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Question Ces textes cherchent-ils seulement à nous dépayser ou ont-ils une autre visée ? Votre réponse se fondera sur quelques exemples précis. Elle devra être organisée et synthétique. 1, dépaysement -spatiale : exotisme des lieux et des gens -temporel 2, une visée critique : la critique de la sté 3, une proposition d'un nouveau modèle : un rapport harmonieux à la nature, et une revalorisation du travail Sujet 1 : commentaire de texte exemple de corrigé tiré du site du Monde I. La Bétique : un pays utopique 1. Un monde isolé 2. Un pays d'abondance 3. Un pays serein et constant II. Une société idéale 1. Le bonheur simple des habitants 2. Une société rurale uniforme III. La critique du monde réel 1. L'opposition entre les deux mondes 2. Le blâme du superflu Ou I Le topos du locus amoenus, du lieu parfait et aimé 1. Un lieu isolé et clos 2, Le paradis sur terre II Un modèle de société 1, Le lieu, métaphore de l’être 2, Un idéal de société et de vie III Valeur pédagogique de l’utopie 1, Un miroir inversé du monde réel 2, Un univers chimérique I Le topos du locus amoenus, du lieu parfait et aimé 1. Un lieu isolé et clos - un pays qui semble béni des dieux : « Le fleuve Bétis coule dans un pays fertile et sous un ciel doux, qui est toujours serein ». - un univers hors des atteintes du monde extérieur et de ses lacunes : « Le pays a pris le nom du fleuve, qui se jette dans le grand Océan, assez près des Colonnes d’Hercule et de cet endroit où la mer furieuse, rompant ses digues, sépara autrefois la terre de Tharsis d’avec la grand Afrique ». Un havre de paix face aux incertitudes de la nature. - la terre elle-même est porteuse de modération : « Les hivers y sont tièdes, et les rigoureux aquilons n’y soufflent jamais. L’ardeur de l’été y est toujours tempérée par des zéphyrs rafraîchissants, qui viennent adoucir l’air vers le milieu du jour » (peut-être évocation du climat de l’Andalousie ?). - la terre est source de vie ; personnification du paysage (« dans les vallons et dans les campagnes unies ») et métaphore filée de la fertilité : « Ainsi toute l’année n’est qu’un heureux hymen du printemps et de l’automne, qui semblent se donner la main. La terre, dans les vallons et dans les campagnes unies, y porte chaque année une double moisson ». - univers hors du temps, mythique et placé sous le signe d’un plaisir sain : « Ce pays semble avoir conservé les délices de l’âge d’or ». Le présent semble abolir le temps dans l’éternité ; récurrence des adverbes « toujours » et « jamais ».

2. Le paradis sur terre - La nature elle-même est un pays de Cocagne préservé de toute atteinte et qui pourvoit en abondance à la subsistance de ses habitants : procédé de l’accumulation et usage du pluriel suggèrent la profusion : « Les montages sont couvertes de troupeaux. » Surenchère : « une double moisson ». Vitalisation de la nature. - la négation restrictive exclut tout accident : « Ainsi toute l’année n’est qu’un heureux hymen du printemps et de l’automne, qui semblent se donner la main ». - topos du locus amoenus ; mention d’éléments types : le fleuve et l’eau ; la brise (« zéphyrs rafraîchissants ») ; les fruits (« grenadiers ») les fleurs (« arbres toujours verts et fleuris », « lauriers, jasmins » qui confirment par leur présence la douceur du climat). - la description fait voir un lieu où tout n’est qu’agrément pour le regard : appel aux sens donc et fusion heureuse des quatre éléments. Aspect merveilleux d’un Eldorado où l’on trouve en abondance des mines d’or et d’argent. Dimension esthétique du tableau : la poésie est aussi une peinture (« ut pictura poesis »), une ekphrasis : « peindre, c’est non seulement décrire les choses, mais en représenter les circonstances d’une manière si vive et si sensible que l’auditeur s’imagine presque les voir. » Fénelon, Dialogue sur l’éloquence. II Un modèle de société 1. Le lieu, métaphore de l’être -cadre pastoral : l’innocence et la bonté naturelle des personnages se fondent dans le décor. - l’évocation des lieux sert en fait de métaphore à la perfection des habitants à travers leurs propriétés et réalisations. - procédés de la louange, marques d’évaluation, en particulier adjectifs et adverbes : « un pays fertile, un ciel doux, toujours serein ». - rapport privilégié avec la nature, harmonie des hommes et des lieux ; inutilité de l’urbanisme ; êtres d’avant la Chute, marqués par l’innocence originelle. - une société de pasteurs et d’agriculteurs presque primitive. 2. Un idéal de société et de vie - idéal de modération, de frugalité, de raison. - vie rustique et rudimentaire ; des bergers : une Arcadie retrouvée ? Physiocratie caractéristique de l’époque des Lumières. - mépris du matérialisme, malgré les tentations offertes par la configuration des lieux : « il y a plusieurs mines d’or et d’argent dans ce beau pays ; mais les habitants, simples et heureux dans leur simplicité, ne daignent pas seulement compter l’or et l’argent parmi leurs richesses : ils n’estiment que ce qui sert véritablement aux besoins de l’homme. - symboliquement, l’or est employé à la construction d’outils agricoles : l’agriculture est ainsi placée au dessus de toute richesse. On privilégie ce qui est utile, l’argent n’est pas une fin en soi. - défense de la vertu et de la morale comme fondement d’une société qui se veut à la fois rationnelle et idéaliste. - dénonciation de l’illusion et de la vanité humaine, danger de l’hybris, recherche d’une « vie simple et frugale ». Une vision qui est l’oeuvre d’un moraliste. III Valeur pédagogique de l’utopie 1. Un miroir inversé du monde réel - L’existence d’un locus amoenus laisse sous-entrendre l’existence en filigrane d’un locus terribilis qui ne tarde pas à être évoqué plus explicitement au moyen d’une accumulation extrêmement négative : « Au contraire, ils doivent être jaloux les uns des autres, rongés par une lâche et noire envie, toujours agités par l’ambition, par la crainte, par l’avarice, incapables des plaisirs purs et simples, puisqu’ils sont esclaves de tant de fausses nécessités dont ils font dépendre tout leur bonheur. » Mise en évidence d’un paradoxe : l’homme moderne, croyant se libérer ne fait que construire les chaînes de son aliénation. - critique déjà rousseauiste du luxe qui déstabilise les sociétés : « Ce superflu amollit, enivre, tourmente ceux qui le possèdent : il tente ceux qui en sont privés de vouloir l’acquérir par l’injustice et par la violence. Peut-on nommer bien un superflu qui ne sert qu’à rendre les hommes mauvais ? » Tableau satirique et antithétique d’une société absurde, mondaine, faussée, celle que Fénelon et ses contemporains ont sous leurs yeux à la Cour et qui déstabilise l’ensemble de la société. - une leçon : le discours direct traduit l’évidence de cette conception du monde ; série de questions rhétoriques pour suggérer l’absurdité d’une autre façon de vivre par l’usage systématique de la comparaison « Les hommes de ces pays sont-ils plus sains et plus robustes que nous ? Vivent-ils plus longtemps ? Sont-ils

plus unis entre eux ? Mènent-ils une vie plus libre, plus tranquille, plus gaie ? » Progression du propos : d’abord préoccupation physique ensuite morale. 2. Un univers chimérique - danger d’uniformité d’un univers hautement utopique : « Ils sont presque tous bergers ou laboureurs ». Tous proposent la même vision du monde, ce qui est la condition pour que cette société puisse continuer à fonctionner harmonieusement. - refus de l’industrie dont la créativité est pourtant suggérée par l’accumulation et les pluriels et les termes laudatifs : « des peuples qui on l’art de faire des bâtiments superbes, des meubles d’or et d’argent, des étoffes ornées de broderies et des pierres précieuses, des parfums exquis, des mets délicieux, des instruments dont l’harmonie charme ». Danger régressif. - en fait, ce qui est gênant, ce n’est pas la création industrieuse en elle-même, c’est l’usage immodéré qu’en font les hommes et son absence de finalité humaine. - risque de l’autarcie : « ils ne faisaient aucun commerce au-dehors ». - la véritable richesse tient à la qualité du coeur des habitants proches de la figure mythique du « bon sauvage ». C’est une élite morale capable de se discipliner et de s’autogérer. Caractère improbable et hautement chimérique du lieu. Le plaisir du rêve est étroitement lié à celui de la pensée politique. Introduction L'utopie, genre créé au xvie siècle par Thomas More, présente un lieu imaginaire afin de donner l'image d'une société idéale et, par contrecoup, une critique du monde réel. Ce genre connaîtra encore un grand succès au xviiie siècle, repris par exemple par Montesquieu ou Voltaire. Fénelon, déjà, à la fin du xvii e siècle, en propose une dans son roman Les Aventures de Télémaque. Au cours du septième livre, Télémaque et son précepteur Mentor rencontrent un capitaine de navire dont le frère Adoam leur décrit un pays merveilleux : la Bétique. Dans cette contrée reculée et imaginaire, les habitants mènent une vie frugale et heureuse, éloignée de toute corruption et de tout vice, générés selon eux par le superflu. Comment cette description d'une société utopique se révèle-t-elle porteuse d'une dimension argumentative ? Nous étudierons tout d'abord le portrait idéalisé de la Bétique brossé par le narrateur, puis celui des habitants de ce pays. Enfin, nous montrerons comment ce texte offre une critique de notre société. I. La Bétique : un pays utopique 1. Un monde isolé La Bétique est présentée d'emblée comme un pays isolé du reste du monde, un lieu clos et éloigné. En effet, il est bordé d'une part par les « Colonnes d'Hercule » et d'autre part par « la mer furieuse […] [qui] sépara autrefois la terre de Tharsis d'avec la grande Afrique ». Le pays est donc situé spatialement à la charnière entre l'Europe et l'Afrique, mais ces précisions évoquent surtout son caractère plutôt inaccessible. D'un point de vue temporel, la Bétique semble également bien éloignée du monde du lecteur, même contemporain de Fénelon. Cette contrée est ancrée dans un univers antique et même mythologique. Les expressions utilisées pour le situer géographiquement appartiennent à l'Antiquité et, surtout, ce récit est adressé à Télémaque, le fils du héros de la mythologie grecque, Ulysse. De même, le pays est présenté au début comme ayant « conservé les délices de l'âge d'or ». D'ailleurs, toute la description est menée au présent et semble s'inscrire dans une temporalité immuable et impossible à dater : comme éternellement « le fleuve Bétis coule dans un pays fertile ». La Bétique affirme ainsi sa différence par son caractère éloigné à la fois spatialement et temporellement. Ce premier trait propre à l'utopie est accentué par l'abondance qui caractérise par la contrée. 2. Un pays d'abondance La Bétique est une terre riche et propice aussi bien à l'agriculture qu'à l'élevage. On peut d'ailleurs remarquer la présence des quatre éléments, dont l'union harmonieuse est source de fertilité pour tout le pays. Ainsi, la région est irriguée par « le fleuve Bétis », le feu et l'air se modèrent mutuellement : « L'ardeur de l'été y est toujours tempérée par des zéphyrs », et : « La terre, dans les vallons et les campagnes unies » est travaillée. Ainsi, la végétation de la Bétis est luxuriante, comme en témoigne l'accumulation de végétaux dans la phrase suivante : « Les chemins y sont bordés de lauriers, de grenadiers, de jasmins et d'autres arbres toujours verts et toujours fleuris », la répétition de « toujours » accentuant encore l'impression que cette fertilité est immuable. La régularité de cette abondance est notable, puisque la terre produit « chaque année une double moisson ». De même, l'hyperbole « les montagnes sont couvertes de troupeaux » souligne la prospérité du bétail. D'autre part, même si les habitants s'en désintéressent, le sous-sol lui-même se caractérise par sa grande richesse, puisqu'il « y a plusieurs mines d'or et d'argent », l'association de ces deux métaux précieux

étant d'ailleurs répétée trois fois dans le texte. Cependant, ce ne sont pas ces richesses qui comptent dans ce pays, mais la fertilité de la nature, qui, par sa constance, apparaît comme idéale. 3. Un pays serein et constant Le climat de la Bétique se présente comme tout à fait remarquable et se distingue par sa grande douceur. En effet, les saisons perdent leurs caractéristiques extrêmes et se modèrent de façon harmonieuse : l'hiver, « les rigoureux aquilons n'y soufflent jamais » et la chaleur de l'été est « toujours tempérée par des zéphyrs rafraîchissants ». L'antithèse entre « jamais » et « toujours » accentue encore la constance immuable de ce climat. Un champ lexical de la douceur est par ailleurs développé dans le texte, avec des termes comme « doux », « tièdes », « tempérée » ou « adoucir ». Le climat se fait donc doux et régulier pour favoriser les cultures et la vie des habitants de la Bétique. Cette impression de douceur est renforcée par la personnification des saisons révélée par la métaphore suivante : « […] toute l'année n'est qu'un heureux hymen du printemps et de l'automne, qui semblent se donner la main. » Ce mariage des saisons évoque de façon très suggestive la fécondité de cette terre véritable alma mater et souligne aussi la concorde et l'harmonie qui règnent naturellement dans ce pays à l'image de la population elle-même. Cette nature utopique, fertile et sereine, se fait à la fois écrin et miroir d'une société idéale. II. Une société idéale 1. Le