20
Italie
Escapade
21
SEMAINE DU 26 FÉVRIER AU 4 MARS 2011 LIBRE MOMENTO
Venise Italie
Le pont du Rialto.
JULIE GILLET
JULIE GILLET
Situation : ville du nord-est de l’Italie. Superficie : 415,94 km² Population : 270801 hab. (2009) Particularités : les canaux, la place Saint-Marc, le palais des Doges, le carnaval…
L’île de Burano et ses maisons colorées.
Voir Venise et puis… y re venir ! fleur d’eau, dont le charme a su traverser les siècles. Visite Julie Gillet QUAND ON SE REPRÉSENTE Venise, on pense à la place SaintMarc, aux gondoles et… aux inondations, ces acqua alta qui re couvrent fréquemment les plus beaux sites de la ville – parfois de plus de 1m50 d’eau, comme en 2008 –, obligeant touristes et autochtones à se chausser de bottes en caoutchouc et rivaliser d’ingéniosité pour effectuer le moindre déplacement. Il faut dire qu’il ne se passe pas une année sans qu’un climatologue pessimiste ne prédise la mort lente de la Sérénissime, l’enfouisse ment sous les flots de la Belle à fleur d’eau, qui s’enfonce chaque décennie de quelques millimètres supplémentaires dans la lagune. Et si, pour éviter le pire de ce côté, le colos sal projet Mose – et ses gigantesques digues rétractables – est en passe de se terminer (d’ici 2014, prévoiton), de nombreux autres défis attendent la Cité des Doges : vieillisse ment de la population, dépeuplement (60 000 habitants aujourd’hui dans le cen tre historique contre 100 000 dans les an nées 70), difficile gestion d’un tourisme de
masse sans cesse croissant (22 millions de visi teurs par an !). A VenitiaLand, les échoppes à masques de Carnaval et dentelles made in Hong Kong ont remplacé les magasins d’artisanat et les petits commerces, les restos proposent des steak frites en formule all inclusive, et les sourires des touristes sur les gondoles à deux euros la minute paraissent forcés. Néanmoins, il faudrait être terriblement blasé pour ne pas succomber aux charmes de la Belle. Souillée par les flashs ininterrompus des touris tes insatiables, Venise est certes une maîtresse difficile, mais dont la terrible beauté ravive ins tantanément les passions les plus romanesques. A l’avant d’un vaporetto indolent, l’on s’imagine tour à tour Casanova, Lord Byron, Corto Maltese ou George Sand. Les fastueux palais d’antan suc cèdent aux palaces contemporains le long du grand canal, et l’on se plaît à rêver d’amours tu multueuses au rythme des ponts du Rialto, de l’Academia et Degli Scalzi. “A Venise, les palais se touchent parce qu’ils ont beaucoup de secrets à se confier”, dit le dicton. Bien sûr, il y a la place SaintMarc, cœur histori que, politique, religieux et touristique de la ville,
où la foule est dense et compacte. Il faut dire que l’esplanade, débarrassée de ses pigeons au prix d’une longue lutte et d’une coquette somme pour ses grainetiers, regorge de merveilles : la ba silique SaintMarc, le campanile qui offre une su perbe vue sur la ville, la Tour de l’horloge et le Palais des Doges. Sur la terrasse du “Florian”, l’on sirote un cappuccino et la magie opère douce ment, malgré le froid, les touristes et les prix exorbitants. Quelques Vénitiens masqués pren nent la pose ci et là, en prologue au Carnaval qui débutera le 26 février. Devant le pont des Soupirs, qui relie le Palais des Doges aux Nouvelles Prisons, l’on réinvente l’histoire de ces condamnés, regardant une der nière fois la lagune et sa lumière de liberté, pro bablement pour la dernière fois. Non loin de là, la salle bleu et or du mythique opéra de Venise, La Fenice (le phénix), laisse un souvenir émerveillé : la découverte se fait au son de la Traviata, diffu sée dans l’audioguide pour le plus grand plaisir des mélomanes. Mais le charme de la Sérénissime, c’est avant tout son dédale de ruelles, de canaux et de ponts finement ouvragés. Sur les façades des maisons, toute la palette chromatique des vert d’eau,
