Une tempête à l'horizon : incertitude politique et

24 FMI, Central African Economic and Monetary Community. (CEMAC): Financial ... Economic Growth, World Bank Economic Review, 19:2, 2005, p. 141-174 ; J ...
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INSTITUT D’ÉTUDES DE SÉCURITÉ

Une tempête à l’horizon Incertitude politique et économique en Afrique centrale Fonteh Akum et Zachary Donnenfeld1

L’Afrique centrale subit des pressions considérables sur plusieurs fronts. Le récent déclin des cours mondiaux des matières premières s’ajoute à une situation financière déjà précaire dans la région. En outre, la forte croissance démographique exacerbe les défis liés à la piètre qualité des services de base, tandis que l’incertitude entourant les transitions politiques à venir suscite le pessimisme. En dépit des graves problèmes auxquels elle est confrontée, l’interdépendance des approches politiques régionales et nationales constitue la meilleure occasion de promouvoir la paix et la prospérité dans la région.

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 11 | JANVIER 2018

Éléments principaux  emédier à l’épineux R problème de la capture de l’État et de la gouvernance pseudo-démocratique par des régimes sclérosés  romouvoir une P complémentarité économique régionale  iversifier les économies grâce D à des investissements dans les domaines de l’agriculture et de l’environnement Créer des infrastructures de transport régional interconnectées Relier les investissements dans les infrastructures aux biens sociaux

La baisse des prix des matières premières, amorcée depuis 2014, a déclenché une crise économique en Afrique centrale. Elle a mis en évidence les contradictions structurelles existantes et les lignes de fracture sociopolitiques au sein des économies de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) qui dépendent fortement du pétrole. À court terme, les perspectives économiques de la région sont peu reluisantes. Après avoir enregistré une croissance moyenne d’à peine 0,6 % en 2016, le Fonds monétaire international (FMI) ne prévoit qu’une faible amélioration en 2017 avec des projections à 1 %. La Guinée équatoriale a été la plus durement touchée, avec une contraction de 10 % de son PIB. Le Tchad et la République du Congo ont également connu une croissance négative en 2016. Seuls la République centrafricaine (RCA) et le Cameroun pourraient enregistrer une croissance annuelle supérieure à 4 % dans un futur proche 2. Graphique 1 : Régions de l’Afrique centrale et occidentale

Mali

Niger Tchad

Sénégal

Soudan

Burkina Faso Guinée-Bissau

 romouvoir l’élaboration de P politiques novatrices fondées sur des données probantes

Bénin Togo

 aloriser les femmes et les V jeunes de la région

Introduction

Côte d’Ivoire

Cameroun

République centrafricaine

Guinée équatoriale Gabon République du Congo

CEMAC

République démocratique du Congo

UEMOA

Tableau 1 : Informations générales sur les pays3 Pays (par ordre Population alphabétique) (en millions)

Au pouvoir depuis

23.4

Paul Biya

1982

Gabon

1.9

Ali Bongo

20094

Guinée équatoriale

1.2

Teodoro Obiang Nguema

1979

République centrafricaine

4.6

Faustin-Archange Touadéra

2016

République du Congo

5.1

Denis Sassou Nguesso

19795

Idriss Déby

1990

Cameroun

Tchad

2

Président

14.6

UNE TEMPÊTE À L’HORIZON : INCERTITUDE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE CENTRALE

Afin d’absorber les chocs résultant de la baisse des recettes publiques provoquée par l’effondrement des prix des matières premières, les pays de la région ont sollicité le FMI et adopté des plans de sauvetage négociés globalement dans le cadre de la Facilité élargie de crédit (FEC)6. Toutefois, une réponse macroéconomique ne peut à elle seule remédier à la dimension politique sousjacente des défis auxquels ces pays sont confrontés. Ce rapport met délibérément l’accent sur les six pays de la CEMAC compte tenu de la similarité de leurs trajectoires historiques et de leur proximité géographique. Ce document ne propose pas une évaluation institutionnelle minutieuse de la CEMAC ou, plus largement, de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC)7, bien qu’il reconnaisse le rôle central que ces deux organisations devraient jouer dans la promotion de l’intégration régionale et dans la mise en place d’un programme politique axé sur le développement humain à même d’améliorer la sécurité.

La question clé est de savoir si l’Afrique centrale est en mesure d’échapper aux perturbations qui la menacent Si une analyse approfondie des pays demeure nécessaire, les régions n’en constituent pas moins des objets d’analyse pertinents. Les études d’ordre régional fournissent une perspective plus large permettant une meilleur compréhension des interconnexions caractéristiques du monde actuel ainsi que les effets des processus affectant les pays voisins. Bien que ce rapport s’attarde brièvement sur certains indicateurs nationaux, il vise principalement à étudier la trajectoire de la région et à situer celleci dans un contexte africain. Un examen détaillé des caractéristiques spécifiques des États membres serait nécessaire afin d’orienter les décisions politiques de leurs dirigeants, mais l’exhaustivité d’une telle analyse dépasse le cadre du présent rapport. Ce document, dont le principal objet d’analyse est la CEMAC, vise à resituter les dynamiques politiques complexes de la région dans le contexte des changements structurels qui se produisent au sein des systèmes démographiques, sociaux et économiques.

D’une manière générale, et malgré leurs différences flagrantes, la caractéristique commune des Etats de la CEMAC est un système de gouvernance néopatrimoniale qui accorde peu d’attention à la promotion du développement humain collectif. Dans ce contexte, la question clé est de savoir si l’Afrique centrale est en mesure d’échapper aux perturbations qui la menacent. Ce rapport se base à la fois sur une analyse des tendances politiques et socioéconomiques actuelles et sur des données et des prévisions générées par les modèles de l’International Futures (IF) – un programme élaboré et hébergé au sein du Frederick S. Pardee Center for International Futures de la Josef Korbel School of International Studies de l’université de Denver. L’objectif est de dégager les principales tendances en termes de développement jusqu’à l’horizon 2040 et de les resituer dans le contexte plus large des réalités sociales et politiques des pays de la CEMAC8. Encadré 1 : Le programme International Futures L’IF est un modèle d’évaluation intégré à long terme qui exploite des données historiques (plus de 4 000 séries) pour tracer des tendances et fournir des prévisions sur des centaines de variables pour 186 pays, sur la période allant de 2015 à 2100. L’IF propose trois principaux types d’analyse : une exploration historique qui cherche à comprendre comment les systèmes se sont développés jusqu’ici ; une analyse baptisée « Trajectoire actuelle » qui étudie la direction que les systèmes semblent prendre compte tenu des politiques actuelles et des conditions environnementales ; et, enfin, l’élaboration de scénarios alternatifs à savoir l’exploration d’énoncés du type « si X, alors Y » quant à l’avenir. L’IF fournit des analyses à la fois empiriques et prospectives des politiques publiques qui permettent d’encadrer l’incertitude entourant les trajectoires de développement des pays (ou de groupes de pays) dans un certain nombre de systèmes de développement. Il aide également ses utilisateurs à réfléchir plus systématiquement aux potentialités en devenir et aux objectifs de développement afin de proposer des solutions plus holistiques aux problèmes de sécurité humaine en Afrique.

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 11 | JANVIER 2018

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Perspectives régionales comparatives Selon la Banque africaine de développement, les tendances récentes en matière de gouvernance en Afrique témoignent d’une demande croissante en faveur d’une amélioration des conditions économiques et d’un renforcement de la reddition de comptes dans le domaine des politiques publiques9. Ces résultats sont amplement corroborés par ceux du sondage Afrobaromètre le plus récent, lequel révèle que près des trois quarts des répondants pensent que leurs députés et leurs conseillers n’écoutent « jamais » ou « rarement » leurs électeurs et que moins de la moitié des Africains évaluent de manière positive le travail de leurs députés ou de leurs conseillers10. En outre, en 2016, le problème le plus fréquemment cité dans les réponses au sondage était l’incapacité des gouvernements à lutter contre le chômage11. Toutefois, il s’agit là d’une photo d’ensemble, et les tendances observées à l’échelle continentale peuvent occulter certains défis auxquels les mécanismes de gouvernance font face et qui influencent la participation, l’accès, l’exclusion et la prestation de services de base aux niveaux régional et national. Dans le tableau 2 sont présentés les scores moyens obtenus par les différentes régions africaines, ainsi que les moyennes africaine et mondiale, dans les catégories suivantes : type de régime (Polity IV), respect des libertés civiles et politiques (Freedom House), efficacité des gouvernements (Banque mondiale), perception de la corruption (Transparency

International) et qualité de la gouvernance (Fondation Mo Ibrahim)12. Ce tableau illustre clairement l’ampleur du problème de la mauvaise gouvernance dans l’espace CEMAC. Les réticences à une reduction des obstacles à l’établissement d’une gouvernance d’avantage à l’écoute et porteuse d’efficacité proviennent souvent des plus hauts niveaux de l’Etat. Il faut ajouter à cela l’apathie des fonctionnaires dans la mise en œuvre efficace de l’intégration régionale. Ces deux fondateurs ont contribué à la formation de ce qui pourrait s’avérer être un véritable boulversement dans l’espace CEMAC. Ces choix de politique publique ont de réelles répercussions sur la soutenabilité de la reprise économique, sur le développement humain à long terme, et sur la sécurité collective et la stabilité aux niveaux national et régional.

Les régimes ont fait preuve d’une grande créativité pour élaborer des stratégies de conservation du pouvoir Par ailleurs, les clivages politiques se sont figées dans une région où les régimes ont fait preuve d’une grande créativité pour élaborer des stratégies de conservation du pouvoir. Outre la RCA, qui a connu une transition postconflit tumultueuse en 2016, le régime le plus jeune de la région est le Tchad, où le président est en poste depuis 27 ans. Au Gabon, la famille Bongo

Tableau 2 : Sélection d’indicateurs de gouvernance pour différentes régions de l’Afrique comparés aux moyennes africaine et mondiale13 Zone géographique

Type de régime (de -10 à +10)

Libertés civiles et politiques (de 0 à 14)

Efficacité des gouvernements (de 0 à 5)

Corruption (de 0 à 10)

Indice Mo Ibrahim de la gouvernance africaine (de 0 à 1)

CEMAC

-3.1

3.6

1.3

2.3

0.40

UEMOA

4.2

8.5

1.6

2.6

0.44

SADC

4.3

8.0

2.0

3.6

0.46

CEA

2.2

7.1

1.7

2.8

0.45

CEDEAO

4.4

8.0

1.6

2.9

0.46

Afrique

2.1

6.6

1.7

3.0

0.45

Monde

3.2

8.1

2.4

4.0

N/A

Note : Chacun de ces indicateurs a été adapté de manière à ce qu’un score plus élevé représente de meilleurs résultats. Sources : Polity IV, Freedom House, Banque mondiale, Transparency International et Fondation Mo Ibrahim.

