAFALGAR, LA MARINE ET LA ROYAL NAVY SE RETROUVENT POUR DISPUTER LE TROPHÉE DU CHALLENGE « BABCOCK » POUR LES GARÇONS ET CELUI DE L’« ENTENTE CORDIALE » POUR LES FILLES. En 2016, la rencontre s’est tenue à Toulon, cette année à Plymouth. Lors d'un match serré, les garçons du RCMN ont battu l’équipe de la Royal Navy Rugby Union (RNRU) 15 à 19. Au bilan, sur 13 éditions les garçons du RCMN mènent 7 victoires à 6 avec une série en cours de 4 victoires successives. Les filles, quant à elles, ont mené d’un bout à l’autre leur rencontre et ont inscrit 5 essais contre 3. Elles l’emportent 17 à 35 ce qui leur permet de rester sur une série de 7 victoires consécutives. Le RCMN a une fois de plus, incarné les valeurs de solidarité, de respect, de discipline, d’implication individuelle, d’intelligence collective, d’abnégation, de courage et de détermination nécessaires à la fois pour l’emporter et pour vivre en équipage. Les équipes du RCMN sont constituées de marins de carrière ou sous contrat affectés à terre ou à la mer.

© F.LEDOUX/MN

« Dans les profondeurs, chaque jour depuis 45 ans, nous assurons la permanence océanique de la dissuasion nucléaire, l’assurance vie ultime de la nation. Cette mission est structurante pour l’ensemble de la Marine, comme la dissuasion est structurante pour la place de notre pays dans le monde. » Amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major de la Marine, discours prononcé à Toulon, le 28 février 2017 à l’occasion du départ de la mission Jeanne d’Arc.

Crunch 2017

© LEE CRABB/RN

dixit

le chiffre

© LEE CRABB/RN

43 000

14 — COLS BLEUS - N°3058

milles marins (2 fois le tour de la Terre), c’est la distance parcourue par la frégate de défense aérienne (FDA) Forbin au cours de son déploiement opérationnel de 5 mois et demi.

actus

enbref

07 AVRIL 2017 L’EIP 50S FÊTE SES 20 ANS

Chammal

MIS EN PLACE LE 31 MARS EN JORDANIE, les Rafale Marine du « plot mixte » (binôme Rafale Air/Marine) ont conduit, dès le 2 avril 2017, une mission opérationnelle complète et importante. À la suite d’un vol de reconnaissance de l’Atlantique 2, les Rafale « Air » et « Marine », ont mené une frappe et réalisé les observations post-raid contre une unité d’assemblage de véhicules piégés et d’engins explosifs de Daech.

Nouvelle-Calédonie

Coordination contre la pêche illicite

DU 22 MARS AU 4 AVRIL 2017, les marins des Forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC) ont conduit une opération de police des pêches, en plusieurs volets. Quatre navires en action de pêche illicite, dénommés « Blue boats » (surnommés ainsi en raison de leur coque bleue), ont été signalés à l’est des îles Salomon. Un aéronef de surveillance maritime Falcon 200 Gardian du détachement de la flottille 25F a été dépêché. Il a ensuite assuré la coordination avec le patrouilleur Auki des îles Salomon, qui a intercepté trois des contrevenants dans la nuit du 25 au 26 mars. Dans la matinée du 31 mars, le Gardian a également détecté deux « Blue boats » supplémentaires. Ces deux semaines d’actions démontrent que le développement de la coopération avec les pays du Pacifique pour contrer la pêche illicite est efficace.

© DR

Première mission opérationnelle

East Dolphin 17

Guerre des mines dans le golfe Arabo-Persique

P

ROFITANT DU DÉPLOIEMENT D’UN GROUPE DE GUERRE DES MINES FRANÇAIS DANS LE GOLFE ARABOPERSIQUE (GAP), l’exercice de guerre des mines East Dolphin 17 a été organisé et conduit conjointement par la France et les Émirats arabes unis (EAU). Cette première édition s’est déroulée dans les eaux émiriennes du 15 au 23 mars avec la participation de la totalité des alliés et partenaires de la France dans le golfe Arabo-Persique. Toutes les nations possédant des capacités de guerre des mines et présentes dans le golfe Arabo-Persique y ont participé : Arabie Saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis, Qatar, États-Unis, Grande-Bretagne et France. Cette force navale de neuf nations avait pour principal objectif d’améliorer son interopérabilité en cas d’opérations conjointes dans le domaine de la lutte contre les mines, afin de rétablir en cas de nécessité la liberté de circulation du trafic maritime depuis la haute mer jusqu’en zone portuaire. Un groupe de guerre des mines comprenant les chasseurs de mines tripartites (CMT) Andromède et Cassiopée, un détachement du groupe de plongeurs démineurs de l’Atlantique et un état-major de guerre des mines est déployé pour quatre mois en océan Indien et dans le golfe Arabo-Persique.

La 3e édition de la Commission consultative de la réserve opérationnelle de la Marine (CCRO-M) s’est tenue au fort Lamalgue le 30 mars 2017. C’est la première fois que cette commission chargée d'améliorer la concertation au sein de la réserve opérationnelle est réunie depuis la création de la Garde nationale le 13 octobre dernier.

INTERVENTION DÉFENSE AÉRIENNE DU TERRITOIRE

La police du ciel ou PO (permanence opérationnelle) a été assurée par les Rafale Marine pour la zone Ouest, du 16 au 30 mars. Ainsi 4 pilotes, 30 techniciens et 2 avions armés se tenaient prêts à décoller en 7 minutes pour intervenir contre toute menace terroriste, incursion illégale dans l’espace aérien français ou assistance à avion en détresse.

Basée à Lanvéoc, l’École d’initiation au pilotage/Escadrille 50S (EIP 50S) sélectionne puis instruit les futurs pilotes de l’aéronautique navale (chasse, patrouille maritime, hélicoptères) depuis deux décennies.

MANCHE SAUVETAGE AU LARGE DE CALAIS

Le 11 avril 2017, vers 00h15, le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) GrisNez reçoit un appel de détresse d’un groupe de migrants naufragés se trouvant à bord d’une embarcation de type pêche-promenade, en train de couler. À 02h45, le patrouilleur de service public Flamant retrouve l'embarcation et réussit à récupérer les 6 occupants de nationalité iranienne. Ils reçoivent les premiers soins des marins du patrouilleur avant d’être remis à la gendarmerie maritime.

VOILE SPI OUEST FRANCE

© M. MULLER/MN

© J.-P. PONS/MN

CONCERTATION CCRO-M

COOPÉRATION ÉCHANGES FRANCO-ÉGYPTIENS

Au cours de son transit vers l’océan Indien, la frégate Surcouf a conduit une série d’exercices, le 12 avril, avec des bâtiments de la Marine égyptienne déployés autour du BPC Nasser. Le Surcouf et le Nasser, accompagnés d’une frégate et d’un patrouilleur de la Marine égyptienne, ont effectué des évolutions tactiques suivies de manœuvres aviation.

La 39e édition du Spi Ouest France s’est tenue à La Trinité-sur-Mer (Morbihan) du 13 au 17 avril 2017. Au total, 409 participants, dont trois équipages arborant les couleurs de la Marine, s’étaient donné rendez-vous sur la ligne de départ de la compétition. À l’issue de la course, le contre-amiral Benoît Lugan, directeur général et commandant de l’École navale, a remis le prix du fair play à François Moriceau sur JP 4 10/10 Mary qui s'est particulièrement illustré lors de sa course. En effet, tout en régatant, le skipper a signalé à la SNSM (Société nationale des sauveteurs en mer) un véliplanchiste en difficulté.

COLS BLEUS - N°3058 —

15

passion marine

Outre-mer Stratégie de souveraineté

Espaces singuliers, en réalité pluriels, les outre-mer font de la France l’un des seuls États au monde riverain de cinq océans, avec près de 19 000 km de littoral. Un chiffre illustre cette réalité : 97 % des 11,2 millions de km2 de zones économiques exclusives (ZEE) se situent en outre-mer. Défense maritime du territoire (DMT), police des pêches, lutte contre la pollution, lutte contre les trafics illicites en mer, lutte contre la piraterie et sauvetage en mer… La Marine, engagée en permanence, contrôle ces espaces pour préserver la paix, défendre la souveraineté des intérêts de la France et des Français. Focus sur les missions menées par les marins dans ces zones d’intérêt. DOSSIER RÉALISÉ PAR L’ASP MARIE MOREL 16 — COLS BLEUS - N°3058

© J.BELLENAND/MN

passion marine

COLS BLEUS - N°3058 N°2983 —

17

passion marine

Les moyens de la Marine outre-m FORT-DE-FRANCE (Martinique) FS - Germinal FS - Ventôse BATRAL - Dumont d’Urville Panther - 36F Alouette III - 22S RPC - Maito 1 DET FUS PCG - Violette

SAINT-PIERRE (Saint-Pierre-et-Miquelon) Patrouilleur - Fulmar

SaintPierre-etMiquelon ZEE env. 10 000 km2

PAPEETE (Tahiti) FS - Prairial Patrouilleur -Arago 2 Falcon 200 - 25F Dauphin N3+ - 35F Alouette III - 22S B2M - Bougainville RPC - Marini RPC - Maroa DET FUS PCG - Jasmin

Antilles ZEE env. 138 000 km2

Brest

Dakar Guyane ZEE env. 126 000 km2

Clipperton ZEE env. 434 000 km2

DÉGRAD-DES-CANNES (Guyane)

© MÉLANIE DENNIEL/MN

Polynésie-Française ZEE env. 4 804 000 km2

1

Des espaces pluriels

Une puissance maritime

L

’outre-mer est une chance pour la France, les outre-mer plutôt, le pluriel traduisant la diversité et les complexités rencontrées. Leur importance est en premier lieu stratégique : la France est présente sur tous les océans du monde et dispose de ce fait d’une légitimité et d’un support essentiel à sa vocation mondiale. L’autre point capital est la souveraineté, car qui dit richesses dit convoitises et donc besoin d’ordre et de protection. Dans chaque zone maritime, la Marine peut s’appuyer sur une base navale, renforcée par des points d’appui stratégiques, qui lui fournissent un précieux soutien logistique. De plus, la Marine, aux côtés d’autres administrations et forces armées (Gendarmerie, 18 — COLS BLEUS - N°3058

Douanes, Affaires maritimes…) est pleinement engagée dans les dispositifs de défense et de souveraineté des vastes espaces maritimes. La conduite des activités s’exerce sous le contrôle opérationnel du commandant interarmées (COMIA). Un COMIA se voit attribuer des missions par le CEMA, dans une zone de responsabilité permanente (ZRP), qui est une zone géographiquement délimitée. Les enjeux stratégiques de la France sont de trois ordres : sécuritaires, économiques et environnementaux. Dans le cadre de la défense maritime du territoire (DMT) et de l’action de l’État en mer, le COMIA est assisté par le commandant de zone maritime (CZM), un officier de marine s’il ne l’est pas lui-même. CONNAISSANCE ET ANTICIPATION

La fonction connaissance et anticipation a une importance particulière dans ces zones éloignées du territoire métropolitain, où la Marine est en première ligne. Allant de la collecte de l’information à la préparation éclairée de la décision politique et opérationnelle, une bonne connaissance de l’environnement stratégique et tactique est indispensable à la prévention des risques et

P400 - La Gracieuse ERF - Caouanne PLG - La Confiance

Zones économiques exclusives

Points d’appui

8 bases navales

Zones de piraterie

des menaces. Dans les outre-mer comme sur l’ensemble des théâtres d’opérations où elle est engagée, la France veille à maintenir son dispositif d’acquisition et de traitement du renseignement à la hauteur de ses ambitions internationales et des menaces auxquelles elle est confrontée.

Une nouvelle base navale à Mayotte L’état-major de la Marine a décidé la transformation de l’« élément de base navale » de Mayotte en base navale « Mayotte ». Ce changement de statut, effectif depuis le 9 septembre 2016, est une reconnaissance du statut et des missions conduites par les marins de la base navale, point d’appui essentiel pour les unités de la Force d’action navale prépositionnées au sein des Forces armées dans la zone sud de l’océan Indien (FAZSOI). Implantée sur le rocher de Dzaoudzi depuis 1977 et armée par 38 marins, la base navale de Mayotte est un élément clé dans la chaîne logistique de ravitaillement des forces de souveraineté qui assurent la permanence de la présence française dans les îles Éparses. Ses prérogatives en font une pièce maîtresse du dispositif de lutte contre l’immigration clandestine par voie maritime.

Bases scientifique

passion marine

e outre-mer PORT DES GALETS (La Réunion)

lon)

FS - Floréal FS - Nivose Patrouilleur - Le Malin Panther - 35F 1 DET FUS

ainterre-etquelon E env. 0 000 km2

NOUMÉA (Nouvelle-Calédonie) FS - Vendémiaire P400 - La Moqueuse P400 - La Glorieuse Alouette III B2M - D’Entrecasteaux 2 Falcon 200 1 DET FUS

Cherbourg

ABU DHABI

Brest Toulon

m2

Dakar

DJIBOUTI

Guyane ZEE env. 126 000 km2

Wallis-et-Futuna ZEE env. 266 000 km2

MAYOTTE

CANNES La Réunion - Mayotte - Îles Éparses ZEE env. 1 058 000 km2 Saint-Paul et

cieuse ne ance

Nouvelle-Calédonie ZEE env. 1 364 000 km2

Amsterdam

Crozet Kerguelen

FS : Frégate de surveillance B2M : Bâtiment multimissions RPC : Remorqueur portuaire et côtier DET FUS : Détachement de fusiliers marins

© E. MOCQUILLON/MN

© MN

Bases scientifiques

Terres australes et antarctiques françaises ZEE env. 2 150 000 km2 PCG : Patrouilleur côtier de gendarmerie maritime ERF : Embarcation relève filets PLG : Patrouilleur léger guyanais BATRAL : Bâtiment de transport léger

1 Pour son premier déploiement opérationnel, l’équipage B du Bougainville a quitté son port-base pour deux semaines afin d’effectuer une surveillance de la ZEE et une reconnaissance des îles dans le cadre d’une mission d’assistance aux populations, dans l’archipel polynésien des Australes situé à plus de 320 milles (600 km) au sud de Tahiti. 2 La base navale Mayotte dispose du P700 Vétiver, qui prend part aux missions de surveillance de l’immigration clandestine. 3 Les marins de la base navale de Fort-de-France (Martinique) et du remorqueur portuaire côtier (RPC) Maïto s’entraînent à la lutte contre une pollution côtière en baie de Fort-de-France.

