Le ballon de Philippe Couillard

Mardi dernier, au moment d’entreprendre les travaux parlementaires de l’automne, le premier ministre Philippe Couillard a accusé la fonction publique de divulguer de l’information aux médias. Il faisait référence aux reportages qui circulent sur les programmes touchant les garderies, l’assurance parentale et l’abolition de certains ministères et organismes, qui pourraient être victimes des politiques d'austérité en vue d'atteindre l'équilibre budgétaire. De plus, il supposait que la fonction publique laissait filtrer des informations aux journalistes, et ce, parce qu’elle refusait de se remettre en question. Cette déclaration est indigne d’un premier ministre! Sa fonction lui dicte de s’abstenir de lancer de telles accusations. En plus de démontrer du mépris à l’endroit des hommes et des femmes qui œuvrent chaque jour dans les services publics, notre premier ministre envoie un signal très fort qu’il considère que la fonction publique fait partie du problème, et non pas de la solution! C’est assez insultant, surtout après la mascarade de dialogue social lors de l’annonce de la création de la Commission de révision permanente des programmes. Et dire que c’est ce même gouvernement qui demande aux fonctionnaires de l’aider à identifier de possibles économies! Monsieur Couillard semble mettre de côté l’idée que ce « coulage » d’information aux médias puisse provenir de son propre gouvernement et qu’auquel cas, il ait été commandé par les politiciens de son parti dans un objectif bien précis. De fait, n’est-il pas d’usage dans les milieux politiques de transmettre aux médias des « ballons » lorsqu’on souhaite vérifier l’acceptabilité sociale d’une mesure controversée? Tout porte à croire que les récentes informations diffusées dans les médias ne sont ni plus ni moins que des cas classiques d’un gouvernement qui cherche à faire avaler à petites bouchées des annonces qui déplairont à une grande partie de la population. Lorsqu’il est question de remettre en cause l’universalité de certains programmes, de tarifer et de réduire l’accessibilité ou revoir la générosité de certains autres, il faut d’abord préparer le terrain! Nul doute que toute cette manipulation d’information et ces sorties médiatiques s’inscrivent dans une volonté du gouvernement de procéder à un exercice de relations publiques afin de convaincre la population qu'il n'est plus possible de maintenir l'ensemble des services publics et des programmes sociaux. En laissant planer les pires scénarios, on espère ainsi que la population trouvera finalement que les compressions ou les nouveaux tarifs annoncés ne sont pas aussi terribles que ceux anticipés. Au lieu de soupçonner son personnel, les fonctionnaires au sens large, je demande au premier ministre de regarder dans ses rangs – parmi ses proches collaborateurs –, ceux qui ont visiblement décidé de préparer l’opinion publique aux grands chambardements que son gouvernement s’apprête à faire subir aux services publics. Monsieur Couillard, avouez-le donc, vous avez bien une petite idée de qui a bien pu mettre cette balle en jeu…soyez bon joueur.

Lucie Martineau, présidente générale du SFPQ