bonheur simple des habitants La Bétique, pays d'exception qui prête au rêve, abrite une population elle-même remarquable. Ses habitants se caractérisent tout d'abord par leur grande simplicité et par leur mode de vie frugal. En effet, l'adjectif « simple » est répété et apparaît même sous forme de polyptote dans l'expression « les habitants, simples et heureux dans leur simplicité ». Surtout, le narrateur insiste sur le fait que cette société a cerné ses besoins et ne cherche à satisfaire que ceux-ci, renonçant à tout ce qui n'apparaît pas comme essentiel. Ainsi, une formule presque identique est reprise à quelques lignes d'intervalle : « ils n'estiment que ce qui sert véritablement aux besoins de l'homme » et « ils ne veulent souffrir que les arts qui servent aux véritables nécessités des hommes ». Dans les deux cas, la négation restrictive souligne bien l'extrême modération des habitants de la Bétique, qui distinguent absolument besoins véritables et désirs superflus. Cette frugalité est à l'origine du bonheur de cette population. En effet, le champ lexical du bonheur, associé d'ailleurs à la nature comme aux habitants, jalonne tout le texte avec des termes comme : « serein », « délices », « heureux » – qui est répété – « tranquille » ou « gaie ». Ainsi, le narrateur donne l'image d'une société heureuse, dont le bonheur est fondé sur un idéal de simplicité et de modération. Cette société rurale vit simplement en harmonie avec la nature. 2. Une société rurale uniforme Se contentant de ce que leur offre la nature et ne recherchant que ce qui est leur est véritablement nécessaire, les habitants de la Bétique refusent tout matérialisme. Ils n'ont aucune considération particulière pour l'or et l'argent, qui sont, pour eux, des métaux ordinaires « employés aux mêmes usages que le fer ». Ils ne sont pas perçus comme des biens en soi mais comme de simples outils. L'exemple surprenant et éloquent donné par le narrateur, ces métaux sont utilisés « pour des socs de charrue », souligne de façon très symbolique que l'or et l'argent sont « rabaissés » et sont aux pieds de l'agriculteur dont le métier apparaît alors comme primordial. Les habitants de la Bétique se consacrent uniquement aux travaux agricoles, culture et élevage, c'est-à-dire aux « arts nécessaires pour leur vie simple et frugale ». Cette vie rustique adoptée par tous renvoie bien au mythe de l'âge d'or dont il est question au début du texte mais révèle aussi l'uniformité de cette société utopique. En effet, aucun individu ne se distingue dans cette population, puisqu'ils « sont presque tous bergers ou laboureurs » et sont toujours évoqués par le narrateur au moyen du pronom « ils », même en répondant à Adoam. Ainsi, les habitants de la Bétique mènent une vie simple et rustique, gage de bonheur et de sérénité, et offrent au lecteur l'image d'un monde idéal, d'un modèle de société bien éloigné de sa réalité, évoquée d'ailleurs de façon très critique. III. La critique du monde réel 1. L'opposition entre les deux mondes Le narrateur dresse un portrait très rapide et plutôt élogieux de sa propre société aux habitants de la Bétique. Ce tableau du « monde réel » est constitué d'une énumération de différentes réalisations humaines associées chaque fois à des termes mélioratifs. Le narrateur parle ainsi « des bâtiments superbes, […] des parfums exquis, des mets délicieux, des instruments dont l'harmonie charme ». Cette énumération des différentes richesses fournies par l'art ou l'artisanat peut d'ailleurs rappeler les réalisations fastueuses du Versailles de Louis XIV. Cependant, elle ne provoque que le rejet de la part des habitants de la Bétique. Leur critique est d'ailleurs rendue plus sensible encore par l'usage du discours direct pour rapporter leurs paroles. Ces

habitants opposent ce monde à leur propre société, notamment par le biais d'une série de questions rhétoriques visant à comparer les deux populations. « Vivent-ils plus longtemps ? Sont-ils plus unis entre eux ? Mènent-ils une vie plus libre, plus tranquille, plus gaie ? » La suite de comparatifs utilisés dans ces différentes questions souligne bien la qualité de leur mode de vie, par opposition au mode de vie moderne européen. Le contraste est également perceptible avec la reprise du terme « nécessités », cette fois associé à « fausses » en ce qui concerne les mœurs de ces peuples. Les habitants de la Bétique leur reprochent surtout d'être corrompus par leur goût du superflu. 2. Le blâme du superflu Le discours qui vient clore l'extrait se présente comme un blâme très net du matérialisme et des richesses. En effet, ce « superflu » apparaît ici comme la source du vice et du malheur, comme le souligne bien l'exclamation initiale : « Ces peuples sont bien malheureux d'avoir employé tant de travail et d'industrie à se corrompre eux-mêmes ! » ou encore l'inquiétante gradation des verbes dans l'expression suivante : « ce superflu amollit, enivre, tourmente ceux qui le possèdent ». De façon générale, tout le discours des habitants de la Bétique condamne le superflu en l'associant au vice et même aux péchés capitaux, puisqu'il « amollit », « enivre », provoque la « violence », « l'envie » et « l'avarice ». L'accumulation dans la dernière phrase d'adjectifs ou de participes passés connotés de façon très négative, « jaloux », « rongés », « agités » et « incapables », forme une gradation remarquable et insiste bien sur l'ampleur des ravages provoqués par ce superflu. Ainsi, ce peuple étranger porte un regard très sombre et critique sur notre société matérialiste et nous incite à mettre à distance ce désir d'obtenir et d'accumuler des richesses qui n'ont rien d'essentiel et ne sont que de « fausses nécessités ». Avec un certain bon sens, les habitants de la Bétique pointent un paradoxe éloquent : « Peut-on nommer bien un superflu qui ne sert qu'à rendre les hommes mauvais ? » La simplicité de ce peuple utopique nous pousse à porter un regard distancié et critique sur notre monde. Conclusion La Bétique offre le tableau d'un monde champêtre idéal, peuplé d'une société au mode de vie plutôt rudimentaire. La frugalité et la modération de celle-ci apparaissent ici comme sources de bonheur et s'opposent fortement au monde réel, et en particulier à la vie à la Cour au temps de Fénelon. L'auteur dépeint une sorte d'âge d'or, antérieur à la corruption et au vice générés par les richesses et le raffinement des mœurs. Cependant, cette utopie, d'où l'art est présenté comme absent, offre aussi l'image d'une société uniformisée et repliée sur elle-même : en tant que telle, elle peut présenter des aspects quelque peu inquiétants et affirme en tout cas son caractère irréel, dont la vertu est surtout de nous pousser à porter un regard distancié sur notre monde.

