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et sur la mise en ligne de deux outils novateurs. ... dédiés, cet outil fédérateur ...... antiadhésif, ce moule « château fort » garantit au gâteau une cuisson uniforme ...
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Stop au gaspillage alimentaire !

Interview

JeanPhilippe Girard Président de l’Ania

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Consommation

L’environnement du consommateur influe sur ce qu’il mange

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Magazine des partenaires du Centre d’Études et de Documentation du Sucre

Innovation

Demain, la betterave sucrière…

OCTOBRE 2013 • NUMÉRO 31

Société

S O M M A I R E • N ° 31

3 Éditorial

Actualité

Parmi les raccourcis et inexactitudes qui visent régulièrement le sucre, on observe depuis quelques années cette pratique consistant à rapporter la teneur en glucides d’un aliment à un nombre hypothétique de morceaux de sucre. Or, dire qu’une assiette de spaghettis à la sauce tomate équivaut à huit morceaux de sucre, ou une part de pizza à six morceaux, relève d’un procédé abusif qui, non content de tromper le consommateur sur la définition des glucides, s’inscrit en contradiction avec la réglementation, pourtant extrêmement stricte dans ce domaine.

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Stop au gaspillage alimentaire ! L’Europe et la France entrent en action

Société

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Jean-Philippe Girard Président de l’ANIA

Interview

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En effet, le « sucre » (au singulier) ne peut servir qu’à désigner le saccharose, tandis que les « sucres » (au pluriel) recouvrent tous les glucides simples à saveur sucrée, comme le fructose, le lactose ou le glucose naturellement présents dans de nombreux aiments (fruits, lait, miel…). Aucune de ces deux appelations ne peut servir à désigner les glucides complexes, par exemple l’amidon des pommes de terre ou des céréales. L’amidon de la farine et les sucres des tomates sont donc les seuls glucides présents dans les spaghettis et la pizza. Il est donc abusif, pour ne pas dire illégal, de comptabiliser ces glucides en tant que sucre. Le second préjudice de ce tour de « passe-passe » réside dans le fait qu’il s’appuie sur l’image forte du morceau de sucre. Autrement dit, il met à profit un capital d’image, construit et entretenu depuis des décennies par les acteurs de la filière, en cherchant à marquer les esprits et en tentant d’inverser la perception positive et familière qu’ont les consommateurs de ce morceau de sucre. Enfin, au-delà de l’atteinte à l’image du sucre, les fausses équivalences ont d’autres conséquences auxquelles leurs promoteurs seraient avisés de réfléchir… En premier lieu, celle d’encourager la « confusion alimentaire », voire la culpabilisation des consommateurs face à leur assiette. Nos Autorités en charge de nutrition, de santé et de politiques alimentaires ne peuvent pas rester insensibles à la défense de notre modèle alimentaire. Bruno Hot Président du Cedus

Gras, sucré, salé : des différences d’appréciation entre les enfants européens

La carie dentaire

Repère

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Demain, la betterave sucrière…

Innovation

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L’environnement du consommateur influe sur ce qu’il mange

Consommation

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Le sucre, un aliment « made in France »

Marché et aussi :

Sucre express (p. 2) Tendances (p. 20) Bloc-notes (p. 21) Le CEDUS (Centre d’Etudes et de Documentation du Sucre) est l’un des tout premiers organismes interprofessionnels à avoir été créé pour assurer l’information et la documentation sur un produit essentiel du secteur agroalimentaire français : le sucre.

CEDUS, centre d’études et de documentation du sucre ISSN : 1632-1278 Directeur de la publication : Bertrand du Cray Responsable de rubrique : Philippe Reiser (information scientifique et technologique) Conception éditoriale et rédaction : Christophe Tronchet Communication Ecrite (02 54 72 79 80) Conception graphique : Novima (06 71 27 11 13)

Cedus 23, avenue d’Iéna 75116 Paris Tél. : 01 44 05 39 99 Fax : 01 47 27 66 74 E-mail : [email protected] Internet : www.lesucre.com

Crédits photo : A. Lejarre/Bar Floréal : couv. p.1, 12 - B. Baudin/Bar Floréal : couv. p.12 - D. Lefranc : couv. p.1, 16, 17, 19 - D. Mettoudi : II de couv. - Fotolia/Africa Studio : p.11 - Fotolia/Alexandr Mitiuc : p.11/12 - Fotolia/dip : p.3 - Fotolia/L.Louro : p.3 Fotolia/Liuanateutzi : p.11 - Fotolia/Ping han : p.17 Fotolia/pp76 : p.18 - Fotolia/Sergiofrim : p.10 - Fotolia/SerrNovik : p.1 - Fotolia/Yanlev : p.10 - H. Dez/Bar Floréal : couv - Institut Paul Bocuse : p.16 - Lassalle Beauvais : p. 18 - P. Asset : p 19

Photothèque ITB : p.14 - K. Boudart/R. Soberka : p.13, 14, 15 - Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt : p.5, 7, - Rocco : couv. p.1, 4, 5, 6, 7 - T.Ledoux : couv. p.1, 8, 9 DOCUMENT DESTINÉ AUX PROFESSIONNELS Gds Imprimeurs - Limoges

Grain de Sucre N°31 Octobre 2013

10-31-1581 Certifié PEFC pefc-france.org

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xpress

SUCRÉ Préservation Dans le prolongement de l’inscription du repas gastronomique des Français au Patrimoine immatériel de l’Humanité, la France s’est engagée auprès de l’UNESCO sur un plan d’actions destiné à sauvegarder les différentes composantes de ce patrimoine. Placé sous l’égide de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires, ce plan s’est concrétisé par une première mesure, annoncée en juin 2013 : la création d’un réseau

de « Cités de la gastronomie ». Le prestigieux label a été attribué à quatre villes, chacune associée à un thème : Dijon (la vigne et le vin), Lyon (nutrition et santé), ParisRungis (approvisionnement et animation des marchés), Tours (sciences et culture de l’alimentation). À travers la création et la mise en réseau d’équipements dédiés, cet outil fédérateur permettra de valoriser la diversité des cultures alimentaires, des produits, des savoir-faire, des filières et des métiers qui forment le patrimoine des régions.

SALÉ Altération La miraculine est une protéine extraite de l'arbre à « fruit miracle », originaire d'Afrique de l'Ouest. Elle a l’étrange faculté d’altérer le goût des aliments avec une durée d’action de plus de deux heures, transformant par exemple les saveurs acide ou amère en note sucrée. Aux ÉtatsUnis comme en Europe, elle n’est pas autorisée dans l’alimentation, sans doute pour éviter toute confusion, voire tromperie du consommateur. Il est néanmoins possible de se procurer sur Internet des baies séchées de ce « fruit miracle », comme le font certains américains pour des séances de dégustation où le citron vert devient sucré, et le vinaigre un sirop insipide… Un « miracle » résolument contre nature !

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Grain de Sucre N°31 Octobre 2013

COMMUNICATION Les Industries alimentaires au contact des consommateurs dustrie alimentaire française la meilleure au monde, y compris en termes de qualité et de sécurité. Le sucre y trouve sa place avec l’étape symbolique de 1812 qui marque la création de la filière betteravesucre française. • Alimexpert offre une plate-forme participative permettant aux internautes de poser toutes les questions qu’ils souhaitent et d’obtenir des réponses claires et solides, étayées par des références scientifiques, sanitaires et réglementaires. Face à la crise de confiance manifestée par les consommateurs vis-à-vis de l’alimentation et, plus particulièrement, du secteur agroalimentaire, l’ANIA* a lancé, en juin 2013, une campagne d’information destinée au grand public. S’adressant pour la première fois en direct aux consommateurs, ce dispositif s’appuie sur une refonte complète du site Internet ania.net et sur la mise en ligne de deux outils novateurs. • Alimévolution est une fresque animée retraçant l’histoire de la sécurité alimentaire à travers les avancées et exigences réglementaires qui font de l’in-

Cette dynamique mobilise l’implication et l’expertise de l’ensemble des acteurs du secteur, notamment celles de la filière sucre afin de répondre aux nombreuses questions portant sur l’origine, les utilisations et les aspects nutritionnels du sucre. « En expliquant au public d’où nous venons, où nous allons et qui nous sommes, nous replaçons le débat dans une perspective humaine et historique avec la volonté de renouer le dialogue et de retisser les liens avec nos consommateurs », commente le président de l’Ania. *Association nationale des industries alimentaires.

SEMAINE DU GOÛT Rencontres et partage au menu La Semaine du Goût se déroulera du 14 au 20 octobre 2013, sous les Hauts Patronages du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et du ministère de l’Éducation Nationale. Placée sous le signe des rencontres et du partage, la 24e édition sera marquée par de nombreux événements qui s’adressent autant aux enfants qu’aux adultes. La Collective du Sucre, qui a créé cette manifestation nationale dédiée à la promotion du goût, en est aujourd’hui le partenaire fondateur.