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UNE TEMPÊTE À L’HORIZON : INCERTITUDE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE CENTRALE

est au pouvoir depuis 1967. Les présidents de la Guinée équatoriale, du Cameroun et de la République du Congo, sont, quant à eux, en place depuis respectivement 38, 35 et 33 années (non consécutives pour le dernier). La comparaison avec les prévisions de l’analyse de type « Trajectoire actuelle » de l’IF permet de resituer les réalités politiques, sécuritaires et économiques en Afrique centrale dans le cadre des changements structurels plus larges qui s’opèrent à l’échelle de la région dans des domaines tels que la démographie, les services sociaux et les infrastructures de base. Combinant cette analyse macro à une expertise poussée de la région, ce rapport conjuge une analyse macro à une conaissance pointue de la région pour proposer une meilleure compréhension des réponses collectives les plus susceptibles de renforcer efficacement la sécurité humaine en Afrique centrale. Afin de contextualiser davantage cette analyse, les pays de la CEMAC sont évalués à l’aune des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)14. Ce choix se justifie par le fait que les pays de l’UEMOA et de la CEMAC partagent une histoire coloniale commune, même si au cours de la dernière décennie, les pays de l’UEMOA (à l’exception du Togo) ont résolument opté pour une actualisation de la gouvernance démocratique en phase avec la tendance en cours dans la zone géographique élargie de la CEDEAO. Il s’explique également par la congruence économique des deux régions dont la monnaie (le franc CFA) est indexée à l’euro par un système de taux de change fixe. L’introduction d’une comparaison interrégionale permet de mettre en lumière les évolutions différentes de ces pays et souligne la nécessité de mettre l’accent sur des solutions durables aux crises interdépendantes que connaît la zone concernant la gouvernance, le sous-développement, la gestion économique et l’intégration et la coopération régionales.

Les présidents de la Guinée équatoriale, du Cameroun et de la République du Congo, sont, quant à eux, en place depuis respectivement 38, 35 et 33 années Alors qu’elles sont souvent percues commes des épreuves, certaines des évolutions de l’Afrique les plus débattues pourraient s’avérer être de véritables opportunités si les gouvernements venaient à effectuer les bons investissements adéquats. Par exemple, selon une lecture optimiste de la transition démographique qui se produit aujourd’hui dans la CEMAC, les pays d’Afrique centrale pourraient jouir d’une main-d’œuvre abondante dans les prochaines décennies. Cependant, sans investissement suffisant dans le capital humain, les infrastructures de base et les services sociaux, cet accroissement démographique pourrait se transformer en un catalyseur d’instabilité (ce qui sera expliqué plus en détail dans les sections suivantes)15. En 2017, la population totale de la zone CEMAC s’élevait à environ 51 millions d’habitants. La production pétrolière cumulée pour l’année 2016 était estimée à environ 950 000 barils par jour16, la RCA étant le seul pays de la région à ne

±51 millions POPULATION TOTALE DANS L’ESPACE CEMAC EN 2017

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 11 | JANVIER 2018

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pas avoir enregistré de production pétrolière. La baisse des prix du pétrole brut a frappé la zone de plein fouet.

reste fortement dépendante de ces ressources, en particulier de l’énergie.

En raison d’une mauvaise gestion économique, tous les pays de la CEMAC ont dû solliciter divers programmes d’ajustement structurel mis en œuvre par le FMI à la fin des années 1980 — et se conformer à leurs exigences. À l’exception du Gabon et de la Guinée équatoriale, qui ont connu à la fin des années 1990 une forte croissance générée par le secteur pétrolier, les pays de la zone ont par la suite également bénéficié d’un allègement de la dette au titre de l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés) et ont atteint le point d’achèvement de cette initiative17. Toutefois, un certain laxisme dans les politiques macroéconomiques, une dépendance continue à l’égard de la rente issue des ressources naturelles et les brusques fluctuations du prix de ces dernières les ont amenés à frapper à nouveau à la porte du FMI en quête d’une aide financière, dans le cadre de la Facilité élargie de crédit. À terme, cette nouvelle série d’emprunts devra s’accompagner d’une plus grande prudence budgétaire, mais elle ne suffira pas à surmonter du jour au lendemain les défis auxquels la région est confrontée en termes de développement humain et de sécurité.

Si le secteur agricole dans les pays de la CEMAC a significativement plus de poids que la moyenne africaine (d’environ 18 %), la part du secteur énergétique de ces pays est quant à elle près de 75 % plus importante que la moyenne continentale. Les États et leurs citoyens sont donc particulièrement exposés aux dangers de ce que l’on appelle « la malédiction des ressources » (voir plus en détail ci-dessous) et sont ainsi vulnérables aux baisses futures des prix des matières premières, avec ce que cela implique d’effets concomitants sur la croissance économique, la gouvernance et la sécurité.

Le tableau 3 indique que si la proportion des revenus pétroliers dans le produit intérieur brut (PIB) a diminué de manière significative depuis 1991 dans la plupart des pays de la CEMAC (à l’exception de la Guinée équatoriale), ceux-ci restent largement tributaires des cours des produits primaires et des ressources naturelles. En effet, l’économie des pays de la CEMAC

Les pays de la CEMAC partagent un niveau élevé d’inégalités par rapport à la moyenne africaine Le graphique 2 retrace la trajectoire historique de la croissance économique des différents pays de la région (excepté la Guinée équatoriale) depuis 1985, et présente une projection de cette trajectoire jusqu’à l’horizon 2040. En tant que bloc régional, la CEMAC devrait voir sa croissance annuelle moyenne limitée à 3,9 % entre 2017 et 2040. L’on observe des variations relativement importantes entre certains pays — la République du Congo connaîtrait ainsi la croissance la plus rapide (5,1 % par an) et la Guinée équatoriale la plus lente (1,7 % par an) —

Tableau 3 : Poids des ressources naturelles dans l’économie Pays (par ordre alphabétique)

PIB par habitant 2015 (USD)

Pétrole (% du PIB) 1991

Pétrole (% du PIB) 2015

Dépendance aux matières premières (% du PIB) 2015

Cameroun

1 244

5.3

1.4

31.8

Gabon

7 388

23.1

9.9

26.6

Guinée équatoriale

10 347

0.4

14.7

38.5

348

0.0

0.0

47.7

1 712

24.3

18.1

33.6

777

S.O.

6.8

45.9

République centrafricaine République du Congo Tchad

Source : Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde.

6

UNE TEMPÊTE À L’HORIZON : INCERTITUDE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE CENTRALE

Graphique 2 : Évolution du PIB des pays d’Afrique centrale (1985–2040)18 20

Taux de croissance du PIB

15 10 5 0 -5

Cameroun

RCA

Tchad

Congo

40 20

35 20

30 20

25 20

20 20

15 20

10 20

05 20

00 20

95 19

90 19

19

85

-10

Gabon

Source : IF v. 7.31 initialisée à partir de données du FMI.

alors que les autres États de la région devraient voir leur PIB croître d’environ 4 % par an jusqu’en 2040. Bien que la croissance économique soit une condition nécessaire à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration du développement humain sur le continent en général et dans la région en particulier, elle ne peut cependant pas à elle seule parvenir à ce résultat. Si la croissance économique doit demeurer une priorité, les États membres de la CEMAC doivent néanmoins être conscients que certains aspects structurels de leurs économies compliqueront les efforts visant à stimuler une croissance inclusive et pourraient même mettre en péril leur stabilité. Parallèlement à l’extension des services de base (que nous traiterons dans une section ultérieure), les gouvernements doivent prendre des mesures pour diversifier leurs économies, les rendre moins dépendantes du secteur primaire et réaliser des investissements stratégiques dans le capital humain de manière à outiller leurs populations en vue de dynamiser l’économie. Outre une histoire marquée par les conflits et le sous-développement chronique, les pays de la CEMAC partagent un niveau élevé d’inégalités par rapport à la moyenne africaine. Avec un coefficient de Gini moyen d’environ 0,44 (sur 1), la CEMAC est le deuxième espace géographique le plus inégalitaire du continent (après l’Afrique australe qui enregistre un coefficient de 0,52). Ainsi, la RCA (0,57) et la Guinée équatoriale (0,52) figurent parmi les 15 États les plus inégalitaires au monde, occupant respectivement les 5e et 12e rangs du classement. Afin de comprendre les liens entre conflits et stabilité sociale, il est important de tenir compte des facteurs qui produisent et sous-tendent les inégalités et de savoir comment ils peuvent servir de fondement aux mobilisations sociales et, le cas échéant, à la violence19.

D’ICI 2040, LA POPULATION DE LA RÉGION CEMAC AUGMENTERA D’ENVIRON 

75%

ET DÉPASSERA LA BARRE DES 90 MILLIONS D’HABITANTS

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 11 | JANVIER 2018

7

Une démographie en évolution D’ici 2040, la population de la région CEMAC augmentera d’environ 75 %, passant de 51 millions d’habitants en 2016 à plus de 90 millions. À titre de comparaison, la population totale des pays de l’UEMOA s’élevait à 116,7 millions d’habitants en 2016. Cette croissance démographique est alimentée par un taux de fécondité qui demeure élevé et par une espérance de vie croissante. En 2015, le taux de fécondité des pays de la CEMAC était nettement supérieur à la moyenne africaine (5,1 naissances par femme contre 4,6). Les projections de l’IF prévoient le maintien de cette tendance jusqu’en 2040. Par ailleurs, bien que le taux de fécondité des pays de la CEMAC soit actuellement inférieur à celui du groupe témoin que constitue l’UEMOA (5,6 naissances par femme en 2015), on peut déduire de manière anticipé que cet indicateur diminuera beaucoup plus rapidement dans les pays du bloc ouest-africain. Le graphique 3 présente les taux de fécondité des pays de la CEMAC et de l’UEMOA, ainsi que la moyenne africaine, de 1955 à 2040. Il met en évidence la stagnation relative de la fécondité dans les pays de la CEMAC par

rapport au groupe de référence que constituent les pays de l’UEMOA. Il montre également la longue période d’augmentation de la fécondité des pays de la CEMAC et de l’UEMOA, avant l’amorce d’un déclin régulier au tournant des années 1980.

L’espérance de vie moyenne dans les pays de la CEMAC devrait demeurer bien en deçà de la moyenne continentale Cette divergence dans l’évolution des taux de fécondité est à mettre sur le compte de deux facteurs distincts. Le premier est l’usage de moyens de contraception qui devrait s’accélérer beaucoup plus rapidement dans les pays de l’UEMOA. Si, à l’heure actuelle, le pourcentage de femmes des pays de la CEMAC qui ont recours à un moyen de contraception est environ 7 points de pourcentage plus élevé, cet écart devrait se réduire à environ 1 point de pourcentage d’ici 2040. Le deuxième facteur, qui n’est d’ailleurs pas sans lien avec le premier, est l’évolution de la parité filles-garçons

Graphique 3 : Évolution du taux de fécondité dans les pays de la CEMAC et de l’UEMOA de 1955 à 2040 8 7.5

Nombre de naissances par femme

7 6.5 6 5.5 5 4.5 4 3.5

CEMAC

UEMOA

Afrique

Source : IF v. 7.31 initialisée à partir de données du PNUD.

8

UNE TEMPÊTE À L’HORIZON : INCERTITUDE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE CENTRALE

40 20

35 20

30 20

25 20

20 20

15 20

10 20

05 20

00 20

95 19

90 19

85 19

80 19

75 19

70 19

65 19

60 19

19

55

3

dans le domaine de l’éducation, laquelle est beaucoup plus rapide dans les pays de l’UEMOA. Cette parité, qui peut être considérée comme un bon indicateur général quant à l’égalité de l’accès à l’éducation, se mesure en calculant le ratio filles/garçons dans le système scolaire. En 2013, ce ratio était à peu près le même dans les deux régions au premier cycle de l’enseignement secondaire, avec environ 0,8 fille scolarisée par garçon scolarisé. Cependant, les pays de l’UEMOA devraient passer plus rapidement à un système dans lequel les filles et les garçons auront un accès égal à l’enseignement primaire et au premier cycle de l’enseignement secondaire20. Il a été démontré que l’accès au premier cycle du secondaire en particulier constituait un puissant vecteur de réduction du taux de fécondité et d’accroissement de la productivité économique21. L’espérance de vie moyenne à la naissance devrait augmenter d’environ 13 %, passant de 57 ans aujourd’hui à plus de 64 ans en 2040. Cette progression est supérieure à celle de la moyenne africaine, laquelle devrait croître d’environ 10 % sur la même période. Cependant, en 2040, l’espérance de vie moyenne dans les pays de la CEMAC (64,4 ans) devrait encore être bien en deçà de la moyenne continentale (69 ans), ce qui illustre l’ampleur du sous-développement dont souffre aujourd’hui la région. On comprend mieux l’ampleur des défis posés par la rapidité de cette croissance démographique lorsque l’on

observe les pressions qu’elle exerce sur la prestation des services de base. Avec une croissance démographique projetée de 75 % au cours des 23 prochaines années, les États verront la demande d’accès à ces services augmenter sensiblement. Selon cette projection, les pays de la CEMAC auront une population en âge de travailler (c’est à dire âgée de 15 à 65 ans) supérieure de plus de 90 % à celle d’aujourd’hui. Cela signifie que d’ici 2040, ces États devront accroître leur offre dans les domaines de l’éducation, des infrastructures et de l’emploi pour quelque 25 millions de personnes supplémentaires22.

