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Ce que les animaux nous apprennent Les animaux domestiques jouent un rôle important dans nos vies. Que nous apprennent-ils ? Des choses sur nous… L’histoire d’Olivier Groleau Grenier est fascinante. À l’âge de 19 ans, il part pour le Cameroun, dans l’inconnu le plus total. Il y suit son père, réalisateur de documentaires. Trois jours après son arrivée au pays, il se rend au Cameroun Wildlife Aid Fund, une ONG1 anglaise qui chapeaute un refuge pour les primates orphelins du braconnage2. « Je suis allé rencontrer le responsable du centre, comme me l’avait proposé un ami de mon père. C’est là que l’homme m’a expliqué le travail. Un peu plus tard, il m’a demandé si je voulais voir un bébé gorille. Il était là, affalé sur le sofa avec sa petite couche ! Ça a été le début d’une aventure extraordinaire. Je suis devenu stagiaire. Je devais nourrir les animaux, nettoyer et construire des enclos, etc. Jamais je n’aurais
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imaginé vivre cette expérience. J’entrais dans un enclos et une douzaine de chimpanzés me sautaient dessus, c’était incroyable ! Entrer en contact avec ces êtres si sensibles et si intelligents a été une révélation. Je devais rester trois mois. J’y suis demeuré un an. »
Une relation affective Pourquoi une telle attirance ? Pour Claude Gagnon, ancien professeur au collège Édouard-Montpetit, la réponse est ailleurs que dans la sensibilité ou l’intelligence : « Si nous sommes attirés
1. ONG : sigle qui signifie « organisation non gouvernementale ». 2. Braconnage : chasse illégale.
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par certains animaux, ce n’est pas seulement à cause de leur intelligence. Les insectes, par exemple, rebutent la plupart d’entre nous. Pourtant, les fourmis sont très intelligentes. Si nous sentons une parenté avec les singes, c’est surtout parce qu’ils ont une morphologie3 semblable à la nôtre », souligne le philosophe. Selon plusieurs spécialistes, jamais nous n’avons investi les animaux de compagnie d’autant d’affectivité. On veut décoder leur langage, comprendre leur fonctionnement, et ce, pour mieux prendre soin d’eux. Autrefois perçus comme utiles pour des travaux divers, les animaux d’aujourd’hui font partie intégrante de la famille. Anne Lajoie en sait quelque chose. Son chien Cookie a partagé la vie familiale pendant 15 ans ! « Quand j’étais petite, mon chien était mon confident. Je lui racontais mes peines. Je lui disais des choses que je ne disais à personne d’autre. On jouait beaucoup avec lui. Il faisait partie de la famille. J’avais 19 ans quand il est mort. Avoir eu un animal aussi longtemps m’a
Se sentir utile et développer le sens des responsabilités ne sont que quelques aspects de la relation avec un animal. Pour Annie Bernatchez, psychologue et directrice des activités cliniques de Zoothérapie Québec, l’animal est un médiateur4 favorisant plusieurs apprentissages. « L’animal a un effet sur les gens de tous les âges. Il nous apprend à vivre de l’attachement. Il compte