2

3

Témoignage CF Philipe Le Pennec, commandant de la base navale Mayotte « Tout jeune département, Mayotte constitue avec les îles Éparses du canal du Mozambique une zone économique exclusive (ZEE) de 640 000 km2. Depuis la départementalisation, le développement économique de l’île s’amplifie. Et même si le niveau de vie est encore loin d’atteindre les standards de La Réunion ou de la Martinique, Mayotte attire une forte immigration des îles voisines. Les deux missions principales de la base navale Mayotte sont directement liées à ces deux points : soutenir les bâtiments qui patrouillent dans la ZEE et lutter contre l’immigration irrégulière par voie maritime. Cette seconde mission, appelée opération Orca (mise en place en Norvège), occupe au quotidien les 38 marins de la base. Ils assurent la veille surface, au poste de commandement de l’action de l’État en mer (PC AEM), à partir de quatre radars de veille, et participent à l’interception en mer des embarcations se livrant au trafic de migrants. Le changement récent de statut d’“élément de base navale” en “base navale” Mayotte confirme son rôle majeur sur le théâtre sud de l’océan Indien où les enjeux sont importants. »

Extraplac : bientôt le premier domaine maritime mondial ? La Convention des Nations unies sur le droit de la mer (Montego Bay, 1982) traite des espaces maritimes, de leur exploitation, de la navigation, de leur protection et du régime minier des fonds marins. Un État côtier peut prolonger le plateau continental sous sa juridiction au-delà des limites de 200 milles nautiques. Cette extension – jusqu’à 350 milles (650 km) maximum – concerne uniquement le plateau continental, c’est-à-dire le sol et le sous-sol marins dans le prolongement naturel des terres émergées, les eaux restant quant à elles du domaine international. Il se différencie en cela de la ZEE qui inclut la colonne d’eau. Cette extension est déjà effective pour la Guyane, le Sud-Ouest de la Nouvelle-Calédonie, les Antilles françaises et les Terres australes et antarctiques françaises (décret du 21 septembre 2015). L’extension des plateaux continentaux à d’autres territoires est actuellement en cours de discussion, notamment pour Saint-Martin, les îles Éparses, Clipperton et Saint-Pierre-et-Miquelon. L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), ainsi que le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) sont les principaux partenaires du programme Extraplac. Si toutes les demandes sont acceptées, la France pourrait ainsi augmenter son domaine maritime de plus de 1,5 million de km², soit trois fois la superficie du territoire métropolitain et devenir ainsi le premier domaine maritime mondial.

COLS BLEUS - N°3058 —

19

passion marine Outre-mer

DE LA PRÉVENTION À L’INTERVENTION

Les moyens de la Marine nationale déployés outre-mer – soit 8 zones maritimes – constituent des dispositifs prépositionnés. En cas de crise, ils contribuent au soutien des interventions, qu’il s’agisse d’actions de protection ou d’une évacuation de ressortissants. Pour maintenir le niveau de préparation 20 — COLS BLEUS - N°3058

© CPAR BREST/MN

1

2

3

4

© JEAN-LUC BODET/MN

© E.MOCQUILLON/MN © J.BELLENAND/MN

P

êche illégale en Guyane et dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), flux migratoires importants à Mayotte, catastrophes naturelles, piraterie dans l’océan Indien ou encore narcotrafic aux Antilles… Afin de veiller aux intérêts de la France sur ces vastes étendues maritimes, près de 2 300 hommes et femmes de la Marine sont affectés outremer (soit 6 % des effectifs de la Marine). À titre d’exemples, l’hélicoptère Dauphin de la flottille 35F basé à Tahiti a porté secours à la population à la suite des intempéries survenues en Polynésie française fin janvier. Plus récemment, Le Malin a conduit une opération de police des pêches (Polpêche) à l’encontre de trois navires et neuf pirogues malgaches dans les îles Éparses. En 2016, les moyens engagés par les Forces armées aux Antilles (FAA) ont permis de prendre part à plus de 15 actions ou opérations de lutte contre le narcotrafic. Cet engagement a représenté plus de 140 jours de mer de frégates de surveillance dédiées au narcops et plus de 200 heures de vol de Falcon 50. Tous services confondus, cette mobilisation aura permis que les saisies françaises dans la région atteignent plus de 6,8 tonnes. Au-delà de l’intervention, la Marine assure sa principale mission : garantir la souveraineté française en outre-mer, par le déploiement d’une vingtaine de bâtiments et une dizaine d’aéronefs (avions et hélicoptères) dédiés à la sauvegarde maritime, à la veille opérationnelle et stratégique et à la coopération maritime régionale. Les missions de la Marine couvrent un large éventail allant de la police des pêches ou la lutte contre les pollutions, à la lutte contre tous les trafics illicites en mer (narcotrafic, immigration illégale), en passant par la lutte contre la piraterie et le sauvetage en mer.

© Y. DERVAL/MN

Un socle de missions

5

Mission Polfus : protection du centre spatial guyanais Opérationnel depuis 1968 à Kourou, en Guyane, le Centre spatial guyanais (CSG) est la base de lancement des fusées françaises et européennes. Cette implantation a été choisie car idéalement placée, à proximité de l’Équateur, sur le littoral et dans une zone épargnée par les cyclones et les séismes. Au total :1 350 personnes y sont employées. Les fusées européennes Ariane, utilisées principalement pour le lancement des satellites de télécommunications, mais également des fusées Soyouz (russes) et Vega (italiennes) sont lancées depuis le « port spatial de l’Europe ». À chaque tir, un dispositif de protection et de surveillance est mis en place par les Forces armées en Guyane (FAG) : c’est l’opération Titan. Partie intégrante de cette opération, l’aspect maritime de la protection s’inscrit dans le cadre de la mission Polfus (police de la fusée). Elle consiste à sécuriser les approches maritimes du CSG, en particulier pour les usagers de la mer qui évolueraient dans les zones dangereuses ou interdites. Le but est de s’assurer qu’aucun navire ne circule dans la zone le jour du lancement. Spécifique à la Guyane, cette mission sous haute protection se déroule une douzaine de fois par an. Pour chaque lancement, un Falcon 50 est déployé avec un patrouilleur et une vedette de gendarmerie maritime.

passion marine 1 Les frégates de surveillance (FS) basées à La Réunion sont réguliérement déployées pour des missions de 5 semaines sans escales, dans les ZEE des TAAF. Elles disposent du potentiel de détection et d’armement optimal pour renforcer la présence française outre-mer. 2 Coordonnés sous l’autorité du préfet depuis le centre spatial, 273 tirs ont été réalisés depuis 1968, dont 236 tirs Ariane. Ce dispositif interministériel s’inscrit dans un environnement opérationnel riche : le plus important contingent militaire français outre-mer est implanté en Guyane.

3 La frégate de surveillance Germinal basée aux Antilles a saisi plus de 750 kg de cocaïne durant l’opération Tucan Royal en novembre 2016 en coopération avec la Marine colombienne. 4 Le détachement de la flottille 35F à Tahiti est maintenant doté de la capacité bombardier d’eau. Équipé d’un kit « Bambi Bucket » pouvant transporter 700 litres d’eau, l’hélicoptère Dauphin N3+ peut intervenir rapidement dans les zones difficiles d’accès sur les feux de broussailles ou de forêts. 5 L’embarcation « relève-filets » La Caouanne renforce les moyens de lutte contre la pêche illicite de la Marine en Guyane. D’une longueur de 23,50 mètres, robuste, dotée d’une grue légère et d’une aire de travail dégagée, elle peut relever et stocker jusqu’à 20 km de filets.

Témoignages CC Stanislas Marande, commandant du PLG La Confiance (Guyane) « L’équipage de La Confiance a trois missions principales. La première est la surveillance des approches maritimes de la Guyane pour assurer la sécurité des tirs de fusées du centre spatial de Kourou. Puis, nous protégeons le littoral guyanais et ses ressources contre la pêche illégale. Enfin nous contribuons à la lutte contre tous les trafics dans la région. La zone maritime Antilles-Guyane est caractérisée par des conditions climatiques et de navigation très particulières avec des hauts-fonds et une météo souvent difficile. Dans l’arc antillais, des catastrophes naturelles comme des cyclones peuvent influencer nos missions. Cette zone connaît aussi beaucoup de trafics de stupéfiants et les narcotrafiquants savent naviguer entre les îles. »

CF Michaël Vaxelaire, commandant la frégate de surveillance Germinal (Antilles) « Comme tous les bâtiments de la Marine, le Germinal remplit trois grands types de mission : protéger les citoyens français, faire respecter nos droits souverains et le droit international et intervenir en cas de crise. Ceci se traduit par la lutte contre le narcotrafic – notre principale mission –, l’assistance aux populations en cas de catastrophe naturelle ou évacuation avec, en tâche de fond permanente, la défense maritime du territoire. Les petites Antilles sont un chapelet d’îles volcaniques qui protègent la mer des Caraïbes du flux constant d’alizé. Nous naviguons donc sur une mer bienveillante et plutôt prévisible. Les menaces viennent d’ailleurs : trafics facilités par la faible distance entre chaque île et phénomènes naturels puissants (cyclone, séisme/tsunami, éruption volcanique). »

LV Jean-Baptiste Grossin, commandant du patrouilleur type P400 La Glorieuse (Nouvelle-Calédonie) opérationnelle, ils conduisent régulièrement des entraînements avec les autres armées et les marines des pays riverains. Cette présence constitue un atout dans la connaissance des zones sensibles et apporte à la France une première capacité pour agir en temps de crise. Ces actions dans les territoires ultramarins contribuent au rayonnement international de la France et constituent un support à l’action diplomatique. L’objectif est de favoriser l’échange et le partage des connaissances, de faciliter l’interopérabilité des forces

et de développer ainsi des liens de confiance et de compréhension mutuelle entre les États membres pour disposer d’une capacité d’appréciation de situation optimal. Par exemple, la frégate de surveillance (FS) Nivôse, engagée en soutien direct de la Task Force 150 de la coalition navale multinationale, a participé en 2016 à l’opération Shirikisho de la lutte contre les trafics de stupéfiants, d’armes et de charbon en océan Indien. Grâce à l’appui décisif d’un avion de patrouille maritime Falcon 50 Marine, le Nivôse a saisi et détruit 130 kg d’héroïne.

« La Glorieuse conduit principalement des missions de surveillance maritime de la ZEE, afin de s’assurer qu’aucun bâtiment de pêche étranger n’exploite illégalement les ressources halieutiques de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna. Dans le cadre de la coopération régionale, le patrouilleur effectue également de nombreuses missions de représentation et de présence dans la zone de responsabilité du commandant supérieur des Forces armées de la Nouvelle-Calédonie et participe à des opérations de police des pêches multinationales, notamment dans le Pacifique sud. »

COLS BLEUS - N°3058 —

21

passion marine Des moyens renouvelés

Assurer la permanence des missions

22 — COLS BLEUS - N°3058

1

© MN

© MN

© F.LEDOUX/MN

© J-L. ALLÈGRE

F

ace aux ruptures temporaires de capacité (RTC) engendrées par les retraits du service de moyens outre-mer depuis 2009, le renouvellement des moyens de surveillance du domaine maritime français a été amorcé avec la livraison de deux bâtiments multimissions (B2M). Sur les quatre commandés pour remplacer partiellement les bâtiments de transport léger (Batral), le D’Entrecasteaux a été affecté en Nouvelle-Calédonie en juillet 2016 et le Bougainville a réalisé sa première mission dans l’archipel des Australes en février 2017. Le Champlain, troisième B2M, sera affecté à La Réunion en attendant la réalisation du 4e B2M destiné aux Antilles, baptisé le Dumont d’Urville. La zone maritime du sud de l’océan indien disposera ainsi de deux frégates de surveillance (FS) et d’un B2M à l’horizon 2017. Répondant à la fois à un besoin militaire et interministériel, leur perspective d’utilisation s’inscrit dans le concept d’emploi des forces de l’état-major des armées (EMA) et découle des responsabilités confiées à la Marine dans le cadre de sa participation à l’action de l’État en mer (AEM). La Marine a également pris la décision d’affecter des bâtiments de métropole en outre-mer, notamment le patrouilleur Arago (jusqu’en 2021) en Polynésie française, Le Malin (2027) à La Réunion et le Germinal aux Antilles (post-2025). La Confiance, premier des deux nouveaux patrouilleurs légers guyanais (PLG), a rejoint le 14 décembre dernier la base navale de Dégrad-des-Cannes aux côtés des patrouilleurs P400 La Gracieuse et La Capricieuse. Le PLG La Résolue est également attendu à Dégrad-des-Cannes à l’été 2017. Capables de rester plus de 10 jours en autonomie et adaptés à l’environnement de la Guyane, ils disposeront de moyens de projection de forces et de coercition et prendront part aux missions de police des pêches, de lutte contre les trafics, de surveillance de l’espace maritime, de sauvetage en mer et de sécurité des tirs de fusées du centre spatial de Kourou dans la zone maritime Antilles-Guyane.