La croissance démographique devrait connaître une accélération plus rapide que l’accès aux services de base Plus important, ces projections indiquent qu’en 2040 environ 34 millions de personnes de l’espace CEMAC n’auront pas accès à des installations d’assainissement améliorées, que près de 26 millions de personnes vivront avec moins de 1,90 dollar US par jour, qu’environ 18 millions d’individus n’auront pas accès à l’eau courante et que plus de 14 millions d’adultes n’auront pas bénéficié d’un enseignement primaire. Il est d’autant plus décourageant de constater que ces chiffres sont en nette augmentation par rapport à ceux de 2017, comme le montre le tableau 4.

Tableau 4 : Évolution de la population des pays de la CEMAC qui n’ont pas accès aux services de base et sans possibilités d’emploi Indicateurs (en millions de personnes)

2017

2030

2040

Évolution de 2017 à 2040

16.3

18.8

17.9

1.6

1.5

1.6

1.4

0.1

Population sans accès à un assainissement amélioré

18.4

27.5

34.4

16

Population en âge de travailler (de 15 à 64 ans)

27.9

41

53.5

25.6

Adultes n’ayant pas bénéficié de l’enseignement primaire

10.7

13.1

14.3

3.6

9.9

13.9

17

7.1

16.6

22.2

26

9.4

Population sans accès à l’eau courante Enfants souffrant de dénutrition

Individus souffrant d’un retard de croissance Population vivant dans l’extrême pauvreté

Note : Les nombres en rouge indique une augmentation du nombre absolu de personnes et ceux en vert, une diminution. Source : IF v. 7.31 initialisée à partir de données de la Banque mondiale, du Projet conjoint OMS/UNICEF de suivi, de la FAO, du PNUD et de l’Institut des données statistiques de l’UNESCO.

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Avoir une large portion de sa population en âge de travailler constitue potentiellement un moteur de croissance économique et un vecteur de prospérité accrue pour un pays. Cependant, pour que ce potentiel puisse se réaliser, encore faut-il que cette population dispose des infrastructures de base et qu’elle bénéficie d’une éducation et des autres services essentiels à même de la préparer à entrer dans une économie quaternaire. Sans investissements en ce sens, cette même population peut devenir un facteur d’instabilité et de violence23. Il est attendu que d’ici 2040 les pays de la CEMAC élargissent l’accès aux services de base à une plus grande proportion de leurs citoyens. Cependant, la croissance démographique devant connaître une accélération plus rapide que la fourniture de ces services, le nombre absolu de personnes en étant dépourvues augmentera sans aucun doute. Ainsi, bien qu’il soit prévu que la part d’individus souffrant d’un retard de croissance passe de 20 % de la population actuelle à environ 18,8 % de la population projetée en 2040, leur nombre absolu augmentera probablement de plus de 7 millions au cours de la même période.

La meilleure façon d’illustrer ce problème est peut-être de comparer la projection du pourcentage de personnes vivant dans l’extrême pauvreté avec celle du nombre absolu d’individus vivant avec moins de 1,90 dollar US par jour. Le graphique 4 met en contraste le nombre absolu (barres) et le pourcentage (ligne) de personnes soumises à ces conditions.

Il est attendu que d’ici 2040 les pays de la CEMAC élargissent l’accès aux services de base En dépit d’une diminution de 39 % à environ 30 % entre 2017 et 2040 de la portion de la population vivant sous le seuil de pauvreté, le nombre absolu de personnes en situation de pauvreté devrait augmenter de près de 10 millions (soit une hausse de 50 %) sur la même période, passant de 16 millions à plus de 25 millions. Malgré la difficulté d’obtenir des estimations fiables concernant le chômage dans ces pays, un rapport du FMI datant de 2016 conclut que « la pauvreté et le chômage restent élevés, en particulier chez les jeunes24 ».

Graphique 4 : Évolution de l’extrême pauvreté en nombres absolus (millions de personnes) et en pourcentage de la population totale dans l’espace CEMAC, sur la période 2016-2040 (en utilisant une moyenne mobile sur cinq ans) 41

30

25

37

20

35 15 33 10

31

5

29 27 26 20 27 20 28 20 29 20 30 20 31 20 32 20 33 20 34 20 35 20 36 20 37 20 38 20 39 20 40

25

20

24

20

23

20

22

20

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Des millions de personnes

Pourcentage

Source : IF v. 7.31 initialisée à partir de données de la Banque mondiale.

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UNE TEMPÊTE À L’HORIZON : INCERTITUDE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE CENTRALE

Des millions de personnes

Pourcentage de la population

39

Autre conséquence de cet accroissement rapide de la population, la région CEMAC devrait accueillir près de 10,5 millions de jeunes supplémentaires (population âgée de 15 à 29 ans) dans un espace géographique déjà marqué par une explosion démographique de la jeunesse, dont la proportion par rapport à la population adulte totale (âgée de plus de 29 ans) est très importante. Bien qu’une légère diminution de cette proportion soit prévue, passant d’environ 49 % de la population adulte d’aujourd’hui à environ 44 % de celle de 2040, les recherches indiquent que le risque d’instabilité est beaucoup plus important dans les pays dont la proportion des jeunes dépasse la barre des 40 %25. Le poids démographique de la jeunesse, conjugué à la montée des inégalités, au chômage et au dysfonctionnement de la gouvernance, constitue à long terme un cocktail explosif26. Ceci est particulièrement vrai dans une région dont l’histoire est riche en coups d’État, en guerres civiles et en diverses formes de protestations et de conflits.

La gouvernance dans l’espace CEMAC À l’exception de la partie occidentale du Cameroun, pays bilingue, et de la Guinée équatoriale hispanophone, les pays de la CEMAC partagent un certain nombre de similitudes historiques, ayant été gouvernés collectivement dans le cadre d’une entité coloniale appelée « l’Afrique équatoriale française » (AEF). Comme la plupart des États africains postcoloniaux, les dirigeants de la région se sont engagés dans un processus de centralisation bureaucratique et politique avec la création de systèmes à parti unique, la mise en place d’économies planifiées par l’État et l’institutionnalisation de régimes présidentiels hautement personnalisés.

Comme la plupart des États africains postcoloniaux, les dirigeants de la région se sont engagés dans un processus de centralisation bureaucratique et politique Malgré ces similitudes historiques, les pays de la CEMAC connaissent des trajectoires bien différentes depuis leur indépendance. Les transitions politiques dans la région ont été essentiellement le fruit de coups d’État, le Cameroun faisant figure d’exception. Le premier coup d’État militaire que connaît la région a lieu en 1964 au Gabon. Il est de courte durée, puisque le président renversé Léon Mba est ramené au pouvoir par les troupes françaises. D’autres renversements du pouvoir réussis suivent néanmoins en RCA (1966), en République du Congo (1968), au Tchad (1975) et en Guinée équatoriale (1979). Cependant, la récente apparition d’une pratique dynastique de la gouvernance, qui se manifeste pour la première fois en 2009 au Gabon lorsqu’Ali Bongo succède à son défunt père Omar Bongo, est susceptible d’influencer les futures transitions politiques alors que les régimes en place cherchent à perpétuer leur emprise sur le pouvoir. En Guinée équatoriale, Teodorin Obiang Nguema

MALGRÉ CERTAINES SIMILITUDES HISTORIQUES, LES PAYS DE LA CEMAC CONNAISSENT DES TRAJECTOIRES BIEN DIFFÉRENTES DEPUIS LEUR INDÉPENDANCE

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 11 | JANVIER 2018

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a été promu par son père au poste de premier vice-président en juin 2016, ce qui fait de lui, selon la Constitution, le successeur désigné du président en cas de vacance. En République du Congo, nombreux sont ceux qui pensent que Denis-Christel Sassou Nguesso, député d’Oyo élu sous la bannière du Parti congolais du travail (PCT), se préparerait à succéder à son père. Malgré une légitimité limitée, une petite élite politique parvient depuis des décennies à se maintenir au pouvoir dans les pays de la région, sur un registre allant d’un autoritarisme pur et dur à une démocratie de façade complexe. Ces régimes se sont distingués par leur habileté lorsque, confrontés aux demandes de reconfiguration politique de la troisième vague de démocratisation des années 199027 et, malgré l’impact des chocs économiques extérieurs, ils ont réussi à conserver leur mainmise sur le pouvoir. Leur préférence s’est portée sur des systèmes présidentiels fortement personnalisés soutenus par des réseaux clientélistes reposant principalement sur des marchandages et des collusions entre élites et chefs traditionnels.

Les prix élevés des produits de base peuvent inciter certains acteurs malhonnêtes à s’emparer de l’État considéré soudain comme un butin Ces coalitions au pouvoir établissent également des majorités parlementaires à l’épreuve du quorum afin d’asseoir leur pouvoir sur les institutions législatives. Au Cameroun, par exemple, le parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, a remporté 148 des 180 sièges de l’Assemblée nationale lors des dernières élections législatives. Au Gabon, le Parti démocratique gabonais contrôle, quant à lui, 113 des 120 sièges du Parlement, alors qu’en Guinée équatoriale, 99 des 100 députés du pays sont des élus du Parti démocratique et qu’en République du Congo, le Parti congolais du travail a fait élire 91 députés sur 151 sièges. L’objectif de ces régimes est de prendre — et de conserver — le contrôle de toutes les institutions de l’État afin de rester indéfiniment au pouvoir. Bien évidemment, les ressources et les efforts visant à faire bénéficier à un groupe restreint de personnes des avantages de l’État sont déployés au détriment de l’inclusion politique et de la responsabilisation des institutions gouvernementales. Ce phénomène contribue à pérenniser des accords politiques inéquitables et à saper la légitimité des gouvernements de la région. LE CAMEROUN EST LE SEUL PAYS DE LA RÉGION SUPPOSÉ TENIR DES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES EN 2018

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Le climat politique actuel En 2016, des élections présidentielles extrêmement disputées ont eu lieu en RCA, au Tchad, en République du Congo, en Guinée équatoriale et au Gabon sur fond de crise économique régionale. À l’exception des élections de transition qui se sont tenues en RCA, les scrutins organisés dans les autres pays ont été suivis de conflits. L’opacité des processus électoraux

UNE TEMPÊTE À L’HORIZON : INCERTITUDE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE CENTRALE

a privé les électeurs de leur droit de vote et a permis de garantir la réélection des candidats sortants. Ces élections ont également ouvert la voie à une succession politique de type dynastique dans la plupart des pays de la CEMAC.

Le Cameroun, seul pays de la région supposé tenir des élections présidentielles en 2018, est également aux prises avec des violences identitaires, alors que le président sortant, Paul Biya, au pouvoir depuis 35 ans, devrait à nouveau présenter sa candidature.

