Le misanthrope : Fichier élèves

d'illustrer l'art de la variation si caractéristique de Molière. En effet .... redoutable : on pourra lire avec profit quelques ouvrages de Pierre Jourde. II. Pastiche et ...
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Sujet I : le théâtre, texte et représentation A. Question préliminaire Les trois textes qui nous sont proposés présentent une situation similaire : dans chaque pièce, un personnage masculin tente de se faire valoir et de séduire un auditoire en lui lisant une œuvre de sa création. Il y a donc une situation de mise en abyme, puisque dans tous les cas le personnage se met en scène et se donne à voir et à entendre à d’autres personnages. Pour le spectateur, la portée comique est double : au ridicule du personnage qui tente de se faire valoir en présentant une œuvre souvent médiocre répondent les mimiques et les réactions du « public » plus ou moins forcé constitué par les autres personnages présents sur scène. Toutefois, ces scènes présentent chacune des formes de comique spécifiques et permettent d’illustrer l’art de la variation si caractéristique de Molière. En effet, chaque pièce présente une situation de comique différente. Dans Les Précieuses ridicules, c’est le public formé par les deux cousines qui est l’objet du rire du public : celles-ci se récrient d’admiration sur un poème ridiculement court et médiocre, récité par un marquis qui n’est en fait qu’un valet déguisé. C’est précisément leur désir de paraître savantes et distinguées qui les rend ridicules. Le public rit de Cathos, de Magdelon et du poème lui-même, mais pas de Mascarille qui est déguisé et est tout à fait conscient de jouer un rôle. La situation est un peu différente dans Les Femmes savantes : certes, les personnages féminins qui se piquent d’être savants admirent des vers médiocres récités par un cuistre, mais ce qui est surtout en jeu ici, plus que la bêtise des femmes, est bien le rapport de séduction à l’œuvre entre l’homme qui se fait admirer et les femmes qui se pressent autour de lui. En effet, les femmes semblent admirer de beaux vers et l’abstraction d’un sonnet allégorique sur la fièvre, mais la réalité de ce qui est en jeu est beaucoup plus significative : d’une part, par un effet de mise en abyme, Trissotin blâme dans son poème la fièvre comme un parasite, alors que c’est bien la situation qu’il occupe dans le foyer de Philaminte. Surtout, les femmes se récrient sur l’expression Quoiqu’on die : elles répètent à l’envi la syllabe con qui se trouve disséminée dans toute la scène ; or le terme désigne au XVIIe siècle le sexe féminin. Il faut donc lire sous les mots anodins du poème et de la critique littéraire qui en est faite la vérité d’un rapport de séduction entre le poète parasite et les femmes qui sont ses victimes consentantes. Quant à la scène du sonnet d’Oronte, elle est particulièrement originale : en effet c’est la seule fois où le poème récité n’est pas mauvais : il s’agit d’une production de salon, comme elles fleurissent à l’époque, ni meilleure ni moins bonne. En outre, la pratique même de la lecture à haute voix est courante à l’époque. Certes, Oronte est ridicule de vouloir la lire à toute force à Alceste. Mais c’est Alceste qui est surtout ridicule, en ce qu’il refuse de se plier au code social qui consisterait à louer, même modérément le sonnet. En outre, il se trouve acculé à offenser Oronte sans désir de le faire, juste pour rester fidèle aux préceptes intransigeants de sincérité qu’il a prônés à Philinte dans la scène précédente. C’est donc bien Alceste, enfermé dans son propre rôle, qui est ici le personnage le plus ridicule de la scène. B. travaux d’écriture Sujet n°1: corrigé du commentaire composé (texte n° 4) Introduction : - Mise en situation du texte:

