Nouveaux projets de recherche - Biopark Charleroi Brussels South

de pointe. Une recherche appliquée performante, condition de progrès social et économique, doit être alimentée par une recherche fondamentale d'excellence.
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C H A R L E R O I

B R U S S E L S

S O U T H

La newsletter du Biopark Charleroi Brussels South n°26 — été 2015

Nouveaux projets de recherche Projet ERC

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Démonter le nucléole

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Biologie vasculaire cérébrale 5 Immunologie tous terrains

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Mieux contrôler les bioprocédés 7 Delphi Genetics - Avaxia

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Véronique Kiermer

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En bref

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Nouveau projet ERC : entre parasitologie et néphrologie

Humeur

Etienne Pays vient d’obtenir une prestigieuse bourse du Conseil européen de la recherche (ERC) pour financer ses recherches sur le trypanosome. Un projet qui représente la synthèse de ses 40 années de carrière.

Le futur sera profondément influencé par la recherche fondamentale actuelle. Mais celle-ci a besoin de temps, de liberté et de moyens financiers pour que créativité et excellence puissent s’exprimer. Ces moyens manquent, même si les pouvoirs politiques subsidiants restent cléments en ces périodes économiques difficiles. Le FNRS, employeur de 2.300 chercheurs, reçoit un nombre croissant de candidatures de chercheurs et demandes de crédits. Les commissions scientifiques internationales qui évaluent les dossiers sont confrontées à des choix difficiles pour établir les classements finaux, tant la qualité est élevée alors que seul un candidat ou un projet sur cinq pourra généralement être financés. Ceci nous amène à devoir peser soigneusement la répartition du financement entre les chercheurs les plus éminents et la recherche de base d’où émergeront de nouvelles thématiques ou équipes de pointe. Une recherche appliquée performante, condition de progrès social et économique, doit être alimentée par une recherche fondamentale d’excellence pour produire des résultats tangibles dans notre quotidien. Restons d’humeur confiante quant à un élargissement futur de nos ressources financières ?

Véronique Halloin Secrétaire générale FNRS

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Officiellement à la retraite depuis octobre dernier, Etienne Pays avoue ne pas vouloir quitter son bureau tout de suite : "Le laboratoire aborde des perspectives stimulantes, je serais triste de partir au moment où ces nouvelles pistes se lancent", explique le directeur du Laboratoire de Parasitologie moléculaire (IBMM). L’ERC (European Research Council) Advanced Grant qu’il vient d’obtenir va donc lui permettre d’explorer ces nouvelles pistes et de travailler pendant 5 ans encore sur le trypanosome. Ce parasite sanguin, transmis par la piqûre de la mouche tsé-tsé, provoque la maladie du sommeil chez l’homme et est le sujet de recherche d’Etienne Pays depuis bientôt 40 ans.

Nouveaux projets de recherche

EVOLUTION ACCÉLÉRÉE Retournons en 1998 : le chercheur et son équipe découvrent la protéine SRA, permettant à certains trypanosomes résistants de contourner les défenses immunitaires humaines. Quelques années plus tard, en 2003, ils découvrent que SRA neutralise l’apolipoprotéine-L1 (apoL1), une protéine humaine qui crée des trous dans la membrane du parasite. Ils découvrent ensuite qu’une mutation de l’apoL1 permet à certaines populations d’Afrique de l’Ouest de résister à nouveau aux trypanosomes. Mais cet avantage évolutif s’accompagne, chez les populations résistantes, d’un risque plus élevé d’insuffisance rénale, suite à une réaction­

auto-immune de l’apoL1 mutée contre les cellules des reins. Publié dans la revue Science en 2010, ce travail établit pour la première fois une cause génétique à l’insuffisance rénale et reste l’un des articles les plus cités dans le domaine de la néphrologie "et l'un des plus populaires de ma carrière", précise Etienne Pays. Aujourd’hui, pour son projet ERC, le chercheur souhaite faire la synthèse de toutes ces recherches, en mettant au défi les capacités d’adaptation de "son parasite favori" (comme il le désigne lui-même). L’hypothèse est ingénieuse : si le trypanosome a réussi, au fil de l’évolution et jusqu’à aujourd’hui, à contourner les défenses immunitaires naturelles de l’homme, il y a de fortes chances qu’il y arrive de nouveau. "Le trypanosome est un organisme primitif qui s’adapte extrêmement vite à son environnement", explique Etienne Pays, "Nous allons donc soumettre les parasites résistants à des doses contrôlées et de plus en plus grandes d’apoL1 mutée. En réaction à cette pression évolutive dirigée, nous espérons que certains d’entre eux parviendront à synthétiser un nouvel antidote contre cette protéine".