Sujet 2 : dissertation En quoi l'évocation d'un monde très éloigné du sien permet-elle de faire réfléchir le lecteur sur la réalité qui l'entoure ? Vous développerez votre argumentation en vous appuyant sur les textes du corpus, les œuvres que vous avez étudiées en classe et celles que vous avez lues. I L’évocation d’un monde très éloigné du nôtre 1, Les procédés du dépaysement 2, La fiction du regard éloigné 3, Le caractère séduisant des univers lointains II Pourquoi ? Le monde très éloigné du nôtre nous parle néanmoins de nous 1, Proposer de notre société un miroir inversé 2, Délivrer une leçon 3, Dimension réaliste prompte à revenir même dans ce qui semble le plus lointain III Une stratégie du détour 1, Démarche paradoxale 2, Un lecteur qui participe à l’élaboration du sens 3, Fonction et valeur du détour I L’évocation d’un monde très éloigné du nôtre 1. Les procédés du dépaysement - dépaysement géographique, voire spatial ; - « dépaysement » temporel ; - dépaysement vers des contrées improbables : création de système utopiques ; - dépaysement peut aller du lointain à l’imaginaire pur ; invite à découvrir des êtes différents, soit par leurs pratiques et leur représentations, soit même par leur nature (des géants, des lilliputiens, des animaux…). 2. La fiction du regard éloigné - pour que ces univers puissent être évoqués, il faut mettre en oeuvre un regard qui soit le support de la description : soit le regard faussement naïf de celui qui découvre, soit la perspective de « l’étranger » Persan, Huron, Inca, Tahitien, picaro… - l’antithèse entre le connu et l’inconnu est favorable à la mise en oeuvre de l’intrigue ; - sur le plan de la fiction, le personnage qui découvre un univers très éloigné du sien donne à son voyage une valeur initiatique. 3. Le caractère séduisant des univers lointains - dimension poétique et esthétique des descriptions inédites : il s’agit par exemple de faire voir des univers d’une beauté incomparable (procédé de l’ekphrasis), de laver le regard de ses scories, de le purifier ; - plaisir de la découverte ; - sur le plan de la réception, il s’agit d’amener le lecteur à rêver (le caractère merveilleux de l’Eldorado, la sensualité de l’Orient, la douceur de l’exotisme…) ; - donc séduire le lecteur au sens étymologique du terme. II Pourquoi ? Le monde très éloigné du nôtre nous parle néanmoins de nous 1. Proposer de notre société un miroir inversé - renvoyer à notre société une image très différente de ce qu’elle est permet de lui faire prendre conscience de son vrai visage ; - il ne s’agit pas de faire advenir l’univers ainsi décrit mais de proposer d’autres possibilités, d’autres manières d’être que celle en usage, de faire voir des « contre-exemples » ; - mettre en évidence la relativité culturelle. 2. Délivrer une leçon - corriger notre monde en lui faisant prendre conscience de ses défauts ; - proposer un modèle : politique, social, économique, religieux, philosophique ; - mettre en scène des figures qui incarnent sagesse et philosophie en ce qu’elles ont su se détacher des atteintes du monde ordinaire : valeur emblématique des personnages de vieillards, d’ermites ; - prévenir d’une menace : cas de la contre-utopie. 3. Dimension réaliste prompte à revenir même dans ce qui semble le plus lointain

- la réalité se rappelle à nous par les effets de similitude, des allusions, de l’ironie ; - l’univers lointain mis en place nous invite à une double lecture ; - il nous alerte sur le fait qu’il n’est qu’un outil et non une fin en soi, par l’usage des stéréotypes qui signalent son caractère artificiel. III Une stratégie du détour 1. Démarche paradoxale - c’est en détournant l’attention de son lecteur qu’un auteur parvient paradoxalement à le conduire à ses véritables fins : - mise en oeuvre d’une démarche dialectique qui permet à l’esprit de se mettre en mouvement : sortir de notre univers certes… mais pour mieux y revenir et y revenir plus riche de ce qu’on a découvert. 2. Un lecteur qui participe à l’élaboration du sens - mettre en place un autre rapport au texte qui sollicite l’intelligence du lecteur par l’adoption d’une démarche inductive ; - le processus du décodage : l’univers inventé se présente comme un rébus dont il faut décrypter la signification ; - attitude ludique, complice du lecteur ; plaisir de l’élucidation. 3. Fonction et valeur du détour - la stratégie du détour à travers le motif du voyage, du dépaysement ne vise pas à diminuer la portée de l’analyse critique mais au contraire à la renforcer. - ainsi, loin d’ « éviter la censure », le détour rend la charge plus visible et provocante et montre que la censure est condamnée à s’incliner devant la force des idées. On prendra garde à ce que la formulation de cet argument par les élèves évite les lieux communs vides de sens. - finalement, sous une forme métaphorique, la littérature est toujours la mise en oeuvre d’un dépaysement qui permet une prise de distance et une découverte : « Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre, et donc les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. » M. Proust ou exemple de corrigé tiré du site du Monde I. L'évocation d'un monde très éloigné du nôtre transporte le lecteur dans un ailleurs séduisant 1. Elle dépayse totalement le lecteur 2. La peinture de mondes exotiques est souvent séduisante II. L'évocation de mondes très éloignés renvoie à notre propre monde 1. Elle se construit par le regard étranger à ces mondes 2. Elle tend un miroir critique de notre société 3. Elle est un monde « impossible » qui nous ramène à nos propres usages III. Une argumentation indirecte : quand le voyage vaut le détour 1. Donner matière à réflexion au lecteur sans lui imposer une thèse : le détour du monde lointain 2. Détour fictionnel : un potentiel philosophique exploité par la littérature moderne Introduction La découverte des Indes occidentales à la fin du xv e siècle a ouvert le champ de la littérature au thème du voyage, en même temps qu'il a fait prendre conscience aux hommes de