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24 janv. 2011 - recours en garantie contre son propre ven- deur, en .... profit de l'acquéreur de son véhicule défectueux, à la suite de la résolu- tion de la vente ...
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LA SEMAINE DU DROIT CIVIL ET PROCÉDURE CIVILE

La solution inaugurée par la Cour de cassation en 2008, loin de marquer un affranchissement du droit par rapport à la science, conduit ainsi à remplacer la science des scientifiques par celle des juristes, avec cette conséquence qu’une même loi générale est susceptible d’être affirmée ou repoussée selon la juridiction qui statue, sans que la Cour de cassation puisse remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond. Plaisante justice qu’une rivière borde, écrivait déjà Pascal ; mais il n’imaginait peutêtre pas qu’une vérité scientifique en deçà de la Loire pût devenir erreur au-delà.

PORTÉE Le présent arrêt place la Cour de cassation dans une posture délicate, car il révèle les divergences de jurisprudence auxquelles la solution posée par les arrêts du 22 mai 2008 conduit inévitablement. Quels que puissent

être les mérites juridiques de cette solution, elle crée une situation qui, sur le plan politique et vis-à-vis des plaignants, paraît difficilement tenable sur le long terme. Mais comment en sortir ? Si, en dépit de l’incertitude scientifique actuelle, on tient absolument à faire jouer les mécanismes de la responsabilité civile au profit des malades qui imputent les affections démyélinisantes dont ils sont victimes au vaccin contre l’hépatite B, mieux vaudrait mettre en place un mécanisme qui ne repose pas sur une pseudo-science aboutissant à une forme de loterie judiciaire, comme c’est le cas aujourd’hui. Une possibilité serait d’instaurer une présomption non pas de fait mais de droit, reposant ouvertement sur des considérations de politique juridique, qui, dans certaines circonstances précisément définies, permette de présumer le lien entre la vaccination et la maladie. Du moins les plaignants

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sauraient-ils alors à quoi s’en tenir et ne seraient-ils pas exposés à l’aléa créé par les divergences possibles entre les conceptions scientifiques des juges. L’opportunité d’une telle présomption ne va cependant pas de soi et la délimitation précise de son champ d’application ferait bien sûr difficulté. Il serait dès lors préférable qu’une telle présomption soit créée par le législateur, plutôt que par les juges. Mais la meilleure solution serait sans doute d’étendre et d’assouplir le régime d’indemnisation prévu à l’article L. 3111-9 du Code de la santé publique, applicable en l’état actuel aux seuls dommages imputables à des vaccinations obligatoires (V. RDC 2008, p. 1200 ) ; en attendant que l’avancée des connaissances médicales et scientifiques permette, peut-être, de savoir si oui ou non la vaccination contre l’hépatite B est susceptible de provoquer la sclérose en plaques.

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L’erreur de l’avocat dans le fondement juridique d’une action L’erreur commise par l’avocat dans le choix du fondement juridique de l’action de son client, laquelle ne peut plus être réparée à l’occasion d’une autre instance en application du principe de concentration des moyens, engage sa responsabilité professionnelle. instance, la garantie de son vendeur des condamnations prononcées à son encontre au profit de l’acquéreur de son véNdlr : L’auteur reprend dans la hicule défectueux, à la suite de présente note, en le développant, la résolution de la vente pour le commentaire paru dans la manquement à son obligation revue mensuelle Responsabilité de délivrance, un acquéreur a civile et assurances (Resp. civ. et été débouté par la cour d’appel SOPHIE HOCQUETBERG, professeur assur. 2010, comm. 321) de renvoi saisie de son action à l’université Paul sur le fondement d’un vice Verlaine de Metz CONTEXTE caché. Cette juridiction l’a, en effet, déclaré irrecevable en son Bien que passée relativement inaperçue, cette recours en garantie contre son propre vendécision est emblématique des effets, que deur, en retenant que l’action était tardive. certains n’hésitent pas à qualifier de « dévas- Ainsi définitivement condamné à l’égard du tateurs » (C. Bléry : Procédures 2010, alerte sous-acquéreur, sans pouvoir bénéficier de 1), de l’évolution jurisprudentielle concer- la garantie de son propre vendeur, ce justinant l’office du juge et le rôle des parties sur ciable a engagé une autre action dirigée, cette la responsabilité professionnelle de l’avocat. fois, contre son avocat. Pour le débouter à En l’espèce, après avoir obtenu, en première nouveau, la cour d’appel a jugé que la faute Cass. 1re civ., 16 sept. 2010, n° 09-14.580, F D : JurisData n° 2010-016120