Le passage issu de la Conversion d’Alceste que nous commentons est à lire en comparaison avec la fameuse scène du sonnet du début du Misanthrope: il s’agit en effet d’une réécriture originale de cet épisode célèbre. - Description rapide du thème, du genre, et du ton : Dans cette scène, c’est un Alceste converti qui répond à Oronte : le mécanisme de la scène de Molière est donc subverti, puisque Alceste accepte de rentrer dans le jeu social que lui propose Oronte. Ces divergences sont soulignées par le procédé du pastiche : Courteline emploie le style de Molière et conserve certains vers de la scène originale intacts. Il s’agit donc d’une réécriture ludique et pleine de liberté par rapport à son illustre original. - Problématique : Il s’agira d’étudier les fonctions et les enjeux du pastiche dans ce texte : pourquoi un auteur du XIXe siècle peut-il vouloir écrire en marge d’un « classique » ? - Plan : Pour cela, nous commencerons par étudier comment cette scène est construite « en miroir » par rapport à celle du Misanthrope, c’est- à- dire quels points communs et quelles différences elle entretient avec son modèle (I). Nous verrons ensuite les ambiguïtés du personnage d’Alceste « converti » (II). Nous étudierons enfin les vertus comiques de cette scène (III). I. Une scène en miroir : Le jeu entre ressemblance et différence fait tout l’intérêt du pastiche : c’est seulement dans leur interaction que Courteline peut proposer sa « version » du Misanthrope. Les variantes se lisent à plusieurs niveaux d’étude : 1. Les rapports entre les personnages : Alceste est ici devenu, non l’opposant de Philinte, mais une sorte de double dégradé et comique de son ami. En outre, alors que la scène de Molière reposait sur une tension larvée puis manifeste entre Alceste et Oronte qui s’achevait en explosion de colère, Courteline remplace la colère par la joie, même hypocrite, puisqu’Alceste devient l’ami d’Oronte et accepte de louer son ami. Ces rapports ont une transcription sur le plan scénique : chez Molière, c’était Oronte qui « tournait autour » d’Alceste et lui faisait la cour, c’est l’inverse qui se passe dans la scène de Courteline. 2. La langue : Courteline joue de l’écho de la scène de Molière dont il reprend le style élevé et la langue du XVIIe siècle, et il en cite des vers, mais pour mieux les modifier et leur donner une autre signification : l’exemple le plus frappant en est : Franchement, il est bon à mettre au cabinet / De lecture. 3. Le clin d’œil au spectateur : Même Oronte, le vaniteux, est surpris des compliments que lui adresse Alceste : Cela vous plaît à dire / Humblement / Sans doute il a charmé tous ceux qui l’ont pu lire. / Mais… Courteline fait peut-être ici un clin d’œil au spectateur en soulignant par la bouche d’un personnage les libertés qu’il prend par rapport au texte original. II. Les ambiguïtés du personnage d’Alceste « converti » : La scène reste cependant amusante parce qu’Alceste n’est qu’imparfaitement « converti » aux lois mondaines de la conversation et de la louange. C’est pourquoi le lecteur du Misanthrope reconnaît dans ses répliques un double sens qui fait tout le sel de la pièce. 1. Les appartés : Et bête comme une oie répond Alceste en aparté à Philinte qui vient de dire : C’est grand comme la mer. Cet aparté montre au spectateur qu’Alceste est hypocrite (et laisse entendre

que Philinte, son « double » l’est sans doute aussi) : comme dans la scène de Molière, le dramaturge met donc en place une théâtralité redoublée, puisque les personnages jouent un rôle. 2. Le double sens des répliques : On peut alors lire l’ensemble des répliques comme des répliques à double sens : J’en aime fort la fin peut signifier qu’Alceste préfère quand la lecture s’arrête. L’idée avec bonheur y succède à l’idée peut apparaître comme une antiphrase, vue la platitude du sonnet proposé et le caractère abrupt de ses transitions. Enfin, Je suis du parti de tous ceux qui l’ont lu peut sous-entendre qu’il est sûr que tous les autres lecteurs du poème pensent eux aussi que le sonnet est mauvais III. Les différents niveaux de la scène comique 1. Pastiches et jeux de langue : A l’intérieur même de la scène