LA PETITE PHRASE « Dans les années 1990, la pâtisserie était considérée comme une voie de garage. Vingt ans plus tard, nous sommes fiers d’en être les ambassadeurs. » Christophe Michalak, champion du monde de pâtisserie 2005, à l’occasion de l’émission Qui sera le prochain grand pâtissier ? sur France 2.

LE CHIFFRE

135 minutes C’est le temps que les Français passent chaque jour à table pour partager leurs repas. Cette moyenne, qui constitue un record mondial, confirme l’importance qu’occupe, en France, le repas familial à table, pilier d’un modèle alimentaire sans équivalent dans le monde. Source : Insee Première, octobre 2012

Actualité

Gras, sucré, salé : des différences d’appréciation entre les enfants européens Vaste programme d’études sur l’alimentation lancé par la Communauté européenne, IDEFICS a récemment livré les résultats d’une enquête sur le goût des enfants pour les aliments gras, sucrés et salés. Au-delà des différences liées à l’âge, le pays de résidence semble influer de manière significative sur les préférences envers ces trois saveurs.

En France, le sucre n’augmente pas la prise alimentaire chez les enfants Par Sophie Nicklaus, chargée de recherches à l’Inra au Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation (Dijon), structure de recherche multipartenaire dédiée à l’étude de la perception des aliments et des comportements alimentaires. « Bien que notre pays ne soit pas intégré à l’échantillon défini par IDEFICS, les chercheurs français conduisent leurs propres enquêtes sur la consommation de sucre, de sel et de matières grasses, notamment chez les jeunes enfants, mais avec d’autres protocoles. À la différence d’IDEFICS, qui vise les préférences alimentaires, nos études se penchent plutôt sur les niveaux et modes de consommation. Nous n’avons donc pas d’éléments de comparaison directe avec les résultats de cette étude européenne. Toutefois, des thèses ont été récemment publiées sur l’impact du sel, du gras et du sucre sur la prise alimentaire chez les nourrissons et les enfants de 2 à 11 ans. Ces travaux montrent notamment que quand du sucre est ajouté, la quantité de sucre ajoutée n’impacte pas, au plan quantitatif, leur niveau de consommation de l’aliment concerné ; de même pour la matière grasse. En revanche, haricots et pâtes sont davantage appréciés – et consommés – si du sel y est rajouté. La question fait actuellement l’objet d’autres études dont les résultats seront présentés le 12 novembre prochain, lors d’un colloque organisé par le réseau expert RMT Sensorialis. »

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errière son nom de code, IDEFICS* recouvre un programme à grande échelle dont l’objectif est de mieux comprendre les déterminants nutritionnels et socio-culturels de l’obésité et le surpoids chez les enfants européens. Depuis sa création, en 2006, IDEFICS a lancé plusieurs dizaines d’études qui s’intéressent à des questions telles que les liens entre prise de poids et niveau d’éducation, revenu des foyers, sommeil, modes de vie, préférences alimentaires... Un volet de cette étude, publié en mai 2013 dans la revue Food Quality and Preference, porte plus spécifiquement sur le goût des enfants de six à neuf ans pour les aliments gras, sucrés et salés.

Sur un périmètre de huit pays formant un échantillon considéré comme représentatif des différents modes de vie européens (Belgique, Suède, Estonie, Allemagne, Hongrie, Espagne, Chypre, Italie), 1 705 enfants se sont prêtés à une expérience consistant à goûter un jus de pomme standard et une version plus sucrée et d’indiquer où allait leur préférence. Puis le même protocole a été appliqué avec des crackers pour cerner leurs attitudes envers les matières grasses et le sel. Les résultats montrent une relative constance quant à l’attirance pour le sucre : 60 à 70 % des enfants hongrois et italiens ont un appétit plus marqué pour le sucre contre 40 % pour les jeunes Belges.

L’attirance pour le sucré décroît avec l’adolescence Les différences sont en revanche plus marquées pour les autres saveurs. Près

de 75 % des enfants allemands préfèrent des crackers plus gras contre seulement 35 % des Chypriotes, et 85 % des Estoniens préfèrent les échantillons plus salés contre 52 % des Italiens. Les facteurs socio-démographiques (âge, sexe, éducation parentale), les habitudes prises dès les plus jeunes années, le comportement parental ont été explorés. Il en ressort que le pays d’origine et la culture alimentaire associée demeurent, parmi tous les facteurs étudiés, ceux qui conditionnent le plus l’attirance pour le sucré, le gras et le salé. Au-delà de ce constat, les chercheurs notent que l’appétence pour le sel et le sucre présente chez tous les enfants une évolution similaire, quel que soit le pays étudié : plus marquée entre six et neuf ans, cette attirance tend universellement à régresser avec l’adolescence. Le facteur « pays d’origine » est donc prépondérant dans les préférences gustatives de cette classe d’âge avant de s’homogénéiser au fil du temps. De plus, les auteurs de l’étude soulignent qu’en termes de lutte contre l’obésité ou le surpoids, « les enfants ne peuvent être considérés comme un groupe homogène », c’est pourquoi il sera, selon eux, « nécessaire de recourir à différentes mesures en fonction des groupes d’âge ». À son terme, IDEFICS permettra de formuler des recommandations alimentaires pour le maintien d’un « poids sain ».

* IDEFICS : Identification and Prevention of Dietary and Lifestyle-induced Health Effects In Children and Infants

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Société

Stop au gaspillage alimentaire !

L’Europe et la France

Le gaspillage « à domicile » représente la première source de perte de nourriture, principalement en raison d’une mauvaise gestion des approvisionnements et du stockage.

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entrent en action À l’initiative du Parlement européen, 2014 a été proclamé « Année de lutte contre le gaspillage ». Cette dynamique qui concerne tous les pays de l’UE se traduit d’ores et déjà en France à travers l’engagement des Pouvoirs publics et de nombreux acteurs des secteurs privés et associatifs, notamment au sein des industries alimentaires, de la distribution et de la restauration collective. Un chantier vaste et complexe dont les actions contribuent à un enjeu majeur : construire un système alimentaire durable.

C

haque Français jette en moyenne 20 kg d’aliments par an à la poubelle, dont 7 kg de produits même pas déballés et 13 kg de restes de repas ou de fruits et légumes abîmés et non consommés1… En incluant l'ensemble de la chaîne alimentaire, du producteur au consommateur, le décompte des quantités gaspillées s'alourdit nettement. Il est aujourd’hui évalué à 150 kg par an et par habitant, ce qui place toutefois la France à un niveau inférieur à la moyenne européenne qui s’établit 179 kg2. À l’échelle de la planète, la FAO estime que pertes et gaspillages atteignent le pourcentage record d'un tiers des aliments produits annuellement pour la consommation humaine3.

Bien que les estimations statistiques soient encore incomplètes, ces premiers chiffres ont créé un véritable électrochoc au cours des trois dernières années. Désormais, il est impossible d'ignorer une réalité dont les spécialistes s’accordent à pointer du doigt les innombrables conséquences économiques, sociales et environnementales, depuis les crises alimentaires jusqu'à la dilapidation des ressources (en eau, en énergie, en travail...), sans oublier l’impact sur le réchauffement climatique. À l’heure où 16 millions de personnes dans le monde dépendent de l'aide alimentaire, comment ne pas être interpellé par le fait que près de 50 % des aliments sains disponibles sont jetés chaque année ? La question est d’autant plus cruciale si l’on se projette à l’horizon 2050, où l’Humanité

devra nourrir 9 milliards d’individus. Dans un contexte de lutte contre le réchauffement climatique, cette autre réalité se traduit par une équation singulièrement complexe : comment doubler la production alimentaire tout en réduisant les émissions de CO2 engendrées par la production, la transformation et le transport de denrées ?

La campagne gouvernementale de sensibilisation au gaspillage est diffusée notamment dans les cantines scolaires et via les réseaux sociaux.

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désirant s’investir dans cette dynamique. Parallèlement une campagne de communication sur le thème « Manger c'est bien, jeter ça craint » a été initiée avec pour objectif de « créer le buz » et de provoquer une prise de conscience collective. Démarrée en janvier 2013 sur Internet et très active sur les réseaux sociaux, elle est périodiquement relayée dans les cantines scolaires et les restaurants d'entreprises sous forme d’affiches, cartes postales, sets de tables…

Un pacte national et citoyen

Selon la Commission européenne, 167 g de nourriture par personne et par repas sont, en moyenne, gaspillés dans la restauration commerciale, collective et scolaire.