3

passion marine

© MN

© J-L. ALLÈGRE

1 Le PLG La Confiance est un bâtiment adapté aux particularités environnementales, nautiques et opérationnelles du théâtre guyanais et plus généralement de l’arc antillais. 2 Les frégates de surveillance Floréal et Nivôse et le patrouilleur Le Malin effectuent un entraînement mutuel au large de La Réunion en août 2016.

2

3 Opération de lutte contre le narcotrafic en océan Indien à l’encontre d’un boutre. Le déploiement des bâtiments de la Marine dans cette zone permet également de renforcer les relations internationales et la coopération avec les pays alliés de la France.

4

Astrolabe : un nouveau bâtiment pour le milieu polaire Le chef d’état-major de la Marine, le préfet des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et le président de l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor (IPEV) ont décidé de s’associer pour l’exploitation d’un nouveau navire patrouilleur et de logistique polaire, qui reprendra le nom de l’actuel Astrolabe (navire civil affrété pour le ravitaillement des bases scientifiques françaises en Antarctique). Grâce à ce nouveau bâtiment, la Marine disposera d’un brise-glace capable de naviguer en Antarctique. Long de 72 mètres et d’un tonnage de 4 000 tonnes environ, l’Astrolabe disposera d’une capacité militaire (autodéfense, équipe de visite) pour assurer en premier lieu ses missions de souveraineté dans les zones subantarctiques (Saint-Paul, Amsterdam, Creuzet, Kerguelen) à partir de La Réunion. Il effectuera aussi des missions de transport de passagers (chercheurs, techniciens…) et de transport de fret (véhicules, matériels, fuel) au profit des bases scientifiques françaises en Antarctique pendant les quatre mois d’été austral. Fruit d’une mutualisation capacitaire entre les TAAF et la Marine, l’Astrolabe appareillera de Brest en août 2017 et mènera sa première mission logistique antarctique (MLA) durant l’été austral 2017/2018.

4 Les marins de l’Astrolabe, répartis en deux équipages, effectueront les missions de souveraineté et d’action de l’État en mer (AEM) dans les zones subantarctiques et assureront, pendant l’été austral, la mission logistique antarctique (MLA) au profit de l’Institut polaire français PaulÉmile-Victor (IPEV).

Témoignages MP Stéphane, COMANAV sur le patrouilleur Le Malin (La Réunion) « Mon rôle est le maintien en condition opérationnelle des installations du bâtiment. Mes missions au quotidien sont la gestion des besoins logistiques, la planification des interventions à bord, le travail organique, la préparation des missions de ravitaillement des îles, tout en gardant un œil sur le respect des règles de prévention lors des travaux. Les grosses périodes d’entretien sont délocalisées aux chantiers CNOI à l’Île Maurice, car La Réunion ne possède pas de bassin. Il est évident que cela ne ressemble en aucun cas à un arrêt technique (AT) en métropole, mais le travail y est fait sérieusement et avec efficacité. Début mars, quelques jours seulement après notre retour de mission, nous avons appareillé sous faible préavis vers Madagascar, afin d’apporter de l’aide humanitaire aux habitants de Toamasina ayant subi le passage du cyclone Enawo. C’est pour ce genre de mission que je me suis engagé il y a 24 ans dans la Marine. »

LV Gael, commandant en second de la base navale de Dégrad-des-Cannes « La spécificité de la base navale de Dégrad-des-Cannes est qu’elle se trouve au cœur des opérations en Guyane. Ces marins mettent en œuvre une embarcation relève-filets (ERF), tandis que des patrouilleurs soutenus par la base navale effectuent des missions dans le cadre de l’action de l’État en mer (AEM), notamment la lutte contre la pêche illégale. Les marins font preuve au quotidien d’une grande polyvalence : dans les opérations par des embarquements fréquents sur patrouilleurs, par la participation aux missions interarmées et l’animation de la Journée défense et citoyenneté (JDC). La base navale détient une expertise technique et maritime complète et exportable hors du milieu Marine, par exemple l’aménagement des infrastructures fluviales dans le cadre de l’opération Harpie (intercepter les orpailleurs illégaux). Les missions conduites par les marins de la base navale se déclinent en plusieurs points : un soutien opérationnel avec la mise en œuvre des ERF et dans le cadre de l’AEM (équipes d’évaluation et d’intervention, lutte antipollution, contrôle des autorisations de pêche à bord des tapouilles, assistance aux embarcations…). Un soutien RH assurant des mises pour emploi (MPE) au profit des unités. Un soutien technique : ateliers (soudure, usinage, résine, électricité, moteur, mécanique générale), manœuvre (batellerie, drome), sécurité (incendie), logistique (achat, transit, magasinage), servitudes (eau, électricité, carburants, munitions, etc.). Nous apportons aussi une expertise et un soutien au profit des autres armées (70 pirogues, 7 vedettes, 1 chaland de transport de matériel…) ainsi qu’un soutien de détachements avec nos commandos marine. »

Capitaine de vaisseau Henri Levet, adjoint interarmées du commandant supérieur (COMSUP) des Forces de la zone du sud de l’océan Indien (FAZSOI) et commandant la zone maritime sud de l’océan Indien

Retrouvez sur colsbleus.fr le retour en milieu polaire de l’Astrolabe.

« En tant qu’adjoint interarmées, je suis l’adjoint direct du général COMSUP FAZSOI et, par délégation, je commande la base de défense La RéunionMayotte. La zone comprend La Réunion, Mayotte et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), qui nécessitent une affirmation régulière de notre souveraineté. J’anime et coordonne, pour le compte du préfet, l’action des administrations de l’État en mer, qu’elles aient des moyens d’action en mer (Défense, Affaires maritimes…) ou uniquement des compétences réglementaires (Douanes, Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement). La police des pêches est une constante, en zones australe et tropicale. La lutte contre l’immigration clandestine par voie maritime (LIC mer) est une priorité gouvernementale à Mayotte. Mais surtout l’inquiétant trafic d’héroïne qui transite depuis la mer d’Arabie vers le nord de notre zone devient une préoccupation majeure. À Mayotte, les vedettes côtières de surveillance maritime (VCSM) Odet et bientôt Verdon de la gendarmerie maritime participent à la LIC mer aux côtés des intercepteurs de la Marine nationale, de la Gendarmerie nationale, de la Douane et de la Police de l’air et des frontières. Le patrouilleur des affaires maritimes Osiris participe à la surveillance des TAAF subantarctiques ; son remplacement prioritaire est à l’étude. »

COLS BLEUS - N°3058 —

23

passion marine Une présence sur tous les océans

Parole de marins À l’exception de la dissuasion, les marins déployés en outre-mer assurent les mêmes missions que les marins en métropole et principalement des missions permanentes de souveraineté : garantir la protection du territoire national, contribuer à la préservation des intérêts de la France sur l’ensemble de la zone. Une affectation outre-mer est aussi exigeante qu’une autre. Elle permet de vivre des opérations intenses dans un cadre idéal qui offre des opportunités d’activités familiales, sportives ou touristiques à qui souhaite les saisirs. Cols Bleus donne la parole à ces marins.

MP Loïc, commandant en second du patrouilleur

SM Yann, fusilier marin en mission de courte durée à Djibouti

© MN

© MN

Fulmar (Saint-Pierre-et-Miquelon)

24 — COLS BLEUS - N°3058

PM Bernard, conseiller personnel

non officier (CPNO) Guyane

© MN

« La volonté de partir en famille et de vivre une aventure particulière étaient mes principales motivations pour l’outre-mer. L’archipel est un savant mélange entre le mode de vie français et canadien. Tout le monde se connaît, la vie est rythmée par les conditions climatiques et les arrivages de « frais » par bateau. Les expressions du quotidien sont empruntées aux Basques, Normands, Bretons et Acadiens. La criminalité est absente et les faits de délinquances quasi inexistants. La beauté des paysages, la présence des baleines et la rudesse du climat participent à cette belle aventure que nous vivons en famille. Avec ses 11 membres d’équipage, le patrouilleur de 40 mètres Fulmar est basé à Saint-Pierre depuis 1997. Au départ armé par la gendarmerie maritime, il passe sous commandement Marine en 2009. Seul représentant de la Marine nationale dans cette région du globe, il assure au quotidien une alerte Search and Rescue (SAR) à 6 heures et une surveillance des approches maritimes de Saint-Pierre-et-Miquelon. En coopération avec la Gendarmerie et les Affaires maritimes, il participe également à la surveillance et à la police des pêches dans la ZEE française dans cette partie d’Amérique du Nord. »

« La diversité des missions et des milieux implique une remise en question permanente où la routine n’a pas sa place. Fusilier marin depuis maintenant six ans, j’ai été déployé en mission à six reprises. Je me suis porté volontaire pour être projeté avec mon groupe en tant qu’élément de protection embarqué. Il s’agit d’une occasion pour découvrir de nouveaux horizons, embarquer à bord de bâtiments civils et militaires et connaître un spectre large des missions dévolues aux fusiliers marins. De plus, entre nos périodes d’engagement opérationnel, nous disposons à Djibouti de multiples possibilités d’entraînement permettant d’étoffer nos connaissances acquises en France. De la mise en place par corde lisse à partir d’un hélicoptère au combat d’infanterie en milieu désertique ou au raid nautique à bord des nouvelles embarcations rapides, l’entraînement est intense et accroît notre technicité. Si je dois garder un souvenir de cette mission, il s’agit du contact avec la population locale. Nous sommes en interaction avec elle quotidiennement, ce qui nous permet de connaître une nouvelle culture et d’échanger. »

« Affecté en Guyane depuis juillet 2015, j’effectue ma seconde campagne dans ce département français et atypique d’Amérique du Sud ! La Guyane souffre malheureusement d’une image négative en métropole car ce département est mal connu et souvent ignoré et ce, malgré une histoire riche et une biodiversité unique au monde. Ce territoire plein de contrastes abritant une société multiculturelle offre une excellente opportunité pour les marins et leur famille. Le bureau interarmées du logement (BIL) propose des logements baillés dans le secteur privé et des résidences « militaires » dont la qualité n’a cessé de croître. S’agissant de l’emploi des conjoints, comme dans tous les DOM-COM, il est possible et doit être favorisé car le coût de la vie y est supérieur à celui en métropole. »

passion marine

© L.MERLIN/ARMÉE DE L’AIR

« Je suis adjoint au chef de service “ soutien naval ” de la base navale d’Abou Dhabi. Ce service composé de douze marins offre le meilleur soutien spécifique possible aux bâtiments en escale sur l’ensemble des ports des Émirats arabes unis. Également responsable du bureau “escale”, je prépare et organise les escales de bâtiments pour que tout se déroule dans les meilleures conditions. Plus jeune, j’ai eu la chance de vivre l’expatriation avec mes parents et je souhaitais pouvoir faire partager cela à ma femme et à mes enfants. Lorsque j’ai été désigné pour Abou Dhabi, je savais que j’allais occuper un poste à responsabilité qui allait me permettre d’être en relation avec les autorités portuaires locales et d’autres intervenants locaux. Le domaine portuaire ne m’est pas inconnu puisque, précédemment, j’exerçais comme pilote de port militaire à la base navale de Cherbourg. »

CF Arnaud Lestrat, commandant la flottille 25F et pilote d’aéronef en Polynésie

© MN

PM Pierre-Yves, adjoint au chef du service soutien naval de la base navale d’Abou Dhabi, point d’appui outre-mer

« Depuis ma campagne Jeanne d’Arc en 1999-2000, j’ai toujours été attiré par l’outre-mer. Loin des attaches familiales et des amis métropolitains, une affectation en Polynésie demeure particulière. Le commandement de la 25F sur Gardian qui accueille un équipage de six personnes reste un souvenir inoubliable. C’est le premier avion à réaction spécialement conçu pour la surveillance à moyenne distance… Les appareils doivent assurer l’alerte et les missions de recherche et de sauvetage (SAR) sur l’ensemble de la superficie couverte par la Polynésie française, et participent également à la surveillance des approches maritimes, au transport des autorités et aux missions de service public. »

QM1 Romain, MOPONT sur le BATRAL Dumont « En tant que manœuvrier, j’ai de multiples fonctions, comme la conduite et l’entretien des embarcations : des zodiacs au landing craft vehicle and personnel (LCVP – engin de débarquement pour véhicules et fantassins), l’embarcation amphibie du bord. Je participe également à l’embarquement de fret, des véhicules ou des troupes de l’armée de terre. Ce bâtiment a un rôle important puisqu’il permet de faire le lien entre les différentes îles de l’arc antillais. En cas de catastrophe naturelle par exemple, il peut apporter une aide aux pays en détresse et participer à l’évacuation de la population. Il participe aux relations de coopération régionale en projetant notamment les troupes de l’armée de terre sur le terrain pour les échanges lors d’exercices interalliés. En tant que Réunionnais, je connais la vie en outre-mer. Cette affectation constitue un grand changement culturel par rapport à l’océan Indien mais cela reste une excellente opportunité pour découvrir de nouveaux horizons. Le plus dur est l’éloignement familial. Mais cette affectation m’a surtout fait progresser grâce aux responsabilités confiées, ce qui me permet à présent d’envisager le BAT. »

Préparation au départ

© E. MOCQUILLON/MN

© E.MOCQUILLON/MN

d’Urville (Antilles)

Une affectation « outre-mer et à l’étranger » (OME) doit être soigneusement préparée pour constituer une réussite à la fois professionnelle et familiale. Un marin doit, en premier lieu, exprimer un volontariat, qu’il importe de remettre à jour régulièrement en fonction de l’évolution de sa situation professionnelle et familiale. Le choix de la DPMM s’arrête sur le marin qui dispose de toutes les compétences et qualités requises, et qui aura passé plus de 18 mois dans son affectation au moment du plan annuel de mutation (PAM) considéré. La présélection outre-mer s’effectue en même temps que les présélections pour les cours du brevet d’aptitude technique (BAT) et du brevet supérieur (BS) afin d’offrir le choix aux marins présélectionnés sur les deux listes entre l’outre-mer et les cours. Par ailleurs, l’affectation d’un officier dépend des besoins de l’unité, des compétences techniques de l’intéressé, de son cursus professionnel et de sa situation personnelle.

