Duel d'experts pour immeuble dangereux

Selon une locataire relogée en hôtel, un propriétaire a intenté un ... délogés vivant dans des hôtels, ou contraint de ... gérant de l'immeu- ble pour Delta Habitat.
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vendredi 1 mars 2019 / La Marseillaise

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PROVENCE

Duel d’experts pour immeuble dangereux HABITAT INDIGNE Au 23, bd des Dames (2e), le bailleur assure qu’il n’y a pas de danger. Inquiets, les locataires ont mandaté un expert, qui alerte, lui, sur un risque d’effondrement réel. Plusieurs habitants ont saisi le tribunal administratif pour trancher la question.

J COURS LIEUTAUD. Le mur de la discorde Le PC de Gestion des risques urbains de la Ville a ordonné l’évacuation de 30 habitants du 28, cours Lieutaud, le temps d’une intervention d’une à cinq semaines sur un imposant mur (au premier plan) dans l’arrière-cour donnant du côté de la rue d’Aubagne et qui menacerait. Les experts de la Ville et ceux du syndic étaient divisés la veille sur le sujet alors qu’une expertise avait été réalisée en octobre. La Ville entendrait procéder à la démolition en urgence plutôt qu’à l’étaiement. Selon une locataire relogée en hôtel, un propriétaire a intenté un recours en justice pour s’y opposer. David Coquille PHOTO D.C.

e ne dors plus la nuit... Avec toutes ces fissures sur les plaintes, à chaque coin de porte et le parquet qui gondole, on devient parano. » Mariem habite un appartement situé au 3e étage du 23, bd des Dames (2e) avec ses parents. Cage d’escalier fissurée, plafond effondré au 4e étage, cave inondée, les désordres sont nombreux. Un locataire se décide à appeler les pompiers qui débarquent le 1er février. Les locataires du 2e, 4e et 5e étages sont évacués. C’est Grand Delta Habitat, un bailleur social qui possède l’immeuble. Aucun arrêté de péril n’est publié. Lundi, les locataires sont invités à regagner leur logement. « Nous avons mandaté un bureau d’études techniques qui a conclu qu’il n’y avait pas de dangerosité im-

Des étais soutenaient la cage d’escalier fissurée. Ils ont été subitement retirés ce lundi. PHOTO M.RI

médiate », indique Lucas Beaujolin, gérant de l’immeuble pour Delta Habitat.

Risque d’effondrement

Pas convaincus, les locataires font appel à un expert. Il a un tout autre diagnostic : « Il y a un péril grave et imminent avec risque d’effondrement partiel ou total des planchers du 1er, au 6e étage [...] L’immeuble s’est affaissé, les parquets sont de vrais toboggans. » La cause de l’effondrement du sol ? La cave en sous-sol « où les murs sont gorgés d’eau ». Et l’expert de conclure : « Il est impératif d’étayer

en urgence tous les planchers des étages. » Il envoie une copie de ce rapport au service de la prévention des risques de la Ville de Marseille afin qu’un arrêté de péril grave et imminent soit pris et demande « à faire évacuer rapidement cet immeuble dangereux ». Sans réponse à ce jour. Contacté, le service de presse de la Ville n’a pas donné suite. Une locataire a saisi le tribunal administratif pour demander la nomination d’un expert judiciaire. Une audience en référé a lieu ce matin. Marius Rivière

Cécile Cukierman : « Il faut responsabiliser l’État » HABITAT INDIGNE La sénatrice communiste, Cécile Cukierman, rencontre aujourd’hui à Marseille les acteurs du logement. Hier soir, elle a débattu sur l’habitat indigne, invitée par « La Marseillaise » aux côtés du conseiller municipal PCF Jean-Marc Coppola. l faut une politique publique de Iciaux. construction de logements soSans quoi les marchands

de sommeil perdureront ! », a affirmé, la sénatrice de la Loire, Cécile Cukierman, hier soir dans la salle des rotatives de La Marseillaise. Une rencontre citoyenne prélude à une visite sur les lieux du drame de la rue d’Aubagne en tant que vice-présidente de la commission des affaires économiques. Elle échangera aujourd’hui avec l’ensemble des acteurs du logement. Objectif : être à l’écoute de la problématique marseillaise

Plusieurs participants ont salué le travail entrepris par « La Marseillaise » sur la question du logement insalubre. PHOTO MIGUÉ MARIOTTI

pour se prononcer sur le contenu de la proposition de loi du sénateur LR marseillais, Bruno Gilles, sur le logement, examinée prochainement par le Sénat.

Renforcer la loi SRU

Jean-Marc Coppola a pour sa part, dénoncé le fait que le projet de Plan local d’urbanisme

intercommunal, soit « le programme politique municipal actuel pour les 10 années à venir. » La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains qui fixe le seuil de logements sociaux à construire, est peu contraignante malgré des sanctions financières en cas de nonrespect. Des contournements

de ce quota sont mis à l’œuvre par les promoteurs immobiliers. L’idée d’un quota mis en place non pas uniquement par ville mais par arrondissement a été émise. « Il faut contrôler les propriétaires et bailleurs qui nous abandonnent. C’est inadmissible ! Ce n’est pas à nous d’entretenir leur

patrimoine ! » s’emporte, émue, une habitante. Davantage de contrôle des bailleurs, un respect de la loi et le besoin d’une politique de logement nationale ont été les revendications portées au cœur du débat. « Dans les années 50 on avait été capable d’un programme national de construction ! », se souvient un citoyen. Nombreux sont ceux qui ont exprimé leur crainte qu’à Marseille, la destruction des logements précède une reconstruction pour les plus aisés, au détriment de la population locale. Des membres du collectif du 5 novembre ont rappelé la situation alarmante des délogés vivant dans des hôtels, ou contraint de revenir dans des logements indignes. La question de la responsabilité de l’État et de l’échec de l’actuelle loi Elan ont été pointés du doigt. À Cécile Cukierman de conclure : « Il faut développer le rapport de force par la mobilisation citoyenne. C’est un projet de société que de se battre pour le droit au logement digne et pour tous ! » Esther Michon