pastichée, Courteline a inséré plusieurs pastiches de langues bien spécifiques : Philinte parle par clichés et par métaphores convenues ou catachrèses : C’est grand comme la mer, Alceste parle comme dans l’Art poétique de Boileau : L’idée avec bonheur y succède à l’idée. Surtout le sonnet d’Oronte lui même est en réalité un sonnet véritablement écrit au XVIIe siècle, et portant la marque d’un baroquisme archétypal jusqu’à la caricature, avec son énumérations d’éléments naturels auxquels sont comparés les yeux de la femme aimée. Sa mise en situation tire ici parti du comique du sonnet : comique involontaire, certes, car non voulu par l’auteur originel, mais comique non moins ressenti comme tel par les contemporains de Courteline, et à plus forte raison par nous-mêmes aujourd’hui, amusés par les cascades de paronomases commandant les enchaînements du sonnet : Des yeux ? Des cieux plutôt…, par l’alternance entre le jeu des métaphores et le prosaïsme de certaines remarques (ne se peut ! le soleil est unique), et par le titre immense et grandiloquent donné au sonnet, mais rappelant plutôt les titres des romans du XVIIe siècle. Pour le spectateur cultivé, ces références, tout comme la référence au Misanthrope, valent autant de clins d’œil comiques. 2. Le comique de la scène : Mais la scène est comique en dehors même de ces jeux culturels : tout d’abord par le caractère outrancier et même ridicule des louanges. Il y a un contraste comique entre la cause (un mauvais sonnet) et l’effet : Alceste et Oronte deviennent amis au point de s’embrasser. Enfin le duo formé par Alceste et Philinte, doubles imparfaits (les répliques de Philinte n’ont pas de second degré, au contraire de celles d’Alceste) est lui aussi comique. Les deux hommes qui font assaut de compliments autour d’un troisième en utilisant la forme de la stichomythie ne sont pas sans rappeler les fameux « ballets verbaux » de Molière lui-même.

Sujet n°2 : Eléments de corrigé de la dissertation : Introduction : - Situation du problème et définition des termes du sujet : Le pastiche est une forme bien particulière de la réécriture : il s’agit d’imiter le style d’un auteur, et parfois une œuvre entière. - Reformulation du sujet et approfondissement : On sait que la réécriture peut avoir différentes valeurs : un intérêt polémique, humoristique,… Mais quelle est la valeur propre du pastiche ? Concerne-t-elle le lecteur, l’auteur ? A-t-elle une fonction ludique ou au contraire agressive ? Est-elle le reflet d’une certaine conception de la littérature ?

- Problématique : Il s’agira donc d’essayer de voir les différentes fonctions du pastiche, pour se demander si le genre du pastiche relève ou non de certaines époques, voire d’un certain type de littérature. - Plan : Ce genre de sujet, qui pose une question volontairement ouverte, peut appeler un plan souple qui va des fonctions les plus évidentes du pastiche jusqu’à d’autres plus subtiles – mais attention au catalogue ! Nous nous demanderons quelles fonctions le pastiche peut avoir pour l’auteur lui-même (I.), puis nous nous demanderons quel plaisir peut en tirer le lecteur (II.). Il nous faudra alors nous demander si la pratique du pastiche n’est pas propre à certaines époques, ou à une certaine conception de la littérature (III.). I. L’auteur et son pastiche 1. Une fonction d’apprentissage : Jusqu’au début du XXe siècle (qu’on songe au livre de Proust, Pastiches et mélanges), les auteurs se sont « formés » à l’écriture et ont peu à peu élaboré leur style grâce à l’imitation de leurs aînés. Le pastiche en est une forme paroxystique : il s’agit de s’approprier complètement le style d’un auteur de son choix au point de pouvoir écrire comme lui. 2. Une fonction ironique et iconoclaste : Il faudrait lire les Pastiches de Reboux et Müller pour comprendre le côté agressif du pastiche, qui, comme une caricature, accentue jusqu’au ridicule les traits saillants d’une écriture. Mais il n’est pas besoin d’aller si loin : de nombreux