C’est en 2011 qu’un membre du Parlement européen, Salvatore Caronna (Italie), a lancé la première alerte institutionnelle. « La question la plus importante à l'avenir sera de répondre à la demande croissante de produits alimentaires, étant donné qu'elle sera supérieure à l'offre. Nous ne pouvons nous permettre plus longtemps de rester dans l'inaction, alors que des aliments sains et comestibles sont jetés à la poubelle », déclarait-il en novembre 2011 lors de la remise de son rapport d’étude à la Commission européenne4. « Ce point a été trop longtemps négligé, et notre rapport contient un message fort en faveur d'une action immédiate de la part de l'UE » : répondant à cette injonction du rapporteur, la question du gaspillage faisait, moins de deux mois plus tard, l’objet d’une résolution présentée par la Commission Agriculture et votée par le Parlement européen le 19 janvier 2012.

Une mobilisation multiforme et durable Parmi les dispositions inscrites dans la résolution, 2014 a été déclarée « année européenne de lutte contre le gaspillage alimentaire ». Au delà de cet emblème symbolique, elle s'est concrétisée par le lancement d’initiatives au niveau de l’Europe et de pays membres. En France, le dossier a été pris en charge par le ministre délégué à l'Agroalimentaire, Guillaume Garot (voir page 7). La méthode définie par le Ministère repose sur trois axes : « caractériser les causes aux différents maillons de la chaîne alimentaire pour lutter sur tous les fronts, se donner des moyens pour sensibiliser et agir en s'appuyant sur tous les acteurs concernés en partant du terrain. » L'année 2012 a ainsi été marquée par la réalisation d'études plus approfondies, notamment au stade de la remise directe des produits au consommateur, c’est-à-dire via la distribution et la restauration collective5. Elles ont montré que la grande hétérogénéité des métiers et la diversité des fonctionne-

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Grain de Sucre N°31 N°29 octobre Janvier 2013 2013

ments sectoriels nécessitent d'initier des pratiques multiples et innovantes pour garantir l’efficacité globale du dispositif. Parallèlement, des opérations pilotes ont été menées, à échelle locale, par des acteurs engagés. C’est sur cette base que le ministre délégué a annoncé, en octobre 2012, le déploiement d’un Plan national d’action contre le gaspillage. Un premier outil d’information et de sensibilisation a aussitôt été mis en place, sous forme d’un portail internet dédié, www.gaspillagealimentaire.fr. Il fédère et présente toutes les actions initiées par les acteurs impliqués dans la lutte contre le gaspillage, diffuse les bonnes pratiques « anti gaspi » et favorise la mise en réseau des citoyens

Côté terrain, les premières opérations ont été testées et évaluées afin de s’assurer qu’elles répondent réellement à un besoin ou une demande. Une démarche pragmatique dont les résultats ont été présentés en juin 2013 lors de la signature d'un Pacte national contre le gaspillage. Prolongement concret du Plan national contre le gaspillage, ce pacte scelle l’engagement dans la durée des acteurs déjà actifs et permet à d’autres acteurs de se rejoindre au mouvement. Au-delà des citoyens consommateurs, le Pacte contre la gaspillage regroupe ainsi des représentants de différents univers : industries alimentaires, restauration collective, distribution, collectivités territoriales, associations de solidarité, professionnels de la communication... Signe particulier, ces acteurs engagés ont pour vocation d’agir par eux-mêmes, mais aussi d’entraîner leur environnement : fournisseurs, consommateurs, élus... Car s’il s'agit de changer des habitudes ancrées dans les comportements, la dynamique implique également de modifier des organisations ou des choix techniques. Depuis, certains distributeurs proposent des initiatives jusqu’alors inédites, comme l’édition de coupons permettant aux consommateurs de différer l’achat de lots promotionnels (et donc

Agir au plus près de la consommation L'essentiel du gaspillage alimentaire se situe au moment de la consommation : 42 % des volumes sont jetés à la maison, et 14 % dans la restauration commerciale, collective et scolaire*. Dans ces trois domaines de la restauration sont respectivement perdus 211 g, 167 g et 125 g de nourriture par personne et par repas*. La prise de conscience et l’action responsable des individus représentent donc un levier déterminant dans la lutte contre le gaspillage. Ainsi, rien qu’au sein des foyers, on estime que les pertes peuvent chuter de 60 % en adoptant quelques réflexes simple :

> Mieux acheter > Faire une liste de courses > Résister aux promotions qui incitent à acheter trop > Surveiller les dates limite de consommation (DLC) > Respecter la chaîne du froid > Éviter les produits hors saison stocker dans le réfrigérateur : ranger les aliments en fonction des zones de > Mieux froid, placer en avant les produits à consommer prioritairement, emballer soigneu-

sement viande et fromages, conserver les restes dans des boîtes hermétiques… les restes : légumes en gratins ou soupe, viandes, volailles ou poissons en > Cuisiner hachis, accompagnement de pâtes, papillotes, pizza ou brochettes, pain perdu, fruits abîmés en crumble, compote, confiture... * Sources : Commission européenne ; « Pertes et gaspillages dans les métiers de la remise directe (restauration et distribution) », MAAPRAT, 2011

questions à Guillaume Garot Ministre délégué en charge de l’Agroalimentaire La lutte contre le gaspillage est soutenue en France par une politique volontariste. Quels sont les enjeux de cet engagement ?

Au niveau mondial, la FAO estime que plus de 30 % des aliments produits pour la consommation humaine sont perdus ou gaspillés.

d’éviter les stockages pouvant déboucher sur du gaspillage) ou encore la vente à très bas prix des produits proches de la date limite de consommation (DLC). De son côté, la Fédération Française des Banques Alimentaires met en place un dispositif de collecte et de transformation en confitures des fruits non distribués ou invendus en magasin. Autres exemples, la restauration collective déploie des circuits courts d'approvisionnement et les Marchés d'Intérêt National généralisent des chantiers d'insertion permettant de récupérer des invendus de produits frais puis de les recycler dans le circuit alimentaire. Enfin, les communes mettent en œuvre des moyens spécifiques, à l’image de Tours, qui a inauguré un système de ramassage à domicile des denrées que les habitants souhaitent donner à l'aide alimentaire. Autant d'actions qui devraient inverser les tendances. Reste à leur donner toute l'ampleur nécessaire pour atteindre l'objectif, et à pérenniser ce mouvement pour influer durablement sur les comportements. 1. MODECOM : Méthode de Caractérisation des Ordures Ménagères, Ademe, 2007 2. “Food waste across UE 27”, Bio Intelligence Service, European Commission, octobre 2010 3. Global Food Losses and Food Waste, FAO, mai 2011 4. Source : Parlement européen (www.europarl.europa.eu) 5. Pertes et gaspillages dans les métiers de la remise directe (restauration et distribution), MAAPRAT, 2011

Je n’ai pas peur de dire qu’il s’agit véritablement d’un enjeu de civilisation. C’est à la fois un fléau, d’abord de notre société de sur-consommation, celle des pays riches, mais aussi un manque de solidarité envers les pays du Sud, à qui font défaut les moyens adéquats pour stocker, transporter et transformer les productions agricoles. La FAO estime que nous perdons ou gaspillons aujourd’hui plus de 30 % des aliments que nous produisons. Comment imaginer, dans ces conditions, parvenir à nourrir les neuf milliards d’habitants qui peupleront notre planète en 2050 ? Le véritable défi alimentaire est là : une assiette pleine mais aussi une assiette de qualité. C’est un droit fondamental pour chaque citoyen et c’est, à mes yeux, l’un des défis majeurs du siècle qui vient. Donc nous devons agir concrètement, ensemble et nous le faisons d’abord au niveau de la France et en Europe. Avec effectivement le même objectif qu’avait formulé le Parlement européen : diviser par deux le gaspillage alimentaire d’ici à 2025. Quelle place occupe le Pacte signé le 14 juin dernier dans le Plan national de lutte contre le gaspillage ? Qu'en attendez-vous ? La signature du Pacte représente un acte majeur de la mobilisation nationale contre le gaspillage alimentaire. C’est un signal de l’ensemble des acteurs pour signifier que chacun peut, veut et va agir. C’est la première fois qu’un gouvernement fait de la lutte contre le gaspillage alimentaire une véritable politique publique. Le signal que nous donnons est fort, et il est d’ailleurs reçu très positivement partout ou je présente cette politique, que ce soit auprès des professionnels de toute la chaîne (producteurs, transformateurs, distributeurs) ou au niveau des autres pays. C’est aussi un ensemble de mesures très concrètes prises par le Gouverne-

ment : l’inclusion de clauses antigaspillage dans les marchés publics de la restauration collective, la disparition de la mention DLUO, l’intégration de la thématique dans les enseignements agricoles et hôteliers. Mais ce n’est qu’une étape. Nous suivrons et contrôlerons sa mise en œuvre, et nous multiplierons les actions partout dans nos territoires. D’ores et déjà, nous enregistrons chaque semaine des ralliements à notre mouvement. Parmi les tout derniers, la Région Martinique, qui organise le glanage des fruits mûrs pour les redistribuer aux associations et, à terme, les revendre en circuits courts ; ou encore la ville de New York, avec laquelle nous travaillons sur une convention très large couvrant la lutte contre le gaspillage ainsi que l’éducation au goût et à la qualité alimentaire. Vous voyez, la lutte contre le gaspillage fédère les énergies de tous les horizons. Quels enseignements peut-on tirer des premières actions ? Nous sommes face à un sujet très « concernant » car tout le monde peut s’emparer de la lutte contre le gaspillage, à son niveau, à son échelle. Tout le monde peut agir. Chaque personne peut donc avoir une prise sur la marche de la planète, peut contribuer concrètement à l’amélioration de la vie collective. J’insiste, car c’est essentiel pour que cela marche, et au regard des réactions incroyablement positives des citoyens depuis que nous nous sommes engagés dans cette politique, je sais que nous sommes sur une bonne voie. Il y a une véritable prise de conscience collective face au gaspillage alimentaire : la société française est prête. En Europe nous ne sommes pas les premiers à réfléchir et à agir, certains États sont en avance sur nous : je pense par exemple au Royaume-Uni. Des régions sont en pointe également : je l’ai constaté en Émilie-Romagne (Italie). Mais mes interlocuteurs européens s’accordent à me dire que nous nous sommes fixés des objectifs parmi les plus ambitieux. À nous tous d’être à la hauteur de cette ambition.

