Révolte aux jardins», conte mi-médiéval, mi ... AWS

Le schéma narratif est simple, im- médiatement reconnaissable par la conscience collective. Un méchant, une jeune et jolie demoiselle à sauver… comment faire triompher le bien? La formule est partout dans le monde et à toute époque éprouvée. Elle fonctionne donc aussi sur l'audience bigarrée – jeunes ainsi que tous ...
521KB taille 5 téléchargements 100 vues
«Révolte aux jardins», conte mi-médiéval, mi-moderne, à vocation polysémique V OSER DIRE NON A travers la forme éprouvée et très classique du conte, la 7e création de la Confrérie des Jardiniers, à Delémont, questionne notre conscience. Une fable brûlante d’actualité, à l’esthétisme léché

A

l’ombre de lumineux gratteciels, six jeunes traînassent, tout occupés à être hyper connectés. Trois jeunes filles, trois garçons, dont le seul et grave souci est «d’avoir du réseau», sont alignés sur un banc, serrés comme des sardines. Malgré la promiscuité, la communication est nulle, la conversation futile. Le monde, l’actualité, l’histoire, rien ne semble préoccuper ces futurs citoyens. La politique? «Rien à battre.» Pourtant, par une entourloupe temporelle inexplicable, ils se retrouvent aspirés dans un monde parallèle qui, très vite, va les concerner. Il était une fois une dimension à la Alice au pays des merveilles, où les animaux parlent, où le temps n’est pas linéaire et où tout devient possible. Et où un nerveux despote, le bailli, bien aidé par un monstrueux et impitoyable dragon, impose sa loi à un peuple muselé et terrorisé. Tout se déroule «dans la meilleure dictature possible», jusqu’au moment où ces six jeunes voudront bousculer l’ordre tyrannique établi.

Savoir dire non Le schéma narratif est simple, immédiatement reconnaissable par la conscience collective. Un méchant, une jeune et jolie demoiselle à sauver… comment faire triompher le bien? La formule est partout dans le monde et à toute époque éprouvée. Elle fonctionne donc aussi sur l’audience bigarrée – jeunes ainsi que tous ceux qui l’ont un jour été… – qui se presse tous les quatre ans «aux Jardins», l’incontournable rendez-vous théâtral delémontain. Là où réside la force de ce conte mimédiéval, mi-moderne, c’est dans sa polysémie. La dictature que cherchent à combattre les six jeunes existe et a existé. Aujourd’hui et ailleurs. Hier et ici. Révolte aux jardins questionne en fait notre capacité à nous élever contre le despotisme, l’esclavagisme, la torture, le machisme… Savons-nous dire non? En avons-nous la force et la présence d’esprit? Pourquoi se révolter et comment le faire? Les deux metteurs en scène professionnels, les Français Benoît Roche et

Pourquoi mais surtout comment se révolter? Le peuple va explorer différentes façons de dire non, aux côtés de grands personnages qui ont fait l’Histoire.

Maxime Beltran, ont monté le spectacle de bout en bout. Ils nous interrogent habilement sur ce thème d’actualité en convoquant des personnages qui ont mené une révolte, et d’autres dont la sagesse est bonne conseillère. N’oublions pas le Che, Martin Luther King, Simone Weil ou Geronimo, eux qui ont osé donner de la voix et s’élever contre les injustices. Va s’ensuivre un long débat, parfois redondant, sur la meilleure manière de s’opposer au bailli. La violence est-elle un medium nécessaire? C’est armés de foi, de créativité, d’humour et de combattivité que le petit groupe de jeunes et le peuple vont faire lutte commune contre le dictateur, son armée et son dragon.

Un esthétisme brillant Révolte aux jardins est habilement servi par un jeu d’ombres et d’une lumière tantôt décor, tantôt actrice à

PHOTO DANIÈLE LUDWIG

part entière, distillé avec justesse. Par le jeu de ces six acteurs principaux aussi, qui malgré – ou grâce à – leur jeunesse, habitent la pièce et l’espace jardin du château de Delémont de manière très fraîche et très professionnelle. La bande-son jouée par des musiciens du cru fait tantôt frissonner, tantôt rêver, les costumes et la mise en scène sont léchés; Révolte aux jardins est brillant d’esthétisme. JULIE KUUNDERS • «Révolte aux jardins»: à voir demain, samedi, puis le mercredi 28, le vendredi 30 et le samedi 31 août, dans le jardin du château de Delémont. www.lesjardins.ch

// Retrouvez le reportage-images sur

www.lqj.ch

Le nerveux bailli et son imposant dragon, incarnations de toutes les dictatures.

ROGER MEIER