quelles références en agriculture biologique - Fnab

21 janv. 2015 - π les groupes d'échange technique de producteurs bio, π un réseau .... aléas climatiques et économiques. .... PRÉSIDENT DU CONSEIL SCIENTIFIQUE DE L'AGRICULTURE ... sous-direction de l'Organisation économique, des industries ..... Marc Benoît, INRA Clermont-Ferrand et co-animateur du comité.
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QUELLES RÉFÉRENCES EN AGRICULTURE BIOLOGIQUE ? État des lieux et perspectives

Actes du séminaire 21 janvier 2015

• FNAB • Fédération Nationale d'Agriculture BIOLOGIQUE

Un séminaire organisé par la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique des régions de France (FNAB).

De quoi s'agit-il ? En 2014, la Fédération Nationale d'Agriculture Biologique des Régions de France a mené le chantier Rep'Air bio, dans le cadre d'un financement Casdar (MAAF). Le 21 janvier, elle en a présenté les principaux résultats devant une centaine de personnes, lors du colloque «  Quelles références en Agriculture biologique  ? Etat des lieux et perspectives  ». L'occasion d'échanger avec les principaux producteurs de références, issus du secteur de l'accompagnement, du développement de l'agriculture biologique et de la recherche, sur l'avenir et les enjeux des références en bio.

REP'AIR BIO EN BREF : Lancé par la Fnab, Rep'Air bio vise à structurer la production de références en bio au sein des GRAB et GAB pour « renforcer l'accompagnement technique et global proposé aux porteurs de projet et aux producteurs  ». L'objectif  ? Favoriser des fermes autonomes, résilientes (voir page 16) et innovantes. La première étape a été menée sur 9 mois, avec l’appui de l'association Solagro pour caractériser la mobilisation et la production de références bio au sein du réseau FNAB. « Cet état des lieux n'a pas vocation à aboutir à un référentiel propre à la Fnab, précise Mélise Willot, qui coordonne le projet, c'est une base pour continuer à travailler en partenariat avec les autres producteurs de références et mieux mutualiser et valoriser nos données ».

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Une référence est une information mobilisable pour agir, explicite, exogène et contextualisée. Elle est définie pour une cible : utile et comprise par son utilisateur en lien avec ses objectifs, repères et habitudes. Source : RefAB.   Pour en savoir plus sur le   projet RefAB :   http ://www.devab.org/moodle/ course/view.php?id=27

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ACTEURS, OBJECTIFS ET METHODES DISTINCTS LES 10 ENSEIGNEMENTS DE REP'AIR BIO POUR 2014

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Pour retrouver les analyses détaillées du projet Rep’AIR Bio en 2014, téléchargez le dossier participant sur le site de la FNAB ou cliquez ici.

1. UN CHANTIER MENÉ « TAMBOUR BATTANT » « Beaucoup de références notamment en agriculture biologique sont produites aujourd'hui sans que l'on comprenne toujours ce qu'elles veulent dire ou ce que cela induit derrière », pointe Philippe Pointereau de Solagro. L’objectif de ce chantier était bien de comprendre les finalités des productions au sein des GRAB et GAB. Pour piloter ce programme, en 2014, un groupe-projet a rassemblé des animateurs, des techniciens, des producteurs issus des GRAB et GAB et les commissions filières de la Fnab (maraîchage, grandes cultures et lait). Il fallait définir les besoins très variés des producteurs et des pouvoirs publics et s’approprier un langage commun (en se basant sur les définitions du projet RefAB). Des enquêtes ont été menées dans les Gab et les Grab sur l'élaboration des références et de façon plus approfondie dans sept régions : dispositifs mis en place pour la production de références, organisation en termes de financement, ressources humaines, techniques et partenariats.

2. LA FNAB : UN RÉSEAU QUI PRODUIT DES RÉFÉRENCES « 95 % des GRAB et 45 % des GAB sont producteurs de références en agriculture biologique. Les dispositifs mis en place ont été réfléchis pour répondre aux demandes exprimées localement par les producteurs bio et les besoins d’accompagnement des porteurs de projet en conversion ou installation en bio. Ils ont été développés en fonction des compétences et moyens locaux et des opportunités de partenariats. Ils ont un ancrage avant tout local. Cela donne lieu à une grande diversité de dispositifs avec une ouverture sur des approches innovantes et exploratoires. Nous avons identifié 4 grands types de dispositif permettant l’acquisition de références tant thématiques que systèmes » souligne Mélise Willot. Les quatre dispositifs d'acquisition de références en bio identifiés sont : ππ l'accompagnement technique et l'expérimentation, ππ les groupes d’échange technique de producteurs bio, ππ un réseau de 500 fermes de démonstration animé au niveau régional, ππ les projets spécifiques type appel à projet Casdar, commande locale, recherche, etc. Dans le réseau FNAB, 200 salariés accompagnent des producteurs et porteurs de projet. Les compétences disponibles sont vastes avec des expertises spécialisées sur la réglementation, les aides, l’organisation économique en bio et sur l’accompagnement global de projet, mais aussi sur le volet technique de production. Près d'une centaine de salariés, principalement des animateurs techniques ou techniciens de GRAB et GAB, est mobilisée sur l’acquisition de références. Ces dernières sont souvent coconstruites par les salariés et les producteurs pour les grands types de systèmes de production  : maraîchage, bovin et grandes cultures puis viticulture et arboriculture. Elles sont plus rares en PPAM, monogastriques, petits élevages (lapin notamment) et systèmes très diversifiés.

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Les références alimentent une variété importante de supports  : fermoscopies, outils de modélisation pour simuler des changements de pratiques ou de systèmes, études comparatives, guide variétal, fiches techniques, guides pratiques et repères sur des projets pointus, etc.

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Pour en savoir plus sur les grands dispositifs mis en place au sein des GRAB/GAB et les outils développés : cliquez ici

Souvent dans les groupes d'échange technique, les producteurs souhaitent avoir des références pour objectiver leurs pratiques et leurs impacts. Les producteur sont alors au centre du dispositif de références : ils s'impliquent, ils pilotent, ils recommandent. Mélise Willot, coordinatrice technique à la Fnab.

3. DES BESOINS DIVERSIFIÉS Pour les producteurs conventionnels, il faut convaincre, lever les freins psychologiques. Pour les porteurs de projet en conversion, ils ont besoin de chiffrer et d’évaluer la re-conception de leur système dans un contexte économique et pédoclimatique donné. Enfin, pour les bio de plus longue date, il s'agit souvent de rendre sa ferme plus durable : avoir des références qui aident à piloter une démarche de progrès », résume Mélise Willot.