3. Morphologie : apparence extérieure. 4. Médiateur : intermédiaire.
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vivants. »
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responsabilisée. Ça m’a aussi appris à respecter les êtres
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pour nous et nous comptons pour lui. Pour plusieurs, l’animal figure parmi les premiers grands amours, après les parents. Cette relation d’attachement constitue un point de départ, un modèle de lien que l’on peut ensuite transférer sur les autres. Nous avons tendance à le rechercher et à le reproduire. » Pour la thérapeute, se sentir aimé et accepté tel que l’on est fait aussi partie des apports importants de l’animal à la personne. L’animal nous offre tout le contraire de ce qui est véhiculé par la société d’aujourd’hui : la performance à tout prix et l’efficacité à tous les niveaux. Il nous donne le droit à une pause, il ne juge pas nos faiblesses. Ce lien dans lequel les exigences des rapports humains sont levées répond à un besoin important pour Anne qui, à 35 ans, a adopté un chat. « Les liens avec les humains sont complexes et parfois difficiles. Avec les animaux, les rapports sont beaucoup plus simples. Ça me détend. Mais je ne vais pas jusqu’à me
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couper des autres. Pour moi, les deux genres de relations cohabitent, tout en étant très différents. On a beau dire ce qu’on voudra, quand je communique avec mon chat, il ne me répond pas. Mais c’est aussi ce que j’aime ! »
Un miroir Si les animaux ne peuvent qu’être les récipiendaires d’une communication à sens unique, pourquoi recherchons-nous tant leur présence ? « L’imaginaire est au centre de notre relation à l’animal, dit Claude Gagnon. Les animaux, surtout ceux qui
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partagent nos vies, sont des miroirs. Nous projetons énormément de choses sur eux. Ce qu’ils nous apportent ? C’est selon les besoins de chacun. Pour certains, ils meublent la solitude. Pour d’autres, ils comblent un besoin d’affection. Mais il ne faut pas oublier que ce sont nos croyances qui nous soulagent. En réalité, nous prêtons des émotions à nos animaux afin de nous déculpabiliser de nous servir d’eux. » Il va sans dire que ce point de vue n’est pas très populaire auprès des amis des bêtes. L’ancien professeur n’est toutefois pas le seul à placer l’imaginaire entre l’humain et l’animal. L’anthropologue Bernard Arcand croit pour sa part que les animaux nous rappellent que la tendresse, la fidélité et l’amour existent. « La relation avec l’animal nous permet de penser à autre chose, de nous changer les idées. Mais tout ça n’existe que dans notre imaginaire. […] En fait, nous n’avons aucune idée de ce qu’est un réel animal. L’homme du 21e siècle est une créature de l’urbanisation. Pour lui, un animal, c’est un
zoos. Plusieurs pourraient trouver cela bizarre. Les animaux de compagnie, eux, ont été fabriqués. Ils n’ont rien à voir avec de vrais animaux tels que nous les trouvons dans la nature ». Mais pour Olivier Groleau Grenier, l’expérience avec les primates était bien réelle. Lorsqu’on lui demande ce que lui ont appris chimpanzés, bonobos5 et gorilles des montagnes, sa
5. Bonobo : sorte de chimpanzé.
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sommes éloignés des animaux. Nous allons les regarder dans des
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pigeon ou un écureuil. Contrairement à nos ancêtres, nous nous
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réponse est sans équivoque : « La sensation ressentie lorsqu’on tient un chimpanzé dans ses bras est indescriptible. Je dirais que ça enseigne le respect. Ça te sensibilise aux problèmes des espèces menacées, au braconnage. Il faut agir pour améliorer le sort de ces animaux. Au fond, je crois avoir appris plus d’eux, qu’eux de moi. Les animaux ne détruisent pas les écosystèmes. Nous, oui. Nous violons la Terre à cause de nos ambitions démesurées. Il faut faire attention à notre planète et aux êtres qui en dépendent. Au Cameroun, on m’avait donné le surnom d’Atangana, le Blanc qui ne veut plus retourner dans son pays ! Je garde des souvenirs inestimables de cette expérience. » « Il est vrai que les animaux nous envoient des signaux d’alarme auxquels nous devons répondre », ajoute Claude Gagnon. Et les observer nous permet de tirer des leçons. Toutefois, pour lui, il ne faut pas tomber dans le piège de donner une raison à l’animal, une intention. « L’animal ne peut nous
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enseigner. Il peut cependant nous indiquer beaucoup de choses. Nous utilisons son instinct, auquel nous appliquons notre raison. C’est le couple parfait ! Vous n’avez qu’à penser au chien de chasse. Sans lui, point de canard. » En fait, parce que l’animal est entièrement conditionné par son instinct et son environnement, il ne peut, du moins intentionnellement, nous apprendre quelque chose. Même si nous continuons d’y croire. Incroyables compagnons de jeu, victimes de nos ambitions ou membres de nos familles, les animaux nous rappellent que nous
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faisons partie de la race des êtres vivants. Pourtant, nous assistons sans broncher6 à la disparition de milliers d’espèces de la planète, sans compter l’abandon de milliers d’animaux domestiques chaque année. Les animaux ont beau nous apprendre bien des choses, sur nous-mêmes avant tout, nous n’avons pas encore intégré la leçon ni appris à les respecter.
6. Sans broncher : sans réagir.
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Sophie CHAREST, « Ce que les animaux nous apprennent », Ressources, vol. 21, no 6, février 2006, p. 18-19.