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INTERVIEW

Un entretien avec Jean-Philippe

Girard

Président de l’Ania Élu à la présidence de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) le 20 juin 2013, Jean-Philippe Girard succède à Jean-René Buisson qui occupait cette fonction depuis 2004. Fort d’une expérience de plus de trente ans dans le secteur agroalimentaire, le PDG fondateur de l’entreprise dijonnaise Eurogerm1 place son mandat sous une triple ambition : restaurer la confiance des consommateurs, inscrire les industries alimentaires au cœur des grands enjeux de la nation et des politiques publiques, donner un nouvel élan aux Territoires en renforçant, dans tous les domaines, la cohésion entre le local et le national. Grain de sucre. Quelle est la mission de l’Ania et quelles évolutions souhaitez-vous initier dans le cadre de votre mandat ? Jean-Philippe Girard La mission première de l’Ania est claire et bien connue : assurer la défense et la promotion de nos industries alimentaires de toutes tailles (TPE, PME, grands groupes), sur l’ensemble des aspects concernés par nos activités : économie, métiers, emplois, valeurs liées à l’alimentation, efforts réalisés par les secteurs et les entreprises en matière de nutrition, de développement durable... Depuis plusieurs mois, nous avions engagé une réflexion sur sa gouvernance, rendue nécessaire par la conjonction de deux facteurs : la crise économique et l’actualité alimentaire. Chacun s’est exprimé sur sa vision de l’Ania. En tant que membre du Bureau, j’ai proposé le principe d’une Direction plus ouverte, plus collégiale, qui permette de mieux intégrer les multiples expertises aujourd’hui indispensables à la conduite de nos missions. En effet, une seule personne ne peut être expert à la fois en agriculture, en nutrition, en relations commerciales ou encore en développement durable… Cette proposition a retenu l’attention, et lorsque mon prédécesseur a annoncé son souhait de ne pas renouveler son mandat, on m’a alors suggéré de présenter, sur cette première base, ma candidature. GdS. Comment cette vision collégiale se traduit-elle ? JP.G Par la mise en place, depuis l’été, de sept vice-présidences respectivement dédiées à des enjeux majeurs et ciblés : agriculture et première transformation ; industrie et commerce ; Aria2, PME et pôles de compétitivité ; développement durable ; finances, gestion et cotisations ; affaires européennes ; relations avec les organisations patronales. À ce propos, je souligne que le président du Syndicat national des fabricants de sucre (Snfs), Bruno Hot, a été nommé, le 11 juillet, vice-prési-

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dent de l’Ania en charge de l’agriculture et de la première transformation. Toujours au plan structurel, je souhaite également renforcer la collaboration et la proximité entre ces trois instances fondamentales que sont les Fédérations, qui forment le socle de l’Ania, les Aria, qui constituent le socle des territoires, et l’Ania elle-même. Le territoire est le trait d’union entre les petites entreprises et les multinationales, qui doivent réussir à mieux travailler ensemble : l’idée de consolider notre maillage territorial en dégageant des synergies bénéfiques à chacun des acteurs et des métiers fait partie des objectifs prioritaires de mon mandat.

GdS. Qu’en est-il des relations entre les industries de première transformation et de seconde transformation ? JP.G. Nous avons tout intérêt à travailler en filière, de manière plus transversale. Il est nécessaire que chacun trouve de la valeur ajoutée à nos productions, depuis l’agriculteur jusqu’au consommateur en passant par les acteurs de la transformation. L’enjeu est important, car si l’un des maillon de cette chaîne est fragilisé ou mis en difficulté, c’est tout l’ensemble qui se trouve fragilisé. Au-delà des spécificités de chacun, je souhaite que l’on se connaisse mieux, ne serait-ce que pour réagir plus vite et plus efficacement lors d’un épisode de crise comme on en a connu récemment. Il faudra redéfinir les besoins de chaque filière agro-industrielle, végétale ou animale, et surtout se positionner sur une vision à moyen et long termes pour aider à restructurer la production française dont le terrain de jeu est aujourd’hui planétaire. Pour affronter demain la concurrence de plus en plus forte de pays tiers, il faut se préparer dès aujourd’hui. Je souhaite qu’une réflexion de fond soit engagée sur cette question qui figure, parmi d’autres, sur les feuilles de route présentées par les vice-présidents. GdS. Quels autres enjeux s’inscrivent dans vos priorités ? JP.G. Tout les axes portés par les viceprésidences sont stratégiques, mais il y a aujourd’hui une urgence : les relations entre industrie et commerce. Il faut mettre fin à cette guerre des prix qui ne sert plus personne, y compris la grande distribution. Je l’ai dit avec des mots un peu forts à notre ministre, Guillaume Garot : « cela tue l’emploi, cela tue l’investissement, cela tue nos entreprises une à une et cela incite à la tricherie, comme on l’a vu récemment avec le problème de la viande de cheval… » On

sait qu’il faudra cinq à dix ans pour sortir d’un système de déflation et de récession comme celui que l’on traverse, il faut donc agir vite ! Par ailleurs, nous devons travailler sur la transparence vis-à-vis du consom mateur. Face à la perte de confiance qui s’est installée, des outils ont d’ores et déjà été mis en place, notamment sur Internet – Alimexpert et Alimévolution – pour se rapprocher du consommateur (voir également p. 2, ndlr). À travers eux, l’Ania se positionne comme un trait d’union entre nos filières et les citoyens qui attendent des réponses concrètes et compréhensibles sur les questions d’équilibre, de qualité et de sécurité alimentaire.

GdS. Quel est votre point de vue sur les mesures de fiscalité dite « comportementale » ?

tionnels et nutritionnels de l’alimentation est aujourd’hui mené avec sérieux et détermination par tous les acteurs. D’ailleurs, ceux qui ne le feraient pas seraient condamnés par les choix des consommateurs, car un produit qui ne plaît pas, sur l’un ou l’autre critère, est immédiatement retiré de la liste de courses… À l’heure où le consommateur demande plus de transparence, plus d’information et plus de qualité, nous devons ensemble conjuguer nos efforts pour réaffirmer et faire reconnaître notre fierté : celle de produire pour le consommateur. 1. Entreprise spécialisée dans les ingrédients céréaliers et les technologies innovantes 2. Association régionale des industries alimentaires. www.ania.net

JP.G. C’est très clair : on ne peut pas, d’un côté, demander à nos entreprises de s’engager pour la croissance, l’emploi et la formation – par exemple à travers le Contrat de filière signé avec le Gouvernement en juin 2013 – et, d’un autre côté, les menacer en permanence avec des nouvelles taxes et réglementations. Cette situation n’est pas tenable : notre secteur a besoin de travailler sereinement ! L’impact des taxes comportementales est désastreux, ne serait-ce qu’en termes d’image. Mettre dans la tête des gens que tel ou tel aliment est un problème constitue une absurdité et, surtout, un danger. J’ai eu l’occasion de saisir notre ministre sur ce sujet. Par ailleurs, j’ai été auditionné au Sénat, en j u i l l e t d e r n i e r, d a n s l e c a d r e d e l a mission sur la fiscalité comportementale. Cette rencontre avec les sénateurs m’a également permis d’aborder d’autres questions telles que l‘information des consommateurs, la transparence, les relations avec la distribution… GdS. Quels autres moyens d’action sont déployés pour faire entendre la voix du secteur ? JP.G. L’Ania dispose aujourd’hui d’une vice-présidence entièrement dédiée aux questions en lien avec les politiques publiques. En outre, les Fédérations et les Aria seront amenées à jouer un rôle croissant dans les relations avec les élus et décideurs, aux niveaux local et sectoriel. À travers ce dispositif, l’Ania se donne les moyens d’alerter encore et encore les acteurs de la vie publique sur les conséquences directes et indirectes des taxations comportementales et, plus largement, sur la nécessité de cesser d’opposer alimentation et santé. Notre position est d’autant plus légitime que le travail sur les aspects sensoriels, fonc-