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professionnelle de l’avocat ne pouvant se déduire du seul mauvais choix des fondements et moyens juridiques de défense de son client, ce dernier n’établissait pas en quoi, au vu de la décision qui avait rejeté son appel en garantie, l’avocat aurait manqué à son obligation de moyens. Dans la décision commentée, la première chambre civile considère qu’en se déterminant ainsi, tout en admettant l’erreur commise par l’avocat dans le choix du fondement juridique de l’action en garantie introduite par son client, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil. Autrement dit, la Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir déduit la faute de l’avocat de la seule constatation de son choix erroné dans la stratégie de défense des intérêts de son client. En considérant ainsi qu’une erreur commise dans le fondement juridique de l’action engage la responsabilité profession-

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nelle de l’avocat, la première chambre civile écrit ici l’épilogue d’une histoire jurisprudentielle tendant à redéfinir les obligations de chacun des acteurs du procès civil : les parties, le juge mais aussi l’avocat.

ANALYSE La Cour de cassation a récemment renforcé le rôle des parties au litige en recourant à l’autorité de la chose jugée détournée aux fins de sanctionner les comportements exagérément processifs (JCP G 2007, II, 10070, note G. Wiederkehr). En effet, par un « séisme processuel dans l’approche de la cause » (N. Fricero, Le fabuleux destin de l’autorité de la chose jugée, in Mélanges J.-F. Burgelin : Dalloz, 2008, p. 199), la Cour de cassation a sensiblement modifié la portée de cette fin de non-recevoir dans le fameux arrêt Cesareo, en considérant comme définitivement jugé ce qui n’a pas été jugé. Cette évolution s’est produite grâce à la découverte d’un nouveau principe, dit de concentration des moyens, selon lequel « il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci » (Cass. ass. plén., 7 juill. 2006, n° 04-10.672 : JurisData n° 2006-034519 ; Bull. civ. 2006, ass. plén., n° 8 ; JCP G 2006, I, 183, n° 15, obs. S. Amrani-Mekki ; JCP G 2006, I, 188, n° 14, obs. R. Martin ; note G. Wiederkehr, préc. ; Procédures 2006, comm. 201, note R. Perrot ; Procédures 2006, repère 9, note H. Croze ; D. 2006, p. 2135, note L. Weiller ; RTD civ. 2006, p. 825, note R. Perrot ; Rev. Huissiers 2006, p. 348, note N. Fricero. - V. pour une application récente : Cass. 3e civ., 20 janv. 2010, n° 08-70.206 : JurisData n° 2010-051181 ; Bull. civ. 2010, III, n° 17 ; JCP G 2010, act. 147, C. Bléry ; JCP G 2010,

doctr. 546, n° 15, obs. Y.-M. Serinet). Tenu de soulever dès l’instance initiale tous les moyens adaptés à ses prétentions, le plaideur est irrecevable à exercer une action « de rattrapage » sur le fondement de règles omises au soutien de cette même demande. Par cette jurisprudence, très contestée en doctrine (V. not., G. Bolard : L’office du juge et le rôle des parties ; entre arbitraire et laxisme : JCP G 2008, I, 156. - S. Guinchard, L’autorité de la chose qui n’a pas été jugée à l’épreuve des nouveaux principes directeurs du procès civil in Mélanges G. Wiederkehr : Dalloz, 2009, p. 379), la Cour de cassation transfère aux plaideurs une partie de l’office du juge en poursuivant des objectifs d’efficacité du service public de la justice et de célérité des procédures, lesquels prévalent clairement sur le droit des justiciables de recourir au juge pour la reconnaissance de leurs droits subjectifs. Une telle conséquence s’impose, y compris lorsque les moyens omis ne pouvaient être utilement invoqués lors de l’instance initiale, compte tenu de l’état de la jurisprudence à cette époque (Cass. 1re civ., 24 sept. 2009, n° 08-10.517 : JurisData n° 2009049542 ; Bull. civ. 2009, I, n° 177 ; JCP G 2009, note 401, C. Bléry). Un tel résultat est d’autant plus drastique pour le justiciable, qu’il ne peut pas nécessairement compter sur le juge pour soulever d’office le fondement juridique pertinent qui aurait été omis au soutien de sa demande. En effet, la Cour de cassation a aussi limité l’office du juge en considérant que « si, parmi les principes directeurs du procès, l’article 12 du (…) Code de procédure civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement

juridique de leurs demandes » (Cass. ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11.343 : JurisData n° 2007-042069 ; Bull. civ. 2007, ass. plén., n° 10 ; Resp. civ. et assur. 2008, comm. 112, note S. Hocquet-Berg ; JCP G 2008, II, 10006, note L. Weiller ; D. 2008, p. 228, note L. Dargent ; Rev. Lamy dr. civ. 2008, p. 2843, note S. Doireau ; Contrats, conc. consom. 2008, comm. 92, note L. Leveneur). Nullement tenu de relever d’office la « bonne » règle de droit négligée par le demandeur, le juge est ainsi libre d’abandonner le justiciable à son sort. Si, dans le présent cas d’espèce, le juge aurait pu examiner, dans le respect du principe du contradictoire, le bien-fondé de l’appel en garantie sur le fondement du défaut de conformité, il ne pouvait lui être fait grief d’avoir omis de le faire. Si l’acquéreur ne peut plus se délester des condamnations prononcées à son encontre sur son propre vendeur, le présent arrêt lui reconnaît cependant le droit d’en reporter le poids sur son avocat. En effet, comme nous l’avions pressenti (V. Resp. civ. et assur. 2008, comm. 112), le principe de concentration des moyens combiné à la jurisprudence sur l’office du juge devait nécessairement entraîner un alourdissement corrélatif de la responsabilité professionnelle de l’avocat. La représentation par avocat étant normalement obligatoire et, même lorsqu’elle est facultative, habituelle, la présente décision nous montre que ce dernier supportera concrètement les conséquences de cette évolution jurisprudentielle. Plus que jamais, l’avocat sera bien avisé de développer, en demande comme en défense (Cass. 3e civ., 13 févr. 2008, n° 06-22.093 : JurisData n° 2008-042737 ; Bull. civ. 2008, III, n° 28 ; JCP G 2008, II, 10052, note L. Weiller), une argumentation hiérarchisée, comportant un moyen principal et un ensemble de moyens subsidiaires, afin de contraindre le

LA COUR – (…)

vu de la décision qui avait rejeté son appel en garantie, M. T. aurait manqué à son obligation de moyens ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal : Vu l’article 1147 du code civil ; • Attendu qu’après avoir obtenu, en première instance, d’être garanti par son vendeur des condamnations prononcées à son encontre au profit de l’acquéreur de son véhicule défectueux, à la suite de la résolution de la vente de ce véhicule pour manquement à son obligation de délivrance, M. G., qui a été ensuite débouté de son appel en garantie par la cour d’appel de renvoi saisie de son action sur le fondement d’un vice caché, a recherché la responsabilité professionnelle de son avocat ; • Attendu que, pour débouter M. G. de sa demande, l’arrêt attaqué retient que, outre le fait que la faute professionnelle de l’avocat ne saurait se déduire du seul mauvais choix des fondements et moyens juridiques de défense de son client, M. G. n’a pas établi en quoi, au

Qu’en se déterminant ainsi, tout en admettant l’erreur commise par l’avocat dans le choix du fondement juridique de l’action en garantie introduite par son client, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

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• Et, attendu que le moyen unique du pourvoi incident de M. T. n’est pas de nature à en permettre l’admission ; Par ces motifs (…) : • Déclare non admis le pourvoi incident ; • Casse et annule, sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à condamnation à paiement de dommages-intérêts de M. G. envers M. T. (…) pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bourges, autrement composée ; (…) M. Charruault, prés., M. Gallet, cons.-rapp., M. Bargue, cons. ; Me Carbonnier, SCP Baraduc et Duhamel, av.

