Bonheur

8 janv. 2008 - Elle était revenue à son poste favori, en haut de l'escalier de l'entresol, ... Tout à coup, c'était des multitudes de touches de couleur qui ...
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Elbin Youri 3èmeA

Mardi 8 Janvier 2008 Expression Ecrite

Sujet: Ecrire une scène de roman. Denise, peu après son mariage, est de retour au "Bonheur des Dames". Elle passe parmi les rayons, puis s'arrête en haut du grand escalier,d'où elle a une vue plongeante sur le magasin. Elle regarde les vendeuses qui s'affairent et les clientes qui se pressent. Elle se rappelle ses débuts au bonheur...Vous commencerez par une phrase d'embrayage du type: "Elle était revenue à son poste favori, en haut de l'escalier de l'entresol..." ou "Elle se planta seule et debout au bord de la rampe du hall. De là, elle dominait le magasin..."

Elle était revenue à son poste favori, en haut de l'escalier de l'entresol, accoudée à la rampe, comme aimait à le faire Mouret, lorsque à la tête de son "nouvel Empire", il venait se délecter de sa victoire, soulevé par un violent sentiment de triomphe. Il regardait toutes ces femmes qu'il avait su réduire à sa merci pour transformer son magasin en une formidable machine à succès. Lui revenaient alors en mémoire ses débuts fastidieux où, pauvre et démunie, responsable de ses deux jeunes frères, Denise avait du faire face à la misère, sans cesse torturée à l'idée de pouvoir être renvoyée et de ne plus pouvoir subvenir aux besoins de sa famille déjà réduite par le deuil de ses parents. Ses souvenirs l'assaillaient toujours;elle se remémorait ses soirées dans sa chambre glaciale où, écrasée de fatigue et de tristesse, elle devait encore rapiécer sa robe élimée et raccommoder ses bottines à bout d'usage. Mais ce qui la torturait le plus, c'était le souvenir du mépris des autres vendeuses et des humiliations essuyées à ses débuts. Tant celle subie par la faute de Mme Desforges qui, jalouse, l'avait rabaissée en présence de Mouret que celle où l'inspecteur Jouve avait tenté d'abuser d'elle.

Puis, bien sûr, il y avait eu cette rencontre inopinée au Jardin des tuileries avec Mouret où tous les deux s'étaient sentis si troublés et attirés irréversiblement l'un envers l'autre. Toutes ces discutions qui s'en étaient suivies, ces échanges d'idées novatrices qui allaient permettre l'expansion d'un commerce moderne....Mais aussi la révolte de Denise devant les brutalités de ce système capitaliste qui entraînaient des conditions de vie si difficiles pour les employés....Enfin, l'aveu de Denise sur ses sentiments pour Mouret devant l'abattement de son amoureux transi... Elle s'était ensuite retirée pendant deux mois à Volognes dans sa Normandie natale. Après avoir déclaré son amour à Mouret, elle avait un besoin impérieux de se remettre de toutes ces émotions, tant de l'agitation qu'imposait le succès du "Bonheur des Dames" que du tumulte de son coeur. Au terme de ce premier mois de congé, dés fin Mars, Mouret n'y tenant plus l'avait rejointe à Valognes, ivre de bonheur de savoir qu'après leur union il pourrait la ramener à son bras toute puissante. Leur mariage s'était déroulé en toute simplicité à Valognes ; Ils avaient tenu à partager leur amour et à savourer ce bonheur tout neuf un mois encore, loin du tapage parisien qu'infligeait la Capitale. A leur retour à Paris, le mois de Mai éclatait maintenant dans une symphonie de couleurs vives. La végétation encore un peu engourdie par la fraîcheur d'avril se réveillait. Tout à coup, c'était des multitudes de touches de couleur qui explosent çà et là et dont s'inspiraient les peintres impressionnistes du moment tels Sisley, Picasso et Monet. Denise, toujours figée en haut de l'escalier sortait peu à peu de sa torpeur que lui causait le souvenir de son passée et retrouvait l'effervescence de cette gigantesque machine à vapeur où elle était désormais aux commandes avec Mouret. En contre-bas s'agitait toute une foule grouillante telle une colonie de fourmis frénétiques, toujours aussi impatiente de mordre dans ce déballage géant de tissus où se mélangeaient le ruissellement des dentelles, les soieries, les cachemires, les fourrures, les satins et les velours...On se bousculait, on s'échauffait, on s'entassait, on s'écrasait devant les étalages aux couleurs toujours plus chatoyantes flamboyant de reflets tantôt moirés, tantôt mordorés. Le magasin avait fini par dégorger son trop-plein sur les trottoirs qui maintenant s'étiraient jusqu'au Boulevard Montmartre et Haussman, tracés récemment par le baron Hartman qui présentait une ère nouvelle. Tout le peuple de Paris se pressait tel un gigantesque essaim de guêpes atteint d'une folie meurtrière, bondissant d'un étalage à l'autre, enivré devant tant de faste. Même le place de l'Opéra avait été conquise et le "Bonheur des Dames" avec ses vitrines alléchantes s'acharnait à engloutir dans son ventre des centaines de parisiens éperdus. Denise, le coeur battant, se décida cependant à descendre l'escalier pour se

