Brigitte Lefèvre

de l'Opéra et à en faire une maison de référence en France et à l'étranger avec des .... let dramatique, sublimé par la mu- sique de Tchaïkovski, parle à la fois.
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CULTURE

Brigitte Lefèvre Directrice de la Danse de l’Opéra de Paris

Choisir la voie la plus courageuse ! Cette saison, l’Opéra de Paris présente un programme de danse riche en couleurs. D’un côté un classique incontournable, John Cranko avec Onéguine, de l’autre, des pionnières, Birgit Cullberg et Agnès de Mille avec deux pièces osées et originales. C’est la dernière révérence de Brigitte Lefèvre. La légendaire directrice de la danse de l’Opéra de Paris depuis 1995, cède sa place au chorégraphe Benjamin Millepied, le 1er novembre de cette année.

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On lui prête quelquefois la fausse image d’une Dame de Fer. Elle en sourit. «  Les gens ont une forte tendance à vouloir enfermer les autres dans des stéréotypes », dit-elle. En se retournant sur ses 22 ans de carrière à l’Opéra de Paris, elle se souvient de ce qu’a été sa vie : une succession de risques, de rencontres, d’aventures, de déceptions, d’accomplissements... Et elle avoue : « Je regretterai Tout ». Si aujourd’hui l’Opéra de Paris peut se vanter d’un programme de danse varié et dynamique, c’est grâce à sa volonté. En près de 20 ans en tant que directrice de la danse, elle a réussi à secouer la poussière des portants de l’Opéra et à en faire une maison de référence en France et à l’étranger avec des tournées prestigieuses, de New York à Tokyo. «  Le parfum du passé est joli, mais ce qui se passe ici et maintenant est essentiel », dit-elle. C’est pour cela qu’elle ajoute au répertoire les chorégraphes résolument contemporains, tels que Pina Bausch, William Forsythe ou Angelin Prejocaj. Elle invite même un chorégraphe révolutionnaire, Jerôme Bel, que l’on accuse de faire de la « non-danse ». Car on ne peut pas vivre la passion de la danse en s’enfermant dans un concept de modernisme ou de classicisme. La danse, pour Brigitte Lefevre, reste avant tout, une émotion. «  Ce que je veux, c’est que la danse à l’Opéra de Paris se conjugue… Au passé. Au présent. A l’avenir », dit-elle. Elle a toujours osé. Bien qu’ engagée dans le corps de ballet, elle quitte

l’institution vénérable de l’Opéra de Paris en 1972, pour fonder le Théâtre du Silence avec le danseur Jacques G a r n i e r. Installée à La Rochelle, c’est l’une des premières compagnies de danse en France à se « décentraliser » et à mettre à son répertoire des œuvres de chorégraphes américains. «  Nous dansions à New York sous des chapiteaux et puis nous dansions aussi dans de petits bleds. C’était une vraie aventure ! », raconte-t-elle. Durant cette période, elle crée plusieurs chorégraphies dont « Mikrocosmos » présenté au festival d’Avignon dans la cour d’honneur et « La Révolution française » au Palais des Sports. C’est aussi depuis La Rochelle qu’elle commence à tracer sa véritable voie, à prendre la liberté d’expérimenter, à inviter des chorégraphes innovateurs et aussi ce qu’elle fait de mieux - à diriger. « Parfois je me sens comme un canard qui dirigerait des cygnes », dit-elle en riant à propos de son travail avec les Étoiles de l’Opéra. Et pourtant elle y arrive avec brio. Elle ne manque pas les répétitions. On la retrouve dans les coulisses ou sur les plateaux, juste avant le spectacle, à encourager les techniciens, les costumiers, les danseurs. «  Un spectacle - c’est comme un navire où chaque rôle est important et où tout le monde contribue » insiste-t-elle. Aujourd’hui elle arrive à gérer 150 danseurs et plus de 150 spectacles par an, sans pour autant négliger le côté humain. Car son rôle de directrice de danse ne se résume pas à la seule programmation. Les portes de son bureau restent ouvertes : « Il y a des moments ou les danseurs viennent me parler de choses très intimes. Cette confiance me touche beaucoup », raconte-t-elle. En tant qu’ancienne danseuse, elle comprend bien leurs faiblesses. Leurs difficultés. Et leurs déceptions.