En RCA, les élections ont marqué une nouvelle étape dans la transition du pays de la guerre vers la paix, Faustin-Archange Touadéra ayant succédé à la présidente du Conseil national de transition, Catherine Samba-Panza. En République du Congo, après avoir réussi à modifier la Constitution en novembre 201528 pour briguer un autre mandat, Denis Sassou Nguesso a été réélu en 2016. Depuis ce référendum constitutionnel, un certain nombre de plates-formes d’opposition (aussi connues sous le vocable « coalitions ») ont boycotté la conférence de dialogue national qui s’est tenue en mars 2017 et au cours de laquelle les participants ont convenu de porter le nombre de sièges à l’Assemblée nationale de 139 à 151. Ces mêmes groupes d’opposition ont par la suite refusé de prendre part aux élections législatives, locales et sénatoriales.

Résistance et répression

Au Gabon, Bongo a profité de l’absence de limitation du nombre de mandats présidentiels pour se faire réélire au terme d’un scrutin âprement disputé face à Jean Ping, ancien président de la Commission de l’Union africaine. La crise postélectorale qui s’en est suivie, conjuguée au déclin économique du pays, a empêché l’organisation des élections législatives initialement prévues en 2017.

Il n’est pas surprenant que les élections de 2016 aient débouché sur une vague de contestations sociales et politiques De son côté, Teodoro Obiang Nguema a facilement remporté la dernière élection présidentielle en Guinée équatoriale après le boycott des élections par le principal groupe d’opposition démocratique. De même, Idriss Déby a été réélu pour un cinquième mandat au Tchad après avoir coupé l’accès à Internet et à d’autres services de télécommunication le jour du scrutin. Au cours des dernières décennies, les progrès politiques sont limités au sein de la région et, par conséquent, de nombreux pays sont actuellement confrontés à des crises politiques exacerbées par des conditions économiques particulièrement défavorables.

Dans une région qui compte, selon l’ONG Freedom House et son rapport sur la liberté dans le monde, quelques-uns des régimes les plus répressifs d’Afrique subsaharienne29, il n’est pas surprenant que les élections de 2016 aient débouché sur une vague de contestations sociales et politiques. Au Gabon, l’opposition continue de contester la légitimité du processus électoral, et certains groupes ont boycotté le dialogue national qui s’est déroulé entre mars et mai 2017. Organisé par le gouvernement, il visait à discuter de mesures politiques à même de prévenir de futures violences postélectorales. En République du Congo, le gouvernement a lancé une offensive militaire contre la milice Ninja dans la région du Pool, juste après l’annonce des résultats des élections présidentielles, en réponse à une attaque contre des installations gouvernementales dans les quartiers sud de Brazzaville. L’offensive se poursuit à ce jour et, en août 2017, environ 81 000 personnes avaient été déplacées30. Entre-temps, les élections en RCA n’ont pas réussi à stabiliser le pays, les milices continuant à contrôler plus de 70 % du territoire national31. Même le Tchad a vu éclore des mouvements de contestation dirigés par des associations étudiantes sur les campus et des syndicats dans l’espace public. La Guinée équatoriale est le seul pays de la région à ne pas avoir connu de mouvement de contestation, car la répression intense n’y laisse que peu de place aux crises postélectorales32. Les individus et les groupes qui s’opposent à ces régimes essentiellement soucieux de leur propre survie sont portés par un ensemble d’acteurs appelant à une reconfiguration des espaces politique et économique. D’un côté, les manifestants font preuve de résilience dans leurs revendications en faveur d’un changement systémique. De l’autre côté, les États font usage avec succès de leurs capacités coercitives, en dépit du marasme économique qui les touche. Cette confrontation se traduit par une escalade de la violence, tant dans les protestations populaires que dans la répression étatique.

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 11 | JANVIER 2018

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La dépendance aux ressources La complexité des dynamiques qui alimentent une telle concurrence pour le contrôle de l’État dans les pays de la CEMAC est aggravée par la forte dépendance de ceux-ci à l’égard des produits primaires. Les pays tirant une grande partie de leurs revenus de ce type de produits sont exposés à ce que l’on appelle la « malédiction des ressources naturelles33 ». Cette malédiction est souvent associée à des produits de base ponctuels et de grande valeur comme les diamants, le pétrole et les drogues illicites, mais aussi à des produits de moindre valeur comme le café, le cacao et autres cultures de plantation34. Si la malédiction des ressources peut avoir des conséquences négatives sur l’appréciation de la monnaie sous la forme du « syndrome hollandais », dans les États africains, les dangers sont avant tout d’ordre politique35. Le phénomène de la malédiction des ressources se manifeste lorsque la présence de ressources susceptibles de faire l’objet de disputes « accentue la concurrence pour le contrôle de l’État » et sape le développement d’une bonne gouvernance et d’institutions solides par le biais d’une « dépendance implicite à l’extraction dans la vie économique36 ». En d’autres termes, les États disposant d’une abondance de ressources facilement extractibles n’ont pas besoin d’investir dans le développement d’un contrat social avec leurs citoyens parce qu’ils jouiraient d’une source intarissable de revenus. Cette abondance, qui a des effets néfastes sur la reddition de comptes, alimente la corruption à grande échelle et élimine en grande partie la nécessité d’élargir l’assiette fiscale du pays. La rente provenant des ressources fournit donc aux élites dirigeantes un « cadeau » qu’elles utilisent pour acheter les allégeances politiques.

La violence entretenue et déployée à travers les réseaux transfrontaliers représente un danger supplémentaire pour la sécurité de l’État et des personnes Si cette manne peut suffire en période d’abondance, ces États sont à court de liquidités rapidement et de manière inopiné lorsque les prix des matières premières baissent subitement, comme ce fut le cas du pétrole en 2014. De tels épisodes mettent en lumière la fragilité des systèmes de clientélisme politique fondés sur les ressources et peuvent contraindre les régimes à recourir à la violence faute d’incitatifs fiduciaires suffisants.

LA BAISSE SUBITE DES PRIX DES MATIÈRES PREMIÈRES PEUT CONTRAINDRE LES RÉGIMES À RECOURIR À LA VIOLENCE

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De plus, si la baisse des prix des matières premières peut compliquer la gouvernance des pays dont les capacités sont déjà faibles, des cours élevés des produits de base sont susceptibles d’inciter certains acteurs malhonnêtes à s’emparer de l’État considéré soudain comme un butin. Lors de l’envolée des cours des produits de base, « les prix élevés facilitent la répression, incitent à contester le contrôle politique et facilitent le financement d’insurrections37 ». Ces pressions concurrentielles font que les États — conscients de la nature cyclique des cours des produits de base — sont plus enclins à maintenir

UNE TEMPÊTE À L’HORIZON : INCERTITUDE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE CENTRALE

une emprise serrée sur le pouvoir politique et moins susceptibles de vouloir s’attaquer à la corruption dans le secteur public.

Les autres acteurs non étatiques Ces luttes coexistent avec d’autres menaces plus graves pour la sécurité nationale. La violence entretenue et déployée à travers les réseaux transfrontaliers par des acteurs non étatiques organisés représente un danger supplémentaire pour la sécurité de l’État et des personnes. Boko Haram, qui sévit dans le bassin du lac Tchad, a provoqué une situation d’urgence humanitaire dans les régions périphériques du Nigeria, du Niger, du Tchad et du Cameroun. En RCA, le fractionnement de l’ex-Seleka et des groupes anti-balaka continuent d’altérer l’économie politique de la violence et contribue à créer un système régional complexe de conflits entre le Tchad, le Soudan du Sud, la République démocratique du Congo et la République du Congo. Bien que ces groupes diffèrent de par leurs origines, leur structure organisationnelle et leur mode de fonctionnement, ils opèrent à travers les frontières dans les régions périphériques où les bénéfices à défier l’autorité de l’État central sont relativement importants.

Les défis à la gouvernance L’Afrique centrale compte actuellement parmi ses chefs d’État certains des présidents les plus âgés et les plus anciens du continent, de sorte qu’un renouvellement des dirigeants semble inévitable d’ici 10 à 15 ans. Étant donné l’historique de la personnalisation du pouvoir présidentiel, les transitions politiques demeureront probablement incertaines, quel que soit leur déroulement. Qu’elles se manifestent par la violence ou dans le cadre d’élections, les transitions politiques dans la région sont susceptibles de se caractériser par des luttes de pouvoir intenses entre personnalités, entre partis politiques et au sein même des partis au pouvoir. Ces problèmes de succession nécessiteront des ajustements politiques, économiques et sociaux fondamentaux à court terme si l’on veut éviter que la région ne tombe dans un cycle continu de violence et de sous-développement.

Ces menaces transfrontalières à la sécurité provoquent des déplacements de populations

Ces menaces transfrontalières à la sécurité provoquent des déplacements de populations et aggravent les facteurs structurels d’instabilité déjà existants. Étant donné que ces menaces sont principalement à l’œuvre dans les régions périphériques d’États dont la fourniture des services essentiels est déjà médiocre — en raison notamment de la faiblesse des capacités gouvernementales dans les zones rurales — le coût d’une intervention au niveau national (ou transnational) est extrêmement élevé. Les crises dans la région du bassin du lac Tchad et en RCA ont provoqué le déplacement de plus de 3,4 millions de personnes, affectant directement la plupart des pays de la région, à l’exception du Gabon et de la Guinée équatoriale.

Les arrangements institutionnels et sociopolitiques qui ont jusqu’à présent assuré la pérennité des régimes se sont souvent faits au détriment de la transparence et de la reddition de comptes, portant atteinte à l’ordre constitutionnel. En sapant la participation politique, ils ont accru l’imprévisibilité des transitions politiques imprévisibles. Un cadre permettant de mieux appréhender les pressions démographiques, économiques et sociales qui accompagneront l’évolution politique des prochaines années et des prochaines décennies aiderait les décideurs et les praticiens à mieux se préparer aux défis à venir.

Les défis de la gouvernance au sein des États se superposent aux menaces à la sécurité régionale pour exacerber la violence structurelle et aggraver des conflits existants qui semblent déjà insolubles. La planification et la mise en œuvre de politiques novatrices et prospectives devraient reposer sur une meilleure compréhension empirique de l’interaction entre ces dynamiques politiques et économiques et les priorités en matière de développement humain et social.