articles de critique littéraire dénigrent des livres et des auteurs au moyen du pastiche qui est une arme polémique redoutable : on pourra lire avec profit quelques ouvrages de Pierre Jourde. II. Pastiche et plaisir du lecteur 1. Plaisir de reconnaissance et de connivence culturelle : Partager des références et un univers culturel avec l’auteur est très agréable pour le lecteur. Le pastiche est comme un clin d’œil adressé au lecteur par le narrateur. Dans La Disparition, Georges Pérec n’utilise pas une seule fois la lettre e. Pour rendre plus brillant encore cet exercice de virtuosité, il pastiche le poème Recueillement de Baudelaire qu’il réécrit en omettant la lettre e. On peut comparer le premier quatrain de Baudelaire : Sois sage, ô ma douleur et tiens-toi plus tranquille/ Tu réclamais le soir ; il descend, le voici / Une atmosphère obscure enveloppe la ville, / Aux uns portant la paix, aux autres le souci, avec celui de Georges Pérec dans sa Chanson, par un fils du commandant Aupick (le beau-père de Baudelaire) : Sois soumis, mon chagrin, puis dans ton coin sois sourd / Tu la voulais, la Nuit ; la voilà ; la voici / Un air tout obscurci a chu sur nos faubourgs, / Ici portant la paix, là bas donnant souci. 2. Les fictions littéraires : Comme en musique ou en peinture, certains auteurs ont tenté d’imiter le style d’un auteur ou d’une époque à la mode pour plaire à ses lecteurs. Au XIX e siècle, en Angleterre, un auteur nommé MacPherson a ainsi imité le style de vieilles ballades celtiques médiévales, car le Moyen-âge était alors à la mode. Il a publié ses œuvres sous le nom d’Ossian.

III. Une forme universelle ? 1. Une forme liée à certaines époques ? La pratique du pastiche est attestée à des époques très diverses, mais elle n’est pas pour autant une pratique majoritaire dans la littérature. On peut se demander si elle n’est pas propre à

certaines époques. Par exemple, la Décadence et la fin du XIXe siècle, avec l’esprit de la blague, sont des époques propres au pastiche : un temps de renouvellement de la littérature où celle-ci procède à la fois par rejet et par imitation de ses prédécesseurs ; on pourra à ce sujet lire une des Moralités légendaires de Laforgue. 2. … ou à une certaine conception de la littérature ? Plus généralement, le pastiche implique que l’on considère l’œuvre littéraire comme une sorte d’écho d’autres œuvres et d’autres auteurs. Travail préparatoire de l’œuvre ou écriture en marge d’une autre œuvre, le pastiche peut être une étape dans l’élaboration d’une œuvre littéraire mais cette pratique n’est pas obligatoire. Elle répond à une vision ludique de la littérature. C’est en cela qu’elle se différencie d’autres formes de réécriture. Sujet n°3 : Ecriture d’invention : éléments de corrigé Il s’agit ici de respecter les conventions de la scène théâtrale et du dialogue à plusieurs locuteurs (ou polylogue) mais en remplaçant le vocabulaire de la louange par celui du blâme. Ce faisant, on change le sens de la scène et surtout son ton. Il faudra veiller à ce que l’expression du blâme, quoique violente, respecte un registre de langue correct. On devra également s’interroger sur le terme de « moquerie » : la notion a une grande amplitude dont dépend la richesse de la réécriture : de la raillerie à l’ironie, de l’insinuation aux attaques directes : il faut absolument viser à varier les moqueries et à en privilégier les formes d’expression les plus subtiles, puisque la moquerie, comme l’ironie, est un double langage. Il faudra enfin s’interroger sur les réactions de Mascarille : libre choix est ici laissé au rédacteur. Nous ne donnons pour exemple ici qu’un début de corrigé : Mascarille : Ah, mesdames, il faut absolument que je vous lise ce petit impromptu que j’ai composé hier et qui a eu tant de succès dans le salon de mon amie la duchesse de M… Cathos : Ne vous embarrassez pas de cela ; l’impromptu n’est pas un genre fort à la mode, et je ne goûte pas du reste la poésie. Magdelon : Un marquis