Donation de droits démembrés

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DEMEMBREMENT DE PROPRIETE

SECTION 2

Donation de droits démembrés Les démembrements de propriété entre usufruitier et nu-propriétaire sont le plus souvent subis. Le décès d’un conjoint rend le veuf (ou la veuve) usufruitier de la succession, tandis que les enfants reçoivent la nue-propriété.

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L’usufruit peut pourtant être volontairement créé dans un but d’optimisation patrimoniale. L’exemple le plus connu est la donation avec réserve d’usufruit, qui permet à des parents d’anticiper la transmission de leur patrimoine à leurs enfants (ou petits-enfants) avec une fiscalité avantageuse. D’usage moins fréquent, la donation temporaire d’usufruit aux enfants présente également de sérieux atouts fiscaux. La double donation d’usufruit à un donataire et de nue-propriété à un autre donataire se présente quant à elle comme une alternative intéressante aux libéralités graduelles et résiduelles.

A. Donation avec réserve d’usufruit Le donateur peut souhaiter se réserver l’usufruit de tout ou partie des biens donnés. Cette clause, dont le Code civil prévoit expressément la validité (C. civ. art. 949), est très fréquente dans les donations de parents à enfants.

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Assortir une donation d’une réserve d’usufruit présente un double intérêt : – d’une part, cela permet au donateur d’organiser de façon anticipée la transmission de son patrimoine tout en conservant la jouissance et les revenus du bien donné (soit pour une durée temporaire, soit le plus souvent sa vie durant). A cet égard, tous les biens meubles ou immeubles sont susceptibles de faire l’objet d’une donation avec réserve d’usufruit (immeuble, parts sociales, etc.). Une réserve d’usufruit peut même être prévue lors d’une donation de somme d’argent (quasi-usufruit), mais mieux vaut l’éviter dans une donation-partage (voir no 63758) ; – d’autre part, comme nous allons le voir ci-après, la donation avec réserve d’usufruit bénéficie d’un régime fiscal très favorable. Ajoutons que, lorsque le donateur est marié, la réserve d’usufruit s’accompagne très souvent d’une clause de réversion au profit du conjoint survivant. Cette stipulation constitue une donation entre époux sur le plan civil mais est traitée comme une transmission successorale sur le plan fiscal : voir nos 67200 s.

Régime fiscal de la donation avec réserve d’usufruit Dans la mesure où seule la nue-propriété des biens est transmise, les droits de donation ne sont calculés que sur la valeur de la nue-propriété (obligatoirement déterminée par application du barème fiscal de l’article 669 du CGI : voir no 64537). Cette réduction de l’assiette des droits de donation permet de réaliser une économie de droits qui est définitive puisque, sauf exception, la réunion de l’usufruit à la nue-propriété qui s’opère au décès de l’usufruitier s’effectue en franchise d’impôt : à l’extinction de l’usufruit opérée par le décès du donateur, le nu-propriétaire récupère la pleine propriété du bien sans subir de taxation supplémentaire (CGI art. 1133). Il n’en va autrement qu’en cas d’application de la présomption de propriété de l’article 751 du CGI (nos 64320 s.), c’est-à-dire en pratique lorsque le décès du donateur intervient dans les trois mois de la donation consentie à l’un de ses héritiers présomptifs.

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Exemple Le 1er janvier 2014, Mme L, âgée de 72 ans, consent à son fils Antoine une donation avec réserve d’usufruit portant sur des titres d’une société civile familiale d’une valeur de 260 000 € en pleine propriété. C’est la première donation que la mère fait à son fils. Compte tenu de l’âge de Mme L, la nue-propriété donnée est évaluée fiscalement à 70 % de la valeur des titres, soit 182 000 €. Après abattement de 100 000 € applicable entre parents et enfants, les droits sont dus sur 82 000 €. 7

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Droits dus : 14 594 €. Au décès de Mme L, l’usufruit s’éteint et son fils Antoine récupère la pleine propriété des titres en franchise d’impôt. Soit un taux global d’imposition limité à 5,6 % (alors qu’une donation en pleine propriété aurait rendu exigibles des droits de 30 194 €, soit un taux d’imposition de 11,6 %).