la possibilité d'un ailleurs où vivent des sociétés plus proches de la nature, aux mœurs plus frustes, peut-être, mais moins corrompues. Pour certains philosophes comme Montaigne ou Diderot, le « bon sauvage » mythique et le monde dans lequel il vit mettent en évidence le degré de corruption et le manque de relativisme de nos « nations policées ». Sans pour autant prôner un retour à l'état de nature, de nombreux écrivains ont, par la suite, dépeint des contrées, souvent imaginaires, très éloignées des nôtres, à des fins didactiques. En quoi l'évocation de ces univers permet-elle de faire réfléchir sur la réalité de notre société ? En d'autres termes, quels éléments propres à la peinture de sociétés parfaites, très différentes des nôtres, nous renvoient, paradoxalement, à une perception plus aiguë et plus critique de notre propre civilisation ? Nous montrerons en premier lieu la capacité de séduction qu'offre la peinture des univers exotiques. En deuxième lieu, nous verrons en quoi cette peinture renvoie, en creux, à notre propre monde. Nous tenterons en dernier lieu de mettre en avant l'efficacité et la force critique d'une argumentation qui passe par le détour de l'utopie.

I. L'évocation d'un monde très éloigné du nôtre transporte le lecteur dans un ailleurs séduisant 1. Elle dépayse totalement le lecteur La littérature est peuplée de mondes très éloignés du nôtre. Cet éloignement conduit à un dépaysement, qui peut être géographique ou temporel. Dans Candide, conte philosophique de Voltaire, le pays d'Eldorado est situé en Amérique du Sud, une région qui, au xviii e siècle, est associée à la mystérieuse civilisation inca, mais aussi au Pérou et ses mines d'or. Dans l'imaginaire du lecteur, ce voyage est de toute façon en rupture évidente avec la civilisation occidentale. Les romans de science-fiction jouent souvent sur un dépaysement dans les deux dimensions, en présentant des mondes extraterrestres, dans un contexte de conquête intersidérale. Il appartient alors à l'écrivain de donner une cohérence à cet univers, en évoquant non seulement l'espace géographique lui-même, mais aussi les mœurs de ses habitants, leur système de pensée, leur rapport au temps, ou à l'argent. Dans Les Aventures de Télémaque, Adoam évoque par exemple le peuple de Bétique, et son rapport aux arts, dont « ils ne veulent souffrir que [ceux] qui servent aux véritables nécessités des hommes ». L'invention peut aller jusqu'à concevoir une nouvelle forme de vie, où l'infiniment grand croise l'infiniment petit. Ainsi, Voltaire n'hésite pas à créer le personnage de Micromégas, habitant de Sirius, et géant de quelque trente-deux kilomètres de hauteur ; dans Le Voyage de Gulliver, l'écrivain anglais Jonathan Swift imagine au contraire la rencontre du héros avec le peuple des Lilliputiens, êtres aussi grands que le pouce. Transportés dans ces contrées improbables, dans lesquelles les repères référentiels sont totalement bousculés, le lecteur est implacablement confronté à l'expérience de l'Autre, expérience d'autant plus séduisante qu'elle est mise en scène le plus souvent dans un cadre parfait. 2. La peinture de mondes exotiques est souvent séduisante La plupart des évocations de mondes éloignés a un évident caractère séduisant. Pour l'auteur, il s'agit de soumettre au lecteur un modèle d'univers indépassable, incomparable, un monde parfait, dominé généralement par l'idée d'harmonie et de profusion. Ainsi, Adoam dans Les Aventures de Télémaque évoque les chemins « bordés de lauriers, de grenadiers, de jasmins et d'autres arbres toujours verts et toujours fleuris », les collines « couvertes de troupeaux », ou encore la douceur du climat. À l'image de Baudelaire, l'écrivain peint une véritable « Invitation au voyage » : « Là tout n'est qu'ordre et beauté. » Cette invitation est magnifiée par la poésie de la forme, où l'harmonie des lieux est rendue sensible par le rythme équilibré des phrases, telles que celle-ci, au rythme ternaire régulier : « Ce pays semble avoir conservé les délices de l'âge d'or. » Il s'agit d'amener le lecteur dans un espace rêvé, dans une réalité nouvelle, vierge de toute impureté, et de l'étonner à chaque phrase par des descriptions incroyables. L'évocation du monde éloigné, en effet, ne craint pas le spectaculaire, à l'image du pays d'Eldorado, dans lequel Voltaire accumule les hyperboles et les énumérations pour dire l'abondance, la richesse ou la démesure d'un monde habité, à l'inverse, par des hommes tout en modération. Fénelon, avec la description de la Bétique, est plutôt dans la retenue pour évoquer les possessions et les désirs des habitants ; cependant, il souligne la fertilité de la nature, capable de produire une « double moisson », nous donnant ainsi l'impression d'entrer dans un véritable paradis terrestre. Au fond, le plaisir du lecteur est surtout celui de la découverte ; nous pénétrons dans un monde nouveau et notre plaisir consiste à faire l'épreuve de la différence radicale, en même temps que d'évaluer l'imagination de l'écrivain. Cependant, pour radicalement différent que soit ce monde éloigné, il renvoie à notre société. II. L'évocation de mondes très éloignés renvoie à notre propre monde 1. Elle se construit par le regard étranger à ces mondes La peinture des univers utopiques renvoie à notre propre monde. En effet, lorsque le lecteur découvre un monde imaginaire, c'est pratiquement toujours par le relais d'un personnage étranger : celui qui décrit met en place sa description en fonction d'un système de références communes, partagées par le lecteur. C'est ainsi que le monde de Bétique est décrit de manière lyrique par un personnage extérieur, Adoam. Commerçant luimême, il est très étonné que la société de Bétique puisse fonctionner sans monnaie. En fait, ce narrateur est en quelque sorte un relais, un médiateur avec le lecteur ; ses étonnements, ses marques de surprise sont les nôtres, même si le narrateur de Candide se plaît souvent à adopter la focale des habitants de l'utopie eldoradienne, et feint de trouver ordinaires des pratiques et des coutumes qui ne le sont pas pour nous. Parfois, le récit peut être fondé sur l'idée que ce monde très éloigné… c'est le nôtre, mais perçu par un regard étranger ou naïf. On pense aux héros des Lettres persanes de Montesquieu, qui posent sur notre société un regard nouveau et critique ; les mœurs des Français prennent soudain une teinte d'exotisme ridicule. Ce procédé n'est pas neuf : La Bruyère a déjà mis en scène « Le regard d'un Huron » ; plus tard, Voltaire écrira L'Ingénu, conte philosophique organisé autour des péripéties d'un Indien découvrant les mœurs de notre

