SPECULUM UNIVERSALIS « Comment créer de la richesse par l’éducation? »
Afin de pallier une carence éducative et d’uniformiser les connaissances, l’institution scolaire, privilège accordé au début aux mieux nantis, a englobé peu à peu toute la jeunesse des pays développés. Cette prise
Par Didier Calvet Correspondant Officiel de l’ONG-CNRJ pour le Canada
en charge de l’éducation s’est faite par les états qui en avaient les moyens grâce à un enrichissement collectif, conséquence de l’industrialisation et, pour plusieurs pays, des profits d’un colonialisme souvent douteux, parfois honteux. Il a permis d’élever le niveau scolaire de la majorité de la jeunesse et, ainsi, à plusieurs, d’accéder à des postes professionnels enviables. L’après-guerre, à partir des années 50, a vu un effort, de la part des gouvernements, de généraliser l’enseignement à l’ensemble des populations. Effort louable qui a vu cependant un nivellement vers le bas des attentes en termes de connaissances et de compétences pour pouvoir distribuer des diplômes
L’école est avant tout un lieu de formation générale nivelée selon la moyenne de sa population avec des contenus standardisés,
massivement. L’école est devenue, dans
ducation est une porte d’entrée à des
plusieurs pays, un passage obligé pour la
conditions de vie meilleures pour les jeunes
jeunesse, un creuset hélas de moins en
personnes dont ils ont la charge. Nous indi-
moins valable pour aider les jeunes à se
quions, dans le bulletin du mois d’octobre,
débrouiller dans la vie. Un fort pourcentage
qu’au Québec, 49% de la population a de la
de parents ne s’engage plus non plus pour
difficulté à lire.(1) En France, sont illettrées
motiver leurs enfants et les accompagner
30 % des personnes âgées de 46 à 55 ans et
dans leur scolarité. La conséquence est le
9 % de celles entre 18 et 25 ans. (2) En Bel-
décrochage scolaire de plus en plus massif.
gique, on estime qu’une personne sur dix
Si l’on se fie, au Québec, à l’étude de Ja-
est en grande difficulté face à l’écrit. Qu’en
nosz et al. (2000), ( 3) on identifie quatre
est-il dans les pays africains et dans les pays
groupes de décrocheurs potentiels :
moins bien nantis? Doit-on rester les bras
Dans certains pays, comme la Corée du sud,
Décrocheurs discrets : ils aiment l’école,
croisés ?
le Japon, et, de plus en plus, la Chine, la
sont engagés, ne présentent aucun problè-
course à l’obtention de diplômes est deve-
me comportemental et ils ont un rende-
nue un défi auquel les parents s’investissent
ment scolaire un peu faible. (40 %)
parfois au détriment de leurs propres condi-
L’éducation englobe une multiplicité d’éléments et de facteurs, tous inter reliés qui débouchent, pour l’individu, sur une amélioration de ses capacités de s’exprimer en utilisant au mieux les médiums de communication disponibles dans sa communauté, d’acquérir une plus grande autonomie grâce à un apprentissage donnant accès à des connaissances qui lui permettront d’avoir une plus grande indépendance pour satisfaire ses besoins, de comprendre que son
au long de son existence afin de bénéficier des avantages de la vie sociale, culturelle et économique en évolution dans sa communauté.
uniformisées à l’ensemble de sa clientèle. Ainsi les plus brillants s’y ennuient, la plupart s’y investissent peu, les moins doués passent au travers des années d’études avec la confirmation, de plus en plus évidente pour eux, qu’ils sont des-moins-que-rien, un grand nombre de ces derniers réagissant par des comportements sociaux perturbateurs ou destructeurs pour eux-mêmes.
tions de vie, offrant ainsi un défi très élevé Décrocheurs inadaptés : ils ont des échecs
pour la jeunesse avec, hélas, des conséquen-
scolaires, des problèmes comportementaux,
ces néfastes pour ceux qui n’y parviennent
sont délinquants et proviennent de familles
pas, comme l’exclusion sociale ou l’accès à
difficiles. (40 %)
des emplois précaires.
Décrocheurs désengagés : ils ne présentent
Comment offrir à la jeunesse des opportu-
pas de problèmes de comportement et ont
nités de s’investir dans l’acquisition de
des notes dans la moyenne, mais sont très
connaissances à sa portée, comment créer
désengagés face à leur scolarisation. (10 %)
chez les jeunes l’envie de s’investir, com-
Décrocheurs sous-performants :ils sont en
joie de participer, de collaborer, l’idée de
situation d’échec scolaire et sont désenga-
partager leur savoir faire avec d’autres plus
gés face à leur scolarisation. Ils présentent
jeunes ou moins habiles à se débrouiller
des troubles d’apprentissage mais aucun
dans la vie ?