Retrouvez le Guide du départ outre-mer et à l’étranger, élaboré par la Caisse nationale militaire de Sécurité sociale (CNMSS).

COLS BLEUS - N°3058 —

25

focus

26 — COLS BLEUS - N°3058

focus

COLS BLEUS - N°3058 —

27

rencontre

« À la mer, la réussite de tous repose sur la responsabilité de chacun » Marc de Briançon

Vice-amiral d’escadre, commandant la Force d’action navale

© A.PUGNET/MN

Dix mille marins, une centaine de bâtiments de trente types différents, huit bases navales outre-mer et à l’étranger, trois groupes de plongeurs démineurs, des centres d’expertises : le cœur de la Marine nationale bat résolument à la Force d’action navale. Entretien avec ALFAN, le vice-amiral d’escadre Marc de Briançon.

COLS BLEUS : Entraînement des marins embarqués, maintien en condition opérationnelle, nécessaire régénération et déploiements tous azimuts : comment tout concilier ?

VAE MARC DE BRIANÇON : À l’image des excellents résultats opérationnels obtenus ces derniers mois, l’engagement de nos bâtiments et de nos marins est remarquable. Nous sommes, plus que jamais, présents sur toutes les mers du globe. Grand Nord, Corymbe dans le golfe de Guinée, Narcops aux Antilles, projection de puissance en océan Indien et en Méditerranée, escorte de porte-avions 28 — COLS BLEUS - N°3058

américain et déploiement de guerre des mines en océan Indien, missions de souveraineté en métropole et outre-mer : les unités de la FAN répondent présent partout où l’on a besoin d’elles. Ce haut niveau d’engagement me conduit à exercer une vigilance particulière sur le socle organique de l’activité des bâtiments, dont dépend le niveau de performance opérationnelle des équipages. Il s’agit de préserver l’entretien des savoir-faire fondamentaux de manière constante et durable, ce qui est rendu compliqué par un besoin toujours croissant de déploiements. Mon rôle est donc de positionner correctement le curseur pour répondre aux attentes opérationnelles tout en gardant des marins compétents, aptes au combat et motivés, à bord d’unités disponibles. Le maintien en condition opérationnelle est donc primordial, et s’exerce toute l’année. Chaque jour, le marin évolue dans son unité, il en est le premier gardien. Votre carreau est cassé à la maison : vous le réparez immédiatement ! J’attends de chaque marin la même réactivité bienveillante, le même esprit de responsabilité, garant d’un entretien pérenne de nos bâtiments et de leur performance. Certains chantiers retiennent particulièrement mon attention : la refonte à mi-vie du porte-avions Charles de Gaulle qui va notamment permettre de moderniser intégralement son système de combat, mais aussi, de manière plus générale,

l’entretien des petites unités vieillissantes. Maintenir un bon niveau de disponibilité est parfois une gageure, ce qui rend d’autant plus important le renouvellement de cette flotte (avec BATSIMAR(1)) dont la vocation est de participer à la défense maritime du territoire en métropole comme dans les approches ultramarines. C. B. : Comment assurer la préparation

opérationnelle d’équipages affectés sur des unités dernier cri comme ceux d’unités plus anciennes ?

VAE M. DE B. : C’est un de nos principaux défis.

On n’entraîne pas 220 marins d’une FASM des années 80 comme on entraîne l’équipage resserré à une centaine de marins d’une frégate moderne disposant de capacités opérationnelles bien supérieures. Il faut adapter nos méthodes et nos processus. Le recours à la simulation par exemple s’impose, tant pour commencer à entraîner les marins avant qu’ils ne partent en mer que pour maintenir leurs compétences pendant les arrêts techniques. Enfin, l’adaptation à la marine de demain passe aussi par une nécessaire évolution du marin lui-même. Si son environnement reste assez rustique, il doit être capable d’évoluer dans un monde numérique. Cela va de pair avec la montée en puissance de la cyberdéfense, symbolisée par la création du Centre support cyberdéfense (CSC) : chaque marin y est désormais régulièrement entraîné.

rencontre gestionnaire des emplois (AGE) d’environ 15 000 marins des spécialités de surface. Je compte beaucoup sur la proximité qu’engendreront les 5 000 entretiens de gestion tenus annuellement à bord des unités pour concilier au mieux les aspirations des marins et les besoins de la Marine. C. B. : Quels sont les travaux menés

actuellement par l’état-major de la FAN ?

© E.MOCQUILLON/MN

VAE M. DE B. : Nous devons continuer à

Le contre-amiral Catard (ALFAN Brest) en inspection auprès de la base navale et des unités de surface de Fort-de-France (Martinique).

séduire les jeunes car le marin embarqué à la FAN a en moyenne moins de 30 ans. Il s’agit ensuite de le fidéliser ; pour cela, nous disposons de plusieurs leviers : des missions opérationnelles variées sur des bâtiments de dernière génération, la valorisation financière de l’embarquement, la réduction des équipes de service au port-base, ou la conduite des gardiennages par du personnel réserviste. La cure d’amaigrissement que fait subir mon état-major au corpus documentaire vise le même but : simplifier la vie des unités et des marins qui peuvent rester ainsi mobilisés sur leur cœur de métier. Un autre travail d’envergure est actuellement mené au sein de la FAN : celui de la préparation de la certification de FRMARFOR(2) qui permettra à la France de prendre le 1er janvier 2018 l’alerte de la Nato Response Force en tant que commandant de composante maritime. La Marine nationale fait partie des rares marines capables d’exercer cette capacité de commandement à la mer : c’est une véritable fierté.

© E.MOCQUILLON/MN

C. B. : Un motif particulier de satisfaction ? VAE M. DE B. : Je n’en manque pas : il y a

Le VAE Marc de Briançon au comité de liaison hebdomadaire (COLI), entouré de ses adjoints, en visioconférence avec les antennes de l’état-major à Brest et à Cherbourg.

C. B. : La FAN fête ses 25 ans en 2017.

En quoi diffère-t-elle de celle de 1992 ?

VAE M. DE B. : La Force d’action navale de

2017 n’a plus rien à voir avec celle de 1992. La FAN, il y a 25 ans, était divisée par façades et il existait une autorité distincte dédiée à l’entraînement. Aujourd’hui, la FAN – une seule et même entité autour d’un état-major réactif, rationalisé et multisite – est capable de s’adapter aux nouvelles menaces et de mieux exploiter les caractéristiques de furtivité, endurance et performance qui guident la conception de nos unités. Dans ce même esprit de cohérence, ALFAN assure depuis

septembre 2015 avec ses adjoints organiques, ALFAN Brest (CA Catard) et ALFAN Toulon (CV Martinet), la tutelle des bases navales outre-mer. La FAN, par ailleurs, se renouvelle à un rythme inégalé. Au cours des trois dernières années, ont en effet rejoint la flotte : les quatre premières FREMM, dont on ne présente plus les atouts, opérationnels et stratégiques grâce notamment au MDCN, trois des quatre B2M déployés outre-mer, le premier des deux patrouilleurs destinés à la Guyane et le patrouilleur polaire Astrolabe qui sera prochainement affecté à La Réunion. Enfin, ALFAN est désormais autorité

l’arrivée de nouvelles unités performantes et le remarquable niveau opérationnel de nos équipages, je l’ai dit, mais également, dans un autre registre, la démonstration récente de notre capacité à mettre en œuvre l’arme nucléaire aéroportée avec le Rafale Marine, grâce à la Force aéronavale nucléaire que je commande et qui fêtera ses 40 ans en 2018. Mais ce qui me réjouit le plus, c’est la rencontre quotidienne de marins engagés, ouverts, animés par un authentique esprit d’équipage, qui, par la force de leur enthousiasme et de leur volonté, constituent le véritable cœur du système de combat de la Force d’action navale. PROPOS RECUEILLIS PAR LE LV MAGALI CHAILLOU

(1) Le programme Bâtiment de surveillance et d’intervention maritime (BATSIMAR) prévoit l’arrivée d’une quinzaine de patrouilleurs (loi de programmation militaire) après 2020 afin de remplacer les patrouilleurs en métropole et outre-mer. (2) État-major tactique qui a pour mission de commander des forces maritimes à la mer dans un cadre national, OTAN ou de coalition, et qui conseille ALFAN sur l’emploi opérationnel des moyens sous sa responsabilité.

COLS BLEUS - N°3058 —

29

planète mer

OCÉANIDES

L’histoire universelle vue des océans

Christian Buchet, président du conseil scientifique du projet « Océanides », répond aux questions de Cols Bleus sur ce projet international d’histoire maritime dont les conclusions donnent une vision nouvelle des océans, réévaluent leur importance dans l’histoire de nos civilisations et éclairent notre avenir… COLS BLEUS : Comment est né le projet

Océanides ?

CHRISTIAN BUCHET : D’une intuition. La phrase de Walter Raleigh « celui qui domine la mer, domine le commerce ; celui qui domine le commerce, domine le monde lui-même » me paraissait proposer un schéma opérant en tous temps et en tous lieux… Restait à le démontrer. C’est aujourd’hui chose faite mais cette œuvre collective, digne de l’Encyclopédie du XVIIIe, va bien au-delà en modifiant notre regard sur l’histoire ou encore la géopolitique. C. B. : Arrêtons-nous sur l’histoire, quels enseignements retenez-vous ?

© C. BUCHET

C. B. : Principalement une nouvelle vision

Christian Buchet.

« La mer est la clé de l’histoire et le catalyseur de notre avenir. » 30 — COLS BLEUS - N°3058

de l’histoire universelle que l’on peut découper en trois temps. Tout d’abord le temps des « Méditerranées ». Des civilisations sont nées autour de la Mare nostrum et d’autres autour de la mer de Chine. On a deux cœurs en quelque sorte, deux Méditerranées qui vivent en même temps, simultanément, et correspondent grosso modo à l’Antiquité et au Moyen Âge. Ensuite, de la Renaissance au XXe siècle, nous sommes dans le temps de l’Atlantique. Avec le Big Bang géographique des grandes découvertes, tout le négoce mondial passe

par la voie atlantique : l’armateur européen en capte l’essentiel, mettant fin à un système millénaire fondé sur un réseau de mille à mille deux cents intermédiaires. Enfin, nouvelle rupture il y a une quinzaine d’années avec l’avènement du temps de l’océan mondial, ou « océanotemporain ». C. B. : Y a-t-il aussi des remises en causes ? C. B. : Très clairement ! Par exemple, l’image

que l’on a de la préhistoire, c’est une Terre qui se peuple grâce au phénomène de glaciation. En gros, on imagine que l’on est passé d’Eurasie en Amérique à pied sec, parce qu’il y avait de la glace. Or on s’est aperçu récemment, grâce à l’ADN, que les migrations ne correspondent pas du tout aux périodes pendant lesquelles on pouvait passer à pied sec et qu’elles se sont, par définition, opérées par voie maritime : l’Amérique a été peuplée par la mer !

C. B. : Vous évoquiez aussi une nouvelle

vision de la géopolitique… La mer reviendrait au centre du jeu ?

C. B. : Elle l’a toujours été ! Prenez l’exemple

de la Première Guerre mondiale : l’Allemagne l’a perdue faute de maîtriser les flux logistiques mondiaux. Elle subissait les effets du blocus

planète mer

© M. MAZELLA/MN

alors que la France et la Grande-Bretagne étaient ravitaillées en vivres et en matières premières par voie maritime. En clair, indépendamment du fait que les Américains soient arrivés par voie maritime, c’est la maîtrise des flux qui a permis aux Alliés une mobilisation supérieure à l’Allemagne et, in fine, de l’emporter. Idem pour la Guerre froide : le développement maritime considérable des États-Unis, associé au fait que l’OTAN a toujours tenu les détroits, les caps, lui a permis d’emporter la décision beaucoup plus que la guerre des étoiles. Si on possède une puissante marine de guerre, comme l’Union soviétique, mais que l’on n’est pas animé par des flux commerciaux, on finit par s’effondrer. Si à l’inverse on possède une formidable capacité commerciale, une puissante flotte de commerce, mais une marine de guerre insuffisante – je pense ici à la marine de Louis XV –, on finit aussi par s’effondrer, faute de pouvoir protéger, préserver ses flux commerciaux. Donc il y a un ratio à avoir entre marine de commerce et marine de guerre et je ne suis pas certain aujourd’hui que les marines européennes soient en adéquation avec les flux commerciaux qui animent le monde.

Les frégates Hermionne et Aquitaine.

C. B. : Oui, sans doute en raison d’une prédominance d’une vision terrienne. MacKinder, un des pères de la géopolitique, considérait ainsi que celui qui tient l’Eurasie, le Heartland, tient le monde. Sauf que cela ne se vérifie pas : celui qui tient le monde est celui qui tient la mer, ou du moins les détroits, c’est-à-dire les flux. En fait, ce n’est pas celui qui maîtrise le Heartland qui maîtrise le monde, c’est celui qui maîtrise le Heartsea. Et ce Heartsea pourrait bien être l’océan Indien, épicentre du monde. D’où les enjeux considérables aujourd’hui entre l’Inde, la Chine, etc. Aujourd’hui plus encore qu’hier, c’est la mer qu’il faut tenir. Voyez la volonté de la Russie de repartir sur les flots, de la Chine de se doter d’une flotte océanique. Ils ne se battent plus pour le Heartland : la Chine ne lutte pas pour la Sibérie, mais pour les Paracels, les Senkaku et en arrive même à créer des îles artificielles. Dans ce temps de l’océan mondial, on ne va plus se battre pour des terres mais pour des îles. Non pour ce qu’elles sont, mais parce qu’elles donnent accès au domaine maritime dans lequel il y a tout. C. B. : La France, compte tenu de son histoire, est bien positionnée dans cette nouvelle ère ?