RETRAITÉ ACTIF Si le chercheur parvient à ses fins, la nouvelle molécule qui émergera de l’expérience pourrait ouvrir la voie à de nouveaux traitements contre l’insuffisance rénale : "Actuellement, la protéine SRA neutralise l’apoL1 par contact direct", explique Etienne Pays, "Nous pouvons donc imaginer que le nouvel antidote fera de même contre l’apoL1 mutée, ce qui empêcherait la réaction auto-immune contre les cellules rénales et donc la maladie". L’idée est novatrice, le

projet ambitieux et le sexagénaire optimiste : "J’ai confiance en la capacité du trypanosome à produire quelque chose de neuf pour continuer à survivre. Les premiers résultats du laboratoire soutiennent cette hypothèse… Mais cela implique que je vais rester encore quelques années au laboratoire", ajoute-t-il en souriant. Natacha Jordens

IMPLICATION DE L’ARN POLYMÉRASE I La capacité d’adaptation et d’évolution du trypanosome tient notamment au fait que certains gènes dont la fonction est de varier pour s’adapter, tels que ceux codant pour les antigènes de surface ou les protéines de résistance comme SRA, se trouvent aux extrémités des chromosomes, des zones propices aux mutations. Curieusement, la synthèse d’ARN messager à partir de ces gènes est effectuée par l’ARN polymérase  I, normalement dévolue à la production d’ARN ribosomique : ceci est une exception unique dans la nature, car c’est toujours l’ARN polymérase II qui remplit ce rôle. Dans une publication récente dans le journal Molecular Microbiology, l’équipe du laboratoire de Parasitologie moléculaire explique l’importance de cette polymérase dans le processus d’adaptation du trypanosome. Alors que les parasites s’adaptent normalement en une quinzaine de jours, le processus ne fonctionne plus lorsqu’on remplace l’ARN polymérase I par l’ARN polymérase II pour la transcription des gènes adaptatifs. La polymérase I est donc bien un facteur indispensable à l’adaptation rapide du trypanosome à son environnement. Les chercheurs expliquent cela par le fait que cette enzyme est destinée à synthétiser rapidement de très grandes quantités d’ARN, et qu’elle possède donc une efficacité beaucoup plus élevée que l’ARN polymérase II. Cette activité intense entraîne un déroulement important de l’ADN situé à l’extrémité des chromosomes, ce qui rend les gènes dans cette région plus accessibles aux enzymes déclenchant les recombinaisons et favorise donc l’inventivité adaptative. N.J.

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Démonter le nucléole "brique par brique" Denis Lafontaine et Birthe Fahrenkrog se focalisent sur les ribosomes et les complexes de pore nucléaire via leur ARC consacrée au nucléole. L’intérêt de l’étude ? Le nucléole est un puissant biomarqueur de la maladie et une cible thérapeutique pour le traitement des cancers.

ESSENTIEL FNRS Qu’ils soient doctorants, postdoc’ ou chercheurs, nombre de scientifiques du Biopark bénéficient du soutien précieux du FNRS, "en direct" ou via l’opération Télévie. Le FNRS finance également des équipements ou des projets de recherche… Des ressources humaines ou matérielles qui souvent viennent compléter fort utilement des projets soutenus par ailleurs. C’est par exemple le cas des deux "Actions de Recherche Concertée" présentées cicontre : financées par la Fédération WallonieBruxelles, l’une (Advanced) est coordonnée par Denis Lafontaine, directeur de recherche FNRS, en collaboration avec Birthe Fahrenkrog tandis que l’autre (Consolidation), dirigée par Benoît Vanhollebeke, est aussi soutenue par une convention FNRS-Mandat d’Impulsion Scientifique. N.G.