Le mur de son bureau à l’Opéra Garnier est habillé de photos. Certains danseurs lui doivent leur nomination. Ou la reconnaissance de leur talent. Elle les a vu grandir, évoluer. « Y a-til un hasard ?  » plaisante-t-elle. Car certaines de «  ses  » étoiles quitteront l’Opéra en même temps qu’elle. Agnès Letestu en 2013, Nicolas Le Riche en 2014, Aurelie Dupont en 2015. Comme la fin d’une époque… Et pourtant… «  Le plus beau c’est le temps  », sourie-t-elle. Même si, elle sait que comme d’habitude elle n’ en aura jamais assez. Car elle est déjà nommée Directrice du Festival de Danse de Cannes. Elle est aussi la nouvelle Présidente de l’Orchestre de Chambre de Paris. Enthousiaste, elle veut promouvoir le répertoire de la musique de chambre auprès des jeunes et des publics éloignés de la musique classique. Quoiqu’il arrive, elle reste fidèle à son leitmotiv qu’elle utilisait jadis pour encourager les danseurs : « Acceptez les opportunités et choisissez à chaque fois la voie la plus courageuse ».  Propos recueillis par Marina Yaloyan Vice-Présidente du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, administrateur du Centre National de la Danse et Membre du Conseil Professionnel de Cultures Frances en qualité d’experte pour la danse, Brigitte Lefevre, ancienne Administratrice de Radio France, a produit et animé, sur France Culture, l’émission de radio «À quoi pensez-vous ?». En mars  2008, elle est nommée membre de la Commission présidée par  Hugues Gall  et chargée par  Christine Albanel, Ministre de la Culture, de pourvoir le poste de Directeur de la Villa Médicis  à  Rome. Elle est aussi Administrateur du Théâtre  National de Chaillot, de l’Ensemble Intercontemporain, fondé par Pierre Boulez, de la Biennale de Lyon et de l’Orchestre de Chambre de Paris.  Brigitte Lefèvre est Officier de la Légion d’Honneur, de l’Ordre National du Mérite et Commandeur des Arts et des Lettres.

• Onéguine

L’âme russe vibre sur la scène de l’Opéra Garnier avec Onéguine  de John Cranko. D’après un roman en vers d’Alexandre Pouchkine, ce ballet dramatique, sublimé par la musique de Tchaïkovski, parle à la fois au cœur et au regard. Car la tristesse de l’histoire réside dans sa simplicité. La plus romantique des jeunes filles tombe éperdument amoureuse d’un dandy désabusé qui la rejette. Ce n’ est que quand elle se marie et devient inaccessible, qu’il regrette avec amertume le trésor perdu à jamais. L’histoire universelle des rencontres manquées et des illusions perdues. Onéguine dévoile aussi un tableau historique de la grande époque de l’aristocratie russe, brillamment traduit dans les décors et costumes de Jurgen Rose. Les tutus scintillent de mille feux. Et le palais somptueux, où se mêlent des touches de luxe oriental et les couleurs dorées de la campagne, nous transporte au temps de la Grande Russie, avec ses bals, ses fêtes galantes, et ses duels pour l’honneur. C’est dans ce cadre éphémère que les danseurs présentent toute la palette de leur virtuosité musicale et théâtrale. Karl Paquette est un Onéguine détaché mais charismatique. La pétillante Eve Grinsztajn (Olga) fait preuve d’une virtuosité irréprochable. Mais c’est Ludmila Pagliero (Tatiana), qui dévoile le tempérament contradictoire de la femme russe. A la fois énigmatique, poétique et profonde, elle maîtrise parfaitement l’équilibre entre la fragilité et la force de caractère. C’est peut-être grâce à son jeu, si touchant, que sa rupture définitive avec Onéguine dans la scène finale du ballet, bouleverse. La catastrophe est irréversible. La magie se brise  : comme si avec les larmes de Tatiana, toute une époque s’effaçait d’un trait, emportant avec elle le dernier rêve d’un amour roMY mantique. Le Journal du Parlement - N°64

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