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Notons que, lorsque la transmission porte sur les parts d’une société qui réalise des bénéfices, la donation avec réserve d’usufruit peut avantageusement être combinée avec la mise en réserve des bénéfices sociaux. Reprenons l’exemple ci-dessus en supposant que la société civile familiale réalise chaque année 10 000 € de bénéfices. Chaque année, Mme L, devenue usufruitière, vote l’affectation de ces bénéfices en réserves. Au décès de Mme L, son fils Antoine récupérera en franchise d’impôt la pleine propriété de titres dont la valeur se sera accrue du montant des réserves. Ainsi, si le décès de Mme L intervient début 2019, la valeur des titres aura augmenté de 5 années × 10 000 € = 50 000 € et le taux global d’imposition de la transmission se trouvera réduit à 4,7 % (14 594 € / 310 000 € = 4,7 %). Précisons que si l’administration fiscale tente parfois de requalifier en donation indirecte – taxable aux droits de donation – la mise en réserve des bénéfices, cette position est clairement condamnée par la Cour de cassation. Jugé que les bénéfices réalisés par la société ne participant de la nature de fruits que lors de leur attribution sous forme de dividendes, lesquels n’ont pas d’existence juridique avant l’approbation des comptes de l’exercice par l’assemblée générale, la constatation par celle-ci de l’existence de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé, il s’ensuit qu’avant cette attribution l’usufruitier des parts sociales n’a pas de droit sur les bénéfices et qu’en participant à l’assemblée générale qui décide de les affecter à un compte de réserve il ne consent aucune donation au nu-propriétaire (Cass. com. 10-2-2009 no 07-21.806 : RJF 5/09 no 514 ; Cass. com. 31-3-2009 no 08-14.053 : RJF 7/09 no 698). Cette position de la Cour de cassation permet d’envisager des stratégies transmissives efficientes, dont l’intérêt s’est trouvé encore renforcé avec le durcissement de la fiscalité des donations opéré par les lois 2011-900 du 29 juillet 2011 et 2012-958 du 16 août 2012.

67180 Comparaison du coût fiscal des donations avec ou sans réserve d’usufruit Le choix de donner un bien en pleine propriété ou en nue-propriété dépend de considérations juridiques et fiscales. Sur le plan civil, la donation de la nue-propriété permet au donateur de conserver sur le bien transmis les pouvoirs et le droit aux revenus attachés à l’usufruit. Sur le plan fiscal, la donation de la nue-propriété d’un bien permet de bénéficier d’une base imposable plus faible, ce qui présente d’autant plus d’intérêt que la fiscalité des donations a été ces dernières années sensiblement durcie. Comme le montre le tableau ci-après qui compare le coût de la donation en nue-propriété d’une part et en pleine propriété d’autre part, en fonction de l’âge du donateur et de l’importance de la donation, l’écart est d’autant plus important que le donateur est jeune. L’intérêt de l’anticipation de la donation est amplifié par le fait que les abattements fiscaux se renouvellent tous les quinze ans et que les frais et droits de donation peuvent être pris en charge par le donateur sans être considérés comme une donation sous l’angle fiscal. Age du donateur

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Valeur fiscale de la nuepropriété

Valeur en propriété de l’actif donné en 2014 250 000 €

500 000 €

1 000 000 €

Don en nuepropriété

Don en toute propriété

Don en nuepropriété

Don en toute propriété

Don en nuepropriété

Don en toute propriété

64 ans

60 %

8 195

28 195

38 195

78 195

98 195

212 962

74 ans

70 %

13 195

28 195

48 195

78 195

122 962

212 962

82 ans

80 %

18 195

28 195

58 195

78 195

152 962

212 962

92 ans

90 %

23 195

28 195

68 195

78 195

182 962

212 962

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Réversion d’usufruit Un usufruit peut, par convention, être établi successivement au profit de deux personnes différentes. La constitution d’un usufruit successif est très fréquente dans les donations en nue-propriété : celui qui donne un bien s’en réserve l’usufruit et, à son décès, cet usufruit bénéficiera à une autre personne (son conjoint le plus souvent). Ce n’est qu’à l’expiration de ces usufruits successifs que le nu-propriétaire deviendra plein propriétaire.