niveau de connaissances et de compétences doit s’améliorer, et de se perfectionner tout
des approches pédagogiques le plus souvent
ment leur redonner la fierté de réussir, la
trouble de comportement. (10 %)
SPECULUM UNIVERSALIS|Article issu de la Revue internationale de ONG CNRJ|www.cnrj.org| N°18 Novembre 2014
Article issus du LSU n°18 de Novembre 2014
Nos collaborateurs l’ont tous compris, l’é-
SPECULUM UNIVERSALIS Notre monde s’élargit grâce aux réseaux
L’école fait son travail de fond nécessaire à
Enseignants mais aussi, les parents, grands-
sociaux et aux nouvelles technologies, il
une certaine uniformisation des connaissan-
parents, membres de la famille, éducateurs,
devient, cependant, souvent un leurre, pour
ces de base mais elle laisse dans son sillage
animateurs socioculturels, bibliothécaires,
qui
tout-de-suite-
un fort pourcentage de décrocheurs. Dans
artistes, tous les corps de métiers, nous
maintenant est devenu le cadre de référen-
le contexte même de son mode de fonc-
pouvons tous contribuer, individuellement
ce. Cette nouvelle forme d’apprentissage
tionnement et de son financement, elle ne
et collectivement à cet épanouissement en
est cependant une piste à explorer car elle
peut faire davantage. L’enseignement de
faisant l’effort d’un coup de rame de plus
est souvent ludique et attrayante, mais trop
masse est incompatible avec un enseigne-
pour faire avancer le bateau plus vite afin
souvent limitée.
ment individualisé à l’écoute de l’évolution
que des changements significatifs s’opèrent
de chaque élève.
tant dans les pays riches que dans les pays
l’immédiateté
ou
le
L’innovation dans les méthodes d’enseigne-
moins nantis.
ment pour donner le goût aux élèves de
Le développement d’un enfant, d’un adoles-
s’investir dans leurs apprentissages est quasi
cent, ou d’un jeune adulte ne se fait pas
Cet article fait suite à « Éducation non
impossible car le cadre scolaire dispose
seulement à l’école. Des organismes socio-
formelle » (4) publié dans la revue d’octo-
d’outils de contrôle qui empêchent de déro-
culturels réalisent un travail remarquable
bre 2014.
ger aux prescriptions pédagogiques. La me-
qui redonne de l’estime de soi à certains de
Spéculum Universalis rejoint de nombreux
nace que constitue un enseignant qui vou-
ces jeunes en mettant à profit leurs talents
pays ; votre opinion sur le sujet en lien avec
drait déroger du système éducatif et des
artistiques ou sportifs. Ces jeunes décou-
votre pays, votre région, serait des plus
contenus imposés l’empêche d’être margi-
vrent que, par l’effort, ils parviennent à se
appréciées.
nal. L’enseignement est bâti pour des grou-
réaliser et à être reconnus. D’autres orga-
pes et non pour des individus. Impossible,
nismes leur permettent de s’investir dans
Donnez
d’autre part, pour un enseignant, de faire
des actions valorisantes tournées vers des
[email protected]
appel à des instances extérieures pour le
personnes dans le besoin, vers des causes
seconder dans son travail. De plus, des ré-
d’ordre culturel ou social en menant des
glementations empêchent généralement de
actions ciblées dans lesquelles ils se décou-
faire entrer des personnes et même des
vrent des talents qu’ils ne soupçonnaient
1)
organismes de l’extérieur qui pourraient
pas en eux.
education/330606/l-analphabetisme-au-
votre
avis
à
projetjeunes-
http://www.ledevoir.com/societe/
quebec-un-fleau-pour-toute-la-societe
proposer leur soutien. Un jeune, pour s’investir, a besoin de se
2)
Comment offrir à cette jeunesse l’opportu-
sentir appuyé, soutenu, accompagné dans
recherche/illettrisme-France/illetrisme-en-
nité de s’investir pour que la maturité en
ses démarches jusqu’à voler de ses propres
france.html
devenir de chacun s’échafaude sur des va-
ailes avec ses nouvelles connaissances, son
3) http://csss-stleonardstmichel.qc.ca/
leurs et des acquis constructifs alliant la
bagage socioculturel et professionnel.
fileadmin/csss_slsm/Menu_corporatif/
fierté de devenir plus compétent, l’efficacité
http://www.dglflf.culture.gouv.fr/
Publications/
tout en demeurant à l’écoute de son envi-
Comment, alors, offrir une éducation qui
DecrochageScolaire1312201137_01.pdf
ronnement humain immédiat et de sa com-
favorise le plein épanouissement de l’enfant,
4) http://www.cnrj.org/app/
munauté, la préoccupation de participer à
de l’adolescent, du jeune adulte ? Il n’y a pas
download/5793842087/
un développement durable respectueux de
de réponse mais nous savons bien que l’é-
Éduca-
l’environnement ?
ducation est l’affaire de nous tous qui en-
tion+non+formelle+par+Didier+Calvet.pdf
tourons cette jeunesse en devenir.
SPECULUM UNIVERSALIS|Article issu de la Revue internationale de ONG CNRJ|www.cnrj.org| N°18 Novembre 2014
Article issus du LSU n°18 de Novembre 2014
Références: