Article Béatrice Benne_ Comprendre et développer le Lieu comme un écosystème vivant (PARTIE 2) 22 SEPTEMBRE 2015 (Traduction Université Terre & Mer France)
AMENAGER LE TERRITOIRE COMME UN ECOSYSTEME VIVANT (PARTIE 2) PAR BEATRICE BENNE 22 SEPTEMBRE 2015
ATELIERS « AMENAGER LE TERRITOIRE COMME UN ECOSYSTEME VIVANT » BRETAGNE, FRANCE, 25 - 26 - 27 AOUT 2015 Université citoyenne Terre & Mer Notes de terrain (PARTIE 2) Voici la PARTIE 2 des mes notes qui retracent mon expérience unique lors d’un atelier de développement régénératif que j’ai eu le plaisir de faciliter en Bretagne, France, au mois d’Août dernier. La PARTIE 1 décrit mes intentions pour l'atelier, le processus que nous avons vécu au cours des 2,5 jours, et met en évidence les éléments clés qui, je crois, ont fait le succès de l'atelier. La PARTIE 2 ci-dessous présente notre étude de cas du village de Crucuno où un projet d'écovillage est en cours; et le potentiel de régénération que nous avons découvert pour le projet et le village.
PARTIE 2: UNE REGION UNIQUE ; UN VILLAGE FASCINANT Le Pays d'Auray, dans la baie de Quiberon dans le département du Morbihan en Bretagne Sud, est incontestablement l'une des plus belles régions de France. L’ensemble de la région comprend une collection exceptionnellement dense de sites mégalithiques (comme, par exemple, les alignements de Carnac montrés sur l'image à droite) ce qui rend ce territoire unique et mystérieux. Plus de 3000 formations de pierre préhistoriques, y compris des alignements, des tumulus, des dolmens et des menhirs y ont été érigées; beaucoup d'autres sont encore enfouies sous terre. L'atelier lui-même a eu lieu sur le magnifique site de l'Ecole Nationale de Voile, directement sur la baie. Malgré la pluie fréquente lors de l'atelier, ce site a fourni un contact immédiat avec l'environnement naturel local. (Note : Nous avons décidé à la dernière minute d'incorporer une brève promenade dans la nature en solo au cours de l'atelier afin de casser le rythme et de donner aux participants l'occasion de voir le site et de méditer.) © José Luc Manzanares
Article Béatrice Benne_ Comprendre et développer le Lieu comme un écosystème vivant (PARTIE 2) 22 SEPTEMBRE 2015 (Traduction Université Terre & Mer France)
Article Béatrice Benne_ Comprendre et développer le Lieu comme un écosystème vivant (PARTIE 2) 22 SEPTEMBRE 2015 (Traduction Université Terre & Mer France)
Le village de Crucuno, qui est étrangement subdivisé en deux municipalités : Erdeven et Plouharnel, est situé sur une petite colline à quelques kilomètres au nord de la baie de Quiberon dans la campagne. Bernard Menguy, un architecte local qui a participé à l'atelier, a découvert à la suite de l'atelier que le nom du village en langue bretonne est « Krugunou ». « Krug » désigne un « cairn », un petit monticule artificiel de pierres spécifiquement placé pour préciser un lieu particulier. Menguy ne connait pas la signification de "unou." Un énorme dolmen, construit c. 4000 années avant JC et classé monument historique, est situé au centre du village, sur la place principale, dans la commune de Plouharnel. Il se compose de 9 pierres levées massives soutenant une dalle horizontale de 7,6 mètres de plus de 40 tonnes. Ce mégalithe n’est que l'élément restant d'un plus grand monument—un tumulus, qui comprenait un tunnel de 24 mètres, l'ensemble de la structure étant à l'origine entièrement recouverte de petites pierres et de terre. Au fil © José Luc Manzanares des ans, les locaux ont utilisé les petites pierres pour construire des maisons dans le village. Une maison a été construite juste à 50 centimètres du dolmen, ce qui semble être un refus violent de reconnaître l'origine probablement sacrée du monument. Cette maison n'a pas été habitée depuis de nombreuses années et il y a des histoires de maladie et de comportements dysfonctionnels dans la famille qui l'occupait. Selon deux experts