L’Afrique centrale a été particulièrement affectée par la vague de concurrence politique qui a déferlé sur le continent africain dans la période de l’après-guerre froide. En 1996, tous les États de la CEMAC, jusqu’alors monopartites, avaient adopté, d’un point de vue strictement technique, des constitutions multipartites et avaient ostensiblement adhéré aux normes démocratiques. Le graphique 5 montre le caractère abrupt de la transition des pays de la CEMAC vers une

La politique de la période post guerre froide

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 11 | JANVIER 2018

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Graphique 5 : Évolution du type de régime dans les espaces CEMAC, UEMOA et SADC à l’échelle de l’Afrique entre 1985 et 2017

Notes de l’indicateur Polity IV (entre -10 et +10)

6 4 2 0 -2 -4 -6 -8

CEMAC

UEMOA

Afrique

17 20

15 20

13 20

11 20

09 20

07 20

05 20

03 20

01 20

99 19

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89 19

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19

85

-10

SADC

Source : IF v. 7.31 initialisée à partir de données de Polity IV.

démocratie nominale après l’effondrement de l’Union soviétique. Bien que les transitions démocratiques ne posent pas de problèmes intrinsèques, les recherches suggèrent que les régimes mixtes (aussi appelés « anocraties ») sont généralement plus instables que les démocraties à part entière ou que les autocraties38. Utilisant les données du projet Polity IV du Center for System Peace (CSP), le graphique 5 reprend certaines caractéristiques institutionnelles pour établir une classification des régimes sur un spectre allant de -10 (monarchies héréditaires) à +10 (États entièrement démocratiques)39. Les pays obtenant une note comprise entre -10 et -6 sont catégorisés comme des autocraties, ceux dont la note est égale ou supérieure à +6 sont répertoriés comme des démocraties, et ceux dont la note se situe entre -6 et +6 sont considérés comme des régimes mixtes ou des anocraties. Les recherches du CSP suggèrent que les anocraties sont environ six fois plus susceptibles que les États démocratiques de connaître un important changement de régime au cours d’une période donnée de cinq ans40. Paradoxalement, les pays de la CEMAC ont réussi à éviter bon nombre des problématiques inhérentes

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aux régimes mixtes en restant en deçà du seuil quasi démocratique ou à l’extrémité autoritaire du spectre. Les dirigeants des pays de la CEMAC ont adopté les attributs de la démocratie tout en refusant à leurs citoyens les véritables choix censés l’accompagner. Les partis au pouvoir profitent de leur position pour empêcher l’opposition de remporter des élections prétendument multipartites. Après près de trois décennies de « démocratie », la région n’a connu que deux transferts démocratiques de pouvoir. Le premier s’est produit en République du Congo en 1992, et le second en République centrafricaine en 1993. Ces deux brèves occurrences de transition démocratique n’ont néanmoins guère fait évoluer les pratiques démocratiques. Le graphique 6 illustre l’évolution du type de régime des différents pays de la CEMAC entre 1985 et 2017. Il montre que chacun d’entre eux s’est dirigé, dans une certaine mesure, vers une plus grande démocratisation après la chute du mur de Berlin. Cependant, comme en témoigne la récente vague de répressions postélectorales au Tchad, au Gabon et en République du Congo, ces pays ont tous connu des reculs démocratiques plus ou moins marqués depuis le milieu des années 1990.

UNE TEMPÊTE À L’HORIZON : INCERTITUDE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE CENTRALE

Graphique 6 : Évolution du type de régime dans les pays de la CEMAC entre 1985 et 2017

Notes de l’indicateur Polity IV (entre -10 et +10)

6 4 2 0 -2 -4 -6 -8

Cameroun

RCA

Tchad

Guinée équatoriale

17 20

15 20

13 20

11 20

09 20

07 20

05 20

03 20

01 20

99 19

97 19

95 19

93 19

91 19

89 19

87 19

19

85

-10

République du Congo Gabon

Source : IF v. 7.31 initialisée à partir de données de Polity IV.

En outre, tous les pays de la CEMAC demeureront probablement sous le seuil démocratique, dans la catégorie des régimes mixtes ou des anocraties d’ici 2040, avec les conséquences que cela implique en termes d’instabilité et de conflits. Ce problème pourrait être encore plus sérieux si ces anocraties connaissaient un degré élevé de factionnalisme.

La région n’a connu que deux transferts pacifiques de pouvoir d’un président vivant et d’un parti politique à un autre Les recherches de Goldstone et al. révèlent en effet que les démocraties partielles à haut degré de factionnalisme sont particulièrement instables. Le factionnalisme se caractérise par la présence de « factions politiques locales ou ethniques engagées de façon récurrente dans une lutte d’influence politique afin de promouvoir leurs intérêts particuliers et de favoriser les membres du groupe au détriment d’intérêts communs, laïques ou transversaux41 ». Plus important encore, les particularités sociopolitiques et économiques de la gouvernance des démocraties

partielles — ou pseudo-démocraties — expliquent la pérennité et la stabilité relative des régimes des pays de la région CEMAC. En dépit d’une politique régionalement factionnalisée, ces régimes sont parvenus à obtenir la collaboration de l’élite des principaux groupes d’opposition régionaux et ethniques pour les intégrer au gouvernement, créant ainsi un semblant de représentativité. Étant donné que les pays contraints de subir ce type de favoritisme politique (c’est-à-dire les anocraties marquées par un degré élevé de factionnalisme) sont 30 fois plus susceptibles de connaître un épisode d’instabilité42, les transitions politiques consécutives au renversement ou au départ d’un président représentent des phases critiques devant être habilement menées. Cela est particulièrement le cas dans l’espace CEMAC, la quasi-totalité des pays de la région étant fortement factionnalisée sur le plan ethnique ou religieux. Comme indiqué plus haut, la région n’a connu que deux transferts pacifiques de pouvoir d’un président vivant et d’un parti politique à un autre. Cependant, même ce chiffre est susceptible d’exagérer la qualité de la démocratie dans les pays de la CEMAC. Paradoxalement, le retour du multipartisme politique

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 11 | JANVIER 2018

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en République du Congo a également coïncidé avec la militarisation des partis politiques43 et le glissement du pays vers la guerre civile en 1997. En RCA, AngeFélix Patassé, qui a succédé à André Kolingba en 1993 après sa victoire électorale, est renversé dix ans plus tard par François Bozizé. Le présidence de François Bozizé a ensuite mené la RCA à la guerre civile. L’élection de Touadéra à la présidence centrafricaine en 2016 s’est déroulée dans le contexte d’une transition politique post-guerre civile imposée par une solide présence internationale. Afin de consolider leur régime dans le contexte du multipartisme d’après 1991, tous les États membres de la CEMAC ont élaboré des stratégies qui allient, à divers degrés, cooptation et répression. Cela dit, même après la période de recul démocratique évoquée plus haut, tous ces pays sont plus inclusifs qu’avant la chute du mur de Berlin. Cet état de fait témoigne d’une progression régulière sur la voie de l’inclusion dans une grande partie de l’Afrique par rapport aux classements antérieurs à 1990.

Les transitions politiques Les transitions politiques représentent donc des moments critiques susceptibles de déstabiliser la région. Au cours de la période de l’après-guerre froide, les pays de la CEMAC sont rapidement passés de régimes

autoritaires à des anocraties, malgré que les mêmes dirigeants et les mêmes partis politiques se soient maintenus au pouvoir. Ayant accepté à contrecœur de donner à leurs institutions un visage démocratique face aux pressions internes et externes, ces États n’ont toutefois pas mis en œuvre les réformes nécessaires à une véritable démocratisation. Ainsi, selon l’ONG Freedom House, la région continue à afficher les scores les plus faibles en matière de libertés civiles et politiques. Selon les données de Polity IV, la CEMAC persisterait à avoir les régimes les moins démocratiques. La région enregistre également les notes les plus défavorables de toutes les régions d’Afrique dans une myriade d’autres indicateurs de gouvernance. Une observation par pays révèle également peu de variations. Bien que le Gabon surclasse nettement les autres pays dans la plupart des catégories, la crise politique provoquée par la mauvaise gestion des élections présidentielles de 2016 et la répression qui s’en est suivie, est susceptible de faire ses résultats44. Le tableau 5 présente les valeurs les plus récentes (2014) pour les mêmes mesures de gouvernance que celles figurant dans le tableau 2, mais pour les pays de l’espace CEMAC. Bien que quelques pays obtiennent de meilleurs résultats en ce qui concerne certains aspects de la gouvernance, une

Tableau 5 : Sélection d’indicateurs de gouvernance pour les pays de la CEMAC comparés à la moyenne africaine45 Pays/Région

Type de régime (de -10 à +10)

Libertés civiles et politiques (de 0 à 14)

Efficacité des gouvernements (de 0 à 5)

Corruption (de 0 à 10)

Indice Mo Ibrahim de la gouvernance africaine (de 0 à 1)

Cameroun

-4

4

1.8

3.4

0.45

RCA

-1

2

0.66

2.5

0.25

Tchad

-2

3

1

2.9

0.34

République du Congo

-4

5

1.4

2.5

0.43

Guinée équatoriale

-6

2

1.1

1.9

0.35

Gabon

3

5

1.8

3.6

0.52

Afrique

2.7

6.6

1.7

3

0.49

Note : Chacun de ces indicateurs a été adapté de manière à ce qu’un score plus élevé représente de meilleurs résultats. Sources : Polity IV, Freedom House, Banque mondiale, Transparency International et Fondation Mo Ibrahim.

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vision d’ensemble du tableau révèle une gouvernance plutôt médiocre pour un certain nombre d’indicateurs par rapport à la moyenne continentale. Comme le montre le tableau 5, la plupart des pays de la CEMAC souffrent d’une mauvaise gouvernance. À l’exception du Gabon (et dans une certaine mesure du Cameroun), les pays de la CEMAC se situent en dessous de la moyenne africaine pour la majorité des indicateurs de gouvernance retenus. Certains États, comme la Guinée équatoriale et la RCA, figurent même parmi les pays les moins bien classés au monde pour les indicateurs choisis46.

Défis sécuritaires et accroissement de la violence Des groupes armés non étatiques de plus en plus présents L’Afrique centrale est confrontée à des menaces sécuritaires extrêmement tenaces tant à l’intérieur de certains de ses États qu’à ses frontières extérieures, ce qui engendre un certain nombre d’implications aux niveaux national, régional et international. Basé au Nigeria, Boko Haram sévit à travers le Tchad et le Cameroun. Ce type de réseaux transfrontaliers fournit aux organisations extrémistes violentes des infrastructures de soutien sur lesquelles elles s’appuient pour lancer des attaques contre les civils, les entreprises et les infrastructures d’État. En RCA, la remobilisation des factions armées après l’élection de Touadéra en mars 2016 constitue un test pour les efforts post-transition de consolidation de l’État puisqu’elle représente un défi important au rétablissement d’un ordre centralisé et du monopole étatique de l’usage légitime de la force. Malgré la présence des quelque 12 400 Casques bleus de la Mission multidimensionnelle de stabilisation intégrée des Nations unies en RCA (MINUSCA), une grande partie de l’Est du pays reste sous le contrôle de groupes armés non étatiques, dont beaucoup sont fragmentés. Selon le Groupe d’experts de l’ONU sur la RCA, ces acteurs ont mis en place des mécanismes pour assurer un certain ordre, fournir des services de base, percevoir des revenus fiscaux et même s’approprier l’aide humanitaire dans le but d’asseoir leur occupation territoriale47. De telles pratiques mettent en péril l’existence même de l’État, tout en posant de sérieux risques d’insécurité et d’instabilité transfrontalières.

En République du Congo, un groupe armé connu sous le nom des « Ninjas » a réapparu après les élections présidentielles de mars 2016. Ce groupe, qui a combattu des milices rivales pendant la guerre civile de 1997-1999, a attaqué des installations administratives dans certains districts du sud de Brazzaville et a perturbé les réseaux de transport de la région du Pool. Le gouvernement a réagi en avril 2016 en lançant des opérations militaires afin de procéder à l’arrestation de leur chef. Cette offensive a provoqué un enlisement du conflit dans la région du Pool, zone à laquelle les journalistes et les organisations humanitaires n’ont guère eu accès. La guerre en cours dans cette région menace la survie du régime dans un contexte de grave crise économique.

Les trafics illicites Les réseaux de trafiquants d’êtres humains et l’éclatement du conflit dans le sillage du printemps arabe et de l’intervention subséquente de l’OTAN en Libye ont affecté le Tchad d’une manière très directe. La menace sécuritaire posée par la situation en Libye est telle qu’en janvier 2017 le Tchad a fermé sa frontière nord avec la Libye. À sa frontière orientale, N’Djamena a également dû faire face à la crise persistante qui touche le Darfour.

