Conférence de Marianne THYSSEN à l'occasion des Vœux du CESW ...

11 janv. 2016 - conjoncture économique et la situation sociale: lorsque l'économie et le ... En outre, la mondialisation, les évolutions technologiques, les ...
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Conférence de Marianne THYSSEN à l’occasion des Vœux du CESW le 11 janvier 2016 "Priorités pour une Europe sociale" I. Introduction Monsieur le Président, Monsieur le Ministre-Président, Mesdames et Messieurs les Ministres, Chers collègues, Mesdames et Messieurs, L'année 2015 n'a pas été de tout repos pour l'Union européenne. Nous avons dû faire face à la crise grecque et à un afflux de réfugiés sans précédent sur notre continent. Les attentats de Paris nous ont profondément meurtris. Ce sont pourtant ces évènements qui nous rappellent l'importance de rester unis et solidaires face aux défis qui dépassent les frontières nationales. Nous devons plus que jamais garder à l'esprit la raison d'être de l'Europe que nous continuons de bâtir. Un espace de paix, une communauté de valeurs et de droits, et un système démocratique qui permet de trouver des solutions communes aux problèmes communs. En début de cette nouvelle année 2016, nous sommes toujours confrontés à une crise de confiance en l'Europe. Mais nous savons aussi que la confiance est fortement influencée par la conjoncture économique et la situation sociale: lorsque l'économie et le marché de travail se portent bien, la confiance revient. Je suis donc

fermement convaincue que nous pouvons restaurer la confiance si nous menons des politiques axées sur des résultats concrets et qui sont comprises par les citoyens européens. C'est pourquoi je suis heureuse que vous m'ayez demandé de vous faire part aujourd'hui de mes priorités pour l'Europe sociale. Le social est un des leviers principaux pour rétablir la confiance en Europe. Mesdames et Messieurs, La crise économique nous a fragilisés. Les problèmes structurels qui existaient avant la crise n'ont pas été tous résolus. Il y a toujours aujourd'hui un manque d'investissement dans l'économie réelle. En outre, la mondialisation, les évolutions technologiques, les nouvelles formules de travail et le vieillissement démographique nous obligent à moderniser nos marchés du travail et nos systèmes de protection sociale. Ils doivent être adaptés à la réalité d'aujourd'hui. Pour être clair: nous devons adapter notre modèle, non le détruire. N'oublions pas que le monde entier nous envie notre modèle social européen qui traduit le concept d'économie sociale de marché en vertu duquel le développement économique est au service des gens. Le Président Juncker a maintes fois réitéré l'engagement de sa Commission pour que l'Europe obtienne un triple A social. Pour moi, ça signifie une Europe où la croissance économique et le progrès social vont de pair.

Depuis le début de mon mandat, j'ai déjà pu engranger quelques succès: 1. Nous avons entamé notre mandat en donnant un nouveau départ au dialogue social européen. Le 5 mars 2015 nous avons rassemblé plus de 400 représentants des partenaires sociaux européens, nationaux et sectoriels à Bruxelles. Nous avons travaillé ensemble pendant toute une journée. Les partenaires sociaux doivent être davantage associés à l'élaboration de nos priorités politiques. Nous travaillons aussi à associer davantage les partenaires sociaux nationaux à la procédure

du

Semestre

européen,

qui

débouche

sur

les

recommandations par pays. La réforme du calendrier du Semestre permet plus d'interaction entre les partenaires sociaux nationaux et la Commission européenne et les gouvernements des états membres sur base des analyses par pays. Pour renforcer ce lien, la Commission continue à investir dans le développement des capacités des partenaires sociaux, notamment dans les états membres où les relations industrielles sont faibles ou affaiblies. 2. Ensuite, nous avons proposé et obtenu une augmentation considérable du taux de préfinancement de l'Initiative pour l'Emploi des Jeunes, ce qui a permis d'accélérer la mise en œuvre des projets qui soutiennent la Garantie Jeunesse. Pour l'Union, il s'agit d'un montant d'un milliard d'euro. Pour Bruxelles et les provinces du Hainaut et de Liège, les 3 régions belges éligibles, il s'agit d'une enveloppe de presque 13 millions d'euros.