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juge à examiner la prétention de son client sous tous les angles juridiques envisageables. Sans le vouloir, ces auxiliaires de justice sont ainsi amenés à participer à la politique de « gestion des flux » qui guide autant l’action de la Chancellerie que celle des juges euxmêmes (V. en ce sens, C. Bléry : Procédures 2010, alerte 1). Cette jurisprudence repose aussi sur l’idée que l’avocat est un professionnel du droit « investi d’un devoir de compétence » qui l’oblige à choisir le raisonnement juridique adéquat, même lorsque celui-ci repose sur une évolution jurisprudentielle récente n’ayant pas encore été étendue à la cause dont il a la charge (Cass. 1re civ., 14 mai 2009, n° 08-15.899 : JurisData n° 2009-048152 ; Bull. civ. 2009, I, n° 92 ; Resp. civ. et assur. 2009, comm. 219, note S. Hocquet-Berg ; JCP G 2009, note 94, H. Slim ; JCP G 2009, doctr. 295, n° 14 et 15, obs. G. Pillet ; Procédures 2009, comm. 263, note R. Perrot). Il ne peut ainsi pas se prévaloir de sa méconnaissance d’une décision rendue postérieurement à son intervention pour s’exonérer de sa responsabilité, dès lors qu’elle « ne constituait ni un revirement, ni même l’expression d’une évolution imprévisible de la jurisprudence » (Cass. 1re civ., 5 févr. 2009, n° 07-20.196 : JurisData n° 2009046831 ; Bull. civ. 2009, I, n° 21 ; Resp. civ. et assur. 2009, comm. 104). Seule l’absence d’anticipation d’un revirement de jurisprudence, souvent imprévisible et par nature incertain, ne peut être reprochée à l’avocat (en ce sens à propos du notaire : Cass. 1re civ., 25 nov. 1997, n° 95-22.240 : JurisData n° 1997-004652 ; Bull. civ. 1997, I, n° 328 ; Resp. civ. et assur. 1998, comm. 55 ; Defrénois 1998, p. 354, note J.-L. Aubert ; RTD civ. 1998, p. 210, note R. Libchaber et N. Molfessis ; RTD civ. 1998, p. 367, note J. Mestre ; LPA 12 oct. 1998, p. 7, note M.-P. Blin-Franchomme). En effet, les éventuels manquements des professionnels du droit à leurs obligations professionnelles ne peuvent s’apprécier « qu’au regard du droit positif existant à l’époque de son intervention ». Ils ne peuvent donc être tenus « des risques de revirement », judicieusement présentés comme « les risques de développement » de la matière juridique (M. Behar-Touchais, Rapport français sur la responsabilité des professionnels du droit, in La responsabilité, Aspects nouveaux : Travaux de l’Association H. Capitant, Journées panaméennes, t. L, 1999, p. 513, n° 19). En dehors de cette limite, toute omission ou erreur dans le choix des fondements et moyens juridiques adaptés à la défense de son client révèle une faute de l’avocat dont il doit civilement répondre, à la condition toutefois qu’elle ait

été préjudiciable. En effet, la réparation étant à la mesure des chances perdues par la faute de l’avocat, les juges doivent reconstituer fictivement la discussion qui se serait instaurée si l’avocat avait soutenu le moyen omis, afin de déterminer la réalité et l’étendue du préjudice subi par le client (Cass. com., 7 avr. 2009, n° 08-17.778 : JurisData n° 2009-047874 ; Bull. civ. 2009, I, n° 49 ; JCP G 2009, note 142, J.P. Maublanc). Dans le présent cas d’espèce, la cour de renvoi devra donc déterminer les chances de succès du moyen tiré du défaut de délivrance que l’acquéreur n’a pas invoqué à l’appui de son appel en garantie dirigé contre son vendeur. Si ces chances existent, et dans leur seule mesure, il pourra en obtenir réparation par son avocat, lequel supportera par conséquent une partie des condamnations mises à la charge de son client.