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"Si on observe la morphologie du nucléole, qui est un compartiment de la cellule, il est possible de deviner si celle-ci est saine ou malade", explique Denis Lafontaine (Laboratoire du Métabolisme de l’ARN, IBMM). "La taille du nucléole, sa forme ou encore le nombre de nucléoles au sein d’une cellule varient énormément. Ces trois critères sont des indicateurs précieux de l’état physiologique de nos cellules". Mais dans la pratique, à ce jour, ils restent difficiles à utiliser par manque de tests cliniques robustes. Les chercheurs vont à présent démonter le nucléole "brique par brique", pour mieux comprendre les relations entre sa structure et sa fonction. "Nous connaissons déjà la composition du nucléole", poursuit Denis Lafontaine. "Pour aller plus loin, nous utiliserons notre microscoperobot, pour analyser la morphologie du nucléole en l’absence de chacun de ses constituants. Le microscope-robot est une plateforme de criblage à haut débit conçue par notre laboratoire dans le cadre des projets FEDER, et le reflet de mon engagement dans la création du CMMI". En parallèle, Birthe Fahrenkrog (Laboratoire de Biologie du noyau, IBMM) s’intéresse aux pores nucléaires, qui sont des petites fenêtres du noyau responsables du trafic, des échanges de composants au sein de la cellule. "Un des objectifs est de comprendre pourquoi certains composants du pore nucléaire se retrouvent dans

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des conditions de pathologie dans le nucléole", explique la chercheuse. "In fine, cette recherche pourrait nous permettre de mieux comprendre la relation entre la structure du nucléole et la maladie, en particulier le cancer". Damiano Di Stazio

Du 19 au 23 août, Bruxelles accueillera la 10e conférence EMBO (European Molecular Biology Organization) sur la synthèse du ribosome. Plus d’infos : http://events.embo.org/15-ribosomes/

Biologie vasculaire cérébrale L’équipe de Benoit Vanhollebeke, soutenu notamment par une ARC, s’intéresse aux vaisseaux sanguins de notre cerveau. Les derniers résultats de sa recherche sont publiés dans eLife. Les vaisseaux sanguins cérébraux doivent résoudre une équation difficile  : approvisionner des dizaines de milliards de neurones en oxygène et nutriments et, en même temps, empêcher l’infiltration de composés et de cellules potentiellement toxiques véhiculés par le sang afin d’assurer l’homéostasie cérébrale et la fiabilité des communications synaptiques. La solution évolutive retenue chez les vertébrés consiste à doter les cellules endothéliales d’une batterie de propriétés protectrices qui portent le nom de barrière hématoencéphalique. Cette dernière représente un enjeu clinique majeur : de nombreuses maladies neurologiques (comme les maladies neurodégénératives, l’accident vasculaire cérébral ou encore certains cancers) ont des composantes neurovasculaires. La clé de l’homéostasie vasculaire cérébrale repose sur un couplage fonctionnel étroit entre les voies de signalisation qui contrôlent la vascularisation cérébrale et celles qui gouvernent l’acquisition des propriétés de barrière hématoencéphalique. Dès les stades embryonnaires les plus précoces, seuls les vaisseaux sanguins qui ont correctement entamé leur maturation pourront envahir le cerveau. "C’est précisément la nature de ces signaux inducteurs, ainsi que la façon dont ils sont reconnus et interprétés par les cellules endothéliales qui sont à l’étude dans mon laboratoire", explique Benoit Vanhollebeke, chercheur à l’IBMM.

PROJET ARC – FNRS – FONDATION ULB Soutenu par la Fondation ULB, un mandat d’impulsion scientifique du FNRS et une ARC Consolidation, le laboratoire de Benoit Vanhollebeke se distingue des autres équipes de recherche actives dans le domaine. "L’angiogenèse est un processus hautement dynamique, et nos travaux viennent de révéler que la mise en place des vaisseaux sanguins cérébraux est régie à l’échelle cellulaire", poursuit le chercheur.

L’approche originale du laboratoire repose sur le modèle du zebrafish, un organisme vertébré transparent permettant d’observer les processus angiogéniques cérébraux avec une résolution temporelle et spatiale inégalée. "Nos recherches ont révélé l’existence d’un complexe membranaire à la surface des vaisseaux cérébraux qui assure un contrôle qualité drastique sur les cellules endothéliales candidates à l’invasion cérébrale. Seules celles qui expriment ce complexe pourront répondre de manière adéquate aux signaux angiogéniques dérivés du cerveau et y initier la formation de nouveaux vaisseaux sanguins." Ces travaux, une collaboration internationale avec le Max Planck Institute de Bad Nauheim en Allemagne, l’Université John Hopkins aux Etats-Unis et une équipe japonaise à Osaka, ouvrent de nombreuses perspectives pour les futures recherches du laboratoire. Damiano Di Stazio

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Immunologie tous terrains Le Laboratoire d’Immunobiologie débute deux projets de recherche consacrés à un mécanisme de résistance tumorale, d’une part, et à la réaction immunitaire intestinale et l’obésité, d’autre part.