C. B. : Oui, si l’on tient compte de notre espace maritime, de nos compétences,

© OCÉANIDES

C. B. : Il est vrai qu’une géopolitique des océans peine à s’imposer…

Un projet scientifique international Étudier l’histoire maritime de l’humanité, de l’Antiquité à nos jours, c’est le défi relevé par Océanides. C’est l’aventure d’une équipe internationale de 260 chercheurs, issus de 40 pays de tous les continents ; ils présentent pour la première fois une lecture de l’histoire du monde surprenante : à partir des océans. En replaçant le fait maritime au cœur de l’histoire des civilisations, l’avenir de notre monde s’imagine sous un jour nouveau. En s’appuyant sur cette démonstration scientifique, Océanides entend favoriser le développement d’une approche commune de l’importance des espaces marins et contribuer à la construction d’une ambition maritime partagée.

de nos multiples atouts. Non, si l’on ne change pas de vision sur nous-mêmes. En France, nous avons un rapport à la mer tout de même étonnant. Quand j’interroge mes étudiants en début d’année en leur demandant de me citer une bataille navale, c’est toujours Trafalgar et Aboukir, toujours une défaite. Cette sinistrose est assez étonnante. Nous avons une très belle histoire maritime, mais c’est comme si nous n’en avions pas conscience : j’espère qu’Océanides contribuera à changer cet état d’esprit et aidera la France à se tourner vers son avenir, vers la mer. C’est même urgent ! On ne mesure pas aujourd’hui le manque de compétitivité structurelle dont souffre notre pays. L’essentiel de nos échanges transite par Anvers, Hambourg et Rotterdam, ce qui occasionne un surcoût à l’import et à l’export. La raison ? Le manque de fluidité entre nos ports et l’intérieur des terres. Un conteneur en provenance du Havre gagne Paris à une vitesse de 6 km/heure. Il y avait plus de voies navigables sous Louis XIV qu’aujourd’hui ! On peut bien entendu chipoter sur le tirant d’eau mais c’est tout de même symptomatique. Le canal Seine-Nord que l’on met en chantier de nos jours a été imaginé par Vauban… Grâce à Océanides, j’espère que l’on puisera dans l’histoire l’ambition de se tourner vers la mer. PROPOS RECUEILLIS PAR L EV2 HÉLÈNE DUPUIS

COLS BLEUS - N°3058 —

31

vie des unités Forces françaises La station navale en Côte d’Ivoire prend son essor Vie à bord Un jour avec le PM Jann

Forces françaises

32 — COLS BLEUS - N°3058

31 mars 2017 visite du contre-amiral Morio de L’Isle, sous-chef d’état-major « opérations navales »

© MN

UNE MONTÉE EN PUISSANCE DE LA STATION NAVALE

Contacts quasi quotidiens avec le personnel du détachement d’intervention lagunaire du 43e BIMa

© MN

M

ardi 4 avril 2017, 09 h 00. « Nous assistons à l’appareillage du patrouilleur de haute mer (PHM) Enseigne de vaisseau Jacoubet, du port autonome d’Abidjan. Nous sommes fiers d’avoir contribué au bon déroulement de cette première escale de notre mandat de quatre mois au sein de la nouvelle station navale des Forces françaises en Côte d’Ivoire (FFCI) », explique le CF(R) Pierre. Il est arrivé en 2016, avec pour mission de créer ex nihilo une station navale au sein d’une force interarmées dépourvue jusque-là de son volet maritime. Créées le 1er janvier 2015, les FFCI assurent la protection des ressortissants français et entretiennent la coopération militaire régionale, notamment bilatérale avec les Forces de la République de Côte d’Ivoire (FRCI). Elles sont également en mesure d’appuyer les partenaires de la région, par exemple pour l’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). En tant que base opérationnelle avancée, les FFCI constituent le point d’appui principal des forces de présence sur la façade ouest-africaine et sont un réservoir de forces rapidement projetables en cas de crise dans la région. Pour compléter ce noyau, trois officiers mariniers supérieurs (OMS), aux compétences complémentaires (un logisticien, un navigateur et un assistant du commandement), ont été

© MN

La station navale en Côte d’Ivoire prend son essor

déployés aux FFCI pour une mission de courte durée, en septembre 2016. « Nous armons le second mandat et profitons des jalons posés par nos prédécesseurs pour consolider la place des marins dans une base à dominante terrestre. Notre présence s’inscrit dans une optique de soutien des bâtiments en escale dans le golfe de Guinée, grâce aux liens noués avec le tissu industriel local. Cette présence permet aussi de renforcer la coopération navale régionale, en particulier avec la Marine ivoirienne et de développer des synergies entre les éléments navals en escale et les FFCI. » Au cours de leur escale à Abidjan, les canonniers de l’EV Jacoubet ont entraîné leurs camarades de l’artillerie côtière de l’armée de Terre, pour qu’ils conservent leurs qualifications. La brigade de protection de l’EV Jacoubet a profité des installations de tir du camp de PortBouët pour une séance d’entraînement à l’extérieur.

Appareillage du PHM EV Jacoubet à l’issue de son escale à Abidjan.

Le 31 mars 2017, le contre-amiral Morio de l’Isle, sous-chef d’état-major opérations aéronavales (ALOPS), a rencontré les marins de la station navale. Accompagné par le chef du bureau planification du centre opérationnel de la Marine à Brest, ils ont visité la station navale d’Abidjan pour préciser les missions actuelles et les perspectives d’emploi futures, notamment la coopération avec les forces armées locales. Cette visite s’est conclue par un entretien avec le commandant de la base opérationnelle avancée et des FFCI qui a souligné l’excellente intégration de la station et sa plus-value apportée à la force. « Nous devons désormais préparer la prochaine escale et continuer à tracer la route pour nos successeurs qui sont désignés pour trois ans », rappelle l’un des marins de la station navale des FFCI.

© C.LUU/MN

vie des unités

Le sous-marin nucléaire d’attaque Perle à quai à Toulon.

Info Vie à bord

I

l est 4 h, à peine le temps de boire un café et le PM Jann croise ceux qui se couchent pour prendre son quart, sous une petite lumière rouge qui matérialise la nuit à bord. Sous-marinier à bord du SNA Perle, ce premier maître de 38 ans est atomicien, EMPRO (électromécanicien de propulsion de sous-marins). Il exerce les fonctions de chef de quart PCP (poste de conduite propulsion) de sous-marin nucléaire d’attaque. Sa première mission de la journée consiste à faire un relevé des paramètres chaufferie et machine : « L’idée est de tenir à jour quotidiennement une référence du navire. Pendant quelques minutes, la vitesse du sous-marin est la même car elle va nous permettre d’avoir des références “machines” et de pouvoir les comparer d’un jour à l’autre. Il faut étudier les résultats chaque matin, s’assurer qu’il n’y ait pas de dérive des paramètres. » Durant ce premier quart de la journée, d’une durée de quatre heures, la communication est très importante, surtout avec son prédécesseur.

© MN

Un jour avec le PM Jann

PM Jann.

« L’échange entre nous est vital car il va nous permettre de discuter des éventuelles avaries et des conduites particulières à tenir. Tout cela est rapporté au commandant adjoint navire qui va, lui aussi, mettre à jour ses données, ses graphiques, et observer les évolutions du navire. » ESPRIT D’ÉQUIPE

La suite du quart se déroule en équipe : « Je suis toujours avec trois opérateurs (Km : machine ; Ke : électrique ; Kr : réacteur). Ils me font un compte-rendu des avaries et de la situation actuelle. » Embarqué en novembre 2003 en tant que matelot, le PM Jann a gravi les échelons au sein de la Marine et, aujourd’hui, EMPRO, il aime autant les spécificités de son travail que la vie en équipage : « Sur sous-marins, tout se fait en communauté : les repas, le poste de propreté… c’est une

La campagne de recrutement pour le brevet supérieur adapté (BSA) atomicien de propulsion navale (APN) débutera en septembre 2017. Les MECAN et ELECT intéressés doivent se manifester avant le 20 octobre 2017. Une passerelle est possible pour le personnel déjà breveté supérieur et souhaitant s’orienter vers une seconde carrière.

équipe dans laquelle il y a une synergie. On discute énormément. Nos sujets de conversation se tournent vers nos familles mais également vers le moral de chacun. Si quelqu’un a un “coup de moins bien”, on discute. Parfois, il y a des moments calmes et chacun peut en profiter pour se confier. » À 10 h sonne la fin du dernier quart de nuit, le moment de prendre le petit-déjeuner. Chaque marin à bord est indispensable au bon déroulement de la mission mais une personne en particulier améliore la vie quotidienne : « Comme tout bon sous-marinier, on aime manger. Le cuisinier a donc un rôle très important car c’est la personne qui peut remonter le moral de tout l’équipage. Par exemple, de bons gâteaux égayent une journée ! » Après le réconfort d’un petit-déjeuner, il faut retrouver le goût de l’effort jusqu’à « la soupe du midi » puisque des conférences sont données par les aînés aux plus jeunes pour passer le certificat élémentaire (CE). « En tant qu’atomicien on apprend tous les jours, il faut donc partager ses connaissances. L’esprit d’équipage et de compagnonnage est très fort. » À 14 h, après le déjeuner, c’est le « temps calme » pendant qu’une partie de l’équipage assure le quart de l’après-midi. D’autres, comme le PM Yann, consacrent une partie de leur après-midi au sport, à se reposer ou se détendre à la cafétéria, « la caf [...] véritable lieu de vie d’un sous-marin », qui peut devenir une salle de cinéma, de jeux vidéos… De 16 h à 20 h, le PM Jann prend son quart de jour. Le pic de stress reprend puisque le travail et les tâches ne se différencient pas de celles du quart de nuit : « Démarrer les pompes, les arrêter, assèchement de caisse. On adapte la situation de la machine en fonction de l’allure qu’on nous demande. » La communication reste donc le maître mot du déroulement de ce quart. À 20 h, le quart de jour se finit avant la deuxième « soupe ». Avant de rejoindre « sa bannette » pour dormir, le PM Jann passe à l’avant-poste où seule une petite partie du personnel a accès. C’est le poste des majors. Disposer d’un tel espace, restreint, dans un lieu de vie si petit « c’est un véritable privilège, dont on apprécie beaucoup les moments. On peut se divertir, jouer aux cartes, boire un café ». « Ensemble », toujours. PAR L ASP NICOLAS CUOCO

COLS BLEUS - N°3058 —

33

RH

Atomicien

Troisième puissance nucléaire mondiale, la France peut également être fière de compter sur des sous-marins et un porte-avions à propulsion nucléaire. De tels outils ne seraient si précieux, si essentiels, si la Marine ne pouvaient compter sur ses marins. Parmi eux, 600 atomiciens assurent quotidiennement le bon fonctionnement de ces installations si particulières, après avoir suivi une formation d’excellence. Focus sur ce métier d’exception. ASP NICOLAS CUOCO

© A. MONOT

Un métier rempli d’énergie

1/

S

i vous cherchez dans le dictionnaire, vous ne le trouverez pas. Le terme « atomicien » a été créé par la Marine nationale au moment où le besoin en experts s’est fait sentir, quand, sous l’impulsion du général De Gaulle, la France s’engage dans le programme de construction de sous-marins à propulsion nucléaire. Officier ou officier-marinier, spécialiste de l’énergie nucléaire, un atomicien participe en première ligne au bon fonctionnement d’un réacteur nucléaire de propulsion navale. Aujourd’hui, la Marine compte plus de 600 atomiciens non officiers, qui assurent la production et la distribution d’énergie en sécurité au sein de l’unité d’emploi. Cette énergie peut être vue sous trois dominantes : • Dominante mécanique via la vapeur produite par la ou les chaufferie(s) nucléaire(s) qui alimentent les turbines pour la propulsion du navire ainsi que les catapultes du porte34 — COLS BLEUS - N°3058

avions pour la mise en œuvre des aéronefs. • Dominante électrique qui permet d’alimenter à bord, en autonomie, tous les appareils et systèmes électriques nécessaires aux différentes installations, du système de combat à l’éclairage. À quai, c’est le réseau EDF qui alimente directement le navire. • Dominante chaufferie qui correspond au réacteur et donc à la maîtrise de l’énergie nucléaire qui permet à son tour la production de cette énergie sous forme mécanique ou électrique. PORTE-AVIONS, SNLE, SNA : MÊMES EXIGENCES Si les volumes en effectifs varient selon la taille et les besoins des navires, le degré d’exigence de qualification des atomiciens est le même en surface que sous l’eau. Cependant, quelques spécificités les dissocient. Un atomicien sous-marinier doit acquérir des connaissances propres,

En bref

et notamment la sécurité plongée car il est un des acteurs de la sécurité du navire, par exemple lors des réactions d’urgence. C’est également le cas pour l’atomicien du porte-avions qui participe à la mise en œuvre des aéronefs par la garantie qu’il apporte à la propulsion du navire et à l’alimentation en vapeur des catapultes. Les spécificités sont dues à la typologie des missions des bâtiments comme au degré de modernité des installations mais tous les atomiciens ont un même devoir : assurer la disponibilité opérationnelle tout en garantissant la sécurité nucléaire d’exploitation.

Fin décembre 2016, l'équipage rouge du sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Émeraude effectuait le 1000e jour de mer de SNA de l'année 2016. Ce niveau d'activité en hausse de plus de 10 % par rapport aux années précédentes n'a pu être atteint que grâce au pôle de formation d'atomicien d'excellence dont dispose la Marine.