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Régime juridique Sur le plan juridique, la clause de réversibilité de l’usufruit insérée dans un acte de donation constitue une donation à terme de biens présents (et non une donation conditionnelle de biens à venir) : le droit d’usufruit du bénéficiaire lui est définitivement acquis dès le jour de l’acte, seul l’exercice de ce droit se trouvant différé au décès du donateur (Cass. ch. mixte 8-6-2007 no 05-10.727 : RJF 10/07 no 1172). De cette qualification de donation à terme de biens présents découlent plusieurs conséquences : – c’est au jour de la donation que doivent être réunies les conditions de formation et de validité de la donation posées par l’article 894 du Code civil, notamment la désignation et l’acceptation du (ou des) bénéficiaire(s) ; – il est possible de prévoir une réversion d’usufruit au profit d’un bénéficiaire autre que le conjoint (le concubin, par exemple), sans encourir la nullité des pactes sur succession future (en ce sens, par exemple, Cass. 1e civ. 3-10-2000 no 1391 : Jurisdata no 006130) ; – lorsque la donation porte sur un immeuble, il n’y a pas à publier d’attestation notariée au moment où la réversion d’usufruit s’opère si l’identité de l’usufruitier en second a bien été annotée au fichier immobilier dès la publication de la donation (Cass. 3e civ. 6-11-2002 no 1596 : Bull. civ. III no 220 ; RJDA 10/03 no 1028).

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S’agissant d’une donation à terme qui ne prend effet qu’au décès du donateur, la réversion d’usufruit est librement révocable dans le cas le plus fréquent où elle est consentie au profit du conjoint.

Régime fiscal Pour la détermination des droits afférents à la transmission de la nue-propriété, il n’est tenu compte que des usufruits qui sont ouverts au jour de cette transmission (CGI art. 669, 1, al. 2). Il en résulte qu’en cas de donation de nue-propriété avec réserve d’usufruit et réversibilité au profit du conjoint, la nue-propriété donnée est évaluée en fonction de l’âge du donateur, sans tenir compte de l’âge de son conjoint.

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On a vu no 67205 que l’acte constitutif d’usufruit(s) successif(s) s’analyse juridiquement comme une donation à terme de biens présents, et non comme une donation sous condition de biens à venir. Néanmoins, la réversion d’usufruit relève des droits de succession et non des droits de donation (CGI art. 796 0-quater), ce qui reporte la taxation à l’ouverture du second usufruit et permet l’exonération du bénéficiaire de la réversion dans le cas, de loin le plus courant, où il s’agit du conjoint survivant ou du partenaire lié par un Pacs (BOIENR-DMTG-10-20-50-40 no 1).

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Lorsque le bénéficiaire n’est pas exonéré (concubin non lié au défunt par un Pacs, par exemple), les droits de succession qu’il doit sont calculés en se plaçant à la date du décès de l’usufruitier précédent, tant en ce qui concerne la valeur des biens que pour la détermination de l’âge de l’usufruitier, le tarif des droits et les abattements applicables (BOI-ENR-DMTG-10-20-50-40 no 10). Pour déterminer le lien de parenté, il est tenu compte du lien entre le constituant de l’usufruit et le nouvel usufruitier, puisque c’est du constituant que chacun des usufruitiers successifs tient son droit. L’ouverture de l’usufruit successif peut déclencher un droit à restitution partielle au profit du nu-propriétaire. En effet, le nu-propriétaire a droit à la restitution d’une somme égale à ce qu’il aurait payé en moins si le droit acquitté par lui avait été calculé lors de la donation initiale d’après l’âge de l’usufruitier éventuel (CGI art. 1965 B ; BOI-ENR-DMTG-10-40-10-50 no 50).