Depuis le XVIIIe siècle et les premiers essais de vaccination, les principes de l’immunologie ont progressivement révélé leurs secrets. Cependant, beaucoup reste à découvrir et l’immunologie est encore un domaine de recherche avec de nombreux défis. Notamment dans la lutte contre le cancer : "Nous savons aujourd’hui qu’il existe bel et bien une réponse immunitaire au sein des tumeurs", explique Muriel Moser, directrice du Laboratoire d’Immunobiologie (IBMM), "Mais de nombreux freins empêchent une réaction immunitaire complète et efficace et permettent aux cellules cancéreuses d’échapper au système immunitaire". Le laboratoire entame cette année un projet de 5 ans, financé par la Fondation contre le cancer, pour étudier un de ces freins : l’hypoxie. "Quand une tumeur grossit rapidement", continue Muriel Moser, "il arrive un point où les vaisseaux sanguins ne parviennent plus à

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atteindre les cellules plus éloignées. La pression en oxygène au sein de ces zones baisse". Les cellules qui s’y trouvent sont alors en hypoxie, en manque d’oxygène. Pourtant, la tumeur continue de croître. "Le système immunitaire est plus affecté par l’hypoxie", explique la chercheuse, "La réaction immunitaire est moins efficace. Cela empêche le rejet de la tumeur. Cela ressemble donc bien à un mécanisme d’échappement". En collaboration avec l’équipe de Benoît Van Den Eynde (UCL), le Laboratoire d’Immunobiologie souhaite donc explorer l’effet de l’hypoxie sur les réactions immunitaires anti-tumorales. Le but serait aussi de découvrir comment bloquer ce mécanisme d’échappement pour revenir à une réponse immunitaire pleinement efficace : "Les premiers tests d’immunothérapies contre le cancer donnent de bons résultats mais moins impressionnants que prévus", affirme la chef d’équipe, "Probablement à cause de ces différents freins : les comprendre et les contourner serait donc un moyen d’améliorer ces futurs traitements". INTESTIN ET OBÉSITÉ Autre projet lancé par le laboratoire ces derniers mois : Food4Gut, un programme d’excellence de la Wallonie consacré aux liens entre le microbiote intestinal… et le diabète. "Le diabète de type 2 est une pathologie fréquemment associée à l’obésité qui crée une résistance à l’insuline", explique Muriel Moser. "Nous pensons que cette

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réaction est la conséquence d’une inflammation chronique, inflammation qui pourrait avoir lieu dans l’intestin, au contact des aliments". Le projet rassemble l’ULB, l’ULg et l’UCL (coordinateur). Le but global est d’analyser l’impact de certains nutriments coliques sur la flore intestinale et la santé et de proposer une approche nutritionnelle pour réduire l’obésité et les risques associés de diabète. L’équipe d’Immunobiologie s’intéressera donc plus particulièrement aux réactions immunitaires de l’intestin et du tissu graisseux chez des souris obèses. Fonctionnement des cellules immunitaires, cancer, diabète et nutrition. Recherche fondamentale aujourd’hui et probablement appliquée demain. De l’immunologie tous terrains, assurément. Natacha Jordens

Mieux contrôler les bioprocédés Développer des outils permettant un meilleur contrôle des bioprocédés (et donc une meilleure qualité des produits), c’est l’objectif du projet Single Cells, soutenu par les pôles Wagralim et Biowin, auquel participe le Laboratoire de Génétique et Physiologie bactérienne (IBMM). Un projet mené en collaboration avec GSK, Puratos, Delphi Genetics et l’ULg. "Cette hétérogénéité peut affecter le rendement et la reproductibilité de certains bioprocédés basés sur l’utilisation de bactéries", explique Laurence Van Melderen, du Laboratoire de Génétique et Physiologie bactérienne (IBMM).

De nombreuses études scientifiques ont montré que les populations microbiennes, mêmes les populations dites clonales (identiques d’un point de vue génétique), sont hétérogènes.