© A. PUGNET/MN

Le métier d’atomicien, qu’est-ce que c’est ?

RH

2/

A

l’École de navigation sous-marine pour bâtiments à propulsion nucléaire (ENSM BPN) de Toulon. À la fin de cette dernière période, ils pourront devenir opérateur du réacteur, de la machine ou de la distribution électrique. Cette formation d’atomicien est appréciée pour la qualité de l’enseignement délivré, l’expérience humaine qu’elle apporte et la découverte d’un métier passionnant et exigeant. Brevetés supérieurs à l’issue de leur formation initiale d’atomicien, les marins qui suivent cette voie peuvent ensuite accéder rapidement au brevet de maîtrise. Au-delà de la légitimité technique obtenue grâce à cette formation et leurs années de pratique, ils développent de riches qualités humaines acquises pour l’ensemble de leur carrière : goût de l’effort, rigueur, humilité et travail en équipe.

TÉMOIGNAGE

PM Caroline, « La diversité de ce métier me passionne. On n’arrête jamais d’apprendre car les technologies évoluent »

© MN

© MN

vant d’arriver à de telles responsabilités, les officiers mariniers suivent une formation exigeante et sont orientés vers le cursus du brevet supérieur adapté d’atomicien de propulsion navale (BSA APN). Le BSA APN se décompose en trois phases représentant une durée totale de 17 mois : • une formation supérieure de spécialité de mécanicien ou d’électricien de 4 mois au Pôle Écoles Méditerranée (PEM) à Saint-Mandrier où les élèves acquièrent de nouvelles connaissances techniques, un complément de formation générale et des méthodes de management ; • une formation nucléaire de 9 mois à l’École des applications militaires de l’énergie atomique (EAMEA) à Cherbourg ; • une formation spécifique de pré-embarquement de 4 mois à

© C. LUCE/MN

La formation

3/

Les perspectives de carrière

F

ormés pour le porte-avions ou les sous-marins et leur environnement, appelés à y revenir, les atomiciens sont polyvalents et disposent de réelles capacités d’adaptation, leur permettant de prétendre à des affectations variées dans de nombreux domaines. Un cursus de carrière individualisé, alternant affectations sur le PA CDG, sur sous-marins et postes en environne-

ment nucléaire (écoles, état-major de la Force d’action navale, organismes de soutien), est construit en partenariat avec le marin atomicien selon une gestion de proximité bienveillante. Il vise à donner des perspectives claires sur les futurs postes occupés. La possibilité de « s’aérer » pour un temps dans un poste en dehors de la filière nucléaire (outre-mer par exemple) est également envisageable.

« À la fin de mes études, je voulais travailler dans la filière du nucléaire. À l’époque, il n’y avait ni école, ni faculté et j’ai entendu parler de la filière « ATO » par le biais du CIRFA. L’idée d’appréhender ce métier d’une manière qui change de l’ordinaire et dans un environnement exceptionnel m’a vite séduite et j’ai rejoint l’école de maistrance. Aujourd’hui, je suis instrumentiste sur le porte-avions. Le métier d’instrumentiste concerne tout ce qui est l’exploitation, la réparation, la régulation des automatismes du réacteur en lui-même. Un réacteur nucléaire réagit sous ces automates qui permettent de le maintenir dans une conduite sûre, c’est-à-dire une conduite normale, sans incident. Dans l’équipe d’instrumentistes, nous sommes garants du bon fonctionnement de ces automatismes et nous sommes là pour intervenir en cas d’avarie. Ce que j’aime dans ce métier ? Sa diversité ! Nous ne sommes pas cantonnés à notre simple spécialité. En tant qu’électricien, j’ai fait de la thermodynamique, j’ai fait de l’hydraulique, de la mécanique des fluides. C’est un métier où l’on n’arrête pas d’apprendre car les technologies évoluent. De fait, la refonte à mi-vie du porte-avions va beaucoup me faire apprendre. De telles opérations s’effectuent une fois tous les dix ans, c’est donc une chance d’être dans cette équipe, d’avoir cette expérience. Quant à l’avenir, j’aimerais être dans la formation pour justement pouvoir faire profiter de mon expérience et ne pas la garder pour moi. »

COLS BLEUS - N°3058 —

35

RH

Avantages atomicien

Portes-avions

Forces sous-marines

Carrière

Stabilité géographique soulignée sur Toulon (postes accessibles à Brest, Cherbourg ou Paris).

Brassages possibles mais limités entre Brest, Toulon et Cherbourg, port d’armement. © B. PAPIN/MN

Les avantages du métier d’atomicien (avancement carrière, financiers, reconversion)

• Accès plus rapide au BS (donc accès plus rapide à l’échelle de solde n° 4). • Gain d’avancement au titre du CSUP ATOMICIEN (1.5) accélérant le passage au grade de MT et/ou PM. • En cas d’échec dans la formation, le marin concerné n’a pas une carrière moins rapide que les maistranciers de même spécialité. • Les postes d’aération restent ouverts : outre-mer, CIRFA, coopération, unités navigantes… • Maintien de la prime embarquée durant la formation du Brevet supérieur adapté (20 % de la solde de base). • Attribution d’une indemnité financière pour le personnel servant sur le porte-avions nucléaire ou en environnement (prime ATOM de 20 % de la solde de base cumulable à la prime embarquée soit une indemnité de 40 %).

• Attribution (prioritaire aux marins détenteurs du BM ) à 15 ans du diplôme de qualification supérieure (DQS) représentant 12 % de la solde de base . • Prise en compte des points NBI dans le calcul de la pension (postes de maître adjoint et experts).

© S. DZIOBA/MN

Reconversion

36 — COLS BLEUS - N°3058

Alexandre, ancien marin aujourd’hui salarié d’EDF, « Tout ce que m’a apporté la Marine a été formidable et c’est elle qui m’a permis d’arriver où j’en suis aujourd’hui »

• Maintien de la majoration pour services en sous-marin (SMA) durant la formation complète du BSA (jusqu’à 40 % de la solde base)

• Titre de niveau II (niveau licence professionnelle) reconnu au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

© MN

Financiers

TÉMOIGNAGE

« D’abord maistrancier, j’ai ensuite embarqué sur L’Inflexible Bleu puis sur Le Téméraire où j’étais patron machine. Après une carrière de dix-sept ans dans la Marine, j’ai ressenti le besoin de vivre une autre expérience. Tout s’est passé très rapidement. En 2015, après avoir déposé une candidature spontanée sur le site EDF, j’ai été contacté par un cabinet de recrutement. J’avais le profil qui correspondait au candidat recherché car la Marine est une référence dans le monde du nucléaire. Elle m’a permis d’acquérir une expérience importante mais elle m’a avant tout formé : brevet supérieur adapté, brevet d’atomicien. Tous deux reconnus comme une licence technique par EDF. Chez EDF, je fais la même chose que lorsque j’étais embarqué mais à une échelle plus grande et les contraintes sont les mêmes : que ce soit au niveau de la sûreté ou au niveau de la sécurité, ces choses-là sont très importantes dans les deux entités. L’intégration dans le privé s’est donc faite naturellement puisque la Marine m’a apporté la rigueur tant recherchée par EDF. Ma relation avec mes collègues ? Ils sont curieux de mon parcours et de mes dix-sept années de sous-marinier. Ils me posent des questions car ils ne connaissent pas ce milieu. Ils savent comment fonctionne une centrale nucléaire alors ils cherchent à comparer avec ce qu’ils connaissent. Tout ce que m’a apporté la Marine a été formidable et c’est elle qui m’a permis d’arriver où j’en suis aujourd’hui, d’intégrer un poste au sein d’EDF. Tout ce que j’ai vécu pendant ma carrière de marin, je ne l’oublierai jamais. Ce qui me manque ? L’esprit d'équipage, l’esprit de camaraderie. Ce sont des choses très fortes et qui ne peuvent pas s’oublier. »

Publicité

RH

Enquête

Emploi du conjoint, dispositifs de garde d’enfants, logement, hébergement, accompagnement de l’absence ou encore offre de loisirs : près de 4 700 marins militaires ont fait part à l’automne dernier de leurs attentes dans l’ensemble du spectre du soutien social proposé par l’institution. Tour d’horizon des résultats. LV BENOIT DELACOUR

© S.CHENAL/MN

Accompagner le marin et sa famille

Zoom sur la vie de famille SEPT MARINS SUR DIX SONT EN COUPLE ET PLUS D’UN SUR DEUX EST PARENT 13 % des marins mariés le sont avec un ou une militaire et dans 90 % des cas, cette union se fait entre marins. Cette endogamie sociale est forte chez les femmes marins puisque 66 % d’entre elles sont mariées à un militaire. Parmi les parents, 88 % ont leur(s) enfant(s) à charge. Le nombre de parents est en légère augmentation en raison du vieillissement de la population des marins (+ 2 ans en 15 ans), conséquence des reculs d’âge de départ en retraite. 5 % des marins parents vivent seuls et à l’image de la société française, cette monoparentalité touche davantage les femmes que les hommes. UN ENFANT SUR DEUX A MOINS DE 6 ANS. 46 % des marins ayant un ou plusieurs enfants de moins de 3 ans ont 38 — COLS BLEUS - N°3058

déjà formulé une demande en crèche IGeSA. La localisation géographique de ces crèches et leurs horaires d’ouverture sont les principaux freins d’une demande de dossier. Parmi les parents demandeurs, la moitié a obtenu une place en crèche. Le principal motif de refus est le manque de berceaux disponibles au moment de la demande. Pour ceux qui n’ont pas pu obtenir une place en crèche, la solution se fait dans le privé. 63% font appel aux services d’une assistante maternelle. UN TAUX DE CHÔMAGE DES CONJOINTS IMPORTANT Les ménages des marins sont majoritairement constitués de deux actifs occupés (le chiffre est de 70 % et il a gagné 10 points en 15 ans). 45 % des conjoints de marins travaillent dans la fonction publique, dont 23% au sein du ministère de la Défense. Le taux de chômage des conjoints est toujours au-dessus de la

Les crèches IGeSA en chiffres • 75 % du

budget « garde d’enfants » de l’action sociale de la Défense (soit 14 M€) est consacré au fonctionnement des crèches

24 %

des • 1 550 places en crèches IGeSA du ministère de la Défense sont implantées à Brest (150) et à Toulon (228)

moyenne nationale (14 % contre 10 %). Il est de 40 % outre-mer où l’accès à l’emploi est très souvent soumis à des préférences locales. Pour lutter contre ce taux de chômage élevé, des conseillers pour l’accompagnement à l’emploi des conjoints (CAEC) de l’Agence de reconversion de la Défense (ARD) existent. Bien que mieux connu (50 % des conjoints contre 35 % il y a 18 mois), ce dispositif reste cependant largement sous-utilisé puisque seuls 26 % des chômeurs l’ont déjà sollicité et ce, malgré les résultats obtenus auprès des conjoints entrés en recherche active : 90 % de taux de placement en moins de six mois. UN CÉLIBAT GÉOGRAPHIQUE STABLE Le taux de célibat géographique s’élève à 6 %. En étendant le périmètre aux couples dont les deux conjoints sont marins, avec ou sans enfant, déclarant vivre une situation de célibat géographique, ce taux se maintient à 13 %. Un niveau égal à celui de 2012. Il reste cependant, nettement plus élevé en Île-de-France (23 %) et à Cherbourg (20 %).

RH

Portrait de famille Officiers

Officiers mariniers

QMM

Ensemble

Âge moyen

37 ans

36 ans

24 ans

33 ans*

Ancienneté moyenne

17 ans

15 ans

4 ans

13 ans**

% femmes

12 %

13 %

18 %

14 %

% marié(e)s

66 %

49 %

7%

42 %

% pacsés(e)s

8%

17 %

10 %

14 %

% divorcé(e)s

2%

5%

0%

3%

% parents

70 %

66 %

11 %

54 %

% sous contrat

24 %

49 %

100 %

57 %

* Hors formation initiale. ** Hors service national.

Des services loisirs inégalement utilisés • 50 % des marins utilisent Marine Loisirs

26 %

des • marins utilisent les prestations loisirs de l’IGeSA

16 %

des • marins adhèrent à un club sportif ou artistique de la Défense

10 %

des • marins utilisent les centres de détente

Pourquoi avoir choisi une affectation en célibataire géographique ?