de mégalithes, Howard Crowhurst et son fils David Crowhurst (qui nous a accompagné dans notre tour du village), le dolmen est géométriquement connecté à d'autres mégalithes de la région, y compris le "Quadrilatère" (un autre grand dispositif de grosses pierres 10 minutes à pied du dolmen) ainsi que les alignements de Carnac (voir photo ci-dessus), une ville à environ 10 kilomètres au sud du village. Il est envisagé d’ajouter le village de Crucuno sur la liste de l'UNESCO du patrimoine mondial. A l'origine le village était essentiellement agricole et cette occupation soutenait les familles locales. Aujourd'hui, l'agriculture a disparu et de nombreux retraités viennent ici pour se retirer. Le village comprend environ 40 habitations, 4 ou 5 d'entre elles étant actuellement vacantes. Crucuno semble sans vie, ci ce n’est pour la route principale qui coupe le village en deux et qui, comme on nous l’a dit, est principalement utilisée par des voitures qui roulent plutôt vîtes en tant que raccourci pour aller vers les villes voisines. Le village est avant tout un dortoir pour les familles qui travaillent dans les villes de la région d'Auray ou Vanne. Le village n'a pas d'école; pas de café; aucune épicerie; pas même une église. Un incinérateur a été construit non loin du village, ce qui a ralentit son développement et a pour conséquences de garder le prix des propriétés assez bas. En 2014, un groupe s’est organisé contre l'incinérateur en espérant pouvoir le faire fermer, tout en plaidant pour des moyens plus écologiques de gestion des déchets dans la région.
Article Béatrice Benne_ Comprendre et développer le Lieu comme un écosystème vivant (PARTIE 2) 22 SEPTEMBRE 2015 (Traduction Université Terre & Mer France)
Article Béatrice Benne_ Comprendre et développer le Lieu comme un écosystème vivant (PARTIE 2) 22 SEPTEMBRE 2015 (Traduction Université Terre & Mer France)
'CRUCUN' O 'ASIS "- UN PROJET D'ECOVILLAGE A CRUCUNO (Remarque: le nom « Crucun' O 'Asis » a été surnommé par les participants de l’atelier avec beaucoup d'humour.) Maintenant un homme d’une quarantaines d’années, Jérôme Collet se souvient de visiter ses grands-parents qui vivaient à Crucuno quand il était enfant (sa grand-mère vit toujours dans le village). Il a décidé de s'installer dans le village fin 2012 avec l'idée de construire un écovillage, basé sur un concept de cohabitation, sur une propriété qu'il possède. Pour des raisons de santé revenir à la campagne était pour Jérôme une tentative de retour à une vie plus saine après un début de carrière dans une entreprise d’ingénierie. Son objectif est de créer une nouvelle façon de vivre plus consciente dans tous les domaines, y compris Jérôme Collet © José Luc Manzanares des nouvelles approches d'habitat, d’alimentation, de santé, d'éducation, de mobilité, vestimentaires, et ainsi de suite. Le projet de Jérôme est inspiré par le Mouvement Colibris, une organisation créée par Pierre Rhabi qui est l'un des pionniers de l'agriculture écologique en France et qui a acquit une renommée internationale pour son travail contre la désertification. Projet Oasis est le plus récent projet de l'organisation visant à faciliter la création de centaines de lieux écologiques et d’habitations partagées et qui a pour but d’inspirer une nouvelle façon de vivre dans les zones urbaines et rurales françaises, tout cela en moins de 5 ans. Ce mois de Septembre 2015, Mouvement Colibris lance une campagne nationale dans le but d'engager 36.000 maires de France dans les projets Oasis. Quelques-uns de ces projets ont déjà été construits en France. Au cours de l'atelier, nous avons examiné le projet de Jérôme au travers d’un outil systémique qui considère trois systèmes imbriqués (c’est à dire une holarchie) comme indiqué dans la photo ci-dessous. Dans une holarchie le but de chaque système est de soutenir, et de générer de la valeur « ajoutante » pour, le système