212 000 euros pour un immeuble insalubre

nées, baskets aux pieds et saco- che autour du cou. Ils chuchotent quelques mots et l'avocat ren- chérit : « 211 000 ! ». « Mille eu- ros de plus», rétorque aussitôt.
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vendredi 8 février 2019 / La Marseillaise

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PROVENCE

212 000 euros pour un immeuble insalubre Mis en vente à 15 000 euros, un immeuble insalubre situé au 69, bd de Plombières, racheté à un marchand de sommeil, a été adjugé à 212 000 euros hier lors d’une vente aux enchères. Récit.

Q

ui voudrait d’un vieil immeuble de quatre étages, aux murs défraîchis, à la façade noircie par les gaz des pots d’échappement des voitures qui circulent chaque jour par dizaines de milliers sur le viaduc de Plombières (3e) situé juste en face ? Beaucoup de monde si l’on en juge par le nombre de personnes rassemblées hier matin dans la salle Borély au tribunal de grande instance de Marseille pour la vente aux enchères du bien. Il y a là une vingtaine de potentiels acheteurs, et autant

d’avocats les représentant, très intéressés par l’achat de la ruine, comprenant huit appartements et un bar PMU au rez-de-chaussée (lire également La Marseillaise du lundi 4 février). La mise de départ est séduisante. Montant ? 15 000 euros. « J’attire l’attention des oblateurs que l’immeuble fait l’objet d’un arrêté d’insalubrité remédiable, qui, à ce jour, n’a pas été levé. L’immeuble est inoccupé, si ce n’est au troisième étage », tente le juge avant de lancer les hostilités. Tous trépignent. « Les enchères sont ouvertes », déclare le magistrat.

Prière de reloger

« 16 000 ! », lance aussitôt un avocat représentant un couple d’une soixantaine d’années. « 18 000 ! » répond un autre au fond de la salle. « 20 000 ! », entend-on là. « 30 000 ! », rétorque un autre au premier rang. Chacun dispose d’une minute trente pour renchérir. « 60 000 ! », relance celui-là. La machine s’emballe. L’enchère grimpe fa-

cilement à 100 000 euros enchérit par palier de mille euros. « Moi c’est le péril qui me fait peur », murmure un potentiel acheteur à son voisin. « Avec un loyer à 700 euros et 500 euros de CAF, le loyer est assuré », balayet-il. Puis on atteint 150, 180, « 200 000 ! », relance une robe noire qui n’avait pas encore pris la parole. « C’est qui celui-là ? », demande un acheteur à son avocate. De la dizaine de participants lancés dans la course, il n’en reste bientôt plus que trois. Le brouhaha de départ laisse la place à une sourde tension. C’est là que tout se joue. Les oblateurs se toisent, se jaugent du regard. Un acheteur cesse de faire monter les prix. Le cap des 200 000 euros, sans doute. Ils ne sont maintenant plus que deux en lice. Un des avocats au premier rang hésite, va voir son client, un monsieur d’une cinquantaine d’années, baskets aux pieds et sacoche autour du cou. Ils chuchotent quelques mots et l’avocat renchérit : « 211 000 ! ». « Mille eu-

Racheté en juin 2015 à un marchand de sommeil pour 230 000 euros, l’immeuble a été adjugé à 212 000 euros hier. PHOTO D.C.

ros de plus », rétorque aussitôt l’autre, un trentenaire à lunettes. Silence dans la salle. Tous fixent les gros chiffres rouges du chronomètre affiché au mur. 5, 4, 3, 2, 1... 0. Adjugé. L’avocat se lève sous les regards mauvais de l’audience et vient signer le chèque, la main devenue tremblante par ce qu’il faut bien ap-

peler la fièvre du jeu. La société marseillaise qu’il représente, dont il n’a pas souhaité nous communiquer le nom, devra faire son affaire personnelle de la levée de l’arrêté d’insalubrité, des travaux à réaliser et du relogement des locataires. Marius Rivière

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ADJUGÉ