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Depuis une décennie, un consensus s'est installé à propos du modèle économique grenoblois. Pour les acteurs privés et publics (locaux comme nationaux), la.
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Rhône-Alpes • Tribunes

L’émergence, au service du modèle grenoblois Par Eric PIOLLE Conseiller régional de ff Rhône-Alpes (2010-14) Maire EELV de Grenoble ff (depuis 2014)

© Lionel Didot

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epuis une décennie, un consensus s’est installé à propos du modèle économique grenoblois. Pour les acteurs privés et publics (locaux comme nationaux), la « réussite » de la ville provenait exclusivement de la synergie entre université, recherche et industrie, réunis autour d’un objectif : l’innovation, entendue comme transfert de technologies du public vers l’entreprise. C’est en ce sens qu’au début de l’année 2014 Grenoble candidatait devant l’Union européenne pour être désignée capitale européenne de l’innovation. Au final Grenoble n’a pas été retenue – nous nous contenterons très bien du titre de capitale des Alpes, et Bruxelles est sur le point de condamner la Ville pour son taux trop élevé de particules fines. Pendant ce temps-là, un jeune grenoblois sur quatre grandit dans une famille vivant en dessous du seuil de pauvreté. Avec le dispositif « cœur de Ville / cœur d’Agglo » visant à n’embellir que le centre historique de la ville, des quartiers entiers ont été délaissés. Il y a quelques semaines, le CUCS 2014-2017 rajoutait deux quartiers supplémentaires à la liste des cinq quartiers déjà prioritaires que comptait la ville… S’il est indéniable que le dynamisme des chercheurs et des entrepreneurs participe de la vitalité de notre ville, ce début de mandat est l’occasion de repositionner l’action municipale vers son point d’efficacité maximale, en prenant en compte ce qui fait la véritable force de notre ville depuis plus de deux siècles : l’émergence. L’émergence ? Que l’on prenne la journée des tuiles en 1788, les premières mutuelles, l’industrie de la Houille blanche ou des gantiers au XIXe siècle, la résistance, le planning familial, les premières associations d’immigrés, le retour du tramway ou la municipalisation de l’eau au XXe siècle, ou encore la reconversion du CEA vers les énergies nouvelles et le premier éco-quartier dans les années 2000 : à chaque fois Grenoble avance en faisant bouger les lignes, en ne laissant personne sur le bord du chemin. Alors que l’innovation est le fruit d’un process entre acteurs institutionnels et économiques, qu’elle se mesure à la quantité administrative de brevets déposés et à la rentabilité supposée du produit, l’émergence, elle, monte de toute la ville et concerne tous les domaines  : de la fête de quartier à la performance industrielle, en passant par une démocratie locale revivifiée. L’émergence, c’est l’activation de tous les talents qui mettent la ville en mouvement. En ces temps où les crises poussent à optimiser la dépense publique, faciliter l’émergence c’est passer un nouveau contrat avec la société civile et les habitants : ce n’est pas faire à leur place, ou bien municipaliser toutes les bonnes initiatives, c’est les protéger contre les risques et leur donner les moyens de libérer leur énergies. Ici les vestiaires d’un club de foot de

quartier à rénover, là une école qui a besoin d’une nouvelle cantine, là-bas des pistes cyclables à redessiner, etc. Les aides publiques municipales versées chaque année aux industriels des technologies, au nom de la compétitivité internationale, n’ont jamais attiré les grands investisseurs : à leur échelle, elles ne pèsent presque rien mais elles représentent beaucoup pour une ville de 160 000 habitants. Ce qui motive réellement les grands investisseurs – et c’est l’ancien cadre dirigeant qui parle, c’est d’abord le dynamisme d’une population, son envie de faire et de créer, son appétit d’entreprendre, toutes ces aptitudes qui ne se chiffrent pas et qui pourtant font la vitalité de nos territoires. C’est aussi la reconnaissance dont il bénéficiera, au même titre que tous les acteurs qui font partie de l’histoire de la ville. Nous vivons à une époque où, pour qu’investisseur s’installe dans une ville, mieux vaut construire une nouvelle école, étendre les horaires d’une piscine ou bien créer deux nouveaux arrêts de bus que de se ruiner à lui verser des aides publiques et, au passage, à négliger des secteurs entiers de la commune.

« L’émergence, c’est l’activation de tous les talents qui mettent la ville en mouvement. » Le premier capital de Grenoble, la clé de son attractivité, ce n’est pas sa capacité à s’endetter. C’est sa capacité à révéler et à faciliter l’émergence de tous les talents, aux quatre coins de la ville. C’est en ce sens que, dans les mois et années à venir, la nouvelle majorité et moi-même allons travailler. ●

La Revue du Trombinoscope | Juillet 2014 | 15