de mes amis me disait justement que les poètes étaient tous fats. Il ne parlait pas de vous bien sûr, mais il est plus prudent de ne pas jouer au monde un si fâcheux personnage.. Mascarille : Eh bien, mesdames, écoutez plutôt : Oh ! Oh ! Je n’y prenais pas garde : Magdelon : Un vers et déjà une répétition ! Est- ce donc le nouveau style poétique ? Mascarille (feignant de ne pas avoir entendu) : Tandis que sans songer à mal, je vous regarde Cathos : La rime unissant garde et regarde est recherchée assurément, et pour le moins originale ! Magdelon : Laisse donc, ma cousine : tu vois bien que le pauvre Mascarille fait de son mieux… Mascarille : De grâce, mesdames, un peu de charité pour un auteur que d’autres ont trouvé à leur goût…

Sujet II Objet d’étude : le biographique A. Question préliminaire Le texte n° 2 est très différent des autres. En effet, les trois autres textes se rattachent au genre de l’autobiographie (entendu selon P. Lejeune comme un « récit rétrospectif en prose qu’un

personnage fait de sa propre vie lorsqu’il met davantage l’accent sur sa vie personnelle que sur les évènements historiques dont il a été le témoin ») : il s’agit donc de récits destinés à être lus et impliquant une relation privée avec le lecteur. Au contraire, le texte n°2 est issu d’une pièce de théâtre : le portrait que trace Acaste de lui-même est un discours adressé, et adressé à Clitandre, son rival amoureux. Aussi les louanges qu’il fait de sa propre personne ne peuventelles être comprises qu’en tenant compte de cette situation de rivalité qui le pousse à se mettre en valeur. En outre, il s’agit du portrait d’un personnage fictif, rédigé en vers comme l’ensemble de la pièce. Il s’agit donc non d’une autobiographie réelle, mais d’un autoportrait fictif. Un autoportrait se rattache au genre rhétorique épidictique, c’est-à-dire qu’il est caractérisé par la tendance au blâme ou à la louange. C’est ce qu’on remarque dans ce corpus, où Acaste se loue sans vergogne, où La Rochefoucauld donne de lui-même une image plutôt flatteuse sous des apparences neutres et objectives, tandis que Montaigne donne une image mesurée de lui-même, mais rendue péjorative par le vieillissement dont il traque les signes sur sa personnes, et que Michel Leiris décrit, quant à lui, son aspect physique avec une grande sévérité. B. Travaux d’écriture Sujet 1 : Commentaire Introduction : Présentation et situation du passage : La Rochefoucauld n’est pas seulement l’auteur des Maximes qui ont fait sa célébrité. Il s’adonne aussi à divers genres littéraires de salon tels que l’autoportrait. C’est ici le début du portrait en question, et La Rochefoucauld décrit son apparence physique. Identification du genre, de la tonalité : Le genre de l’autoportrait se rattache à celui du portrait, très codé au XVIIe siècle : à la description physique doit répondre une description de la personnalité. Forme brève, le portrait est souvent virtuose, plein de saillies et de paradoxes. Il n’en va pas de même pour l’autoportrait où c’est l’honnêteté et la lucidité de l’auteur qui sont d’abord en jeu. Ici, La Rochefoucauld choisit un ton sérieux, presque solennel, pour décrire son apparence physique Problématique : Elle est donnée par la fin du texte : le portrait physique annonce le portrait moral : la sincérité dont La Rochefoucauld a fait preuve dans l’un est le gage de sa sincérité dans l’autre. Nous tenterons donc de montrer comment derrière l’apparente objectivité et neutralité du portrait se cache en réalité une stratégie argumentative, La Rochefoucauld ne manifestant si ouvertement sa sincérité au lecteur que de manière à ce que son portrait physique lui dessine aussi, en creux, une forme de portrait moral. Annonce du plan : Pour établir cela, nous verrons dans un premier temps comment ce portrait apparaît comme un portrait objectif et impartial (I.). Nous verrons ensuite comment les marques de la louange sont décelables derrière l’apparente neutralité du propos : elles dessinent en creux un portrait du moraliste (II.). Nous verrons enfin comment le portrait recèle une véritable stratégie argumentative : il doit démontrer la sincérité du moraliste (II.). I. Un portrait physique objectif et impartial