∆ Figure 1 : Des besoins variés en références bio en fonction des profils et trajectoires des publics accompagnés Accompagner une réflexion personnelle vers un projet bio et lever les freins psychologiques

PUBLIC EN FORMATION

Accompagner la construction d’un projet réaliste et cohérent entre objectifs professionnels et personnels

PORTEUR DE PROJET EN INSTALLATION

Références = accroche Démontrer que l’agriculture biologique, c’est faisable et rentable

Eclairer sur la réalité du métier d’agriculteur bio

Références = éclairage Identifier la marche à passer, évaluer et chiffrer le changement de système

Je veux passer en bio PRODUTEUR CONVENTIONNEL Accompagner une réflexion personnelle sur les changements de pratiques et lever les freins psychologiques

PORTEUR DE PROJET CONVERSION

CONVERSION / INSTALLATION

Je veux m’installer en bio

Valider des orientations nouvelles, évaluer des innovations, objectiver la durabilité de sa ferme

PRODUTEURS BIOLOGIQUES

Références = pilotage Accompagner une démarche de progrès et d’innovation pour plus de durabilité

Accompagner vers un projet bio cohérent dans un contexte donné

(source : entretiens auprès des GRAB/GAB)

« Les références représentent un outil incontournable pour l'accompagnement. Mais l'objectif de leur mobilisation varie selon les publics. Les vagues d'installation en maraîchage bio ont créé des demandes nouvelles surtout sur la dimension sociale du métier d’agriculteurs bio et le temps de travail tant sur des approches quantitative que qualitative : pénibilité, satisfaction, etc.

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4. LE PLUS DES DISPOSITIFS DU RÉSEAU FNAB : DES DONNÉES LOCALES ET CONTEXTUALISÉES, DES SYSTÈMES DIVERSIFIÉS D'après Jean-Muc Bochu de Solagro, « les systèmes bio sont plus difficiles à caractériser. Le bas niveau d'intrant fait que les sols et le climat ont une influence plus forte et différencie les territoires ». Concernant les références issues du réseau Fnab : « l'implication des producteurs est un avantage car la référence est utile et comprise par le producteur et répond à ses besoins ». Elle permet aussi une professionnalisation de l'accompagnement. En outre, « le réseau a réussi à travailler sur les systèmes diversifiés qui sont propres à l'agriculture biologique », relève Jean-Luc Bochu. À ce titre, Mélise Willot complète  : «  il existe une grande richesse dans les 500 fermes de démonstration du réseau. Cet échantillon réparti à l’échelle nationale cherche à être représentatif des fermes bio, représentatif des productions principales mais aussi en laissant une belle place aux systèmes diversifiés comme en polyculture élevage (environ 20 % de l’échantillon). Dans 70% des cas, les données de ces fermes sont réactualisées au moins tous les 5 ans et en moyenne tous les 3 ans. Et dans 65% de ces réseaux régionaux de démonstration, des diagnostics environnementaux ont été réalisés ».

5. CAPACTITÉ D'INNOVATION ET DÉMARCHES EXPLORATOIRES : Dans un monde mouvant, les besoins de références et les supports qui les valorisent ne cessent de se transformer. Sur le terrain, les GRAB et les GAB sont attentifs à ces évolutions. Le travail mené en 2014 avec Solagro a permis de repérer plusieurs innovations en matière de références : ππ Des dispositifs d’acquisition de références où les producteurs sont au centre et où le pilotage et l’analyse sont avant tout collectifs  : «  Ils s'impliquent, ils pilotent, ils recommandent », illustre Mélise Willot de la Fnab. ππ Les thématiques abordées reflètent les enjeux de demain : résilience face aux chocs et aux aléas, érosion des sols, transition énergétique, etc. Les outils de collecte investissent le web : des interfaces web commencent à être mises en place, elles permettent aux producteurs d'être acteurs de la collecte des données, elles facilitent leur valorisation ultérieure et garantissent une meilleure dynamique de suivi.

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Retrouvez les exemples innovants du réseau Fnab en cliquant ici

6. LES PARTENARIATS : UN PLUS POUR L'ÉLABORATION DES RÉFÉRENCES Les partenariats ne sont pas systématiques dans les dispositifs mis en place par les GRAB et GAB. Quant ils ont lieu, ils sont motivés par différentes raisons : partage des tâches, transfert de compétences voire d’outils ou synergie pour la valorisation des résultats. Les principaux partenaires sont les Chambres d'agriculture, l'Itab, l'Institut de l'élevage, des Amap, le RAD, les Civam, les AfoCG, les ADEAR ou des organismes de recherche. Deux exemples  : Agrobio Poitou-Charentes a piloté l'élaboration de cas-types en grandes cultures bio sur sollicitation du Pôle Conversion (Chambres d'agriculture, GRAB et GAB, Centres de gestion, banques, coopératives bio et mixtes ).

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« C'est important de bien anticiper la finalité et la méthode de diffusion de ces résultats car, souvent, on nous reproche de produire des références sans savoir à qui elles sont vraiment destinées  », relève Jean-Pierre Gouraud, coordinateur technique d’Agrobio Poitou-Charentes. Résultat de ce partenariat  : «  Personne ne remet en cause les références acquises. C'est une plus-value. Nous diffusons et avons validé les mêmes références. On s'est mis d'accord sur les rotations et les prix des intrants et de vente » En Loire-Atlantique, le GAB 44 a créé en 2004 un groupe d'échange technique d'une trentaine de fermes en bovin lait. « Les producteurs voulaient avoir davantage de références et adaptées à leurs pratiques pour piloter leur ferme vers plus de durabilité », précise Lucas Briand, technicien. Données techniques, assolement, traitements vétérinaires, cheptel, comptes de résultats, charges, produits, données environnementales avec la méthode Dialecte, et sociales via Idea  : onze ans plus tard, l'outil est «  connu et reconnu  », notamment sur la santé animale. Ces données alimentent dorénavant un programme de recherche mené par l'école vétérinaire de Nantes.

7. DE NOUVELLES ATTENTES DANS LES FERMES : VIVABILITÉ SUR LES FERMES ET ANTICIPER POUR DURER «  La Fnab est aussi un syndicat de développement qui veut atteindre les 20% de surfaces en bio en 2020. Il nous faut des références pour montrer que la bio est viable économiquement et techniquement mais pas seulement. Sur les questions sociales : la vivabilité et la fierté tirée du métier sont aussi importantes », avance Mathieu Lancry, producteur et administrateur à la Fnab. Autres pistes évoquées : les références en économie circulaire, dans le domaine de l'emploi, sur la capacité à faire face aux aléas climatiques et économiques. « Nous avons également une approche économique basée sur des relations équitables et cela joue forcément sur le choix des référentiels », poursuit-il.

8. AGENCE DE L'EAU, ORGANISMES DE RECHERCHE, ETAT ET COLLECTIVITÉS : UNE DEMANDE GRANDISSANTE EN RÉFÉRENCE QUI INTERROGE L’état des lieux de Rep'Air bio montre que « peu de références ont comme finalité première d’alimenter la réflexion des acteurs politiques et techniques autour des politiques publiques », explique Jean-Luc Bochu de Solagro. «  Ces dernières années, nous sommes interpellés par des organismes publics, comme les agences de l'eau, illustre Mathieu Lancry. Nous sommes encore dans le flou quand nous travaillons avec ces institutions car nous devons trouver et définir des repères communs ». Pour ce producteur, cette diffusion des données est « intéressante et nécessaire » mais elle se heurte aussi à la « question du marché et des relations avec les acteurs économiques ». Dans ce domaine, certaines données technico-économiques peuvent se révéler « sensibles ».