Pour résoudre ce problème, GSK et Puratos, actives dans les domaines pharmaceutique et agro-alimentaire, ont décidé de faire appel à Delphi Genetics et à trois unités de recherche académiques dont le laboratoire de Laurence Van Melderen. "Cela part d’une initiative de Philippe Goffin, qui a longtemps travaillé chez GSK et qui fait désormais partie de notre équipe", poursuit la chercheuse. "Notre rôle dans le projet Single Cells sera de construire et de développer des biosenseurs fluorescents

capables de détecter les stress et de contrôler les paramètres des bioprocédés pour contrecarrer ces stress". Cette recherche appliquée sera également utile à un autre projet académique dans le laboratoire. "Ce type de projet peut également avoir un intérêt fondamental", précise Laurence Van Melderen. "Frédéric Goormaghtigh, dont la thèse porte sur le phénomène de persistance bactérienne, pourra profiter du développement de ces biosenseurs. Ceux-ci seront sans aucun doute très intéressants pour son projet, notamment pour la compréhension des mécanismes physiologiques sous-jacents au phénomène de persistance". Damiano Di Stazio

PROJET BEWARE "NEURON" Le projet BEWARE "Neuron", porté par Eric Bellefroid, du Laboratoire de Génétique du développement (IBMM), s’intéresse aux mécanismes de la différenciation et de la diversification neuronale. L’objectif du projet est l’obtention d’anticorps de haute qualité utilisables en immunoprécipitation de chromatine contre les facteurs de transcription Myt1L, Myt1 et NZF3, permettant la transdifférenciation de cellules nonneuronales en neurones. La recherche devrait permettre de mieux comprendre leur mode d’action et l’origine des maladies chez l’homme dans lesquels ces gènes sont impliqués. D.D.

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Delphi Genetics – Avaxia : une collaboration internationale La société biotechnologique wallonne Delphi Genetics et Avaxia, société américaine spécialisée dans le développement d’anticorps thérapeutiques visant à traiter les maladies inflammatoires intestinales, viennent de signer un accord de partenariat. Objectif ? Développer une méthode efficace de production d’un médicament pour ce type de maladie. "La rencontre avec Avaxia a eu lieu en septembre 2014, l’écriture du projet, en décembre 2014 et sa validation, en ce début d’année 2015. Cela a été très vite !", se réjouit Cédric Szpirer, Executive & Scientific Director de Delphi Genetics. Dans la continuité du projet DNAVac – projet de Recherche et Développement BioWin, dont l’objectif visait à développer et produire des vaccins ADN sans antibiotique – Delphi Genetics et la société américaine Avaxia ont signé un accord de partenariat. "Le projet DNAVAC a démontré que notre technologie permet de retirer efficacement

les résistances aux antibiotiques dans les molécules d’ADN utilisées comme vaccin", explique Cédric Szpirer. "Grâce à ce consortium, nous avons également acquis de l’expérience dans les méthodes d’immunisation ADN et de présentation de l’antigène".

UNE MÉTHODE DE PRODUCTION EFFICACE Le but du partenariat ? Associer les compétences des deux sociétés pour développer une méthode efficace de production d’un médicament afin de traiter les maladies inflammatoires intestinales telles que la maladie de Crohn.

"Cette production passe par l’immunisation de vaches qui, à la suite de cette immunisation, vont produire des anticorps. Ces derniers se retrouveront dans le lait des vaches et possèdent une propriété importante exploitée par Avaxia : lorsqu’ils sont pris par la bouche, ils ne sont pas digérés dans l’estomac des patients. De ce fait, ils peuvent cibler des maladies de l’intestin sans pénétrer dans la circulation sanguine et donc sans provoquer les effets secondaires habituels", explique le directeur de Delphi Genetics. Grâce à ses technologies de pointe, l’entreprise wallonne interviendra sur la partie "immunisation". Elle espère ainsi augmenter la production d’anticorps ciblant spécifiquement les molécules responsables des problèmes inflammatoires de l’intestin. "Les aspects innovants de ce partenariat sont d’une part, l’immunisation de grands animaux comme la vache et d’autre part, la mise en place d’un système de production d’ADN original pour permettre la production à moyenne/grande échelle tout en limitant les coûts", conclut Cédric Szpirer. L’objectif sera de montrer l’efficacité du produit (anticorps thérapeutiques produits dans les vaches) et l’absence d’effets secondaires. Damiano Di Stazio

