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Dans la culture populaire, les hormones sexuelles sont surtout reconnues pour leur rôle dans la dif- férenciation sexuelle et le système reproducteur. Toutefois ...
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NUMÉRO DOULEUR

REVUE

Douleur : quand le sexe s’en mêle Pain: When sex plays a role Isabelle Gaumond, Serge Marchand Département de chirurgie, Service de neurochirurgie, Faculté de Médecine et des Sciences de la Santé, Université de Sherbrooke

Correspondance Serge Marchand, PhD Centre de recherche clinique Étienne-Le Bel Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke Sherbrooke, Québec, J1H 5N4 Canada 819 346-1110 poste 15889 [email protected]

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Vol.2 n°1

16 novembre 2012 6 février 2013

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Résumé Les hommes et les femmes vivent différemment l’expérience douloureuse et plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène. Les hormones sexuelles sont de bonnes candidates pour expliquer, du moins en partie, ces différences entre les sexes. En effet, ces molécules sont aptes à moduler les mécanismes facilitateurs et inhibiteurs de la douleur. Cette revue de littérature fera donc un tour d’horizon en ce qui a trait à l’effet des hormones sexuelles sur ces mécanismes et plus spécifiquement au niveau de la modulation de la douleur.

Summary Men and women experienced pain differently and several factors may explain this phenomenon. Sex hormones are good candidates to explain, at least in part, these sex differences. Indeed, these molecules are able to modulate pain facilitatory and inhibitory mechanisms. This review of literature will therefore present an overview of the effect of sex hormones on these mechanisms, and more specifically in pain modulation.

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Introduction

L

a littérature scientifique permet de

grande sensibilité et une plus faible tolérance à

constater que la douleur s’exprime

la douleur que les hommes, qu’elles rapportent

différemment entre les femmes et les

des scores de douleur plus élevés et qu’elles

hommes. En effet, les femmes sont grande-

ont une plus grande habileté à discriminer entre

ment surreprésentées parmi les patients at-

différents niveaux de douleur [5].

teints de douleur chronique [1-3]. Par exemple,

Ainsi, il n’est maintenant plus question de

les femmes sont plus à risque de développer

se demander s’il existe des différences entre les

des conditions douloureuses chroniques telles

hommes et les femmes au niveau de la douleur,

que les céphalées, l’arthrite rhumatoïde, la

mais bien de tenter de déterminer quels en sont

fibromyalgie, les douleurs abdominales et les

les mécanismes ou les causes. L’envergure des

douleurs d’origine musculosquelettique [2]. Il en

différences entre les sexes peut être influencée

va de même pour la perception de la douleur

par plusieurs facteurs physiologiques et psy-

mesurée en laboratoire. Même si les différences

chologiques qui interagissent et qui contribuent

entre les sexes au niveau de la douleur expéri-

à la variabilité de la réponse à la douleur. Et

mentale sont pour certains peu convaincantes,

bien que plusieurs facteurs socioculturels, psy-

car parfois contradictoires (ou dépendent de

chologiques et émotifs jouent très certainement

la modalité d’expérimentation) [4], on constate

un rôle dans le phénomène douloureux, nous

tout de même ceci : lorsque des différences

allons, dans le cadre de cette revue de littéra-

sont observées, elles sont presque unanime-

ture, mettre une emphase sur le rôle des hor-

ment dans la direction où la femme a une plus

mones sexuelles (HS).

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Bases neurophysiologiques de la douleur Afin de mieux comprendre les mécanismes

persistantes n’ont donc pas uniquement comme

neurophysiologiques des différences entre les

origine une augmentation des afférences noci-

femmes et les hommes dans la douleur, il est

ceptives mais peuvent aussi résulter d’une

important de comprendre que la douleur n’est

baisse de l’inhibition ou d’une augmentation de

pas un phénomène linéaire, mais qu’il existe

l’excitabilité centrale.