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Ces dispositions sont applicables lorsque l’usufruit successif s’ouvre effectivement au profit d’un bénéficiaire plus jeune que le premier (plus précisément d’un âge situé, au jour de la donation à l’origine du démembrement, dans une dizaine inférieure à celle dans laquelle se situait l’usufruitier initial au jour de la donation). Dans ce cas, pour obtenir la restitution à laquelle il a droit, le nu-propriétaire doit présenter une demande 9

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à l’administration avant le 31 décembre de la deuxième année suivant le décès de l’usufruitier initial (LPF art. R 196-1). Dans le cas inverse, celui de l’usufruitier successif plus âgé que l’usufruitier initial, aucun versement complémentaire ne sera demandé au nu-propriétaire. Exemple M. L, âgé de 80 ans, et son épouse, Mme O, âgée de 68 ans, font donation à leur fils de la nue-propriété d’un bien dépendant de la communauté de biens existant entre eux, d’une valeur en pleine propriété de 600 000 €. Les parents se réservent, dans l’acte de donation, à leur profit et au profit du survivant d’eux, sans diminution au décès du prémourant, l’usufruit viager du bien donné. La pleine propriété est fractionnée fictivement en deux parts (M. L et Mme O), puis la valeur en nue-propriété et en usufruit de chacune des deux fractions est fixée comme s’il s’agissait de deux usufruits divis. Le calcul est le suivant compte tenu de l’âge des usufruitiers : – pour M. L : valorisation fiscale de la moitié de la pleine propriété : 300 000 €, soit 210 000 € pour la nuepropriété et 90 000 € pour l’usufruit ; – pour Mme O : valorisation fiscale de la moitié de la pleine propriété : 300 000 €, soit 180 000 € pour la nue-propriété et 120 000 € pour l’usufruit. Base de l’assiette de l’impôt de mutation dû : 210 000 + 180 000 = 390 000 €. Si Mme O survit à son mari et si, de ce fait, la réversion s’opère à son profit, son fils aura droit à la restitution d’une somme égale à ce qu’il aurait payé en moins si le droit acquitté par lui avait été calculé lors de la donation initiale d’après l’âge de sa mère au jour de cette donation. Le montant de la restitution au profit du fils sera donc égal à la différence entre le montant des droits de donation calculés initialement et le montant des droits qui auraient été dus en cas de transmission de la nue-propriété valorisée à 180 000 € + 180 000 € = 360 000 €. Parallèlement, la réversion au profit de Mme O ne donnera lieu à aucune fiscalité car la réversion d’usufruit relève des droits de succession, et non des droits de donation, et qu’il n’y a pas de droits de succession entre conjoints.

B. Donation temporaire d’usufruit 67250

L’allongement de la durée des études et l’arrivée de plus en plus tardive des étudiants sur le marché du travail conduisent fréquemment les parents à apporter une aide financière à leurs enfants majeurs. Le plus souvent, cette aide revêt la forme d’une pension alimentaire. Selon les cas, les parents auront intérêt à rattacher l’enfant à leur foyer fiscal (s’il est rattachable, par exemple parce qu’il poursuit des études et a moins de 25 ans), ou au contraire à le détacher et à déduire la pension de leurs revenus imposables en contrepartie de la perte de la majoration du quotient familial. Une technique plus sophistiquée, plus lourde aussi de conséquences, mais nettement plus avantageuse au plan fiscal, a été imaginée par la pratique : la donation d’usufruit temporaire d’un bien de rapport. Plutôt que de verser une pension, les parents transfèrent à leurs enfants le droit aux revenus produits par le bien le temps qu’ils terminent leurs études et s’installent dans la vie professionnelle.

Avantages de la donation temporaire d’usufruit 67255

Sur un plan patrimonial, la donation temporaire d’usufruit permet bien sûr une plus grande autonomie financière et une responsabilisation des enfants bénéficiaires de la donation. Mais son principal avantage est de permettre aux parents de réaliser de substantielles économies d’impôt.

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Nous verrons qu’en matière d’ISF, c’est en principe l’usufruitier qui est imposable sur la valeur du bien en toute propriété (nos 68500 s.). Dès lors, la donation d’usufruit à des enfants majeurs a pour effet de diminuer la valeur taxable du patrimoine des parents, et donc l’impôt dû par eux. Par exemple, pour un redevable dont la valeur nette du patrimoine au 1er janvier 2014 est égale à 3 000 000 €, la donation temporaire pour cinq ans de l’usufruit d’un appartement d’une valeur en pleine propriété de 300 000 € permet une économie d’ISF de 15 000 € (3 000 € par an pendant cinq ans).