PORTÉE On peut dès lors se demander si cette jurisprudence n’aboutit pas, sans le dire, à faire basculer insidieusement la responsabilité de l’avocat de la faute vers le risque ? Comme cela a été justement relevé, « qui, à l’heure actuelle, sous une législation proliférante et une jurisprudence parfois chaotique, peut se vanter de pouvoir répondre correctement à toute question de droit et d’apprécier parfaitement le droit et les faits ou, du moins, de les apprécier comme le juge le fera » (G. Wiederkehr, note préc.). L’artifice utilisé par la première chambre civile pour dissimuler un glissement de la faute au risque a déjà fait ses preuves. De la même façon qu’elle juge que tout geste chirurgical maladroit est nécessairement fautif (V. réc., Cass. 1re civ., 17 juin 2010, n° 0967.671 : JurisData n° 2010-009576. - Cass. 1re civ., 18 sept. 2008, n° 07-12.170 : JurisData n° 2008-045001 ; Bull. civ. 2008, I, n° 205), elle retient ici que toute erreur commise par l’avocat dans le choix du fondement juridique de l’action en garantie introduite par son client engage sa responsabilité professionnelle. Déjà, en matière de rédaction d’actes, la jurisprudence retient à l’encontre de l’avocat une obligation d’efficacité juridique des actes qu’il confectionne qui, sans être explicitement qualifiée de résultat, paraît bien l’être (V. réc. : Cass. 1re civ., 14 oct. 2010, n° 09-13.840, à paraître au bulletin). Celle-ci est appréciée si sévèrement par les juges, que l’avocat ne peut faire échec à l’action en responsabilité civile dirigée contre lui qu’en établissant que l’acte litigieux a été établi dans l’ignorance d’informations sciemment dissimulées ou

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sur la base de déclarations erronées alors qu’il ne disposait pas d’éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude (V. Cass. 1re civ., 25 nov. 2010, n° 09-70.767 : JurisData n° 2010-021932). La présente décision paraît ainsi étendre ce devoir d’efficacité aux moyens juridiques invoqués par l’avocat au soutien de la défense des intérêts de son client. Sans qu’il soit procédé à l’examen du comportement qu’aurait eu un autre avocat, normalement compétent, confronté à la même complexité des règles applicables, la faute est déduite de la seule constatation du mauvais choix des fondements et moyens juridiques de défense des intérêts du client. Il faudrait alors en déduire que ce professionnel du droit, tenu d’être compétent, est réputé infaillible, même en l’état d’une science juridique dont la complexité rivalise avec celle de la science médicale. Il est vrai que les fonctions de l’avocat le désignent naturellement comme celui qui doit supporter le risque d’une erreur dans le choix du fondement juridique de l’action de son client. On trouve là encore cette volonté de faire supporter les risques de l’aléa, qu’il soit médical ou juridique, sur le professionnel qui - il n’est pas superflu de le souligner - est toujours assuré. Ainsi « satisfait ou indemnisé », le client bénéficie-t-il d’un haut niveau de protection, qui pourrait être approuvé s’il ne contrastait pas autant avec celui qui lui est accordé lorsque l’erreur émane du juge. C’est ainsi, par exemple, que la première chambre civile a retenu que la circonstance que deux affaires identiques puissent être, en définitive, jugées différemment n’était pas révélatrice d’une faute commise par les juridictions (Cass. 1re civ., 17 févr. 2010, n° 09-10.319 : JurisData n° 2010051611 ; Bull. civ. 2010, I, n° 40 ; Resp. civ. et assur. 2010, comm. 121, note H. Groutel). Il nous paraît donc indispensable de réformer l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire, prévoyant que, sauf déni de justice, le fonctionnement défectueux du service public de la justice n’engage la responsabilité de l’État qu’en cas de faute lourde (V. réc., Cass. 1re civ., 4 nov. 2010, n° 09-69.776 : JurisData n° 2010-020258. - Cass. 1re civ., 4 nov. 2010, n° 09-15.869 : JurisData n° 2010-020238), afin d’imposer au juge un niveau d’exigence équivalent à celui qu’il requiert de l’avocat.

Textes : C. civ., art. 1147 JurisClasseur : Responsabilité civile et Assurances, Fasc. 330 ou Civil Code, Art. 1382 à 1386, Fasc. 330, par Pascale Vaillier

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