une multitude de mécanismes excitateurs et

Ces mécanismes excitateurs et inhibi-

inhibiteurs des afférences nociceptives qui vont

teurs peuvent être à l’origine des différences

moduler la réponse douloureuse tout au long

entre les sexes. Celles-ci peuvent également dé-

de son trajet dans le système nerveux central

couler de différences quantitatives (c.-à-d. :seuil

(SNC), de la périphérie aux centres supérieurs

de douleur plus bas chez la femelle) ou qualita-

(Fig. 1). Cette modulation peut être excitatrice

tives (c.-à-d. : la douleur est la même, mais les

et augmenter la réponse nociceptive ou inhibi-

mécanismes d’action sont différents) [7].

trice et produire une analgésie [6]. Les douleurs

Hormones sexuelles et système nerveux Dans la culture populaire, les hormones sexuelles

des différences permanentes du système ner-

sont surtout reconnues pour leur rôle dans la dif-

veux central, au niveau structural et fonctionnel.

férenciation sexuelle et le système reproducteur.

Au contraire, les effets activationnels des HS

Toutefois, leur influence est plus vaste et plus

sont considérés comme temporaires et réver-

diversifiée. Tout d’abord, il est important de sou-

sibles et résultent de l’activation ou de l’inhibition

ligner que les HS ont des effets classés comme

de certains circuits existant déjà chez l’adulte.

étant organisationnels ou activationnels [8]. Les

Dans ce cas-ci, les stéroïdes sexuels affectent

effets organisationnels sont ceux qui, durant le

les fonctions cérébrales par la modulation de la

développement de l’organisme, aboutissent à

neurotransmission [9, 10].

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Estrogènes Deux sortes de récepteurs aux estrogènes sont

régulent plusieurs transmetteurs et fonctions

connus jusqu’à présent, ERα et ERβ, qui ac-

dans le SNC comme la dopamine [13], liée aux

tivent différents gènes et ont une distribution dif-

fonctions motrices et de récompense, la séroto-

férente dans le corps [11]. Par exemple, le ERα

nine [9, 14], liée à la régulation de l’humeur et

active les gènes des récepteurs aux opioïdes

de l’état d’alerte, et la noradrénaline [15], impli-

et des récepteurs de la progestérone [12]. De

quée dans la réponse au stress.

la même façon, les estrogènes influencent et Progestérone Pour leur part, les récepteurs à la progestérone

du récepteur GABA-A [17]. Le GABA est le neu-

existent sous deux isoformes, PR-A et PR-B,

rotransmetteur inhibiteur majeur du SNC, impli-

et sont souvent co-exprimés dans les cellules

qué dans les effets sédatifs, anxiolytiques et

[16]. En plus de ses effets sur son propre ré-

anticonvulsivants [18]. Le GABA est aussi l’un

cepteur et sur les récepteurs aux estrogènes,

des modulateurs majeurs des afférences noci-

la progestérone agit sur d’autres systèmes. Son

ceptives [19].

métabolite, l’allopregnanolone, est un agoniste Androgènes En ce qui concerne les androgènes, un seul

dans plusieurs régions cérébrales [21], affectant

type de récepteur (AR) est connu et est présent

ainsi indirectement les concentrations locales

dans le SNC, incluant les cornes dorsales et

d’estradiol. Il est d’ailleurs généralement accep-

ventrales de la moelle épinière. Les récepteurs

té que la plupart des effets des androgènes sur

AR sont surexprimés suite à l’action des andro-

le cerveau mâle sont liés à leur conversion en

gènes [20] qui modulent l’activité de l’aromatase

estradiol par l’enzyme aromatase [22].

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Hormones sexuelles et douleur Estrogènes et douleur L’apparente contradiction de la littérature scien-

diques. De plus, l’absence d’estrogènes endo-

tifique sur le rôle pro-nociceptif ou anti-nocicep-

gènes chez les souris KO pour l’aromatase

tif des estrogènes peut s’expliquer par une acti-

entraîne l’augmentation des comportements

vation différentielle des deux récepteurs (ERα

nociceptifs à un test de douleur [25], un effet qui

et ERβ) aux estrogènes [23]. Dans les études

est réduit par une administration subséquente

animales, une augmentation rapide de l’ARNm

d’estradiol. Finalement, les estrogènes agissent

des enképhalines dans la moelle épinière a été

sur les structures supraspinales associées au

démontrée après l’injection d’un bolus d’estra-

traitement de l’information nociceptive, comme

diol [24], suggérant une connexion entre les

la substance grise périaqueducale (SGPA) [26].