supérieur dans lequel il est imbriqué. Alors qu’il est évident que le projet d’écovillage a un énorme potentiel pour jouer un rôle Jérôme Collet © José Luc Manzanares régénérateur pour Crucuno (le « système proche »), la définition du « grand système » était beaucoup moins évident pour le groupe. Nous avons estimé que la relation n’était pas géographique; au contraire, nous avons pensé que, une fois que Crucuno aura retrouvé son dynamisme et sa vitalité, le village pourra devenir un site de démonstration avec une influence bien au-delà de la région locale. Cet impact pourrait facilement être amplifié si l'écovillage devient officiellement un 'Projet Oasis' au sein du réseau en cours de création par le Mouvement Colibris. Nous avons constaté que le potentiel de régénération de Crucuno était vaste et, si il se réalise, cela pourrait affecter les « Cinq Capitaux » habituellement considérés dans un projet de régénération: capital humain, social, écologique, financier et fabriqué/manufacturé. Quelques idées que nous avons explicitement discutées lors de l'atelier comprennent, par exemple, la nécessité de redécouvrir les pratiques locales qui ont été utilisées dans le village auparavant pour ramener l'artisanat local, et augmenter ainsi le capital humain. Le capital social pourrait être énorme à condition que le projet et les diverses interventions animent l'intérêt, la volonté et l'engagement à la fois des anciens du village et des nouveaux habitants, afin de régénérer Crucuno et d’aider la population à reconstruire des relations plus étroites que ce qu’elles ne sont aujourd’hui. Il est nécessaire de réveiller l'estime personnelle des habitants afin de les aider, par exemple, à surmonter les tendances au repli sur soi présentes dans le village. Nous avons aussi proposé Article Béatrice Benne_ Comprendre et développer le Lieu comme un écosystème vivant (PARTIE 2) 22 SEPTEMBRE 2015 (Traduction Université Terre & Mer France)
Article Béatrice Benne_ Comprendre et développer le Lieu comme un écosystème vivant (PARTIE 2) 22 SEPTEMBRE 2015 (Traduction Université Terre & Mer France)
la création d'une école locale car il y a des enfants qui habitent le village, y compris les enfants de Jérôme. Jérôme est grandement intéressé à encourager les agriculteurs locaux et peut-être les jeunes à développer l'agriculture biologique et la permaculture sur les terres agricoles non utilisées. Une campagne régionale pour trouver de nouvelles façons de gérer les déchets pourrait faciliter la fermeture de l'incinérateur, libérant des terrains pour le développement et, par conséquent, générer de nouveaux capitaux écologiques, financiers et construits. Au-delà du développement de l'écovillage, certains dans le groupe ont mentionné la nécessité de réhabiliter les bâtiments vacants existants afin d’accroitre la valeur construite du village. Il sera également important de garder un œil sur la liste de l'UNESCO du patrimoine mondial car cette image de marque peut générer à la fois des résultats positifs (par exemple, des possibilités de financement, des revenus du tourisme, etc.) ainsi que des résultats potentiellement négatifs tels que la perte de tranquillité, la pollution, et certains développements indésirables. Puisque le but de l'atelier n’était pas de procéder à une analyse complète de « l'Histoire du Lieu », je n’ai jamais supposé que le groupe serait en mesure de découvrir « qui » Crucuno est, à savoir, son identité et sa vocation, dans le temps très court qui nous était imparti. Nous avons néanmoins eu collectivement quelques idées profondes, qui sont allées bien au-delà de mes propres attentes. Le groupe a défini intuitivement que le « but principal » de Crucuno est la « création de connexions » : connexions entre les gens; entre les habitants et le lieu; entre la communauté locale et la communauté élargie qui inclue des individus intéressés à créer des solutions