L’Afrique centrale est confrontée à des menaces sécuritaires extrêmement tenaces Sur la côte atlantique, la piraterie dans le golfe de Guinée met en péril la sécurité maritime et constitue une menace claire et immédiate pour les opérations pétrolières au Cameroun, au Gabon, en Guinée équatoriale et en République du Congo. La plupart de ces menaces sécuritaires ont engendré des réponses concertées à l’échelle régionale. La Force multinationale mixte (FMM) a, par exemple, été réactivée pour jouer un rôle central dans la lutte contre Boko Haram. La FMM est un mécanisme de sécurité collective créé sous les auspices de la Commission du bassin du lac Tchad et composé de troupes du Nigeria, du Niger, du Bénin, du Cameroun et du Tchad48. L’inauguration en 2014 d’un centre régional pour la sécurité maritime en Afrique centrale à Pointe-Noire (République du Congo)

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témoigne de la volonté de la région à faire face aux menaces qui pèsent sur sa sécurité maritime. Cependant, ces initiatives de sécurité collective sont entachées par des allégations de violations flagrantes des droits de l’homme documentées par certaines organisations internationales de défense des droits de l’homme49.

Les violences à caractère politique Les données du projet Armed Conflict Location and Event Dataset (ACLED) suggèrent que les pays de la CEMAC pourraient être confrontés à une recrudescence de violences à caractère politique. Hormis la Guinée équatoriale, où la répression politique est profondément enracinée, le nombre d’actes de violence politique signalés augmente régulièrement depuis 2012.

concentrent principalement dans la zone du bassin du lac Tchad de la région du Grand Nord Cameroun. La résurgence d’une crise anglophone dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun depuis novembre 2016 remet en perspective la question de la montée de la violence politique dans le pays. Au cœur de la crise actuelle se trouve la marginalisation dont souffrent historiquement les communautés anglophones, en particulier dans les instances gouvernementales, dans l’appareil judiciaire et dans le système éducatif.

Le nombre d’actes de violence politique signalés augmente régulièrement depuis 2012

Cependant, il convient de distinguer les incidents violents extrémistes des violences à caractère politique, ce que le codage des données de l’ACLED ne permet pas. Cette distinction est peut-être la plus évidente au Cameroun, où les incursions de Boko Haram ont provoqué depuis 2012 une augmentation significative du nombre d’actes de violence perpétrés contre les civils, actes que l’on pourrait qualifier de violences extrémistes. Ces attaques se

L’approche adoptée par le gouvernement face à cette question, entre répression et apaisement, semble n’avoir eu pour effet que de conforter les partisans de l’indépendance des deux régions anglophones du Cameroun. La conception de cette crise de la part de l’État camerounais comme un jeu à somme nulle et son positionnement assumé en tant que force unioniste

Graphique 7 : Évolution du nombre d’actes signalés de violence à caractère politique dans les pays de la CEMAC (hors RCA) de 1997 à 2016

Nombre d’actes signalés de violence à caractère politique

350 300 250 200 150 100 50

Cameroun

Tchad

Guinée équatoriale

Gabon

Source : Données africaines de l’ACLED, version 7.

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UNE TEMPÊTE À L’HORIZON : INCERTITUDE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE CENTRALE

République du Congo

16 20

15 20

14 20

13 20

12 20

11 20

10 20

09 20

08 20

07 20

06 20

05 20

04 20

03 20

02 20

01 20

00 20

99 19

98 19

19

97

0

opposée aux anglophones sécessionnistes ont conduit à une recrudescence de la violence.

nombre d’incidents signalés dans les autres pays de la CEMAC.

Le graphique 7 présente l’évolution des actes de violence politique signalés dans les différents pays de la CEMAC (à l’exclusion de la RCA) entre 1997 et 2016. L’on observe une augmentation significative de ces incidents dans la plupart des pays de la CEMAC (à l’exception de la Guinée équatoriale) depuis 2012/2013, la région connaissant dans son ensemble une recrudescence spectaculaire de ces actes. Encore une fois, c’est au Cameroun que cet accroissement est le plus marqué, le pays ayant vu le nombre d’incidents violents à caractère politique multipliés par 10 entre 2012 et 2016. La rivalité politique qui a conduit au référendum constitutionnel en République du Congo en novembre 2015 et le déclenchement de la guerre dans la région du Pool en avril 2016, après les élections, expliquent la légère montée de la violence politique dans ce pays.

Le double défi que posent les menaces sécuritaires aux frontières de la région d’une part et les pressions internes à ses États membres d’autre part justifie de mener des recherches transversales, novatrices et prospectives afin d’orienter la planification des politiques. Toutefois, la volonté politique des États de la région est également indispensable pour mettre en œuvre efficacement tant les politiques traitant des problèmes de sécurité que les initiatives visant à s’attaquer aux causes profondes des défis politiques et sécuritaires de la région.

La RCA connaît des niveaux élevés de violence depuis le renversement du gouvernement de Bozizé par la Seleka en 2013. Comme le montre le graphique 8, le nombre d’actes de violence politique dans le pays éclipse donc le

Des besoins élémentaires de développement Outre une carence généralisée de bonne gouvernance et les risques sécuritaires qui en découlent, la région souffre également d’un sous-développement chronique qui transparaît sur un large éventail d’indicateurs de développement humain. Le tableau 6 montre les niveaux moyens d’accès de la population aux services essentiels ainsi que d’autres mesures du bien-être humain pour

Graphique 8 : Évolution du nombre d’actes signalés de violence à caractère politique dans tous les pays de la CEMAC de 1997 à 2016 Nombre d’actes signalés de violence à caractère politique

1 600 1 400 1 200 1 000 800 600 400 200

Cameroun

République centrafricaine

Tchad

Guinée équatoriale

Gabon

16 20

15 20

14 20

13 20

12 20

11 20

10 20

09 20

08 20

07 20

06 20

05 20

04 20

03 20

02 20

01 20

00 20

99 19

98 19

19

97

0

République du Congo

Source : Données africaines de l’ACLED, version 7.

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Tableau 6 : Performance des différents pays de la CEMAC par rapport à la moyenne africaine dans divers indicateurs du développement humain Pays/Région (par ordre alphabétique)

Effectifs du premier cycle de l’enseignement secondaire (%)

Mortalité infantile

IDH

Accès à l’eau potable (%)

Assainissement (%)

Espérance de vie

64

50.4

0.53

70.6

38.9

61.9

Cameroun

66.6

62.8

0.52

75.6

45.8

57.6

Gabon

75.9

37.9

0.68

93.3

41.9

65.6

Guinée équatoriale

39.1

65.5

0.59

47.9

21.9

57.4

RCA

21.8

87.4

0.35

68.5

21.8

51.4

République du Congo

65.8

42.7

0.59

76.5

15

63.9

25

86

0.4

50.8

12.1

52.5

Afrique

Tchad

Source : Banque mondiale, Projet conjoint de suivi OMS/UNICEF, OMS, FAO, PNUD et Institut de statistique de l’UNESCO.

l’année 2015 dans les pays de la CEMAC. Ces chiffres sont comparés à la moyenne africaine. Le tableau 6 met en évidence le lourd retard de la région dans le domaine du développement humain et économique. Certains pays obtiennent de meilleurs résultats que la moyenne africaine pour certains indicateurs, mais pas pour d’autres. Le Cameroun peut, par exemple, se targuer de niveaux plus élevés que la moyenne africaine pour l’accès à l’eau courante et un assainissement amélioré, mais l’espérance de vie des Camerounais est toujours plus faible, la mortalité infantile plus élevée et l’indice de développement humain (IDH) plus bas que la moyenne continentale. De même, la République du Congo enregistre des scores favorables en ce qui concerne l’espérance de vie, la mortalité infantile et l’IDH, mais, donnée choquante, seulement 15 % de la population du pays a accès à des installations sanitaires améliorées. Plus important peut-être, la RCA et le Tchad obtiennent des résultats bien inférieurs à la moyenne africaine dans tous les aspects du bien-être humain sélectionnés. Dans certains secteurs, les défis à surmonter sont considérables. Ainsi, ces deux pays devraient plus que doubler leur taux de scolarisation au premier cycle de l’enseignement secondaire pour égaler la moyenne africaine de 2015. Un tel exploit, s’il se concrétisait, serait toutefois insuffisant pour qu’ils parviennent à atteindre l’Objectif de développement durable qui vise

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l’universalisation de l’enseignement secondaire d’ici à 2030. Par ailleurs, le Tchad devrait plus que tripler l’accès aux installations sanitaires améliorées pour atteindre la moyenne continentale de 39 %, alors que l’espérance de vie en RCA est inférieure de plus de 10 ans à la moyenne africaine.

Pas de solutions aisées en vue Le FMI n’a de cesse de préconiser aux pays de la région une diversification de leurs économies50. Cela implique d’importants investissements dans le secteur agricole afin d’en améliorer la productivité, une baisse de la dépendance aux hydrocarbures pour assurer la croissance économique, et, plus largement, une transition à une économie manufacturière et de services. Ces pays n’étant pas au même niveau, leurs stratégies de diversification respectives varieront quelque peu, mais elles auront en commun un objectif similaire : une plus grande indépendance vis-à-vis des produits de base. Outre cette réduction de la dépendance à l’égard des produits primaires, le FMI recommande aux pays de la région de mettre en œuvre un ajustement budgétaire pour stabiliser les budgets à court terme, tout en s’efforçant de créer un environnement commercial plus favorable, de rétablir la sécurité macroéconomique et de renforcer le secteur financier. Ce vaste ensemble d’ajustements des politiques économiques, conjugué à une gouvernance démocratique responsable, à une diversification encore plus large de l’économie et à des

UNE TEMPÊTE À L’HORIZON : INCERTITUDE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE CENTRALE

investissements parallèles dans le développement humain, pourrait ouvrir la voie à un avenir plus sûr et plus prospère pour l’Afrique centrale. En revanche, la mise en œuvre de programmes d’austérité trop ambitieux et la priorité donnée à la stabilité macroéconomique au détriment du développement humain et de la démocratisation de la gouvernance pourraient générer de nouvelles tensions. Tous les pays de la CEMAC se sont engagés à diversifier leurs économies et à améliorer leur efficacité, en particulier dans le secteur agricole. Cependant, les investissements réalisés dans ce domaine à travers la région n’ont pas encore donné lieu à des améliorations significatives. L’augmentation de la productivité agricole aurait pourtant des répercussions sur l’emploi et la sécurité alimentaire.

Si l’on tient compte du fait que la famille Bongo est au pouvoir au Gabon depuis 1967, en moyenne, en 2017, les présidents de la région étaient en poste depuis 28,5 ans Bien que la CEMAC soit l’une des régions les plus productives du continent sur le plan agricole, produisant environ 33 % de plus par personne que la moyenne africaine, la région importe près de 8 % de sa consommation agricole totale. Même dans un scénario où les rendements moyens passeraient d’environ 2,5 à 3,7 millions de tonnes métriques par hectare entre 2014 et 2040, les importations nettes représenteraient d’ici là plus de 30 % de la demande agricole totale. Cette dépendance accrue à l’égard des denrées alimentaires importées pourrait rendre la région encore plus vulnérable à la fluctuation extérieure des prix et aux effets néfastes des changements climatiques. La dépendance grandissante à l’égard des denrées alimentaires importées, en dépit d’un accroissement net de la production agricole, s’explique en grande partie par l’essor démographique de la région. Cette tendance est susceptible de mener à des conflits, comme le prouvent les manifestations de 2008 sur les prix des denrées alimentaires au Cameroun.

