Planification intégrée des ressources et évaluation

28 nov. 2004 - me permets de vous adresser ces quelques commentaires ainsi que ... (et probablement d'autres à identifier avec le temps) sont importants.
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« Penser globalement, agir localement »

Lettre ouverte à monsieur Jean Charest Planification intégrée des ressources et évaluation environnementale stratégique oubliées : le plan de développement durable du Gouvernement manque des outils essentiels

Québec, le 28 novembre 2004

Monsieur le Premier Ministre, Votre gouvernement vient d’annoncer des initiatives en matière de développement durable que l’UQCN reçoit comme signe encourageant d’une volonté de mieux intégrer les approches aux enjeux économiques, environnementaux et sociaux qui détermineront l’avenir du Québec. Des démarches très similaires déjà entreprises au niveau fédéral depuis dix ans ont connu par contre des succès très mitigés, et l’UQCN se croit obligée de souligner en même temps de sérieuses lacunes dans ce qui est proposé. Puisque la consultation sur le contenu de l’éventuel plan de développement durable n’aura lieu que dans quelques mois, et cela après une consultation sur les enjeux énergétiques du Québec, je me permets de vous adresser ces quelques commentaires ainsi que des recommandations que l’UQCN considère incontournables pour éviter une banalisation désastreuse du concept même de « développement durable ». On n’est pas déjà dans le développement durable… Il est à cet égard frappant que, depuis seulement quelques semaines, votre gouvernement ait indiqué que la plupart sinon l’ensemble des revendications des intervenants du milieu environnemental peuvent être considérées comme inappropriées selon les principes du développement durable : „ Le ministre Thomas Mulcair a indiqué que les projets de centrales thermiques à Beauharnois (le Suroît) et à Bécancour sont des projets de développement durable; il soulignait en même temps le rôle que l’opposition à ces projets a joué dans la décision prise d’adopter le plan de développement durable… „ Vous-même, tout récemment, avez associé étroitement le développement durable avec un programme massif de développement hydroélectrique. „ Le ministre délégué aux Forêts, à la Faune et aux Parcs, Pierre Corbeil, a indiqué qu’une éventuelle recommandation de la commission Coulombe de réduire l’envergure des coupes commerciales dans la forêt publique pourrait être confrontée aux revendications pour un « développement durable » de la part d’intervenants régionaux voulant maintenir le niveau actuel des coupes. „ Votre Gouvernement, en décrétant la levée du moratoire sur la production porcine d’ici les Fêtes, dans l’absence des mesures jugées essentielles par la commission du BAPE à ce sujet, se montre manifestement convaincu que ce secteur agricole fait déjà du développement durable, malgré la prétention des commissaires du contraire.