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L’exemple des références acquises en Grandes Cultures biologiques par AgroBio PoitouCharentes montre bien qu’avec l’appui de la recherche, des passerelles peuvent être créées entre production des GRAB et GAB et besoin des pouvoirs publics pour l’évaluation des politiques territoriales en faveur de la bio : « Nous avons des demandes de chercheurs de l’IRSTEA pour utiliser ces références dans le cadre de modélisation sur les changements de pratiques et la qualité de l'eau. Cela permet sur des bassins céréaliers de définir le seuil de surface en bio pour avoir un début d'amélioration de la qualité de l'eau », indique Jean-Pierre Gouraud.

9. TROUVER L'ÉQUILIBRE ENTRE LA FLEXIBILITÉ DU LOCAL ET LE BESOIN DE COORDINATION RÉGIONALE OU NATIONALE Dans le réseau Fnab, les références sont largement issues de groupes locaux. «  Elles ont souvent un objectif local, malgré leur qualité, elles ne sont pas largement valorisées », relève Jean-Luc Bochu. Le besoin de mutualisation et d’harmonisation des méthodes de leur élaboration pose question, « Il y a des amorces des réflexions pour harmoniser des méthodes entre structures et trouver un équilibre. C'est le cas en bovin lait dans l'Ouest » dans le cadre d’une dynamique inter-régionale rassemblant plusieurs GRAB et GAB (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire) . La réflexion doit maintenant se poursuivre.

10. ACTUALISER LES DONNÉES : LES RÉFÉRENCES À L'ÉPREUVE DES MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS Parmi les recommandations formulées par Solagro, l'amélioration de l'actualisation et de la diffusion des références font consensus. «  Les Grab souhaitent améliorer leurs dispositifs d'élaboration, d'actualisation et de diffusion des références  », relève Jean-Luc Bochu. Au rang des limites : les moyens humains et financiers. « ll faut des personnes formées et qui s'impliquent à long terme dans les dispositifs. Le fait d'avoir des financements non pérennes, tant sur le plan des moyens financiers que celui des projets, n'y contribuent pas ».

REP'AIR Bio demain Aujourd’hui nous avons à relever un défi organisationnel et méthodologique en tenant compte des spécificités de la production de références au sein de notre réseau, c'est à dire une production de références ancrée au niveau local et réalisée à partir des besoins des producteurs. Depuis plus de 10 ans, notre réseau a développé des compétences pour répondre à des manques repérés par les producteurs. L'objectif, à partir de 2015, est de mieux valoriser ce qui est fait localement, de mutualiser et de capitaliser les dispositifs existants, d'accompagner la montée en compétences des quelques 100 techniciens GAB/GRAB qui travaillent localement à l'accompagnement des producteurs, et de contribuer comme d'autres réseaux à la production de références indispensables au développement de l'AB. Mathieu Lancry, administrateur Fnab.

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ENTENDU LORS DES ÉCHANGES AVEC LA SALLE VALORISATION Interpellé par un producteur bio de l'Aude, investi dans un projet Casdar blé dur avec l'Inra, sur la valorisation des données du projet et la poursuite de ce travail et plus globalement sur les passerelles à créer entre recherche et producteurs, Marc Benoît, de l'Inra Clermont-Ferrand, répond : « Le mot clé : c'est construire en amont. Les collaborations fonctionnent quand la question de l'utilisation et de la diffusion des résultats ont préalablement été pensées . Dans le massif central, sur les référentiels des systèmes d'élevage, la synergie recherche-producteurs fonctionne car ce travail préliminaire permet à tous les partenaires de s'y retrouver en terme de références ».

GRANULARITÉ Interrogés sur le degré de granularité des dispositifs de production de références repérés dans le réseau Fnab, Jean-Luc Bochu et Philippe Pointereau, de Solagro, précisent : « Nous avons réalisé des fiches détaillant une vingtaine de dispositifs. Côté granularité, elle est peut être assez fine.» C’est le cas notamment du référentiel bovin lait du GAB 44 ou encore des diagnostics agroenvironnementaux menés par Bio de Provence dans le cadre de son réseau de fermes exemplaires énergie.

PARTENARIATS À la question « Quel partenariat avec les centres de gestion ? », Marc Varchavsky, responsable du développement de l'offre de services au Conseil National CERFRANCE, illustre : «  Nous menons des actions locales notamment avec les Gab en Pays de la Loire, Bretagne, ou en Bourgogne. Nous essayons parfois de comparer avec le bio et le conventionnel. Et cela montre que les systèmes en bio peuvent être plus performants économiquement. Cette démarche est intéressante quand nous pouvons analyser les résultats sur une longue période. »

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Regard LE REGARD DE JEAN-MARC MEYNARD PRÉSIDENT DU CONSEIL SCIENTIFIQUE DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE (CSAB) ET GRAND TÉMOIN DE LA JOURNÉE : « Je ne reviendrai pas sur la richesse du travail perçu au sein du réseau FNAB et du travail réalisé par la FNAB et Solagro. Je voudrais vous interpeller sur deux choses : les tensions qui sous-tendent la diversité des objectifs poursuivis en matière de références et les angles morts liés à leur usage. Il y a d'abord une grande diversité des besoins en références : conversion, durabilité, efficacité économique, technique ou demandes des organismes publiques. Il va donc falloir trier et dire de quelles références nous parlons, au risque est de transformer le terme « références » en un terme attrape-tout. La seconde tension touche au besoin de représentativité des fermes en bio dans les références et le besoin de références sur l'innovation, qui sont souvent basées sur des cas particuliers. Cela demande un dispositif de travail particulier. Dans ce cadre, Inosys, qui travaille sur la modélisation de cas-types, bute sur cette tension. Troisième tension, celle de l'équilibre à trouver entre les productions de références locales, directement issus des besoins des producteurs, et les besoins des acteurs publics et de ceux de l'accompagnement. Comment valorise-t-on ce qui se passe en local, dans une autre région ou à l'international  ? Mutualise-t-on les données  ? Comment coordonner et formuler ces synthèses ? Pour trouver des solutions, il faudra probablement faire des choix, dans le cadre de partenariat, et accepter de ne pas tout traiter. Quant à l'angle mort, il ne suffit pas de définir un objectif pour savoir comment on va formuler et utiliser des références. Il faut avant tout définir des indicateurs pour caractériser ensuite les références : sur le temps long, le temps court, la durabilité, l'efficacité du système, sur l'innovation, etc. De plus, la question de la source est importante. Lorsque les références sont issues d'un réseau particulier, le réseau Fnab par exemple, un producteur peut penser que les données traduisent un parti pris pour la bio. Dans ce cas, l'harmonisation et les partenariats sont indispensables pour crédibiliser les résultats. Second angle mort, celui des politiques publiques. À ce niveau, les références sont-elles vraiment pensées ou bien juste recyclées ? Cet objectif nouveau ne mérite-t-il pas de monter en puissance avec sa propre spécificité ? Cela implique de travailler de concert avec ceux qui bâtissent ces politiques, pour sélectionner et définir la nature des références attendues et disponibles. Enfin, je terminerai sur la question des partenariats. Ils sont clairement recherchés par l'ensemble des acteurs présents. Nous savons que les moyens ne sont actuellement pas en extension. Et la complémentarité existe entre les différents acteurs. Il va donc falloir trouver des ponts entre organismes pour produire, recueillir et valoriser les références. La recherche a son rôle à jouer à ce niveau ».