A. Une description objective : On notera l’organisation du portrait : d’abord le visage, puis les expressions du visage, et enfin l’action, à comprendre dans un sens rhétorique (la façon dont le corps intervient dans la prise de parole). Il s’agit d’un portrait cadré comme un tableau : nous ne savons rien du reste du corps du moraliste. Les adjectifs indiquent tous une qualité objective, et extérieure (noirs, épais,…) et se cantonnent presque tous, surtout au début du texte à la description physique. B. La remarquable discrétion des marques de la subjectivité : Pas de modalisateurs, peu de marques de l’intensité (comme très ou trop). C. Une objectivité revendiquée, notamment dans la fin du passage : je ne manque ni d’assurance pour dire librement ce que je puis avoir de bonnes qualités, ni de sincérité pour avouer franchement ce que j’ai de défauts. L’auteur affirme s’être décrit naïvement. I. Un portrait moral en creux A. Les marques de la louange : Le portrait qu’il fait de lui-même décrit un très bel homme selon les catégories du XVIIe siècle. L’auteur le souligne par des expressions mélioratives : pouvoir prétendre en belle tête, les dents blanches et passablement bien rangées, les sourcils… bien tournés… La volonté de donner une bonne image de soi transparaît aussi dans l’organisation des phrases : l’auteur rectifie chaque défaut en l’atténuant ou en lui opposant une autre qualité : le teint brun mais assez uni, cela fait croire à la plupart des gens que je suis méprisant, quoique je ne le soie pas du tout. On devine donc que La Rochefoucauld n’est pas mécontent de se regarder dans le miroir de son écriture. B. Une écriture de la justification : Elle est visible dans le passage où La Rochefoucauld se défend d’être orgueilleux et méprisant : on voit les liens subtils qui unissent portrait physique et portrait moral : le beau physique de La Rochefoucauld témoigne de son bon naturel, mais les défauts moraux qu’on lui impute ne sont que le fruit de mauvaises interprétations des expressions de son visage. C. Entre le physique et le moral : Avec la catégorie d’action, on voit combien les liens entre physique et moral sont ténus dans le portrait, de sorte que, comme dans un tableau en peinture, même la description physique porte de nombreuses traces du portrait moral de l’auteur. I. La stratégie rhétorique : montrer la sincérité de l’auteur A. La preuve par l’exemple : La manière dont est conduit le portrait physique vaut preuve par l’exemple de la sincérité de l’auteur. Celui-ci commence par écrire qu’il s’est décrit naïvement, c’est-à-dire avec sincérité en français classique, et tout son portrait physique semble effectivement avoir pour fonction de suggérer que l’auteur saura se montrer tout aussi sincère dans son portrait moral : j’en userai avec la même fidélité dans ce qui me reste à faire de mon portrait. B. L’autoportrait comme une preuve de courage : Le fait même de savoir se peindre avec lucidité est un signe de la valeur de l’homme, comme le montre la phrase : je ne manque ni d’assurance pour dire librement ce que je puis avoir de bonnes qualités, ni de sincérité pour avouer franchement ce que j’ai de défauts. C. Les flous du portrait, garants de la sincérité du portraitiste : La Rochefoucauld avoue parfois son incapacité à pouvoir décrire même son apparence physique : je serai fort empêché de dire de quelle sorte j’ai le nez fait, on m’a dit que j’avais trop de menton…il me serait fort difficile de le dire… Toutes ces caractéristiques, qui ressortissent aussi au je ne sais quoi très prisé au XVIIe siècle, montrent avant tout que l’auteur est conscient de ses limites, et que sa lucidité sur son propre travail de portraitiste, et partant, sa sincérité, sont donc totales.

