La cuisine mexicaine est Loin de se Limiter aux fajitas et à La ...

de réinterpréter les aliments indigènes à son restaurant Quintonil; à Mérida, au Yucatán, les influences des civilisations mayas sont mises à l'honneur au K'u'uk; ...
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LE MEILLEUR DU

Mexique La cuisine mexicaine est loin de se limiter aux fajitas et à la téquila. Avec ses influences indigènes et ses particularités régionales, le Mexique a beaucoup plus à offrir. mais il y a tant à découvrir qu’on ne peut pas en faire le tour en moins de deux. c’est pourquoi nous vous présentons les tendances, les chefs et les endroits qui, selon nous, méritent qu’on s’y attarde. Par claudia guerra

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La renaissance des Pulquerías Les pulquerías, des bars populaires et un tantinet subversifs, ont pris du galon ces dernières années. On a amélioré leur image peu élégante et on en a fait de nouveaux repaires branchés. Le hic? «On aime ou on déteste le pulque. Il y en a qui disent que ça sent la vomissure, mais moi je ne trouve pas», raconte Mariano Franco, propriétaire du restaurant Ta Chido, à Montréal. Le pulque — un liquide fermenté issu de la sève du maguey, une variété d’agave — a une consistance de lait visqueux. Il se boit au naturel ou en cocktail curado, mélangé à du jus de fruits, du sucre, du miel, de la cannelle... La tendance s’est d’ailleurs importée à New York. La pulquería du Chinatown en offre avec de la mangue, du cidre ou de la noix de coco. Avis aux intéressés: une fois consommé, ce nectar ultra-vitaminé hérité des Aztèques continue à fermenter dans l’estomac!

On boit du MeScal

1 | Le restaurant Ta Chido à Montréal, reconnu pour l’authenticité de sa cuisine mexicaine.

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2 | Les producteurs de mescal se sont multipliés. On trouve maintenant des versions haut de gamme de cet alcool à base d’agave. 3 | Le chef Diego Hernández du resto Corazón De Tierra en Basse-Californie réinvente les classiques de la cuisine mexicaine. 4 | Les maisons colorées de la région du Yucatán

Si on avait un spiritueux à rapporter de voyage, ce serait sans doute le mescal, passé d’eau-de-vie d’ouvrier à alcool d’agave haut de gamme. Merci aux hipsters, qui en ont fait une boisson ultra-branchée — bien qu’au prix parfois exorbitant. Mezcal El Cortijo, Mezcal Amores, Pierde Almas, El Buho Mezcal... les mezcaleros (producteurs de mescal) se sont multipliés, et les mezcalerias (bars où l’on en sert) aussi. Si on en ramène autant qu’on peut, on en fait profiter les fabricants artisanaux! On en trouve en particulier à Oaxaca, d’où elle est originaire et dont elle est la principale ressource économique.

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Un resto incontournable Parmi les 100 choses à faire avant de mourir, on devrait manger au Pujol, le restaurant d’Enrique Olvera, chef-vedette de la gastronomie internationale. C’est dans cet établissement — classé 17e dans la liste des 50 meilleurs restaurants du monde 2013 de San Pellegrino — qu’on vit une des meilleures expériences gustatives du Mexique. Enrique Olvera n’avait que 24 ans lorsqu’il s’est lancé dans l’aventure Pujol, en 2000. Comme le chef avant-gardiste a été l’un des premiers à concilier techniques contemporaines et ingrédients de la cuisine traditionnelle, il a inspiré toute une génération de jeunes chefs. Il ouvrira bientôt un nouveau restaurant à New York.

Un chef ambitieux «Plus aventurier qu’Olvera, Daniel Ovadia va loin dans l’expérimentation. Dans sa lasagne, ses pâtes sont remplacées par du chicharrón (couenne de porc frit)», raconte Mariano Franco. À son restaurant Paxia, le chef-vedette propose une gastronomie très créative, où il faut prévoir jusqu’à trois heures pour passer au travers de son menu de dégustation. Voilà un chef jeune et ambitieux, et c’est peu dire. À 29 ans, il a tout un empire, dont trois autres établissements et une marque de mescal.