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Table Tableronde ronde

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ATTENTES ET PERSPECTIVES AUTOUR D'UN OBSERVATOIRE NATIONAL DES REFERENCES EN AGRICULTURE BIOLOGIQUE

LES INTERVENANTS : Laëtitia Fourrié, responsable du pôle Réseau Valorisation à l’Itab, Jérôme Pavie, chef du Service Fourrages et Pastoralisme de l'Institut de l'élevage (Idèle), Françoise Simon, adjointe à la sous-direction de l'Organisation économique, des industries agroalimentaires et de l'emploi du ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt (DGPAAT), Mathieu Lancry, producteur bio et administrateur à la Fnab, Nicolas Daspres, chargé de mission agriculture biologique à l'APCA, Sabine Bonnot, productrice bio et trésorière de l'Itab et Philippe Pointereau, directeur du Pôle Agro-environnement de Solagro.

Dans la foulée de la restitution du chantier Rep'Air bio, mené en 2014 dans le réseau Fnab, les « attentes et perspectives autour d'un observatoire national des références en agriculture biologique » étaient au cœur d'une table ronde animée par Laëtitia Fourrié de l'Itab. Les différents acteurs y ont exprimé leur volonté d'avancer sur la construction d’un dispositif national de production et mutualisation des références en AB, leurs attentes quant à un tel dispositif mais aussi leurs interrogations. Dans l'auditoire, la nature des références à harmoniser et à mutualiser a suscité nombre de réactions et de riches échanges. Résumé en 6 points.

1. POURQUOI UN OBSERVATOIRE ? « Il s'agit plutôt d'un dispositif pour mutualiser des références bio, mobilisable au niveau national », précise derechef Laëtitia Fourrié. En amont, un constat : les références aujourd'hui disponibles en bio sont rarement issues de méthodes standardisées et homogènes à l’échelle nationale et souffrent d'une actualisation irrégulière. Dès 2008, les acteurs de la bio s'entendent sur ces besoins autour d’un projet associant plus d’une vingtaine de partenaires (le projet RefAB) : « Nous nous sommes organisés pour travailler ensemble, proposer un cadre méthodologique, clarifier la notion de références avec des définitions précises ». En 2013, Ce projet a abouti à la construction d’un cadre méthodologique de production de références, croisant analyse de la durabilité des fermes en bio et une approche via cinq principes fondamentaux en AB (résilience, autonomie, diversité, équité et écologie). «  En 2014, nous avons poursuivi la réflexion, notamment dans le domaine de l'élevage ruminant, et le ministère de l'Agriculture nous a sollicités sur les références sur la bio, en lien avec les objectifs du programme Ambition bio 2017 ».

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«  Établir, actualiser et diffuser des références technicoéconomiques est un des leviers pour développer la production », confirme pour sa part Françoise Simon, représentante du ministère. Très en attente sur le sujet, le ministère demande «  un effort d'harmonisation et d'actualisation des données. Même si nous sommes tous conscients de la difficulté que cela suscite  ». Et de poursuivre  : «  ce besoin d'un outil national n'enlève rien aux autres objectifs de la collecte de données : accompagnement d'itinéraires de production vers la conversion, par exemple. Il va falloir tout mener de front ». Le chantier se poursuit. Seule certitude à ce jour : « Nous avons besoin de ce dispositif et nous sommes tous d'accord pour partager l'existant », résume Sabine Bonnot de l'Itab.

2. AVEC QUI ? À ce jour, l'Itab, la Fnab, l'Apca et l'Institut de l'élevage travaillent déjà spécifiquement sur les filières élevage ruminant, basé sur un dispositif existant : « les réseaux d’élevage ». La construction de ce dispositif repose avant tout sur un travail de coordination et de médiation, endossé par l'Itab. La discussion a permis de rappeler les visions et les acquis des différents intervenants en matière de références en bio. Côté Institut de l'élevage, l'élaboration des références, dont celles en agriculture biologique, s'appuie sur des stations expérimentales, des bases de données et un réseau de fermes de références organisé autour d’un tandem producteurtechnicien. «  Les références produites ont permis de créer des cas-types, nous avons consolidé des indicateurs, nous avons fait évoluer les choses en produisant, par exemple, des références sur l'efficience environnementale des fermes bio  », souligne Jérôme Pavie. «  Côté partenariat, nous travaillons depuis longtemps avec les chambres d'agriculture. Mais, aujourd'hui, nous avons besoin de plusieurs sources de références : Chambres d'agriculture, Gab, Grab, lycées, etc. ». Côté Chambres d'agriculture, l'objectif d'harmonisation des références est aussi inscrit à l'agenda : c'est notamment l'objectif d'Inosys (ex Rosace) sur le volet technico-économique. Le dispositif concerne autant les fermes bio que conventionnelles et débouche sur la modélisation de «  cas-types  »  : «  Dans la région Centre, sept cas-types, dont en bio, ont été créés en grandes cultures, maraîchage, volailles, ... Depuis 2014, la production de références bio harmonisées est lancée dans différentes régions : en grandes cultures, en Pays de la Loire, Paca, Midi-Pyrénées et bientôt Rhône-Alpes ». En marge de ces références, des expérimentations sont menées dans des fermes ou plates-formes expérimentales mixtes et un partenariat est engagé avec Formabio pour créer des références pour un usage pédagogique par les enseignants et formateurs auprès de leurs apprenants. Invité à intervenir, Philippe Pointereau, de Solagro, a expliqué que les travaux de l'association ciblaient avant tout les questions environnementales. Fort d'une base de données concernant 2000 fermes, dont 1000 conduites en agriculture biologique, Solagro possède des données « mais pas vraiment de références », précise Philippe Pointereau. « Notre base de données et outil DIALECTE sont sur le Net. Nous les mettrons évidemment dans le pot commun. » Et d'ajouter : « Demain, il y aura aussi Dia'terre, projet mené par l'Ademe » (un outil de diagnostic énergie-gaz à effet de serre à l’échelle de l’exploitation agricole. Il harmonise les méthodes d'analyse existantes et centralise les diagnostics effectués, NDLR). « Ce sera une source d'informations importantes. Les données sont déjà mutualisables et exploitables ».