pays. Il s'agit dans tous les cas, par le biais d'une perspective particulière, de nous donner à voir l'inconnu et, dans le même temps, de nous tendre un miroir critique de notre société. 2. Elle tend un miroir critique de notre société Évoquer un monde imaginaire, c'est tendre au lecteur un miroir, mais au reflet inversé. Ce que nous découvrons, en creux, à travers toutes les beautés, la douceur du monde décrit ou celle des mœurs de ses habitants, ce sont les aspects les plus haïssables de notre société, ses défauts, ses travers. L'utopie propose un autre champ de possibles, nous invite à relativiser le bien-fondé de nos choix de société, à comprendre qu'en matière de civilisation, nous pouvons toujours, sinon nous réformer complètement, comme le suggère Fénelon à travers les mœurs des habitants de Bétique, du moins nous améliorer. Les Troglodytes des Lettres persanes, comme d'ailleurs les habitants de la Bétique, ont ainsi un mode de vie très rudimentaire, réduit à leurs besoins vitaux ; le pays d'Eldorado ne possède pas de prisons, et dispose d'un extraordinaire matériel de mesures scientifiques. Dans tous les cas, il s'agit de proposer un système, des idées, des visions amplifiées et magnifiées de ce vers quoi devrait tendre notre société. Certains récits, à travers des contre-utopies, descriptions de mondes effrayants et cauchemardesques, cherchent au contraire à nous mettre en garde. Dans Le Meilleur des mondes, roman écrit en 1933, l'écrivain Aldous Huxley peint un monde dans lequel les humains ne sont plus conçus naturellement et sont déterminés dès leur « naissance » à servir la société, selon qu'ils sont l'élite de la nation ou de simples opérateurs. À travers ce récit, le romancier nous alarme contre les dérives possibles d'une science dont les progrès sont alors d'une rapidité foudroyante. L'évocation de ces mondes plus ou moins improbables est donc une leçon, dont nous comprenons d'autant mieux la portée que, constamment, elle nous ramène à notre propre monde. 3. Elle est un monde « impossible » qui nous ramène à nos propres usages Les mondes imaginaires sont souvent émaillés de notations réalistes qui, plus ou moins subtilement, nous ramènent à nos propres mœurs. Dans le monde de la Bétique, par exemple, Adoam fait intervenir les habitants du pays, qui, devant l'évocation des richesses de notre monde, pointent les contradictions de la société, sous forme de questions : « Les hommes de ces pays sont-ils plus sains et plus robustes que nous ? Vivent-ils plus longtemps ? » De même, lorsque Candide est accueilli par le roi d'Eldorado, il demande si, pour le saluer, il faut se mettre à plat ventre ou lécher le sol. Cette ironie est une manière, pour le narrateur, d'entretenir avec le lecteur, sur le mode plaisant, une complicité, tout en étayant la charge critique. Il faut également noter que la description de mondes utopiques prend généralement place dans un récit plus large. Le plus souvent, il n'est qu'une étape dans le périple initiatique du héros, et non un aboutissement. Ainsi, la découverte du pays d'Eldorado se situe exactement au centre du conte de Voltaire, indiquant par là que, si ce lieu a une place centrale dans la formation du jeune naïf, il constitue un endroit dont il faut sortir. Le narrateur de Candide le suggère d'ailleurs à travers le caractère stéréotypé et artificiel de son évocation : si la mention de fontaines de cannes à sucre a quelque chose de séduisant au premier abord, elle est, à la réflexion, quelque peu écœurante. L'utopie nous invite donc à opérer un mouvement de retour, de réflexion au sens premier du terme. Elle se présente donc comme une argumentation indirecte, dont la force critique est indéniable. III. Une argumentation indirecte : quand le voyage vaut le détour 1. Donner matière à réflexion au lecteur sans lui imposer une thèse : le détour du monde lointain Le monde dépeint au lecteur est une « forêt de symboles » qu'il s'agit de décrypter. N'oublions pas que Fénelon, en bon didacticien, a l'intuition, en créant Les Aventures de Télémaque, que la meilleure façon d'éduquer le jeune duc de Bourgogne est de passer par le détour de la fiction. Ainsi, dans la peinture de la Bétique, même le climat, qui est pourtant une donnée non maîtrisable par l'homme, renvoie à l'idéal classique de modération, que l'on retrouve ensuite, de manière plus explicite, à travers l'évocation des pratiques frustes des habitants. Le lecteur est invité, plus que dans une forme d'argumentation directe, à participer à l'élaboration d'un sens, à travers tout un subtil et prolifique réseau de significations. Dans Candide, la découverte d'Eldorado est pour le lecteur, comme pour le personnage, un moyen radical de porter un nouveau regard sur le réel. C'est ainsi que la scène de l'esclave de Surinam nous est d'autant moins supportable que nous venons de quitter l'utopie. Ce passage dans un monde extraordinaire, paradoxalement, donne au héros une lucidité nouvelle ; pour la première fois, il définit négativement la philophie optimiste : « C'est la rage de soutenir que tout est bien quand tout est mal. » 2. Détour fictionnel : un potentiel philosophique exploité par la littérature moderne Le thème du voyage et de la découverte d'une terre inconnue est d'une force et d'un potentiel critiques tels