Un état gourmand: la Baja California

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On y mange les meilleurs tacos au poisson du monde. Les tortillas maison de n’importe quel casse-croûte routier vous mèneront au septième ciel. La bière Pacifico détrônera la bien connue Corona. OK, il faut s’habituer aux contrôles militaires (cartels de la drogue obligent), mais il reste que la Basse-Californie, paradis indompté qui s’étend de la populaire Tijuana à la chic Los Cabos, attire de plus en plus de gens grâce à ses bonnes tables et à son offre viticole — c’est d’ici que proviennent plusieurs vins mexicains. Dans cette péninsule est né le Bajamed, un concept de nouvelle cuisine fusion qui consiste à combiner le savoir mexicain aux styles méditerranéen et asiatique. Le mouvement est représenté notamment dans la Valle de Guadalupe par les chefs Jair Téllez (après Laja, il vient d’ouvrir Verde y Crema, un établissement où l’on peut aussi goûter à des bières artisanales mexicaines) et Diego Hernández, au resto Corazón De Tierra. À inscrire à votre agenda en octobre prochain: le Baja California Culinary Fest, où pas moins d’une vingtaine de chefs se réunissent pour donner des conférences et participer à un concours gastronomique.

À faire chez soi Lors d’un court séjour au Mexique, Louis-François a pu déguster le guacamole du restaurant Mole de l’hôtel La Esmeralda à Playa del Carmen. Voici la recette de ce plat typique de la cuisine mexicaine.

Guacamole du mole Portions 4 4 avocats mûrs Le jus de 6 limes Sel et poivre, au goût 2 petites tomates, en dés 1 oignon blanc haché 125 ml (1/2 tasse) de coriandre fraîche 1 piment jalapeno ou serrano épépiné, haché De 15 à 30 ml (1 à 2 c. à soupe) d’huile d’olive 8 petits chapulines ou criquets bruns (facultatif) Des tortillas de couleurs différentes

1 Dans un grand mortier, déposez les avocats, le jus de lime et le sel. Réduisez les avocats en purée tout en ajoutant les tomates, l’oignon, le jalapeno et l’huile. 2 Salez et poivrez. Pour un guacamole à la Mole, ajoutez les criquets au mélange. Servez avec des tortillas.

Pour épicer ses recettes! On surprend ses convives avec ces trois piments, à découvrir, selon le chef William Cody, du resto Maïs.

Guajillo (3/10)

Très populaire et polyvalent, le guajillo s’ajoute aux salsas, aux marinades, aux trempettes, aux soupes et aux mijotés. «Je l’utilise pour les sauces piquantes. Il donne une touche de fraîcheur», assure William Cody.

Morita (5/10)

Le morita est une variété de jalapeno séché par fumage. De couleur rouge foncé et exhalant des arômes fumés, il apporte de la chaleur aux plats, et son goût rappelle celui du chipotle. Le truc de pro? William Cody s’en sert moulu dans ses créations.

Pasilla (6/10)

Long et fin, le chicala s’appelle pasilla quand il est séché et réduit en poudre. Tout usage, il a un goût savoureux et fruité. «Il se prête bien bien aux sauces», nous dit le chef.

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Ta Chido Snack-bar 5611, avenue du Parc

Urbain, décontracté et kitsch à souhait, Ta Chido, le resto-bar de Mariano Franco, est l’endroit incontournable du circuit gourmand à la mexicaine, en particulier pour la diaspora branchée. L’artiste multidisciplinaire et cinéaste nous propose un restaurant aux antipodes de l’imagerie folklorique et stéréotypée des établissements typiques. Au contraire, ici on revisite les grands classiques comme la torta (faite de pain maison), la quesadilla et le mole.

La Tamalera 226, rue Fairmount Ouest Même avec ses Guadelupe, La Tamalera est moins flyé que Ta Chido. À la fois épicerie fine et resto dédié à la «haute cuisine de rue», on y vient pour manger des tacos et des tamales à des prix fort abordables.

Restaurant Maïs 5439, boulevard Saint-Laurent Si le goût authentique d’une taqueria se trouve à La Matraca, rue Saint-Denis, les tacos revisités par les chefs William Cody et Gil Macnutt valent bien le détour aussi. Ambiance festive, bons cocktails du pays et, bien sûr, mescal sont de la partie.