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Découverte

La carie

Longtemps incriminé comme seul responsable de la formation Certes cariogène, il s’intègre néanmoins à une approche aujour tant aux plans statistique que scientifique et prophyla

Qu’est-ce que la carie dentaire ? La carie dentaire est une maladie résultant de la colonisation de la surface dentaire par certaines bactéries présentes dans la flore buccale. Ces bactéries utilisent les glucides pour se développer, former la plaque dentaire* et produire, par fermentation, des acides capables de dissoudre l’émail de la dent et de provoquer sa déminéralisation. Pour aboutir au stade de la carie, les attaques acides doivent être répétées et prolongées. D’où l’importance de contrebalancer ces agressions par les moyens de lutte naturels, notamment grâce aux propriétés immunitaires de la salive, et par des pratiques telles que l’hygiène bucco-dentaire et l’apport de composés fluorés. Carie occlusale

Universellement considéré comme un élément protecteur, le fluor agit contre la carie à deux niveaux : il rend la dent plus résistante à la déminéralisation et ralentit le métabolisme de la flore buccale, réduisant ainsi la production d’acide. Il est utilisé via les pâtes, gels dentifrices et bains de bouche fluorées ou sous forme de supplémentation (gouttes, comprimés…), principalement pour les jeunes enfants et pour les personnes les plus exposées aux attaques acides en raison de problèmes liés à leur salive ou à des affections buccales.

Un fléau universel mais en forte régression Bien que la carie dentaire soit en régression dans les pays industrialisés, elle reste une maladie très répandue au niveau mondial, où elle est classée « troisième fléau » par l’OMS. À cette échelle, 60 % à 90 % des enfants scolarisés et 100 % des adultes ont développé au moins une carie. Quel que soit le pays, la fréquence et la densité des épisodes cariogènes sont plus étendues dans les groupes de population démunis et socialement défavorisés. Malgré le caractère universel de cette exposition, la carie a fortement diminué au cours des trente dernières années dans les pays développés, tout particulièrement en Europe grâce à l’utilisation du fluor et au développement de l’hygiène bucco-dentaire : suivi médical préventif, remboursement des visites, campagnes d’incitation au brossage régulier des dents, accessibilité des produits de brossage et d’hygiène dentaire…

La régression de la carie dentaire a eu lieu alors que la consommation de sucre est restée stable sur la même période. Ce constat contribue à relativiser, au plan épidémiologique, l’implication du sucre dans la survenue des caries.

Évolution des caries déte de 12 ans en Franc

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Moyenne Europe (17 pays)

France

*Selon l'indice CAOD (nombre de dents cariées, abse Sources : WHO Europe. ILSI Europe concise monogra

* La plaque dentaire est un film constitué de sédiments complexes (bactéries, substances produites par les bactéries, protéines d’origine salivaire) qui se déposent à la surfaces des dents.

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dentaire

n de la carie dentaire, le sucre n’est plus considéré comme tel. rd’hui plus large de cette maladie aux causes multifactorielles, actique. Radiographie du problème et de ses solutions.

Glucides et carie : faits et réalités Le potentiel cariogène des glucides est un fait connu et établi de longue date. Pour autant, il reste un phénomène complexe dont les réalités sont aujourd’hui mieux connues des scientifiques. • Contrairement à une idée reçue, le sucre (ou saccharose) n’est pas le seul glucide impliqué dans le processus de formation des caries. En effet, tous les glucides favorisent la prolifération de bactéries, qu’ils soient « simples » – comme le fructose ou le lactose présents dans les fruits ou les laitages – ou « complexes », comme l’amidon présent dans les pâtes ou les pommes de terre.

émail

• L’association amidon-saccharose semble plus cariogène que le saccharose seul. Carie proximale

gencive

• Le potentiel cariogène varie en fonction de la texture de l’aliment et de son mode de préparation culinaire. Les raisins secs, les frites ou les bananes, adhérant aux dents, ont ainsi un potentiel plus élevé qu’un yaourt ou un dessert à la gelée de fruit… • La fréquence et la durée de contact des glucides avec les dents importent plus que la quantité consommée. Autrement dit, plus l’aliment glucidique passe de temps en bouche, plus le risque cariogène augmente.

pulpe

dentine

os alvéolaire

Pour limiter le risque sans renoncer aux petits plaisirs, il est par exemple conseillé de se brosser les dents après avoir dégusté une sucette, ou encore de ne pas boire de boissons sucrées avant de dormir sans s’être (re)lavé les dents.

Découvertes scientifiques : utopie ou avenir ?

ectées chez les enfants ce et en Europe*

970/1980 2006

5,6

1,1

3,5

1,2

entes ou obturées). aph series, 2009.

Depuis plusieurs décennies, l’idée d’un vaccin préventif ou thérapeutique contre la carie fait partie des grandes quêtes du « Graal scientifique » poursuivies par les chercheurs. Plusieurs brevets ont été déposés dans ce sens, notamment en Angleterre (Guys Hospital, 1998) ou au Portugal (Institut des sciences médicales, 2005). En termes d’application à l’Homme, le principal obstacle tient au fait que le vaccin doit cibler une protéine du streptococcus mutans, principale bactérie responsable de la carie, mais cette protéine est aussi présente dans d’autres cellules du corps, notamment au niveau du muscle cardiaque : sa neutralisation risquerait alors de bouleverser le système immunitaire dans son ensemble, qui se retournerait alors vers des fonctions vitales de l’organisme… Plus récemment, une équipe japonaise de l’université de Kinki a annoncé avoir conçu un procédé révolutionnaire, sous forme d’un film à base de phosphate (hydroxyapatite), de 0,004 mm d’épaisseur, qui peut être appliqué sur les dents pour les protéger de la plaque dentaire et des attaques acides. On estime qu’il faudra encore cinq ans pour développer et commercialiser cette découverte. À suivre…

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Innovation

Demain, la betterave sucrière… Lancé en 2012 dans le cadre d’un partenariat de recherche public-privé, le programme AKER donne un nouvel élan aux progrès accomplis depuis plusieurs décennies dans les domaines de l’amélioration variétale des betteraves sucrières et de la réduction de l’impact environnemental des cultures. Visant à doubler la progression des rendements en sucre des plantes tout en continuant à optimiser leurs résistances naturelles, ce programme innovant a pour objectif de renforcer la compétitivité du sucre de betterave produit en France sur un marché mondial dominé par le Brésil.

R

ecord historique : la filière betterave-sucre française enregistrait, en 2011, des rendements sucriers atteignant 14 tonnes de sucre par hectare (t/ha). Pour les non initiés, cet indicateur prend tout son sens si on le compare aux 8 t/ha de sucre que l’on obtenait dans les années 1970… Le progrès est tout aussi spectaculaire en termes de rendements betteraviers qui, en cinquante ans, sont passés d’environ 48 t/ha à 96 t/h de betteraves récoltées au cours de la campagne 20112012. En volumes, la production dépasse largement les 30 millions de tonnes par an alors que les surfaces cultivées ont diminué de 35 % pendant les trois dernières décennies… Associés à une réduction constante des intrants1, les niveaux de productivité atteints font de la filière betterave-sucre française l’une des plus performantes au monde.

Si l’évolution du climat et le perfectionnement des techniques culturales y contribuent, c’est avant tout dans la recherche scientifique et dans l’amélioration des plantes que le progrès trouve son origine… et prépare l’avenir. Car loin d’être des objectifs indépassables, les performances actuelles ne représentent en réalité qu’une étape dans une vision à long terme, portée par des enjeux stratégiques pour cette importante filière du secteur agro-industriel.

Une ressource clé sur un marché mondialisé En 2012, le sucre de betterave représentait 22 % de la production mondiale de sucre (175 millions de tonnes), majoritairement issue de la canne à sucre. Sous l’effet conjoint de l’augmentation de la population et du développement des pays émergents, la demande en sucre augmentera de 30 Mt à l’horizon 2020. Or, le rendement de la canne à sucre (9 t/ha) progresse lentement et nécessite trois à quatre fois plus d’eau que la betterave pour la même quantité de sucre produite. En outre, l’écart des coûts de production entre le sucre de betterave produit en France et le sucre de canne produit au Brésil, pays le plus compétitif, s’est fortement réduit au cours des dernières années. Enfin, la croissance de la production brésilienne ne suffira pas à couvrir la progression de la demande mondiale, ce qui conduira d’autres régions à augmenter leur production. Tous ces facteurs dessinent un contexte dans lequel l’Union européenne, et notamment la France, ont une carte à jouer. Afin de relever le défi, les acteurs de la filière betterave-sucre française ont lancé, en septembre 2012, un ambitieux programme qui vise à augmenter la compétitivité de la production nationale à travers deux objectifs prioritaires : « doubler le

rythme de croissance annuel des rendements en sucre par hectare – soit +4 % contre +2 % enregistrés sur les trente dernières années – tout en améliorant la résistance des plantes pour réduire la consommation d’intrants de la betterave et ainsi répondre aux objectifs gouvernementaux2 d’impact sur l’environnement », expose Marc Richard-Molard, directeur général de l’Institut technique de la betterave (ITB). Baptisé AKER, en référence au dieu Égyptien symbolisant le lien entre la terre et les cycles du soleil, le programme se déroule sur huit ans et se structure autour de deux volets. Ainsi que l’explique Christian Huyghe, directeur scientifique adjoint Agriculture de l’Inra3

Christian Huyghe, directeur scientifique adjoint Agriculture de l'Inra, chef du Projet AKER.