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Les plus fervents adhérents à ce concept mis sur la scène mondiale par l’Union mondiale pour la nature (UICN) en 1980 et par la Commission Brundtland en 1987 admettent qu’il est sujet à interprétation. Au moins deux gestes additionnels (et probablement d’autres à identifier avec le temps) sont importants et doivent être posés rapidement pour éviter que votre gouvernement ne mine, par une multiplication sans contrainte des interprétations, toute crédibilité qui reste à l’utilisation du terme « développement durable ». 1. En matière de développement énergétique, l’adoption en 2000 par le gouvernement précédent de la Loi 116 a enlevé la capacité de la nouvelle Régie d’utiliser dans ses travaux la planification intégrée des ressources (PIR), principal outil permettant de comparer différentes filières de production d’électricité en fonction de leurs caractères environnementaux, économiques et sociaux. Cette méthodologie est reconnue mondialement, et est maintenant incontournable pour le Québec s’il veut éviter des débats stériles essayant de comparer les projets thermiques, hydroélectriques, éoliens, d’efficacité énergétique et autres. Il paraît essentiel à l’UQCN, pour asseoir la crédibilité de votre démarche, de la compléter par le retrait de la Loi 116 et la mise en œuvre de processus d’utilisation de la PIR. 2. L’avant-projet de loi évite toute référence, dans son libellé propre, à ce qui est essentiel, et qui est mentionné dans les notes explicatives, qui n’en font pas partie : « Les mesures prévues par l’avant-projet de loi concourent à mieux intégrer la recherche d’un développement durable dans les politiques, les programmes et les actions de l’Administration [le gouvernement] ». Pour éviter que le plan annoncé ne répète les erreurs, ne reconduise les faiblesses de la démarche fédérale en place depuis 10 ans, il est essentiel que votre gouvernement adopte, très rapidement, une réglementation sur l’évaluation stratégique; nous attendons depuis le rapport Lacoste de1988 l’instauration d’un tel régime. Vos récents engagements exigent que le Québec ajoute à son processus d’évaluation environnementale de projets mené par le BAPE, reconnu mondialement pour sa performance, l’évaluation stratégique par le BAPE des politiques (cf. la Politique nationale de l’eau, une nouvelle politique à venir en matière d’énergie, une nouvelle politique à venir en matière de foresterie), des programmes (cf. les programmes actuels de subventions dans le secteur agricole et ceux, à venir, d’écoconditionnalité) et des actions (cf. les actions visant la consolidation du réseau d’aires protégées, qui régresse) du programme gouvernemental lui-même, celui auquel sont affectés peut-être 20 milliards de dollars de son budget. L’approche prévue est administrative et éducative Contrairement à ceci, le plan de développement durable annoncé par le ministre Mulcair va « exposer la vision retenue, les enjeux, les orientations ou les axes d’intervention, ainsi que les objectifs que doit poursuivre l’Administration en matière de développement durable. Elle identifie également les principes de développement durable qui… doivent être pris en compte ». Ceci paraît très théorique, approprié pour une stratégie. De plus, la stratégie « prévoit les mécanismes et moyens envisagés pour en assurer le suivi, dont les indicateurs de développement durable retenus pour mesurer les progrès réalisés ». Chaque ministère sera obligé de développer sa propre stratégie en conformité avec celle du gouvernement, et en « [fera] état sous une rubrique spéciale dans le rapport annuel de ses activités ». Les indicateurs que votre projet de législation prévoit ne permettront que de mesurer les « progrès réalisés » par rapport à ce qui se trouvera dans les éventuelles stratégies de développement durable, elles-mêmes relevant surtout d’une approche administrative d’après le contenu de l’avant-projet de loi. Que ces indicateurs doivent être adoptés dans l’année suivant l’adoption de la loi démontre qu’il ne s’agit pas de corrections aux imperfections d’indicateurs critiques tels le GDP, qui ne tiennent pas compte des externalités environnementales et sociales; même les économistes admettent cette lacune dans une démarche de développement durable, mais les corrections nécessaires vont prendre des années, ce qui est clairement en dehors du projet annoncé. Il est frappant de noter que vos récentes annonces ne toucheront qu’indirectement le programme gouvernemental, tel qu’esquissé, par exemple, dans le document Briller parmi les meilleurs publié au printemps de 2004. S’il y a une chose que nous avons apprise concernant ce concept, c’est que le

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développement durable ne peut constituer, pour ce qui touche le développement d’une société, une « rubrique spéciale ». Briller ne permet pas de confirmer que le gouvernement admet ce constat; l’avant-projet de loi prévoit que le développement durable sera inscrit comme « une rubrique spéciale » pour chaque ministère en cause. Tout indique que, pour vous et pour votre gouvernement, le développement et le développement durable sont deux choses différentes. Ceci est également confirmé par le fait que la stratégie prévue prendra effet pour une durée de cinq ans, soit une période qui dépasse celle du mandat normal d’un gouvernement, sans parler de ceux des ministres responsables d’éventuelles stratégies « sectorielles »; il est difficile par ailleurs de concevoir que l’adoption d’une telle stratégie puisse s’appliquer automatiquement aux actions d’un gouvernement qui suivra, qui doit de toute façon en adopter une neuve. Dix ans de bilans triennaux du Commissaire à l’environnement et au développement durable du gouvernement fédéral démontrent que le processus est lourd, lent et sans beaucoup d’influence sur les programmes gouvernementaux qui orientent ses interventions et ses dépenses et qui constituent sa contribution au développement de la société. C’est la Commissaire actuelle qui fait ce constat, et non des commentateurs préjugés. À cet égard, il est intéressant de souligner le principal élément qui semble distinguer le travail de l’éventuel commissaire québécois de celle-ci : au Québec, en plus des quelque 25 éventuelles stratégies ministérielles, il y aura une stratégie « unique » pour l’ensemble du gouvernement, ce qui n’existe pas au niveau fédéral et qui nuit à son processus. L’UQCN aimerait bien comprendre que l’éventuelle stratégie de développement durable de ce gouvernement constituera son programme « unique » comme gouvernement en vue du développement de la société. Rien ne permet de croire que ceci est l’intention. Elle croit que les deux interventions proposées pourraient contribuer au développement actuellement en cours et à venir, si elles étaient adoptées rapidement. Harvey Mead Président UQCN

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