contrôles nociceptifs et les hormones gonaProgestérone et douleur Pendant la grossesse et durant le cycle ovula-

centraux [27] et spinaux [28] ont été suggérés.

toire, la progestérone joue également un rôle sur

Les résultats sont divers, avec des études rap-

la régulation de la sensibilité à la douleur, mais

portant un effet antinociceptif [29], tandis que

son rôle est beaucoup moins examiné que ce-

d’autres ont rapporté des effets pronociceptifs

lui des estrogènes. Toutefois, des mécanismes

[30].

Androgènes et douleur La plupart des études faites jusqu’à maintenant

nadiques et surrénaliens (testostérone et DHT)

indiquent que les androgènes auraient un rôle

sont plus bas chez les femmes et les hommes

protecteur contre la douleur [31]. L’effet analgé-

souffrant d’arthrite rhumatoïde que chez les su-

sique des androgènes a été suggéré suite à la

jets contrôles [32]. Des études chez les humains

découverte que les niveaux d’androgènes go-

ont indiqué que les niveaux de testostérone sont

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positivement corrélés avec l’activation du cortex

reuse électrique et thermique, menant à une

frontal médian pendant une stimulation doulou-

diminution de la perception de la douleur [33].

Figure 1 Représentation schématique des mécanismes endogènes de contrôle de la douleur. Les récepteurs des hormones sexuelles se retrouvent dans la majorité des régions impliquées dans la modulation de la douleur (la position des récepteurs sur ce schéma n’est qu’à titre indicatif). CC : cortex cingulé ; CPF : cortex préfrontal ; SGPA : substance grise périaqueducale ; NRM : nucleus raphe magnus ; Ad et C : fibres responsables des afférences nociceptives (égratignure, brulure, etc.) ; Ab : fibres responsables des afférences non-nociceptives (tact, vibration, etc.).

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Études expérimentales chez l’animal du rôle des hormones sexuelles dans la douleur Une façon efficace d’isoler le rôle des HS de

cette façon, nous sommes en mesure de sa-

celui des facteurs psychosociaux est de tra-

voir le rôle spécifique des hormones sexuelles

vailler avec des modèles animaux. Des études

indépendamment du sexe de l’animal. Cette

chez de rats gonadectomisés et recevant des

approche nous a permis de conclure que les ni-

remplacements hormonaux [34-36] ont per-

veaux plus élevés d’estrogènes et de progesté-

mis de bien faire ressortir l’importance des HS

rone (condition femelle) agissaient en réduisant

dans les réponses nociceptives. En comparant

l’efficacité des contrôles inhibiteurs chez les rats

les réponses de rats sains avec des rats gona-

des deux sexes. Pour sa part, la supplémenta-

dectomisés (castrés ou ovariectomisés), nous

tion en testostérone (condition mâle) résulte en

avons observé qu’à l’instar de l’humain, les rats

une réduction des mécanismes excitateurs de

mâles ont des seuils de douleur supérieurs et

la douleur.

des réponses à la douleur inférieures à celles

Ces résultats sont confirmés par des ma-

des femelles. Une fois le rôle des HS éliminé

nipulations plus spécifiques de certaines hor-

par l’intermédiaire d’une gonadectomie, cette

mones chez le rat. L’estrogène semble en effet

différence disparaît; les femelles et les mâles

jouer un rôle facilitateur de la douleur en freinant

répondent de façon similaire, ce qui permet de

la mise en place des mécanismes endogènes

conclure en un effet déterminant des HS dans

de contrôle de la douleur (MECD) [23, 37].

les réponses nociceptives.