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Du côté de la Fnab, l'implication est aussi « affirmée » par la voix de Mathieu Lancry, administrateur FNAB. « La question du panel reste ouverte » précise Sabine Bonnot, de l'Itab : « Notre premier travail est de mettre tout le monde autour de la table. Il nous faut encore repérer des acteurs, et pas seulement dans le monde agricole. Le plus important, c'est d'avoir des retours larges sur les besoins, les attentes, les points de vigilance que chacun peut exprimer  ». Parmi ces acteurs, ne pas oublier les centres de gestion, dont les bases de données peuvent être exploitées pour produire des références. Jean-Pierre Gouraud, coordinateur d’AgroBioPoitou Charentes, alerte la salle «  Il ne faut pas rester dans le agricolo-agricole. Les demandes actuelles sont en lien avec la santé, l’environnement, … Il faut donc mettre autour de la table d’autres acteurs que les structures agricoles. »

3. LES RÉFÉRENCES POUR INSPIRER LES POLITIQUES PUBLIQUES ET FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRODUCTION : OBJECTIFS CONTRADICTOIRES ? En plus du besoin des métiers de l’accompagnement des producteurs et des porteurs de projet, la mobilisation, l'harmonisation et la mutualisation des références sont dorénavant, et de plus en plus, attendues par les pouvoirs publics. Le dispositif de références nationales est-il en mesure de répondre à cette nouvelle demande ? « À chaque programmation sur les aides au maintien ou à la conversion, nous avons vu que nous avions des données éparses. Or nous voulons avoir des données plus représentatives pour la prochaine programmation  », précise ainsi Françoise Simon, pour le ministère de l'Agriculture. Deuxième volet : les attentes formulées autour de l'agroécologie. « Là aussi, nous avons besoin de caractériser les fermes bio à travers trois performances : économique, sociale et environnementale. Nous voulons avoir des données pour faire émerger des politiques publiques. » Ce constat est partagé par les organismes d'accompagnement. Notamment la Fnab : « Nous savons que développer les références est un enjeu majeur pour notre réseau. Nous avons constaté qu'il y a un travail important réalisé dans les GAB et les GRAB. Lors de la définition des MAE et de la PAC, nous avons butté sur les références à avancer pour justifier pourquoi la bio doit être défendue », témoigne Mathieu Lancry pour la Fnab. Quant aux bénéfices et contraintes liés à la valorisation des résultats technico-économiques des fermes, ce dernier a souhaité attirer l'attention sur des tensions qui peuvent exister entre les objectifs poursuivis et les références mobilisées : « Certaines références issues des fermes peuvent être sensibles. La question de leur utilisation est centrale. Le niveau de marge brute dans les exploitations bio peut, par exemple, être valorisé pour convaincre les agriculteurs conventionnels que les systèmes en bio sont viables économiquement. Mais ces données ne doivent pas se retourner contre les producteurs, en justifiant, par exemple, la disparition ou la réduction de l'enveloppe de l'aide au maintien, ni être utilisées négativement pas les opérateurs économiques ».

4. INOSYS, UNE BASE DE DÉPART ? La mutualisation des références en bio pose plusieurs questions. Notamment celle des outils à retenir pour constituer cette base nationale et transversale à toutes les productions. À ce titre, Sabine Bonnot de l'Itab relève une première difficulté : « chaque outil a ses raisons d'exister. Il faudra faire une sélection en connaissance de cause. Ce n'est pas un enjeu de court terme ». Françoise Simon rappelle qu’une tendance se dégage. Inosys, méthodologie issue de l'Apca, a ainsi été présenté, par Françoise Simon comme « un outil de départ intéressant même si il doit être adapté pour que chacun ne reparte pas ensuite avec un outil de collecte et de consolidation des données différent ».

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Dans la salle, la recommandation soulève des questions. Olivier Reboul, producteurs en Grandes Cultures en Picardie et ancien technicien référence interroge  : «  Inosys serait pertinent pour servir de base ? Nous savons que sa typologie ne couvre pas tout le territoire, ni toutes les productions. Ce matin, nous avons vu que le réseau Fnab possède des outils qui sont plus larges, qui intègrent les systèmes diversifiés, les références sociales, l'autonomie ou l'innovation, et qui sont pensés à un niveau 100% bio ». Comment dépasser cette ambiguïté et « prendre en compte des éléments qui ne soient pas seulement orientés systèmes ? ». Cette question donne l'occasion à Nicolas Daspres d'apporter quelques précisions sur Inosys : «  En bio, nous menons un travail de longue date avec l'Institut de l'élevage. Le travail fait dans le projet RefAB a aussi permis d'intégrer de nouvelles références dans Insoys. Certes, les cas-types ne permettent pas de saisir tous les systèmes et notamment les plus innovants. Nous travaillons donc à articuler un nouveau projet à Inosys pour y inclure cette dimension ». Dans la foulée, Françoise Simon, représentante du ministère, recadre : « Inosys n'a pas à être repris tel quel. Ce n'est l'alpha et l'omega de l'observatoire. Il faut se demander comment cette méthode peut être adaptée à la bio pour en tirer des données harmonisées au niveau national. Le travail est à faire. »

5. LA QUESTION DES MOYENS Très peu évoquée lors de la table ronde, la question des moyens alloués à un tel dispositif est pourtant centrale. Ce point est d’ailleurs soulevé par Fabrice Dreyfus, du Conseil Général de l'Agriculture, de l'Alimentation, des Espaces Ruraux (CGAAER) dans la salle, qui interpelle sur le modèle économique d’un « observatoire » et s’interroge sur un financement par des salaires de la fonction publique et a minima sur un partenariat public/privé. À l'issue de la rencontre, plusieurs tendances se dégagent. Le ministère considère que les références font partie d'un «  juste  » retour des financements qui sont alloués aux différentes organismes d'accompagnement et de développement de l'agriculture biologique, notamment dans le cadre des programmes Casdar. Côté observateurs, Jean-Marc Meynard, Président du Conseil scientifique de l'agriculture biologique et grand témoin de la journée, a soulevé la question de «  la motivation des producteurs de données à mettre leur travail dans le pot commun ». En effet, « l'irrégularité » et « la faiblesse des moyens » alloués aux projets dont sont issues les références ont été pointées du doigt par les organisations productrices.

6. DES RÉFÉRENCES TECHNICO-ÉCONOMIQUES OUI, MAIS PAS SEULEMENT DES ATTENTES SUR LE VOLET SOCIAL : « Je vois des producteurs qui font des choses extraordinaires sur leur ferme en terme de plusvalue. Je trouve ça dommage de réduire les références à la dimension technico-économique et environnementale au détriment du volet social. La préoccupation de notre société est aussi le partage du travail, la création d'emploi. Pourquoi ne pas produire des références là-dessus ? » L'intervention de François Thery, producteur bio, présent dans la salle, donne l'occasion de quelques précisions. Philippe Pointereau, de Solagro, a tenu à relever la pertinence de la question : « Certes, ces données ne sont pas évidentes à mobiliser. Il n'est pas facile d'évaluer combien d'heures on travaille, lorsque l'on est producteur. Toutefois, entre la question de la pénibilité du travail et l'attention nouvelle portée aux congés, ces questions recoupent aujourd'hui certaines causes de la conversion chez des producteurs épuisés physiquement, économiquement et moralement. Il faut absolument que ces dimensions soient prises en compte ».

