Troubles fonctionnels intestinaux douloureux : facteurs

américaine des médicaments (Food and Drug Administration, FDA) pour le traitement de la dépression [4]. Ainsi, le nerf vague peut moduler les réponses émotionnelles aux stimulations gastro-intestinales. Vérités et idées fausses. Il est clair que la morbidité psychologique est courante chez les patients atteints de troubles ...
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Troubles fonctionnels intestinaux douloureux : facteurs psychologiques Les syndromes fonctionnels intestinaux douloureux tels que le syndrome de l’intestin irritable et la dyspepsie fonctionnelle (DF) se caractérisent par des douleurs persistantes ou récurrentes inexpliquées au niveau de l’abdomen. Ces syndromes sont fréquemment observés dans le monde entier et peuvent toucher entre 15 et 20 % de la population [3,10,12,15]. Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer ces syndromes, mais deux thèmes majeurs se distinguent dans la littérature clinique [10]. Premièrement, une hypersensibilité viscérale à la distension mécanique est observée chez une sous-population significative de patients et semble être en corrélation avec la douleur post-prandiale [14,18,22]. Deuxièmement, les problèmes psychologiques et psychiatriques sont très fréquents et généralement considérés comme ayant un rôle pathogène, dans la mesure où les patients souffrant de DF sont plus anxieux et déprimés que les sujets témoins en bonne santé [3,12,15,21]. Dans une étude clinique qui comportait des entretiens psychiatriques structurés, les chercheurs ont observé que 87 % des patients atteints de DF présentaient un diagnostic psychiatrique, contre 25 % des patients atteints de dyspepsie organique [15]. Les facteurs psychologiques associés aux patients atteints de DF comprennent les troubles dépressifs majeurs, les troubles anxieux et la somatisation [10,12].

Rôle des facteurs psychologiques dans l’apparition des symptômes gastro-intestinaux Toutes les personnes ayant déjà eu « l’estomac noué » ou des troubles du transit intestinal liés au stress peuvent confirmer le fait que le cerveau peut influencer la fonction et les sensations intestinales. Plusieurs études cliniques semblent indiquer que la comorbidité psychosociale contribue en grande partie à la sévérité de la dyspepsie fonctionnelle et de son impact sur la qualité de vie [19]. Ces observations sont corroborées par de nombreuses recherches expérimentales qui ont lié le stress et la dépression à l’altération du fonctionnement sensori-moteur du tractus gastrointestinal [1,5,6,9,17]. L’ensemble de ces observations a conduit de nombreux scientifiques à penser que les symptômes physiques de la DF reflètent soit une somatisation, soit des troubles de la physiologie du tractus gastro-intestinal supérieur causés par le stress. Il est, en effet, nécessaire de porter une attention particulière à ces facteurs psychosociaux, souvent en concertation avec des professionnels de la santé mentale, pour prendre en charge efficacement les patients atteints de troubles fonctionnels intestinaux.

Rôle des problèmes gastro-intestinaux dans l’apparition des symptômes psychologiques Malgré les études citées ci-dessus, il reste à déterminer si l’association entre les troubles fonctionnels intestinaux et les symptômes psychologiques constitue une cause ou un effet. Pour répondre à cette interrogation, il sera nécessaire de conduire des études longitudinales rigoureuses permettant de documenter l’apparition d’un dysfonctionnement psychosocial en lien avec des symptômes viscéraux. En effet, des études récentes indiquent que cette relation peut être bidirectionnelle : les symptômes intestinaux peuvent entraîner des problèmes psychologiques et inversement. Par exemple, des chercheurs australiens ont suivi une cohorte de patients de façon prospective pendant 12 ans et ont observé que, parmi les individus ne présentant aucun trouble fonctionnel gastro-intestinal (TFGI) au début de l’étude, un niveau d’anxiété élevé au moment de l’inclusion représentait un important facteur indépendant de prédiction de la survenue de TFGI 12 ans plus tard. À l’inverse, parmi les individus qui ne présentaient pas un niveau élevé d’anxiété et de dépression au début de l’étude, ceux atteints d’un TFGI au moment de l’inclusion ont présenté une hausse significative du niveau d’anxiété et de dépression au cours de la période de suivi [7]. Ces résultats sont corroborés par des observations expérimentales semblant indiquer qu’une irritation mineure et transitoire de l’intestin chez des animaux nouveau-nés peut entraîner des signes de dépression et d’anxiété qui persistent à l’âge adulte [11].