Néanmoins, les résultats sont plus complexes

Une autre façon d’isoler le rôle des hor-

qu’il n’y parait car les sous-récepteurs estrogé-

mones sexuelles est de supplémenter les rats

niques ERα et ERβ ont des effets opposés, l’un

gonadectomisés avec des niveaux d’hormones

étant anti-nociceptif et l’autre pro-nociceptif [23].

sexuelles que l’on retrouve chez le mâle ou la

À l’opposé, la testostérone (principale hormone

femelle et cela dans les deux sexes [34]. De

sexuelle mâle) semble avoir un rôle protecteur

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en diminuant la perception de la douleur aigue

mais que les effets sont différents selon la condi-

et tonique, et ce, indépendamment du sexe de

tion hormonale de chacun. Les hormones principa-

l’animal [34].

lement femelles semblent avoir des effets distincts

Ces données permettent de conclure que

selon l’hormone (estrogènes ou progestérone) ou

la condition hormonale joue un rôle dans les méca-

les sous-récepteurs impliqués (récepteurs estro-

nismes de la douleur chez le mâle et la femelle,

géniques ERα, ERβ) [23, 37, 38].

Rôle des hormones sexuelles chez l’humain Les données chez l’animal sont très intéres-

dant le cycle menstruel. Certaines études rap-

santes, mais il reste à vérifier si elles s’appliquent

portent une sensibilité accrue durant la phase

à l’humain. En plus des différences de perception

folliculaire [41], mais d’autres démontrent plutôt

de la douleur selon le sexe [2, 5], la douleur est

une sensibilité accrue durant la phase lutéale

influencée par les changements hormonaux du

[42], et certains ne trouvent aucune différence

cycle menstruel chez les femmes [39]. Une mé-

[43]. Il est intéressant de noter qu’aucune de

ta-analyse révèle que les femmes ont des seuils

ces études n’a vérifié si les mécanismes endo-

de douleur et de tolérance plus élevés durant la

gènes de contrôle de la douleur (MECD) étaient

phase folliculaire dans la majorité de modalités de

modulés pendant le cycle menstruel. Cette

stimulation [40]. Un relevé de la littérature récent

information est pourtant pertinente puisque la

a utilisé différentes définitions des phases mens-

manipulation des hormones sexuelles domi-

truelles que celles de la méta-analyse et concluait

nantes chez la femelle influent principalement

que la réactivité à la douleur était plus grande en

sur les MECD [23, 34, 37]. Dans une étude où

périmenstruel et en milieu de cycle [39].

la perception de la douleur et les MECD ont

Il est tout de même intéressant de souli-

été mesurés pendant les phases folliculaire, lu-

gner qu’il existe une divergence importante sur

téale et ovulatoire du cycle menstruel chez des

les différences de perception de la douleur pen-

femmes saines, les auteurs ont trouvé que la

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perception de la douleur ne variait pas signifi-

que celui des femmes la grande majorité du

cativement mais que l’efficacité des MECD (ici,

temps. Cela semble d’ailleurs être le cas dans

le contrôle inhibiteur diffus nociceptif - CIDN) à

la plupart des études qui ont comparé l’effica-

produire une analgésie était supérieure pendant

cité des MECD selon le sexe [46]. Les femmes

la phase ovulatoire [44]. L’inhibition était deux

ont donc un système de protection de la douleur

fois plus importante pendant la phase ovulatoire

qui est moins efficace que celui des hommes,

que pendant la phase lutéale et la phase mens-

ce qui pourrait expliquer, du moins en partie,

truelle. Des résultats similaires ont été retrou-

que ce manque de protection pourrait rendre les

vés dans une étude récente [45]. Comme la

femmes plus susceptibles au développement

phase ovulatoire ne dure que quelques jours,

de douleurs chroniques.

les MECD sont donc beaucoup moins efficaces

Les hormones exogènes peuvent aussi

pendant le reste du cycle. Quand on com-

affecter la modulation de la douleur. Les femmes

pare l’efficacité des MECD entre la femme et

utilisant des contraceptifs oraux ont une mo-

l’homme, elle n’est comparable que pendant la

dulation de la douleur moins efficace que les

phase ovulatoire, ce qui laisse supposer que les

femmes ayant un cycle normal et qui sont dans

hommes ont un système inhibiteur plus puissant

leur phase folliculaire précoce [47].