fondre dans la foule afin de mieux en percevoir les pulsations, se baigner dans cette marée humaine et s'étourdir à nouveau de son hystérie croissante. Elle croisa quelques regards qu'elle reconnut parmi cette cohue débordante de plus en plus dense mais sans pouvoir vraiment en accrocher aucun. Elle discerna les silhouettes de Mme Marty et Mme de Boves qui se grisaient à toucher et à s'éblouir devant tant de richesses. Elle aperçut fugitivement Mme Desforges qui, hautaine, détourna vivement son regard, affichant au coin des lèvres, un léger sourire de mépris qui la blessa. Elle distingua d'anciens commis tels Hutin et Favier qui, tellement affairés et énervés par la fièvre qu'engendrait la vente des premiers beaux jours, ne firent pas attention à cette jeune femme insignifiante, restée chétive et si humble dans son attitude. Tout à coup, son coeur ne fit qu'un bond, une étrange sensation se nouant creux de son estomac: elle venait de reconnaître sa première et seule amie qui l'avait soutenue lors de ses pénibles débuts: Pauline ! Pour ne pas la perdre de vue, elle s'accrocha à une rambarde afin de se hisser jusqu'à elle et parvint à lui attraper le bras. - Pauline! Quelle joie de te revoir! Elles s'enlacèrent avec fougue, tout à leur euphorie de se retrouver. - Oh, Denise! Te voilà de retour à Paris! Et de plus...mariée! - Oui, Pauline, mais sauvons-nous de cet enfer ou nous allons finir écrasées. Nous pourrons nous entretenir aisément dans mon cabinet. Accroche-toi à mon bras et suis-moi! Non sans peine, les deux jeunes femmes réussirent à s'extraire de la foule encore plus compacte et arrivèrent à bout de souffle dans le cabinet de Mouret. Accroché au mur, trônait un magnifique portrait de Denise, souriante, toute à son bonheur. - Je te félicite pour ton mariage...te voilà enfin devenue raisonnable. Je sais tout le bonheur que cela t'a apporté...et qu'en est-il de tes jeunes frères...? -Et bien, Jean s'est marié avant moi, il y a plus d'un mois, il s'est installé comme ivoirier et vit actuellement de son commerce qui semble prospérer. Pour ce qui est de Pépé, il est maintenant interne au Collège Henri IV où il poursuit ses études avec plaisir et aisance. Mais donne-moi donc vite de tes nouvelles et de celles des employés. Que s'est-il passé depuis mon départ? - Pour ce qui est de la plupart d'entre eux, ils te vénèrent comme une "reine" car ils savent qu'ils te doivent beaucoup et ont retrouvé, grâce à toi, leur dignité d'homme et de femme. Ils disposent maintenant de repas copieux, leur temps de pause est allongé et ils peuvent se loger décemment. Le poids des charges à manier est mieux réparti entre eux car de nombreuses embauches ont été décidées suite à l'extension du magasin. Bien sûr, ils t'attendaient avec impatience car ils savent que tu as su persuader Mouret, ton mari, d'organiser un système de mise en commun d'un fond de solidarité qui mettra bon nombre d'entre nous en sécurité en cas de graves ennuis. -Oui, j'ai bien l'intention de mettre en place plusieurs mesures afin de leur

assurer l'obtention de congés payés qui leur seront accordés aux mortes saisons, ce qui évitera la précarité de leur emploi. Je pense aussi créer une caisse de secours mutuels qui sera alimentée par une somme prélevée sur les bénéfices nets de l'année et les mettant ainsi à l'abri des chômages forcés. On pourrait l'appeler l'"AssuranceChômage", qu'en penses-tu? - Très bonne idée! Mais pour les employés malades ou en fin de carrière, quelles sont tes intentions? -Et bien! Rien de plus simple, nous pouvons également créer l'"Assurance Maladie" qui permettrait l'accès aux soins lors des maladies professionnelles ou des accidents du travail ainsi que l'"Assurance-Retraite". -Bon! je constate que tu n'es pas à court d'idées et je suis bien certaine que cela va bouleverser complètement la vie sociale des employés du " Bonheur des Dames". -Je l'espère bien! En réalité il faut introduire au plus vite toutes ces réformes afin d'améliorer leur sort. Si nous voulons faire prospérer le "Bonheur des Dames", ils doivent s'y sentir bien, heureux de venir y travailler et ainsi participer à la bonne marche de nos affaires. Mais assez parlé de moi, de mes frères et du personnel...Parle-moi donc de toi...Je ne te trouve pas si bonne mine. -Ma foi, ma chère Denise, j'ai eu mon enfant peu après ton départ, le 6 Mars 1869 exactement et me voici à nouveau enceinte moins de trois mois après sa naissance! Bougu, mon mari, ne m'aide guère et me reproche cette deuxième grossesse si rapprochée...mais que puis-je y faire? De plus, malgré toutes ces nouvelles mesures qui, certes, vont bouleverser profondément notre vie, une femme enceinte n'est pas bien acceptée dans le monde du travail...tu le sais, comme moi... surtout lorsque les grossesses se succèdent...Oh! Denise! Si tu savais...je suis tellement désespérée! C'est alors que Denise regarda son amie avec beaucoup de compassion et une immense peine, impuissante et désarmée devant son désarroi. Elle qui sentait monter en elle le désir naissant de la maternité, ne savait tout à coup que dire et étreignit son amie dans ses bras avec force. Elle ne pouvait lui apporter de solutions et ne se sentait d'aucune aide. Faute de mieux pour l'instant, il fallait se contenter de ce que réservait le destin, s'en remettre au ciel et prier pour puiser de l'aide auprès du "Seigneur". Elle n'ignorait pas que ces quelques phrases banales ne pourraient soulager Pauline. Serait-il un jour possible de contrôler les naissances sans avoir à les subir mais en les désirant. C'était un rêve pieux... Elle le savait...le chemin à parcourir lui semblait si long... Elle était effrayée devant la tâche à accomplir, tant de recherches et de réformes encore à faire pour enfin soulager les hommes et les femmes de leurs maux et détresses!!!