Plumes, grelots, masques de la Commedia dell’arte et costumes somptueux : le Carnaval de Venise a fait rêver des générations de touristes. Mentionné pour la première fois en 1094, et après une période d’éclipse au cours du XXe siècle, il est réapparu, sous sa forme actuelle, en 1974. S’il a perdu de son authenticité, il n’en reste pas moins l’un des événements les plus courus d’Europe. Cette année, il se tiendra du 26 février au 8 mars, sous le titre : “Le XIXe siècle – De Senso à Sissi – La Cité des femmes”. U Programme complet : www.carnevale.venezia.it
rouille et bleu ciel s’offre au visiteur. A Venise, il faut ac cepter de se perdre, de laisser place à l’imprévu, de ne pas tout voir, de ne pas tout faire. D’entrer dans un bar (une osteria) parce qu’on y entend rire. Dans le sesterie (quartier) de Cannaregio, les Vénitiens, un verre de spritz à la main – apéro local composé de Prosecco, eau de Seltz, Campari et citron dans lequel surnage une olive – parlent fort et se pressent au bar pour comman der des cichetti à un euro, équivalents des tapas anda louses. Plus tard, ils rejoindront peutêtre le campo Santa Margherita, dans le sestiere de Dorsoduro, quar tier estudiantin où l’on peut écouter la respiration d’une ville qui bouge, qui vit, qui chante. Loin de l’agitation de la ville et de son urbanisme serré, les îles de la lagune recèlent également de nom breux trésors, accessibles en bateaux publics (ligne Alilaguna) : Murano et ses souffleurs de verre, le Lido, son festival et sa longue plage de sable fin, Torcello et le calme poétique de sa basilique, qui se découvrent tôt le matin. A Burano, les petites maisons de couleurs vives, peintes par les femmes de l’île, qui utilisaient des tons criards pour que les pêcheurs reconnaissent leur foyer de loin, émerveillent les rares touristes de ce mois de fé vrier bien frisquet. Rouges vifs, bleu indigo et vert pomme se répondent, tandis que les effluves de pois sons grillés émoustillent les papilles. Retour à Venise pour un dernier verre de Valpolicella – laissons l’amertume du spritz aux Vénitiens – sur les terrasses exposées plein sud des Zattere, et il est déjà l’heure de repartir. Trois jours à Venise, c’est décidé ment trop court.
JULIE GILLET
h Tourisme, dépeuplement, acqua alta : de nombreux défis attendent Venise. Mais rien n’effraye la Belle à
Plumes, masques et grelots
+ Les “plus” de Momento À NE PAS MANQUER La visite secrète du Palais des Doges, en petit groupe. Prisons, salles de torture, alcôves, passages secrets : tout ce que le public ne peut voir lors de la visite normale vous sera ici révélé. Visite des “plombs”, d’où Casanova fut le seul à s’évader. Sur réservation uniquement.
SUPERSTITION Deux colonnes ouvrent la place Saint-Marc : l’une est surmontée du lion de Saint-Marc, l’autre de la statue de San Teodoro, ancien patron de Venise, terrassant un dragon. Les Vénitiens ne passent jamais entre ces deux colonnes, car cela porte malheur. Les condamnés à mort y furent exécutés durant des siècles.
DÉNONCIATION Il existait plus de 70 “bouches de la vérité” à Venise. Dans ces boîtes aux lettres à tête de lion placées aux murs des palais des magistrats, chacun pouvait dénoncer les délits de son voisin. Mais attention, en cas de fausse déclaration, le délateur risquait la même peine que celle prévue pour le dénoncé.
MAIS POURQUOI… …les gondoles sont-elles noires ? Jadis, nombreux furent les Vénitiens qui se ruinèrent pour posséder la gondole la plus colorée. Avec la grande épidémie de peste en 1652, cette débauche de couleurs fut jugée inconvenante. Si bien que la République décida qu’elles seraient désormais obligatoirement noires.
CHATS ÉGYPTIENS Les archives de Venise, qui s’étendent sur 78 km, font partie des plus grandes d’Europe. Mais qui dit archives, dit rats. Pour résoudre ce problème, les Vénitiens ramenèrent des bateaux entiers de chats égyptiens. Ce qui explique la présence des longs félins dans la Cité des Doges.
PETIT PRIX Pour ceux que le prix d’une virée en gondole rebute (quelque 80 euros la ½ heure), il en existe un parfait succédané : les traghetti. Ces barques à deux rameurs assurent la traversée de part en part du grand canal pour 50 centimes. Un minimum de pied marin est conseillé !