3. Nous avons également réussi à obtenir une "évaluation d'impact social" des mesures appliquées à la Grèce. C'est un pas important, car nous avions promis de ne plus jamais faire un programme d'assistance sans une telle analyse et nous avons tenu parole. 4. Le Semestre européen 2016 a été lancé pour la première fois sur la base d'une analyse annuelle de la croissance réorientée, qui met l'accent

sur

le

redressement

économique

à

travers

une

convergence sociale vers le haut. Elle met en avant un meilleur équilibre entre la sécurité et la flexibilité sur le marché de travail et dans nos systèmes de protection sociale. Elle souligne aussi le renforcement de la compétitivité des entreprises et l'importance des investissements sociaux. Je vous invite à comparer le paquet pour 2016 avec celui de l'année précédente et vous verrez que l'emploi et le social sont beaucoup plus visibles dans tous les documents. Parmi les 4 recommandations spécifiques pour la zone euro qui ont été formulées pour la première fois, une est entièrement dédiée à l'emploi et aux affaires sociales. Dans le rapport sur le mécanisme d'alerte concernant les déséquilibres macroéconomiques trois indicateurs sociaux ont été ajoutés dans le tableau de bord: le taux de chômage, le taux de chômage des jeunes et le taux de chômage de longue durée. Cela confirme l'approche de cette Commission de faire du social et de l'économique les deux faces de la même médaille.

5. En décembre, les états membres se sont mis d'accord sur ma proposition de recommandation pour lutter contre le chômage de longue durée lancée au mois de septembre. Les états membres se sont donc engagés à • garantir l'enregistrement des chômeurs de longue durée, même éloignés ou marginalisés, auprès des services de l'emploi; • fournir à chaque chômeur de longue durée inscrit auprès de ces services une évaluation individuelle approfondie l'aidant à déterminer ses besoins et son potentiel; • proposer un accord d'intégration professionnelle à tous les chômeurs de longue durée inscrits auprès des services de l'emploi, au plus tard au cours du 18e mois de chômage. 6. Et dernier point, mais pas le moindre, nous avons adopté la proposition d'acte législatif sur l'accessibilité. Cet acte crée des exigences européennes communes pour l'accessibilité de certains produits et services clés pour la participation des personnes handicapées dans la société. Il s'agit par exemple des ordinateurs, des services bancaires ou du commerce électronique. Mais nous ne sommes pas au bout de nos efforts, comme l'a montré le programme de travail de la Commission pour 2016 qui s'annonce ambitieux et chargé sur le plan de l'emploi et des affaires sociales.

II. Nos priorités pour 2016 Pour cette année, nous nous sommes principalement fixés trois priorités: 1. La première est de donner un nouvel élan à l'emploi. La croissance économique se manifeste dans tous les états membres à part la Grèce. Le taux de chômage recule chaque mois. Comparé à novembre 2014, le chômage a baissé de plus de 2 millions de personnes dans l'Union européenne. Pour le chômage des jeunes, il s'agit d'une baisse de plus de 400 000 personnes. Mais soyons clairs: Il y a encore 22 millions de chômeurs en Europe, et plus inquiétant encore, 4 millions et demi de jeunes qui ne trouvent pas de travail. Et pourtant 4 employeurs sur 10 affirment qu'ils ne parviennent pas à trouver de candidats disposant des compétences nécessaires pour occuper leurs postes. Pour remédier à cette disparité sur notre marché de travail, notre stratégie pour des compétences nouvelles en Europe sera un élément essentiel. Si nous demandons aux individus d'être plus flexibles, de s'adapter à une économie mondiale en constante évolution, nous devons également investir beaucoup plus dans le capital humain tout au long de la vie. Et il ne s'agit pas seulement des compétences dans les domaines numériques ou de technologiques de pointe. Le fait qu'environ 1 personne sur 5 en Europe ne possède pas les compétences

élémentaires en lecture, écriture et mathématiques montre qu'il y a urgence à agir. Notre stratégie vise donc: o à améliorer les compétences manuelles nécessaires et à promouvoir l'acquisition des compétences et connaissances de base. o à renforcer les partenariats entre les entreprises et le monde de l'enseignement. Un bon exemple est le Pacte de la Jeunesse qui a été lancé fin 2015 et qui vise à créer 10.000 partenariats de qualité entre des entreprises et des instituts d'enseignement

et

au

moins

100.000

contrats

d'apprentissages, stages ou emplois de base dans les deux années à venir. o à

faciliter

la

reconnaissance

et

la

portabilité

des

qualifications sur le territoire de l'Union. Je pense aussi aux qualifications des réfugiés qui arrivent dans nos pays. Leur intégration rapide dans nos marchés de travail sera essentielle pour exploiter harmonieusement ce potentiel et les partenaires sociaux auront aussi un rôle important à jouer. Tout cela devra reposer sur une meilleure analyse des besoins réels de l'économie, qui sont souvent très différents entre pays, régions ou même entre villes. 2. Notre deuxième priorité est d'approfondir le marché intérieur et de le rendre plus équitable. Et vous savez tous que je veux parler notamment de la mobilité des travailleurs.

