Rue d'Aubagne : la fondation Abbé Pierre est partie

Marseille pour « homicides et blessures involontaires aggra- vés par violation manifestement délibérée d'une obligation par- ticulière de prudence ou de sécu-.
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La Marseillaise / jeudi 10 janvier 2019

PROVENCE

Rue d’Aubagne : la fondation Abbé Pierre est partie civile, pourquoi ? LOGEMENT

Le ministre du Logement de retour à Marseille

Plus de deux mois après l’effondrement des immeubles rue d’Aubagne, la Fondation Abbé Pierre souhaite se constituer partie civile dans l’information judiciaire ouverte contre X après le drame. Une façon de faire du futur procès celui de l’habitat indigne.

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ouvelle étape dans le marathon judiciaire qui s’annonce pour déterminer les responsabilités de chacun dans le drame de la rue d’Aubagne. En attendant les conclusions des trois juges d’instruction chargés de l’enquête, la Fondation Abbé Pierre (FAP) a décidé de se constituer dès maintenant partie civile dans l’information judiciaire contre X ouverte le 27 novembre dernier par le parquet de Marseille pour « homicides et blessures involontaires aggravés par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » et pour « mise en danger de la vie d’autrui ». C’est ce qu’a annoncé Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, hier matin sur France Info. Petit décryptage de ce jargon juridique. Une partie civile est une personne qui a subi un dommage causé par une infraction. En se constituant ainsi, l’association demande réparation d’un préjudice subi en tant que victime. Il est à noter que le tribunal peut refuser une telle constitution, notamment s’il estime que l’association n’a pas été touchée par l’infraction jugée. Florent Houdmon, président de la Fondation Abbé Pierre Paca n’y croit pas : « La FAP se bat depuis des années contre le mal logement et contre l’habitat indigne en particulier. Après avoir engagé des procès contre des marchands de sommeil, c’est

Production de logements à loyer abordable, encadrement des loyers, réquisition de logements vacants. Pour la Fondation Abbé Pierre, résorber l’habitat indigne ne relève pas du miracle. PHOTO M.RI.

une manière de plus pour nous de nous engager contre ce fléau », explique-t-il avant d’ajouter : « On demande simplement que justice soit faite ».

Tribune politique

La constitution de partie civile permet un accès aux pièces versées au dossier judiciaire. Propriétaires véreux ou insolvables, syndics de copropriété, municipalité, État : déterminer les responsabilités de chacun prendra du temps. Avoir accès au dossier est un moyen pour la FAP de mettre la pression sur les autorités et de s’assurer que les responsables seront punis. « On veut décrypter étape par étape les dysfonctionnements qui ont conduit à ce drame et empêcher que cela ne se reproduise à l’avenir. On soupçonne des manques dans la façon dont les pouvoirs publics locaux ont géré, et continuent de gérer, la problématique », décode Florent Houdmon. La fondation ne s’en cache pas : elle entend bien utiliser ce procès comme une tribune contre l’habitat indigne. La ca-

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Hackathon. « La Marseillaise » et le Donut Infolab organisent un hackathon sur l’habitat indigne les 18, 19 et 20 janvier. Plus d’infos en flashant ce QR code.

tastrophe de la rue d’Aubagne a eu le mérite de mettre en lumière une problématique trop longtemps négligée par les autorités, qu’elles soient locales ou nationales. Et si la situation est particulièrement préoccupante à Marseille, elle concerne les centres anciens des agglomérations de tout le pays. « En Seine-Saint-Denis, dans la Métropole lilloise ou à Marseille, les logements indignes existent partout », liste Florent Houdmon.

Un million de Français concernés

Dans une tribune parue hier après-midi, l’association estime à 600 000 le nombre de logements indignes en France, soit plus d’un million de personnes. À force d’évoquer ces chiffres, on en oublie la réalité des situations vécues par ces familles. Murs imbibés d’eau, chauffage absent, eau contaminée, peintures au plomb, plafond menaçant de s’effondrer sont autant de « conditions indignes » vécues par les familles. À travers ce procès, la

Fondation Abbé Pierre veut également comprendre ce qui rend la lutte contre l’habitat indigne si inefficace. Elle rappelle qu’un arsenal impressionnant a été mis en place au fil des ans : moyens financiers conséquents de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), dispositifs incitatifs et coercitifs pour les propriétaires, opérations d’intérêt national, de quartiers ou de villes ou plans nationaux aux multiples acronymes, etc. Rien n’y fait. « Depuis le drame, on entend beaucoup d’intentions : le plan de Martine Vassal (LR), à 600 millions d’euros, l’opération d’intérêt national du ministre du Logement ou l’audit du logement indigne à Marseille promis par Christophe Castaner (LREM), c’est très bien, maintenant, on veut des politiques chiffrées avec obligations de résultats », assène Florent Houdmon. Réagissant à la démarche, Arlette Fructus (Radicale) adjointe au logement de la Ville de Marseille, a indiqué y « souscrire pleinement ».

« La situation à Marseille est inacceptable ». Interrogé ce matin sur France Info, Julien Denormandie, ministre du Logement et de la Ville, a répété ce qu’il avait déclaré lors de sa dernière visite à Marseille le 29 novembre dernier. À cette occasion, il a d’ailleurs promis qu’il reviendrait « d’ici une dizaine de jours », a fait savoir son service de presse. Ce sera la troisième visite du ministre depuis le drame de la rue d’Aubagne. Lors de sa dernière venue, Julien Denormandie avait annoncé l’envoi par l’État d’experts en renforts, le déblocage de 240 millions d’euros sur 10 ans « au moins » à travers l’Agence nationale de l’habitat (Anah) en appui du plan de lutte contre l’habitat indigne de la Métropole Aix-Marseille-Provence, une lutte sans merci contre les marchands de sommeil et la mise en place d’un « suivi méthodique » de l’application des mesures. Mardi soir, lors de la cérémonie de vœux de Sabine Bernasconi, maire LR des 1er et 7e arrondissements, Martine Vassal, présidente LR de la Métropole et du Département avait raillé « l’armée d’experts promise par l’État, en fait deux seulement ont été envoyés ». M.Ri.

Marius Rivière

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