L’axe cérébro-intestinal et les circuits biologiques et neuronaux sous-jacents Les chercheurs commencent tout juste à comprendre le fondement biologique de ces phénomènes. L’intestin et le cerveau communiquent l’un avec l’autre par plusieurs moyens, et notamment par des mécanismes hormonaux et neuronaux. Le facteur de libération de la corticotrophine (corticotrophin releasing factor, CRF), hormone sécrétée par l’hypothalamus, constitue un bon exemple d’implication hormonale. Des modifications expérimentales de la sécrétion de CRF et de l’expression de son récepteur, CRF1, ont été impliquées dans la physiopathologie de phénomènes liés au stress ainsi que de l’anxiété, de la dépression et des modifications de la motilité gastro-intestinale et des sensations viscérales [16,20]. Un certain nombre d’antagonistes des récepteurs de la CRF se sont également montrés capables de bloquer la hausse d’activité du côlon et les sensations douloureuses dues à un stress aigu ou chronique [13].

L’intestin transmet également les messages à divers noyaux importants du cerveau par les fibres ascendantes du nerf vague, avec des conséquences dont la portée peut être considérable. L’amygdale centrale, par exemple, transforme les signaux nocifs et stressants en réponses comportementales et végétatives comprenant l’anxiété et la dépression. Un récent compte rendu a montré qu’un probiotique (Lactobacillus rhamnosus) pouvait réduire la sécrétion de corticostérone induite par le stress ainsi que les comportements associés à l’anxiété et au stress chez les souris. Toutefois, cet effet bénéfique peut être supprimé par la vagotomie [2,8]. La stimulation électrique du nerf vague a été approuvée par l’agence américaine des médicaments (Food and Drug Administration, FDA) pour le traitement de la dépression [4]. Ainsi, le nerf vague peut moduler les réponses émotionnelles aux stimulations gastro-intestinales.

Vérités et idées fausses Il est clair que la morbidité psychologique est courante chez les patients atteints de troubles fonctionnels associés à des douleurs viscérales ; par conséquent, il est essentiel de comprendre ce phénomène afin d’assurer une prise en charge optimale de ces troubles. Il reste à déterminer dans quelle mesure cette comorbidité représente la cause et l’effet. Cependant, la reconnaissance de cette association a entraîné des conséquences involontaires, dont la stigmatisation de ce syndrome comme étant « tout dans la tête », le refus de prendre en considération la souffrance du patient et l’absence d’une stratégie structurée pour le développement de médicaments. Il reste beaucoup à apprendre sur la relation complexe entre le « grand cerveau » de la tête et le « petit cerveau » de l’intestin, ainsi que sur les mécanismes par lesquels une pathologie présente au niveau de l’un peut entraîner des modifications au niveau de l’autre. Des recherches dans ce domaine pourraient considérablement changer notre approche clinique et le traitement de ces troubles. Références [1] Aro P, Talley NJ, Ronkainen J, Storskrubb T, Vieth M, Johansson SE, Bolling-Sternevald E, Agreus L. Anxiety is associated with uninvestigated and functional dyspepsia (Rome III criteria) in a Swedish population-based study. Gastroenterology 2009;137:94– 100. [2] Bravo JA, Forsythe P, Chew MV, Escaravage E, Savignac HM, Dinan TG, Bienenstock J, Cryan JF. Ingestion of Lactobacillus strain regulates emotional behavior and central GABA receptor expression in a mouse via the vagus nerve. Proc Natl Acad Sci USA 2011;108:16050–5. [3] Choung RS, Talley NJ. Novel mechanisms in functional dyspepsia. World J Gastroenterol 2006;12:673–7. [4] Grimm S, Bajbouj M. Efficacy of vagus nerve stimulation in the treatment of depression. Expert Rev Neurother 2010;10:87–92. [5] Hsu YC, Liou JM, Liao SC, Yang TH, Wu HT, Hsu WL, Lin HJ, Wang HP, Wu MS. 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[22] Vandenberghe J, Vos R, Persoons P, Demyttenaere K, Janssens J, Tack J. Dyspeptic patients with visceral hypersensitivity: sensitisation of pain specific or multimodal pathways? Gut 2005;54:914–9.

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