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Pour sa part, Nicolas Daspres, chargé de mission agriculture biologique à l'Apca, précise  : « Les références sociales ne sont pas les premières dans Inosys. Un rapport récent préconise d'ailleurs un approfondissement de ce volet. En revanche, nous commençons à faire remonter la problématique du travail car elle est de plus en plus présente chez les producteurs. » De son côté, Jérôme Pavie, de l'Institut de l'élevage, préconise : « sur ces données, les études menées se heurtent à la variété des acteurs impliqués et des indicateurs retenus. Il faudra donc penser des partenariat qui inclut de vraies compétences sur ces questions ».

ET SUR LE VOLET ENVIRONNEMENTAL ET SOCIÉTAL. L'intervention de Philippe Pointereau de Solagro souligne la diversité des références attendues  : «  Aujourd'hui, nous sommes aussi interpellés sur des questions en lien avec les consommateurs. L'acte d'achat en bio est d'abord lié aux bienfaits sur la santé et l'environnement. D'après les premières données du projet Nutrinet, et toutes choses égales par ailleurs, il y a 50% de moins de cas d'obésité chez les consommateurs de produits bio. Certaines questions reviennent aussi souvent  : la bio prend-elle trop de terres  ? Peut-elle nourrir le monde ? La bio consomme-t-elle plus d'énergie que le conventionnel ? Traiter tous ces thèmes demande beaucoup de moyens. Notre priorité reste l'environnement et nous sommes intéressés à voir comment la bio participe au maintien de la biodiversité, à la baisse des émissions de GES, etc. Le monde de demain sera complexe. Il y a beaucoup d'attentes autour de thèmes différents. Il va falloir prioriser ». Du côté du ministère, Françoise Simon tient à répéter : « Nous l'avons déjà précisé. Le terme de références technico-économiques ne signifie pas que délaissons les références sur le social. Dans le projet agro-écologique, il y a bien les trois dimensions : économique, sociale et environnementale. ». Et de rappeler qu’il ne faut pas attendre de l’outil qu’il réponde à tous les besoins exprimés par les producteurs, les consommateurs, les pouvoirs publics … «  Nous ne parviendrons pas à un outil miracle qui réponde à toutes les questions. »

DES INTERROGATIONS PERSISTANTES La nature des références à mobiliser dans ce futur dispositif national et transversal a largement retenu l'attention de l'auditoire. Parmi les interrogations : ππ Quel degré de représentativité des fermes en bio doit-on rechercher dans ces références ? Selon quel échantillon ? ππ Existe-t-il un risque de favoriser artificiellement les systèmes qui se rapprochent le plus des modèles présentés en conventionnel ? ππ Quelle place pour les systèmes diversifiés, difficiles à caractériser ? ππ Quid de la notion de transition des fermes à illustrer versus la recherche unique de l'optimisation des systèmes ? ππ Quel équilibre entre références utiles aux bio et références destinées aux bio de demain, à savoir les agriculteurs conventionnels ? Clarifier et préciser quels sont les objectifs de ce dispositif national de production et mutualisation des références est un préalable qui permettra sûrement d’apporter des réponses à ces questions. « Pour valoriser les acquis, il faut réfléchir à des usages nouveaux et il faut donc les définir. Il faut clarifier les objectifs des références et les hiérarchiser. » souligne Jean-Marc Meynard dans sa conclusion.

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L'ACQUISITION DES REFERENCES EN AGRICULTURE BIOLOGIQUE POUR RENFORCER LA RESILIENCE DES FERMES EN AGRICULTURE BIOLOGIQUE Table Table ronde ronde

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LES INTERVENANTS : Marc Benoît, INRA Clermont-Ferrand et co-animateur du comité interne AB de l’INRA, Benoît Dedieu, chef du département Sad de l’INRA, Gabrielle Sicard, chargée de mission de l’InterAFOCG et François Théry, agriculteur bio dans le Nord-Pas de Calais en polyculture, près d'Arras.

Entre les changements climatiques, la fin des outils de régulation des marchés tels que les quotas laitiers et l'instabilité des marchés, l'incertitude pèse sur de nombreuses fermes. Pour y faire face, la notion de résilience a intégré le champ agricole. L'acquisition de références peut-elle aider à renforcer cette dimension dans les fermes en bio  ? La question est posée.

«  Aborder la notion de résilience, c'est se demander si un système peut encaisser et faire avec les aléas climatiques, sanitaires, économiques ou politiques  », résume Benoît Dedieu, chef du département SAD à l'Inra. Pour le co-auteur de «  L'élavage en mouvement  : flexibilité et adaptation des exploitations d'herbivores  » et «  Agir en situation d'incertitudes en agriculture », les aléas peuvent arriver de l'extérieur. « Il existe aussi le cas des systèmes qui arrivent à une situation critique et doivent intrinsèquement changer pour survivre à des changements anticipés », précise-t-il. En filigrane de la résilience, les notions de vulnérabilité et de flexibilité apparaissent  : quelles sont les points de fragilité d'une ferme ? Quel degré d'agilité est conservé ou favorisé par l'agriculteur pour réagir face aux changements ? Comme le rappelle Benoît Dedieu, conserver des marges de manœuvre ou développer la diversité sur la ferme sont des facteurs qui peuvent limiter la vulnérabilité (voir encadré page 16).

LA RÉSILIENCE DÉFINIE DANS LE PROJET REFAB La résilience a été retenue en 2013 comme un des principes de la durabilité des fermes bio dans le cadre du projet RefAB. Il s'agit de « la capacité d'un système à s'adapter aux fluctuations et à supporter les perturbations, à se prémunir contre les risques et à anticiper ceux qui peuvent l'être ». À côté d'elle, deux autres notions émergent : la vulnérabilité et la flexibilité.

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Focus

MIEUX COMPRENDRE LA RÉSILIENCE : L'APPROCHE DE BENOÎT DEDIEU Lors de la table ronde dédiée à « l'acquisition des références en agriculture biologique pour renforcer la résilience des fermes bio  », Benoît Dedieu, chef de service du SAD-INRA est largement revenu sur cette notion. Il a notamment rappelé que la résilience est l'un des « concepts utilisés pour traiter de la capacité d'adaptation des systèmes dans un milieu ou une durée dans lesquels apparaissent un certains nombres de perturbations ». Pour lui, la notion perd de sa vigueur, car elle est très utilisée mais elle garde de sérieux fondements en écologie et en psychologie. Complexe, la notion de résilience renvoie également à la flexibilité et à la vulnérabilité. Notamment traitée par les socio-économistes, la vulnérablité renvoie, quant à elle, « à la capacité des systèmes à faire face à des chocs violents ». Selon Benoît Dedieu, la question de la capacité d'adaptation renvoie à deux questions : l'échelle de temps et la nature des perturbations (crise dans la famille, changements politiques, réglementaires, revenus insuffisants, etc.). Ainsi, sur le long terme, on ne parle plus d'aléas mais d'incertitude complète sur l'avenir. En revanche, trois dimensions se dégagent. L'étude d'exploitations sur 25 ou 30 ans révèle plusieurs échelles d'adaptation : ππ À court terme : s'adapter pour faire face à des aléas ; ππ À moyen terme : s'engager dans le changement ; ππ Dans le long terme : choisir des trajectoires même si l'on ne connaît pas le futur. Plus concrètement, chez certains, face à la disponibilité des terres, l'engagement de la famille dans le travail, les opportunités de marché, les contextes des fermes restent relativement inchangées. Les personnes, pour se préserver ne sont jamais à l'optimum et elles se préservent des marges de manœuvre. D'autres fermes en revanche, reconfigurent leur système tous les 10 ou 15 ans : organisation de la famille, activités de la famille, projets de production, grands éléments de conduite. Pour tenir, elles sont capables de négocier des changements de systèmes quand la nécessité se présente. Enfin, certains systèmes changent tous les deux ou trois ans : main d'oeuvre, activités, contenu du projet de production, comme s'ils s'exerçaient un ajustement permanent. C'est surtout le cas dans des systèmes confrontés à un marché, un contexte réglementaire ou à des prix très variables. Parler de résilience, de flexibilité ou de vulnérabilité, c'est enfin se poser la question de la nature et de l'objet de cette résilience : est-ce celle du sytème technique, de l'exploitation, du ménage ? Et dans quelle dimension : la production, l'économie, le travail ? Il faut toujours savoir quel cadre est concerné : est-ce le système technique, système famille-exploitation, le ménage ?