Réponse aux analgésiques opioïdes selon le sexe Les réponses à la douleur sont donc différentes

loppée grâce à des recherches fondamentales

entre les femmes et les hommes. Il reste main-

faites chez des animaux mâles uniquement. Le

tenant à savoir si cette différence s’étend à la

rationnel étant que les données recueillies chez

réponse au traitement. Cette question est parti-

le mâle devraient se transposer chez la femelle.

culièrement pertinente si nous considérons que

Pourtant, il ressort de plus en plus que même la

la grande majorité des médicaments que nous

réponse aux opioïdes, l’une des classes de mé-

utilisons pour soulager la douleur a été déve-

dicaments les plus utilisées et les plus efficaces

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pour le traitement pharmacologique de la dou-

opioïdes et leur transformation en métabolites

leur, est différente selon le sexe [48]. En effet,

actifs et inactifs [49]. Il est démontré par tomo-

les études supportent que les femmes consom-

graphie par émission de positrons (TEP) que

ment moins d’opioïdes que les hommes lors de

les niveaux d’expression et d’activation des ré-

douleurs postopératoires et qu’elles ont un meil-

cepteurs opioïdes varient selon l’âge et le sexe

leur soulagement de la douleur lors de l’utilisa-

de l’individu, mais aussi selon la phase du cycle

tion d’analgésiques opioïdergiques [48].

menstruel [26].

La présence de neurones sensibles aux

Les hormones sexuelles peuvent égale-

estrogènes dans les couches superficielles

ment agir au niveau de la pharmacodynamie des

de la corne postérieure de la moelle épinière

opioïdes. Elles peuvent agir sur la densité des

ainsi que l’implication des estrogènes dans le

récepteurs opioïdes ou sur leur internalisation

contrôle transcriptionnel de la synthèse des

ainsi que moduler les niveaux d’opioïdes endo-

opioïdes et de l’expression des récepteurs  et

gènes. Par exemple, les hormones gonadiques,

 des opioïdes suggèrent des mécanismes par

spécialement les estrogènes, peuvent moduler

lesquels la variation des niveaux d’estrogènes

les niveaux d’ARNm des opioïdes endogènes

pourrait réguler la sensibilité à la douleur [24].

dans le cerveau, les niveaux de ces peptides

Les hormones gonadiques peuvent aus-

eux-mêmes, la densité de leurs récepteurs, et

si avoir un effet sur la pharmacocinétique des

la transduction du signal lié à la fixation de ces

opioïdes. En effet, la testostérone et l’estradiol

peptides sur leurs récepteurs [50].

peuvent altérer l’absorption et la distribution des

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Conclusion Comme nous venons de le voir, les diffé-

tif tout au long de son parcours dans le sys-

rences entre les hommes et les femmes dans la

tème nerveux central. Comme les hormones

réponse à la douleur sont multiples. Elles sont

sexuelles influencent ces facteurs neurophysio-

présentes dans l’expression de la douleur expé-

logiques, il n’est pas étonnant que nous retrou-

rimentale, dans les mécanismes endogènes de

vions des différences entre les hommes et les

contrôle de la douleur ainsi que dans la réponse

femmes et que le cycle menstruel puisse aussi

aux analgésiques.

moduler le développement et la persistance

Parmi les multiples facteurs, les hor-

de certaines douleurs chroniques. De plus, les

mones sexuelles semblent déterminantes dans

données récentes supportent de plus en plus

les différences selon le sexe dans l’expression

que les réponses au traitement de la douleur

de la douleur. Leur action sur des neurotrans-

sont aussi différentes entre les hommes et les

metteurs et des récepteurs impliqués dans les

femmes. Il n’est donc plus acceptable que la

mécanismes endogènes de contrôle de la dou-

douleur et son traitement soient abordés sans

leur pourrait expliquer ces différences.

tenir compte des différences selon le sexe. Il de-

La douleur est un phénomène complexe qui est la résultante de mécanismes excitateurs

vient essentiel de tenir compte de ces facteurs dans la prise en charge de la douleur.

et inhibiteurs qui modulent le signal nocicep-

Remerciements et financements Une partie de ces études a été rendue pos-

reçoivent le support du Centre de recherche

sible grâce à une subvention des Instituts de

clinique Étienne-Le Bel du CHUS.

recherche en santé du Canada. Les auteurs

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