6%

Lorient

Cherbourg

IDF

Toulon

11 %

14 %

4%

8%

7%

7%

À cause du coût de la vie dans la région d'affectation

4%

2%

34 %

10 %

2%

11 %

Pour ne pas perturber la scolarité des enfants

7%

24 %

8%

10 %

13 %

11 %

Pour conserver le cadre de vie familiale

17 %

18 %

20 %

21 %

20 %

19 %

Pour préserver l'emploi du conjoint

48 %

39 %

30 %

39 %

45 %

41 %

Autre raison

13 %

3%

4%

12 %

13 %

11 %

Pour ne pas subir les aléas de location de la résidence principale dont le marin est propriétaire

UN MARIN SUR CINQ VIT EN ENCEINTE MILITAIRE Un marin sur cinq déclare vivre habituellement la semaine, quand il n’est pas en mer, dans une enceinte militaire (8 % sur base en bâtiment pour cadres célibataires (BCC), 6 % sur base hors BCC et 6 % à bord de leur unité) : 13 % à Brest, 23 % à Toulon et 33 % en Île-de-France. C’est le cas pour 62 % des célibataires géographiques en général et pour 83% des célibataires géographiques en Île-de-France. UN CONTEXTE OPÉRATIONNEL EXIGEANT L’insatisfaction des marins (44 %) à l’égard de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle est en nette hausse sur quatre ans (+11 pts), en particulier au sein des formations opérationnelles. Parmi

Brest Moyenne

les raisons citées, l’incertitude des programmes d’activité arrive toujours en tête (stable), suivie par la mobilité géographique (en légère baisse) et la durée des absences (en hausse). DES DISPOSITIFS D’ACCOMPAGNEMENT NOMBREUX MAIS PEU UTILISÉS Les marins déplorent principalement les conditions d’obtention des prestations (prisme du quotient familial prédominant), l’avance des frais nécessaires et la complexité administrative des dossiers. À titre d’exemple, seuls 10 % des conjoints connaissent la prestation ministérielle de garde d’urgence et 34 % la prestation de garde en horaires atypiques, malgré un besoin avéré. Seuls 29 % des conjoints connaissent la prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile

des marins • sont membres des clubs nautiques

TÉMOIGNAGE

CF Olivier, chef de la section « action sociale et famille » « Cette consultation interne dresse de manière objective le panorama, le plus large possible, des attentes et des besoins des marins en termes d’accompagnement social. En faisant mieux apparaître les particularités locales et organiques, ces résultats sont autant de leviers qui permettent à la direction du personnel militaire de la Marine, de faire valoir ses spécificités et de peser dans les arbitrages. Par ailleurs, ces résultats nous guident dans les travaux en cours sur le renforcement et la modernisation de la communication vers les conjoints de marins, avec notamment la mise en œuvre d’un « Facebook Familles » et d’une plateforme Internet d’échange entre marins type le “bon coin du marin” ».

(PSAD) et 11 % seulement l’utilisent, alors qu’ils sont près d’un sur deux à déclarer vivre l’absence du marin comme s’ils étaient parents isolés. À l’inverse, 78 % des conjoints ont connaissance du CESU interministériel 0-6 ans et 50 % l’utilisent, en raison de sa grande souplesse d’emploi. QUELLE POLITIQUE D’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL POUR DEMAIN ? De fait, les cinq priorités sont de fournir au marin des conditions de vie décentes en enceinte militaire, d’accompagner sa famille durant l'absence du marin militaire, de faciliter la mobilité géographique du marin et de sa famille, d'assurer l’esprit d'équipage de la communauté marine et enfin de disposer d'une offre de loisirs, globale et modernisée. À ces fins, la politique d'accompagnement social du marin et de sa famille doit être : • discriminante, en donnant la priorité aux marins les plus sollicités par les opérations aéromaritimes ou aéroterrestres et les contraintes de service ; • différenciée, en s'adaptant aux réalités locales des différentes façades maritimes.

COLS BLEUS - N°3058 —

39

portrait

QM1 mécanicien naval Mœtini adjoint au secteur « installations aviation

© C. CAVALLO/MN

40 — COLS BLEUS - N°3058

Son parcours

Meilleur souvenir

11 mars 2012 : arrivée en France métropolitaine pour la première fois. Mars 2012 : Incorporation au CIN Saint-Mandrier. Juillet 2012 : Premier embarquement, mise pour emploi sur le Charles de Gaulle. Septembre 2012 : Affectation sur la FASM Dupleix et participation à l’opération Enduring Freedom puis à une patrouille en Méditerranée orientale. 2014 : Participation au désarmement du Dupleix. 2015 : Participation aux arrêts techniques (AT) du BPC Dixmude, des FDA Chevalier Paul, FAA Cassard, FASM Jean de Vienne. 2016 : Admis au BAT MECAN au Pôle écoles Méditerranée (PEM) à Saint-Mandrier. Janvier 2017 : Affecté sur la FLF Courbet.

Ma première mission à bord du Dupleix restera à jamais gravée dans ma mémoire. J’avais un peu d’appréhension en quittant Toulon car je découvrais un métier dans un environnement professionnel et humain que je ne connaissais pas. La pression était forte car je voulais montrer ce dont j’étais capable. Dès les premiers jours de mer, l’ambiance à bord fut excellente et je fus tout de suite intégré. Nous étions sept à effectuer notre première mission. J’ai aimé l’esprit d’équipage en cafétéria et la cohabitation avec des marins venant d’horizons très différents. Et je ne parle pas que de géographie ! Je me suis senti comme à la maison.

© MN

© MN

et extérieures » de la FLF Courbet

portrait

Focus

Le Courbet

M

soutien d’une force d’intervention, protection du trafic maritime, soutien d’opérations spéciales ou encore réalisation de missions humanitaires. Après avoir escorté le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc lors de sa dernière campagne en 2010, le Courbet a appareillé le 28 février dernier pour prendre part une nouvelle fois à cette mission de formation à la mer pour une promotion d’officiers élèves de la Marine nationale. Cette année, le Courbet escorte le BPC Mistral lors de ce déploiement en océan Indien, en mer de Chine et en océan Pacifique.

© MN

© F.SEUROT/MN

ise à flot en 1994, la frégate Courbet est la troisième d’une série de cinq frégates type La Fayette (FLF). Après un cuirassé de premier rang et un cuirassé d’escadre, le Courbet est le troisième bâtiment à porter le nom de l’illustre marin qui s’est distingué lors de la campagne du Tonkin à la fin du XIXe siècle. Dotés d’une signature radar et acoustique très réduite et de capacités opérationnelles multiples, le Courbet peut réaliser un large panel de missions : défense des intérêts de l’État en mer, intégration à une force aéronavale,

Depuis le 28 février 2017, il met à profit son savoir-faire pour la mission Jeanne d’Arc 2017. La frégate Courbet assure le rôle d’escorteur du bâtiment de projection et de commandement (BPC) Mistral. Le secteur EXT IA (installations aviation et extérieures) enchaîne les exercices d’homme à la mer et d’avarie de barre. « Il faut être très réactif car le rythme est soutenu. » Les missions s’enchaînent mais le quartier-maître Moetini garde contact avec la Polynésie. « Au début, ce fut très difficile. Je n’avais jamais quitté mon île et je ne connaissais personne en métropole. » Une fois installé à Toulon, il a rapidement trouvé ses marques. « J’avais un groupe d’amis sur le bateau que je voyais aussi à l’extérieur. Ils m’ont fait découvrir la région. On est allé deux fois à Paris. » La communication avec sa famille a nécessité quelques adaptations. « Le décalage horaire nous oblige à fixer des rendez-vous mais ce n’est plus un souci. C’est essentiel de garder un lien régulier. Je peux les appeler et les voir via Internet. » PROPOS RECUEILLIS PAR LE CR1 MATTHIEU ROBERT

© MN

M

oetini quitte son île natale, Papeete et sa famille en 2012 et s’engage dans la Marine. Après sa formation initiale, il part en mer pour la première fois sur le porte-avions Charles de Gaulle puis rejoint la frégate Dupleix pour sa première affectation. Après son brevet d’aptitude technique (BAT), il est affecté sur la frégate Courbet au secteur « Extérieur, installations, aviation ». « J’avais passé un BAC Sciences et techniques de l’ingénieur et je voulais travailler sur les moteurs d’embarcations. Le CIRFA de Papeete m’a alors orienté vers la Marine. » À bord du Courbet, le quartier-maître Moetini est mécanicien de l’EDO (embarcation de drome opérationnelle) et des zodiacs du bord. Il entretient également toutes les installations hydrauliques comme la stabilisation, le panneau d’écubier ou les bossoirs. « Les tâches sont très variées car chaque installation est différente. On ne tombe jamais dans la routine. Désormais, je peux transmettre mon savoir aux plus jeunes même s’il me reste beaucoup à apprendre. » La Marine lui a permis de suivre des formations de soudeur (niveau 2) et de tourneur (niveau 1).

COLS BLEUS - N°3058 —

41

immersion

5 mois et demi d’engagement : la performance du Forbin La frégate de défense aérienne (FDA) Forbin a assuré, sur le théâtre du Levant, sa mission de maîtrise de l’espace aérien notamment au profit des groupes aéronaval (GAN) français et américain dans un environnement particulièrement complexe marqué par la présence du groupe aéronaval russe. Au cours de son déploiement, la frégate aura parcouru 43 000 miles, soit deux fois le tour de la Terre. Retour sur ces 163 jours d’opérations.

© MN

CR1 GODEFROY DE PENGUERN

2

1

42 — COLS BLEUS - N°3058

© MN

© MN

1 Après avoir appareillé de Toulon le 25 octobre 2016, le Forbin intègre le groupe aéronaval français (GAN). Opérant pendant plus d’un mois au large de la Syrie, le bâtiment assure le commandement de la défense aérienne du GAN articulé autour du porte-avions Charles de Gaulle.

3

immersion 2 Le 13 mars 2017, le Forbin intègre la TF 50 au sein du Carrier Strike Group 2 (CSG-2) articulé autour du porte-avions USS GHW Bush. Après une escorte opérationnelle à travers les détroits de Bab el-Mandeb puis d’Ormuz, « Stellar Forbin» assume le commandement de la défense aérienne du groupe américain dans le golfe Arabo-Persique. 3 L’intégration de la FDA Forbin au sein du groupe américain est une formidable occasion de partager les modes d’actions. L’amiral Withesell, venu à la rencontre des marins français, leur témoigne sa satisfaction de voir la frégate française intégrer le CSG2. La connaissance des zones de crises traversées par le Forbin au cours des mois précédents est une vraie plusvalue pour le groupe américain.

© MN

4 Lors de l’escale de Manama (Bahreïn), la visite à bord du Forbin de l’amiral Donegan, commandant la 5e flotte des États-Unis, conforte la place du Forbin dans le dispositif allié. Les échanges intenses et fructueux qui s’ensuivent permettent à la frégate française d’assumer les plus hautes responsabilités dans le commandement de la défense aérienne de la zone.

4

COLS BLEUS - N°3058—

43

immersion

1

© MN

3 Lors des patrouilles en océan Indien, le bâtiment soutient la TF 150 qui mène des opérations de lutte contre le terrorisme et les trafics illégaux (opération Héraclès mer). Le Forbin recueille du renseignements sur les zones traversées, réalise des contrôles de bâtiments ou mène des enquêtes de pavillon.

© MN

2 Le détachement de la flottille 31F et son hélicoptère de combat le Caïman Marine ont permis au Forbin d’exploiter pleinement ses capacités de combat dans les domaines de la lutte anti-sous-marine, la lutte anti-navire, et le recueil de renseignements.

© MN

1 Au cours de son déploiement le Forbin participe à deux exercices de coopération de grande ampleur que sont Unified Trident et Kundjar Hadd avec les marines américaine, britannique, australienne et omanaise. Ces quelques jours de travail commun permettent aux participants de tester et renforcer leur capacité d’interopérabilité instantanée (plug and fight).

2

5

44 — COLS BLEUS - N°3058

4

© MN

© MN

4 L’interopérabilité avec les marines alliées est un élément central du déploiement et l’un de ses plus grands succès. La rapidité d’intégration du Forbin dans l’ensemble des groupes est remarquable et son travail unanimement salué. La frégate a même hérité d’un surnom dont les Américains sont si friands : « Stellar Forbin ».

6

immersion

© MN

© MN

© MN

5 En charge de la défense aérienne des groupes français, américains et britanniques, le Forbin possède des capteurs et des armements performants qui lui permettent de traiter des menaces supersoniques. Les missiles Aster et le canon de 76 mm sont utilisés à ce titre pour protéger la force d’une éventuelle attaque aérienne.

3

7

8

6 Pendant cette mission, le soutien logistique est primordial. Au cours du déploiement, le Forbin a consommé 7 000 m3 de gazole, ce qui a nécessité de nombreux ravitaillements à la mer (RAM). Qu’il s’agisse de la Marne en Méditerranée ou des pétroliers ravitailleurs américains de la TF53 en océan Indien, le Forbin réalise 13 RAM (soit 1 tous les 10 jours de mer) pour tenir le rythme soutenu des opérations. 7 L’intégration du Forbin au sein de Task Forces multinationales avec des marines alliées est l’occasion d’organiser des journées d’échanges entre bâtiments. Ces quelques heures entres marins de nationalités différentes permettent d’échanger sur les méthodes de travail ainsi que sur la perception des enjeux des zones traversées. 8 Passant Noël à la mer, les marins du Forbin ont reçu des colis de la ville de Sanary-sur-Mer comme témoignage de leur soutien aux militaires en opérations. Très touché de cette attention, l’ensemble de l’équipage s’est rassemblé sur la plateforme hélicoptère afin de prendre une photo souvenir avec les dessins des enfants.

COLS BLEUS - N°3058—

45

histoire

Dissuasion

La constitution du premier équipage du Redoutable avoir de la vapeur et toute une distribution électrique à majorité en courant alternatif. Il fallait donc que ces mécaniciens ou électriciens aillent faire des stages sur des bateaux de surface pour apprendre ou pour se remémorer la vapeur ». Une filière de sélection et de formation des marins issus des sous-marins d’abord, de l’ensemble des forces navales ensuite, se met en place, impliquant séjour à l’EAMEA, stages sur le PAT et passage sur les sous-marins classiques.

© DR

UNE RECHERCHE PLUS SYSTÉMATIQUE

1

Ce premier équipage est à la fois singulier et multiple. Singulier, puisqu’il s’agit de réunir le personnel qui va servir sur un tout nouveau type de bâtiment dont on découvre progressivement la complexité et les contraintes. Multiple, car du noyau originel de cet équipage sont issus les équipages bleu et rouge de cette unité et l’ossature des équipages des SNLE suivants.