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et chef de Projet AKER, « l’approche que nous avons retenue consiste à exploiter au maximum l’ensemble de la diversité génétique disponible au sein des betteraves – celle des betteraves cultivées mais aussi celle des betteraves sauvages – puis d’exploiter cette diversité allélique4. Le premier levier vise à caractériser l’ensemble de ces ressources génétiques, puis à valoriser le matériel génétique obtenu en le croisant avec du "matériel élite", issu des plantes cultivées les plus productives, Marc Richard-Molard, de manière à directeur général de produire de noul'institut technique de la velles variétés à betterave (ITB) haut potentiel. Le second volet repose sur le déploiement d’études "au champ", en conditions contrôlées, qui permettront d’évaluer les caractères et le comportement des plantes, depuis la germination des graines jusqu’à la récolte des racines. »

Un partenariat public-privé Planifié sur huit ans, AKER s’inscrit dans le programme d’Investissements d’avenir initié par l’État dans le cadre de l’Agence nationale pour la recherche. Doté de 18,5 millions d’euros et d’une ressource de 80 chercheurs, AKER est porté par onze partenaires : organismes publics de recherche et opérateurs privés de la filière betterave-sucre française, depuis les agriculteurs jusqu’à l’industrie sucrière en passant par l’institut technique de la filière et le leader mondial de la semence betteravière.  Institut national de la recherche agronomique (INRA) Coordination  INRA Toulouse/SaAB (URBIA) - Sélection génomique et génétique d'association, Analyses génétiques  INRA Versailles, Unité de recherche Génomique-Info (URGI) - Bioinformatique

 INRA UMR IRHS Angers - Phénotypage germination levée  LISA, Université d'Angers - Imagerie phénotypage des semences, Robotique

 IRSTEA (UMR ITAP, ancien CEMAGREF/SUPAGRO) - Phénotypage aux champs, Equipement, Imagerie  GEVES / SNES - Phénotypage semences et germination  Agrocampus-Ouest - Pédagogie/enseignement Fondé sur des expertises pluridisciplinaires, notamment dans le domaine émergent de la bioinformatique, le programme AKER permettra de mettre à la disposition des acteurs de la filière betterave-sucre des variétés nouvelles, performantes et contribuant à augmenter la compétitivité du sucre de betterave français face au sucre de canne issu de pays tiers.

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 Université Lille 1 - Pédagogie/enseignement

 Institut technique de la betterave (ITB) - Phénotypage aux champs

 Florimond Desprez - Gestion de la diversité génétique, Méthodes de Sélection, Phénotypage racine et maladie

Un saut technologique dédié à l’agriculture Au-delà des apports scientifiques et pédagogiques relatifs à la connaissance du génome de la betterave, cette démarche a pour but de générer des résultats concrets et appliqués. « Des résultats au niveau des nouvelles variétés qui seront mises à la disposition de la filière, mais aussi en termes de progrès dans les techniques d’amélioration génétique », précise Christian Huyghe. À travers AKER, la betterave contribue ainsi à un saut technologique offrant une pleine alternative aux OGM conventionnels et dont les retombées bénéficieront à d’autres secteurs agricoles ainsi qu’à l’agro-industrie (productivité, qualité, sécurité alimentaire…) et à l’environnement (valorisation des espèces naturelles, traitement des déchets…). Moins d’un an après son démarrage, AKER a déjà rempli son objectif premier. Grâce à la collecte de l’ensemble des ressources génétiques disponibles auprès des banques de gènes en Europe, aux USA ou encore en Turquie, des milliers de plantes sauvages issues de toutes les régions du monde commencent à livrer leur secret génétique. « Nous allons pouvoir y trouver des gènes qui n’existent pas dans les plantes que nous connaissons actuellement, puis caractériser des gènes et des combinaisons de gènes qui induisent des comportements intéressants, s’enthousiasme Marc Richard-Molard. Les analyses ont permis d’identifier 15 plantes qui contiennent 100 % de la diversité génétique initiale de la betterave. Leur croisement avec les plantes élites que nous avons sélectionnées va déboucher sur un réservoir de 3 000 nouvelles variétés éligibles à la suite du programme. »

« Des investissements financiers, humains et technologiques au service de la compétitivité » Bruno Desprez, directeur général de Florimond Desprez et président du Comité de coordination AKER « Aujourd’hui, l’évolution de la production se fait essentiellement au profit de la canne à sucre. Génétiquement, la canne à sucre est une plante complexe et le progrès génétique est de l’ordre de +0,5 % par an. Pour la betterave, les progrès sont actuellement de l’ordre de + 2 % par an. Le challenge est donc très simple : il s’agit de passer de 2 % à 4 % pour que, dans huit ans, notre courbe d’augmentation passe au-dessus de la compétitivité de la canne. Ce projet représente un budget important – plus de 18 millions d’euros – qui s’ajoute aux autres efforts de recherche déjà menés sur la betterave. Par ailleurs, AKER mobilise 80 personnes à temps plein, ainsi que des expertises nouvelles qui sont très difficiles à trouver, notamment dans le domaine de la bio-informatique qui en est à ses débuts. Enfin, il implique des investissements lourds en termes d’équipements pour changer d’échelle et passer de 10 ou 100 plantes évaluées à des milliers. Ce programme résolument tourné vers l’innovation introduit donc une rupture en termes de méthodes et d’outils, ce qui va permettre à la betterave de rester dans le peloton de tête des espèces cultivées. »

Fort de ce premier succès, AKER entre dans sa seconde phase dans le cadre d’un plan de marche conforme aux objectifs initiaux. À l’issue d’une période consacrée aux croisements et à l’analyse des nouvelles variétés (phénotypage), les étapes suivantes s’attacheront à la multiplication des variétés « sources » retenues puis à leur évaluation sur le terrain. Enfin, en 2020, le programme aboutira à la sélection des nouvelles variétés. Et, de fait, à son but : doter la filière betterave-

sucre française de ressources végétales toujours plus performantes et compétitives pour mieux servir les attentes du marché mondial. 1. Produits de fertilisation et de protection des plantes. 2. Plan Ecophyto 2018 issu du Grenelle de l’Environnement, lancé en 2008. 3. Institut national de la recherche agronomique 4. Le terme « allèles » désigne toutes les versions et variantes possibles d’un même gène.

Schéma général du programme AKER Matériel élite

X (15) Populations sources

Banques de Génes (10 000)

Ressources triées (2 000)

Collections de Référence (15)

200 individus

Nouveau Matériel Commercial

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Consommation

Ambiance sonore, lumière, couleurs, odeurs, forme des contenants et des aliments, convivialité : les multiples éléments qui façonnent l’environnement du « mangeur » conditionnent, à différents degrés, sa perception de la nourriture, voire ses comportements alimentaires. Exploré depuis peu, ce champ d’études dévoile bien des surprises.

Au restaurant comme à la maison, l’ambiance sonore et lumineuse, la décoration et le niveau de convivialité

L’environnement influe sur ce qu’il

«

Avant même que la nourriture soit dans la bouche, notre cerveau a déjà formé un jugement sur elle, ce qui affecte l'ensemble de notre expérience alimentaire », déclaraient en juin 2013 des chercheurs d'Oxford en présentant les résultats d’une étude sur l'impact gustatif de l'environnement1. Leurs travaux s'ajoutent à toutes les recherches qui, depuis peu, tentent de distinguer les différentes facettes de la mise en scène de nos repas, de comprendre les mécanismes induits et leurs conséquences.