Conclusion Les défis économiques et politiques s’accumulent dans l’espace CEMAC et les perspectives d’avenir sont compromises par un éventail complexe de risques sécuritaires. Les querelles politiques entourant la mauvaise gestion des processus électoraux, se révèlent difficiles à dénouer dans un contexte de réduction des recettes publiques causée en partie par l’effondrement des prix des produits de base. Il en résulte une situation qui entrave l’exercice de leur droit de vote par les electeurs; et marginalise d’importants groupes sociaux. Les lignes de fractures entre groupes d’opposition se sont renforcées dans une région où les régimes font preuve d’une habileté croissante pour maintenir leur emprise sur le pouvoir. Si l’on tient compte du fait que la famille Bongo est au pouvoir au Gabon depuis 1967, en moyenne, en 2017, les présidents de la région étaient en poste depuis 28,5 ans.

LES PERFORMANCES DE LA RCA ET DU TCHAD SONT BIEN EN DESSOUS DE LA MOYENNE AFRICAINE DANS TOUS LES ASPECTS DU BIEN-ÊTRE HUMAIN

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 11 | JANVIER 2018

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Du fait de ces régimes sclérosés, les États de la CEMAC connaissent de nouvelles vagues de contestation politique qui puisent leurs racines dans des revendications d’ordre social. Ces tensions internes ébranlent le faux sentiment de durabilité des régimes et de stabilité politique des pays. Devant la persistance de ces tensions, l’absence de visibilité au sujet des successions présidentielles génère une incertitude qui perturbe le climat des affaires et met en péril la stabilité à long terme d’une région dont les présidents sont vieillissants. Cette incertitude est aggravée par la volatilité des prix des produits de base et la forte dépendance à l’égard des rentes tirées de la production d’hydrocarbures. La stagnation économique provoquée par la chute des cours mondiaux du pétrole a contraint les États de la région à réduire leurs dépenses publiques. Étant donné que la croissance démographique impose une demande de plus en plus forte de fourniture de services essentiels, les gouvernements sont voués à subir des pressions populaires, et ce, sur plusieurs fronts. Les régimes dont l’action est davantage guidée par le souci de se maintenir au pouvoir que par celui de répondre aux revendications sociales, politiques et économiques légitimes d’une majorité de leurs citoyens attisent le mécontentement et mettent en péril, à long terme, la paix et leur propre sécurité. L’action de la plupart des dirigeants des pays de la région est malheureusement mue par cette préoccupation.

L’imbrication de ces dynamiques sociales, politiques et économiques exige une planification stratégique à long terme La croissance rapide de la population de la CEMAC imposera une forte pression sur les gouvernements de la région qui devront fournir des services à 40 millions de personnes supplémentaires au cours des 23 prochaines années. Entre-temps, les nombreuses menaces sécuritaires transfrontalières, combinées aux demandes pressantes de réformes qui se multiplient depuis cinq ans dans les pays de la zone, et au marasme économique actuel, pourraient s’avérer catastrophiques.

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L’imbrication de ces dynamiques sociales, politiques et économiques exige une planification stratégique à long terme ainsi que des interventions stratégiques judicieuses pour éviter des conséquences dévastatrices. Alors que les États réfléchissent aux mesures économiques appropriées à adopter afin de remédier à la baisse de leurs recettes fiscales, il est nécessaire d’associer celles-ci, au niveau national, à des réformes politiques signalant une véritable évolution en faveur de normes de gouvernance démocratique dont le respect serait garanti au niveau régional. Chaque État de l’espace CEMAC est confronté à des défis politiques et économiques spécifiques. Il va de soi que les gouvernements des pays de la région doivent mener leurs transitions politiques et économiques respectives en tenant compte du contexte social plus large dans lequel celles-ci s’opèrent, ce qui implique des variations selon les pays. Néanmoins, les défis présentés dans ce rapport doivent être envisagés comme étant imbriqués aux niveaux national et régional, d’où la nécessité de concevoir des solutions qui reflètent leur caractère interdépendant. En outre, la CEMAC dispose d’une architecture régionale pouvant être mise à profit pour relever les défis économiques et sécuritaires communs des pays de la région. Dans cette optique, les pays de l’espace CEMAC devraient s’efforcer d’approfondir leur coopération régionale dans le but de : • Régler l’épineux problème de la capture de l’État par des régimes sclérosés et de leur gouvernance pseudo-démocratique. La longévité des régimes dans la région se fait au détriment d’une gouvernance inclusive, légitime et responsable, les élections s’étant transformées en un simple exercice de validation du statu quo. En ce qui concerne les systèmes de gouvernance reposant sur la personnalisation du pouvoir, les rivalités entourant la succession présidentielle sont inévitables et le caractère pacifique des transitions est loin d’être garanti. Dans ce contexte, le système actuel ne peut être réformé que par le biais d’un dialogue politique ouvert, inclusif et constructif mené par le peuple. La démocratie ne saurait consister en une simple approbation de l’ordre du jour des régimes actuels. De plus, l’efficacité de ces réformes ne peut être garantie que par l’adoption et la mise en œuvre d’un pacte de gouvernance démocratique au niveau régional dont la mise en œuvre pourrait

UNE TEMPÊTE À L’HORIZON : INCERTITUDE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE CENTRALE

aisément s’effectuer par le biais des structures de gouvernance de la CEMAC. • Promouvoir la complémentarité économique régionale. Dans une région couvrant plus de 3 millions de km2 et comptant 51 millions d’habitants, la libre circulation des biens et des personnes est fondamentale pour promouvoir le commerce international. Lors du sommet de la CEMAC de novembre 2017, les chefs d’État et de gouvernement de la région se sont engagés à accélérer le processus d’intégration régionale au niveau politique, mais la mise en œuvre effective et les retombées de cette intégration devront être déterminées sur le long terme. • Œuvrer à la diversification des économies par le biais d’investissements dans les domaines de l’agriculture et de l’environnement. Les gouvernements doivent prendre des mesures pour diversifier leurs économies afin de réduire leur dépendance à l’égard du secteur primaire. Bien que la production agricole de la région soit supérieure à la moyenne africaine, celle-ci reste bien en deçà de ses capacités. Son plein potentiel ne pourra être atteint qu’avec une réelle industrialisation. Alors que la région de l’UEMOA est deux fois plus peuplée que la CEMAC, elle dispose d’environ 10 fois plus de terres équipées pour permettre l’irrigation51. • Les initiatives de soutien à l’économie bleue dans le bassin du Congo — où se situent tous les pays de la CEMAC — sont porteuses d’un formidable potentiel en termes de production agricole industrielle, de développement touristique et de production pharmaceutique, de par l’incroyable biodiversité de la région. • Des investissements pourraient être réalisés dans la recherche, la formation et la productivité afin de permettre la connexion de cette économie bleue au niveau régional et de libérer son potentiel. Cela serait non seulement bénéfique sur le plan économique — avec les perspectives d’emploi d’une main-d’œuvre qualifiée et non qualifiée — mais aussi prometteur sur le plan environnemental. • Construire des infrastructures de transport régional interconnectées. Les deux pays les plus étendus de la région (le Tchad et la RCA) sont enclavés. La mise en place d’une plate-forme d’infrastructure régionale réduirait le temps et les coûts

de transport des marchandises entre les ports et les capitales enclavées. Les infrastructures de transport constituent donc non seulement un moteur de l’économie, mais aussi un secteur économique à part entière doté d’un potentiel prometteur pour la création d’emplois, la prestation de services et la génération de recettes. • Lier les investissements infrastructurels aux biens sociaux. La construction d’infrastructures de base peut contribuer à la réalisation d’objectifs plus larges de développement humain. La fourniture des écoles en eau et l’équipement d’installations sanitaires peut ainsi contribuer à préserver la santé des enfants et leur permettre de poursuivre leur scolarisation sans souffrir de malnutrition et de maladies transmissibles. Par ailleurs, l’accès à l’électricité procure de nombreux avantages pour la santé et permet aux enfants d’étudier plus tardivement à domicile, tandis qu’un meilleur réseau routier facilitera la circulation des personnes vers les écoles et les emplois tout en contribuant à réduire les pertes agricoles.

Une plate-forme d’infrastructure régionale réduirait le temps et les coûts de transport des marchandises • Valoriser les femmes et les jeunes de la région. La seule façon de tirer pleinement parti du capital humain de la région est de permettre à tous les citoyens de prendre une part active dans la prise de décisions politiques, économiques et communautaires. De plus, tous les individus doivent avoir accès aux services de base nécessaires pour rester en bonne santé et parfaire leur éducation. Si elle ne consent pas à effectuer les énormes investissements dans le capital humain qui doivent accompagner l’ouverture de l’espace politique, la région pourrait sombrer dans un cercle vicieux de violence et de sous-développement. • Promouvoir l’élaboration de politiques novatrices fondées sur des données probantes. En présentant une projection des grandes tendances dans la région et en les resituant dans le contexte des dynamiques politiques actuelles, ce rapport a clairement montré la nécessité d’adopter des solutions systématiques et basées sur des données probantes pour contrer les défis auxquels la région de la CEMAC est confrontée.

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 11 | JANVIER 2018

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Un soutien devrait être apporté aux centres de recherche de la région afin qu’ils puissent participer à l’élaboration de politiques à long terme fondées sur des données probantes et orienter les gouvernements dans leurs prises de décisions. Les recommandations exposées ci-dessus sont ambitieuses. Elles sont toutefois nécessaires si les États souhaitent promouvoir la croissance économique, le développement humain et la sécurité humaine. La complexité des défis auxquels la région est confrontée en matière de sécurité, de type de régime et de développement économique et humain peut paraître décourageante. Cependant, c’est justement en raison, et non en dépit de ces défis, que les gouvernements se doivent d’agir sans tarder pour embrasser une approche régionale plus holistique de la planification des politiques publiques.

Notes 1

2

Les noms des auteurs sont classés par ordre alphabétique, mais chacun a contribué à parts égales à la réalisation de cette publication. Fonds monétaire international (FMI), Perspectives de l’économie mondiale 2017, www.imf.org/external/ns/ cs.aspx?id=28.

3

Données provenant de la Banque mondiale (juillet 2017).

4

Le Gabon est gouverné par la famille Bongo depuis 1967.

5

Denis Sassou Nguesso a été président de 1979 à 1992, puis est revenu au pouvoir en 1997 au terme d’une guerre civile.

6

FMI, Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), Staff Report on the Common Policies in Support of Member Countries Reform Programs, 12 juillet 2017, www.imf.org/en/Publications/CR/Issues/2017/07/12/CentralAfricaine-Economic-Economic-et-Monetary-CommunityCEMAC-Staff-Report-on-the-Common-Policies-in-45011.

7

Créée en 1983 par un groupe de 10 pays d’Afrique centrale, l’Angola a été simple pays observateur jusqu’en 1999. La CEEAC a été mise sur pied avec pour objectifs de parvenir à une autonomie collective, d’élever le niveau de vie des populations de la région et de maintenir la stabilité économique grâce à une coopération harmonieuse.

8

L’IF est un modèle d’évaluation intégré de type « open-source ». Voir Frederick S. Pardee Center for International Studies, http:// pardee.du.edu/understand-interconnected-world.

9

Banque africaine de développement, Perspectives économiques en Afrique 2017 : numéro spécial sur l’entrepreneuriat et l’industrialisation, www.afdb.org/fileadmin/ uploads/afdb/Documents/Publications/AEO_2017_Report_ Full_English.pdf.