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Quant aux enfants donataires, ils ne seront pas soumis à l’ISF si la valeur des biens dont l’usufruit leur est transmis, ajoutée à celle des biens déjà possédés par eux en usufruit ou en pleine propriété, est inférieure au seuil d’imposition (1 300 000 € au 1er janvier 2014). Si la donation fait passer le donataire au-dessus du seuil d’imposition, c’est tout le patrimoine excédant 800 000 € qui est alors taxable selon le barème progressif par tranches de l’ISF. En pratique, une donation d’usufruit temporaire qui conduirait le donataire à devenir imposable à l’ISF alors qu’il ne l’était pas pourra dans certains cas être défavorable au regard de cet impôt. S’agissant de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux, les enfants deviennent personnellement imposables à raison des revenus du bien transmis en usufruit, à condition qu’ils aient été préalablement détachés du foyer fiscal de leurs parents. Les parents perdent évidemment la majoration du quotient familial, mais voient en contrepartie leurs revenus imposables diminuer. Or, en raison d’une part du plafonnement des effets du quotient familial et d’autre part du fait que les donataires sont, par hypothèse, imposés dans une tranche d’imposition plus faible que leurs parents, la charge fiscale s’en trouve allégée pour le groupe familial. Il y aura également économie fiscale lorsque la donation temporaire viendra prendre le relais du versement à un enfant majeur d’une pension alimentaire excédant le plafond de déduction fiscale, si les revenus du bien dont l’usufruit est donné excèdent ce plafond.

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Exemple Un appartement d’une valeur de 300 000 € rapporte à son propriétaire 15 000 € de revenus bruts fonciers par an. On suppose que le contribuable propriétaire est imposable au taux marginal de 41 % et que les revenus fonciers qu’il tire de l’immeuble sont soumis au régime du micro-foncier. Il est fait abstraction dans l’exemple des prélèvements sociaux. Si ce contribuable affecte ces 15 000 € de revenus bruts fonciers au versement d’une pension alimentaire à son enfant majeur, il sera imposé sur 10 500 € (après l’abattement forfaitaire de 30 %) et pourra déduire au titre de la pension alimentaire une somme plafonnée à 5 698 €. Coût fiscal : 41 % × (10 500 € − 5 698 €) = 1 969 €. La donation temporaire de l’usufruit de l’immeuble permettra au contribuable d’économiser ces 1 969 €. Quant à l’enfant bénéficiaire de la donation d’usufruit, il sera imposable sur 10 500 € (après l’abattement de 30 %), au lieu de 5 128 € (montant déductible de la pension, diminué de la déduction de 10 %). Mais s’il n’a pas d’autres revenus, son impôt sera nul.

La donation temporaire d’usufruit est peu coûteuse en termes de droits de donation. Lorsque le démembrement est organisé pour dix ans ou moins, la donation faite par chaque parent à chaque enfant peut porter sur des biens d’une valeur en pleine propriété allant jusqu’à 434 782 € en franchise de droits, compte tenu du barème de l’usufruit à durée fixe (23 % de la pleine propriété pour chaque période de 10 ans) et de l’abattement de 100 000 € en ligne directe (car 434 782 € × 23 % = 99 999,86 €), pour autant bien sûr que cet abattement n’ait pas déjà été utilisé au cours des quinze dernières années.

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Ajoutons cependant que, lorsque l’usufruit porte sur un immeuble, la taxe de publicité foncière sera due sur la valeur de l’usufruit transféré, ainsi que la contribution de sécurité immobilière et les frais de notaire.

Risques de la donation temporaire d’usufruit Compte tenu de son intérêt fiscal, l’administration voit la donation temporaire d’usufruit d’un mauvais œil. Elle se réserve le droit de rechercher le caractère abusif de l’opération selon les modalités prévues à l’article L 64 du LPF.