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Véronique Kiermer, groupe Nature "L’éditeur est un partenaire" Docteur en sciences de l’ULB, Véronique Kiermer est aujourd’hui Director, Author and Reviewer Services pour le prestigieux groupe Nature. Elle était récemment en visite au Biopark, un campus où elle compte nombre d’anciens collègues. Après sa thèse de doctorat en biologie moléculaire à l’ULB, Véronique Kiermer est en effet partie aux Etats-Unis, à l’University of California (San Francisco) où elle a décroché un post-doctorat. Elle a ensuite travaillé pendant deux ans dans une entreprise biotechnologique américaine avant d’être engagée par le groupe Nature. Depuis 11 ans, elle habite New York, "Nature a son bureau principal à Londres, je viens donc environ tous les deux mois en réunion à Londres; avec l’Eurostar, la Belgique n’est pas loin, j’y reviens souvent", confie-t-elle.

NATURE METHODS

"Je reconnais dans la salle des visages que j’ai vu lors de ma défense de thèse. Je suis intimidée", sourit Véronique Kiermer, debout dans un auditoire de l’IBMM. En cet aprèsmidi d’avril, la jeune femme n’est pourtant pas venue décrocher un diplôme au Biopark mais bien parler de son travail actuel, celui de Director, Author and Reviewer Services pour le groupe Nature.

Lorsque Nature l’engage, elle a 32 ans, une bonne expérience en laboratoire mais aucune connaissance du monde de l’édition. "Ils lançaient un nouveau magazine, Nature Methods, mon approche les a séduit", se souvient-elle. Véronique aime les défis et celui que lui propose Nature est de taille : lancer un magazine scientifique qui publie ce qui alors était méconnu, des méthodes innovantes, technologiques, prometteuses et aux applications scientifiques réelles, même si, au stade de cette première publication, aucune découverte scientifique n’a été réalisée. Neuf mois et quelques nuits blanches plus tard, Nature Methods était né.

Aujourd’hui, le magazine a fait sa place dans la communauté scientifique. Véronique Kiermer s’est depuis lors vu confier d’autres défis au sein du groupe Nature. Director, Author and Reviewer Services, elle s’intéresse aujourd’hui en particulier à la question de la reproductibilité des résultats expérimentaux. "En sciences biomédicales, tout n’est pas aussi reproductible qu’on le voudrait. Mais, nous devrons améliorer la reproductibilité en nous montrant plus rigoureux dans la description de nos expériences : combien de fois par exemple ne décrit-on pas exactement la souche utilisée, ce qui empêche d’obtenir le même résultat ? La fraude ne concerne que de très rares cas, en revanche, le manque de rigueur qui s’observe trop souvent peut conduire à des biais inconscients. En tant qu’éditeur scientifique, nous attendons du chercheur à la fois de la transparence et de la rigueur dans la description de ses expériences : il doit y avoir assez de détails, assez de précisions pour nous permettre d’interpréter ce qui a été fait avant de décider de publier ou pas", explique Véronique Kiermer. Et de poursuivre, "L’éditeur est trop souvent perçu comme un juge ; or c’est plutôt un partenaire, c’est pourquoi nous essayons

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Véronique Kiermer (suite)

de plus en plus d’être attentifs lorsque nous refusons un article, à expliquer pourquoi et à proposer d’autres revues dont la ligne éditoriale correspondrait mieux à l’article proposé. Nous nous inscrivons aujourd’hui dans une relation de partenariat entre chercheurs et éditeurs où chacun a ses droits et devoirs. Dans cet esprit, par exemple, nous développons des applications en ligne utiles à la communauté scientifique telles qu’une base de données de protocoles, par exemple". Autre sujet de potentielle discorde, l’open access. Le groupe Nature a notamment lancé en open access les revues Nature Communication – créé en 2010, croissance de 73% du nombre d’articles publiés en 2014 par rapport à 2013 – et Scientific Reports – en 2011, croissance de 62%. "Pas moins de 44% des articles publiés dans la groupe Nature le sont en open access", observe Véronique Kiermer, "J’aime beaucoup la philosophie de l’open access mais c’est un business model qui ne peut pas s’appliquer à tout. La revue Nature s’appuie sur un process éditorial coûteux, passant par des évaluations, des délais de précisions, des rejets pour plus de 90% des articles soumis, etc. Face à ces coûts élevés, le meilleur modèle économique actuel reste celui de la souscription". Nathalie Gobbe