qui facilitent la transition vers une nouvelle façon de vie plus écologique et consciente. Pour atteindre son but, nous avons suggéré que Crucuno utilise un « processus principal » de « transmutation » qui permet au village d'évoluer d'un état à un autre. La « valeur ajoutante principale » générée par ce processus est de « vivifier, de créer de l'harmonie et d’améliorer la santé ». Bien que nous ne pouvons pas déterminer de façon certaine qu'elle est l'essence, l'identité et la vocation de Crucuno avant que nous ayons complété l’analyse de l'histoire du village—et je dois souligner que je ne sais pas si nos idées vont vers la bonne direction—les trois idées mentionnées ci-dessus : la « création de connexions », la « transmutation » et les notions de « vivifier, de créer de l'harmonie et d’améliorer la santé » ont toutes très profondément résonnées avec le groupe. Fait intéressant, ces idées ont émergées du groupe dans la dernière demi-heure de l'atelier et l'énergie dans le cercle à ce moment là était très élevée. Je crois que nous avons tous senti que nous nous approchions de quelque chose de très important. Malheureusement, en raison de la limitation de temps, nous avons dû ajourner assez brusquement l’atelier et nous n’avons pas eu le temps de méditer sur les implications de ces idées pour le projet d'écovillage. Néanmoins, il m’a semblé que nous avions touché du doigt quelque chose d’assez puissant. C’est peut être ce que Jérôme a ressenti et a voulu partager dans cette note qu’il m'a envoyé après l'atelier dans laquelle il écrit:
« Merci pour ces 3 jours, c’était magique, tu nous as connecté à plus grand encore qu'imaginé... » Et il a humblement ajouté:
« Ce projet ne m’appartient pas, je suis juste un serviteur pour quelque chose qui me dépasse et qui me guide... »
Article Béatrice Benne_ Comprendre et développer le Lieu comme un écosystème vivant (PARTIE 2) 22 SEPTEMBRE 2015 (Traduction Université Terre & Mer France)
Article Béatrice Benne_ Comprendre et développer le Lieu comme un écosystème vivant (PARTIE 2) 22 SEPTEMBRE 2015 (Traduction Université Terre & Mer France)
Pour moi, l'une des contributions les plus importantes de l'atelier pour le projet de Jérôme—et l’une des contributions principales d'un processus de régénération—est une augmentation du niveau d'énergie et de la motivation des acteurs et des parties prenantes. Une fois de plus, au travers des mots de Jérôme : « Nolwenn, Didier et Muriel sont super motivés. Nous allons avancer très vite, des réunions sont déjà prévues dès cette semaine ». Sentiments que Nolwenn Bouillaud, qui travaille avec Jérôme sur le projet, a confirmé par écrit:
« Notre petit groupe de travail s'élargit comme la motivation… » Il n'y a rien de plus gratifiant pour moi que de savoir qu'un petit groupe d'individus bien intentionnés peut en trois jours redynamiser la qualité de leur « être » et de leur volonté afin de continuer à conduire avec passion la planification, la conception et le développement d'un projet qui a le potentiel de régénérer une communauté locale, si ce n’est une région. Mon humble contribution a été simplement de créer une structure et de faciliter un processus soigneusement conçu et de guider le groupe dans son exploration. Le village de Crucuno a révélé son identité, sa vocation et ses espoirs pour son devenir à tous ceux qui ont su voir et écouter. Les professionnels présents ont observé les traces et synthétisés ce qu'ils ont vu et entendu, tout en restant connecté à leurs cœurs. En effet, l'ensemble de l'atelier a été imprégné de l'amour des participants et de leur intérêts et soins pour le village ainsi que pour Jérôme et son projet.
L’amour, peut-être que c’est ça la recette! C’est pour cela que je fais ce travail !
Article Béatrice Benne_ Comprendre et développer le Lieu comme un écosystème vivant (PARTIE 2) 22 SEPTEMBRE 2015 (Traduction Université Terre & Mer France)