Au Centre de recherche de l’Institut Paul Bocuse (Lyon), le « Living Lab » permet de tester les comportements de consommation dans un environnement modulable : ambiance, lumière, décor, couleurs, dressage de la table…

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L’une d’entre elles, réalisée aux USA, montre par exemple que le fait de baisser l’éclairage et le niveau sonore de la musique dans un fast-food conduit les clients à manger moins et à percevoir leur nourriture comme étant plus agréable2. En France, l’Institut Paul Bocuse de Lyon, école de management dédiée aux métiers de l'hôtellerie et de la restauration, a intégré cette notion dans les travaux menés au sein de son Centre de recherche. Un restaurant expérimental, ou « Living Lab », a spécialement été créé afin d'étudier le comportement du mangeur mis

en situation dans un environnement modulable. « Nous avons constaté qu’un simple changement dans le décor de la table modifie l'état émotionnel et la satisfaction liée aux aliments, explique Agnès Giboreau, directrice de la Recherche. Pour un même repas, le plaisir éprouvé par le mangeur est supérieur lorsque celui-ci est placé dans une ambiance blanche, où il se sent détendu ; à l'inverse, le plaisir sera inférieur dans une ambiance rouge, perçue comme une source de tensions. »

Le repas partagé favorise la maîtrise des apports caloriques La consommation d'un même menu par deux groupes d'adolescents, les uns de poids normal, les autres en surpoids, a également été explorée dans quatre conditions : en groupe, seul, seul en regardant la télévision, seul en écoutant de la musique3. Si l'environnement n'a pas eu d'effet significatif sur la consommation de boissons, il a eu un impact très net sur les quantités d’aliments solides

influent aussi bien sur l’appréciation des aliments que sur les quantités consommées.

du consommateur mange ingérées : les ados de poids normal qui écoutaient de la musique ont eu un apport énergétique moyen supérieur. En revanche, chez ceux en surpoids, c’est l’effet « télévision » qui les a incité à manger plus. Le contexte de groupe a, quant à lui, systématiquement réduit la quantité calorique globale ingérée. Ce constat, corroboré par des données déjà connues, confirme le rôle positif du repas à table, en famille ou entre amis, dans l’équilibre alimentaire.

« À contenance identique, une cannette haute et étroite est jugée contenir davantage de boisson qu’une canette plus basse et plus large », expliquait-il à Grain de sucre dans le cadre d’un article consacré à ses travaux4. On sait également que la perception calorique d’un aliment peut varier en fonction de la manière dont il est présenté. Ainsi, un hamburger accompagné d’une feuille de salade sera considéré comme moins calorique que le même hamburger sans salade…

Si l’on se rapproche de l’assiette ou du produit consommé, les notions de plaisir et d’apport énergétique peuvent également être conditionnées par des illusions d’optique et des biais de perception. Agnès Giboreau, en donne respectivement deux exemples : « un même dessert sera plus apprécié dans une assiette blanche que dans une assiette noire. En selfservice, la portion prise augmente avec la taille de l'assiette... » De son côté, le chercheur Pierre Chandon, spécialiste en psychologie alimentaire et professeur de marketing à l’Insead, a mis en lumière les effets induits par la forme du contenant sur les quantités perçues.

De l’œil aux papilles : des réactions en chaîne

De l’impact de la cuillère sur la saveur sucrée Selon la récente étude dirigée par le chercheur Charles Spence de l’université d’Oxford, un aliment piqué sur une pointe de couteau sera perçu comme plus salé que s’il est mangé avec une cuillère, une fourchette ou un cure-dent. Côté dessert, un yaourt paraîtra « meilleur » dégusté avec une cuillère blanche, et un aliment semblera plus sucré s’il est mangé avec une petite cuillère plutôt qu’avec une grande…

Au niveau du goût, certains stimuli visuels, gustatifs ou olfactifs peuvent encore plus subtilement brouiller la perception d'une saveur, diminuer ou augmenter l'intensité perçue d'un arôme. L’influence de la couleur, qu’il s’agisse de l’environnement chromatique ou de l’aliment lui même, fait l’objet d’actives recherches. Selon l’étude publiée par l’équipe de l’université d’Oxford, le rouge serait particulièrement déconseillé pour Grain de Sucre N°31 octobre 2013

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stimuler l'appétit. « Il pourrait être utilisé pour présenter de la nourriture aux gens qui doivent rationner leur alimentation, mais certainement pas pour ceux dont le poids est trop faible », préconisent ainsi les auteurs.

Des goûts et des couleurs…

Sur les emballages, l’utilisation de la couleur est depuis longtemps très codifiée. Par exemple pour mettre en valeur la teneur en cacao (brun) ou la présence de lait (blanc, bleu pâle). Mais elle joue aussi un rôle au moment de la dégustation. Une étude a été réalisée sur les boissons chaudes afin de déterminer l’influence de la couleur intérieure/extérieure de tasses contenant 50 ml de chocolat chaud sur la perception des saveurs, du crémeux, de la flaveur et de l’arôme. Puis, sur le simple fait d’aimer ou non cette boisson. La flaveur perçue, et donc la bonne appréciation de la boisson, augmentait avec des tasses orange à l’intérieur blanc ou crème. A contrario, la couleur des tasses n’a pas influencé les perceptions au niveau de l’arôme et de la saveur sucrée. Ce constat contredit certains présupposés selon lesquels le rouge renforcerait la perception du sucré. En effet, selon plusieurs études menées sur les associations entre couleurs et saveurs, une eau teintée de rouge sera majoritairement considérée comme plus sucrée qu’une eau de toute autre couleur. De même, toujours à teneur en sucre égale, des échantillons aromatisés à la fraise seront jugés plus sucrés que les échantillons non aromatisés…. Le débat reste largement ouvert, car de nombreux chercheurs continuent à explorer les différentes formes d’interactions intervenant dans la perception et les usages alimentaires. Grâce à eux, l'environnement dévoile progressivement tout l'impact potentiel qu'il peut avoir sur notre alimentation. Pourra-t-on, un jour, utiliser ces recherches à des fins préventives et thérapeutiques ? « Pour favoriser la prise alimentaire chez des personnes âgées dépendantes, des maisons de retraites, par exemple, utilisent des assiettes aux bords colorés et y disposent des aliments aux couleurs vives et contrastées », note Agnès Giboreau. Les premières données scientifiques disponibles ne peuvent qu'encourager à pousser plus loin les investigations. 1. « The taste of cutlery: how the taste of food is affected by the weight, size, shape and colour of the cutlery used to eat it », Vanessa Harrar, Charles Spence, Flavour, juin 2012 2. « Fast food restaurant lighting and music can reduce calorie intake and increase satisfaction », Wansink B, van Ittersum K., Psychol Rep., août 2012. 3. « Influence of environmental factors on food intake and choice of beverage during meals in teenagers: a laboratory study », Mekhmoukh A, Chapelot D, Bellisle F., Appetite, 2012. 4. « Marketing et illusions d’optique : attention aux pièges caloriques », Grain de sucre n°22, octobre 2010.

L’Institut polytechnique Lasalle Beauvais s’est doté d’une plate-forme d’analyse sensorielle qui permet notamment d’observer la réaction des goûteurs plongés dans le noir complet ou dans une ambiance chromatique qui neutralise la couleur des aliments testés.

Spécialisé dans les formations touchant au monde agricole et agroalimentaire, l’Institut polytechnique Lasalle Beauvais (Oise) inscrit les relations entre alimentation et santé au cœur de ses enseignements et de ses travaux de recherche. Dans le cadre de sa plate-forme de Pratique culinaire et d’Analyse sensorielle, il a mis en place un dispositif d’observation et d’analyse des réactions des « goûteurs ». Ainsi que le précise Philippe Pouillart, responsable de cette plate-forme, « nous disposons d’un espace modulable équipé de caméras, dont une caméra infrarouge permettant de conduire des expériences dans le noir complet. Nos travaux sont accompagnés par une psychologue-sophrologue dont la mission est de mieux cerner les motivations inconscientes des goûteurs ainsi que les émotions profondes déclenchées par l’aliment consommé.» Les expériences menées autour de la couleur des produits et des contenants ont notamment confirmé l’importance des codes alimentaires établis. Ainsi, une carotte de couleur orange vif sera mieux perçue qu’une carotte de couleur pâle, même si celle-ci présente un meilleur profil nutritionnel. En revanche, cet apriori disparaît lorsque la pièce est plongée dans une lumière rouge : les carottes, devenues grises, sont alors indistinctement appréciées. De même une orange bleue sera, malgré son goût authentique, rejetée « à vue » mais appréciée si elle est consommée dans le noir complet. Autre exemple, une eau minérale gazeuse sera différemment perçue, en fonction des profils

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de consommateurs, si elle est présentée dans une bouteille verte, rouge ou bleue. Les plus jeunes se porteront vers le rouge, évoquant la fête et l’aspect « pétillant » ; les seniors choisiront le vert, symbole de naturalité et de pureté ; les trentenaires sportifs préféreront quant à eux le bleu, dont la connotation tonique est souvent rehaussée par la forme de la bouteille – élargie sous le goulot, amincie au centre – qui fait écho aux codes corporels en vigueur (épaules larges, taille fine).

« En revanche, le bleu sera moins apprécié par les personnes atteintes de maladie, notamment de cancer, car trop proche de l’univers hospitalier », souligne Philippe Pouillart en rappelant que ces expérimentations ont des applications multiples : « en termes de marketing pour les industries alimentaires bien sûr, mais aussi dans notre capacité à mieux adapter l’offre alimentaire aux besoins de populations ciblées, à l’image des malades ou des personnes issues de milieux défavorisés. »

Marchés

Le sucre, un aliment « made in France » Grâce à une production de l’ordre de 4,5 millions de tonnes de sucre par an et à travers sa structuration en filière, le secteur sucrier français est en mesure d’assurer l’autosuffisance du marché intérieur en répondant à la demande des consommateurs comme des industries utilisatrices.