REGARD SUR LA RECHERCHE BELGE VÉRONIQUE KIERMER, VOUS AVEZ ÉTÉ FORMÉE À L’ULB. QUE RETENEZ-VOUS DE CES ANNÉES DE THÈSE ? Véronique Kiermer : J’y ai appris la rigueur et une grille d’analyse des situations transposable dans d’autres milieux, d’autres fonctions. Ces années m’ont donc préparées au métier que j’exerce aujourd’hui même si je ne manipule pas en laboratoire. Je pense que les docteurs en sciences doivent évoluer et s’ouvrir à d’autres secteurs que celui de la recherche ; comme les docteurs en droit, par exemple, sont ouverts à d’autres secteurs que le Barreau. Le doctorat en sciences permet d’acquérir des compétences valorisables dans des domaines divers, comme le montre mon parcours. Aujourd’hui, je me sens en tant qu’éditrice aussi utile à la société que si j’étais restée chercheur en laboratoire académique.

COMMENT JUGEZ-VOUS LA RECHERCHE BELGE ? Véronique Kiermer : Je pense que l’éducation et la recherche sont de très bon niveau en Belgique au vu des moyens alloués. Je suis réellement impressionnée par ce qui sort des laboratoires belges ; c’est d’ailleurs essentiel pour continuer à ce niveau de qualité, d’investir dans l’éducation et la recherche. Nombre de chercheurs belges sont reconnus dans la communauté scientifique et pourtant lorsqu’on parle de grands centres de recherche en Europe, la Belgique ne vient pas immédiatement à l’esprit.

COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS CE DÉCALAGE ENTRE L’IMAGE ET LA RÉALITÉ ? Véronique Kiermer : Les chercheurs belges sont trop modestes, ils ne se vendent pas suffisamment vers le grand public ou peut-être est-ce les médias belges qui ne leur donnent pas assez la parole et ne valorisent pas suffisamment leur production scientifique ? Aux Etats-Unis ou ailleurs en Europe, les chercheurs communiquent sur leur recherche, soutenus par les médias qui y font un bel écho, et ils en tirent un bénéfice, c’est évident. N.G.

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En bref DEUX FORMATIONS À SUCCÈS

VERS DE NOUVELLES IMMUNOTHÉRAPIES?

Début avril, le Biopark Formation organisait un symposium autour des "immunothérapies du cancer". Mis en place en collaboration avec le centre de formation Santé du Pôle Santé de l’ULB-Erasme, la VUB et l’UCL, il a rassemblé 130 médecins et chercheurs face à 10 experts internationaux venus exposer les stratégies d’immunothérapies les plus prometteuses ainsi que les résultats cliniques obtenus en Belgique et dans les pays limitrophes.

Cellules importantes pour l'intégrité de l'individu, les lymphocytes T régulateurs restent pourtant un mystère pour les immunobiologistes. Maxime Dhainaut et Muriel Moser (Laboratoire d'Immunobiologie, IBMM) et leurs collaborateurs viennent de publier un article dans l'EMBO Journal identifiant un nouveau mécanisme de contrôle de ces lymphocytes T régulateurs  : ceux-ci interagissent avec les cellules dendritiques via un couple récepteur/ligand qui est ensuite internalisé et dégradé. Cette séquence d’événements est inattendue parce qu’elle dépend d’un transfert inter-cellulaire du récepteur d’un lymphocyte T régulateur vers une cellule dendritique, qui perd progressivement la capacité d’induire une réponse inflammatoire.

Quelques jours plus tôt, le Biopark Formation organisait aussi une Master Class dédiée aux réglementations européennes et à la recherche de partenaires publics et privés dans le domaine de la thérapie cellulaire. Une quinzaine de participants, dont la moitié membres de sociétés françaises, ont eu l’occasion d’échanger avec les experts sur ces sujets pointus. Le networking s’est également révélé efficace : certaines sociétés envisageraient désormais de venir développer leurs activités en Wallonie, selon Dominique Demonté, directeur du Biopark et participant à la session. Un succès pour les deux formations, qui sont amenées à être reconduites dans le futur.

C'est une avancée prometteuse puisque le contrôle de la fonction de ces lymphocytes permettrait d'ouvrir des perspectives intéressantes en immunothérapie du cancer et pour le traitement de maladies auto-immunes ou encore pour prévenir le rejet de greffe. Ces lymphocytes suppresseurs semblent en effet constituer une cible idéale pour manipuler la réponse immunitaire.