Depuis ma prise de fonction j'ai écouté attentivement les différents points de vue qui existent sur ce sujet. Ces échanges m'ont convaincu que – malgré les différences – il existe un terrain d'entente considérable entre la plupart de mes interlocuteurs. D'abord, le droit de traverser les frontières des états membres pour voyager, étudier, travailler, pour acheter des produits ou des services, ou pour prendre sa retraite n'est pas mis en question. Au contraire, ce droit à la libre circulation est considéré comme étant une des réussites principales de l'Europe et de l'intégration européenne. Mais, les gens veulent que ce droit soit exercé d'une façon juste. Ils souhaitent des règles claires, équitables et correctement appliquées sur le terrain. Et c'est exactement cela qui est notre ambition. Cette Commission s'est engagée à évaluer le cadre juridique existant et à le modifier si nécessaire. Et je peux vous dire qu'on estime qu'il est nécessaire. Je peux vous assurer aussi que nous respecterons notre engagement. Comme reflété par notre programme de travail pour 2016, nous travaillons sur un paquet législatif sur la mobilité des travailleurs. Ce paquet mettra en avant nos priorités pour soutenir et faciliter une mobilité des travailleurs équitable en Europe. Nous allons réviser les règles sur la coordination des systèmes de la sécurité sociale en Europe et nous allons effectuer une révision ciblée de la directive sur le détachement des travailleurs. Mon ambition - et le Président la partage - c'est de mettre en œuvre le

principe d'un salaire égal pour un même travail au même endroit. Et nous proposerons une solution juridiquement solide, qui sera claire, équitable et applicable. Pour soutenir les principes d'une mobilité juste, il faut également une meilleure application des procédures. En particulier, je pense au fonctionnement du système des formulaires A1, qui doit être amélioré. De plus, nous envisageons à remédier aux lacunes ou anomalies dans la coordination de la sécurité sociale, par exemple concernant la coordination des prestations pour des soins de longue durée, concernant la situation spécifique des travailleurs transfrontaliers et en codifiant des décisions récentes de la Cour de Justice sur l'accès des chercheurs d'emploi et des citoyens inactifs aux avantages sociaux. A ce moment, nous sommes en train de finaliser le travail technique sur le paquet. Personnellement, j'aurais voulu le présenter déjà à la fin de l'année précédente. Mais les évènements sur le plan international et les discussions sur le futur du RoyaumeUni en Europe ne l'ont pas permis. Mon but reste néanmoins de présenter le paquet au premier conseil des ministres de l'emploi et des affaires sociales de cette année, qui aura lieu en mois de mars. En tout cas, je présenterai un paquet balancé, qui prendra en compte les intérêts des 28 états membres et de leurs citoyens et non seulement d'un seul état membre. Mon objectif, c'est une mobilité des travailleurs équitable et perçue comme équitable par nos citoyens.

Et c'est aussi une réduction des mauvais incitations à la mobilité, c’est-à-dire celles qui découlent uniquement des divergences économiques et sociales entre les états membres. 3. Ce point illustre l'importance de notre troisième priorité pour l'année 2016, qui est de rétablir la convergence vers le haut en Europe et d'assurer que le droit social européen soit adapté aux évolutions de nos économies et sociétés. Notre Président a parlé d'un socle européen de droits sociaux. Ce socle est l'expression des valeurs et principes sociaux qui sont au cœur de notre économie sociale de marché. Il servira comme point de référence lors de l'adaptation nécessaire de nos lois et de nos politiques aux nouvelles réalités et opportunités dans le monde du travail et dans l'économie mondiale d'aujourd'hui. Le socle reposera donc sur un acquis législatif modernisé et le cas échéant, complété. Si les gens sont amenés à changer d'emploi, de statut, ou de relation d'emploi plusieurs fois au cours de leur carrière, ils doivent savoir qu'ils sont protégés, qu'ils ont une couverture sociale adéquate, et qu'ils ont accès à la formation dont ils ont besoin, qu'elle que soit leur situation sur le type de contrat d'emploi. Ce travail de modernisation de la législation a déjà commencé avec l'évaluation des directives sur le temps partiel, de la directive sur le temps de travail et des directives sur l'information et la consultation des travailleurs, mais aussi avec la consultation des partenaires sociaux et du publique sur la conciliation du travail et de la vie familiale.