Sabor Latino

436, rue Bélanger Est et 4387, boulevard Saint-Laurent Peu importe ce qu’on cherche, Sabor Latino l’aura. Dans ce supermarché, on ne retrouve que des produits latino-américains, y compris les essentiels de la cuisine mexicaine.

Guacamole y tequila 112, rue Principale Ouest, Magog On y trouve des plats traditionnels de toutes les régions. Les cocktails sont savoureux, et le décor chic et chaleureux fait oublier les blues hivernal. Comme le succès était au rendez-vous, les deux jeunes femmes à la barre de Guacamole y tequila ont ouvert une succursale à Sherbrooke.

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LA folie des food trucks Au diapason des métropoles occidentales, Mexico s’adonne elle aussi à la folie des food trucks, même si au Mexique, la bouffe de rue est... à tous les coins de rue! «Ils sont dans les foires, dans les marchés, c’est très à la mode», affirme Mariano Franco. C’est qu’avec leurs kiosques ambulants, de jeunes entrepreneurs s’amusent à pirater certains mets traditionnels, à concurrencer cevicherias, tostaderias et taquerias ou encore à explorer les cuisines d’ailleurs: libanaise, paraguayenne, vietnamienne... foodtrucksmexico.com

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le meilleur snack du moment est... ... la torta, un méga-sandwich au pan francés* (ou bolillo ou telera ou birote, selon la région où l’on se trouve) à manger sur le pouce et délicieusement salissant. Simple et réconfortant, il est garni de viande, d’avocat, de laitue, de jalapeno et de tomates. C’est aussi une option de choix pour tous ceux qui en ont marre du hamburger à l’américaine! * pain français

On vous a parlé des insectes?

Chapulines: criquets Chicatanas: fourmis Escamoles: larves de fourmis Huitlacoche: champignon qui croît dans le maïs (on l’appelle aussi la «truffe mexicaine»)

1 | La ville de Villadolid est construite sur une ancienne cité maya. Ici la rue Artesanai Zaci.

Mieux vaut connaître le lexique des chefs ces jours-ci, car si ce vocabulaire — qui laisse une belle place aux insectes — semble inusité, il évoque surtout des ingrédients autochtones de l’époque précolombienne. «Les chefs parlent d’une gastronomie de sauvetage. Ils veulent transformer des plats ancestraux, les réinventer et les rendre visuellement plus intéressants», explique Jose Antonio Matamoros, du restaurant El Catrin, à Toronto. À Mexico, le chef Jorge Vallejo, anciennement du Pujol, s’efforce de réinterpréter les aliments indigènes à son restaurant Quintonil; à Mérida, au Yucatán, les influences des civilisations mayas sont mises à l’honneur au K’u’uk; tandis qu’au Pitiona de la cité d’Oaxaca, la cuisine d’auteur de Jose Manuel Baños Rodríguez oscille entre l’hypertraditionnel et l’ultra-expérimental!

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2 | Les Mexicains sont friands des chapulines (criquets bruns) que l’on trouve dans les marchés. 3 | Les marchés où faire provision de guajillos, moritas et pasillas 4 | Louis-François, lors de sa visite dans les cuisines de l’hôtel La Esmeralda à Playa del Carmen

Se régaler au marché (et s’y perdre) Pour le visiteur curieux, une des plus belles façons d’aller à la découverte de la cuisine mexicaine — classée patrimoine de l’Unesco en 2010 — est de s’aventurer dans les marchés bouillonnants, véritables trésors culturels labyrinthiques. Que ce soit au Mercado de San Juan, à Mexico, ou au Mercado Benito Juares, à Oaxaca, on peut goûter à tout et baragouiner sans complexe son espagnol.

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Les sushis à la mexicaine Avec des adresses colorées comme Moshi Moshi à Mexico et Taka Taka à Brooklyn — et leurs comptoirs tournants —, le guacamole, le chipotle ou encore le pollo empanizado (poulet pané) s’introduisent dans la gastronomie japonaise. Résultat? Des combinaisons intrigantes dignes d’une cuisine fusion dans l’air du temps.

Merci à Mariano Franco, de Ta Chido, à Montréal, à José Antonio Matamoros, du restaurant El Catrin, à Toronto, et à Julio Enrique Zavala de Tentli, Atelier et Pâtisserie, à Mexico, pour leur précieuse collaboration.

Photos: insectes et le marché: Benot Liard

Le Mexique Au Québec

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