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La jurisprudence n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur ce type d’opération. Le Comité de l’abus de droit fiscal a été amené à conclure à l’existence d’un abus de droit dans deux affaires qui lui ont été soumises. La première espèce était très particulière, puisque c’était l’enfant qui avait consenti la donation temporaire d’usufruit à ses parents (aff. 2004-42). La donation portait sur l’usufruit de parts d’une société civile de portefeuille pour une durée de dix ans. Le Comité a conclu à l’abus de droit en se fondant d’une part sur la concomitance des opérations (la donation ayant eu lieu quatre jours après la constitution de la société), d’autre part sur l’absence d’intention libérale. Le défaut d’intention libérale paraît ici décisif : l’avis précise en effet qu’au titre de ses quatre premières 11

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années d’existence, la société de portefeuille avait généré 668 456 € de plus-values, intégralement attribuées au fils (probablement en vertu d’une clause statutaire particulièrement favorable au nu-propriétaire), tandis que les parents ne recevaient que 20 890 € de dividendes. Par ailleurs, sur la même période, l’opération avait entraîné pour les parents une surcharge fiscale de 32 915 € (IR + ISF), supérieure aux dividendes perçus, obligeant la société à effectuer des versements compensatoires. Plus récemment, dans une espèce où des parents avaient donné à leurs cinq enfants l’usufruit temporaire pour cinq ans de parts d’une SARL leur appartenant, le Comité a conclu à l’abus de droit en relevant (aff. 2012-27) : – que la SARL avait été constamment déficitaire avant la donation, les acquisitions immobilières réalisées immédiatement après la donation ayant aggravé cette situation ; – que l’absence de toute perspective de bénéfices de la SARL sur la période d’exercice de l’usufruit temporaire était connue des nus-propriétaires, qui n’avaient par ailleurs procédé à aucune restructuration du capital par absorption du report à nouveau afin de permettre la distribution de dividendes ; – que les donataires avaient peu ou pas participé à la vie de la société dont la gestion et la conduite de la politique d’investissement demeuraient entre les mains du gérant, par ailleurs donateur des titres. Le Comité a estimé au vu de ces circonstances que la donation de l’usufruit temporaire n’avait pu être inspirée par aucun autre motif que celui d’atténuer l’imposition au titre de l’ISF que les parents, si cet acte n’avait pas été passé, auraient normalement dû supporter eu égard à leur situation réelle.

67274 Précautions à prendre

Dès lors que la donation temporaire d’usufruit consentie par des parents à leurs enfants majeurs se justifie par le souhait des parents de responsabiliser leurs enfants en leur attribuant une source autonome de revenus susceptible d’assurer leur logement et/ou leur entretien courant, et à condition bien sûr que les parents ne se réapproprient pas (directement ou indirectement) lesdits revenus, le risque d’abus de droit nous paraît limité.

L’administration a précisé qu’une opération de transmission temporaire d’usufruit n’est, en tout état de cause, pas susceptible de donner lieu à la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit lorsqu’elle est opérée au profit d’un organisme d’intérêt général (associations reconnues d’utilité publique, notamment) et satisfait à certaines conditions cumulatives (BOI-PAT-ISF-30-20-20 no 200). Par précaution, il peut être utile de suivre les « recommandations » exprimées par cette doctrine (ne sont retenues ici que celles qui sont transposables aux donations temporaires d’usufruit de parents à enfants) : – la donation doit être réalisée par acte notarié (forme qui s’impose en tout état de cause si la donation porte sur l’usufruit d’un immeuble, et qui est fortement recommandée dans les autres cas) ; – la transmission doit être effectuée pour une durée d’au moins trois ans et porter sur un bien productif de revenus (en espèces ou en nature, usufruit sur un appartement par exemple) ; – la transmission doit préserver les droits de l’usufruitier. En particulier, tous les revenus du bien doivent lui être attribués. Pour ce qui est de ses pouvoirs sur le bien, l’administration admet qu’il ne les exerce pas tous (gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières, signature des baux, etc.). Il doit alors donner pouvoir spécial à un mandataire (qui peut être le donateur nu-propriétaire) pour les exercer en son nom. Ce mandataire doit lui rendre compte chaque année (nature et justification des arbitrages auxquels a donné lieu le portefeuille de valeurs mobilières, évolution des loyers, etc.).

C. Double donation d’usufruit et de nue-propriété 67300

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La double donation d’usufruit et de nue-propriété est l’opération par laquelle le donateur donne l’usufruit d’un ou plusieurs biens à une personne et la nue-propriété de ces mêmes biens à une autre. Il ne s’agit ni d’une libéralité graduelle (nos 63190 s.) ni d’une libéralité résiduelle (nos 63260 s.), puisque l’opération emporte deux libéralités immédiates portant sur des droits distincts, et non deux libéralités successives ayant le même objet.