En matière de santé et de sécurité au travail, 24 directives existent depuis un certain temps: nous devons faire en sorte que cet acquis soit adapté aux besoins d'aujourd'hui et puisse suivre l'évolution des connaissances scientifiques. Comment pouvons-nous admettre qu'en Europe entre 4 et 8% des cancers sont liés à des risques auxquels les travailleurs sont exposés sur leur lieu de travail? Aujourd'hui, nous disposons de nouvelles informations sur les substances cancérigènes et je vais donc proposer d'adapter la législation existante au cours de cette année, mon intention étant d'ajouter de nouvelles substances à la liste incluse dans la directive européenne. Dans les domaines qui relèvent de la compétence des Etats membres, le socle social pourra servir comme référence pour l'échange de bonnes pratiques et pour le rétablissement de la convergence sociale vers le haut. Avec la crise, les Etats membres se sont éloignés les uns des autres sur le plan de la performance socio-économique. Ces divergences nous inquiètent, car elles menacent la cohésion de nos sociétés, notre compétitivité et notre potentiel de croissance. En outre, au sein de la zone euro, la crise a montré que nos pays étaient fortement interdépendants pour leur croissance. L'utilisation d'indicateurs de performance (benchmarks) dans le domaine social et de l'emploi aura un rôle important à jouer. Ces indicateurs pourraient par exemple couvrir le droit à l'accès aux crèches ou aux soins médicaux.

Dans les mois à venir, nous tiendrons des consultations intensives, en premier lieu avec les partenaires sociaux, pour identifier les éléments du socle et dans quelle mesure il pourrait être mis en œuvre par voie législative et/ou de coordination des politiques. L'objectif de cette Commission est de réunir les conditions permettant à un marché de travail moderne et compétitif d'offrir une protection sociale adaptée qui favorise la création d'emploi. Pour cela, il faut des investissements. Sans investissements, il n'y a pas d'innovation. Et sans l'innovation, nous perdons notre compétitivité en Europe, ce qui met en danger le maintien et la création d'emploi. C'est d'ailleurs pourquoi la première décision de cette Commission a été la mise en place d'un fond d'investissement stratégique. Ce plan vise à la mobilisation du capital privé inactif en Europe pour des investissements dans l'économie réelle. Le but est de réaliser un total de 315 milliards d'euro en investissement sur 3 années. A ce jour, les contrats signés atteignent déjà une somme totale de plus de 50 milliards d'euros. J'ai moi-même été heureuse d'assister avec Monsieur le Ministre Marcourt à la signature du contrat entre le FEI et la SOWALFIN. Ce projet soutiendra le financement d'environ 600 indépendants et PME en Wallonie. Le premier projet a aussi été signé en Flandre et la semaine dernière j'étais présente lors de la signature du premier contrat aux Pays-Bas. Le plan d'investissement comporte aussi une dimension qui est trop souvent oubliée. Elle concerne l'amélioration du climat

d'investissement,

notamment

à

travers

le

marché

unique

numérique, énergétique et l'union des marchés des capitaux. La politique sociale seule ne pourra pas nous doter d'un triple A social. Comme je l'ai dit au début, il faut établir cette harmonie entre la politique sociale et la stratégie macro-économique.

III. Conclusion Mesdames et Messieurs, Notre programme de travail pour cette année est ambitieux. Pour le réaliser, nous avons besoin de la coopération de tous: Etats membres, institutions européennes, autorités publiques régionales et locales, partenaires sociaux, société civile. Après un an de travail de cette Commission, nous pouvons dire que le social est de retour. Et je peux vous assurer que l'approche que je vous ai esquissé est pleinement soutenue par le Président et tous mes collègues. Alors, à vous tous ici présents, je vous souhaite une excellente année 2016, et je suis maintenant disponible pour vos questions. Merci pour votre attention.