Conclusion : On le voit, l’autoportrait, même s’il n’est que physique, se veut, par l’honnêteté dont il s’efforce de témoigner, la preuve en acte du bon naturel de la Rochefoucauld, assez lucide pour se peindre lui-même. C’est un trait caractéristique de l’autoportrait que la dimension d’autojustification, avec toutes les stratégies rhétoriques qu’elle implique, y soit toujours présente, dans une mesure plus ou moins grande.

Sujet 2 : Dissertation Introduction Situation de la citation : Si Pascal s’est beaucoup inspiré des idées de Montaigne, il n’en porte pas moins un regard sévère sur les Essais en affirmant : Le sot projet qu’il a eu de se peindre ! Reformulation : Il mettait ainsi l’accent sur les apories du projet autobiographique, en conformité avec l’image de l’homme qu’il avait, entaché de pêché et inapte à se connaître lui-même. (Il conviendrait dans une copie de redonner la définition de l’autobiographie de P. Lejeune, donnée supra.) Problématique : Il nous faudra donc nous interroger sur les obstacles possibles, pratiques ou de principe, à l’écriture de soi : constituent-ils des arguments suffisants pour renoncer à toute tentative autobiographique ? Quel peut être néanmoins l’intérêt d’une œuvre autobiographique ? Plan : Nous commencerons par voir quels arguments peuvent justifier la condamnation sans appel de Pascal (I). Nous nous demanderons alors quel intérêt peut revêtir l’autobiographie malgré tous ces inconvénients (II). Nous verrons enfin comment les obstacles à l’autobiographie sont constitutifs de la nature même de cette entreprise littéraire : ils sont, d’une certaine façon, nécessaire à l’élaboration d’une forme (III). I. « Le sot projet » de se peindre A. Un projet peu intéressant et sot : La prolifération des autobiographies de stars ou de célébrités dans les librairies pousse le lecteur à se poser une question naïve : quel intérêt le lecteur peut-il trouver à une autobiographie ? quel type de relation entre le lecteur et l’auteur ce genre permet-il ? B. Un projet impossible à réaliser : Il est impossible de se connaître soi-même : c’est ce qu’affirme Pascal, et après lui, Sartre, qui préfère écrire une trilogie de romans, Les chemins de la liberté, partiellement autobiographiques, plutôt que d’écrire une autobiographie. De plus, écrire sur soi n’est pas la bonne solution pour se découvrir. Tous les phénomènes de mensonge ou d’autojustification qu’on trouve dans les Confessions de Rousseau par exemple, le prouvent. C. Un projet condamnable moralement :

On peut trouver que l’autobiographie relève d’une éthique de l’écrivain problématique : loin de l’écriture engagée (quoique…), l’autobiographie est centrée sur l’expérience du je et l’écriture sert alors de refuge. Dans les Mémoires d’outre-tombe, Châteaubriand ne s’enfermet-il pas dans la contemplation d’un monde révolu au lieu d’accepter les changements de société dont il a été le témoin ? II. L’intérêt de l’autobiographie est autre A. Se justifier : C’est le cas des Confessions de Rousseau, ainsi que de toutes ses autres œuvres biographiques. L’écriture autobiographique met en œuvre, comme on l’a vu plus haut, la louange et le blâme. B. Trouver une cohérence à sa vie : C’est le but des Essais de Montaigne, essayer de se saisir soi-même dans le mouvement de l’écriture et de ressaisir sa vie dans son mouvement perpétuel. D’une façon plus fondamentale encore, à la naissance du genre, avec les Confessions de Saint Augustin, on voit comment c’est le regard de Dieu qui permet à l’auteur de relire sa vie avec un point de vue unifiant. Aussi le récit de sa vie a-t-il une valeur édificatrice, comme pour un récit hagiographique : le récit qui reconstruit l’unité de sa vie montre par là même au lecteur la présence de Dieu dans cette vie. C. Etablir une relation bien spécifique au lecteur : Le caractère intime des confessions que Michel Leiris fait à son lecteur