L

a dépêche de mise en chantier a été signée en mars 1963, le premier tronçon mis sur cale en novembre. En 1964, les premiers officiers pressentis pour l’armement – LV Arata et CC Gagneux – s’instruisent à Cherbourg à l’École des applications militaires de l’énergie atomique (EAMEA) et l’amiral Bailleux, directeur du personnel militaire, informe le CC Louzeau, alors à l’École de guerre, de ses futures responsabilités. En stage sur le prototype à terre (PAT) à l’automne, ces trois officiers mettent au point les modules de formation du futur équipage. À compter de 1965, avec le renfort d’une poignée d’officiers mariniers, le CC Gagneux suit les travaux de montage du SNLE dans la forme du Homet à Cherbourg et de l’appareil propulsif à Indret (Loire-Atlantique). En parallèle, à partir de 1966, au côté du CV Guillou, le CC Louzeau établit le profil des membres de l’équipage du Redoutable. Minutieux, il note dans ses cahiers les réfé-

46 — COLS BLEUS - N°3058

rences des officiers de marine ou des officiers mariniers qui peuvent se révéler utiles pour la mission. « Tout cela n’est pas le fruit du hasard. C’est là où j’ai travaillé, là où j’ai ouvert mon cahier d’écolier, là où j’ai suivi pratiquement homme par homme au début », dira-t-il plus tard. Ainsi le MTE Le Liboux, « un des premiers » à l’EAMEA en septembre 1964, deviendra un pilier de la sécurité plongée et un des premiers chefs de central. De même, le MTE Belbeze est un mécanicien que le CC Louzeau a apprécié sur le sous-marin Narval. Ou bien encore les MTE Rousselot et Lelias (électricien et mécanicien) titulaires d’un certificat d’atomicien obtenu en décembre 1965. « Des vieux, ceux-là… » La nécessité de créer une filière se ressent rapidement. Le CC Louzeau constate « que les sous-mariniers que l’on voulait avoir dans l’équipe étaient des gens qui n’avaient fait que du diesel et ne connaissaient que le courant continu. Or à bord du Redoutable on allait

Pour la Direction du personnel militaire de la Marine (DPMM), il s’agit de disposer de 5 600 sous-mariniers en 1980. Alors, le CC Louzeau confirme qu’« à partir d’un certain moment, on est allé chercher des mécaniciens ou des électriciens sur les bateaux de surface et je les ai envoyés faire des stages aux sous-marins avant de les envoyer à l’école atomique pour suivre le cours de nucléaire. Au début on a fait des petits paquets : c’étaient les premiers. Cela a été un travail de longue haleine, puis la DPMM a pris tout cela en mains. Pour les officiers, c’était facile : je les connaissais. Pour les officiers mariniers (que je ne connaissais pas bien), je profitai du fait que mon bureau à Paris était à la DPMM pour aller dans les casiers de PM2 (bureau du personnel non officier) ». Le 26 avril 1968, le Redoutable a pris armement pour essais. Le 26 février 1969, le réacteur diverge et une permanence doit désormais être assurée au PC Propulsion et les diverses consignes (générales, de service, d’entraînement, décrivant les circuits…) sortent sous l’impulsion du CC Coatanea, commandant en second. En juillet 1969, lors des essais, le personnel a déjà augmenté : on est à quatre tiers. Au groupement Énergie, les LV Romannet, Arata, Canevet et Dambiez sont sous la direction du CC Gagneux ; au groupement Opérations, les LV Magnac, Pelliard, Girard, Huet, Courau et Pichon sous les ordres des CC Dyèvre et Merveilleux du Vignaux. Avec le CC Nougué, futur commandant du groupement Énergie du

histoire

1 Le Redoutable lors des essais. 2 Le CF Louzeau passe l’équipage en revue sur le pont du Redoutable. 3 L’équipage rouge défile sur les Champs Élysées le 14 juillet 1971.

2

Terrible, le commissaire de 1er classe Montels et le médecin principal Faltot complètent l’état-major. Successivement ont lieu les essais au point fixe, la première plongée en route libre (2 juillet), la plongée fictive de quatre jours dans la forme du Homet, les essais en Atlantique, l’installation du système d’armes et les essais techniques et de recette des missiles. De l’équipage d’armement « violet » sont issus par partition équilibrée les deux équipages bleu et rouge. À sa constitution le 16 juin 1971, l’équipage rouge a déjà beaucoup navigué. Pour sa part, le CF Bisson a depuis avril 1969 veillé à la mise au point des programmes de la situation tactique. Après le défilé sur les Champs Élysées le 14 juillet, l’équipage rouge prend en charge le bâtiment le 20 août, procède à sa remise en condition et appareille à trois reprises en octobre dont une avec la presse et une autre pour la confirmation nucléaire (première sortie à la mer d’un missile complet armé) avant l’inspection du président de la République. Équivalent de la traversée de longue durée de l’équipage bleu, la croisière

© DR

LA CONSTITUTION DE L’ÉQUIPAGE ROUGE

© DR

© DR

4 Premier tir d’un missile balistique.

3

4

d’entraînement comprend une semaine d’exercices dans le golfe de Gascogne, une de patrouille en mer de Norvège entre deux transits. Elle confirme l’adéquation du personnel à sa mission de dissuasion. Le SNLE est admis au service actif le 1er décembre 1971 et part en patrouille le 28 janvier 1972. Dans une note relative au personnel des SNLE, la DPMM remarquait pourtant que « cet effort de recrutement et de sélection qui doit porter sur du personnel consentant, apte physiquement, psychologiquement et de haute moralité, est à la limite des possibilités d’une marine de la taille de la nôtre ». Constat réaliste vu l’ampleur de la mission qui « est exaltante car, en définitive, la responsabilité qui sera celle des marins de demain – et qui consiste à faire peser sur leurs épaules la plus grande partie du poids de la défense du territoire national – dépassera de beaucoup la responsabilité des générations antérieures de marins ». Pari relevé : les efforts alors réalisés et quotidiennement renouvelés permettent depuis lors de disposer du personnel nécessaire tant en quantité qu’en qualité. Pr cert HC PATRICK BOUREILLE, SERVICE HISTORIQUE DE LA DÉFENSE

COLS BLEUS - N°3058 —

47

loisirs Musique

Livres

Cinéma

Expos

3e tome de la collection « Les grandes batailles navales » Chesapeake - L’amiral De Grasse face à l’amiral Graves

Spectacle

le saviezvous ? Renard

LA BAIE DE CHESAPEAKE, PORTE D’ENTRÉE SUR LA VILLE DE WASHINGTON DC, FUT EN SEPTEMBRE 1781 LE THÉÂTRE D’UNE BATAILLE NAVALE DÉCISIVE DURANT LA GUERRE D’INDÉPENDANCE DES ÉTATS-UNIS. Cet épisode marque un tournant dans ce combat qui se joue dans les colonies anglaises et contribuera à la victoire finale pour l’indépendance américaine. À terre, sur la mer, espions, alliés, insurgés, c’est sous forme d’une bande dessinée que Jean-Yves Delitte , peintre officiel de la Marine, nous fait vivre cet événement qui se conclut par une victoire grâce à un coup d’audace d’un certain Bougainville. Chesapeake n’est qu’une bataille de cette belle collection proposée par Glénat, « Les grandes batailles navales », élaborée avec le Musée national de la Marine et soutenue par l’Académie des arts et sciences de la mer. Trafalgar et Jutland sont également disponibles, et de nombreuses batailles sont à venir. (BG)

Le renard est le tableau de pointage de présence des officiers à bord. Il comporte, pour chaque officier, sa fonction, son nom et sa photo, avec un coulisseau qui indique sa position « à bord » ou « à terre ». Le terme provient du jeu « Le renard et les poules » qui comportait un disque percé de trous, dans lesquels étaient insérés des pinoches(1) comme celles utilisées pour déterminer la position « à bord » ou « à terre » sur les premières versions des tableaux de pointage. À l’époque de la marine à voile, le renard avait une tout autre utilisation : il permettait à la personne de quart de noter les conditions de navigation. Composé d’un plateau en bois ou en cuivre, il retraçait la route suivie par des chevilles disposées selon les rayons d’une rose des vents. Chaque demi-heure, le chef de quart y reportait les différents caps suivis par le navire en plantant une cheville dans le trou. Désormais ce système a été remplacé par le journal de bord. N’oublions pas qu’à cette époque les matelots étaient rarement lettrés, il fallait alors des instruments simples. (BG)

Les grandes batailles navales – Chesapeake, Jean-Yves Delitte (scénario, dessin), Douchka Delitte (couleurs), Glénat, 56 pages, 14,95 €.

(1) cône en bois pour colmater une voie d’eau.

48 — COLS BLEUS - N°3058

MARIE MOREL, THOMAS CASAUX, CC(R) ÉRIC LEBEC, BARTHÉLÉMY GRUOT

Le bouclier de Neptune – La politique de défense des bases françaises en Méditerranée (1912-1931) Histoire maritime et navale Il aura fallu attendre un siècle pour voir un ouvrage aborder la question du dispositif français de défense côtière mis en place entre le début du XXe siècle et la Seconde Guerre mondiale. C’est tout ce volet oublié de la défense de la France que cet ouvrage propose de remettre en lumière. Pour cela, Frédéric Saffroy, avocat et docteur en histoire, a effectué sept ans de recherche, en grande partie dans les archives de la Marine. Ce livre expose, simplement, le programme de défense des côtes françaises méditerranéennes par l’artillerie. Il présente l’édification des fortifications côtières entre la fin du XIXe et le milieu du XXe siècle, allant de la reprise de la gestion de la défense des côtes par la Marine en 1917 et le programme de construction et de défense qu’elle met alors en place, de la conception à la réalisation, en passant par le financement. Ce livre est publié avec le soutien de la direction de la Mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la Défense. (BG) Le bouclier de Neptune – La politique de défense des bases françaises en Méditerranée (1912-1931), Frédéric Saffroy, PUR Éditions, 392 pages, 24,00 .

loisirs Les présidents et la guerre Dans le pré-carré régalien des présidents Pierre Servent, officier et journaliste, conseiller ministériel et porteparole de la Défense, enseignant à l’École de guerre pendant vingt ans, a déjà plusieurs livres sur les questions de défense et d’histoire militaire à son actif. Dans son dernier ouvrage, Les président et la guerre, il brosse le portrait des présidents de la Ve République en tant que chef des armées, en tentant de décrypter leur « logiciel martial initial » et leur approche psychologique de la fonction. La relation toute particulière entre le politique et le militaire est mise en lumière grâce à de nombreux témoignages, souvent inédits, d’officiers généraux et d’anciens ministres de la Défense. Cet ouvrage évoque de nombreux détails et anecdotes parfois croustillants, mais il en ressort aussi une continuité de l’action des présidents au service de la France, dans leur rôle de chef des armées. Cette fonction capitale est ainsi valorisée au regard de l’ambition de la France dans le monde. (TC)

L’amiral d’Argenlieu, le moine-soldat du gaullisme La mer et la foi « PORT DROIT, NEZ MINCE, REGARD ARDENT ET VOLON TAIRE, CE SUPÉRIEUR DE LA PROVINCE CARMÉLITAINE DE PARIS ÉTAIT UN MOINESOLDAT ». Proche du général de Gaulle, officier de marine devenu religieux au Carmel – ce qui lui vaudra pendant la guerre le surnom de carme-naval – l’amiral Georges Thierry d’Argenlieu est rappelé au service en 1939. Fait prisonnier lors de la reddition de Cherbourg, il s’évade et rejoint la France libre. Cette biographie inédite retrace le parcours de ce grand homme, sous lequel s’est nouée l’affaire indochinoise, à la croisée de l’histoire navale, religieuse, politique et coloniale. L’auteur, Thomas Vaisset, est docteur en histoire et chargé de recherche au Service historique de la défense. Son ouvrage remarquablement écrit a été récompensé par le prix d’histoire militaire du ministère de la Défense, le prix Daveluy de la Marine et le prix Jean Sainteny de l’Académie des sciences morales et politiques. (MM) L’amiral d’Argenlieu, le moine-soldat du gaullisme, Éditions Belin, 595 pages, 24,50 €.

Histoires d’outre-mer Les Archives nationales d’outre-mer ont cinquante ans Outre-mer : tout marin s’anime à ce mot. Depuis 1710, c’est à la Marine qu’est confié un « bureau des colonies ». Il ne cessera plus de mobiliser les compétences des bateaux de guerre et de commerce. Cette histoire est celle de la curiosité, de l’appétit et du modèle français : 140 000 photographies et 60 000 cartes plus tard, depuis les analyses secrètes de la police jusqu’aux affiches publicitaires, un univers a trouvé refuge à Aix-en-Provence il y a 50 ans. Ce livre salue cet anniversaire et il fera date. Fort bien tenues, les Archives nationales de l’outre-mer se consultent aussi à distance, une fois le lecteur convaincu par ce bel ouvrage. Les bons relèvements se font aussi derrière, par l’histoire. (EL) Histoires d’outre-mer, Benoit van Reeth, Isabelle Dion, Somogy Éditions d’art, 35 €.

Les présidents et la guerre, Pierre Servent, Éditions Perrin, 350p, 22 €.

La Grande Histoire vue de la mer À paraître Livre grand public sur le rôle décisif de la mer à travers l’histoire par Christian Buchet.

Magazine Chasse-Marée À découvrir dans le n° 285 d’avril 2017 du magazine Chasse-marée, un dossier de 12 pages consacré à l’École des mousses d’hier et d’aujourd’hui.

À paraître en octobre 2017 aux Éditions Cherche midi, prix public : 30 €. Proposé par l’auteur en commande jusqu’au 31/07/2017 au tarif de 19 € 50 (+3 € 50 de frais de port). Pour commander : http://oceanides-association.org/

Magazine chasse-marée, Éditions du Chasse-marée – Abri du marin - 10 €.

COLS BLEUS - N°3058 —

49

loisirs

Jeu des 7 erreurs

50 — COLS BLEUS - N°3058

Saurez-vous découvrir les 7 erreurs cachées dans la réplique de cette photo ?

LA DU

MAR N

DANS TOUTES LES UNITÉS DE LA MARINE

17 MAI 2017

LA DU

MAR N