N.J.

N.J.

MORT CELLULAIRE ORIENTÉE PAR LE NAD Continuellement dans l’organisme, des cellules meurent de manière programmée. Certaines par apoptose, un processus naturel relativement discret car il n’affecte pas la fonction des cellules avoisinantes et ne suscite pas de réponse inflammatoire. D’autres par nécroptose, un processus de mort cellulaire identifié notamment dans les infections virales : les cellules libèrent alors des molécules pro-inflammatoires qui attirent les cellules sanguines et provoquent une réponse immune protectrice. Dans une étude publiée récemment dans Cell Death and Differentiation, Nicolas Preyat (Laboratoire d’Immunobiologie, IBMM), Oberdan Leo (IMI) et leurs collaborateurs démontrent que le nicotinamide adénine dinucléotide (NAD) favoriserait la nécroptose, aux dépens de l’apoptose. Cette observation éclaire les mécanismes qui régulent le choix du processus de mort cellulaire, encore mal connus aujourd’hui, et permet d’imaginer de nouvelles approches thérapeutiques dans le cadre de la lutte contre les cancers : en favorisant l’accumulation de NAD intracellulaire, il serait en effet envisageable de favoriser la mort des cellules tumorales par nécroptose, déclenchant ainsi une réponse immune anti-tumorale.

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En bref

BONE THERAPEUTICS À GOSSELIES ET À BOSTON

LYMPHOCYTES T CD8 À MÉMOIRE INNÉE

Bone Therapeutics a inauguré ses nouveaux locaux le 24 avril dernier, en présence de Paul Magnette, Ministre-Président de la Wallonie, et de Jean-Claude Marcourt, Vice-président du gouvernement wallon.

Gardiens de notre santé, les globules blancs possèdent des profils divers aux fonctions bien précises. Ainsi, une des souspopulations lymphocytes T CD8 bien particulière possède la capacité de reconnaitre et tuer spécifiquement des cellules infectées par des virus. Lors du premier contact avec un virus, une petite portion de ces lymphocytes se spécialisera en cellules mémoire, qui permettront de réagir plus efficacement à une seconde infection.

Le nouveau bâtiment de 3000 m², partagé avec la société Promethera BioSciences, s'inscrit dans le cadre d'un projet plus vaste, celui de la création de la Plateforme Wallonne de Thérapie Cellulaire (PWTC). La spin-off de l'ULB compte y transférer progressivement l'intégralité de ses activités opérationnelles  : les départements administratifs et de R&D s’y installeront prochainement, puis les activités de production suivront à partir de mi-2016. Bone Therapeutics s’implante également à Boston en créant Bone Therapeutics USA Inc. dans le pôle de biotechnologie de Kendall Square. Les dix plus grandes sociétés biopharmaceutiques mondiales ont une présence dans le Massachusetts, ce qui en fait une localisation idéale en termes d’innovation scientifique et technologique pour une première implantation Outre-Atlantique. Cette localisation devrait permettre à Bone Therapeutics d’accélérer son programme d’essais cliniques aux États-Unis tout en renforçant sa dimension internationale.

De manière surprenante, certains lymphocytes T CD8 peuvent acquérir les propriétés de cellules de mémoire de manière innée, sans devoir préalablement reconnaitre un virus donné. L’équipe de Stanislas Goriely à l’Institut d’Immunologie Médicale (IMI) a mis en évidence les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans ce processus. Ces travaux ont notamment permis de comprendre comment les cellules infectées peuvent, via la sécrétion de molécules à fonction antivirale (interférons), favoriser le développement de ces cellules de mémoire innée. Publiée dans Nature Communications, cette étude permet de mieux cerner le mécanisme d’acquisition des fonctions cytotoxiques et ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine de la vaccinologie.

N.J.

N.J.

Périodicité trimestrielle C H A R L E R O I

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Rédacteur en chef : Nathalie Gobbe • Comité de rédaction : Bruno André, Marie Bouillez, Michel Braun, Christelle De Beys, Dominique Demonté, Natacha Jordens, Véronique Kruys, Frédéric Pierard, Arnaud Termonia Secrétariat de rédaction : Nancy Dath • Photos : Bruno FAHY (partim) • Graphisme : Céline Kerpelt | Curlie.be Contact : ULB-Département des Relations extérieures, Communication Recherche : [email protected], +32 (0)71 60 02 03 • http://www.biopark.be