dans l’Age d’homme crée une relation particulière entre le lecteur et l’auteur, faite d’identification ou de rejet, mais sûrement pas d’indifférence. Leiris lui-même considère son écriture comme une tauromachie, une entreprise où l’auteur se met à nu devant le lecteur, et où se joue une expérience vitale. En conséquence, on peut considérer que la dimension psychanalytique présente dans l’œuvre peut avoir pour fonction d’interpeller le lecteur mieux que ne saurait le faire la lecture de traités abstraits. III. La nécessaire aporie du projet : Les obstacles que nous avons relevés en première partie sont cependant bien réels. Mais ces obstacles sont justement le point de départ de l’autobiographie. En effet, celle-ci, si on la considère comme un genre littéraire, commence au moment où l’auteur cherche à donner une image de soi non tant dans le récit que dans l’écriture elle-même. Les obstacles sont donc nécessaires à la constitution de l’autobiographie comme genre littéraire. A. C’est l’échec de la tentative de saisir une image de soi dans le passé qui conduit Rousseau à se chercher dans l’écriture, et c’est seulement dans cette écriture qu’il nous donne une image fidèle de lui-même : comme l’a dit à son sujet Starobinski, le remède est dans le mal. B. Cette recherche fonde le caractère littéraire de l’autobiographie : c’est en effet dans le choix du style lui-même et de l’écriture, à sauts et à gambades chez Montaigne, ou plus solennel et oratoire chez Chateaubriand, que se révèlent l’idiosyncrasie et la spécificité de chaque auteur. Conclusion : Pascal a raison de penser qu’il est impossible de se peindre ; mais peut-être est-il simplificateur de penser que le projet en est sot : l’autobiographie ne donne pas une image véridique et objective de l’histoire du sujet, mais elle en donne une représentation en mouvement dans l’écriture. La notion de vérité doit donc être complétée par celle de sincérité. Les obstacles à la connaissance de soi sont donc des conditions de possibilité de l’existence de l’autobiographie : ce sont eux qui poussent les écrivains à inventer un style à leur image.

Sujet 3 : Ecriture d’invention Eléments de corrigé : L’intitulé du sujet invite le candidat à respecter la forme du dialogue, et qui plus est, un dialogue argumenté ; celui-ci doit « démonter » point par point l’autoportrait d’Acaste en montrant comment une louange excessive de soi-même est mal perçue par l’auditeur : il faut donc renverser l’éloge en blâme, et il faudra faire usage d’antonymes et de systèmes d’opposition pour construire une argumentation convaincante. A titre d’exemple, nous donnons le début d’un dialogue : Anonyme : Je viens d’entendre, Acaste, le discours que vous avez tenu à Clitandre ; et pour être tout à fait honnête avec vous, je dois vous dire qu’il m’a abasourdi. Pensez-vous bien donner de vous une image agréable en vous exprimant ainsi ? Acaste : J’ai la franchise de me rendre justice dans mes qualités comme dans mes défauts, et de ne pas imposer aux autres la triste mine d’un homme mal satisfait de sa personne. Anonyme : Mais vous reconnaissez-vous au moins un défaut ? Car à force de vous vanter ainsi, personne n’ose croire que vous ayez toutes les bonnes qualités que vous vous attribuez, et tout le monde ne vous accorde au contraire que le défaut d’être fat et prétentieux. Acaste : Et comment s’il vous plaît ? Voulez-vous me montrer ce qui dans mon discours a pu vous convaincre de ces accusations calomnieuses ? Anonyme : Vous prétendez tout d’abord être apte à tous les emplois sous prétexte que vous êtes de bonne naissance. Allez donc en parler à votre valet, et lui demandez s’il vous croit doué pour son rude labeur, allez dire aux poètes que vous les égalez, aux peintres que vous les surpassez, grâce à votre belle naissance. Les gens ne vous croiront pas, eux qui connaissent leur métier, et se riront de vous. (…)