10 Afrobaromètre, Highlights of Round 6 : Survey Findings from 36 African Countries, 2016, www.afrobarometer.org/sites/default/ files/summary_results/ab_r6_afrobarometer_global_release_

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highlights8.pdf. Il est à noter que le Cameroun est le seul pays de la CEMAC à avoir participé à la dernière enquête Afrobaromètre. Voir www.afrobarometer.org/pays. 11 Ibid. 12 Le groupe de l’Asie du Sud, que la Banque mondiale inclut dans sa liste des groupements régionaux, est composé de l’Afghanistan, du Bhoutan, de l’Inde, des Maldives, du Népal, du Pakistan et du Sri Lanka. 13 En dépit de larges recoupements dans la composition de l’UEMOA et de la CEDEAO, la non-inclusion de pays clés comme le Nigeria et le Ghana au sein de l’UEMOA justifie la prise en compte de la CEDEAO dans ce tableau. 14 Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. 15 C Raleigh, Urban Violence Patterns Across African States, International Studies Review, 17:1, mars 2015. 16 États-Unis, Département de l’Énergie, EIA Beta International, 16 juin 2017, www.eia.gov/beta/international/index. cfm? view=production. 17 Banque mondiale, Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), 10 octobre 2016, www.worldbank.org/en/ topic/debt/brief/ hipc. 18 La Guinée équatoriale a été exclue de ce graphique parce que les taux de croissance supérieurs à 60 % du PIB que le pays a connus au milieu des années 1990 fausseraient l’échelle. 19 C Cramer, Inequality and Conflict: a Review of an Age Old Concern, Institut de recherche des Nations unies pour le développement social (IRNUDS), Programme identités, conflit et cohésion, Document 11, octobre 2005. 20 Bien que les pays de l’UEMOA soient techniquement en mesure de parvenir à la « parité entre les sexes » dans le système éducatif d’ici le terme de cette projection, il est important de souligner qu’au départ, le ratio fille/garçon en premier cycle de l’enseignement secondaire n’était que de 0,38 dans la région. Il faudra des générations pour venir à bout de décennies de telles inégalités. À titre d’exemple, ce n’est que depuis 1995 environ que l’Amérique latine et les Caraïbes affichent un déséquilibre entre les sexes en faveur des femmes au premier cycle de l’enseignement secondaire. 21 J Dickson, B Hughes et M Irfan, Advancing Global Education: Patterns of Potential Human Progress, volume 2, Oxford: Oxford University Press, 2010. 22 Il peut être difficile de trouver des estimations fiables du taux de chômage dans les pays de la CEMAC, en grande partie en raison de l’ampleur de leurs secteurs informels respectifs. Une étude menée en 2013 sur le Tchad, par exemple, a révélé que plus de 90 % de la main-d’œuvre non agricole du pays était employée dans le secteur informel. M Nodja et G Ulrich, Hysteresis in CEMAC Informal Employment, Journal of Quantitative Economics, 13:2, 2015, p. 285-303. Pour une discussion sur les nuances de l’économie informelle, voir D Bohl et al, The Informal Economy in the IFs Model: Final Report to CEPLAN, Pardee Center for International Futures, University of Denver, avril 2015, www.pardee.du.edu/sites/default/files/ Bohl_2015_Ceplan. pdf.

UNE TEMPÊTE À L’HORIZON : INCERTITUDE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE CENTRALE

23 R P Cincotta et al, The Security Demographic: Population and Civil War After the Cold War, Washington DC: Population Action International, 2003 ; C Raleigh, Urban Violence Patterns Across African States, International Studies Review, 17:1, mars2015. 24 FMI, Central African Economic and Monetary Community (CEMAC): Financial System Stability Assessment, avril 2016. 25 R P Cincotta et al, The Security Demographic: Population and Civil War After the Cold War, Washington DC: Population Action International, 2003. 26 C Raleigh, Urban Violence Patterns Across African States, International Studies Review, 17:1, mars 2015. 27 L Diamond, Developing democracy in Africa: African and international imperatives, Cambridge Review of International Affairs, 14:1, 2007, p. 191-213. 28 En République du Congo, une nouvelle constitution a été adoptée par référendum en novembre 2015. Celle-ci relève la limite d’âge des candidats à la présidence, fait passer la durée des mandats présidentiels de sept à cinq ans, mais augmente la limitation du nombre de mandats de deux à trois. 29 Le score moyen de l’indice de Freedom House obtenu par ces pays au cours des 10 dernières années est de 5,5/7 (non libre) pour les droits politiques et de 6/7 pour les libertés civiles. Par souci de simplicité, ces scores ont été inversés dans le modèle de l’IF, de sorte qu’un score plus élevé indique un meilleur classement (en d’autres termes, les scores retenus sont respectivement 1,5/7 et 1/7). 30 Plan d’intervention humanitaire de l’UNOCHA pour la République du Congo, juillet-décembre 2017, 18 août 2017, http://reliefweb.int/rapport/congo/republic-congohumanitarian-response plan-juillet-décembre-2017. 31 International Crisis Group, Éviter le pire en République centrafricaine, Reliefweb, 28 septembre 2017, www.crisisgroup. org/fr/africa/central-africa/central-african-republic/253avoiding-worst-central-african-republic. 32 Human Rights Watch, Equatorial Guinea: Events of 2016, www.hrw.org/world-report/2017/country-chapters/ equatorialguinea. 33 M Ross, The Political Economy of the Resource Curse, World Politics, 51:2, 1999, p. 297-322. 34 J Isham et al, The Varieties of Resource Experience: Natural Resource Export Structure and the Political Economy of Economic Growth, World Bank Economic Review, 19:2, 2005, p. 141-174 ; J Frankel, The Natural Resource Curse: a Survey, National Bureau of Economic Research, 2010. 35 M Humphreys, J Sachs et J Stiglitz, Escaping the Resource Curse, New York City : Columbia University Press, 2007. 36 C Hendrix et M Noland, Confronting the Curse: The Economics and Geopolitics of Natural Resource Governance, Petersen Institute for International Economics, 2014. 37 Ibid., p. 6. 38 Marshall, G Monty et B R Cole, Global Report 2011: Conflict, Governance and State Fragility, Center for Systemic Peace, 2001, p. 12. 39 Polity IV examine six composantes : la réglementation entourant le recrutement des cadres, la compétitivité du recrutement des cadres, l’ouverture entourant le recrutement

des cadres, les contraintes pesant sur l’action des cadres, la réglementation de la participation politique et la compétitivité de la participation politique. Voir Center for Systemic Peace, The Polity Project, www.systemicpeace.org/polityproject.html 40 Polity IV Project, Polity IV individual country regime trends, 1946-2013, www.systemicpeace.org/polity/polity4.htm ; Marshall, G Monty et B R Cole, Global Report 2011: Conflict, Governance and State Fragility, Center for Systemic Peace, 2001, p. 12. 41 J A Goldstone et al, A Global Model for Forecasting Political Stability, American Journal of Political Science, 54:1, 2010, p. 190-208, p. 195. 42 Ibid. 43 Voir R Bazenguissa-Ganga, The Spread of Political Violence in Congo-Brazzaville, dans African Affairs, 98, 1999, p. 37-45 et R Bazenguissa-Ganga, Les milices urbaines au Congo : la transition démocratique et la dissémination des pratiques de violence, African Journal of Political Science, 3:1, 1998, p. 52-69. 44 Le Gabon a un PIB par habitant plus élevé et, par conséquent, l’on pourrait s’attendre à ce qu’il obtienne également des scores plus élevés dans diverses mesures de gouvernance. Il est intéressant de noter que cette tendance ne s’applique pas à la Guinée équatoriale qui a un PIB par habitant élevé, mais dont les scores de gouvernance sont très médiocres. 45 Ceci est particulièrement frappant avec les scores de l’indice de Freedom House sur les libertés civiles et politiques, indice dans lequel les données sont rapportées sur une échelle de 1 à 7, 1 représentant le niveau le plus élevé de libertés. Ces résultats ont été inversés de sorte que 7 devienne 1, et vice versa. 46 La Guinée équatoriale et la RCA se classent parmi les 10 derniers pays du monde en termes de libertés civiles et politiques, tandis que la RCA se range au 4e rang des pays les moins efficaces au monde et que la Guinée équatoriale est perçue comme étant le 11e pays le plus corrompu. 47 ONU, Groupe d’experts des Nations unies sur la République centrafricaine, Bilan à mi-parcours du Groupe d’experts sur la République centrafricaine reconduit dans son mandat par la résolution 2339 (2017) du Conseil de sécurité, www.un.org/ga/ search/ view_doc. asp ? symbol=S/2017/639 (consulté le 16 octobre 2017). 48 Institute for Security Studies (ISS), Assessing the Multinational Joint Task Force against Boko Haram, West Africa Report, 19, septembre 2016. 49 Amnesty International, Cameroon: Amnesty report reveals war crimes in fight against Boko Haram, including horrific use of torture, 20 juillet 2017, www.amnesty.org/en/latest/ news/2017/07/cameroon-amnesty-report-reveals-war-crimesin-fight-against-boko-haram-including-horrific-use-of-torture/. 50 FMI, CEMAC, Staff Report on the Common Policies in Support of Member Countries Reform Programs, 12 juillet 2017, www. imf.org/en/Publications/ CR/Issues/2017/07/12/CentralAfricaine-Economic-Economic-et-Monetary-CommunityCEMAC-Staff-Report-on-the-Common-Policies-in-45011. 51 Données tirées de l’IF, mais dont la source est l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

RAPPORT SUR L’AFRIQUE CENTRALE 11 | JANVIER 2018

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INSTITUT D’ÉTUDES DE SÉCURITÉ

À propos du Rapport sur l’Afrique centrale de l’ISS Le Rapport sur l’Afrique centrale présente les résultats de recherches sur les nouvelles menaces qui pèsent sur la sécurité humaine dans la région. Il propose des analyses quant à l’évolution des conflits ou des menaces à la paix et à la sécurité auxquelles certains pays de la région sont confrontés. Il traite également des principaux défis de la région tels que le terrorisme, les conflits intraétatiques et le crime organisé.

À propos des auteurs Fonteh Akum est chercheur principal au sein du programme de recherche Paix et Sécurité de l’ISS. Auparavant, il a travaillé pour le ministère américain de la Défense et le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique. M. Fonteh est titulaire d’un doctorat en politique et études internationales de la School of Oriental and African Studies de l’université de Londres. Zachary Donnenfeld a rejoint l’ISS en 2015 en tant que chercheur au sein de l’équipe du programme Futurs de l’Afrique et Innovations, basé à Pretoria. Il a précédemment travaillé pour le Frederick S. Pardee Center for International Futures et le Laboratoire sur l’environnement, l’alimentation et les conflits de la Josef Korbel School of International Studies de l’université de Denver.

À propos de l’ISS L’Institut d’études de sécurité établit des partenariats pour consolider les savoirs et les compétences en vue d’un meilleur futur pour l’Afrique. Notre objectif est de renforcer la sécurité humaine en tant qu’outil pour parvenir à une paix et à une prospérité durable. L’ISS est une organisation africaine à but non lucratif ayant des bureaux en Afrique du Sud, au Kenya, en Éthiopie et au Sénégal. L’ISS fait usage de ses réseaux et de son influence pour proposer aux gouvernements et à la société civile des analyses pertinentes et fiables, ainsi que des formations pratiques et une assistance technique.

Remerciements

Ce rapport est publié grâce au soutien de la Fondation Hanns Seidel. L’ISS remercie également pour leur appui les autres membres de son Forum pour le partenariat : l’Union européenne et les gouvernements de l’Australie, du Canada, du Danemark, de la Finlande, de l’Irlande, du Japon, de la Norvège, de la Suède et des États-Unis d’Amérique.

© 2018, Institut d’études de sécurité Les droits des auteurs de l’ensemble de ce volume appartiennent à l’Institut d’études de sécurité et à ses auteurs, et aucune partie ne peut être reproduite, en tout ou en partie, sans l’autorisation expresse, par écrit, des auteurs et des éditeurs. Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles de l’Institut, de ses fiduciaires, des membres du Conseil consultatif ou des donateurs. Les auteurs contribuent aux publications de l’ISS à titre personnel. Image de couverture : © D Julien/Flickr