que la littérature moderne s'en est elle-même emparée. Ainsi, Jacques Sternberg, écrivain hédoniste et « misanthrope », en fait ainsi le thème central de son recueil de nouvelles intitulé 188 contes à régler. Relayé soit par le procédé du regard étranger – extraterrestre –, soit par le regard du Terrien sur un monde autre, il se plaît ainsi à dénoncer férocement et ironiquement la violence des hommes, ou à rêver tout haut de son idéal d'humanité. Le conteur explique que, pour les « Agrages », peuple indolent, ignorant toute notion de commerce et de profit, « s'aimer entre eux, se griser d'eau et de brise, rêvasser, se laisser dériver au fil du temps ou se divertir paraissaient leurs uniques préoccupations ». On voit par là que l'utopie moderne est porteuse d'un message pacifiste, à une époque où la barbarie humaine a franchi l'impensable. Certains écrivains, cependant, vont plus loin dans l'exploitation du thème, à l'image de Michel Tournier et sa réécriture de Robinson Crusoë intitulée Vendredi ou les Limbes du Pacifique. Ce roman, qui nous projette dans une île quasi déserte, cherche moins à dénoncer les dérives consuméristes de la société moderne qu'à mettre en scène l'expérience radicale de la vie sauvage vécue par un homme pétri de certitudes et de principes. L'écrivain, à travers ce cheminement, place le personnage face à cet autre qui est lui-même. Le détour fictionnel a donc cette vertu de nous permettre non seulement de rêver à une possibilité d'un monde différent, mais aussi, de nous faire accéder, par le biais d'un récit captivant, à des réflexions philosophiques profondes sur les rapports de l'homme avec le monde qui l'entoure, et dont, trop souvent, il croit être le maître. Conclusion Ainsi, le sentiment de dépaysement plaisant qu'éprouve le lecteur qui découvre un monde très éloigné peut le conduire subtilement à reconsidérer le sien avec un œil critique et distancié. « Meilleurs des mondes impossibles », ces mondes imaginaires, en se présentant comme des horizons inatteignables où s'écoulent des printemps éternels, jettent un puissant éclairage sur les travers de notre civilisation. Loin de chercher à contourner, par ce biais, la censure, l'utopie rend celle-ci inopérante : il n'y a pas de discours, pas d'idées imposées, juste la force des idées en mouvement dans un scénario de monde rêvé. Finalement, cette terra incognita, cet ailleurs, cet espace exotique, n'est-il pas, métaphoriquement, le monde de la littérature, qui offre chaque fois au lecteur une expérience inédite de dépaysement ?

Sujet 3 : écriture d'invention Vous avez séjourné en Bétique. Déçu, vous décidez de partir. Écrivez le discours d'adieu que vous prononcez devant les habitants. → raisons de la déception : la Bétique elle-même déçoit - fermeture aux autres : autarcie néfaste à long terme car la sté n'évolue pas - l'art et le luxe ne sont pas superflus, ils représentent la preuve de notre humanité et non de notre vie animale et répétitive - une sté moribonde finalement car pas d'évolution, lassitude d'un temps qui est cyclique, sans accident. → style : XVIIIeme → composition : *remerciements pour accueil chaleureux *exposition des arguments : ? oratoires, gradation, emploi d' !, … *pathétique et polémique exemple de corrigé tiré du site du Monde I Un discours 1. Tonalité oratoire - présence d’une captatio benevolentiae élémentaire : apostrophe, interpellation de l’auditoire par la deuxième personne du pluriel, sollicitation de l’attention, expression de l’émotion du locuteur qui s’adresse à toute une communauté, marques emphatiques de la première personne. - recherche d’effets rhétoriques simples : rythmes, usage d’une ponctuation expressive. 2. Le topos du discours d’adieu - célébration de l’hospitalité des hôtes, du caractère unique et enchanté de l’aventure. - réseau lexical de l’attachement indéfectible. - promesses du souvenir éternel. 3. Construction du discours - on valorisera les copies mettant en oeuvre une délibération, en particulier celles qui mettent en relief l’usage de la concession. - on valorisera les copies qui établiront de façon cohérente une relation entre les arguments et la narration : nécessité de reprendre le voyage qui est l’outil d’une quête. Articulation de l’argumentation sur deux plans : individuel (l’itinéraire singulier du locuteur) et universel (le sens de l’univers ainsi expérimenté) - ouverture : le locuteur peut montrer que de retour dans une société plus prosaïque, il s’efforcera de mettre en valeur certains des enseignements de la Bétique en les adaptant au monde tel qu’il va. II Le discours pourra mettre en oeuvre un bilan argumenté de l’expérience 1. Certes, la Bétique est un lieu merveilleux et enchanteur - un univers utopique : lieu serein, et poétique, harmonie entre l’homme et la nature. - des habitants exceptionnels : sens de la morale, aspiration au bonheur de tous, refus du luxe. - une société faite d’équilibre et de modération. 2. Néanmoins, des raisons politiques poussent le locuteur à quitter la Bétique - les habitants de la Bétique refusent le progrès technique et scientifique. - vie en autarcie, dans le sens non pas d’une absence de commerce, mais du caractère unilatéral de ce commerce ; fermeture à tout ce qui est différent, étranger. - risque d’être soumis aux aléas climatiques : société qui n’a accédé qu’à une indépendance illusoire. - risque de l’immodestie. - danger de la mollesse et de l’affaiblissement. - danger d’une égalité absolue qui nuit à l’exercice de l’autonomie et de la responsabilité individuelle. - poids écrasant de la communauté, absence d’intimité, de jardin secret. 3. Enfin des raisons existentielles pourront être mises en relief pour justifier le départ - loin d’affranchir, ce lieu risque d’instaurer une nouvelle servitude d’ordre moral et intellectuel. - réflexion métaphysique sur la condition humaine et le besoin paradoxal d’inachèvement qui la caractérise : le sentiment d’insatisfaction donne à l’homme la preuve qu’il est vivant, en mouvement. Réflexion existentielle. Risque d’une perfection qui nuit à la possibilité du désir.