LES 5 POINTS POUR LIMITER LA VULNÉRABILITÉ DES SYSTÈMES* ∆

« La recherche de l'optimisation et de l'efficience peut être antagoniste au développement d'une capacité à faire face aux aléas, au maintien de leviers pour s'adapter »

∆ Il faut savoir préserver des marges de manœuvre pour ajuster des décisions ou absorber des chocs. ∆ La diversité est un facteur favorable pour s'adapter aux aléas. ∆ Il faut être capable de changer de manière radicale : trouver une cohérence entre des valeurs et des pratiques, apprendre des difficultés passées.

∆ Sans oublier l'importante des réseaux de réassurance pour s'entraider ou apprendre. *Intervention de Benoît Dedieu, chef du département du SAD à l'Inra.

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LES FERMES BIO PLUS RÉSILIENTES ? Dans les systèmes bio, plusieurs caractéristiques touchent à la vulnérabilité, la flexibilité et la résilience. Le renouvellement des techniques agronomiques est continu, l'absence de recours aux produits phytosanitaires de synthèse oblige à une réactivité importante vis-à-vis de la météo. De quoi se demander si les fermes bio sont plus résilientes que les fermes en conventionnel ? Pour Benoît Dedieu : « Impossible de savoir. À chacun d'interroger les cinq principes qui limitent la vulnérabilité d'un système. C'est un sujet pour la recherche », juget-il. La diversification des ateliers et des productions est également prégnante dans les systèmes en bio. Est-elle une contrainte davantage qu'un atout ? « La diversité engendre une complexification par rapport à la spécialisation. C'est certain. En revanche, en termes d'activités, de ressources et de production, la diversité a des avantages. Par exemple, dans le Sahel où la contrainte climatique est extrême, on constate que les troupeaux qui durent sont composés de races très diverses. Certaines sont improductives pendant des années, mais elles seront les seules à produire en cas d'extrême sécheresse. Mais globalement, nous sommes encore démunis sur cette question. Pour y répondre vraiment, il faudrait savoir mesurer l'impact de la complexité sur le travail agricole. Il faudrait travailler avec des ergonomes sur ces questions ».

LA RÉSILIENCE EN QUESTION À L'INTERAFOCG Réfléchie dans le domaine de la recherche, la résilience a aussi investi des groupes d'échanges de producteurs. C'est le cas à l'InterAfocg. « Nous avions une interrogation, explique Gabrielle Sicard, chargée de mission dans l'association. Certaines fermes qui avaient de bons résultats technico-économiques se retrouvaient rapidement fragilisées lors de crise ou de contextes incertains et changeants ». Pour se familiariser avec la résilience, l'association croise alors des observations de terrain et invite des intervenants extérieurs au monde agricole à expliciter le sujet, comme la chercheuse autrichienne Ika Darnhofer, spécialiste de la question. A la clé, deux exemples. Dans le Loiret, dès 2007, 60 adhérents se réunissent pour réfléchir à des références qui les aident à aller vers plus de résilience. Dans le groupe, les fermes sont à 70 % en bio et à 50 % en vente directe, notamment en maraîchage, volailles et grandes cultures. La méthode a d'abord consisté à créer des cas-types. En 2011, dans le Pays-Basques, les producteurs de lait de brebis s'interrogent : entre 2006 et 2008, leur revenu courant a été divisé par deux. Quelles sont les fermes qui s'en sont le mieux sorti ? Selon quels ressorts ?

QUELS INDICATEURS ET QUELS RÉSULTATS ? Résultats ? Quelques données clé ressortent : « La question du temps est majeure dans le cas du Loiret. Il est, par exemple, ressorti que pour se dégager deux semaines de vacances, les lots de volailles doivent être planifiés deux ans à l'avance  ». Dans le Pays-Basques, l'étude menée auprès des 27 fermes débouche sur un questionnaire avec 73 critères et des indicateurs à l'échelle de la ferme : ils sont liés au système (autonomie, diversité, flexibilité, etc.) mais aussi à l'agriculteur lui-même. « Ces études nous ont permis de nous interroger et de changer notre regard sur la performance des fermes, témoigne Gabrielle Sicard. Celles qui ont les meilleures résultats technicoéconomiques ne sont pas forcément les plus résilientes  ». D'après l'association, plusieurs dimensions entrent également en jeu : le degré d'ouverture de l'agriculteur sur les attentes de la société ou la veille sur l'évolution des pratiques culturales. Enfin, à l'issue de ces travaux, l'Inter-Afocg conclut : « la résilience d'un système passe d'abord par la capacité de résilience de son pilote ».

En terme de pédagogie créative, comment imagine-t-on   un monde demain qui soit différent de celui d'aujourd'hui. Comment sortir du cadre ? Gabrielle Sicard, chargée de mission à l'Inter-Afocg

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LE TÉMOIGNAGE DE FRANÇOIS THÉRY QUELLE EST TA VISION DE LA RÉSILIENCE ? « Quand je me suis installé comme agriculteur, j'ai commencé à faire de l'intensif dans un système spécialisé. Ce n'était pas ma vision de l'agriculture. Quand j'ai voulu changer, j'ai essayé de faire ça dans la sécurité. J'ai d'abord commencé à travailler sur l'autonomie. J'étais en Gaec sur 110 ha et je suis passé à 50 ha avec 11 cultures et 6 variétés différentes de pommes de terre, sans irrigation. Du coup, je n'avais plus d'endettement. J'ai aussi mis en place des rotations en fonction de la qualité de mes terres : pommes de terre et chicorées sur mes terres les plus productives par exemple. J'ai introduit de la luzerne sur 20 ha. La marge de manœuvre existe aussi dans la manière de construire ses itinéraires techniques de production. Vu le coût de l'azote, et l'incertitude sur la minéralisation, j'ai pensé à l'économie sur ce poste : je ne priorise pas toujours le rendement. Je ne joue pas au poker. Côté commercialisation, je me suis engagé directement dans un coopérative 100% bio pour la chicorée. Sur la PDT je fais 5050 entre demi-gros et gros. Pour avoir un bon équilibre agronomique, je savais qu'il fallait que je mette de l'élevage parce que je restais sur un système spécialisé mais je ne l'ai pas fait. Il y a aussi des aspects sur lesquels je n'ai pas pu travailler comme le travail du sol et la fertilisation. Ce n'est pas le manque de références qui a joué, c'est que j'étais seul en bio dans un rayon de 15 kilomètres. Idem sur le temps de travail : j'aurais aimé aller plus loin sur cette question mais ce n'est pas dans la culture de mon secteur. Or, c'est plus facile d'avancer quand on est pas tout seul. Le fait d'être isolé, ce n'est pas simple. Pour moi, l'autonomie financière a été la première étape vers la résilience. Avant j'étais dans un système risqué, surtout pendant la conversion. La mise en place de la diversité m'a aidée. Ça a été ma marge de manœuvre : plus d'espèces, plus de variétés, plus de débouchés. Cela fait 15 ans que je suis en bio, et je n'ai pas à me plaindre. Ce sont les convictions et les valeurs qui m'ont guidé : il faut s'appuyer sur des valeurs pour changer. »