À

l’occasion de la campagne sucrière 2012-2013, 4,5 millions de tonnes de sucre de betterave sont sortis des 25 sucreries implantées en France métropolitaine. Si l’on y ajoute les 261 000 tonnes de sucre de canne produites par les départements d’Outre-mer, ces volumes font de la France le premier producteur mondial de sucre de betterave et le premier producteur européen de sucre. Plus de la moitié des quantités produites trouvent des débouchés sur le marché intérieur, et 2,1 Mt sont destinées à l’export1. « La France produit pour la France et pour une partie de l’Europe, confirme Bruno Hot, président du Syndicat national des fabricants de sucre (Snfs). Cette production, largement excédentaire, permet à notre pays d’être autosuffisant et de couvrir tous les besoins de consommation. » La principale demande – soit près de 60 % des quantités commercialisées – est générée par les industries alimentaires et par les professionnels de la restauration ou des métiers de bouche qui mettent en œuvre ce sucre dans leurs préparations destinées, en premier lieu, aux consommateurs français, mais aussi à l’export. Le sucre de bouche, utilisé directement par les consommateurs à domicile, représente quant à lui 12,7 % des débouchés2. « Les consommateurs le trouvent sous différentes formes (sucre cristallisé, sucre en poudre, sucre glace, cassonade…) commercialisées par nos grandes marques nationales et par des marques de distributeurs, souligne Bruno Hot. Même le sucre de canne disponible sur notre marché est à 100 % français, exception faite de quelques spécialités et sucres exotiques qui, en volumes, représentent des produits "de niche". »

Le plus court chemin du champ à la table Côté offre, cette capacité à sécuriser les approvisionnements en sucre de la nation repose à la fois sur des réalités historiques et structurelles. En effet, depuis le début du 20e siècle, les différents acteurs du secteur (agriculteurs, industries de première transformation, semenciers, structures de recherche et développement…) sont regroupés au sein d’une véritable filière, porteuse de synergies et de progrès, notamment aux plans techniques et

Les quantités de sucre produites en France suffisent amplement à répondre à la demande des industries alimentaires et des consommateurs (sucre de bouche).

scientifiques, vectrice de performance et d’efficience (voir également notre article p. 12). Côté demande, la proximité avec une industrie alimentaire française puissante et exigeante représente un autre facteur déterminant. Ainsi que l’explique Bruno Hot, « ces acteurs ont à la porte de leurs usines une source d’approvisionnement capable de servir leurs attentes avec un niveau de qualité reconnu et une aptitude à répondre à des cahiers des charges techniques extrêmement précis. » Cette dimension de proximité s’applique également au sucre de bouche, notamment au sucre de betterave qui, de fait, parcourt une nombre réduit de kilomètres avant d’arriver sur la table des consommateurs. Un atout pour le bilan carbone qui s’ajoute à l’intérêt, pour les industriels et les consom-

mateurs, de disposer d’un produit de base de l’alimentation quotidienne et naturellement « made in France ». « Néanmoins, il n’est point besoin de légiférer sur l’indication de l’origine pour ce qui est de notre filière », souligne Bruno Hot. 1. Conformément aux dispositions du régime sucrier européen adoptées en 2006 dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la France – comme les autres pays producteurs de l’UE – a ouvert son marché au sucre importé de pays tiers, notamment des pays les moins avancés (PMA). Ces importations représentent environ 0,4 Mt par an dans une balance extérieure qui reste largement excédentaire. 2. Au-delà des utilisations alimentaires, le sucre est aussi utilisé dans des secteurs non alimentaires (alcools et bioéthanol, chimie, pharmacie…) dont les produits sont également fabriqués et « consommés » en France.

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Moules à gâteaux : le dessert prend forme Si les moules à cake, charlotte et autre « manqué » restent des valeurs sûres du placard à desserts, de nouveaux venus viennent s’y glisser en prenant un malin plaisir à bousculer les codes formels des grands classiques. Issus de l’univers des loisirs créatifs, ces moules originaux et inattendus contribuent à renouveler les joies de la pâtisserie familiale et offrent un support idéal pour y ajouter une touche personnelle.

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Agenda 11 octobre 2013

Bloc-notes

Ils sont passés par ici..., Ils repasseront par là... ➔

Le 8 mai 2013, lors de la Fête du Pain, Jacqueline Sieffert, chargée des manifestations extérieures au Cedus, a accueilli sur le stand « Le Sucre », installé sur le parvis de Notre-Dame de Paris, Bertrand Delanoë, Maire de Paris et Anne Hidalgo, Première adjointe.



Bertrand du Cray, directeur général délégué du Cedus et Philippe Reiser, directeur des Affaires scientifiques, ont réuni une quinzaine d’assistants parlementaires, le 6 juin 2013 à Paris, sur la thématique « sucre et diabète».

Conférence Benjamin Delessert, Paris. « Agriculture et alimentation : regards indisciplinés et interdisciplinaires ». 14-20 octobre 2013 24e Semaine du Goût, dans toute la France. 18 octobre 2013

« À la saint Luc, le betterave devient sucre ». 28 octobre-3 novembre 2013 Salon du Chocolat, Paris, Porte de Versailles Professionnels : 28-30 octobre, Grand public : 30 octobre-3 novembre. 31 octobre : Journée des jeunes talents, avec la participation des lauréats du Championnat de France du Dessert.



31 octobre - 4 novembre 2013 Foire internationale et gastronomique de Dijon (Côte d’Or). 8 -11 novembre 2013

Lors de l’inauguration de l‘événement « Ferme en ville » à Cambrai, le 7 juin 2013, Bertrand du Cray a présenté le stand « le Sucre » aux élus du département du Nord, avec Xavier Laude, Président de la CIB, syndicat betteravier du Nord-Pas-de-Calais et Thierry Cousson, Directeur de la sucrerie d’Escaudoeuvres.



Avec Philippe Reiser, il a réuni le 21 juin les directeurs de sucreries et le 26 juin les responsables Marketing et Communication de la filière sucre pour leur présenter les grands axes et les nouvelles actions du Cedus en 2013.



À la veille de l’ouverture de la Foire de Châlons-en-Champagne (Marne), Bertrand du Cray est intervenu le 29 août 2013, lors de la conférence de lancement de cette manifestation où « le sucre » est l’invité d’honneur.

Salon du chocolat et gourmandises, Vannes (Morbihan). 19 novembre 2013 Colloque Fonds français alimentation et santé, Paris. « Le modèle alimentaire français : adaptation ou disparition ?». 22-24 novembre 2013 Gastronomades d’Angoulême (Charente). 29 novembre-2 décembre 2013



Lors de la conférence de presse du Salon du chocolat et gourmandises de Vannes (Morbihan), Bertrand du Cray présentera, le 8 octobre 2013, les différentes animations mises en place par le Cedus dans le cadre de cet événement qui se déroulera du 8 au 11 novembre et dont « le Sucre » sera également l’invité d’honneur.



En présence de Bruno Hot, président de l’Institut Benjamin Delessert, Claude Fischler, président du Comité scientifique, remettra, le 11 octobre 2013, le Prix Trémolières à Marion Guillou et Gérard Matheron pour leur livre : Neuf milliards d’hommes à nourrir, un défi pour demain.



Le 15 octobre 2013, Philippe Reiser donnera une conférence devant les étudiants de l’Institut polytechnique Lasalle Beauvais, sur le thème « Controverse sucre et santé ». Par ailleurs, il interviendra le 5 novembre à Yerres (Essonne) sur la thématique « Le sucre, histoire et connaissances ».



Dans le cadre de la Foire internationale et gastronomique de Dijon (Côte d’Or), Jacqueline Sieffert remettra, le 4 novembre 2013, les trophées « Le Sucre » aux lauréats du Grand Prix de la gourmandise.

Salon de la Gastronomie, Bourg-en-Bresse (Ain).

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7 décembre 2013 SugarNweb, le salon du blog sucré, Paris. 10 décembre 2013 Assemblée générale de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), Paris.

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31 janvier 2014 Journée annuelle Benjamin Delessert, Paris-La Défense. « Toxicologie alimentaire : vers un nouveau paradigme ? », « Au delà de l’IMC ». 22 février-2 mars 2014

« L’Odyssée du sucre », animation du Cedus au Salon international de l’agriculture, Paris, Porte de Versailles. 8-12 mars 2014

Salon Europain, Paris Nord-Villepinte. 25-26 mars 2014

Finale du 40e Championnat de France du Dessert. École hôtelière et de tourisme Paul Augier, Lycée des métiers, Nice (Alpes-Maritimes).

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