Dimension problématique de la notion de « bonheur obligatoire ». (Ulysse père de Télémaque refuse l’immortalité donnée par la nymphe Calypso). - désir d’aventure, de divertissement et de liberté alors que cet univers peut générer l’ennui, au sens philosophique du terme. III Le discours pourra alors s’interroger sur la valeur de l’expérience ainsi vécue. 1. Le paradoxe de l’utopie - dimension régressive : refus du temps, de l’Histoire ; société figée ; l’utopie sacrifie le présent au nom du passé ; ce lieu de nulle part est aussi hors du temps. - sentiment d’irréalité : l’utopie est un songe aimable, certes, mais un songe. - son désir d’absolu en fait une « totalité de riens » plutôt qu’une « moitié de quelque chose ». - paradoxe d’un système qui en oeuvrant pour le bien risque d’engendrer un danger propre à son ambition absolue. 2. A contrario une célébration de la civilisation et du progrès humain - valorisation de la civilisation, de la créativité humaine, du raffinement qui éloigne l’homme de l’état de nature. La Bétique est, par exemple, un univers qui ignore les instruments de musique ! Cf. « le superflu, chose très nécessaire. » - paradoxe : la nature est conçue comme une norme alors que l’homme serait tenu pour coupable de suivre ses penchants naturels. 3. La leçon de l’utopie - la Bétique ne vaut pas en tant que lieu à faire advenir mais parce qu’elle permet de mettre en relief ce qui fait défaut au monde réel ; le locuteur peut montrer qu’à ses yeux l’expérience en Bétique se révèle utile car ce lieu est un miroir inversé de notre civilisation. - on valorisera les copies qui mettront l’accent sur le paradoxe et l’ambivalence de l’utopie : elle est le « meilleur des mondes impossibles », ce qui est à la fois sa qualité et son défaut. Le meilleur des mondes n’est peut-être pas un monde où l’on obtient ce que l’on désire mais un monde où l’on désire quelque chose. Mes chers amis, C'est le cœur serré que je m'adresse à vous en ce jour. Permettez-moi tout d'abord de vous adresser à tous mes remerciements les plus sincères. Voilà déjà un an que, au hasard de mes pérégrinations, j'ai découvert la Bétique et que je me suis installé parmi vous. Votre accueil a dépassé toutes mes attentes. Votre simplicité et votre générosité m'ont touché et je vous serai éternellement reconnaissant de tout ce que vous avez partagé avec moi. Jamais je n'oublierai ces vertes collines, où règne l'abondance sous un climat doux et constant ! Jamais je n'oublierai vos chaumières où frugalité rime avec sérénité ! Cependant, l'heure du départ a pour moi sonné. Je vais désormais reprendre mon voyage. Certes, la Bétique est un pays merveilleux, idyllique, et vous êtes un peuple très vertueux. Vos mœurs sont paisibles et justes, vous vous contentez de ce que vous offre une nature luxuriante qui vous chérit particulièrement. Vous refusez tout superflu, tout luxe, que vous considérez comme la source de tous les vices et du malheur qui agitent les autres peuples. Vos désirs se bornent à ce qui vous est nécessaire et vous avez ainsi trouvé, loin de tous, le chemin du bonheur en faisant le choix de la frugalité. Toutefois, même si vous m'avez proposé de m'installer parmi vous, ce dont je vous remercie encore, je ne peux demeurer ici, car je sens bien que je ne pourrai jamais m'adapter parfaitement à votre société. Vous m'avez enseigné à me méfier du superflu et je retiendrai sans aucun doute la leçon à mon retour en France – pays où la mode fait des ravages, s'il en est. Mais je ne suis pas sûr de pouvoir jamais me passer de tout ce que vous considérez comme inutile, voire dangereux. Pour moi, j'admire le savoir-faire, le génie de nos architectes, de nos peintres, de nos musiciens… et même de nos cuisiniers ! La créativité, le talent de ces artistes, mais aussi le raffinement qu'ils nous offrent me semblent justement représentatifs de ce que l'humanité peut produire de meilleur. N'est-ce pas par ces réalisations que l'homme révèle pleinement toutes ses capacités ? L'art peut-il être seulement synonyme de corruption ? Au contraire, dans votre société, non seulement vous ne jouissez d'aucun de ces biens, mais en plus, votre mode de vie conduit à une certaine uniformisation. Vous n'avez pas le choix de votre métier, vos maisons, vos vêtements se ressemblent. Votre société manque de diversité, les individus ne peuvent y affirmer leur personnalité, leur originalité… et je crois que cela me manque. Ce qui me manque également, ce sont les échanges avec d'autres peuples, d'autres cultures. Votre pays vit replié sur lui-même, en autarcie, mais il me semble que la découverte des autres, de leurs mœurs, de leurs savoirs constitue un enrichissement

inestimable pour tout individu. D'ailleurs, sans cette curiosité, vous aurais-je découverts ? Aurais-je compris à quel point il est important de savoir aussi se contenter de plaisirs simples pour ne pas succomber à la cupidité ? Mais, pour être tout à fait honnête avec vous, il me semble qu'il y a quelque chose d'excessif dans votre mode de vie. La monotonie de votre climat et de votre vie si bien réglée ont fini par me lasser quelque peu. Je crois qu'il me faut du changement, que je désire « autre chose ». Ce bonheur égal et uniforme dans lequel vous vivez me paraît au fond à la limite de l'humanité. D'ailleurs, un homme dont les désirs sont bornés et satisfaits, un homme sans désirs en d'autres termes, est-il encore bien vivant ? L'insatisfaction n'est-elle pas un des moteurs de l'humanité ? C'est ce désir qui me pousse à repartir et à poursuivre mon exploration du monde, en quête de nouvelles expériences, de nouvelles découvertes. Je crois que la Bétique restera pour moi le pays dont je rêverai mais où je n'ai pu vivre. Merci, encore une fois, de tout ce que vous m'avez apporté et que le ciel vous soit toujours aussi clément ! Adieu, chers habitants de la Bétique !