UNE QUESTION : LA RÉSILIENCE EST-ELLE RÉFÉRENÇABLE ? François Théry : «  Dans le Nord, nous avons eu des tornades ces dernières années. Je ne peux pas travailler là-dessus, c'est trop imprévisible. Mais quand je sais qu'un opérateur veut revoir les prix à la baisse, alors là, je peux travailler sur le sujet. Les références doivent toujours être ciblées. Vous pouvez avoir toutes les références possibles, tant qu'un agriculteur ne ressentira pas le besoin de changer, il ne changera pas et il ne pourra pas être résilient. Ma référence, je l'ai pas mal trouvée chez les producteurs bio. Je pense aussi que plus on est nombreux et solidaire, plus on est résilient. Car, être isolé rend les choses plus difficiles. » Benoît Dedieu : «  La question est  : quelles sont les ressources utiles pour changer ? La notion de référence est-elle la plus adaptée pour aborder la résilience  ? Sur le long terme, nous démarrons les recherches donc on ne sait pas. Seule certitude, il va probablement falloir se préparer à encaisser des chocs et pouvoir opérer des changements radicaux avec une capacité d'apprentissage. D'autant qu'une réalité pèse : la prévisibilité. Excepté chez celui qui est totalement autonome dans sa commercialisation, les producteurs sont dépendants de l'aval ».

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Le mot de la fin PAR JEAN-MARC MEYNARD, PRÉSIDENT DU CONSEIL SCIENTIFIQUE DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE ET STÉPHANIE PAGEOT, PRÉSIDENTE DE LA FNAB. En tant que grand témoin, Jean-Marc Meynard donne son analyse des échanges de l’après-midi : « Le débat sur l'observatoire nous a mené à des allers et retours entre des références systèmes et thématiques ; bio et conventionnel. À l'avenir, nous n'avancerons qu'en n'évitant de parler de tous les objectifs en même temps. Il faut y aller pas à pas. Néanmoins, ce débat a permis d'aborder la question des références nationales  : adressées aux pouvoirs publics, mutualisées dans les régions, pouvant aider les étudiants dans les formations, donnant l'image d'une agriculture biologique française intégrée. La question des cas-types est souvent revenue et il existe des acquis dans ce domaine, comme Inosys. Mais valoriser des acquis ne veut pas dire entrer dans des cases. On peut réfléchir à la manière dont on choisit les cas-types, à l'articulation entre l'intérêt des données locales et leur valorisation nationale. On peut réfléchir sur des valeurs de la bio : partage du travail, de la valeur ajoutée, emploi, vivabilité. Derrière tout cela et pour valoriser les acquis, il faut réfléchir à des usages nouveaux et il faut donc les définir. Il faut clarifier les objectifs des références et les hiérarchiser. Il existe un accord général sur la mobilisation collective  : mais elle n'est pas simple  ! Quelle motivation économique à produire des données  ? Comment articuler les niveaux national, régional et local  ? Et ce, dans toutes les organisations concernées. Le national peut travailler sur la coordination mais c'est au niveau régional ou plus local que les partenariats seront utiles et doivent être lancés. Il est possible d'imaginer que des régions pilotes inaugurent ce travail, même si tout le monde n'est pas prêt à partir en même temps. Enfin, je pense que la recherche de références dévoile des lacunes de connaissances, notamment scientifiques. Quelles références pour des politiques publiques ? Quel apport des références agronomiques ? Quid de la résilience ? Des ressorts du changement ? Les recherches doivent être menées et il me semble que l'implication des chercheurs doit se concrétiser sur ces sujets. »

Stéphanie Pageot poursuit : « Je me retrouve dans les propos de Jean-Marc. Nous voulions faire un point sur le travail que nous avons fait dans le réseau, mais à terme nous voulons surtout aller plus loin : nous professionnaliser et travailler collectivement. Le rapport récent sur les limites du plan Ecophyto montre encore qu'il y a un vrai besoin de partager nos compétences avec les conventionnels pour qu'ils puissent se passer des produits phytosanitaires. Les références peuvent nous y aider. «  Si vous voulez avancer dans vos recherches et vos références, faites intervenir la recherche  », dit en substance Jean-Marc. Et je le rejoins totalement sur ce point. Je dirai à nouveau que nous devons avancer sur cet observatoire, en hiérarchisant effectivement les priorités ».

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LA FNAB : UN RÉSEAU, DES VALEURS, DES HOMMES La Fédération Nationale d’Agriculture Biologique des régions de France (FNAB), a été créée en 1978 afin de porter la voix des producteurs biologiques. C’est à ce jour en France le seul réseau professionnel agricole qui soit spécialisé en agriculture biologique.

NOS 3 RAISONS D'ÊTRE : STRUCTURE DE DÉVELOPPEMENT

ORGANISATION PROFESSIONNELLE

MOUVEMENT CITOYEN

Porter la voix des producteurs biologiques en France et à l'international

Informer Mobiliser la société civile

Animer un réseau de terrain

Imaginer un nouveau modèle

PROMOUVOIR ET DÉFENDRE LE MÉTIER D'AGROBIOLOGISTE

CONSTRUIRE UNE AUTRE AGRICULTURE

www.fnab.org

www.repasbio.org

www.conversionbio.org

Actualités de la bio, publications, formations, ressources audio et vidéos pour se former et s’informer.

L’introduction de produits bio en restauration collective, démarche, accompagnement, expériences, témoignages, actualités et contacts.

Les questions à se poser pour passer en bio, les étapes de la conversion et de l’installation, les possibilités d'accompagnement, contacts utiles et témoignages

Apporter une expertise Accompagner les pouvoirs publics, institutions et professionnels DÉVELOPPER L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE PARTOUT ET POUR TOUS

Sensibiliser

POUR EN SAVOIR +

Avec le soutien : Rédaction : Virginie Jourdan - Déc. 2014 Crédits photos : FNAB, GRAB Haute-Normandie Mise en page : Compote de Com' www.compote-de-com.com

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